Journal de ma vie (Bassompierre)/Troisième tome/Journal

La bibliothèque libre.
Journal de ma vie. Mémoires du maréchal de Bassompiere
Texte établi par le marquis de ChantéracRenouard, libraire de la Société de l’histoire de France (tome 3p. 1-419).


JOURNAL DE MA VIE


1622.
Janvier.


Le premier jour de l’an 1622 le roy fit ses pasques, et apres luy, voulut que tous les chevaliers de son ordre, là presens, communiassent a sa messe.

Il en partit le lendemain, marchant a petites journées jusques a Aigres[1] ou Mr le Prince le vint trouver, lequel comme extremement habile et accort, fit egalement bon visage a tout le monde sans incliner d’aucun costé jusques a ce qu’il eut reconnu le cours du marché. Son dessein estoit de porter le roy a la continuation de la guerre huguenotte, pour trois raysons, a mon avis : la premiere, pour l’ardente affection qu’il a à sa religion, et haine contre le party huguenot ; l’autre, pour penser mieux gouverner le roy en temps de guerre qu’en temps de paix, car il seroit infailliblement lieutenant general de son armée ; et la derniere, pour l’eslongner de la reine sa mere, de monsieur le chancelier et des vieux ministres, quy estoit son antipathie.

Il y avoit a la suitte du roy l’abbé Rouccelay quy estoit en parfaitte intelligence avec le feu connestable, et quy l’avoit assisté jusques a sa mort. Cet abbé, riche de patrimoine et de benefices, de bonne maison, addroit, sçavant et bien fait, avoit aspiré au bonnet de cardinal, pour a quoy parvenir il s’estoit fait clerico de camera[2] a Rome, quy est un office de cinquante mille escus que l’on perd en devenant cardinal : il estoit de plus prefect de l’annona[3], intime du cardinal Borguese[4], et quy croyoit sans difficulté parvenir a cet honneur, lequel pour accelerer il avoit voulu recompenser la tresorerie du pape, quy luy donnoit l’acces infaillible au cardinalat ; mais il y avoit esté traversé par madame la grand duchesse[5] quy avoit hay son pere, et eslongné de la personne et des affaires du feu grand duc son mary. Luy, quy pensoit par l’intercession de la reine mere pouvoir adoucir l’esprit de madame la grand duchesse, vint en France avec un noble equipage, apportant forces presens qu’il distribua à la court, et s’insinua aux bonnes graces du mareschal d’Ancres ; mais sa mort, et l’eslongnement de la reine mere, luy reculerent ses desseins, et luy firent donner un commandement par le roy de se retirer de la court, ou peu apres il revint par ma sollicitation, et la caution que je voulus estre pour luy de sa fidellité[6]. Mais comme il estoit passionné au service de la reine mere, il se mit a pratiquer les uns et les autres pour elle, et en fin fit luy mesme donner avis a Mr de Luines qu’il le falloit de nouveau eslongner de la court, dont on luy fit commandement. Il se retira en une de ses abbaïes, nommée Signi les Bois[7], proche de Sdan, ou il commença à pratiquer Mr de Boullon, et en suitte Mr d’Espernon quy s’estoit retiré a Mets mal satisfait de la court : il reunit par ses entremises ces deux seigneurs ennemis, et les porta sy bien pour la reine, qu’il fit venir Mr d’Espernon a Loches recevoir la reine mere, et l’emmener a Angoulesme. Il porta aussy Mr de Saint Luc a se joindre a elle, et gouverna sa court, et son esprit quelque temps, jusques a ce que monsieur l’evesque de Lusson l’estant venu retrouver a Angoulesme, il sappa petit a petit son autorité ; a quoy l’insolence et peu de conduitte de l’abbé Rouccelay luy donna jour, lequel se retira d’aupres de la reine a la premiere paix quy fut faite a Angoulesme[8], ayant auparavant remply cette court de factions quy firent battre le marquis de Temines et Richelieu quy y mourut, et eslongner le marquis de Mosny[9] quy se vint jetter entre les bras de Mr de Luines avec Rouccelay, lequel les receut tous deux ; et en peu de temps Rouccelay s’insinua tellement en sa bonne grace qu’il avoit l’entiere faveur. Sur cela Mr le Prince sortit de prison, auquel il s’attacha, tant pour avoir quelqu’un quy le protegeat contre la reine mere quy luy vouloit mal de mort, que pour le reunir estroittement avec Mr de Luines, ce qu’il fit, de sorte que Mr de Luines luy fit donner la generalité de l’armée du roy au Pont de Sey. Depuis, Mr de Luines estant mort, et Rouccelay privé de ce support, il se jetta entierement au service de Mr le Prince, et le servit utilement en plusieurs occasions.

Il avoit pour amis les ministres et tous nous autres. Il sçavoit les desseins du feu connestable, et estoit addroit et rusé. Mr le Prince voulut sçavoir de luy l’estat de la court, quy luy dit qu’elle estoit divisée entre les trois ministres quy vouloint posseder l’esprit du roy a l’exclusion de tous autres, et les trois mareschaux de France[10] et quelques uns de nous quy n’y consentions pas ; que le roy me parloit souvent et avoit quelque creance en moy quy pourrois m’avancer plus avant sy j’y voulois prendre soin, mais que mon intention n’alloit point a la faveur presente a quoy il m’avoit voulu porter, mais qu’il m’y avoit trouvé fort eslongné, sy bien[11] à avoir aupres du roy la part en ses bonnes graces que mes services m’y feroint meriter : il luy dit aussy que nous n’estions pas toujours de mesme sentiment avesques ces ministres, et que cinq jours auparavant j’avois asprement parlé au roy contre eux en un conseil. Il[12] luy demanda sy j’estois porté a la guerre. Il[13] luy respondit que je serois toujours porté a tout ce quy seroit au bien et a l’advantage du roy ; que j’avois pressé feu monsieur le connestable d’entendre a la paix que Mr de Rohan luy proposoit, sur la crainte que j’avois que l’on ne reussit pas au siege de Montauban, et qu’il me pourroit parler et sonder mon intention. Rouccelay aussy me dit que Mr le Prince me parleroit et qu’il sçauroit de moy ou j’estois porté ; ce quy m’y fit songer et me preparer a la response que je lui devrois faire.

Mr le Prince s’aboucha premierement avesques les ministres qu’il trouva enclins a la guerre, a eslongner le roy le plus qu’ils pourroint de Paris, affin de le mieux gouverner, et a empescher qu’aucun favorit ne puisse a l’avenir occuper la place qu’avoit tenue Mr de Luines avec tant d’autorité, quy estoit tout ce que vouloit Mr le Prince, quy ne laissa pas en suitte de parler a Mr le mareschal de Crequy et sonder son intention : il la trouva portée a la paix, et au repos de la France, sy le roy la pouvoit avoir des huguenots avesques des conditions avantageuses et dignes de Sa Majesté, sinon de poursuyvre les huguenots, et les mettre a la rayson et en leur devoir. Il me parla en suitte et me trouva de conforme sentiment. Je luy dis de plus qu’il trouveroit Mr de Pralain et tous les autres bons serviteurs du roy de mesme opinion. Il me dit entre autres choses ces mots : « C’est grand cas : tous vous autres, gens de guerre, quy la devriés desirer et quy n’attendés de parvenir que par elle, voulés la paix, et les gens de robe et d’estat demandent la guerre. » Je luy respondis que je desirois la guerre et qu’elle devoit causer ma fortune et mon avancement, mais que c’estoit avec condition que ce fut le service du roy, et le bien de l’Estat ; qu’autrement je m’estimerois mauvais serviteur du roy, et mauvais François, sy pour mon bien particulier j’affectois une chose quy deut causer a l’un et a l’autre tant de mal et de prejudice. Il dit a Rouccelay, apres avoir parlé a Mr le mareschal de Crequy et a moy, que nous n’estions pas ses gens, et qu’il auroit plus d’acquest avesques les ministres qu’avec nous. Il se comporta neammoins avesques beaucoup de discretion, se conservant pour serviteurs les uns et les autres.

Le roy vint un soir[14] coucher a Chisay[15] et voulut se mettre au jeu, attendant l’heure du souper avesques quelques-uns de nous. Il parloit de fortune a Mr le mareschal de Praslain et a moy un peu auparavant qu’il se voulut asseoir, quand Mr le cardinal de Rets et monsieur le garde des sceaux arriverent avec Mr de Chomberg. Le roy nous dit en les voyant entrer : « Mon Dieu, que ces gens sont fascheux ! Quand on pense passer son temps, ils me viennent tourmenter, et le plus souvent n’ont rien a me dire. » Moy, quy estois bien ayse de leur donner une estrette en revanche de ce qu’ils faisoint tous les jours contre moy, dis au roy : « Comment, Sire, ces messieurs viennent-ils sans estre mandés de vous, ou sans avoir precedemment fait sçavoir a Vostre Majesté qu’il y avoit quelque chose d’importance a deliberer, et sur ce, demandé vostre heure ? » « Non, ce me dit-il, ils ne me le font jamais sçavoir, et viennent quand il leur plait, et la plus part du temps quand il ne me plait pas, comme a cette heure. » « Jesus, Sire, est-il possible ? luy respondis je ; c’est vous traitter en escolier, et eux se font vos pedagogues quy vous font venir a la leçon quand il leur[16] plait. Il faut, Sire, que vous negotiiés en roy, et que tous les jours, a vostre arrivée en quelque lieu, un de vos secretaires d’Estat vous vienne dire s’il est arrivé quelque nouvelle importante quy merite d’assembler vostre conseil, et que sur cela vous leur mandiés qu’ils vous viennent trouver, ou a l’heure mesme, ou a celle quy vous sera le plus commode ; et sy ils ont quelque chose a vous dire, qu’ils vous le facent sçavoir precedemment, et lors vous leur manderés quand ils auront a vous venir trouver. C’estoit ainsy que le feu roy vostre pere negotioit, et comme il faut que Vostre Majesté en face, et lors qu’ils y viendront autrement, les renvoyer comme ils seront venus, et leur dire fermement une fois pour toutes. » Le roy prit en fort bonne part ce que je luy avois remontré, et me dit que des l’heure mesme il mettroit mon conseil en pratique, et continua de causer avec Mr le mareschal de Pralain et moy. Quand cela eut un peu duré, Mr le Prince vint dire au roy : « Sire, ces messieurs vous attendent pour tenir conseil. » Le roy se tourna devers Mr le Prince avec un visage esmeu, et luy dit : « Quel conseil, Monsieur ? Je ne les ay point mandés ; je serois en fin leur vallet : ils viennent quand il leur plait, et lors qu’il ne me plait pas. Qu’ils s’en retournent s’ils veulent, et qu’ils ne viennent que quand je leur manderay ; c’est a eux a prendre mon heure et a me l’envoyer demander, et non a moy a la prendre d’eux. Je veux qu’un secretaire d’Estat se trouve tous les jours quand je descendray a la giste en quelque lieu pour me dire ce qu’il y a de nouveau, et selon cela je leur donneray mon heure ; mais je ne prendray jamais la leur : car je suis leur maitre. » Mr le Prince se trouva un peu surpris de cette response et se doutta bien de quelle boutique elle venoit. Il s’en retourna leur dire, lesquels luy firent dire[17] par Mr le Prince qu’ils n’estoient venus que pour recevoir l’honneur de ses commandemens comme courtisans et non autrement, et que seulement Sa Majesté leur voulut dire un mot, apres quoy ils s’en retourneroint ; ce que le roy fit, mais bien brusquement, quy fut : « Messieurs, je m’en vas jouer avesques cette compagnie. » Ils luy firent lors une grande reverence et puis s’en allerent bien estonnés. Mr le cardinal de Rets envoya querir Mr le mareschal de Pralain quy estoit son bon amy, et luy fit des plaintes de moy, disant que je leur avois fait jouer ce tour. Il leur dit que ouy, qu’il en estoit tesmoin et que je n’estoís pas marry qu’ils le sceussent, et que je n’estois pas resolu d’en faire moins a l’avenir ; qu’ils me tenoint sur les rangs[18], et mes amis aussy, quand ils estoint avecques le roy, non pas luy (car sa modestie et mon amitié le divertissoint de le faire), mais Mrs de Vic et de Chomberg ; que de mon costé je ne les espargnerois pas aussy, et que le roy m’avoit dit ce qu’ils luy disoint de moy, dont je n’estois pas gueres en peine, car le roy me connoissoit bien.

Je vis le lendemain Mr le cardinal de Rets et l’asseuray pour son particulier de mon tres humble service ; aussy luy estois je obligé : mais je luy dis franchement que pour les autres, je n’estois pas de leurs amis, et que je voulois bien qu’ils le sceussent. Il desira de me rabienner[19] avec eux ; mais deux choses m’en empescherent, et eux aussy : l’une, que ce soir mesme que monsieur le cardinal m’avoit parlé le matin, arriva la nouvelle de l’extremité de la maladie de Mr le mareschal de Roquelaure[20], et ces messieurs en corps avec Mr le Prince vindrent demander au roy la charge de mareschal de France qu’il avoit, pour M. de Chomberg ; le roy ne leur fit autre response sinon de leur dire : « Et Bassompierre, que deviendra il ? » Cette creue response toucha fort Mr de Chomberg, et depuis ce jour là nous ne nous parlames plus.

Il arriva le lendemain[21] que le roy ne fit qu’une poste en sa journée, de quoy nous estions marris pour voir que ces messieurs faisoint expres retarder le roy de venir a Paris, pensant avec le temps empieter[22] l’autorité avant qu’il eut veu la reine sa mere et les vieux ministres[23]. Mr le mareschal de Crequy et moy, nous chauffans en la garde robbe du roy, nous plaignions de ces petites traittes. Le comte de la Rocheguyon[24] nous dit que ce que l’on en faisoit estoit pour la consideration des gardes françoises et suisses, quy ne pourroint suyvre autrement. Nous dismes lors que cette consideration ne devoit point causer ce long retardement ; que nous quy commandions l’une et l’autre garde, ne nous en plaignions point, et qu’elles marcheroint aussy fort qu’il plairoit au roy, et que nous leur ferions faire ce que nous voudrions. Sur cette derniere parole quy fut rapportée aux ministres, ils en vindrent faire trois plats au roy, disans que nous nous vantions de faire faire aux deux regimens des gardes ce que nous voudrions, et que nous les tournerions de quel costé il nous plairoit : ils prindrent le roy dans son foible, quy se fascha de voir que nous mettions son autorité en compromis. C’estoit la veille devant son arrivée a Poitiers : il me dit que je luy vinsse parler le lendemain matin, et me dit : « Je vous ay promis de vous dire tout ce que l’on me diroit de vous : c’est pourquoy m’ayant esté rapporté que vous vous vantiés de porter les Suisses a faire tout ce que vous voudriés, et mesmes contre mon service, je vous ay bien voulu faire sçavoir que je ne trouve pas bon que l’on tienne ces discours, et moins vous qu’un autre, auquel j’ay toujours eu une entiere confiance. » Je luy dis : « Dieu soit loué, Sire, de ce que mes ennemis cherchans tous les moyens de me nuire, n’en peuvent trouver qu’il ne me soit aysé de les destourner et rendre vains. Celuy cy est de cette qualité, et vous en pouvés sçavoir la verité par leur bouche mesme, bien qu’elle n’ait pas gueres accoustumé d’en sortir : demandés leur sur quel sujet j’ay dit que je ferois faire aux Suisses ce que je voudrois, et s’ils ne vous disent que ç’a esté sur celuy de leur faire faire de grandes ou petites traittes, sur ce que nous nous plaignions, Mr de Crequy et moy, que l’on fait faire par jour moins de chemin a Vostre Majesté pour retourner a Paris, que n’en feroit une pourcession de paroisse, je veux perdre la vie ; et Vostre Majesté peut juger sy cela vous touche, ou non, et sy Elle doit prendre ce discours comme d’une vanterie de pouvoir employer les Suisses contre vostre service. » Sur cela il appella Berringuen et Jaquinot[25], et leur demanda en ma presence, quy luy dirent la mesme chose, dont il demeura satisfait, et en parla en suitte a Mr de Crequy comme d’une chose qu’il avoit desja esclaircie, et quy peu de jours apres retourna sur le visage des auteurs ; car comme le roy estoit a Chastellerault[26], ceux du conseil luy proposerent d’aller le lendemain coucher a la Haye, ausquels il respondit : « Je ne vous en croyray pas, Messieurs ; car sy vous pouviés, je ne retournerois de trois mois a Paris », et alla coucher a Sainte Maure.

Mr d’Espernon vint trouver le roy a Poitiers, quy luy laissa des forces et a Mrs de Saint Luc et de la Rochefoucaut pour resister aux huguenots de Poitou et Saintonge. On donna le gouvernement en chef de Poitou a Mr de la Rochefoucaut, vacant par la deffection de Mr de Rohan. On my-partit la lieutenance generale entre Mrs de la Chastaigneraye[27] et de Brassac ; mais le premier n’en ayant voulu pour la moytié, Brassac l’eut toute entiere. Rouccelay eut, par l’intervention de Mr le Prince, des ministres et de moy, l’abbaïe de l’Or de Poitiers[28] proche de Saint Maissant, que possedoit precedemment Mr de Rohan.

Peu de jours apres[29] nous arrivasmes a Paris ou messieurs le chancelier et president Jannin prindrent quelque creance aupres du roy et luy persuaderent de ne se pas eslongner de la paix lors que les huguenots se mettroint en leur devoir et qu’il y trouveroit les conditions avantageuses ; et parce que le reste de ceux du conseil y avoint une entiere repugnance, le roy se resolut d’employer Mr le duc Desdiguieres pour la traitter, avec Mr le mareschal de Crequy et Mr de Bullion[30], et qu’il n’en descouvriroit aucune chose qu’a Mr de Puisieux, et a moy, a quy il commanda de tenir l’affaire tres secrette, et voulut que l’on fit de la part de Mr Desdiguieres doubles despesches, l’une quy se verroit et resoudroit dans le conseil ; l’autre, particuliere, adressante a Mr de Puisieux, qu’il ne communiqueroit qu’au roy, et m’en feroit part.

Fevrier. — Le roy manquoit de mareschaux de camp pour ses armées, ceux quy l’estoint l’an precedent estans morts ou montés a d’autres charges, et moy je ne voulois plus servir en celle là pour n’y avoir des compagnons quy fussent de mon calibre ; mais le roy m’honora de la charge de premier mareschal de camp par brevet particulier, pour donner les ordres et commander precedemment aux autres en tous les quartiers ou je me trouverois, n’avoir point de jour affecté comme les autres, quy se rendroint en mon logis où se feroint les projets de ceux de l’armée ; et autres privileges que j’acceptay avesques tres grand contentement.

Le roy voulut que Zammet servit ; la reine mere le supplia de faire servir Marillac, et il fut aysé a Mr le Prince d’obtenir la troisieme place pour Mr de Valançay[31], lieutenant de sa compagnie de gensdarmes, quy estoit beau frere de Mr de Puisieux, pour lequel monsieur le chancelier, luy, et moy, nous employames avec efficace.

Mr le Prince eut la charge de lieutenant general, et Mr de Chomberg la commission de l’artiglerie ainsy que l’année precedente. Le roy voulut que Mr le mareschal de Pralain vint a l’armée, mais ne luy voulut pour lors donner autre commission que celle qu’il avoit par son office.

Cependant nous passames assés bien le temps cet hiver là a Paris, tant a la court qu’a la foire de Saint Germain, et le caresme prenant fut accompagné de plusieurs belles comedies et grands ballets. La court estoit fort belle, et les dames aussy ; mais sur le millieu du caresme (mars) il arriva un accident quy fit quelque desordre : la reine devint grosse, et l’estoit de six semaines quand un soir, madame la Princesse tenant le lit, la reine y alla passer la soirée jusques apres minuit avesques les autres princesses et dames du Louvre ; Mrs de Guyse, les deux freres de Luines, Mr le Grand, Blainville et moy, nous y trouvames, et la compagnie fut fort gaye, quand la reine s’en retournant coucher et passant par la grande salle du Louvre, madame la connestable de Luines et Mlle de Verneuil la tenans sous les bras et la faisans courir, elle broncha et tomba en ce petit relais du haut dais, dont elle se blessa, et perdit son fruit[32]. On céla l’affaire le plus que l’on peut au roy tant qu’il fut a Paris d’ou il se resolut de partir le dimanche de Pasques fleuries[33] pour aller faire ses pasques a Orleans et de là passer par le Berry et s’en aller a Lion pour attaquer le Languedoc et le reduire en son obeissance cet esté là.

Le mesme jour que le roy partit, les amis communs de Mr de Chomberg et de moy (faschés de voir nostre mauvaise intelligence), travaillerent pour nous remettre bien ensemble, ce quy leur fut aysé ; car nous y estions tous deux portés. Ils nous firent voir apres vespres aux Chartreux ou ils nous donnerent rendés vous, d’ou nous sortimes tres bons amis.

On fit sçavoir au roy comme, et en quelle façon la reine s’estoit blessée, et on l’anima tellement contre ces deux dames, qu’il despescha de Touri La Foulaine[34] a la reine pour luy mander qu’il ne vouloit plus que Mlle de Verneuil ny madame la connestable de Luines fussent aupres d’elle, et leur escrivit chascune une lettre pour leur faire sçavoir qu’elles eussent a se retirer du Louvre[35].

J’ay dit cy dessus que le roy estant a Poitiers pourveut aux affaires de Saintonge et de Poitou autant qu’il le jugea convenable, donnant a Mr d’Espernon le premier commandement partout ou il seroit de ces provinces là, et luy laissa quattre mille hommes de pié, et quattre cens chevaux : il bailla deux mille hommes de pié et deux cens chevaux a Mr de la Rochefoucaut, et pareil nombre a Mr de Saint Luc, avec ordre de reconnestre Mr d’Espernon et d’aller en Saintonge, Angoulmois et Aulnis avesques leurs forces quand il leur manderoit de le venir assister ; et que le premier des deux quy arriveroit pres de luy, seroit son lieutenant general, et l’autre serviroit de mareschal de camp ; que sy aussy Mr d’Espernon venoit en la province de l’un ou de l’autre, pour les secourir, celuy dans la province duquel il seroit, feroit la charge de lieutenant general, et l’autre de mareschal de camp ; et le roy recommanda a tous trois une parfaite union et intelligence pour le bien de son service, auquel il pensoit avoir suffisamment pourveu par cet establissement. Mais il arriva que Mr d’Espernon ayant mandé a ces deux messieurs de le venir trouver en Saintonge avesques leurs forces, ils y accoururent promptement et y demeurerent jusques a ce qu’ils en eussent chassé Mr de Soubise quy avoit lors sur pié une armée de sept mille hommes de pié, et sept cens chevaux huguenots : mais le dit sieur de Soubise s’estant de là jetté dans le gouvernement de Mr de Saint Luc, puis en suitte dans le Poitou, Mr d’Espernon ayma mieux garder ses gouvernemens avec les trouppes qu’íl avoit, que de les employer a secourir ses voysins, lesquels s’en estans plaints au roy, et mandé qu’ils ne pouvoint conserver leurs gouvernemens avesques les trouppes qu’ils avoint s’ils n’estoint secourus de plus grandes, le roy envoya vers Mr d’Espernon un nommé le Fay[36] pour luy ordonner que toutes choses cessantes, il eut a aller secourir le Poitou avesques les trouppes que Sa Majesté luy avoit laissées. Mais ledit Fay ne luy ayant pas parlé a son gré, il le malmena, lequel estant de retour aupres du roy, l’anima bien fort contre Mr d’Espernon, et luy ayant de rechef renvoyé, il en revint avesques aussy peu de satisfaction que la premiere fois, dont le roy fut fort en colere, se resolut d’aller luy mesme secourir le Poitou et puis entrer par la Guyenne dans le Languedoc, au lieu d’y venir, comme il avoit deliberé, par le Lionnois. Pour cet effet il s’avança a Blois[37], fit venir vers luy toutes ses forces (la reine sa mere estoit allée faire ses pasques a Orleans avesques luy et le vouloit accompagner en tout ce voyage, la reine sa femme demeurant avesques monsieur son frere), et ayant fait amasser tous les batteaux qu’il peut sur la riviere, il y fit embarquer ses trouppes et acheminer a bonnes journées sa cavalerie sur la levée de Loire vers Nantes ou il donna le rendés vous general, affin d’aller en diligence joindre Mr de Soubise qui ravageoit le bas Poitou sans aucune resistance, Mr de la Rochefoucaut n’ayant pas plus de cent chevaux et quinse cens hommes de pié pour luy resister.

Le roy me despescha un courrier pour me faire venir le trouver en diligence, ce quy me fit partir de Paris le mercredy 6me jour d’avril, et vins coucher a Chatres[38], le lendemain a Orleans, puis a Tours ou je me mis sur la Loire et allay coucher a Saumur, de là a Ensenis[39], et le lundy 11me je fus a disner a Nantes ou estoit le roy, quy commença a me faire quelques plaintes de Mr le Prince, que Arnaut et Saint Jeri[40], en venant sur la riviere, luy avoint occasionnées, lesquels bien qu’ils fussent ses serviteurs affidés, pour jouer le double et faire voir au roy qu’ils ne l’estoint pas, parloint mal de luy. Je rabattis ces coups autant qu’il me fut possible ; car je faisois profession d’estre tres humble serviteur de Mr le Prince, comme je luy avois promis avant que de partir de Paris.

La reine mere quy estoit venue avesques le roy se trouva mal a Nantes et y demeura lors que le roy en partit pour aller chercher en bas Poitou Mr de Soubise, le mardy 12me, et alla coucher a Viellevigne[41].

Le mercredy 13me il logea a Legey[42] ou luy furent portées nouvelles par un nommé le Bois de Carquerois[43], qu’il avoit envoyé pour garder l’isle de Riés, que les ennemis l’avoint occupée, l’en avoint chassé, et y estoint logés ; que Mr de la Rochefoucaut, avec ce peu de trouppes qu’il avoit, s’estoit venu camper au bout de la chaussée par ou ils estoint entrés dans l’isle de Riés, et qu’ils avoint plusieurs vaisseaux a Croix de Vie et a Saint Gisles[44] pour rammener leur butin quy estoit grand (et leurs personnes), a la Chaume et aux Sables[45], et de là a la Rochelle. Le roy aussy tost assembla son conseil pour deliberer de ce que l’on auroit a faire, auquel la plus part furent d’avis d’aller le lendemain loger a Aspremont[46] et prendre le chemin de Saintonge et de Guyenne pour aller faire la guerre en Languedoc. Mr le Prince proposa d’avancer encores une journée jusques a Chalans[47], quand ce ne seroit que pour voir la contenance des ennemis, et qu’il pourroit arriver qu’ils nous donneroint jour de les aller combattre dans l’isle mesme de Riés. Ce dernier avis fut suyvy, et l’ordre donné pour aller le lendemain jeudy 14me loger a Chalans.

Le roy voulut que l’on marchat en quelque ordre de battaille, non tant pour crainte des ennemis, puis que Mr de la Rochefoucaut les empeschoit de pouvoir venir a nous, que pour marcher en gens de guerre. Mr de Marillac eut ordre d’aller faire le logement du roy et de l’armée a Chalans, et la compagnie de carabins d’Esplan de l’escorter. Comme il y fut arrivé sur le midy, et qu’il estoit occupé a cantonner le quartier, vindrent a luy des habitans de l’isle de Periés quy confine a celle de Riés, et n’y a qu’un canal entre deux sur lequel il y a un pont nommé le pont d’Auroit[48] : ils luy dirent qu’ils avoint tellement quellement fortifié ledit pont pour empescher Mr de Soubise et son armée de les venir saccager, lequel pont ils avoint maintenu contre l’attaque que l’on y avoit faite, et que sy on leur vouloit donner cinquante arquebusiers, qu’ils le garderoint, et leur isle, contre toute la puissance ennemie. Marillac leur demanda par ou il falloit aller a l’isle de Periés : ils luy dirent qu’a huit cens pas de Chalans estoit une chaussée par laquelle on y entroit. Luy quy pensoit que cette chaussée ne dureroit au plus que cinq ou six cens pas, apres avoir cantonné promptement le logis du roy, et laissé aux mareschaux des logis et aydes de camp le reste a faire, ayant mandé au roy qu’il s’en alloit a Periés d’ou il luy manderoit nouvelles des ennemis, s’y achemina.

Le bas Poitou est ainsy nommé parce qu’il baisse vers la mer, et que toutes les eaux du haut Poitou y viennent descendre, desquelles il se fait de grands marescages lesquels en basse mer sont secs hormis les canaux ou passent les eaux et [en] haute mer sont inondés hormis plusieurs petites mottes ou il y a des maisons basties en quelques unes, et les autres servent a retirer le bestail jusques a ce que le flux soit retiré : et parce qu’il y a plusieurs petits païs quy ne sont point inondés proche de la mer, ausquels neammoins les eaux douces empeschent l’entrée, il y a des longues chaussées quy y conduisent, quy sont faites a angles saillans et rentrans ; et ces lieux sont nommés isles parce qu’il n’y a aucun acces sans passer l’eau, que par ces chaussées. Ainsy est faite l’isle de Riés, ainsy celle de Periés, celle de Saint Jean des Monts, et autres.

Mr de Marillac se jetta dans la chaussée quy va de Chalans a Periés, ayant mis devant luy cinquante arquebusiers a cheval, quy estoit la compagnie d’Esplan ; quelque trente gentilshommes volontaires l’accompagnerent, et passa cette chaussée quy contre son attente avoit plus de deux lieues de long. Il trouva a son arrivée que les ennemis taschoint de forcer ce pont que les habitans deffendoint encores assés bien, attendant ce secours. Il fit mettre ces carabins pié a terre, et occuper la place des païsans a la garde du pont, ce que les ennemis ayans apperceu et mesmes qu’il y avoit de la cavalerie dans l’isle, ralentirent leur effort. Marillac cependant donna avis au roy que, sy on luy envoyoit deux mille hommes, il garderoit l’isle et tiendroit sur cul les ennemis jusques a ce que le roy eut resolu, ou de les attaquer, ou de les laisser passer, et que cependant il se faisoit fort de tenir l’isle de Periés tout ce jour. Esplan demanda a parler a Mr de Soubise quy le vint trouver proche du pont et luy parla, le canal entre deux : cela les amusa jusques sur le tard.

Cependant le roy estant arrivé et logé a Chalans, eut les nouvelles de Marillac, et ayant assemblé son conseil, resolut d’envoyer quatorse compagnies de son regiment des gardes pour la conservation de l’isle de Periés, et que le lendemain au jour, il se mettroit en battaille avesques la cavalerie qu’il avoit, a la veue de Riés, a cinq cens pas d’ou La Rochefoucaut estoit campé, quy s’y mettroit aussy. Il ordonna que je mettrois son infanterie en battaille sur le bord de la chaussée pour faire ce que Mr le Prince m’ordonneroit, quy passeroit avec Mr le mareschal de Pralain dans l’isle de Periés des la pointe du jour.

Mr le mareschal de Vittry demanda de mener a Periés ces quatorse compagnies des gardes, et y arriva vers la pointe du jour du vendredy 15me d’avril ; et Mr le Prince, des qu’il fut jour, s’achemina en ladite isle, me laissant avec l’infanterie a l’entrée, tandis que le roy s’alla presenter proche de la chaussée de Riés. Sur les huit heures du matin Mr le Prince me manda que je fisse passer en Periés toute l’infanterie, dont je donnay avis au roy, et me mis a la teste, et elle y commença d’arriver sur les dix a onse heures. Je vins trouver Mr le Prince quy me commanda de faire haster les trouppes le plus que je pourrois, et de les ammener a un guay que les païsans de Periés luy montrerent qu’en basse mer il n’y avoit pas plus d’eau que jusques a la ceinture pour traverser un bras de mer (large comme la Marne), quy separoit les isles de Riés et de Periés, ce quy estoit veritable, car lors plusieurs de nous le passerent aysement : mais comme le flux ne tarde gueres a venir, il estoit douteux que toute l’armée eut eu loisir de passer. Neammoins je la hastay le plus qu’il me fut possible, et en la ramenant je dis a Mr de Pralain : « Que pense faire Mr le Prince ? A il bien consideré ce qu’il entreprend ? Croit il passer son armée entiere ? N’apprehende il point que les ennemis ne le chargent quand il en aura passé un tiers, ou la moytié ? Que veut il entreprendre sans cavalerie contre des gens quy ont sept a huit cens chevaux, et huit ou dix pieces de canon ? Sur quoy se fonde-t-il ? » Il me dit : « Il ne nous en a parlé qu’en passant, et est plustost porté par l’avis d’Arnaut que conseillé par nous autres ; mais (ce me dit il), vous estes un de ses gouverneurs, allés luy parler. » Je ne marchanday point, et l’estant venu trouver et dit que l’infanterie arrivoit, je luy dis en suitte :

« Monsieur, quel est vostre dessein de passer sans cavalerie en un pas[49] ou, sy les ennemis vous font le moindre obstacle du monde, la mer vous prendra à demy passé ; et quand ils vous lairroint passer, ce vous sera un grand desavantage d’estre sans cavalerie ny canon ? Mais quand toutes ces considerations ne vous toucheroint point, permettés, Monsieur, que comme vostre tres humble serviteur, je vous demande ce que vous ferés du roy quy est en battaille devant la chaussée de Riés, et comme quoy vous voulés combattre sans luy ? Car sy vous deffaites Mr de Soubise, il vous voudra mal de ce que vous ne luy aurés point fait part de l’honneur de la victoire ; et s’il vous arrive quelque disgrace, il blasmera vostre precipitation, et vous accusera de ne l’avoir voulu ou daigné attendre. »

Mr le Prince ne prit pas bien mon discours, et me dit : « Je vois bien que vous estes de la caballe des autres quy me veulent destourner d’acquerir de la gloire et faire un grand service, lequel peut estre ne se pourra pas recouvrir quand nous l’aurons laissé eschapper. Je veux donc que vous alliés tout a l’heure trouver le roy et luy dire qu’il est a propos qu’il vienne promptement icy avec sa cavalerie. » Je le suppliay de luy en escrire un mot, ce qu’il fit, et je m’y en allay en diligence. Je le trouvay au millieu de la chaussée[50], quy desja venoit, impatient de n’avoir point de nos nouvelles, et d’estre sans rien faire devant les ennemis, une riviere entre deux, qu’eux ny luy ne pouvoint passer. Des qu’il fut arrivé en l’isle, Mr le Prince luy mena voir le passage du guay, et les habitans nous asseurerent qu’il y en avoit encores un autre plus proche de l’emboucheure de la mer, et qu’a minuit precisement l’eau seroit basse, et plus basse qu’elle n’estoit a midy, car c’estoit gros d’eau[51].

Le roy se logea avesques les princes, et autres principaux de l’armée, dans quinse maisons quy estoint dans l’isle, [envoya loger et repaitre sa cavalerie dans l’isle][52] de Saint Jean des Monts[53], et fit camper son infanterie proche de son logis et vers le pont d’Auroit, retenant les mareschaux des logis et sergens majors de tous les corps pour leur porter l’ordre apres le conseil, qu’il vint tenir a l’heure mesme, ou il fut resolu de passer en basse mer avec toute l’armée[54], et aller attaquer Mr de Soubise. Puis en suitte Mr le Prince prevoyant sagement les inconveniens quy peuvent arriver aux differens commandemens, l’importance de passer en une heure l’armée, et avec un grand ordre, proposa au roy d’en commettre le soin a un seul, et qu’il luy conseilloit que ce fut a moy, s’asseurant que je m’en acquitterois bien. Je le remerciay tres humblement de l’honneur qu’il me faisoit, et de la bonne opinion qu’il avoit de moy, et l’asseuray que je tascherois de m’en acquitter a son contentement.

Sur cela je m’en vins en un logis que l’on avoit laissé a Mr le mareschal de Pralain et aux mareschaux de camp, lesquels j’appelay pour ensemble faire l’ordre, lequel fut en cette sorte :

Que le rendés vous de toutes les trouppes seroit a dix heures du soir, et que l’infanterie se viendront mettre en battaille a la main gauche du logis ou nous estions, en une plaine quy y estoit, et que le regiment des gardes feroit cinq battaillons qu’il mettroit en losanges, et seroit a la teste ; que derriere luy seroint les Suisses en deux gros battaillons, puis en suitte deux battaillons de Normandie, et finalement Navarre en trois battaillons ; je signalay leurs places a leurs sergens majors, puis leur donnay l’ordre et les renvoyay. Nous fismes sept corps de nostre cavalerie, assavoir : les carabins d’Esplan quy seroint a la teste a la main droitte du logis ou j’estois ; puis la compagnie des Roches Baritaut[55] ; en suitte les chevaux legers de la garde du roy ; puis les gensdarmes ; puis cinquante chevaux tirés des gensdarmes et des chevaux legers, quy composoint un esquadron ; derriere eux la noblesse de la reine mere quy faisoit un esquadron avesques quelques volontaires ; finalement la compagnie de chevaux legers de Mr de Guyse : et ayant donné l’ordre aux mareschaux des logis de tous ces corps, je les renvoyay ; apres quoy nous formames nos ordres de battaille, et en fismes les trois ordres, assavoir : l’avant garde estoit composée des carabins d’Esplan, des chevaux legers des Roches Baritaut et de ceux de la garde, avec les cinq battaillons du regiment des gardes ; la battaille, des gensdarmes du roy, et des Suisses ; et l’arriere garde, des cinq battaillons de Navarre et de Normandie avesques les trois corps [derniers][56] de cavalerie. Je priay Mr de Marillac de prendre l’ordre et le soin du passage de l’infanterie, et à Mr Zammet celuy de la cavalerie.

Puis ayant mis sur le papier tous nos ordres, Mr le mareschal de Pralain et nous[57], vinsmes les montrer au roy, quy les approuva fort. Nous luy suppliames de faire des chefs de chasque esquadron, des princes et officiers[58] quy estoint pres de Sa Majesté ; et le roy nous ayant demandé sur cela ce qu’il nous en sembloit, nous luy dismes que c’estoit a luy a mener la battaille a la teste de ses gensdarmes entre deux gros battaillons de Suisses, de donner a Mr le Prince, son lieutenant general, l’avant garde, et l’arriere garde a Mr le Comte ; les deux esquadrons de l’avant garde aux deux mareschaux de France[59], les deux de l’arriere garde a Mrs de Vandosme et grand prieur ; que Mr Zammet auroit soin de l’ordre de l’avant garde, Mr de Marillac de l’aile gauche quy estoit l’arriere garde, et que je serois partout comme ayant en ma teste et en ma charge toute la conduitte ; et que pour le passage Mr Zammet conduiroit la cavalerie et Mr de Marillac l’infanterie, cependant que je ferois marcher l’un et l’autre corps. Il approuva tout ce que nous luy proposames, et se pleut aux ordres projettés.

Sur le temps que couché sur un meschant lit[60], le roy conferoit du passage avesques nous, il arriva une grande allarme par tout le camp, comme sy les ennemis nous fussent venus sur les bras, et en cet instant cinquante personnes se jetterent dans la chambre du roy, quy luy dirent que les ennemis venoint a nous. Je sçavois bien qu’il estoit impossible, car la mer estoit haute, et qu’ils n’eussent sceu passer : c’est pourquoy au lieu de m’en allarmer, je voulus voir comme le roy la prendroit, affin que selon sa hardiesse ou son estonnement, j’eusse a l’avenir a me gouverner vers luy aux propositions que je luy ferois. Ce jeune prince quy estoit couché sur ce lit, se leva assis a cette rumeur, et avec un visage plus animé que de coustume leur dit : « Messieurs, c’est là dehors qu’est l’allarme, et non dans ma chambre, comme vous voyés, et ou il faut aller », et en mesme temps me dit : « Allés en diligence au pont d’Auroit, et me mandés de vos nouvelles promptement. Vous, Zammet, allés trouver Mr le Prince, et Mr de Pralain avec Marillac demeureront avec moy quy me vas armer, et me mettre a la teste de mes gardes. » Je fus ravy de voir l’asseurance et le jugement d’un homme de son aage, sy meur et sy parfait. Il se trouva que c’estoit une fausse allarme que l’on avoit prise d’une chose fort legere, et ainsy je m’en revins dormir deux heures, attendant le rendés vous et pour estre en estat de passer la nuit sans dormir.

Toutes les trouppes arriverent a dix heures au rendés vous, et tout a loisir nous les mismes en deux files, assavoir : les battaillons l’un apres l’autre pour passer au guay de la main gauche ; et les esquadrons aussy en suitte, a la main droitte, pour passer le guay proche de la mer ; et y arrivasmes demie heure avant la basse mer. Mais celuy d’a main gauche fut trouvé sy haut que les gardes, quy devoint passer les premiers, me firent dire par La Hilliere[61] sergent major, qu’il estoit impossible d’y passer. J’y courus, et voyant combien ils y passeroint difficilement, je vins au guay de main droitte que je passay et le tastay pour voir sy nostre infanterie y pouvoit passer ; je reconnus aussy qu’il n’y avoit personne de l’autre costé pour nous empescher : c’est pourquoy je vins dire a Mr le mareschal de Vittry et a Mrs de Pralain et Mr le Prince quy avoint charge des trois premiers esquadrons, que le roy leur mandoit de passer, ce qu’ils firent en un instant ; et comme nous vismes que de l’autre costé du passage il n’y avoit nul obstacle, je dis au roy que s’il luy plaisoit de passer, je luy menerois en un instant son infanterie. Il entra a l’heure mesme au guay et le passa[62], comme aussy les autres trois esquadrons. Allors je fis avancer les battaillons[63] quy estoint de l’arriere garde et les Suisses, et fis mettre les chefs pié a terre pour donner courage aux soldats de passer l’eau. Je me mis a pié dans l’eau a leur teste[64], et a un instant les Suisses et Navarre pesle mesle passerent, quy furent suyvis en une telle diligence des gardes, et de Normandie, que sept mille hommes comptés que le roy avoit d’infanterie passerent en un quart d’heure a minuit, la nuit estant fort brune, un guay ou il y avoit de l’eau plus haut que la ceinture, et large comme la Seine est devant le Louvre, quy n’estoit qu’a cinquante pas de la pleine mer. Cela fait, nous campasmes sur le bord sans garder aucun ordre, hormis que nostre cavalerie estoit plus avancée, et chasque battaillon alluma forces feux pour se secher.

Sur les trois a quattre heures du matin, a la pointe du jour, l’on marcha au plus bel ordre qu’il se pouvoit penser, en l’ordre donné pour la battaille, dans les lieux plains ; et quand nous trouvions des collines, nous marchions nostre avant garde premiere, suyvie de la battaille, et en suitte l’arriere garde ; puis des que la plaine revenoit, l’avant garde faisoit halte a droitte, la battaille se mettoit a sa gauche, et l’arriere garde a celle de la battaille. Ainsy nous marchasmes jusques a la veue des ennemis pres de deux lieues, lesquels se jetterent dans les vaisseaux et dans Saint Gisles, et les autres mirent les armes bas, nous demandans misericorde, sans rendre aucun combat. La cavalerie s’en fuit de mesme ; mais ne pouvant faire une sy longue retraitte, la plus part fut tuée en la suitte de la victoire, ou par les païsans. Il y mourut sur le champ, tué de sang froid sans resistance, plus de quinse cens hommes, et plus d’autant prisonniers quy furent envoyés aux galeres ; le reste fut tué par les gens de Mr de la Rochefoucaut, ou par les païsans, de telle sorte que Mr de Soubise rentra à la Rochelle avec trente chevaux de sept cens qu’il avoit ; et ne s’en retourna pas quattre cens hommes de pié de sept mille qu’il y en avoit le jour precedent dans son armée. Il y eut bien cent cinquante gentilshommes ou officiers pris, et sept pieces de fonte d’artillerie[65]. La Chaume, assés bon chasteau ou il s’en estoit retiré quelques uns, se rendit le jour d’apres a Mr de la Rochefoucaut[66] ; et depuis il ne se presenta, de cette guerre, dans le Poitou aucun homme dans la campaigne pour les huguenots ; et changerent leurs desseins pour les tourner sur mer, equipant une armée navale dont ils firent amiral un nommé Guitton[67] quy la mit en fort bon ordre.

Le roy, le jour mesme, disna tellement quellement a Saint Gisles, et passa ce bras de mer quy est entre Saint Gisles et Croix de Vie, dans des batteaux, puis s’en vint coucher a un chasteau nommé Aspremont ou nous demeurasmes le dimanche 17me, lundy 18me, pour rassembler nos trouppes esparses et quy suyvoint toujours les ennemis.

En fin nous en partimes le mardy 19me et vinsmes coucher a Aysené[68], le lendemain mercredy 20me a la Roche sur Yon[69], le jeudy a Sainte Hermine[70], le vendredy a Fontenay le Comte, et le samedy 23me a Niort, ou le roy sejourna le dimanche pour tenir conseil de guerre et juger les prisonniers, a quy ils appartenoint.

Le lundy Mr de Bullion[71] fut ouy au conseil, quy estoit arrivé le soir auparavant, envoyé par Mr Desdiguieres pour porter quelques conditions proposées par ceux de la Religion, tendantes a la paix ; ou il fut resolu de la response que l’on feroit sur chasque article. Mais le soir Mr de Puisieux fit voir au roy la despesche particuliere quy luy avoit esté faite, et ouit[72] Mr de Bullion là dessus : il me fit l’honneur de m’y appeller et de prendre mon avis sur la response secrette quy fut faite, quy estoit l’essentielle, la precedente n’estant que pour amuser les ministres du conseil quy ne vouloint la paix en aucune façon.

Le mercredy 27me d’avril le roy partit de Niort et fut coucher a Chisay.

Il est a sçavoir que le roy estoit party de Blois pour venir en Poitou, fort animé contre Mr d’Espernon, tant par les mauvais offices que luy avoit rendus ce Fay que le roy luy avoit envoyé, que parce qu’il n’avoit peu estre porté par les reitérés commandemens du roy d’aller secourir le Poitou et Mr de la Rochefoucaut. Mr le cardinal de Rets et Mr de Chomberg n’estoint pas ses amis et ne parloint pas en sa faveur ; sy faisoit bien Mr le Prince : je faisois aussy, selon ma petite puissance, ce quy estoit de moy pour le servir. Ce fut ce quy obligea Mr le Prince de luy despescher un gentilhomme le jour mesme de la deffaitte de Riés, et me commanda de luy escrire sur la teneur de la despesche qu’il luy faisoit, quy estoit que le roy avoit eu la victoire sur Mr de Soubise et qu’il alloit droit a luy a quy il vouloit mal de ce qu’il ne vouloit rien faire ; que le seul moyen qu’il avoit pour l’appaiser, et nous de le servir, consistoit en se mettre en campagne et assieger Royan[73] ; que s’il le faisoit, nous estions assés puissans pour faire oublier tout le passé ; mais s’il ne le vouloit faire, nous protestions que le mal quy luy en aviendroit auroit esté empesché par nous s’il nous eut donné le moyen de le faire. Il nous creut et vint assieger Royan ou commandoit le sieur de Saint Surin[74] gentilhomme huguenot avec lequel, peu de jours apres, il entra en traitté de remettre la ville en l’obeissance du roy ; et de fait sortit un jour[75] sur la parole de Mr d’Espernon pour venir conclure le traitté : mais comme il parloit a Mr d’Espernon a la veue de Royan, estant entré par mer quelque secours de la Rochelle dans la ville, ils se resolurent d’en fermer les portes a leur gouverneur, et ne tenir la capitulation qu’il avoit faitte, et en mesme temps pointerent quelques pieces sur Mr d’Espernon quy estoit avancé, et sur sa trouppe. Saint Surin bien estonné de ce subit changement, dit a Mr d’Espernon qu’il ne venoit point de sa part ; qu’il feroit reparer cette faute, et qu’il ne retourneroit plus avesques eux, en cas qu’ils ne se soumissent a l’obeissance du roy. Il voulut rentrer dans la place ; mais on luy dit de dessus les murailles forces injures, ce quy le fit retourner avec Mr d’Espernon quy avoit mandé au roy l’espoir qu’il avoit de remettre Royan en son obeissance, et le roy receut cette premiere nouvelle a Saint Jean d’Angeli ou il arriva le jeudy 28me[76], quy estoit le jour mesme que le traitté de Royan se rompit, et le lendemain 29me, comme le roy arriva a Saintes, il en sceut la nouvelle.

Il sejourna a Saintes le samedy, dimanche (may) et lundy suyvant, tant pour faire avancer son armée que pour donner audience aux ambassadeurs des cantons [protestans][77] de Suisse quy l’estoint venus trouver pour interceder pour les huguenots de la France. Je leur fis festin, puis les menay a l’audience en laquelle ils eurent pour response du roy que quand les huguenots, ses sujets rebelles, rentreroint en leur devoir, il auroit les bras de sa clemence ouverts pour les recevoir, et les renvoya de Saintes en hors, d’ou il partit le mardy 3me de may pour venir coucher a Saujon[78] ou Mr d’Espernon le vint trouver, auquel il fit bonne chere, comme Mr le Prince y avoit disposé Sa Majesté. Le roy luy proposa de grossir son armée de quelques trouppes qu’il luy donneroit, et qu’il entreprit de reduire Royan en l’obeissance de Sa Majesté affin que le roy, sans s’arrester, peut aller promptement en Languedoc ; mais Mr d’Espernon le refusa, et quelque priere quy luy fut faite par Mr le Prince d’accepter cette commission, il n’y peut estre disposé. En fin le roy se resolut de l’attaquer, et Mr le Prince quy pensoit que l’on demeureroit six semaines devant, proposa au roy de l’envoyer en Guyenne, tant pour reduire un fort nommé Soulac[79] que les huguenots avoint fait dans Medoc vis a vis de Blayes, et d’autres petites places de la Guyenne, que pour aller recevoir Tonnains assiegé de long temps par Mrs d’Elbeuf et mareschal de Temines[80]. Mr le Prince se chargea aussy de traitter avesques Mrs de la Force et de Suilly quy se vouloint remettre au service du roy. Je le dissuaday d’entreprendre cette commission, et de ne partir d’aupres du roy ; a quoy ne l’ayant peu disposer, je le suppliay de m’emmener avec luy ; mais il me dit que le roy ne me voudroit pas separer de luy, et qu’il avoit l’entiere creance en moy pour son armée. Il me pria de faire qu’il peut mener avesques luy un des vieux regimens, et que je tesmoygnasse au roy son desir, ce que je fis, et le roy luy donna le regiment de Normandie avesques d’autres trouppes de pié et de cheval.

Il voulut avant son partement aller reconnestre Royan et ordonner des attaques. Il y vint donc, et nous ammena avesques luy, les chefs de l’armée, le mercredy 4me, ou nous vismes les attaques et tranchées que Mr d’Espernon avoit commencées, lesquelles on demeura d’accord de poursuyvre ; et au retour dans le conseil il fut resolu que l’attaque du costé de la mer, a main droitte, seroit pour les gardes, et celle de l’autre costé, a main gauche, se commettroit a Picardie, a laquelle Mr le mareschal de Vittry avesques Mrs de Seneçay, Marillac, et Biron[81], commanderoint ; qu’a celle d’a main droitte, nommée des gardes, Mr de Pralain en auroit la charge, et moy sous luy, quelque persuasion que Pompée Targon[82] me voulut et peut faire de faire l’attaque des gardes de l’autre costé et l’entreprendre, ou il fit certes une batterie d’une tres belle invention ; car comme nous estions a reconnestre la place, et que nous fussions montés sur le faiste d’une mayson pour mieux voir, Mr le Prince dit : « Sy l’on pouvoit faire une batterie sur ce toit et de cette hauteur, on auroit un grand avantage a battre cette demie lune. » Pompée Targon respondit : « Monseigneur vous le dit en riant, et moy je vous respons tout de bon que dans trois jours je mettray sur ce toit et dans cette hauteur quattre pieces en batterie » ; ce qu’il entreprit depuis, et executa en cette forme : il estançonna la maison des quattre costés, puis la sappa et estaya sur des pieces de bois, et en suitte ayant mis quantité de fascines contre les estais, ils se bruslerent et consumerent ; ce quy fit que la mayson tomba sur elle mesme et en dedans, ce quy haussa la platte forme, a laquelle il fit porter ce qu’il fut necessaire pour mettre sa batterie a la hauteur qu’il avoit dit.

Je persistay a mon attaque a droitte du costé de la mer, en laquelle je m’acheminay le jeudy 5me de may, jour de l’Ascension ; et ayant donné le rendés vous de l’armée a la plaine de Chastelar[83], elle s’en alla prendre ses postes, et ses quartiers. Les gardes entrerent cette nuit là dans la tranchée qu’ils pousserent a droitte jusques contre la mer, et firent une ligne à gauche pour aller s’attacher a une piece des ennemis.

Le vendredy 6me nous continuasmes cette tranchée à gauche et mismes[84] une batterie de trois canons sur le bord de la mer a la droitte, pour lever les deffenses des ennemis quy nous troubloint l’attaque que nous voulions faire a la demie lune. Ce soir mesme je fus voir le roy en son quartier, lequel me dit que le lendemain a quattre heures du matin il vouloit venir a nostre tranchée, et que je l’attendisse au commencement d’icelle, a une longue ligne que je fis toute la nuit hausser pour l’y faire arriver en seureté.

Il vint donc le samedy 7me, accompagné de Mr d’Espernon et de Mr de Chomberg. C’estoit la premiere fois qu’il y estoit jamais venu : il me fit l’honneur de me dire : « Bassompierre, j’y suis nouveau ; dittes moy ce qu’il faudra faire pour ne point faillir » ; a quoy je ne fus gueres empesché, car il fit plus genereusement que pas un de nous n’eussions fait, et monta trois ou quattre fois sur la banquette des tranchées pour reconnestre a descouvert, s’y tenant sy long temps que nous fremissions du peril ou il se mettoit avesques une plus grande froideur et asseurance qu’un vieux capitaine n’eut sceu faire, et ordonna du travail de la nuit suyvante comme s’il eut esté un ingenieur. Je luy vis faire en retournant une action quy me pleut extremement ; car apres estre remonté a cheval, a un certain passage que les ennemis connoissoint, ils tirerent un coup de piece quy passa a deux piés au-dessus de la teste du roy quy parloit a Mr d’Espernon[85]. Je marchois devant luy et me tournay, apprehendant le coup que je vis venir pour le roy ; je luy dis : « Mon Dieu, Sire, cette balle a failly a vous tuer. » Il me dit : « Non pas moy, mais Mr d’Espernon » ; et ne s’estonna ny ne baissa la teste comme assés d’autres eussent fait : puis en suitte comme quelques uns quy l’accompagnoint se fussent escartés, il leur dit : « Comment avés vous peur qu’elle tire encores ? Il faut que l’on la recharge de nouveau. » J’ay veu plusieurs et diverses autres actions du roy en plusieurs lieux perilleux, et diray sans flatterie ny adulation que je n’ay jamais veu un homme, non un roy, quy y fut plus asseuré que luy : le feu roy son pere, quy estoit en l’estime que chascun sçait, ne tesmoygnoit pas une pareille asseurance.

L’apres disner Mr d’Espernon et Mr le Comte (que je devois nommer premier) vindrent a nostre tranchée, et comme en retournant nous fussions allés sur le bord de la mer en une prairie pour considerer seise vaisseaux que les Rochelois avoint a l’ancre là pres, ils leverent les ancres, nous voyans grande trouppe, et s’approcherent a cinquante pas pour nous tirer ; et comme Mr le mareschal de Pralain et moy estions pratiques de cela, quelques uns de la trouppe estans d’avis de faire retirer Mr le Comte, Mr d’Espernon, et nous mesmes, nous leur dismes : « Messieurs, vous aurés maintenant le plaisir d’avoir des berceaux de balles de canon quy passeront par dessus vous, sans vous pouvoir offenser : quand vous verrés qu’un vaisseau tournera le flanc pour faire sa descharge, retirés vous dix pas de la rive, en telle sorte que vous ne puissiés voir le bas du vaisseau ou sont les embrasures du canon, et aucun coup ne vous pourra toucher, sy bien passer par dessus vostre teste » ; ce que chascun fit, et eurent le plaisir d’y voir tirer deux cens volées de canon sans aucun effet.

Le soir nous fismes en nostre attaque un grand travail, et mismes six pieces de canon en batterie a nostre main gauche.

Ce soir mesme Mr le Comte tomba malade de la petite verolle.

Le dimanche 8me je fus voir le roy, puis je visitay le travail de Picardie.

Sur les onse heures nos deux batteries tirerent et ne cesserent jusques a la nuit, en laquelle avec quarante gabions quy nous vindrent, nous avançames par pfalsades[86] jusques contre la piece que nous voulions attaquer, [et fismes une place d’arme couverte, capable de tenir mille hommes en battaille.

Le lundy 9me nous nous preparames pour attaquer][87] le bastion auquel nous estions joints, ce que nous resolumes de faire pié a pié ; et parce que la face dudit bastion quy estoit a nostre droitte et a leur gauche estoit contre la mer et manque de deffense de ce costé là, et que de ce peu qu’elle en tiroit de la ville nous les avions levées a coups de canon que nous continuions toujours, nous allames, toujours entre deux terres, jusques a la gorge, quelque destourbier[88] que nous peussent faire les ennemis quy estoint dans le bastion, a coups de grenades et de pierres, a quoy nous prenions aussy nostre revanche. Ils avoint une mine au millieu de ce bastion ou ils nous attendoint, et avoint fait un retranchement avec un petit fossé en la gorge dudit bastion pour nous tirer continuellement lors qu’apres qu’ils nous auroint travaillés de leur mine, nous voudrions entreprendre de nous loger dans la piece.

Comme nous nous avancions entre ces deux terres, nous vismes jouer la mine des ennemis au quartier de Picardie, quy nous fit beaucoup de mal ; et peu apres, ceux qui revindrent de cette attaque nous porterent les nouvelles que pour nous y estre eschaudés, nous y avions perdu plus de cinquante gentilshommes ou officiers. Cela me fit croyre qu’ils nous en gardoint autant dans nostre piece, et pour cet effet je me haussay dans nostre attaque du long de la mer pour reconnestre, et vis un couvert au millieu du bastion et une traynée de terre relevée de frais jusques a la gorge ; et comme, la seconde fois que je me haussay pour reconnestre mieux, je descouvris le fossé du retranchement et au millieu du fossé une motte de terre [relevée de frais][89], je ne fus plus en doute.

J’avois trois aydes de camp tres braves hommes, quy estoint Coulombié[90], Lancheres, et Refuges[91], lesquels, ou par ardeur ou autrement, proposoint de donner dans le bastion, dans lequel ils disoint avoir reconnu qu’il n’y avoit pas dix hommes pour le deffendre, et que nous le prendrions infailliblement, sans nous donner la peine d’aller coulant le long du bastion ou nous ne pourrions estre de trois heures, et le persuaderent de telle sorte a Mr de Pralain, qu’il m’envoya querir en nostre travail ou j’estois, pour me commander de faire l’ordre pour donner. Mrs de Vandosme et grand prieur de France avec plusieurs autres jeunes seigneurs, y estoint, quy animoint monsieur le mareschal a faire faire cette attaque. Je fus bien estonné quand je le vis resolu a ce dessein, et luy dis : « Monsieur, s’il vous plait que sans replique j’aille executer ce que vous me commandés, je ne laisseray de vous dire ce seul mot pour ma descharge, que vous faites une chose prejudiciable au service du roy et de laquelle vous aurés, mais trop tard, un eternel repentir. Mais sy, comme vous avés entendu les raysons de mes aydes de camp et des autres quy vous ont persuadé de faire cette attaque, vous voulés aussy entendre les miennes, je m’asseure que non seulement vous quitterés ce dessein, mais que vous me remercierés devant qu’il soit nuit de vous avoir persuadé de desister cette pratique. » Il me dit lors : « Et bien, dittes donc ; ce n’est pas d’astheure que nous nous connoissons et que je sçay que vous vous plaisés a contrarier les propositions d’autruy pour faire voir vostre bel esprit : qu’avés vous a remontrer contre ce que tous les autres unanimement approuvent et proposent ? » Je luy dis lors :

« Monsieur, sy nous n’avions aucun autre moyen de prendre ce bastion que l’on attaque maintenant, [que celuy de l’assaut][92], non seulement j’approuverois ce conseil unanime que vous dittes que l’on vous donne maintenant, mais je vous l’eusse proposé ce matin : au lieu de le prendre pié a pié comme nous le voulons faire, nous aurions espargné la peine, et le travail que nous avons desja fait et celuy que nous avons encores a faire. Mais je crois que toutes les fois que sans perte d’hommes ny de temps vous pouvés faire la mesme chose que vous feriés avesques la mort de plusieurs braves hommes quy s’y hasarderoint, l’humanité, la rayson, et le service du roy, vous doivent obliger a la conservation de ses serviteurs, de vos amis, et de gens quy en d’autres occasions vous feront bon besoin : je laisse a part l’avantage qu’en prendront les ennemis, le descouragement de vos soldats et la diminution de vostre gloire et reputation, d’avoir envoyé a la boucherie et perdu, sans necessité, [quantité] de gens de bien que vous pouviés conserver. »

« Sy Royan estoit la derniere place de ceux de la Religion, il seroit en quelque sorte tolerable[93] de jouer du reste et d’y mettre le tout [pour le tout][94] ; mais ce ne seroit que quand tous autres moyens nous manqueroint. Maintenant que vous avés pris resolution determinée par l’avis des personnes plus intelligentes a nostre mestier, que vous estes au millieu de l’execution de ce que vous avés entrepris, que l’effet en est infaillible, sans perte d’hommes, ny de reputation, et sans aucune cause apparente, de venir changer sur l’opinion peu considerée, pour ne dire indiscrete, de Lancheres quy porté plus tost d’ardeur que de raysonnement, quitte la suitte d’un dessein resolu et bon, pour vous donner un avis incertain, perilleux, et dont l’execution, quelque heureuse qu’elle puisse estre, vous coustera la vie de personnes quy valent mieux que ce que vous gaignerés, je n’y vois aucune apparence. Et que seroit ce s’il y avoit une pareille mine qu’a l’autre quartier, et qu’outre le mal quy vous en arrivera, vous encourussiés encores le blasme et la honte de ne vous avoir fait sage du malheureux exemple de vos voysins, et sy je vous fais voir a l’œil, et a ceux quy le voudront remarquer, qu’il y a asseurement une mine que ces messieurs les beaux reconnoisseurs de places n’ont point remarquée ; que ce peu de gens qu’il y a dans la piece vous le devroit, et a eux aussy, faire juger, quand nous n’en aurions autre connoissance ; qu’un fossé et de la terre relevée de l’autre costé pour servir de parapet au retranchement, de quoy ces messieurs ne parlent point ou qu’ils n’ont pas remarqué, toutes ces choses vous doivent faire penser qu’ils ne veulent point opiniatrer cette piece a cause de la mine qu’ils y veulent faire jouer ou pour tuer a leur ayse a bonnes mousquetades ceux quy seront entrés dedans ? »

« Il semble que vous ayés concerté avesques les ennemis pour donner dans tous les pieges qu’ils vous tendent, et pour changer les bonnes et seures resolutions contre les incertaines et mauvaises. Pour moy, Monsieur, sy vous y voulés persister, je proteste de tout le mal quy en arrivera, que j’ay fait connestre ou remarquer, et en suitte comme mareschal de camp, je feray ce quy est simplement de ma charge, quy est de faire l’ordre necessaire pour y donner : apres quoy je vous demanderay par grace que vous me permettiés que je me retire a mille pas des tranchées pour ne voir point le desastre, et le malheur quy en arrivera par cette precipitation ; ce que je m’asseure que la plus part de cette compagnie n’attribuera point tant a lascheté (car j’ay desja fait mes preuves ailleurs), qu’a commiseration de la perte de plusieurs de mes amis. »

« Que s’il vous plait de faire une des deux choses que je vous proposeray, quy est de rompre ce dessein, ou de faire encores reconnestre mon dire, et j’y meneray ceux que vous ordonnerés et leur feray voir ce que je dis : en la premiere je vous respons sur ma vie de vous rendre, dans la my nuit, maitre absolu du bastion sans perte d’aucun homme, que par un grand hasard ; en l’autre je vous feray voir sy clairement qu’il y a une mine et que c’est un appas que les ennemis vous veulent donner pour vous y attraper, que vous vous en desisterés entierement. »

Je dis ce que dessus avesques beaucoup de vehemence, et monsieur le mareschal quy apprehendoit le sinistre succes de cette affaire, et quy voyoit devant ses yeux ce quy venoit d’arriver au quartier de Picardie, voulut luy mesme venir reconnestre ce que je disois. Je luy menay donc, et comme nos travailleurs avançoint toujours, nous estions desja vis a vis du fossé du retranchement des ennemis dans la gorge du bastion, ou il vit dans le millieu la terre relevée quy couvroit la fusée[95] de la mine, et lors Lancheres fut le premier a le dissuader ce qu’il luy avoit precedemment proposé. Je luy montray aussy qu’en ouvrant vis a vis de ce fossé du retranchement et creusant des places pour monter des mousquetaires, nous aurions l’eminence sur l’autre piece[96] des ennemis que nous gaignerions en mesme temps. Mr de Pralain m’embrassa et me dit : « Mon fils, vous avés eu bon nés, et m’avés empesché de recevoir un affront, et le roy une perte ; dont je vous remercie. Continués comme vous l’entendrés ; je vous en laisse le soin. »

Ainsy j’empeschay une tres mauvaise affaire que nous allions entreprendre, et ayans continué de passer le long du bastion, toujours marchans entre deux terres, comme la nuit fut venue, je fis ouvrir dans le bastion vers le lieu ou les ennemis avoint fait le fossé du retranchement, et en suitte j’envoyay deux pionniers des mieux entendus ausquels j’ordonnay d’aller doucement oster cette terre quy faisoit eminence dans ce dit fossé, et qu’ayans trouvé une ou deux caisses quarrées de bois, plus longues que larges, ils les tirassent doucement sans respandre les poudres et rasines quy estoint dedans, et puis qu’ils couvrissent les deux trous de plus de deux piés de terre, et qu’ils prissent bien garde de ne laisser aucune poudre dans la place ; ce qu’ils executerent tres bien, comme je vis peu de temps apres moy mesme.

Cependant Mr le mareschal de Pralain et moy, mandés par le roy, l’allasmes trouver et luy dismes que nous serions maitres vers la my nuit non seulement du bastion, mais encores des pieces quy estoint derriere, jusques a la simple muraille quy fermoit la ville, et que, s’il vouloit, nous luy donnerions le lendemain a desjeuner dans le fossé ; dont il fut fort ayse, et se consola en quelque sorte du mauvais succes quy estoit arrivé a l’autre quartier ou il avoit perdu tant de braves hommes, et entre autres Mr de Humières[97], premier gentilhomme de sa chambre, quy y avoit esté blessé a mort : nous fusmes voir ce pauvre gentilhomme quy tiroit a la fin, quy fut une tres grande perte ; car il estoit tres brave et vaillant, outre ses autres bonnes parties.

Je m’en revins a nos tranchées ou je vis ce que mes deux pionniers avoint fait ; et fis en mesme temps creuser certaines banquettes pour loger sur ce retranchement douse mousquetaires, avec un tel silence que les ennemis ne s’en apperceurent qu’a la pointe du jour lors qu’inopinement ces mousquetaires se hausserent pour les chasser de cette autre piece ou ils s’estoint retirés, ce qu’ils firent aysement. Mais avant qu’en desloger, ils mirent le feu a la fusée de leur mine laquelle s’arresta au lieu ou l’on l’avoit coupée la nuit mesme. Ainsy nous eumes toutes leurs pieces destachées en nostre puissance sans y perdre aucun homme que le sieur de Refuges, brave gentilhomme, et aussy entendu et experimenté pour son aage que j’en aye jammais veu, infatigable au travail, toujours agissant, et entreprenant, et quy eut un jour esté, s’il eut vescu, un grand capitaine : je l’avois fait, dix jours auparavant, mon ayde de camp, et le roy a ma priere luy avoit donné une compagnie au regiment de Piemont.

Le mardy 10me, comme nous eumes leurs pieces destachées en nostre puissance, nous deschargeames a nostre ayse et sans peril la mine qu’ils nous avoint preparée, de laquelle nous tirasmes six cens livres de poudre. Les ennemis avoint fait une barricade dans leur fossé du costé de la mer et une palissade au devant, ce quy nous empeschoit d’estre entierement maitres de leur fossé. Je la fis reconnestre par mon volontaire quy estoit un jeune garçon de seise ans, quy entreprenoit des l’année precedente, avec d’autres goujats, des travaux hasardeux au siege de Montauban, que les soldats ne vouloint point accepter. Il avoit eu divers coups, et entre autres une mousquetade a travers du corps, dont je l’avois fait guerir. Ce coquin là entreprenoit a la tasche forces travaux perilleux, et les goujats du camp travailloint sous luy et gaignoint largement. Ce volontaire alla reconnestre cette barricade avesques le mesme port et aussy grande asseurance qu’eut sceu faire le meilleur sergent de l’armée. Une mousquetade luy perça ses chausses, et une autre le bord de son chapeau, et puis nous vint faire son rapport quy fut tres judicieux. Josepo Gamorini quy menoit nos travaux, et estoit en grande estime parmy nous, comme certes il la meritoit bien, fut d’avis que selon son opinion nous allassions forcer cette barricade et avec des haches rompre la palissade, ce que nous fismes et n’y perdimes qu’un homme, ce quy nous mit au pié de la muraille de la ville, quy estoit foible et peu flanquée : de sorte que le mercredy 11me de may, le roy estant venu a nostre attaque dès cinq heures du matin (ou il vit le lieu de la mine), entra dans les pieces gaignées, puis en suitte dans le fossé ; ce quy luy donna asseurance de la prise de la place, dont il ne fut pas trompé ; car en mesme temps on luy ammena un tambour de la ville quy venoit demander de capituler. Le roy respondit qu’il ne capituloit point avec ses sujets, mais qu’il les recevroit a grace aux conditions qu’il leur envoyeroit ; et en mesme temps estant allé a une petite tente de Gamorini, il me fit escrire les articles qu’il leur accordoit et les bailla au tambour avec ordre de revenir dans une heure, et rammener [quand et luy][98] ceux de la ville, pour se venir mettre a ses piés, et recevoir et accepter la grace qu’il leur faisoit, ce qu’ils firent sans aucune contradiction. On fit tresve pendant ce temps, et apres disner je menay dans la place (ayant precedemment fait embarquer les soldats ennemis), le sieur de Drouet[99] avec deux cens hommes en garnison, ce que je fis avesques mille peines ; car les soldats quy estoint en curée du butin de la deffaitte de Riés, vouloint a toute force piller la ville de Royan.

En la nuit devant celle là Mr le marquis de Seneçay, mareschal de camp, fut blessé, au quartier de Picardie, d’une mousquetade dans les reins, quy ne perça pas, mais luy laissa une apostume dans le rein, quy en fin le tua a Lion vers la fin de cette mesme année.

Le roy sejourna, apres la prise de Royan, en son mesme quartier, le jeudy, vendredy, samedy et dimanche suyvans, tant pour donner loysir a son armée de s’acheminer, que pour laisser les ordres convenables a l’armée qu’il vouloit envoyer vers la Rochelle, en laquelle il establit Mr le Comte general, quy estoit encores bien malade de la petite verole. Il fit Mr le mareschal de Vittry lieutenant general, Mrs de Bourg[100], de Vignoles, de Seneterre[101], mareschaux de camp, et le marquis de Nesle[102], par commission, mestre de camp de la cavalerie legere : il y envoya aussy Pompée Targon[103]. Et le lundy 16me il alla coucher a Mortaignes, le mardy 17me a Mirambeau[104], le mercredy a Montlieu ou il sejourna le jeudy.

Le vendredy il vint coucher a Guittre[105], ou il passa le lendemain la riviere et vint loger a Saint Emilion[106], ou Mr de Chevreuse, nouvellement marié avesques la vefve de Mr le contestable de Luines[107], le vint trouver.

Le dimanche 22me, le roy vint loger a Castillon, ou Mr le Prince le vint trouver, lequel pensant en son voyage prendre le fort que les huguenots avoint fait vis a vis de Blayes, estoit arrivé a Bordeaux pour y prendre quelques vaisseaux anglois quy estoint a la rade, lesquels ne voulans venir, Mr le Prince fit mettre du canon sur le quay quy est devant Chasteau Trompette, pour les battre ; mais eux, apres avoir tiré quelques coups de leurs vaisseaux sur ce quay, se mirent a la voile et se jetterent en pleine mer. Il pensoit aussy faire la capitulation de Tonains ; mais Mrs d’Elbeuf et mareschal de Temines sçachans sa venue, se hasterent de recevoir la ville a capitulation. Mr de la Force vers lequel il avoit envoyé Mr de la Ville aux Clercs, secretaire d’Estat, auquel il avoit quelque creance, fit response qu’il attendroit la venue du roy a Sainte Foy pour achever ce qu’il avoit projetté avesques ledit sieur de la Ville aux Clercs ; de sorte que Mr le Prince quy pensoit trouver encores le roy a Royan, le vit a Castillon, et ne fit rien que remettre quelques chasteaux de peu de consequence, comme Gensac et autres, en l’obeissance du roy.

Comme il revint, il luy sembla que le roy ne luy fit pas assés bonne chere, et voyant que j’estois fort en ses bonnes graces, il s’en prit a moy, et me dit le lendemain lundy 23me, comme le roy fut venu loger en un chasteau nommé Saint Aulais[108], qu’il croyoit que je ne luy eusse pas rendu tous les bons offices pres du roy qu’il s’estoit promis de moy, et me fit de grands reproches dont je me justifiay sy bien qu’il demeura en apparence fort satisfait de moy, et mesmes le lendemain 24me que le roy sejourna audit Saint-Aulais, comme Mr de la Force eut conclu son traitté par lequel le roy le devoit faire mareschal de France, mondit seigneur le Prince, sans en avoir esté prié de Mr de Chomberg, ny de moy, vint trouver le roy et luy remontra que les plus importans chefs de son armée, quy le servoint le mieux, et sur quy il se reposoit et fioit davantage, estoint Mr de Chomberg quy outre la surintendance de ses finances faisoit dignement la charge de grand mestre de l’artiglerie, et moy, quy estois premier mareschal de camp et colonel general des Suisses ; que je luy avois rendu de grands services, et principalement au Pont de Sey, en ces derniers sieges, au secours de Montauban, et a la deffaite de Riés ; que nous avions grand sujet de mescontentement de voir que l’on faisoit les rebelles mareschaux de France et que nostre fidellité et nos services ne nous procurassent autre chose que nostre ruine en nos affaires, ou des coups et maladies mortelles, et qu’il supplioit tres humblement Sa Majesté de vouloir faire reflexion sur ce qu’il luy remontroit.

Le roy pensa sur ce qu’il luy avoit dit, et [m’envoya querir, puis][109] me dit : « Bassompierre, je sçay que vous estes fasché de ce que je fais mareschal de France Mr de la Force, et que Mr de Chomberg, et vous, vous en plaignés, et avesques rayson ; mais ce n’est pas moy quy en suis cause, sy bien Mr le Prince quy me l’a ainsy conseillé, pour le bien de mes affaires, et affin de ne laisser aucune chose derriere moy en Guyenne, quy m’empesche de passer promptement en Languedoc : neammoins avisés ce que vous desirés que je face pour vous, que j’ayme et tiens pour mon bon et fidelle serviteur. » Je jure qu’a cette heure là je n’avois jamais aspiré, ny pensé a la charge de mareschal de France, et que je ne la desirois pas esperduement ; car, a mon avis, c’estoit un office de vieil homme, et moy je voulois encores faire quelques années celuy de galant de la court. C’est pourquoy je luy respondis que j’estois extremement estonné du discours qu’il me faisoit, ny quy luy avoit peu persuader que je me mutinasse[110] de voir faire du bien a autruy, bien moins a un de mes amis, vieux seigneur, et experimenté, auquel je sçavois que le feu roy son pere avoit destiné un baston de mareschal de France et luy eut donné s’il eut vescu encor un mois ; qu’il avoit esté rebelle, mais qu’il cessoit maintenant de l’estre, et que c’estoit un acte signalé de la bonté de Sa Majesté d’oublier les fautes de ses serviteurs, pour se ressouvenir et recompenser leurs merites et leurs services ; que pour moy je n’aspirois point a la charge de mareschal de France, ny a aucune chose qu’a ce que sa pure bonté et la connoissance et reconnoissance que Sa Majesté auroit de mes services, me voudroit procurer, sans l’en requerir ny importuner, par moy, ny par autruy ; et que je La suppliois tres humblement que ma consideration ne luy fit jammais retarder aucune chose quy fut de sa volonté, ou du bien de son service : dont Sa Majesté me remercia et me dit que je me reposasse sur Elle de ma fortune. Il en parla en suitte a Mr de Chomberg quy ne fut pas sy moderé que moy ; car il le pressa fort de le faire conjointement mareschal avec Mr de la Force : il me proposa aussy, a ce que me dit le roy ; mais ce fut principalement affin de fortifier sa requeste.

Le mercredy 25me de may j’eus commandement d’aller tirer la garnison de Sainte Foy pour y establir les gardes françoises et suisses du roy, quy y vint au giste[111]. Je vins donc le matin disner proche de la ville cheux Mr d’Elbeuf quy y estoit campé, puis entray a Sainte Foy ou tout l’ordre necessaire pour conserver la ville fut gardé.

Le jeudy 26me quy estoit la Feste Dieu, le roy sejourna a Sainte Foy et y fit la ceremonie du Saint Sacrement.

Il y demeura aussy le vendredy 27me et donna ce jour là a Mr de la Force le baston de mareschal de France, et l’on fit passer la riviere[112] au canon sur un pont de batteaux fait expres ; et le samedy 28me le roy en partit et vint coucher a Montsegur[113] ; le dimanche 29me a Marmande.

Le lundy nous passames devant les Tonains, ruinés rés pié rés terre, comme aussy l’estoit Monheurt, et le roy vint loger a Esguillon[114] ou l’on fit camper toute son armée en un fort beau et agreable lieu, et en une belle sayson.

Le lendemain 31me et dernier de may, le roy vint au Port Sainte Marie, et le mercredy premier jour de juin, a Agen, ou il sejourna le lendemain.

Il s’en alla le vendredy 3me a Valanse[115], et le samedy a Moissac ou il sejourna le dimanche et le lundy.

Mr le Prince m’y parla sur le sujet de Mr de Puisieux qu’il haïssoit, et dans une espece de chapelle quy est dans le cloistre de l’abbaïe, ou je le trouvay avec Mr de Chomberg et Mr le cardinal de Rets, ils me dirent tous trois qu’ils ne pouvoint plus souffrir l’insolence de Mr de Puisieux, quy, n’estant que secretaire d’Estat, avoit plus de privauté avesques le roy que Mr le Prince mesme, et qu’il mettoit mal avec Sa Majesté ceux d’entre eux qu’il luy plaisoit ; qu’il faisoit des negotiations a part sans leur communiquer, et quelque resolution que le roy eut prise avec son conseil, il n’en estoit rien mis en execution s’il ne l’avoit precedemment approuvée ; que cela eut esté tolerable d’un favorit, mais que luy n’estoit pas de profession pour l’estre, sy seroit bien moy quy estois de qualité, de merite, et de façon pour posseder la faveur d’un grand roy ; qu’ils avoint toujours empesché que le roy apres la mort de Mr de Luines ne s’embarquat a une nouvelle affection, et qu’il eut esté plus a propos que le roy n’eut point eu de favorit ; neammoins puis qu’ils voyoint que son inclination estoit portée a estre possedé par quelqu’un, ils aymoint bien mieux que ce fut un brave homme, de condition relevée, et en estime tant pour les arts de la paix que pour ceux de la guerre, qu’un homme de plume comme Mr de Puisieux, quy mettroit tout sens dessus dessous, et qu’ils estoint tous resolus de conspirer a sa ruine, comme ils l’estoint de se porter a l’agrandissement de ma fortune et de porter le roy, avec la bonne inclination qu’il avoit desja pour moy, de me favoriser entierement de l’honneur de ses bonnes graces, pourveu que je leur voulusse promettre deux choses : l’une, de cooperer avec eux a la ruine de Mr de Puisieux et me destacher entierement de son amitié ; l’autre, de me joindre entierement avec eux et unir nos desseins et conseils, premierement pour le bien de son service[116], secondement pour nostre commun interest et conservation ; et qu’ils me prioint de me resoudre promptement a ce que j’avois a faire la dessus, et de le leur desclarer.

En ce peu de tems qu’ils me parlerent, tantost l’un, tantost l’autre, quasy en mesmes termes sur ce mesme sujet, j’eus assés de loysir pour penser ou alloit le but et la visée de leur discours, et ce que j’avois a leur respondre. J’estois fort asseuré que l’affection qu’ils me portoint n’estoit pas assés grande pour me procurer un bien qu’ils tenoint estre a leur prejudice, et qu’ils me vouloint tenter, premierement pour penetrer mon dessein, secondement pour le descouvrir au roy ; qu’ils se vouloint servir de moy pour les ayder a ruiner Mr de Puisieux, et apres avesques plus grande facilité me ruiner moy mesme, a quy ils n’estoint pas plus obligés de garder l’amitié et la foy, que moy j’estois avesques Mr de Puisieux a quy j’en aurois precedemment manqué, et qu’ils auroint une legitime excuse envers moy de leur manquement, fondée sur ma propre action. Je leur respondis donc que je ne pouvois penetrer la necessité que le roy avoit d’avoir un favorit, puis qu’il s’en estoit sy facilement passé depuis huit mois ; que ses favoris devoint estre sa mere, son frere, ses parens et ses bons serviteurs, et ce suyvant l’exemple du roy son pere, et que sy quelque fatalité le portoit d’en avoir, il luy en falloit laisser le choix et l’eslection ; que je n’avois jamais ouy parler d’aucun prince quy prit des favoris par arrets de son conseil ; mais qu’en quelque façon que ce fut, ce ne seroit jamais moy quy occuperoit cette place, parce que je ne la meritois pas, parce aussy que le roy ne m’en voudroit pas honorer, parce finalement que je ne la voudrois pas accepter ; que j’aspirois a une faveur mediocre, et une fortune de mesme calibre, acquise par ma vertu et mon merite, et conservée avesques seureté ; que la prodigalité que j’avois fait jusques a maintenant de mon bien, et le peu de soin que j’avois pris d’en amasser, estoint de suffisans tesmoygnages que j’aspirois plustost a la gloire qu’a l’utilité[117] ; que je voulois chercher les fortunes mediocres, et asseurées, mesprisant la faveur de telle sorte que sy elle estoit a terre devant moy, je ne me daignerois pas baisser pour la lever ; que cela estoit ma determinée resolution, quy ne laissoit pas de me rendre estroittement obligé a leur bonne volonté pour moy, dont je leur rendois tres humbles graces : quant au second chef de leur discours, il me sembloit bien qu’il visoit a Mr de Puisieux, mais qu’il tiroit droit au roy[118] ; car de l’accuser d’estre aux bonnes graces de Sa Majesté, d’avoir son entiere privauté, de traitter des choses particulieres avec luy, et de luy demander son avis[119] sur les choses que l’on luy avoit proposées, c’est au roy quy luy fait ces faveurs, a quy on s’en doit prendre, et non a luy quy les reçoit ; que Sa Majesté ne s’estoit pas obligée de dire tous ses secrets a ses ministres, ouy bien eux de luy dire leur avis sur ceux dont ils les consulteroit ; qu’au reste Mr de Puisieux estoit mon amy, comme plusieurs autres quy m’y avoint obligé[120], mais non sy estroittement que lors qu’il manqueroit de son costé, je ne manquasse aussy du mien, mais que s’il perseveroit constamment aux devoirs d’une veritable amitié vers moy, la mienne luy seroit conservée entiere comme, Dieu mercy, jusques a present je l’avois gardée inviolable a tous mes amis ; mais que je sçaurois bien toujours garder les degrés d’amitié selon la qualité de mes amis, comme je ferois premierement de service tres humble et de respect soumis envers Mr le Prince privativement a tous autres, a cause de sa qualité, de celle de mon general qu’il possedoit maintenant, et pour les faveurs qu’il avoit daigné me faire depuis qu’il m’avoit fait l’honneur de m’asseurer de ses bonnes graces ; en suitte de messieurs le cardinal et de Chomberg, par une amitié plus ancienne que celle de Mr de Puisieux, mais qu’il marcheroit aussy dans son rang en mon affection, et que je ne luy manquerois pas.

Mr le Prince me dit allors que je ne serois pas toujours en estat de choisir, et que quand, pour conserver l’amitié de Mr de Puisieux, j’aurois perdu la sienne, et celle des trois ministres, j’aurois tout loisir de m’en repentir, et n’aurois plus de moyen d’y revenir. Je luy dis que je serois extreordinairement affligé de perdre l’honneur de ses bonnes graces et en suitte celles des ministres, mais qu’il me resteroit la consolation de ne les avoir pas perdues par ma faute ; que je n’achetterois jamais les bonnes graces de quy que ce fut au prix de ma reputation, et que je ne voyois en cette presente affaire, ny rayson, ny apparence : et sur cela je me separay d’eux quy demeurerent encores quelque temps a conferer ensemble.

Le roy envoya ce soir là deux cens chevaux battre l’estrade vers Montauban, et Mr de Valançay m’ayant prié de luy faire donner cette commission, le roy luy accorda, et lors ledit seigneur de Valançay le supplia de luy permettre de prendre la compagnie de gensdarmes de Mr le Prince dont il estoit lieutenant, et celle de ses chevaux legers commandée par Mr d’Ouctot[121], ce que le roy trouva bon. Mr le Prince estoit lors au conseil des parties pour y faire passer quelque affaire, et s’envoya excuser d’aller au conseil de guerre, nous mandant que sans luy en dire davantage, nous missions en execution ce quy auroit esté resolu. Comme il revint le soir cheux luy, demandant Ouctot, on luy dit qu’il estoit a la guerre avec Mr de Valançay et ses deux compagnies ; il s’en revint lors en colere au coucher du roy, se plaignant de ce que l’on luy vouloit faire recevoir un affront et luy faire deffaire ses deux compagnies comme l’on avoit fait l’année precedente celle de monsieur le connestable, et que moy, quy avoit fait faire le premier affaire, voudrois bien qu’il luy en arrivat autant. Le roy dit que je n’y avois rien contribué, que Mr de Valançay luy avoit demandé la commission, et d’y mener les deux compagnies susdites, et que Sa Majesté avoit esté bien ayse de luy accorder, pensant faire plaisir a Mr le Prince. Il insista neammoins toujours que c’estoit un tour de mon mestier que je luy avois joué, et que je n’estois point son amy. Le roy m’envoya querir apres qu’il fut retiré, et me conta tout ce qu’il avoit dit ; et moy, je ne luy niay point[122] le discours qu’il m’avoit tenu dans la chapelle du cloistre. Mais comme il est tres dangereux d’avoir la disgrace d’une personne de cette qualité quy est vostre general, je suppliay tres humblement le roy, ou de me remettre bien avec luy, ou de me permettre de me retirer, ne voulant attirer sa haine et sa colere sur moy.

Le lendemain mardy 7me l’armée vint camper devant la pointe de la Veirou le matin, et l’apres disner elle passa la riviere[123] au dessous de Picacos, et [vint] camper devant le logis du roy quy fut a Villemade[124], a la veue de Montauban. Sur le soir le roy vint voir le campement de l’armée, et l’ayant trouvé a son gré, se mit a me louer devant Mr le Prince, puis luy dit : « Monsieur, vous estiés hier sans cause en colere contre luy, et vous pourrés sçavoir de Valançay sy Bassompierre avoit rien contribué a son envoy a la guerre. Je vous prie, pour l’amour de moy, vivés bien avesques luy, sur l’asseurance que je vous donne qu’il est vostre serviteur ; et puis sy nous l’avions perdu en cette armée, vous sçavés vous mesme s’il nous feroit faute. » Mr le Prince luy promit, et le mesme soir il me dit : « Monsieur de Bassompierre, j’estois hier en colere contre vous ; mais j’ay sceu que ce n’estoit pas vous quy aviés envoyé sans mon sceu mes compagnies a la guerre. » Je luy dis lors : « Monsieur, quand c’eut esté par mon induction qu’elles y fussent allées, m’en deviés vous vouloir mal ? L’ay je fait pour vous desservir ? Au nom de Dieu, Monsieur, tenés moy pour vostre tres humble serviteur ; et quand vous aurés quelque chose quy vous desplaira de moy, faites moy l’honneur de me le dire, et sy je ne vous en satisfais, allors faschés vous tout vostre soul, et non devant. »

Il me le promit ; et le lendemain mercredy 8me nous marchames en battaille vers Albias[125], puis vinsmes devant Negrepelisse que nous croyions estre obeissante au roy : mais a nostre arrivée ils tirerent sur les carabins du mareschal de camp quy alloit faire le logement. J’estois a l’avant garde, et sur cette nouvelle le roy me manda de l’investir ; ce que je fis a l’heure mesme, et vins loger le regiment de Picardie quy estoit le premier, a la main gauche proche de l’eau, ou ils nous tirerent fort ; puis le regiment de Navarre estant avancé, je le logeay sur le millieu a[126] la droitte de Picardie. Mr le mareschal de Pralain s’y trouva, comme aussy peu apres Mr de Chevreuse. Comme nous estions tous trois a la teste de nos enfans perdus, dix ou douse soldats des ennemis nous firent sinne de nous avancer, comme s’ils eussent esté des nostres, et nous quy le creumes, nous estans approchés, ils nous firent leur descharge de vingt pas et puis s’en fuirent. Dieu voulut qu’ils ne blesserent personne, quy fut un miracle ; mais peu apres escarmouchans ils tuerent Esguilly[127], parent de Mr le mareschal de Pralain, capitaine en Navarre : Mr de Chevreuse estoit appuyé sur son espaule quand il tomba du coup.

Apres que nous eumes fait en plein jour ces deux premieres approches, ce quy ne se fit pas sans peril, le regiment des gardes arriva, a quy je fis faire les siennes du costé du chasteau, ou je le campay. Ceux de dedans nous tirerent extremement : Mr de Vic[128] eut, a cette derniere approche, une mousquetade en l’espaule comme il parloit a moy et me demandoit l’ordre pour les chevaux legers de la garde, dont il estoit cornette ; le coup fut favorable, car il ne luy cassa point d’os.

La nuit, Toiras capitaine du regiment des gardes, me vint montrer un lieu tres propre pour faire la batterie et pour ruiner une simple muraille quy joygnoit le chasteau a la ville. Il y avoit une meschante muraille de terre et de pierre, quy fermoit un champ, laquelle pouvoit couvrir de la ville et du chasteau ceux quy travailleroint aux batteries et platteformes, mais il falloit aller cent pas [a descouvert][129] avant qu’y arriver. Le mespris que nous faisions de cette place et la croyance que nous avions qu’a tous momens elle viendroit capituler, fit que nous nesgligeames egalement, moy a faire faire une ligne pour y aller a couvert, et Mr de Chomberg de faire faire des gabions pour couvrir sa batterie, croyant que les canonnades ne feroint qu’un trou quy serviroit d’embraseure, et qu’il luy resteroit toujours assés de cette meschante muraille pour tenir ses officiers a couvert. Il n’y avoit dans Negrepelisse rien au dessus du mousquet, autre munition de guerre que celle que chasque habitant en pouvoit avoir pour gibboyer ; nul soldat estranger, nul chef quy les commandat ; la place mediocrement bonne pour une armée de province, mais nullement capable de resister a une armée royale : et cependant les habitans ne voulurent jammais se rendre, non pas mesmes parlementer, quoique l’on leur en eut souvent secoué la bride, car nous n’avions pas envie de nous arrester là.

Le jeudy 9me je fis rapport au conseil du lieu que nous avions reconnu propre a battre la place, que j’avois montré a Mr de Chomberg dès quattre heures du matin, ce quy fut resolu, et on y travailla tout le jour, et la nuit on y mit les sept canons que nous avions là. Mr le Prince y vint comme on les ammenoit, et comme il vit que Toiras et moy estions descendus dans le fossé de la ville, il s’y jetta aussy, bien que les ennemis y tirassent incessamment, mais sans effet ; car ils ne pouvoint pas plonger leurs mousquets sy bas.

Le vendredy 10me j’allay le matin aux autres quartiers de Picardie et Navarre, pour leur faire tenir des eschelles prestes a donner l’escalade par leurs costés, tandis que par celuy des gardes nous donnerions l’assaut sy ces coquins ne vouloint se rendre, et donnay l’ordre au regiment des gardes, qu’il devoit tenir pour l’assaut. La batterie fut preste sur les dix a onse heures du matin. Le roy estoit malade des le jour de devant ; neammoins il se vouloit lever pour voir donner l’assaut[130], et Mr le Prince eut peine de le retenir. Mr le mareschal de Pralain a quy le soir auparavant le roy avoit fait l’honneur de le faire lieutenant general de son armée sous Mr le Prince, en vint prendre possession, et commanda d’executer la batterie. Mais les sept canons, a la premiere volée qu’ils tirerent, renverserent la muraille quy estoit devant eux, de sorte que tous les officiers de l’artiglerie et les Suisses quy l’executoint, ne demeurerent pas seulement a la mercy des mousquetades ennemies, mais aussy monsieur le mareschal et nous tous. Ils tuerent ou blesserent en une heure une dousaine d’officiers, entre lesquels estoint le lieutenant de l’artiglerie, et vingt Suisses. Ce petit eschec nous fit mettre de l’eau dans nostre vin, et nous resoudre de remettre la partie au lendemain, et monsieur le mareschal le manda ainsy au roy par Mr de la Curée. Je consideray neammoins que tout le mal quy nous arrivoit ne venoit que de trois canonnieres du chasteau, et proposay a Mr de Chomberg d’y faire tirer deux volées de canon a chascune. Il me dit que pourveu que je fisse venir des Suisses pour executer les canons, qu’il le feroit. Allors je pris un lieutenant nommé Guibele[131], brave homme, et luy dis : « Vas moy querir quarante Suisses pour ayder a la batterie, et je leur donneray un escu chascun » ; ce qu’il fit promptement, et n’eusmes pas tiré six coups qu’ils n’eussent rompu[132] ces trois canonnieres : allors nostre batterie recommença, et en peu de temps nous eumes fait bresche, laquelle, a nostre veue, les ennemis reparoint de forces charrettes qu’ils mirent derriere. Cependant Mr le Prince arriva, et toutes choses estant prestes, nous fismes reconnestre la bresche par un sergent du Bourdet[133], nommé Bouttillon, lequel y eut un bras cassé d’une mousquetade : il fit neammoins son rapport, et nous asseura que la bresche estoit raysonnable, ce que nous trouvasmes en effet incontinent apres ; car nous allames a l’assaut, et emportames la place sans aucune resistance. Tout y fut tué, hormis ceux quy se peurent retirer au chasteau, et les femmes, dont quelques unes furent forcées, et les autres se laisserent faire de leur bon gré. On en sauva neammoins ce que l’on peut[134], mais non pas la ville d’estre entierement bruslée. Le chasteau tint encores jusques au lendemain 11me juin, qu’il se rendit a discretion. L’on fit pendre douse ou quinse des plus mutins, et le 12me, dimanche, le roy vint disner a Mauricous[135], et y coucha aussy.

Mr le Prince se mit en colere contre moy dans le conseil, et me dit que c’estoit a moy a faire ce que Mr le mareschal de Pralain me commanderoit de sa part, sans repliquer ny contester sur l’ordre donné. Je luy dis que je ferois fort punctuellement ce quy me seroit ordonné, mais que j’avois ma voix au conseil comme un autre pour y dire mon avis, comme je ferois toujours, tant que le roy et luy l’auroint agreable, et que lors qu’ils ne le trouveroint plus bon et qu’ils me fermeroint la bouche, que je me lierois a moy mesme les mains et que je me retirerois du service. Le roy prit lors mon party et se fascha fort contre Mr le Prince.

Le lendemain lundy 13me Mr le Prince nous emmena des la pointe du jour a Saint Antonin pour reconnestre le logement ou campement de l’armée, et la place quand et quand, que Mrs de Vandosme et mareschal de Temines avoint assiegée cinq jours auparavant. Ils avoint pour mareschaux de camp Marillac, et Arpajoux[136], gendre de Mr de Temines. Tous ces messieurs vindrent recevoir Mr le Prince au dessus de la montagne, de laquelle il est aysé de reconnestre Saint Antonin ; car on y voit dedans les rues de la ville.

Il n’y eut point de difficulté pour le campement, car il fut resolu aussy tost dans le vallon ou Saint Antonin aboutit, sur le bord d’une petite riviere nommée la Benette[137], quy passant a travers de la ville, se va jetter dans celle de la Veirou quy la borde d’un costé. Mais pour l’attaque de la ville, il se rencontra que Mrs de Vandosme et de Temines avoint desja commencé quelques tranchées[138] quy venoint jusques contre cette petite riviere, dont ils avoint destourné le cours et mis dans son lit quelques gabions en pfalsades[139] pour servir de blindes, de sorte qu’ils pouvoint par ce moyen aborder une corne avancée que les ennemis avoint jettée sur l’avenue. Cette corne, a ce que nous voyions clairement, estoit retranchée par le millieu en mesme flanquement comme elle estoit a la teste[140] : elle estoit deffendue par ses costés de deux petits ravelins revestus[141], quy estoint toutes les fortifications a la moderne qu’avoit Saint Antonin, hormis que, des deux costés, il y avoit de petits dehors quy n’estoint que des tranchées flanquées pour y faire tirer des mousquetaires, et non pour les disputer : il y avoit une assés bonne contrescarpe devant le fossé, a la teste, entre ces deux petites pieces ; finalement le fossé, et la muraille flanquée d’espace raysonnable par quelques petites tours. La ville avoit un pont de pierre sur la riviere de la Veirou, et toute la muraille du long de la riviere sans aucune deffense, que de deux meschantes tours au haut et au bas, et environ huit cens pas au dessous de la ville, la vanne[142] d’un moulin quy tenoit l’eau en hauteur, quy sans cela, en cette sayson, n’eut pas esté d’un pié de haut devant la ville.

Apres que ces messieurs quy avoint commencé le siege, eurent mené Mr le Prince et Mrs de Pralain et de Chomberg en lieu d’ou ils pouvoint a plein voir et reconnestre la ville, il leur fut aysé de leur persuader de l’attaquer par le fond de la vallée et de s’attacher a la teste de la corne : ce que Mr de Marillac principalement leur fit sy facile (possible parce qu’il estoit amoureux de son ouvrage commencé), que Mr le Prince, pour ne perdre temps, s’assit sur un rocher d’ou l’on descouvroit clairement la ville et toutes ses avenues, et nous appella autour de luy au conseil. J’y arrivay des derniers parce que j’avois voulu faire une bonne reconnoissance de la place pour en faire mon rapport. Je fus bien estonné a mon arrivée quand je vis que chascun concluoit[143] a attaquer la ville par la corne du vallon, et que l’on ne faisoit aucune reflexion sur les deux costés du haut et bas de la riviere[144], quy estoint sans comparaison plus faciles. Je me contins toutefois, contre ma coustume, tant pour n’interrompre ceux a quy Mr le Prince demandoit l’avis, que pour ne luy donner aucune prise de m’attaquer, comme il avoit fait le jour precedent, et ne m’avoit parlé depuis. Il arriva que, sans garder l’ordre de demander les opinions, je fus le dernier, a quy Mr le Prince dit avesques peine : « Monsieur de Bassompierre, quelle est vostre opinion ? » Je me hasarday de luy donner en cette sorte :

« Monsieur, sy jamais aucune place a esté de facile et prompte reconnoissance, c’est celle cy, laquelle du mesme lieu ou il vous plait de tenir le conseil de guerre, sans courre aucun hasard ny peril, et d’une seule veue, vous pouvés remarquer en son tout et en toutes ses parties ; et sy jammais il y a eu lieu de prendre une prompte et seure resolution de quel costé on la doit attaquer, c’est a cette fois qu’il ne s’y rencontre que deux endroits par lesquels on la puisse battre, et forcer, sçavoir celuy de la vallée, et ceux du haut et du bas de la riviere (que je ne compte que pour un) ; et qu’en ce dernier toutes les apparences, les avantages, et les regles de l’art sont pour nous, là ou en l’autre les mesmes regles de l’art, et le sens commun nous deffend de l’entreprendre.

« C’est une maxime de guerre esprouvée, et generalement approuvée, que les places assises sur le bord des rivieres se doivent plustost attaquer par le haut et le bas de la riviere que par tout autre endroit, attendu que l’on n’a qu’a se couvrir du flanc opposé a la riviere, que les ennemis ne peuvent jammais parfaitement fortifier cette encoygneure, que les deffenses en sont aysement levées, que l’on peut par deux diverses batteries deça et dela l’eau battre une mesme piece[145], et que l’on se sert d’ordinaire de la rive du fleuve comme d’une tranchée et d’un chemin couvert. Tous ces avantages se rencontrent en l’attaque presente que vous pouvés faire sur le bord d’en bas de la Veirou, et de plus encores que vous n’aurés rien a craindre de l’autre rive, l’ordre de la guerre vous obligeant d’y faire passer deux mille hommes pour investir la ville par dela l’eau, quy passeront aysement sur la vanne du moulin que l’on voit d’icy et que la ville ne peut voir ; et en faisant tost apres rompre cette vanne quy fait tenir la riviere devant la ville en quelque hauteur, elle sera sy basse avant qu’il soit nuit, qu’a peine nos soldats en la passant s’y mouilleront la cheville du pié ; et en suitte de cela on peut cette nuit prochaine faire passer deux canons et les mettre en batterie a quattre cens pas de la ville sur le bord de la riviere : ce que je m’offre d’executer, sy vous me voulés faire l’honneur de me le commettre, et de gaigner cette mesme nuit les petits compartimens (pour ne dire dehors), que les ennemis ont faits depuis la rive jusques a un des deux ravelins revestus quy font teste dans la vallée ; puis demain, avec vingt canonnades ayant levé ces chestives deffenses de cette piece jointe a l’eau, faire venir sapper et ouvrir la simple muraille de la ville, quy est le long de la riviere, et ce sans autre empeschement que de ceux quy me pourront tirer de dessus le pont, lequel sera aujourdhuy mesme gaigné par les nostres quy passeront de l’autre costé, ou au pis aller sera coupé en quattre coups de canon, et divisé de la ville. Ainsy, en trois jours au plus tard, nous prendrons Saint Antonin, sy des le premier ils ne se rendent a la mercy du roy.

« Voylà, Monsieur, le conseil que je vous donne, et celuy qu’a mon avis vous devés prendre, et rejetter absolument l’opinion generale de ces messieurs, quy est de faire l’attaque par la teste de la vallée, lesquels, je m’asseure, reviendront a la mienne quand ils auront plus meurement consideré les inconveniens quy se rencontrent en la leur. Je ne dis pas qu’en la suyvant l’on ne prenne Saint Antonin quy n’est pas capable de resister contre une armée royale et victorieuse comme la nostre, sy bien de l’arrester quinse jours sy ceux de dedans se veulent bien deffendre, et vous y faire consumer forces munitions de guerre, quy seroint plus necessaires ailleurs, y employer du temps quy est bien cher aux presens desseins du roy, et y perdre forces bons hommes quy vous feront besoin dans le bas Languedoc. Car en attaquant la ville par la vallée, vous maschés et digerés lentement un siege que vous pouvés engloutir et devorer en trois jours, et faites ce que vos ennemis desirent. C’est, Monsieur, une bonne maxime de guerre que de fuir la pointe de l’espée de l’ennemy et d’en chercher le foible pour la lier et s’en rendre maitre. Il ne faut jammais attaquer le bœuf par les cornes ; car c’est son fort et son avantage, et a Saint Antonin aussy[146] : et ne demeure pas d’accord avec Mr de Marillac quy vous debite que le lieu le plus foible d’une ville est celuy ou les ennemis font le plus de fortifications. Cela peut estre vray auparavant que de l’avoir fortifiée ; mais apres c’est d’ordinaire le plus fort. Et nous voyons clairement de ce lieu une corne fort avancée en estat de deffense, avec un retranchement par le millieu, que j’appelle une seconde corne ; deux pieces revestues aux deux costés, quy la flanquent et la commandent, et de plus la contrescarpe de la ville quy la deffend. Tout cela nous donnera bien de la peine s’il y a de braves hommes là dedans, que vous pouvés esviter en l’attaquant au dessous de la riviere : [et par là][147] la ville est sy prenable, et avec sy peu de travail et de temps, que je ne me sçaurois assés estonner comme on se veut attacher en quelque autre endroit, et crois que la trop grande clarté et lumiere, que nous avons de cette place, nous esblouit et aveugle. »

Apres que j’eus ainsy opiné, Mr le Prince se tournant vers les autres du conseil, leur dit : « Je vous avois bien asseuré que Mr de Bassompierre vous donneroit un avis tout particulier, mesprisant celuy de tous les autres comme des ignorans : et quy plus est, il le sçaura tantost sy bien estaller au roy qu’il le fera passer pour le meilleur. Pour moy je ne suis pas sy presumptueux, et me conforme a l’avis commun, que je diray au roy estre le general, auquel le seul Mr de Bassompierre contrarie. » Lors je luy repliquay : « Je suis bien malheureux, Monsieur, que mes bonnes intentions soint mal prises de vous. J’en ay dit ce qu’en ma conscience j’ay creu devoir dire pour le service du roy, apres quoy j’en suis quitte, et reviens a l’avis commun, vous asseurant que je n’en proposeray aucun au roy : bien vous supplieray je tres humblement de me dispenser de servir a ce petit siege ; je seray plus frais a estre employé a un autre. » Il me dit lors qu’il n’en feroit rien, et qu’il me feroit bien servir puis que j’estois premier mareschal de camp. Allors je luy dis que je luy remettois cette charge, me reservant a servir de celle de colonel general des Suisses, et en tout ce ou son particulier service tres humble le requerroit. Il me dit qu’il ne m’avoit point donné la charge, et qu’il ne la reprendroit point. Je luy dis que je la rendrois donc au roy, quy arriva sur ces entrefaites, auquel Mr le Prince, sans parler de moy, proposa, et resolut l’avis commun, et le roy se logea en un [meschant][148] lieu [sur le haut][149], nommé Granges.

Peu apres Gamorini et Mortieres[150] vindrent trouver Mr le Prince, quy leur ayant demandé ce qu’il leur sembloit de l’attaque resolue, luy dirent que c’estoit la pire que l’on eut sceu choysir, mais qu’ayant reconnu la place, ils croyoint que dans le lendemain les ennemis la quitteroint ; qu’au reste il la falloit attaquer et prendre selon ce que je luy avois proposé : ce que Toiras quy estoit avec eux ayant rapporté au roy, et d’autres en suitte ce que Mr le Prince m’avoit dit, il[151] en fut fort fasché. Mais je le suppliay tres humblement de ne luy en faire semblant, seulement de me permettre de ne point servir durant ce siege quy seroit de peu de durée, ce qu’il m’accorda.

Il fit en suitte sommer ceux de la ville quy ne luy respondirent qu’a belles mousquetades[152] ; et le lieu ou estoit logé le roy estant tres incommode, et sans eau, il se resolut d’aller le lendemain mardy 14me loger a Queilus de Benette[153] quy est a deux petites lieues de Saint Antonin, et d’envoyer camper ses gardes et Suisses dans le corps de l’armée, ce qu’il executa.

Le mercredy 15me Mr de Chomberg fit commencer a faire une batterie de sept pieces.

Les gardes entrerent le soir[154] dans la tranchée, et Marillac ayant envoyé ses armes à l’espreuve à la tranchée pour y venir veiller, les capitaines des gardes dirent a son homme qu’il les rapportat cheux luy, et que Mr de Marillac ne leur commanderoit point de mareschal de camp. Je jure que ce fut a mon insceu, et que le soir mesme je vins au galop dans la tranchée comme volontaire pour y passer trois ou quattre heures avec eux. Ils furent ravis de m’y voir et me dirent ce quy s’estoit passé avec Marillac. Je me douttay bien que l’on m’en feroit un plat ; ce quy fit que je m’en revins avant le jour[155] a Queilus, et le matin je fus au lever du roy sans faire semblant de rien, ou Mr le Prince arriva peu apres, ammenant Marillac quy fit sa plainte de la desobeissance des gardes que Mr le Prince exagera (sans me nommer toutefois) ; et le roy luy dit qu’au sortir de la garde il envoyeroit querir les capitaines pour leur faire rendre compte de leur action, puis dit a Mr le Prince que les gardes avoint toujours protesté qu’elles ne reconnestroint point Marillac.

Le jeudy 16me Mr le Prince vint le matin dire au roy que je faisois des monopoles[156] et des revoltes a son armée, et que je meritois chastiement, et mesmes de la vie. J’entray là dessus, et il m’en dit de mesme. Je luy demanday de quoy l’on m’accusoit. Il dit lors que le comte de Paluau[157] et le regiment de Navarre avoint fait le mesme refus a Marillac, que les gardes avoint fait le jour auparavant, et que c’estoit de mes pratiques. Je luy dis qu’il ne m’en devoit point accuser, mais la personne de Marillac quy ne leur estoit point aggreable, et pour preuve de mon dire, s’il luy plaisoit de commander a Mr le marquis de Seneçay, ou a Mr de Valançay, d’aller commander la tranchée, je m’asseurois qu’ils y trouveroint une entiere obeissance, et que ce n’estoit point le desplaisir qu’ils avoint de ce que je ne servois point, mais bien de ce que Marillac servoit, lequel ils n’estimoint pas : ce que le roy approuva et leur commanda d’y aller, disant neammoins a Marillac qu’il parleroit aux gardes pour le faire reconnestre par elles.

Apres disner le roy alla a Saint Antonin ou l’on luy avoit fait une redoutte a my coste, de laquelle il pouvoit voir tout ce quy se faisoit au siege[158]. La ville fut ce jour là battue de sept canons quy leverent les deffenses de ces deux ravelins revestus quy deffendoint la corne, a laquelle ceux des gardes quy estoint ce jour là dans la tranchée voulurent faire quelque effort et n’y reussirent pas bien ; dont le roy fut fasché et me commanda de les aller faire cesser. Je descendis aux tranchées, et Mr de Vandosme m’ayant dit qu’il me montreroit le chemin pour aller a la teste du travail, je luy dis que j’en sçavois un bien plus court, et montay a descouvert par dessus la tranchée, et y allay tout droit, dont il m’en pensa mal arriver ; car les ennemis s’affusterent de telle sorte a tirer contre moy que j’eus deux mousquetades, l’une quy me coupa mon baudrier et fit tomber mon espée, et l’autre quy me rompit mon baston, emporta ma manchette et perça ma manche, sans m’offenser autrement. Le roy me les vit donner quy m’escria de la redoutte ou il estoit que je me retirasse ; mais je passay outre et vins a la teste faire ce qu’il m’avoit commandé, puis retourna le trouver.

Le vendredy 17me l’on s’attacha a la corne, et le samedy le regiment de Normandie quy estoit de garde, y fit une attaque quy ne reussit pas.

Le dimanche 19me Mr le Prince vint au camp et fit donner les gardes a la corne ; mais ils en furent encor repoussés. Le roy vint a sa redoutte d’en haut voir l’attaque, dont il fut fort mal satisfait[159] : j’y vins avec luy ; car durant tout ce siege je ne servis point. Mr de Rets fut malheureusement blessé derriere le roy d’une balle mourante quy ne laissa pas de luy casser le genouil, dont il est demeuré estropié.

Comme le roy descendit la montagne, il rencontra Mr le Prince avec Mr de Vandosme, Mrs les mareschaux de Pralain, de Temines et de Saint Geran, et Marillac, Seneçay et Arpajoux. Le roy se fascha du peu d’avancement au siege et du peu d’effet des gens de guerre aux attaques. Mr le Prince luy demanda s’il luy plaisoit tenir le conseil de guerre sous un grand arbre prochain, ce quy fut fait ; et m’ayant esté demandé mon avis, je dis que je l’avois dit des le commencement du siege quy ne l’eut plus esté il y a longtemps sy on l’eut suyvy ; que maintenant il falloit sçavoir ce que l’on pretendoit faire pour prendre la place, et qu’en cas que l’on trouvat que les propositions ne fussent suffisantes, j’offrois encores a peine de la perte de ma vie et de mon honneur, de la prendre deux jours apres que l’on m’auroit donné deux canons en batterie sur la rive de la Veirou, ou je les demanderois. Chascun voyoit bien que c’estoit le plus aysé moyen ; mais celuy quy le proposoit n’estoit pas aggreable. Le roy toutefois s’y portoit ; mais en fin il fut resolu que l’on tenteroit une attaque generale, et que, sy elle ne reussissoit, on prendroit cet autre moyen.

On avoit fait un fourneau sur la pointe de la mine, que l’on fit jouer le lendemain matin lundy 20me, et en suitte on fit une attaque generale en laquelle on fit mesmes donner a pié cent gensdarmes du roy. On emporta tous les dehors jusques a la contrescarpe, et la corne aussy. Mais nous y perdismes plus de quattre cens hommes, que morts que blessés, entre lesquels le comte de Paluau, mestre de camp de Navarre, fut fort regretté ; c’estoit un brave jeune homme, et quy avoit bien le cœur au mestier. Le Paillés[160] sergent major de Normandie, tres brave et tres entendu, avesques plusieurs autres, y moururent ; et le sieur de Coulombié ayde de camp, Malicy[161] et plusieurs autres, y furent fort blessés.

Le mardy 21me on mina la contrescarpe, puis on s’y logea ; et le mercredy 22me la ville de Saint Antonin se rendit a discretion. Les gardes françoises et suisses en prindrent possession.

Le jeudy 23me le roy vint disner au camp cheux Mr de Chomberg, et puis tint conseil pour le descampement du jour suyvant, et s’en revint coucher a Queilus.

Le vendredy 24me il en partit pour venir loger a Castelnau de Montmirail[162]. Mais comme la traitte estoit longue, il fut contraint, pour attendre les trouppes demeurées derriere, d’y sejourner le lendemain 25me ou nous nous amusames a faire un retranchement entre deux chemins, que nous garnimes de noix, et je le deffendis contre le roy quy l’attaqua.

Le dimanche 26me le roy passa par Rabasteins[163] et vint coucher a Saint Suplice[164] ou Mr le Prince vint rejoindre le roy. Il proposa au conseil d’attaquer Carmain[165], ce qu’il faisoit a l’instante priere de ceux de Toulouse ; mais la plus grande partie du conseil ne fut point d’avis d’employer le temps a conquerir ces petites places, que nous pouvions plus utilement employer a prendre Montpelier, Nismes, et Usés[166] : et parce que j’avois fait l’ouverture de cet avis, il m’en voulut plus de mal qu’aux autres, sa bile estant d’ailleurs esmeue contre moy, a quy on laissa l’armée en main pour la conduire a Castelnau Dary tandis que le roy sejourneroit a Toulouse, et j’eus ordre de forcer le Mas Saintes Puelles en passant[167]. Je demanday aussy permission de tenter sy je pourrois avoir Carmain sans perdre ny y employer aucun temps. Mr le Prince sortit du conseil en colere et mesdisant de moy quy avois empesché que l’on n’attaquat Carmain ; ce quy me servit parce que quelques gentilshommes huguenots quy estoint là, manderent a ceux de la ville que je n’avois point d’ordre de les assieger, quy les empescha de faire entrer cinq cens hommes dedans, que ceux de Puilorens leur envoyoint, et quy estoint desja arrivés a Sorese[168].

Le lundy 27me le roy partit de Saint Suplice et alla à Toulouse, et moy je demeuray encores a Saint Suplice.

Le mardy 28me j’en partis avec Mr de Valançay et l’armée, et vinmes coucher a Belcastel[169]. J’avois plus de vingt gentilshommes huguenots [du païs][170] quy m’accompagnoint, lesquels ne virent point a mon dessein que je voulusse attaquer Carmain ; et leur tesmoygnay, quand ils m’en parlerent, que je n’en avois aucun ordre. Neammoins des le jour auparavant j’avois envoyé a Loubens[171] trois commissaires de l’artiglerie avec six de mes carabins, pour faire faire en diligence vingt gabions, des fascines, tirer des solives pour faire des platteformes et tout l’equipage necessaire a un bon siege ; et le mercredy 29me, estant arrivé de bonne heure a Loubens de Verdalle (quy n’est qu’a demie lieue de Carmain), Mr de Valançay investit la ville avec la cavalerie tandis que je logeay nos regimens, fait a fait qu’ils venoint, aux avenues et lieux propres pour faire les attaques. On vit quand et quand charrier les gabions et platteformes pour les batteries, et equipage pour plusieurs canons, bien que je n’en menasse que deux avesques moy ; dont ces gentilshommes huguenots estonnés me demanderent sy j’avois eu quelque ordre nouveau d’attaquer Carmain. Je leur respondis que non, mais que le roy quy l’avoit resolu en son conseil a Saint Suplice, m’avoit ordonné de le tenir secret, et qu’il luy eut esté honteux de laisser en passant cette bicoque quy avoit par le passé tant incommodé Toulouse, sans la ruiner et mettre en poudre, et que le lendemain ceux de Toulouse me devoint envoyer huit canons pour l’attaquer, et que le roy vouloit faire servir d’exemple rigoureux cette meschante ville. Ils commencerent a me dire que je pouvois abreger le temps, et que peut estre sy je leur faisois parler, qu’ils se mettroint a la rayson ; que sy je leur voulois permettre, un d’eux les iroit trouver, et qu’ils se promettoint qu’il me rapporteroit tout contentement. Je leur respondis qu’un capitaine n’acqueroit point de gloire ny de reputation par la reddition des villes avant qu’elles soint attaquées, sy faisoit bien par la destruction, et que j’avois plus a desirer de la prendre par force que par anticipée composition ; neammoins mon humeur quy n’estoit point portée a la cruauté, convenoit avec leur desir, et me faisoit leur asseurer que sy dans deux heures celuy quy leur iroit parler me rapportoit une entiere obeissance, se remettans a la capitulation que je leur voulois faire de la part du roy, je leur asseurois qu’elle seroit favorable ; et que pour les mettre davantage a leur tort, je trouvois bon qu’un d’eux s’y acheminat. Ils desputerent a l’heure mesme un vieux gentilhomme voysin de là, pour leur aller tesmoygner ma bonne volonté, et les persuader d’embrasser cette occasion quy seule pouvoit destourner leur entiere ruine, comme ceux de Negrepelisse et de Saint Antonin se l’estoint attirée par leur opiniatreté. Je ne discontinuay cependant aucune chose de ce quy appartenoit au siege, et hormis Mr de Valançay, tous ceux de l’armée croyoint que je m’y voulois opiniatrer. Ce gentilhomme revint avant le temps que je luy avois prescrit, rammenant trois desputés de Carmain quy m’offrirent d’abbord de se tenir en neutralité tant que cette guerre dureroit. Je ne respondis autre chose sinon au capitaine Gohas quy les avoit ammenés, de les remmener sans leur faire aucune response : et comme ces gentilshommes me priassent de ne les laisser aller de la sorte, et qu’ils se porteroint a obeir et y porteroint aussy les habitans, je me faschay contre eux, leur reprochant qu’ils m’avoint fait recevoir un affront duquel ils connestroint dans peu de jours sy je me sçaurois bien venger, et dis a ces desputés que s’ils m’envoyoint a l’avenir ny tambour ny personne pour me venir parler, qu’il seroit pendu sans remission. Lors ils me dirent que c’estoit une proposition qu’ils m’avoint faite, au deffaut de laquelle ils m’offroint d’obeir et de me remettre la ville a une honneste capitulation. Moy quy en mourois d’envie me faisois tenir et ne leur voulois pas seulement respondre : en fin je me laissay vaincre par les gentilshommes, et consentis de recevoir quattre ostages des principaux de la ville, attendant que le lendemain a quattre heures du matin ils sortissent avesques leurs armes et bagage, sans tambour ny enseigne, et que pardon seroit fait aux habitans, a quy les murailles seroint rasées ; que l’on conduiroit leurs gens de guerre jusques sur le chemin de Puilorens, et n’iroint au Mas Saintes Puelles, ny a Sorese, ny a Revel[172] : toutes lesquelles choses furent punctuellement executées de part et d’autre.

En ce mesme temps un capitaine du regiment de Piemont, nommé Rogles[173], m’ammena un gentilhomme dont il me respondit, lequel me promit de petarder la mesme nuit la ville de Cuc[174], pourveu que je luy voulusse donner des gens pour s’en rendre maitre. Je commanday a six compagnies dudit Piemont, que je fis commander par Rogles, de s’y acheminer, et leur donnay cinquante chevaux d’escorte ; et ils prindrent la ville comme il me l’avoit proposé, laquelle apres avoir pillée ils bruslerent[175], et s’en revindrent joindre a l’armée le lendemain jeudy 30me, chargés de butin ; auquel jour sur les cinq heures du matin les soldats quy estoint dans Carmain sortirent selon la capitulation que je leur avois faite. Je les fis conduire seurement, et mis Mr de Gohas, capitaine aux gardes, pour commander dans la ville avec quattre cens hommes, en attendant que le roy y eut pourveu. Puis ayant fait sejourner l’armée dans leurs mesmes logemens, et resolu avec Mr de Valançay de celuy du lendemain a Saint Felis[176], je luy consignay l’armée, et m’en vins trouver le roy a Toulouse.

J’arrivay sur le point cheux le roy comme il estoit en son conseil et qu’il querelloit Mr le Prince de ce qu’en parlement[177], et aux capitouls, lors qu’ils luy estoint venus faire la reverence, il avoit dit que la lascheté de Mr de Bassompierre avoit empesché que le roy n’attaquat Carmain comme il luy avoit conseillé, mais que je l’en avois diverty. Comme on eut dit au roy que j’estois a la porte, il s’estonna de ce quy m’avoit fait quitter l’armée, et m’ayant fait entrer, je luy dis que j’avois voulu moy mesme luy apporter la nouvelle de la prise de Carmain et de celle de Cuc, et recevoir ses commandemens sur d’autres choses que je luy voulois proposer. Allors Mr le Prince se leva et me vint embrasser, me disant qu’il avoit eu tort de dire ce qu’il avoit dit, et qu’il le repareroit en disant force bien de moy, puis me demanda sy j’en avois point encores rien dit, et que il me feroit donner dix mille escus par la ville et vingt mille a luy sy la nouvelle de la prise n’estoit point encores divulguée ; mais il se trouva que ceux quy m’avoint accompagné en avoint desja fait courre le bruit. Il ne se peut dire la joye que receurent ceux de Toulouse de cette prise : ils me firent apprester un beau logis ; les capitouls me vindrent remercier et me prier de venir le lendemain disner en la maison de ville ou ils feroint une belle assemblée pour l’amour de moy, et le bal en suitte. Mais je m’en excusay sur la necessité que j’avois d’estre promptement a l’armée, ou Mr le mareschal de Pralain voulut venir, et le roy me pressa de demeurer ; mais parce que je voyois que l’on avoit fait forces mauvais offices a Mr le Prince, et que le roy escoutoit mesdire de luy, je ne voulus point qu’il me peut seulement soubçonner d’y avoir contribué, et m’en allay des la pointe du jour le lendemain matin, ayant precedemment escrit, a la priere de Mr de Chomberg, une longue lettre au marquis de Rosny[178] pour le porter a luy vendre la charge de grand mestre de l’artiglerie qu’il[179] exerçoit lors par commission, et dont le roy luy avoit permis de traitter par l’intervention de Mr de Puisieux que Mr de Chomberg y avoit employé.

Juillet. — J’arrivay donc avec Mr le mareschal de Pralain le vendredy premier jour de juillet a Saint Felis de Carmain ou l’armée estoit, et y sejournames le lendemain[180] pour aller investir Revel, et y fus avec monsieur le mareschal quy l’envoya sommer de se rendre. En y allant, mon cheval se jetta dans un fossé et moy sous luy quy me pensa tuer ; j’en fus quitte pour un pié froissé, dont je fus longtemps a me sentir. On me rammena a Saint Felis, et monsieur le mareschal quy ne se vouloit point embarquer a un siege, se contenta de leur refus sans les forcer, parce qu’il l’estoit de prendre le Mas Saintes Puelles quy estoit sur le chemin que le roy devoit tenir en venant de Toulouse a Castelnau Dary.

Le samedy 2me nous nous presentames devant le Mas quy se rendit a nostre arrivée[181]. Monsieur le mareschal y mit Mr de Castelnau, capitaine aux gardes, et puis vinsmes coucher a Castelnau Dary ou nous sejournames le lendemain, et le lundy 4me le roy y arriva malade[182] ; ce quy nous y fit sejourner jusques au mercredy 13me[183] sans faire autre chose que acheminer nostre armée au bas Languedoc, que Mr le mareschal de Pralain y mena, et y assiegea et prit Bedarioux[184]. Je ne fus point a l’armée parce que le roy me retint pres de luy.

Le roy donc vint le mercredy 13me coucher a Alsonne[185] ou Mr de Montmorency le vint trouver. Il commanda a Mr de Chomberg et a moy de nous trouver au sortir de son soupper, et nous dit allors qu’il avoit receu nouvelles de la conversion a nostre religion de Mr le mareschal Desdiguieres a quy il avoit promis, moyennant ce, l’espée de connestable ; qu’il luy demandoit aussy l’ordre du Saint Esprit, et que pour cet effet il feroit assembler un chapittre de l’Ordre a Carcassonne pour luy donner ; que moyennant ce, il acqueroit sans coup ferir toute la province du Dauphiné pour nostre religion, ce quy apporteroit un grand estonnement et consternation aux autres huguenots ; qu’au reste il vaquoit[186] par sa promotion a l’estat de connestable, un baston de mareschal de France quy estoit reservé pour un de nous deux, et que le premier mareschal de France quy viendroit a mourir, qu’il nous en feroit tous deux prester le serment et tirer a la courte buche a quy le seroit le premier. Nous luy en rendismes tous deux les tres humbles graces que meritoit celle qu’il nous promettoit, et en suitte Mr de Chomberg luy dit que selon le temps ou nous estions et l’exposition que nous faisions a toute heure de nostre vie pour son service, qu’il y avoit apparence que nous viendrions aussy tost a vaquer que cette mareschaussée que nous devions attendre ; qu’en la qualité de mareschaux de France nous le pourrions utilement servir en cette prochaine guerre de Languedoc s’il nous vouloit faire la grace de nous creer presentement, et qu’il pourroit en suitte supprimer la premiere charge de mareschal quy viendroit a vaquer, ce quy seroit une mesme chose que ce qu’il proposoit, et pressa le roy bien fort, lequel s’en deffendit le plus qu’il peut. En fin je luy dis :

« Sire, la grace que Vostre Majesté me vient de faire, de m’estimer digne de la charge de mareschal de France, et celle de me l’avoir offerte et promise avant Luy en avoir jamais parlé, ny mesmes l’avoir pretendue, est sy grande que, quand elle n’arriveroit jammais en effet, je suis plus que dignement recompensé de l’exces de cet honneur inopiné et non merité, et j’avoue a Vostre Majesté qu’ayant toujours mieux aymé meriter les grands honneurs que de les posseder, je n’ay pas une sy grande avidité de ce baston comme Mr de Chomberg. Aussy estant de six années plus jeune que luy, j’auray plus de loysir a l’attendre, et plus de temps, selon le cours de nature, a en jouir. C’est pourquoy Vostre Majesté le peut des a present gratifier[187] de la charge quy vaque par la promotion de Mr le mareschal Desdiguieres a la connestablerie, et me conserver la bonne volonté qu’elle a pour moy lors qu’il en viendra a vaquer une pareille, pour m’en prouvoir. Je n’y perdray que la preseance que vous aviés resinnée au sort quy pouvoit autant tourner en sa faveur qu’a mon avantage. J’ay moins d’aage que luy ; il est de vostre conseil avant moy ; il m’a precedé a l’ordre du Saint Esprit[188] ; il est l’un de vos ministres, et de vostre conseil estroit : tout cela me fera souffrir sans envie et sans regret qu’il soit encores, premier que moy, mareschal de France, et je luy en cede de bon cœur la primogeniture, suppliant tres humblement Vostre Majesté que ma consideration ne l’empesche point de recevoir des a present cet honneur, que je recevray de sa bonté lors qu’Elle le jugera estre utile pour le bien de son service. »

Mr de Chomberg se sentant lors tres obligé de ma courtesie, m’en rendit de tres exquis remerciemens ; mais le roy persista a ne vouloir point en creer l’un sans l’autre ; et ainsy nous nous retirames de luy.

Le jeudy 14me le roy arriva a disner a Carcassonne, et apres disner convoqua un chapittre de commandeurs du Saint Esprit, auquel assisterent avesques Sa Majesté, Mr le Prince, Mr de Chevreuse, Mr de Montmorency, Mr d’Espernon, Mr de Pralain, Mr de Saint-Geran, moy, Mr de Courtanvaut, Mr de Portes, Mr de Seneçay, Mr de Valançay, et le chancelier de l’ordre, Mr de Chasteauneuf[189] : et là, nous ayant proposé Mr Desdiguieres, et le bien que cette grace qu’il demandoit causoit a nostre religion, son merite, et la charge de connestable dont il l’honoroit, tous furent d’avis de luy envoyer, sur l’asseurance que le roy donna d’un bref du pape dont il s’asseuroit pour le confirmer, parce que c’estoit contre les statuts[190].

Le vendredy 15me le roy vint faire son entrée en la cité de Carcassonne, quy est sur le haut ou est située l’evesché, puis retourna en la ville ou il sejourna, et le samedy 16me il vint loger a Lusignan[191].

Le dimanche 17me[192] il arriva de bonne heure a Narbonne ou on luy fit entrée.

Mr de Guyse y arriva [de Provence][193] sur des fregates. Le roy me commanda de luy parler de l’eschange de son gouvernement de Provence contre celuy de Guyenne [vaquant par la mort][194] de feu Mr du Maine ; mais Mr de Guyse, quy offrit [de faire][195] tout ce que Sa Majesté luy commanderoit, le fit tres humblement supplier par moy que, sy le bien particulier de son service ne le portoit a luy faire changer de gouvernement, Elle luy permit de conserver celuy qu’il avoit [administré depuis vingt cinq ans avec satisfaction de Sa Majesté, et au gré et contentement des Provençaux, et que l’ayant reduit au service du feu roy son pere, il le garderoit fidellement a celuy du fils ; dont le roy se contenta][196].

Le lundy 18me de juillet le roy vint a Besiers, ou il luy fut aussy fait entrée.

Le roy y fit un assés long sejour pour ne se mettre en campaigne par ces excessives chaleurs. L’armée cependant s’achemina devers Montpelier autour duquel il y avoit quelques trouppes de Mr de Montmorency logées (depuis que Mr Zammet que le roy avoit envoyé avesques trois cens chevaux des qu’il estoit a Moissac, pour fortifier la petite armée de Mr de Montmorency, estoit arrivé et s’estoit joint a luy), mesmes y avoint fait quelques petits combats avec avantage au Mas de Mariotte et au Mas de Ranchin[197].

Le roy avoit aussy laissé une armée a Mr de Vandosme pour reduire sous son obeissance les petites places de la Guyenne et haut Languedoc, mais s’estant attaqué a Beriteste[198], ceux de dedans la deffendirent sy bien, et ceux de dehors l’attaquerent sy mal, qu’apres vingt jours de siege, ils le leverent et vindrent joindre le roy au siège de Montpelier.

Mr le Prince demeura a Besiers jusques au 27me, qu’il en partit pour venir joindre l’armée, et voulut que Mr de Chomberg et moy fussions avesques luy. Il me promit, avant partir, l’honneur de ses bonnes graces, dont je fus tres ayse, et vinmes coucher a Pesenas[199], ou nous sejournames le lendemain que Mr le Prince nous pria a disner, Mr de Chomberg et moy, avesques beaucoup d’asseurances de sa bonne volonté.

Le vendredy 29me il vint loger a Frontignan[200], ou il sejourna[201] pour attendre les gardes françoises et suisses qu’il avoit ammenées de Besiers avesques quelques autres trouppes de cavalerie, qu’il me laissa le lendemain dimanche dernier du mois, et se mit sur l'estang[202] pour aller à Mauguiot[203] que Mr le mareschal de Pralain et Mr de Montmorency avoint assiegé, et moy j’en partis aussy avesques les trouppes pour venir loger à Villeneufve de Maguellonne[204], d’ou je partis (aust) le lendemain premier jour d’aust, en ordre de battaille parce que nous passions devant Montpelier, et fis faire deux ponts sur deux canaux quy sont deça et dela de la tour de Lattes[205], puis vins joindre l’armée a Mauguiot quy s’estoit ce jour mesme rendu a Mr le Prince.

Le lendemain 2me, l’armée partit de Mauguiot et vint à son rendés vous, quy estoit proche d’une eglise ruinée, en une plaine entre Lunel et Marsillargues[206], là ou Mr le Prince assembla le conseil de guerre pour adviser laquelle des deux places on devoit assieger la premiere, quy fut fort divisé ; car une partie vouloit que l’on assiegeat premierement Marsillargues pour ne la laisser derriere, et puis apres porter toutes les forces de l’armée pour prendre Lunel ; [les autres vouloint que l’on allat droit à Lunel][207], et leurs raysons estoint que l’on donneroit trop de temps aux ennemis de fortifier et pourvoir Lunel de gens de guerre, lesquels incommoderoint nostre siège de Marsillargues et puis apres nous rendroint la prise de Lunel plus difficile. Mr de Toiras estoit derriere nous au conseil, quy estoit capitaine au regiment des gardes, lequel me dit a l’oreille : « Et pourquoy ne les pourroit on pas assieger toutes deux à la fois ? » Cela m’y fit penser, et puis quand ce vint a moy de dire mon avis, je proposay celuy que Toiras m’avoit suggeré, disant que nous avions assés de forces et de canons pour faire l’un et l’autre a la fois ; que Mr le Prince pouvoit commettre a monsieur son beau frère[208] le siege de Marsillargues avec les quattre regimens qu’il avoit ammenés, sçavoir celuy de Portes (qu’il faisoit nommer regiment de Languedoc), de Fabregues, de la Roquette[209] et de Saint Brest[210], ausquels on pourroit adjouster le regiment de Normandie et celuy de Masargues[211], cinq canons, et une coulevrine, et pour mareschaux de camp Mrs de Portes et de Montreal[212] ; que Mr le Prince se logeroit en une mayson que je luy montray, quy estoit a my chemin des deux villes, et que le regiment des gardes françoises et celuy des Suisses camperoint autour de luy avec une compagnie de chevaux legers, et ses gardes ; que Mr le mareschal de Pralain avec le reste de l’armée, [neuf canons et Mrs de Marillac et Valançay assiegeroint Lunel, que moy j’irois a l’un et a l’autre siege, et pourvoyerois au corps general de l’armée][213] selon que je jugerois necessaire[214] ; que Mr Zammet iroit avesques une partie de la cavalerie sur l’avenue de Cauvisson[215] pour empescher que les ennemis (quy y estoint) ne donnassent ayde ou secours a aucune des deux places assiegées, et que Mr le mareschal de Saint Geran iroit avesques l’autre partie de la cavalerie et le regiment de Navarre faire rendre les bourgs et petites villes de Pignan, Gigean, Assas, Montferier, Esmargues, Saint Gisles, Saint Genies, et Saint Anastasiés[216]. Ceux quy restoint à opiner suivirent mon avis, et ceux quy avoint desja opiné y revindrent, et avec une grande joye on se prepara a faire deux sieges en mesme temps comme sy n’assieger qu’une ville a la fois eut esté chose trop commune.

Je pris donc en mesme temps le regiment de Normandie auquel je fis faire les approches de Marsillargues, et puis revins encores pour loger toute l’armée comme il avoit esté resolu et marquer le campement de chasque trouppe, apres quoy je fis encor avesques le regiment des gardes les approches de Lunel. L’extreme pluye qu’il fit toute la nuit nous empescha d’avancer aucuns travaux, et nous contentames de les ouvrir.

Le lendemain mercredy 3me nous les continuames, et avançames, faisans deux attaques a gauche et a droitte devant Lunel, et une ligne de communication de l’une a l’autre. Mr de Montmorency de son costé avança le plus qu’il peut une batterie à Marsillargues quy n’attendoit que de la voir en estat pour se rendre, comme elle fit le lendemain jeudy 4me.

Je mis par ordre de Mr le Prince une compagnie de Suisses dedans[217] ledit Marsillargues. Puis sur l’avis que Mr Zammet nous donna que de Cauvisson devoit cette nuit mesme partir le secours pour Lunel, Mr le Prince m’ordonna de mener les trouppes d’infanterie sorties du siege de Marsillargues, avesques la compagnie de chevaux legers de Monsieur, frere du roy, commandée par Mr d’Elbene, sur l’avenue de Cauvisson au devant de Lunel. Mr de Montmorency et Mr le mareschal de Pralain y vindrent aussy passer la nuit, croyant que le secours arriveroit, et parce aussy qu’ayans contrarié l’opinion que j'avois mise en avant au conseil d’aller forcer les ennemis dans Cauvisson mesme, et y mener nos deux coulevrines comme j’avois offert de l’entreprendre, et promis de le faire reussir ; mais je n’en fus pas creu[218]. Nous nous en retournames au jour, et les ennemis sortirent de Lunel pour nous escarmoucher a nostre retour, lesquels nous rembarrasmes dans la ville.

Le vendredy 5me Mr le Prince envoya querir le conseil de guerre, et là mit en avant d’executer la proposition que je luy avois faite le jour precedent, et d’aller en personne forcer les ennemis dans Cauvisson. Mrs de Pralain, Montmorency, et Chomberg, voulurent l’accompagner, de sorte que je fus laissé pour commander l’armée et faire le siege.

Il partit sur les quattre heures apres midy avesques trois mille hommes de pié, trois cens chevaux d’eslite, et deux coulevrines, et marcha droit à Cauvisson, et les ennemis quy venoint au secours marchoint de leur costé, et passerent a mille pas l’un de l’autre sans allarme, ny reconnoissance, de sorte que, comme j’estois avec Toiras et Gamorini pour faire rompre un moulin quy estoit sur le fossé de Lunel, et quy retenoit l’eau dans ledit fossé, affin de la faire escouler et le mettre a sec, nous ouimes un grand bruit a la ville et vismes forces feux mis sur les murailles du costé de Cauvisson ; car nous ne tenions la ville assiegée que du costé de Marsillargues. Nous connumes aysement que c’estoit le secours quy estoit entré, et qu’en peu de temps les ennemis seroint sur nos bras par une forte sortie ; ce quy fut cause que je fis en diligence acheminer huit cens Suisses quy estoint campés proche de la tranchée, et les fis coucher contre la ligne de communication. Les ennemis ne manquerent pas a faire sortie ; mais l’impatience des Suisses quy se leverent trop tost, et leur fit connestre qu’ils estoint attendus, les fit tenir bride en main, se contentans de tirer forces mousquetades sans s’avancer autrement.

Nous attaquions un petit ravelin[219] quy couvroit le chasteau de Lunel, et les ennemis se doutans de ne le pouvoir garder non plus que le chasteau, firent un fort retranchement derriere ; de quoy nous estans apperceus par la poudre que le travail faisoit eslever, Gamorini fut d’avis de faire dans un pré a main droitte une batterie de quattre pieces quy verroit[220] le derriere de leur retranchement, ce quy fut le gain de cause ; car les ennemis se desespererent de pouvoir conserver Lunel.

Il entra cette nuit là huit cens trente hommes dans Lunel.

Le samedy 6me nostre batterie fut preste du costé de la prairie[221], et celle quy estoit pour battre le ravelin tira tout le jour. Le feu se prit a trois caques de poudre, comme j’estois en la batterie, quy emporta la compagnie entiere du Gast, de Piemont, quy en estoit proche. J'y fus eschaudé, mais non bruslé, Dieu mercy ; car j’en sortois et en estois a quarante pas.

Le dimanche 7me les ennemis capitulerent et promirent de quitter le lendemain la ville aux capitulations quy leur avoint esté accordées. Mais sur une allarme que l’on nous donna que Mr de Rohan venoit secourir la ville, et faire rompre la capitulation, nous fusmes toute la nuit sur pié avec nostre cavalerie. En fin nous trouvasmes que l’avis estoit faux, mais non celuy quy arriva a Mr le Prince de la mort de Mr le cardinal de Rets[222], ce quy le fascha fort, et Mr de Chomberg davantage[223], quy demanda d’aller trouver le roy le lendemain ; ce que Mr le Prince luy accorda.

Le lundy 8me Mr le Prince commanda a Mr le mareschal de Pralain de donner ordre a la seureté de ceux quy devoint sortir de Lunel suyvant la capitulation, quy estoit qu'ils sortiroint avesques leurs espées seulement et que leurs armes seroint portées sur des chariots. J’eus ordre de me mettre dans la ville et d’y loger les gardes et Suisses suyvant la coustume. Je m’acheminay donc pour les y mettre, et vis forces soldats desbandés de tous regimens, et des lansquenets et Suisses comme des François ; ce quy m’obligea a faire retarder la sortie des ennemis jusques a ce que j'eusse fait voir a monsieur le mareschal le desordre que je voyois se preparer s’il n’y remedioit. Il me dit pour response qu’il n’estoit pas unenfant, et qu’il sçavoit son mestier ; que je donnasse seulement l’ordre necessaire pour le dedans et qu’il le feroit tel au dehors qu’il n’y auroit rien a dire. Je m'en retournay et fis sortir les ennemis avec tout leur bagage, puis fis entrer les gardes que je fis tenir en battaille, apres avoir garny la breche[224], les portes et les remparts, jusques a ce que les quartiers fussent faits, et fis fermer les portes sur moy. Il y eut quelque reglement en la sortie des ennemis jusques a ce que le bagage parut ; mais allors tous les soldats desbandés de nostre armée se jetterent dessus sans qu’il fut possible a monsieur le mareschal, ny a Portes, et Marillac, de les en empescher, et en suitte desvaliserent les pauvres soldats, dont ils en tuerent inhumainement plus de quattre cens[225], et avesques tant d’impunité, que huit soldats, de diverses nations et bandes, se presenterent a la porte de Lunel pour y entrer avec plus de vingt prisonniers qu’ils menoint attachés, et leurs espées sanglantes de ceux qu’ils avoint massacrés, sy chargés de butin qu’a peine pouvoint ils marcher, lesquels trouvans la porte de Lunel fermée, firent crier aux sentinelles qu’ils me vinssent avertir de leur faire ouvrir. Je vins a la porte sur le recit que l’on m'en fit, que je trouvay veritable, et les fis entrer, puis je fis lier ces huit galans des cordes dont ils avoint lié ces vingt prisonniers que je fis conduire par mes carabins jusques sur le chemin de Cauvisson, et leur donnay le butin des huit soldats lesquels je fis pendre sans autre forme de proces, devant eux, en un arbre proche [du pont][226] de Lunel [sur le Vidourle][227] ; dont Mr le Prince me sceut tres bon gré le lendemain, et m’en remercia.

Il se vint loger a Lunel ou il y sejourna jusques au vendredy 12me qu’il s’en alla joindre l’armée quy avoit investy Sommières[228].

Un peu avant qu’il deslogeat de Lunel, il receut une lettre du roy, par laquelle il luy ordonnait de m’envoyer avec cinq cens chevaux au devant de luy a Villeneufve de Maguellonne pour favoriser son passage proche de Montpelier. Mrle Prince me fit voir ce commandement du roy, et me dit que Mr le comte d’Alais[229] colonel de la cavalerie legere estoit là, quy pourroit mener ces cinq cens chevaux, et que je viendrois avesques luy. Je luy respondis que c’estoit a luy a ordonner, que je n’avois aucune volonté. Il me dit qu’il manderoit au roy que j’avois mieux aymé venir avesques luy, et moy je le suppliay de n’en rien faire, parce que j’estois prest d’aller mener cette cavalerie au roy, et que Mr le comte d’Alais y pourroit venir, s’il vouloit, mais que je luy commanderois. Il me dit en suitte : « Faisons mieux : laissés y aller Mr de la Curée, quy est mareschal de camp et mestre de camp de la cavalerie legere. » Je luy respondis que j’en estois content. Il me dit lors : « Je manderay donc au roy que vous avés voulu venir avec moy. » J’entendis bien qu'il ne vouloit pas que j’allasse trouver le roy, et qu’il vouloit faire parestre que c’estoit moy quy ne le voulois pas, ce quy me fit luy dire : « Monsieur, je vous supplie tres humblement luy mander vostre volonté, et non la mienne ; car pourveu que je vous obeisse, j’ay ma descharge. Mais pour moy je suis prest d’aller avec les cinq cens chevaux, sy vous me le permettés ; sinon, de vous suyvre, ou de faire tout ce que vous m’ordonnerés. » Allors il me dit : « Puis que le roy me mande expressement que je vous envoye, et que vous y voulés aller, vous irés. »

Il nous fit peu apres entrer en conseil et nous demanda nos avis pour laisser la garnison et le commandement a Lunel, et Mr de Montmorency m’avoit auparavant prié de donner ma voix au baron de Castres quy avoit espousé une de nos parentes[230]. Mr le Prince demanda à Mr de Montmorency son avis sans garder l’ordre, quy proposa Mr le baron de Castres ; puis en suitte Mr de Pralain quy fut de mesme avis ; en troisieme lieu il me le demanda, et je luy dis : « Monsieur, il me semble que ce n’est pas une chose a opiner en un conseil, mais a en resoudre entre le roy et vous, auquel, je m'asseure, vous en aurés escrit, et sceu sa volonté. Que sy vous avés concerté par ensemble de voir l’opinion de tous nous autres sur ce sujet, il y a plusieurs personnes capables, en vostre armée, de ce gouvernement, parmy lesquelles je mets des premiers Mr le baron de Castres quy s’en sçaura bien acquitter. » L’affaire passa là : le baron de Castres y entra avec six compagnies du regiment de Languedoc, et Mr le Prince partit de Lunel sur les dix heures du matin.

Une heure apres Mr le mareschal de Crequy, Mr de Chomberg et Mr de Bulion y arriverent comme nous disnions cheux moy avec Mr de Montmorency et Mr le comte d’Alais : ils s’en allerent cheux Mr de Chomberg comme ils nous virent sur la fin du disner, ou ils me prierent d’aller quand je me pourrois separer de mes hostes, ce que je fis peu apres. C’estoit pour me faire voir l’estat ou Mr le mareschal des Diguieres avoit porté les affaires [de la paix][231] avec les huguenots ; dont ils avoint aussy charge de parler a Mr le Prince, a Mr de Montmorency et a Mr le mareschal de Pralain ; mais Mr de Crequy et Mr de Bulion me devoint faire sçavoir le particulier, dont le roy avoit voulu que je sceusse quelque chose. Ils envoyerent aussy querir Mr de Montmorency ; mais il leur manda qu'il s’en iroit le lendemain matin comme eux a l’armée, et qu’il l'apprendroit quand et Mr le Prince, lequel avoit commandé en partant que ceux de l'artiglerie fissent porter les poudres et munitions quy estoint au camp dans les voutes des Cordeliers de la ville, quy estoint demeurées entieres, ce que l’on faisoit comme nous estions enfermés dans une chambre, Mrs de Crequy, Chomberg, Bulion et moy. Il arriva que de toutes les munitions trois charrettes quy n’estoint point tournées encores en la rue des Cordeliers, prindrent feu, et les quattre milliers de poudre qu’elles portoint renverserent les six plus proches maisons des deux costés de la rue, et mirent le feu aux voysines, et les ruines de ces maisons fermerent l’avenue de la porte, en sorte que l’on ne pouvoit sortir de la ville parce que Mr le Prince avoit fait fermer les autres portes. La ville estoit sy pleine de monde qu'elle regorgeoit, et il estoit a craindre que le feu, quy approchoit de six vingts milliers[232] de poudre, ne consumat la ville en un instant. Nous estions en cet estat quand le feu prit a ces trois charrettes de poudre, dont la violence jetta les fenestres et vittres de la chambre ou nous estions, contre nous, avec une grande impetuosité. Je m’imaginay bien ce que c’estoit : mais je pensois le mal plus grand que, graces à Dieu, il ne fut. Je sortis en mesme temps a la rue pour donner ordre à tout. Mais la confusion estoit extreme, et chascun pensant a soy mesme, et a son salut, n’accouroit point a esteindre le feu : tout le monde cherchoit a sortir, et personne n’en trouvoit le moyen. En fin je fis rompre une des portes condamnées par laquelle chascun sortit, et ayans eu par cet expedient nos coudées plus franches, nous esteignimes le feu et mismes nos poudres en seureté, y ayant eu quelque cinquante personnes peries par le feu.

Je partis le samedy 13me de Lunel avec la cavalerie que le roy demandoit, et vins coucher a Mauguiot d’ou je partis le dimanche 14me, et mis laditte cavalerie en battaille devant Montpelier, puis vins trouver le roy a six heures du matin, comme il vouloit partir de Villeneufve de Maguellonne[233] pour venir a Mauguiot. Il fit marcher son infanterie devant et apres luy, et passant par Lattes s’en vint à Mauguiot, ayant auparavant voulu se faire tirer des coups de canon de Montpelier en la reconnoissant. Mr d’Espernon estoit avesques luy, et peu d’autres. J’avois fait avancer et mettre sur les ailes de la cavalerie pour le favoriser.

Il sceut a Mauguiot comme, a la prière de Mr de Montmorency, Mr le Prince avoit mis dans Lunel le regiment de Languedoc et le baron de Castres pour y commander ; dont il se fascha fort, et me commanda de l’en faire desloger et d’y mettre ses gardes avant qu’il y entrat, ce que je fis le lundy 15me, jour de la Nostre Dame, que le roy y arriva.

Le mardy 16me Mr le Prince et Mr de Chomberg vindrent trouver le roy, et je m’en retournay avec eux le mesme jour a Sommieres, quy capitula le soir mesme, et le mercredy 17me se rendit. J’entray par le chasteau ou je mis garnison, et les gardes et Suisses entrerent dans la ville. Le roy y vint aussy et y disna[234], puis s’en revint a Lunel.

Mr de Chomberg dit par les chemins au roy que j’estois son ennemy et qu’il luy prioit de ne rien croire de ce que je luy dirois sur son sujet. Le roy luy respondit qu’il avoit grand tort, et que je ne luy avois jammais parlé qu’a son avantage, ny de personne autre aussy, et qu’il me connoissoit mal pour me prendre pour un homme quy fit de mauvais offices. Il fut un peu estonné de cette response, et plus encores quand il eut envoyé querir Beauvilliers pour luy faire des plaintes de ce que j’avois dit a Pongibaut[235], (que ce n'estoit pas le meilleur a Mr de Chomberg de se montrer sy partial pour Mr le Prince), [et que] Beauvilliers luy eut respondu que s’il me l'eut dit devant qu’en parler au roy, je l’en eusse satisfait, mais qu’il avoit mal commencé de se desclarer contre moy avant que s’en estre esclaircy. Il vit bien que le roy m’avoit parlé, et pria Mr de Puisieux de nous raccommoder, ce que je fis difficilement, et apres luy avoir dit mes sentimens. Il me pria en suitte de l’assister a obtenir la despouille de Mr d’Espernon, quy par sa promotion au gouvernement de Guyenne, laissoit ceux de Saintonge, Angoulmois, Aulnis et Limousin. Je luy dis que non seulement je ne parlerois point en sa faveur, mais que je luy traverserois jusques a ce que Mr de Pralain quy estoit mon amy fidelle, fut entierement content, quy y pretendoit comme luy ; ce quy se fit en fin en partageant, a Mr de Pralain la Saintonge et Aulnis, et a Mr de Chomberg Angoulmois[236] et Limousin.

Je servis aussy Mr d’Espernon. pour luy faire avoir Bergerac que le roy refusoit de luy donner.

Mr de Montmorency[237] eut une forte prise avesques le roy quy avoit donné le gouvernement de Lunel a Masargues quy en avoit desja le domaine, ce qu’il ne desiroit pas : je fis en fin que le roy pour le contenter y mit l’ainé de Toyras, nommé Rostemclieres[238].

Le roy fit tout cela et alla à Aiguemortes[239], que Mr de Chastillon[240] luy remit en main, en laquelle il mit pour gouverneur Varrennes[241] et fit Mr de Chastillon mareschal de France le 21me du mois, pendant son sejour qu’il fit a Lunel ou il demeura jusques au vendredy 26me qu’il vint coucher a Mauguiot ou Mr le mareschal des Diguieres arriva.

Le samedy 27me le roy vint loger a la Verune[242] ou l’on fut comme d’accord de la paix.

Le dimanche 28me le traitté de paix continua, et n'y avoit plus que le particulier de ceux de Montpelier a contenter, vers lesquels Mrs de Crequy et de Bulion alloint et venoint.

Le lundy 29me Mr le contestable des Diguieres receut l’espée de connestable du roy, luy en fit hommage, et en presta le serment[243] : apres quoy le roy me dit qu’il me donnoit le baston de mareschal de France que monsieur le connestable venoit de quitter en prenant l’espée, et qu’il commanderoit mes lettres pour m’en faire en suitte prester le serment ; dont je luy rendis les tres humbles graces que meritoint ses excessives faveurs.

Mr de Chomberg fut bien estonné ; car ce fut en sa presence que le roy me fit ce discours : il ne laissa pour cela de venir disner cheux moy avec monsieur le connestable, cardinal de la Vallette[244], Chevreuse, Montmorency, Espernon, Pralain, Saint Geran et Crequy, lesquels furent mandés par le roy au conseil de guerre l’apres disner, sur le retour de Mr de Bulion de Montpelier, quy avoit apporté un absolu refus de laisser entrer le roy dans leur ville le plus fort ; mais bien que sy le roy s’en vouloit eslongner de dix lieues, ils y recevroint monsieur le connestable avesques les forces qu’il y voudroit faire entrer. Il y avoit dans le conseil, avec le roy, Mr le Prince, monsieur le connestable, Mrs les mareschaux de Pralain, Saint Geran et Crequy, Mrs d’Espernon et de Montmorency, Chomberg, [moy][245], Marillac, Zammet, Valançay, Portes, Montreal, president Faur[246], et Bulion.

Le fait estoit que Mr le Prince, ennemy mortel de la paix quy se traittoit, avoit dit en plusieurs lieux que, sy le roy entroit dans Montpelier, il la feroit piller, quelque diligence que l’on sceut faire au contraire : ce quy avoit tellement intimidé ceux de Montpelier qu’ils se vouloint plustost resoudre a toute autre extremité que d’y recevoir le roy ; et pour finale response qu’ils donnerent ce jour là a Mr de Bulion ils offrirent toute obeissance pourveu que le roy n’entrat point dans leur ville dont ils tenoint le pillage asseuré s’ils luy ouvroint les portes.

Comme chascun eut pris place au conseil, le roy commanda a Mr de Bulion de faire son rapport, lequel luy dit purement comme ceux de la ville luy avoint enchargé : sur quoy le roy luy dit qu’il dit son opinion. Il luy dit en cette sorte :

« Sire, j’ay toujours ouy dire qu’en la guerre celuy quy en a le proffit en remporte l’honneur : ’c’est pourquoy je conseilleray toujours a Vostre Majesté d’aller au solide, sans vous arrester a de petites formalités quy ne sont point essentielles. Sy la ville de Montpelier vous refusoit l’obeissance et la sommission quy vous est due, et qu’ils sont obligés de vous rendre, je vous dirois qu’il la faudroit destruire, et exterminer : mais c’est un peuple allarmé et espouvanté des menaces que l’on leur a faites de les piller, et destruire, violer leurs femmes, et filles, et brusler leurs maisons, quy vous supplie au nom de Dieu que vous faciés recevoir son obéissance par monsieur vostre connestable lequel y entrera, vous en estant eslongné, avesques telles forces qu'il luy plaira, pour y faire valoir et reconnestre l’autorité de Vostre Majesté, quy est la mesme chose que sy vous y entriés vous mesme. Pourquoy voulés vous, pour une puntille de rien, ne recevoir une paix sy utile et honorable pour Vostre Majesté, et plustost entreprendre une longue guerre, dont l’evenement est douteux et la despense excessive, dans un païs ou les chaleurs sont immoderées, et exposer vostre propre personne aux outrages de la guerre et de la sayson, pouvant vous en exempter sans dommage ny blasme ? Car des maintenant Vostre Majesté peut recevoir la paix, ou pour dire mieux, la donner a vos sujets rebelles. Ceux de Montpelier offriront, et mesmes supplieront tres humblement Vostre Majesté de venir honorer leur ville de vostre presence, et d’y faire son entrée, laquelle ils prepareront la plus magnifique qu’ils pourront, mais qu’ils vous demandent six jours de temps pour licentier les trouppes des Sevennois qu’ils ont dans leur ville, et pour se preparer a y dignement recevoir Vostre Majesté ; ce que vous leur accorderés : mais tesmoygnant de l’impatience d’aller trouver la reine vostre femme que vous ferés descendre à Arles[247] (de Lion ou elle est), laissant la charge de recevoir Montpelier a monsieur le connestable quy demeurera icy avesques une partie de vostre armée, vous irés avec l’autre faire vostre entrée a Nismes et a Uses. Ainsy, Sire, vous ne perdrés aucun temps pour vos affaires ny pour vostre retour, et elles seront parfaitement bien accomplies a mon avis ; quy est ce que je puis dire a Vostre Majesté sur ce sujet. »

A peine Mr le Prince quy avoit escouté Mr de Bulion avesques impatience, le peut laisser finir, qu'il commença a desclamer contre luy et la cabale qu’il disoit quy avoit forgé cette paix a l’insceu du conseil, et la vouloit faire passer et conclure avesques honte et infamie. Mais le roy, aupres de quy il estoit, avesques la main et la parolle le retint, luy disant qu’il laissat librement opiner un chascun, et qu’en son rang il auroit tout loysir de parler ; ce qu’il fit tellement quellement, se desmenant sur son siege et montrant par ses gestes la repugnance qu’il avoit a ces avis, plusieurs desquels furent conformes en suitte : car Mr le president Faur ayant dit peu de paroles et en pareil sens que Mr de Bulion, conclut en la mesme façon, comme firent en suitte Mrs de Montreal, de Portes, de Valançay, Zammet, et Marillac ; puis quand ce vint a moy, Mr le Prince quy avoit toujours dit quelque mot bassement[248], esleva davantage sa voix et dit : « Je sçay desja son opinion, et nous en pouvons dire ad idem. » Lors je la dis en semblable façon :

« Sire, je suis d’avis que Vostre Majesté se leve de son conseil, et que par un noble et genereux desdain elle tesmoygne combien elle se sent offensée des propositions de ceux de Montpelier, et combien les avis que l’on luy donne en conformité luy sont desagreables. »

« Sy Vostre Majesté estoit devant Strasbourg, Envers, ou Milan, et qu’elle conclut une paix avesques les princes a quy ces villes appartiennent, les conditions de n’y pas entrer seroint tolerables ; mais qu’un roy de France, victorieux avec une forte armée, au lieu de donner la paix a une poignée[249] de ses sujets rebelles, sans ressource, et reduits a l’extremité, Elle la reçoive d’eux a des conditions honteuses qu’ils luy viennent proposer et imposer, ce sont injures quy ne se peuvent souffrir[250], non pas mesmes escouter. La ville de Montpelier en refusera l’entrée a son roy, luy fermera ses portes, et avant que de luy faire aucun serment de fidellité[251], il luy fera cet acte d’obeissance de s’eslongner de dix lieues de leur ville, selon leur desir ! Le roy quy accepte ces conditions se doit preparer a recevoir de terribles oultrages des autres villes quy seront audacieuses par cet exemple et asseurées d’impunité par cette indigne souffrance. Ouy, mais, me dira-t-on, il apparoistra par le traitté que le roy y a peu entrer, et cette exception se fera par un article secret quy ne sera sceu que par ceux de Montpelier et par ceux quy ont l’honneur d’assister a ce conseil : comme sy un peuple entier pouvoit cacher ou celer une chose sy avantageuse, et comme sy l’on ne devoit pas lire sur nostre visage ce que nostre langue auroit honte de desclarer ! Sire, au nom de Dieu, prenés une ferme resolution, et y perseverés, et mesmes vous y opiniastrés, de ruiner ce peuple parce qu’il est rebelle, et parce aussy qu’il est insolent et impudent, ou de le réduire à une entière sommission[252] et parfaitte repentance. »

« Mes interets particuliers repugnent a ma proposition, et le seul service et honneur[253] de Vostre Majesté me portent a vous la faire. Car sy la paix se conclut aujourd'huy, elle me trouvera avec une plus grande recompense que mes services ne m’en devoint promettre, par l’honneur que j’ay receu du baston de mareschal de France, dont Vostre Majesté m’a asseuré : je ne puis gaigner au siege de Montpelier que beaucoup de peine, de dangereux coups, et peut estre la mort : il peut arriver aussy des sinistres accidens quy retarderoint Vostre Majesté de me faire prester le serment de la charge qu'elle m’a promise, voire mesmes de me la refuser du tout[254]. Je courray neammoins cette fortune, et supplie tres humblement Vostre Majesté de dilayer ma reception jusques a ce que la ville de Montpelier soit reduite en son obeissance, et Vostre Majesté vengée de l’affront que ces rebelles vous ont voulu procurer. »

Apres que j’eus achevé de parler, Mr le Prince quy m’avoit attentivement escouté, se leva et dit au roy : « Sire, voila un homme de bien, grand serviteur de Vostre Majesté, et jaloux de vostre honneur. » Le roy se leva aussy, ce quy obligea tous les autres a se lever, et lors Sa Majesté dit a Mr de Bulion : « Retournés a Montpelier et dites a ceux de la ville que je donne bien des capitulations a mes sujets, mais que je n’en reçois point d’eux ; qu’ils acceptent celles que je leur ay offertes ou qu’ils se preparent a y estre forcés : » et ainsy s’acheva le conseil. Mr le Prince me fit cet honneur de me venir embrasser et de dire tout haut tant de bien de moy que j’en demeuray confus. Monsieur le connestable et Mr le mareschal de Crequy[255], quy avoint moyenné cette paix, voyans l’opiniatreté de ceux de Montpelier, conseillerent au roy de les mettre a la rayson, et des le soir tout traitté fut rompu.

Le mardy 30me monsieur le connestable voulut aller reconnestre Montpelier comme il avoit dit le jour precedent a Mr le mareschal de Pralain, lequel ne m’en dit rien, dont je me plaignis a luy devant monsieur le connestable, et luy fis voir que son silence estoit cause que deux mille hommes de pié quy eussent escorté monsieur le connestable affin qu’avesques seureté il peut reconnestre la place et rembarrer les ennemis (s’ils sortoint sur luy), n'estoint point commandés ny prets comme ils eussent esté ; car j’en eusse pris l’ordre de luy. Il me dit que quand je serois mareschal de France, je ferois (où j’aurois le commandement) ce qu'il me plairoit ; qu’il l’avoit en cette armée, et qu’il ne luy avoit pas pleu de m’en parler. Je fus fort estonné de cette rude response : car je l'aymois comme mon pere ; et je luy dis qu’il en fit comme il l’entendroit, et que je ne m’en meslerois point. Il se mit lors a la teste de quelque cavalerie qu'il avoit fait venir, et je me mis aupres de monsieur le connestable. Il arriva que les ennemis sortirent quelque deux cens hommes quy nous conduisirent tout autour de la place, tirant incessamment sur nous quy n’avions point d’infanterie pour les faire retirer, et eux se tenoint toujours a la faveur de leur contrescarpe et de leur rempart : ils blesserent quelques personnes, et entre autres le comte de Maillé[256] d’une mousquetade au visage, et blesserent aussy plusieurs chevaux. Nous fismes en six heures le tour de la place et nostre reconnoissance. Monsieur le connestable ne fut que jusques a Salleneuve ou il passa le Lers[257] et s’en retourna en son gouvernement, n’ayant peu porter les choses a la paix.

Le mercredy 31me le rendés vous de l'armée fut a une portée de mousquet de Salleneuve, a la veue de Montpelier, ou nous la fismes camper sur un tertre[258] ou il y avoit du bois quy fut bien tost coupé, et devint une plaine. Le roy se logea a un mas[259] a trois cens pas du campement, quy estoit au consul[260] de Montpelier. Nous ne nous avançames pas ce jour là plus avant qu’un chemin creux au dessous de la Justice[261] ou nous mismes un corps de garde de cent hommes, comme aussy nous en mismes pareillement, et de mesme nombre, a la teste de chasque regiment, et une garde a cheval de cinquante chevaux.

Sur les dix heures du soir le capitaine Lago[262] quy estoit ayde de camp, alla par mon ordre reconnestre avec vingt hommes un poste des ennemis a une maison ruinée a cent pas de la Justice et a quattre cens pas des cornes des ennemis, et les ayant poussés, il les fit quitter la maison et se retirer a leurs cornes. J’y allay a l’heure mesme, et mis pour garder cette masure, les cent hommes que j’avois precedemment mis a la Justice, et ayant fait venir a moy les six cens hommes quy estoint devant les six regimens campés, a quy je manday d’en mettre autant a leur place, je m’avançay dans un chemin creux que je trouvay gardable, et y mis ces six cens hommes ; et en ayant encor envoyé querir six cens autres, je m’avançay a cent pas de leurs cornes et m’y fortifiay la nuit.

Septembre. ― Je n’avois pas eu connoissance des logis qu’avoint pris Mr le Prince ny Mr le mareschal de Pralain[263], ce quy fut cause que je ne leur manday rien. Ils y arriverent le lendemain matin jeudy premier jour de septembre. Mr le Prince fut ravy de voir nostre progres ; mais Mr de Pralain s’en offensa, disant que je ne devois point sans son commandement m’estre avancé. Mr le Prince prit lors mon party et luy dit que j’avois bien fait et que, puis qu’il l'approuvoit, c’estoit assés.

Il nous mena de là avec luy au conseil ou vindrent aussy Gamorini, Mortieres, Lago, et le Meine. Tous furent d’avis qu’il falloit saysir l'aire de Saint-Denis[264], quy est cette eminence ou est maintenant la citadelle, et que le plus tost que nous nous en pourrions rendre maitres, que ce seroit le meilleur. Monsieur le mareschal en prit la charge, et Mr le Prince me commanda de luy accompagner. Mr de Chevreuse y voulut venir, et nous nous y logeames sans y trouver autre resistance que d’un corps de garde quy lascha le pié.

Mr le Prince y vint [le] lendemain vendredy 2me, et en fut fort satisfait. Il me dit sy je vcudrois bien en laisser la garde a Mr de Valançay, ou sy je luy lairrois la nuit suyvante ouvrir la tranchée. Je luy respondis que l’ouverture de la tranchée appartenoit au premier mareschal de camp, et que s’il vouloit donner la garde de l’aire Saint-Denis a Mr de Valançay et l’ordre de s’y fortifier, que j’en estois content. Il luy laissa donc et m’emmena avec luy aupres du roy. Nous laissames avec Mr de Valançay Mr du Plessis sergent de battaille[265], brave homme et entendu, et son ayde Verneigues, avec les regimens de Fabregues, La Roquette et Saint Brest, quy pouvoint faire huit a neuf cens hommes, trois cens hommes de Piemont, et autant de Normandie. Mr le Prince ordonna aussy cinquante chevaux, quy eussent empesché le desordre quy survint, s’ils y fussent venus ; mais ils manquerent et n’y vindrent a temps.

Je demanday congé au roy de m’aller reposer deux ou trois heures affin que je puisse veiller la nuit prochaine a l’ouverture de la tranchée, n”ayant point fermé l’œil depuis que nous estions partis de la Verune, ce qu’il m’accorda au sortir du conseil. J’estois dessus mon lit sur le midy quand j’ouis tirer trois coups de canon consecutifs de la ville, ce quy me fit sortir de ma tente ; ou je vis a l’heure mesme une grande sortie que ceux de la ville faisoint sur nos gens quy estoint a l’aire Saint-Denis, et qu’il y avoit parmy ceux quy sortoint, bien trente chevaux armés. Je demanday un cheval en diligence, m’acheminant toujours vers le quartier des Suisses quy estoit le plus prochain de ladite aire Saint-Denis, quand je vis nos gens s’en fuir et se glisser au bas de la montaigne sur le Merdançon[266] quy est un ruisseau quy coule au bas de la montaigne. Je courus lors aux Suisses et leur fis prendre les armes et marcher droit aux ennemis quy poursuivoint les nostres jusques au Merdançon.

Il arriva que le roy avoit disné et estoit en une loge au haut de son logis avec plusieurs princes et seigneurs, lesquels virent cette sortie et y coururent avec un tel desordre qu’ils ne connurent jammais lesquels estoint les ennemis ou les nostres, jusques à ce qu'ils s’en virent investis ; et Mr de Montmorency par bonne fortune ayant rencontré Argencourt[267] quy ne le voulut point faire tuer comme les autres, [Argencourt] luy dit : « Monsieur, retirés vous par là », ce qu’il ne se fit pas dire deux fois ; et bien qu’il se hastat fort, il ne peut esviter deux coups de piques des ennemis, quy neammoins furent legers, et en fut tost guery. Les autres quy estoint venus de mesme compagnie furent tous tués, assavoir : Mr le duc de Fronsac[268], jeune prince de très grande esperance et quy fut a mon avis esté un jour un grand capitaine ; je n’ay jamais veu personne se prendre mieux a nostre mestier ou il se portoit sans fard ny sans ostentation, et quy avoit un extreme desir de le bien apprendre : avesques luy furent tués Mr le marquis de Beuvron[269], tres vaillant seigneur, un jeune gentilhomme de Languedoc nommé Lussan que je vis fort bien faire aux Ponts de Sey[270], et le sieur d’Ouctot, lieutenant de la compagnie de Mr le Prince.

Quand les ennemis virent marcher les Suisses, ils songerent a leur retraitte. Aussy vindrent ils[271] en bon ordre marchans resolument, et sans marchander passerent le Merdançon et commencerent a monter au haut de l'aire Saint Denis. Les ennemis ne les attendirent pas jusques aux piques ; mais escarmouchas toujours de leur mousqueterie, se retirerent dans la ville et nous quitterent le champ[272] ou nous trouvames et retirames nos morts quy estoint, outre ceux que j’ay nommés, deux mestres de camp, Fabregues et La Roquette[273] quy furent tués d'abbord, et Combalet capitaine en Normandie, neveu du feu connestable de Luines[274], quy y fit bravement. Mr le Prince vint a la teste des Suisses a la mercy de mille arquebusades, et s’y tint assés longtemps sans en vouloir partir jusques a ce que je luy promis de luy rendre compte de Ouctot, vif ou mort, dont il estoit en peine, comme je fis peu apres, que je renvoyay le corps. Mr le mareschal de Pralain s’y tint toujours et fit tres bien : un des miens, nommé Fontaines, sur quy je m’appuyois, eut une mousquetade dans l’estomac trente pas derriere luy. Ce fut le seul grand accident quy nous arriva a ce siege.

Le soir le roy nous manda que l’on fit retirer les Suisses quy estoint toujours sur l’aire Saint Denis, parce que Sa Majesté estoit resolue d’y faire un bon fort le lendemain quy fut le samedy 3me jour de septembre ; toutefois on en dilaya l’effet ; auquel jour Mr Zammet quy faisoit la charge de mareschal de camp au quartier de Picardie dont il estoit aussy mestre de camp, comme il alloit reconnestre quelque chose durant qu’une escarmouche duroit, qu’il avoit expres fait attaquer, un coup de moyenne[275] tiré de la ville luy cassa la cuisse, dont il mourut trois jours apres[276] : le mesme coup emporta une fesse au sieur de Moullon[277], ayde de camp, dont il guerit.

Le dimanche 4me je fis, la nuit, une barricade a ma droitte, quy traversoit un chemin que ceux quy estoint dans les cornes des ennemis voyoint. Puis en suitte je coulay du long du Merdançon et avec des pipes[278] du long du bord je fis un parapet ou je logeay quantité de mousquetaires, et gaignay le pont quy le traverse[279], sur lequel je me fortifiay ; et en cette sorte nous nous donnions la main, ceux quy estoint sur l’aire Saint Denis et nous. Mais comme ce mesme soir Mr le mareschal de Pralain (Mr de Chevreuse estoit avec luy), vint regaigner ce poste et commencer d’y faire construire un fort, les ingenieurs quy estoint là, et Gamorini mesme, maintindrent que l’on ne s’y pouvoit loger, et qu’il n’y avoit pas de terre suffisante a se couvrir, de sorte que Gamorini descendit a moy et me dit que c’estoit en vain que je prenois a la gauche pour joindre nos attaques, parce que l’on avoit resolu de quitter le dessein de l’aire Saint Denis, quy estoit neammoins le plus court chemin a prendre la ville, et il parut bien s’il estoit impossible de s’y loger, car les ennemis a nostre barbe y bastirent un fort : il est vray qu’ils avoint l’avantage d’estre commandés et deffendus de la ville.

Le lundy 5me on resolut de faire une assés grande place d’armes pour tenir seurement nostre garde, laquelle je commençay la nuit.

Le mardy 6me je la continuay, et fis de jour une traverse de pipes remplies a trente pas des cornes des ennemis, sans perte d’aucun homme, par une nouvelle invention que j’imaginay, que Gamorini trouva fort bonne.

Le mercredy 7me je fus malade, et pour s’avancer proche des cornes on fit une traverse de gabions dans ce chemin ou j’avois fait celle de pipes le jour precedent.

Jusques alors nous n’avions travaillé que dans les chemins creux, quy sont en ce païs là fort enfoncés a cause qu’il y pleut rarement : mais le lendemain 8me nous travaillames sur le haut des terres, et haussions nos tranchées avesques des pipes remplies ; ce que nous fismes pour fortifier une batterie de quattre pieces que nous voulions faire pour battre les cornes avancées qu’il nous falloit gaigner.

Le vendredy 9me nous fismes une barricade et un logis dans le chemin a main gauche de nostre batterie, tirant aux cornes.

Le samedy 10me on fit une autre barricade dans le chemin a gauche des cornes, laquelle, a faute de pipes, nous fusmes contraints de faire de gabions vuides.

Le dimanche 11me Gamorini fut tué en se mettant entre deux paniers pour regarder cette barricade de gabions creux, mise la nuit précédente, que Toiras luy montroit[280] ; quy fut une grande perte pour le roy, car c’estoit un homme bien entendu pour les sieges.

Le soir, apres que les gardes furent sorties de la tranchée, et que le regiment de Navarre les eut relevées, j’allay soupper et emmenay Le Plessis, sergent de battaille, et Des Champs, capitaine en Navarre, avec moy, pour retourner incontinent apres. Mais comme nous nous voulions mettre a table, nous ouimes tirer plus qu’a l'ordinaire a la tranchée, ce quy nous y fit courre en diligence. C’estoit une forte sortie que les ennemis avoint faite sur Navarre, forcerent cette barricade de gabions qu’ils ruinerent et eussent fait un grand desordre a la tranchée sans la forte resistance du regiment. de Navarre ; car le lieutenant colonel nommé Joffre[281] estant demeuré en la tranchée pour y donner l’ordre necessaire, Porcheux[282] capitaine, Campis[283] sergent major, et Beaumont lieutenant, fils du Boullay[284], sortirent en la campagne avec quelque six vingts[285] hommes. Les ennemis estoint six cens hommes complets, en trois bandes : la premiere vint donnera la gabionnade qu’elle fit quitter aux nostres ; la seconde fut chargée sy vertement par la trouppe que Porcheux menoit, qu’elle[286] la renversa ; mais en mesme temps leur tomba sur les bras la troisieme trouppe ennemie a laquelle sans marchander ils allerent, la combattirent et la repousserent. Mais les trois chefs sus-nommés furent blessés, ce quy les ayant fait retirer, toute la sortie se joignit en un a la gabionnade.

J’y arrivay en cet instant, et pensant que la gabionnade fut encores a nous, j’entray par le passage quy estoit en la traverse de barriques pour y aller. Des Champs marchoit devant moy, et Le Plessis me suyvoit. Nous trouvasmes les ennemis occupés a renverser la gabionnade et Des Champs leur ayant crié, pensant qu’ils fussent des nostres : « Mordbieu, que faites vous ? Vous rompés nostre barricade », il fut aussy tost respondu de quattre ou cinq coups d’espée et on l’alloit achever, sans qu’il cria : « Je suis Bassompierre ; il y a vingt mille escus a gaigner. » Allors ils le saisirent et le firent prisonnier, pensant que ce fut moy, quy connus bien allors, et Le Plessis aussy, que nous estions trop avancés. Nous fismes donc semblant tous deux d’ayder a destruire la gabionnade, et primes nostre temps pour nous jetter dans le trou de nostre barricade ou nous courusmes encor cette fortune qu’un soldat nous tira une mousquetade a bout portant, en y entrant, quy par miracle ne toucha ny Le Plessis ny moy. En mesme temps que je rentray, Porcheux et Campis revenoint de faire les deux charges susdites ou ils ne perdirent que deux soldats, et forces blessés, comme eux aussy.

J’avois veu la contenance des ennemis comme ayant esté parmy eux, ce quy me fit prendre cent hommes et en bailler cent autres au sergent de battaille Le Plessis quy prit dans le champ a gauche, et moy a droitte, et vinsmes en mesme temps par deux costés charger les demolisseurs de nostre gabionnade de telle sorte que nous les fismes jetter dans leurs cornes plus viste que le pas, et laisserent morts huit ou dix hommes des leurs, et quattre prisonniers. Le bruit courut au quartier du roy que j’avois esté pris et nos tranchées nestoyées par les ennemis. Le roy y envoya Fiesque[287] en diligence, auquel je fis voir plus de trente morts, et envoyay les prisonniers conter des nouvelles au roy.

Les ennemis quy n’estoint rentrés dans la ville et estoint demeurés dans les cornes nous vindrent taster sur le minuit, et a quattre heures du matin encores ; mais ils trouverent toujours a quy parler. Nous refismes la mesme nuit, non cette gabionnade, mais une forte barricade et bien flanquée, a sa place.

Le lundy 12me nous achevasmes de mettre les quattre pieces en batterie et fismes une ligne a droitte pour y aller.

Elle tira le mardy 13me tout le jour, et sur le minuit nous attaquames les cornes, sçavoir : Mr de Pralain avesques le regiment des gardes, par le millieu ; moy par la droitte avec Piemont et Navarre ; et Mr de Valançay a la gauche avec Normandie et Estissac. Nous les emportames bravement et n’y perdimes que sept hommes, parmy lesquels le capitaine Taraut, de Normandie[288], y fut tué, et Lago, ayde de camp, dont ce fut un grand dommage ; car outre qu’il estoit brave homme, il entendoit le mestier autant qu’homme quy fut en l’armée. Mr le Prince quy estoit present a l’attaque, fut fort satisfait de nous, et le roy encores davantage.

Le mercredy nous nous fortifiames dans les cornes des ennemis, et avançames nos tranchées sur la gauche.

Le jeudy 15me on preparoit une batterie de douse pieces pour battre un bastion quy estoit a la gauche et lever les deffenses des lieux ou il nous estoit necessaire de les oster, et nous la fortifiames d’une place d’armes au devant, quy valoit bien un fort, tant l’assiette la rendoit bonne.

Le vendredy 16me Mr le Prince fut sollicité par le Meine Chabans d’attaquer plustost une demie lune[289] quy estoit entre deux bastions, [que l’un des deux bastions][290]. C'estoit a mon avis contre toute rayson, et avions grand avantage d’attaquer le bastion quy estoit a droitte, et que le quartier de Picardie attaquat le gauche. Mais comme Chabans avoit preoccupé l’esprit de Mr le Prince par ses raysons, il nous fut impossible d’en dire aucune quy le satisfissent. Je voyois bien ou visoit ce compagnon que je connoissois pour avoir toujours esté sous moy, hormis cette fois qu’il estoit ayde de camp au quartier de Picardie, et comme ingrnieur. C'estoit un proposeur de desseins, quy les donnoit a l’oreille aux generaux, blasmant tous ceux quy travailloint, et taschoit de s’installer en leur place, et puis quand il y estoit estably, il commençoit un dessein apparent et le conduisoit jusques a un certain point autant que sa suffisance (quy n’estoit pas grande) luy pouvoit permettre, et puis feignoit une maladie ou faisoit valoir quelque legere blesseure ou pratiquoit quelque commission[291] et laissoit là l’ouvrage commencé. Mr de Chomberg le tenoit un grand et habile homme, et comme tel l’avoit recommandé à Mr de Montmorency au quartier duquel il travailloit, et s’estoit aysement insinué en ses bonnes graces. Il avoit conduit le travail de Picardie jusques sur la contrescarpe du bastion quy estoit a main gauche du ravelin, et ne se jugeant pas capable de l’attaquer et s’en rendre maître, proposa a Mr le Prince qu’il falloit joindre les deux attaques, et avec une ligne de communication les approcher en sorte que ce ne fut qu’un, et que l’on devoit premierement prendre le ravelin que le bastion ; que c’estoit l’ordre de la guerre ; que sy on luy donnoit la charge generale des travaux qu'avoit Gamorini, qu’il en viendroit a bout facilement, a la gloire du roy et de mondit seigneur le Prince, et luy fit la chose sy facile qu’il luy fit changer nostre dessein. Quand je vis que je ne pouvois rien gaigner, je m'adressay a Mr d’Espernon quy ayant veu et reconnu l’un et l’autre projet, l’appuya de son autorité[292], et la disputa vivement. Mais en fin il en fallut passer au dessein du Meine, et fallut commencer ce jour là mesme à tirer nostre travail du costé droit vers ce petit ravelin.

Mr de Chomberg tomba malade la nuit de l’attaque des cornes, dont il pensa mourir.

J’employay une grande partie du samedy 17me aupres du roy sur le sujet de l'eslection qu'il vouloit faire d’un garde des sceaux, dont il estoit puissamment pressé par Mr le Prince et Mr de Chomberg depuis la mort de Mr le garde des sceaux de Vic, et plus encores depuis celle de Mr le cardinal de Rets[293], parce qu'ils sentoint leur cabale du conseil affaiblie par la perte de ces deux personnages, et avoint jetté les yeux sur Mr Alligre[294], tres habile homme certes et digne de la charge ; mais il estoit sy lié avec eux, que Mr de Puisieux et la caballe de monsieur le chancelier le redoutoint. Mr de Puisieux m’employoit aupres du roy pour faire que l'on rendit les sceaux a monsieur son pere ; mais le roy dissuadé par ces messieurs sur le pretexte de son absence et de son grand aage, me commanda de luy dire[295] qu'il ne s'y devoit point attendre, ce que je fis ce jour mesme. Mais il[296] me pria aussy de remontrer au roy qu’il importoit au bien de son service que celuy a quy il donneroit les sceaux fut en bonne intelligence avec son pere ; que cela ne pourroit estre sy Mr Alligre les avoit, et qu’il le supplioit au nom de Dieu que celuy là a cette occasion en fut excepté, ce que le roy ne luy voulut jammais promettre, quelque instance que je luy en peusse faire, parce qu’il avoit inclination pour Mr Alligre, et qu’il y estoit porté par tout le petit coucher qu’il avoit gaigné pour luy, quy estoit ceux quy demeuroint aupres du roy apres qu’il avoit donné le bon soir au monde ; car il veilloit encores apres cela une heure ou deux. Tout ce que je peus faire fut de faire dilayer cinq ou six jours sa promotion.

Le dimanche 18me n’avança aucun travail ; car il arriva un tel orage (quy sont rares en ce païs là, mais furieux quand ils viennent), qu’il fut impossible de rien faire autre chose que de se garantir d’estre noyé[297]. La terre quy est seche et pressée, ne boit point l’eau, laquelle s’escoule aux lieux bas et aux chemins creux, quy s’emplissent quelquefois de six et sept piés d’eau. Cette pluye fit grossir et desriver le Merdançon et emporta plus de cent lansquenets quy pour esviter les grandes chaleurs, avoint fait des creux contre sa rive et s’y estoint huttés.

Le lundy 19me nous nous donnames la main avec le quartier de Picardie par une ligne de communication quy fut tirée depuis le costé droit de nostre grande batterie jusques a eux.

Le mardy, et mercredy suyvant nous achevasmes la batterie, et nous avançames vers le ravelin a la sappe. Ce dernier jour Mortieres fut blessé, quy nous incommoda fort, car il estoit bien entendu aux travaux.

Le jeudy 22me comme je vins le matin au conseil, je sceus que le roy avoit donné parole a Mr le Prince de faire Mr Alligre garde des sceaux ; au moins en avoit il asseuré le petit coucher, et eux luy, et Mr de Puisieux me dit en entrant qu’il estoit desesperé de cette affaire, dont je fus bien marry pour l’amour de luy quy estoit mon amy, et pour l’amour de moy encores parce que Mr Alligre ne m’en avoit jamais voulu prier, soit par mespris, soit pour se croire fort asseuré de son affaire et n’avoir besoin de mon ayde. Comme je fus entré, Rouccelay me tira en un coin avec Mr le mareschal de Pralain, et me dit ces mesmes mots :

« Vous sçavés, Monsieur, combien j’ay d’obligation de vous aymer et servir, tant pour vos bonnes graces que vous m’avés amplement données, comme pour les obligations que je vous ay. Vous m’avés fait revenir a la court apres la mort du mareschal d’Ancres, et avés voulu estre ma caution. Vous aves porté le roy a me donner l’année passée l’abbaïe de l’Or de Poitiers pres Saint Maissant ; et pour ne faire une longue enumeration de tous vos bons offices vers moy, j’avoue en gros qu’il n’y a seigneur en France a quy je sois plus redevable qu’a vous. C'est pourquoy je me suis toujours estudié de le reconnestre en tout ce quy m’a esté possible. Vous sçavés le soin particulier que j’ay eu de vous procurer les bonnes graces de Mr le Prince et avec quelle peine j’ay tasché de vous y conserver : je dis avesques quelle peine, parce qu'a mon retour a l’armée je l'ay trouvé sy mal satisfait de vous qu’il ne se pouvoit davantage, et a creu que Mr de Puisieux l’a mal servy auprès du roy, et que puis que vous avés voulu preferer son amitié a la sienne et ne l'abandonner pour luy, que vous avés participé aux mauvais offices qu’il luy a rendus ; il ne se peut dire combien de differens personnages j’ay joués pour luy lever cette opinion de l’esprit. En fin il m’a dit qu’il vous avoit offert son amitié toute entiere, pourveu que vous veulliés quitter celle de Mr de Puisieux et m’a dit de plus que vous ayés a vous en resoudre en toute cette journée, parce que, celle cy passée, il ne vous y recevra plus. Mr Alligre sera demain fait garde des sceaux, et luy et Mr de Chomberg estans estroittement joints a Mr le Prince, non seulement ils ruineront Mr de Puisieux, mais aussy tous ses fauteurs et adherens, dont vous estes le principal. Cela vous ay je voulu dire devant Mr le mareschal de Pralain que vous aymés comme vostre pere, lequel me sera tesmoin que j’ay tasché de destourner l’orage de dessus vostre teste, que je vois prest a y tomber ; car asseurement ces trois personnes unies ensemble possederont l’estat, et esleveront ou abbaisseront ceux qu’il leur plaira. »

Comme il achevoit ces derniers mots, le roy m’appela, et comme il me vit pensif, il me demanda ce que j’avois a resver. « Je songe, Sire, a une extravagante harangue (luy respondis je), que Rouccelay me vient de faire devant Mr de Pralain, de la part de Mr le Prince, quy ne m’estonne pas tant pour ma consideration que pour la vostre. Il me desclare incapable de posseder jamais ses bonnes graces sy je ne les reçois dans aujourd’hui, a condition d’abandonner l’amitié de Mr de Puisieux, et dit de plus que luy, Chomberg et Alligre (quy doit demain estre garde des sceaux), seront trois testes en un chaperon quy manieront l’estat a leur fantaysie et sans aucune contradiction, ruinans ou agrandissans leurs ennemis ou leurs partisans et serviteurs a leur plaisir. Jugés, Sire, ou vous et ceux quy ne veulent despendre que de vous seront reduits ! ».

Il ne falloit pas en dire davantage au roy pour l’animer. Il me respondit : « Ils ne sont pas ou ils en pensent, et je leur en garderay bien. » Je le priay de ne me tenir davantage affin que Rouccelay ne creut que je luy eusse dit sa harangue ; et que sans faire semblant de rien il s’enquit de Mr le mareschal de Pralain s’il ne m’avoit pas dit cela, et plus.

Sur cela il me quitta, et je revins a Rouccelay a quy je fis response que les menaces, ny la disgrace, ne me faisoint pas quitter mes amis, au contraire me lioint plus estroittement avec eux, et que ce n’estoit pas le moyen de m’acquerir que de me menacer ; que je serois toujours tres humble serviteur de Mr le Prince, mais que je ne ferois rien indigne de moy pour acquerir ses bonnes graces.

Le roy cependant parloit a Mr de Pralain quy luy confirma mon dire et l’anima de plus en plus, de sorte qu’un peu apes il me tira a une fenestre et me dit : « Ne faites semblant de rien, et m’attendés a ma chambre au sortir de mon disner. » Je luy dis aussy qu’il devoit dissimuler avec Mr le Prince, et luy cacher qu’il voulut changer de dessein, et qu’il n’en tesmoygnat rien a personne : aussy ne fit il.

Mr le Prince arriva peu après. Mr de Puisieux se retira en son logis comme le conseil fut levé, fort triste, et me dit en partant : « L’affaire est resolue, Alligre est garde des sceaux. » Je luy respondis : « Je ne le croiray point que je ne le voye ; car je ne me veux point rendre malheureux avant le temps. »

Or est il qu’une fois, que le roy me parloit des sceaux en faveur de Mr Alligre (ou il inclinoit), [il] me dit qu'il n’y en avoit aucun pres de luy capable de les avoir que Mr Alligre. Je luy respondis qu’il faisoit tort a Mr de Comartin, quy estoit du conseil depuis trente cinq ans, quy avoit esté en plusieurs ambassades et commissions, personnage ou il n’y avoit rien a dire. Il me respondit : « Ouy, mais il est begue, et moy aussy, de sorte que luy quy doit ayder a ma parole, aura besoin d’un autre pour parler pour luy. » Je ne repliquay pas lors davantage : mais comme le roy disnoit, j’estois sur un coffre, resvant a l’affaire presente ; et considerant que, sy je n’avois en main quelqu’un a luy offrir, je pourrois bien retarder, mais non rompre entierement la promotion de Mr Alligre, je pensay a luy oster l’opinion en quoy il estoit de Mr de Comartin, par les meilleures raysons que je pourrois. Il ne tarda gueres a disner, et vint aussy tost a moy, extremement animé sur cette affaire : je taschay de le conserver en cette humeur et luy dis que cette affaire estoit plus importante qu’il ne pensoit, et que son conseil ne seroit plus une assemblée de diverses personnes concurrentes a son service, mais un corps entier attaché a leurs interets particuliers. Il me dit qu’il se garderoit bien de faire Alligre garde des sceaux, et que ces messieurs avoint trop tost descouvert leur dessein ; mais qu'il estoit bien empesché quy choysir. Je luy dis lors :

« Sire, je prendray la hardiesse de vous nommer encores Mr de Comartin comme un tres homme de bien, et quy a encores toutes les qualités que vous pouvés desirer a un bon garde des sceaux, et en a une de plus quy est tres importante a l’estat present de vos affaires, que c’est un homme sans cabale, et sans suitte, quy n’est lié ny attaché qu’a Vostre seul service. Et quant a ce que Vostre Majesté craint qu’il n'ait pas la parole libre, quarante ans qu’il y a qu’il est dans vostre conseil, rapportant tous les jours, les commissions qu’il a tous les ans d’aller presider de vostre part aux estats, tantost de Languedoc, tantost de Bretaigne, et plusieurs ambassades dont il s’est dignement acquitté, vous font voir qu’il n’a pas la langue empeschée ; et m’estonne, Sire, que Vostre Majesté quy l’a veu tant de fois parler devant elle, soit en incertitude s'il parle bien ou mal. Cela, Sire, m’oblige a vous donner un conseil que vous croirés, s’il vous plait, quy est sans autre interest que le vostre (car je n’ay aucune liaison particuliere avec Mr de Comartin), quy est de le faire garde des sceaux ; en laquelle charge, s’il y est propre (comme je le crois), vous aurés fait un bon choix, et d’un homme de bien ; sinon, vous luy aurés seulement donné les sceaux pour les [vous][298] rapporter a Paris, où sans crainte d’offenser que luy, vous luy pourrés oster pour en investir un personnage capable et quy ne soit attaché a autre interest que le vostre, ce quy ne pourroit pas estre en la promotion de Mr Alligre ; car estant lié, comme il appert, avec Mr le Prince et Mr de Chomberg, il vous obligeroit, en luy ostant les sceaux, de faire une entiere subversion de vostre conseil, ce quy seroit perilleux. J’adjouste finalement que, puis que Mr de Comartin a fait le sceau depuis trois mois comme le doyen du conseil, je ne vois aucun inconvenient de luy en donner la charge pour trois autres au bout desquels, ou vous l’en osterés comme incapable, ou vous luy conserverés comme suffisant. »

Le roy prit tres bien mon discours, et apres y avoir un peu pensé me dit : « Ouy, je suis resolu de donner demain les sceaux a Comartin, et n’en diray rien a personne, qu’a l’heure qu’il viendra au conseil. » Je luy dis lors pour l’embarquer : « Sire, donnés la vie, sy cela est, a Mr de Puisieux quy s’en est allé le cœur transy en son logis : permettés moy de le consoler par cette bonne nouvelle, et que je luy escrive de vostre part. » Il me dit : « Je le veux bien, pourveu qu’il tienne l'affaire secrette. » Lors je pris l’escritoire du roy, quy estoit sur sa table et le manday a Mr de Puisieux, et suppliay le roy d’escrire au dessous de la lettre deux mots de sa main, ce qu’il fit, et mit : « Je certifie ce billet. » Je luy demanday en suitte, pour l’engager davantage, s’il me voudroit permettre d’en mander autant a Mr de Comartin. Il m’en fit quelque difficulté, mais en fin il l’accorda pourveu que je luy mandasse de moy mesme, et non de sa part ; ce que je fis, et luy montray le billet que je luy en escrivis, et envoyay a l’heure mesme un de mes gens au gallop porter ces bonnes nouvelles a ces deux impatiens de les recevoir. Puis apres je m’en allay passer la nuit aux tranchées et a visiter nos gardes, et en revins malade.

Le vendredy 23me je ne bougeay du lit.

Mr le Prince s’en alla ce matin là a Mauguiot. Son pretexte estoit de visiter Mr de Chomberg malade ; mais en effet c’estoit pour se conjouir avec Mr Alligre de sa prochaine promotion au sceau. Mais comme une bonne nouvelle se peut difficilement celer, Mr de Comartin l’avoit ditte a son secretaire, et luy a quelqu’un de ceux du sceau, quy le firent sçavoír a d’autres, et eux a Mr Alligre, de sorte qu’il dit a Mr le Prince qu’asseurement j’avois envoyé la nuit mesme un des miens asseurer Mr de Comartin qu’il seroit ce jour là garde des sceaux. Il[299] revint en diligence trouver le roy auquel il dit ce que j’avois mandé a Mr de Comartin. Le roy luy dit qu’il n’en estoit rien et que j’en estois mal averty sy je luy avois mandé, ce qu’il ne croyoit pas. En suitte il[300] fit dire le mesme au roy par Mrs Erouart son premier medecin[301], Sauveterre, Gailleteau[302], Beautru[303] et autres, ausquels le roy fit la mesme response. Sur cela le roy sçachant que j’estois malade, m’envoya visiter par Mr de Lisle Rouet[304] auquel il donna charge de me dire que nostre homme avoit mal gardé le secret que je luy avois tant recommandé ; que cela l’avoit obligé de me donner forces desmentis pour lesquels nous ne viendrions point sur le pré, et qu’il persistoit en ce qu’il m’avoit dit : comme il fit aussy, et donna l’apres disner les sceaux a Mr de Comartin, dont l’autre cabale fut bien estonnée.

On n’avança rien cette nuit là aux tranchées, a faute de barriques. Mais le lendemain samedy 24me nous gaignames a la sappe la pointe du ravelin que nous voulions attaquer, lequel Argencourt avoit fortifié de tout ce qu’il s’estoit peu imaginer, comme de contremines, de palissades, de poutres planchées a l’espreuve et percées pour donner moyen aux soldats de tirer sur nous sans peril.

Le dimanche 25me on commença une mine a la pointe dudit ravelin, et on en entreprit une autre au coin gauche pour faire faire une attaque par là au regiment de Picardie. Le Meine faisoit faire tous ces travaux, et mines, auquel Mr le Prince avoit une entiere confiance ; et moy quy voyois que je ne gaignois rien à y contredire, le laissois faire, et faisois simplement la charge de premier mareschal de camp, posant, visitant et relevant les gardes, et faisant punctuellement fournir tout ce quy estoit necessaire pour l’avancement des travaux et batterie, ayant l’œil de plus a empescher le secours des ennemis, quy se preparoit a Anduse[305], dont nous eumes l’allarme la nuit du mardy 27me, et le roy voulut le lendemain[306] sur l’avis que l’on luy donna que le secours pour Montpelier marchoit, aller au devant avec quelque cavalerie et deux mille hommes de pié : il fut trois lieues au devant ; mais il rencontra un de nos espions quy l’asseura que de six jours il ne seroit prest a marcher, ce quy lui fit rebrousser chemin.

Nous continuames nos mines et nos travaux jusques au samedy premier jour d’octobre, auquel il vint un sy grand orage d’eau que je fus plusieurs fois a nage pour passer d’un lieu a un autre dans nos tranchées. La plus part des soldats quitterent, et les autres se mirent en sauveté sur les crestes des tranchées, asseurés que les ennemis ne pouvoint tirer sur eux, car tout estoit mouillé : et les mesmes ennemis ne se pouvans tenir dans le fond du ravelin, se mirent comme nos gens sur le haut de leur rempart, et parloint a nous. Roquelaure quy estoit comme une espece de mareschal de camp au quartier de Mr de Montmorency[307], me vint voir et creut que sy on pouvoit attaquer en ce temps là le ravelin, que les ennemis ne le pourroint deffendre, et en fit son rapport a Mr le Prince quy venoit me faire sortir de la tranchée pour m’aller secher, ayant esté toute la nuit dans l’eau au moins jusques a la ceinture, et quelquefois jusques au col. Des que Roquelaure eut dit cette imagination a Mr le Prince, il vint en diligence a moy, me commandant de la mettre en execution ; mais je luy en remontray l’impossibilité, et luy fis voir par la reconnoissance que l’on en fit devant luy, qu’il y avoit une pique d’eau de hauteur entre les ennemis et nous, et l'asseuray que, sy la pluye cessoit, toutes choses seroint prestes pour attaquer le ravelin le dimanche suyvant : a quoy je me preparay sans intermission, bien que ce ne fut mon avis de l’attaquer de la sorte.

Le lendemain dimanche 2me, toutes les choses necessaires a une attaque ne furent pas seulement prestes, mais il y en eut au double. Toutes les avenues pour y aller furent libres, et couvertes contre les ennemis, et tout le matin je fis travailler a ce quy nous pouvoit manquer, et a reconnestre exactement toutes choses. Le regiment de Navarre estoit de garde a la tranchée. Mr le mareschal de Pralain y arriva de bon matin, quy voulut faire bien comprendre aux capitaines ce qu’ils avoint a faire, et comme, et ou ils se devoint loger. Nous menasmes avec nous les sieurs Ferron et le Bourdet, capitaines, pour leur montrer, lesquels, comme nous nous vinsmes[308] a descouvert tous quattre, une mousquetade donna dans la teste de Ferron et la perça, puis vint donner dans le corps du Bourdet. Ce premier en mourut a l’instant, et l’autre deux jours apres : c’estoint deux braves hommes.

Mr le Prince arriva tost, après avesques Mr le cardinal de la Vallette, Mrs de Chevreuse et d’Espernon. Je leur montray l’ordre que j’avois estably pour les attaques, et les preparatifs de toutes choses necessaires a cet effet, dont ils furent satisfaits. Mr le Prince me demanda sy je ne croyois pas d’emporter la demie lune. Je luy respondis que je ne sçavois pas ce qu’il vouloit faire, et s’il vouloit la prendre par assaut, ou pié a pié ; s’il vouloit l’attaquer apres que les mines auroint joué, ou se loger dessus ou dedans ; que pour moy j’avois toujours veu beaucoup de difficultés en cette affaire, et que j’y en reconnoissois encores davantage ; que c’estoit une piece forte d’elle mesme, deffendue de deux bastions, puis de la contrescarpe de la ville, et finalement des murailles de la ville. Il me dit lors [en colere][309] : « Je sçay bien que c’est : puis que vous n’en avés point donné l’invention, vous ne croyés pas qu'elle puisse reussir, et vous ne serés pas marry qu’elle ne succede pas. » Je luy respondis qu’il avoit bien mauvaise opinion de ma preudhommie de souhaiter le desavantage du roy ; qu’il verra dans le succes que je ne m’y espargneray pas, que je feray le devoir d’un mareschal de camp, et luy feray combattre, s’il veut, toute son armée par ordre cette piece, jusques a ce qu’elle soit emportée ; que du surplus je le remettois a Dieu. Apres quoy les mines estant prestes, on les fit toutes deux jouer, et en suitte attaquer la piece, assavoir : Navarre par celle du flanc et Piemont par la pointe. Mais comme il y avoit au devant une palissade de poutres sur le haut de la piece, quy n’estoit point tombée par les mines, et que ceux quy se logeoint aupres estoint veus de vingt endroits et tués ou blessés a l’instant, nous y perdismes forces gens et y fismes peu de fruit, les mines n’ayans pas fait l’ouverture que nous nous promettions. Mr le Prince m’envoya querir et me dit qu'a son avis tout alloit bien, car il voyoit nos gens aller bravement a l’attaque ; et moy je luy dis qu’a mon avis tout alloit mal, et que le meilleur seroit de terminer promptement cette besongne en la cessant. Sur cela on rammena le sergent de battaille, nommé le Plessis, a quy une mousquetade avoit crevé un œil ; puis en suitte du costé de Navarre, Roquelaure, Serans et Frenel, ces deux derniers, capitaines audit regiment, furent tués. Mr le Prince me renvoya encor querir parce que je voulois secourir mon compagnon Valançay quy faisoit donner ; il me dit qu’il luy sembloit encor que tout alloit bien : « Et moy tres mal, luy respondis je ; car tout ce quy ne se commence pas bien n’a jamais bonne issue. Vous voyés que les nostres se logent dans la courtine, qu’ils sont veus de tous costés, qu’a la moindre mine que les ennemis feront de sortir sur eux, ils lascheront le pié, et peut estre le feront quand et quand quitter a ceux quy les soustiennent. »

Je fus a mon regret prophete ; car a l'heure mesme les ennemis sortirent par l’effet de la mine du flanc, et les nostres quitterent la place : ceux mesmes de l’attaque de la pointe du ravelin en firent autant. Lors j’y courus et trouvay que Mr d’Espernon marchoit avec quelque trente gentilshommes l’espée a la main : un d’eux quy tenoit un pistolet haut contre moy[310] le desbanda, et il me perça le bord de mon chapeau d’une balle. Je pris cinquante hommes de Piemont et quelque quinse gentilshommes, et allay la teste baissée aux ennemis que nous rechassames dans le ravelin d’abbord[311]. Aussy n’estoint ils qu’environ vingt hommes sortis, quy ne laisserent de donner l’espouvante de telle sorte que l’on envoya querir le regiment des gardes : mais ce fut sans s’en ayder ny en avoir besoin. Tout le mal qu’ils nous firent fut de mettre le feu en une tranchée faite de pipes, quy fut esteint peu apres, et ce qu’ils en avoint destruit, raccommodé. Nous fismes retirer nos gens, raccommoder nos tranchées, et les gardes quy y devoint cette nuit là entrer, y furent menées par Mr le mareschal de Crequy quy estoit venu porter au roy des bonnes nouvelles de ....[312] et quy me voulut soulager cette nuit là, voyant que je n’en avois que trop de besoin.

Le lundy 3me octobre, Mr le Prince fit venir en sa hutte tous les principaux de l’armée au conseil, ou il dit que sy l’on n’avoit peu prendre un chestif ravelin, que l’on prendroit bien moins Montpelier, et qu’il nous avoit fait assembler pour resoudre ce que nous devions faire. Ceux a quy il demanda ce conseil les premiers luy dirent qu’il falloit faire de nouvelles mines et qu’aussy tost qu’elles auroint joué, il y falloit aller par assaut et non par logement, et que nous l’emporterions infailliblement. Le Meine opiniatroit cette mesme opinion, et respondoit que la ville estoit prise sy ce ravelin estoit a nous. Je dis lors a Mr le Prince que, s’il ne tenoit qu’a ce ravelin qu’il ne fut maitre de Montpelier, je luy en respondois sur ma vie dans quattre jours, et que s’il m’eut voulu croyre et la plus part de ces messieurs quy estoint là, nous aurions maintenant, non ce petit ravelin, mais un des deux bastions et peut estre la ville. Mr d’Espernon luy dit allors : « Monsieur, Monsieur, c’est de ces messieurs icy qu’il se faut fier, et au conseil desquels il faut croire, car c’est leur mestier, et non adjouster foy et creance a ce petit bavard (montrant Chabans), quy n’y entend rien, et que vous devriés renvoyer jouer du violon, quy est son mestier. » Chabans luy dit qu’il pensoit avoir donné un bon conseil et qu'il le soutiendroit par vives raysons ; mais Mr d’Espernon luy en dit encores pis, et Mr le Prince l’ayant fait taire, me dit qu’il seroit bien ayse que j’entreprisse de me rendre maitre du ravelin, mais que je luy die comme je m’y voulois prendre. Je luy dis lors :

« Monsieur, une des plus essentielles regles de nostre mestier est d’attaquer les choses par les contraires, ce que j’explique en cette sorte qu’une piece haute, comme une tour, un bastion eslevé, et toute autre chose eminente, se doit attaquer par le bas, assavoir par sappe et mine ; où[313] au contraire une piece basse comme est ce ravelin quy ne montre que le nés et n’est pas deux piés plus eslevé que la superficie, il le faut prendre par le haut. Les mines estoint excellentes a l’un de ces deux bastions que nous eussions pris dans dix jours parce qu’il nous estoit facile d’en gaigner le pié : il n’en est pas de mesme de ce petit ravelin quy est comme enfoncé en terre, bien contreminé, et fortifié de tout ce quy se peut pour estre attaqué par bas, comme nous avons fait et n’y avons rien gaigné : mais a cela il faut faire un cavalier de six piés de haut seulement et y loger deux pieces ; il faut faire a chasque costé de ce cavalier un petit logement pour y faire tirer quattre mousquetaires, et deux avenues pour y monter et descendre : et puis qu’il vous plait sçavoir comme je prendray sy aysement cette piece, des que mes deux canons y seront logés, je mettray quattre cens mousquetaires aux deux costés, quy monteront et descendront incessamment des deux petits logemens et tireront sans intermission dedans le ravelin ; vingt coups de canon l’auront labouré, et brisé toutes ces poutres dont il est palissé ; allors j’auray cinquante travailleurs quy sans crainte ny peril l'ouvriront depuis la pointe jusques a la gorge, et ainsy vous en serés maître. »

Des que j’eus achevé, Mr le Prince quy a l’esprit aussy excellent qu’homme quy vive me dit : « Par Dieu, vous avés rayson, et je confesse que par ce moyen il est a nous, et que ces messieurs ont la mesme opinion. » Ainsy mon avis fut approuvé de tous, et de Mr d’Espernon particulierement, et Mr le Prince me dit : « Je me fais fort de vous faire fournir dans apres demain trois mille fascines. » « Et moy, luy dis je, de vous fournir trois jours après le ravelin. »

Le mardy 4me[314] il se fit une sortie a dix heures du soir sur le regiment de Picardie au quartier de Mr de Montmorency. J’estois dans nostre tranchée, et pris quattre cens hommes que je luy menay en diligence ; mais les ennemis ne se jouerent pas de s’avancer davantage, et Mr de Montmorency m’en fit mille remerciements, et s’offrit a la pareille en cas de besoin.

Le vendredy 7me les trouppes de monsieur le connestable arriverent, quy estoint quattre mille hommes de pié et trois cens chevaux. Je leur fus donner quartier[315], et l’apres disner sa personne arriva[316]. Nous fusmes au devant de luy. On luy fit tendre forces tentes proche du logis du roy.

Le samedy 8me Mr de Rohan avesques les trouppes qu’il ammenoit pour jetter dans Montpelier, s’approcherent de nous, et se vindrent loger a Fontanés et a Courconne[317]. Nous fusmes avesques nostre cavalerie au devant d’eux, mais ils se retirerent.

Ce mesme jour les trouppes que le roy avoit laissées a Mr de Vandosme pour prendre les petites places du bas Languedoc, arriverent, quy pouvoint estre pres de trois mille hommes, et cinq cens chevaux : je leur fus donner departement[318] avant que de partir pour aller a Fontanés.

On commença ce jour là et la nuit suyvante a travailler a ce petit cavalier.

Avant partir, Mr le Prince m’envoya querir et me dit le dessein qu’il avoit de se retirer de l’armée, fondé sur la venue de monsieur le connestable, quy luy en ostoit le commandement. Il voyoit aussy que la paix s’en alloit conclue, de laquelle il n’avoit pas eu la part qu’il eut désiré : car, y estant ouvertement contraire, le roy luy en avoit celé les pratiques. Je fis ce que je peus pour le persuader de ne s’eslongner pas de la personne du roy, et de rompre ce voyage d’Italie qu’il meditoit ; mais ce fut en vain. Il vint donc demander au roy son congé et le pressa tant de luy donner qu’en fin il luy accorda, et des le lendemain dimanche matin 9me il partit, de sorte qu’a mon retour de la campaigne ou j’avois passé la nuit, je ne le trouvay plus.

Sur les cinq heures du soir les ennemis logés a Courconne parurent sur un haut a demie lieue au deça de Courconne, ce quy fut cause de nous faire tenir sur nos armes toute la nuit.

Le lundy 10me la paix se conclut, et Mr de Rohan mené par Mr le mareschal de Crequy, et sur sa parole, vint passer par nostre camp et entrer a huit heures du matin dans Montpelier où il demeura deux jours pour gaigner ces peuples a[319] recevoir la paix qu’ils ne vouloint point avec la condition de recevoir garnison dans leur ville.

Le mercredy 12me je vins le matin au conseil, et me sembla que le roy me faisoit moins bon visage que de coustume, et ne me parla point. Il estoit au cabinet de ses oyseaux, et peu apres dit a la compagnie qu’ils vinssent tenir conseil dans sa chambre, et dit mesmes a Mr le cardinal de la Vallette et a Mrs de Chevreuse et d’Elbeuf qu’ils y vinssent, comme aussy a Mr de Vandosme quy arriva en mesme temps : il y avoit monsieur le connestable, Mrs d’Espernon, de Pralain, de Crequy, de Montmorency ; les mareschaux de camp, et les mareschaux des logis Descures[320] et ….[321] avec monsieur le garde des sceaux et Mr de Puisieux.

Comme nous entrions, monsieur le garde des sceaux me dit : « Je pensois, pour reconnestre les obligations que je vous ay, vous envoyer vos lettres parfumées[322] ; mais le roy me pressa par Beautru qu’il m’envoya hier au soir, [de les sceller][323], sy extremement que je n’en eus pas le loysir. » « Quelles lettres, luy respondis je ? » « Celles de mareschal de France, dont vous allés prester le serment. » Je fus bien estonné et aussy resjouy de cette nouvelle inopinée, et en mesme temps le roy dit ces mesmes mots :

« Messieurs, j’ay intention de reconnestre les bons et grands services que j’ay receus depuis plusieurs années de Mr de Bassompierre, tant aux guerres que j’ay eues qu’en d’autres occasions, d’une charge de mareschal de France, croyant qu’il m’y servira dignement et utilement. Je desire d’avoír vos opinions sur cela, pour voir sy elles se conforment a la mienne. »

Allors tous d’une voix me firent l’honneur de dire plus de bien de moy qu’il n’y en avoit ; et lors, sans me dire autre chose, il me prit par la main, et s’estant assis dans sa chaire, me fit mettre a genoux et prester le serment, puis me mit le baston a la main en suitte, de quoy je luy en fis les tres humbles remerciemens dont je me peus aviser. Tous ceux quy estoint presens me vindrent embrasser et se conjouir de ma promotion ; et en suitte tous les corps de l’armée, tant d’infanterie que de cavalerie, vindrent rendre tres humbles graces au roy du choix qu’il avoit fait de ma personne, leur premier mareschal de camp, pour le faire mareschal de France : et ceux de l'artiglerie luy ayant demandé permission de faire, le soir mesme, un salve de tous les canons quy estoint en l’armée, l’infanterie en fit de mesme pour faire un salve de resjouissance ; et comme il se faisoit[324], le sieur de Calonges[325] gouverneur de Montpelier ayant fait demander a la tranchée pourquoy ce salve se faisoit, et luy en ayant esté dit la cause, m’envoya mander que ceux de Montpelier ne feroint pas moins que ceux de l’armée, et y fit faire aussy un salve general.

Aussy ce mesme soir ils envoyerent au roy l’entiere resolution de la paix ; et trois jours auparavant nous en avions telle asseurance que l’on n’avançoit rien a nos travaux.

Le jeudy 13me Mr de Rohan sortit de Montpelier pour aller porter leur volonté aux desputés assemblés a Ganges[326] pour la resolution de la paix, ou il y avoit cette difficulté que le roy vouloit retenir garnison a Montpelier, et que ceux du corps de la ville ne vouloint consentir sinon qu’elle y demeurat autant que le roy y demeureroit, et n’osoint mesmes proposer au peuple rien davantage sinon que la seule garde ordinaire du roy y entreroit quand et luy. En fin il fut dit que le roy la laisseroit libre en s’en allant ; mais Mr de Rohan dit au roy que quand il n’observeroit pas cet article, bien qu’il fut couché dans le traitté de paix, que pour cela les huguenots ne reprendroit pas les armes.

Il ne se passa rien de particulier le vendredy, samedy, ny dimanche.

Le lundy 17me Mr de Rohan rentra dans Montpelier.

Le mardy 18me fut employé en allées et venues jusques au soir, que l’on rapporta au roy la ratification de ceux de Montpelier, et Mr de Rohan vint voir le roy.

Le mercredy 19me les desputés se vindrent mettre a genoux devant le roy, au nom desquels Mr de Calonges parla ; et ayans demandé pardon de leur rebellion passée, rendirent graces au roy de celle qu’il leur faisoit de leur donner la paix avec la continuation de leurs edits[327]. En suitte les consuls de la ville de Montpelier en firent de mesme. Puis le roy commanda a monsieur le connestable de prendre possession de la ville, ce qu’il fit en ordonnant a Mr de Crequy et a moy d’y aller establir les regimens des gardes, françois et suisses : ce que nous executames avec tel ordre qu’il n’y eut pas la moindre rumeur ny allarme toute la nuit, bien que les soldats estrangers quy gardoint la ville fussent sur les bastions, le peuple dans les maisons, et quattre mille François et Suisses des gardes du roy dans les rues, carrefours, et places de la ville.

Le jeudy 20me nous fismes sortir tous les soldats estrangers et leur donnames escorte jusques a Montferrier[328], d’ou ils passerent aux Sevennes. Le roy en suitte y fit son entrée[329], et on cantonna les deux regimens des gardes aussy tost que le roy y fut entré. Tout y fut aussy paysible que sy jammais la guerre n’y eut esté.

Le samedy 22me Rouccelay mourut, et peu avant qu’il passat, il m’envoya prier de le venir voir. Il avoit le pourpre quy luy estoit sorty, quy estoit fort contagieux. Je fis ouvrir la porte de Montpelier comme sy je fusse allé au camp, et l’allay trouver. Il me confia sa cassette et ses papiers, me priant de faire brusler les lettres que je trouverois propres a cela, puis m’embrassa, et soudain mourut. Je me repentis fort d’y estre allé pour la contagion que j’en apprehendois ; mais enfin je n’en dis rien, et il n’en arriva aucun mal.

Le dimanche 23me il se fit procession generale par la ville, en laquelle on porta le Saint Sacrement.

Le lundy 24me, le mardy, et mercredy, fut employé a licentier les trouppes, tant de pié que de cheval ; oster a la reine mere et aux reine, Monsieur, et princes, les compagnies de chevaux legers quy estoint sous leur nom ; et on en retint seulement neuf, de cinquante hommes chascune, quy furent entretenues.

Le mesme mercredy on fit entrer dans Montpelier les regimens de Picardie et de Normandie pour y tenir garnison, avesques lesquels le roy laissa Mr de Valançay mareschal de camp[330].

Le jeudy 27me le roy partit de Montpelier et alla coucher a Esmargues ; mais Mr d’Espernon, monsieur le garde des sceaux, et moy, vinmes coucher a Aiguemortes cheux Varrennes, quy nous en avoit priés.

Le vendredy 28me nous disnasmes sur le bord du Rosne cheux Saint Romans, et vinmes coucher a Arles ou le roy arriva le lendemain, et le dimanche 30me il y fit son entrée[331] ou pour la premiere fois je marchay en rang de mareschal de France, immediatement devant luy, a la gauche du mareschal de Pralain.

Novembre. ― Le roy sejourna en Arles jusques apres la Toussaints, qu’il y toucha les malades[332], et me commanda de mener son armée a Privas pour y faire recevoir la paix, ou y mener forte guerre, ensemble pour nestoyer le Rosne de cinq meschants forts que Brison[333] et d’autres huguenots y avoint construits pour y brigander : et cependant il s’en alla visiter la Provence et partit d’Arles le mercredy 2me de novembre, et moy j’y sejournay encores ce jour là pour laisser acheminer les trouppes, et en partis le lendemain 3me pour venir en Avignon ou je trouvay Mr de Vandosme quy me mena le soir au bal cheux madame d’Ampus sa cousine[334], ou madame de Villars estoit logée.

J’y sejournay le lendemain, et le jour d’apres quy fut le samedy 5me je vins au Pont Saint Esprit[335], ou je fus tres bien receu et traitté par Masargues quy en estoit gouverneur.

Le dimanche 6me je fis passer l’armée, le canon, et le bagage, sur le pont, sur lequel je fis mettre quantité de paille affin de ne l’esbranler, et vins coucher a Pierrelatte[336].

Le lundy 7me je vins a Montelimart, et le mardy 8me je passay sur le pont de batteaux que l’on avoit fait sur le Rosne proche du Pousin[337] ou les desputés de Privas me vindrent porter l’acceptation de la paix et toute obeissance a ce que je leur voudrois ordonner de la part du roy. Je leur envoyay le sieur de Clostrevielle pour les y recevoir, et m’en vins avesques dix compagnies des gardes coucher a la Voute[338].

Le mercredy 9me je fis investir Beauchastel quy se mist aussy tost a ma mercy, et Brison m’ayant fait demander un sauf conduit (que je luy donnay), me vint trouver et me remit Charmes, Soyon et Cornas[339], que je mis entre les mains des païsans voysins, ausquels je promis de retirer mes trouppes de cheux eux des qu’ils auroint rasé tous ces petits forts ; ce qu’ils firent avec une telle diligence qu’a quattre heures du soir il n’y en demeura aucun vestige, et peus, comme je fis, aller le mesme soir repasser le Rosne, et aller coucher a Valence ou je trouvay Mr de Lusson quy avoit esté nommé cardinal, et quy en alloit prendre le bonnet du roy[340]. Je le fus saluer et ayant donné l’ordre pour faire acheminer l’armée, j’en partis le lendemain jeudy 10me.

Je vins coucher a Vienne d’ou je partis avec Mr le mareschal de Saint Geran que j’y avois rencontré et vinmes a Lion le lendemain vendredy ou Mr d’Alincourt[341] vint au devant de nous, nous donna a disner, et puis nous mena saluer premierement la reine mere quy logeoit a Ainey[342], puis apres [la reine][343] en l’archevesché, avesques quy je trouvay mesdames les princesses de Condé et de Conty, de Chevreuse, de Verneuil et connestable de Montmorency.

Il y eut comedie le soir.

Le samedy 12me mesdames la princesse de Conty et duchesse de Chevreuse (sur la nouvelle quy leur arriva de l’extremité de la maladie de Mr le prince de Jainville en Avignon), se mirent sur le Rosne pour s'y acheminer en diligence, et me firent prier d’y aller affin qu’en cas de mort on peut conserver ses charges en sa maison.

Je demeuray encores tout ce jour là a Lion, tant pour aller voir les princesses que pour envoyer l’armée en garnisons, ou la licentier, selon mes ordres ; et le dimanche matin je m’embarquay et vins coucher a Valence, et le jour suyvant quy estoit le lundy 14me j’arrivay a Avignon ou je trouvay Mr de Chevreuse hors de danger.

Le mardy 15me nous y sejournames en bonne compagnie quy y estoit.

Le mercredy 16me le roy y fit son entrée[344]. Nous y eumes quelque contestation ; car le vice legat pretendit de marcher au millieu des deux premiers mareschaux de France, et le general des armes d’Avignon apres le dernier et en rang, ce quy leur fut en fin accordé parce que c’estoit sur leur terre.

Le jeudy 17me Mr de Savoye vint trouver le roy en Avignon, quy fut au devant de luy et le rammena dans la ville, le faisant marcher a sa gauche ; et puis estant arrivé au palais, le roy commanda a Mr le mareschal de Crequy et a moy de l'emmener au petit palais ou il luy avoit fait apprester son logis et deffrayer magnifiquement tant qu’il y demeura[345].

Le vendredy 18me le roy fut ouir une comedie aux Jesuistes, d’ou je sortis malade.

On fit ce soir là forces feux d’artifices.

Le roy demeura à Avignon jusques au lundy 21[346] qu’il partit pour aller en Dauphiné d’ou il sortit tous les huguenots des places qu'ils y tenoint, et obligea monsieur le connestable d’oster des siennes ceux quy y commandoint, quy n’estoint catholiques[347].

Je demeuray cependant en Avignon, bien malade du pourpre quy me sortit en abondance, et ne peus me mettre en chemin pour aller trouver le roy que le jeudy premier jour de decembre, que je partis d’Avignon et vins coucher a Mondragon[348] ; le vendredy a Montelimart, puis a Valence, et le lundy 5me a Vienne, ou je trouvay le roy a son retour de Dauphiné (decembre)[349], et arriva le mardy 6me à Lion ou il demeura avesques les reines et princesses, ayant tous les soirs les comedies et le bal jusques au dimanche 11me qu’il y fit une tres magnifique entrée[350], et ensuitte eut un festin cheux Mr d’Alaincourt quy luy donna aussy la comedie.

Le lundy 12me le bal se tint encores cheux Mr d’Alaincourt. Puis on fit les noces de Mr de la Vallette avec mademoyselle de Verneuil[351].

Le mardy, et mercredy suyvant, il y eut des comedies italiennes et des feux d’artifices.

Le jeudy 15me le roy fut au devant de Mrs le prince, princesse de Piemont, et prince Tomas[352], quy vindrent voir le roy[353].

Le vendredy je fis un raccommodement, avec une maitresse.

Le samedy il y eut bal, et le dimanche 18me Mr d’Espernon fit un grand festin au roy et a toute la court. Puis il y eut comedie, et en suitte des feux d’artifices. De là le roy dit adieu a la reine sa mere, a la reine sa femme, a madame la princesse de Piemont sa sœur, puis le lendemain avant jour, lundy 19me decembre, il partit de Lion, vint disner a la Bresle et coucher a Saint Saforien[354].

Le mardy 20me il vint a disner a Rouanne, ou il pensoit s’embarquer[355] ; mais il trouva la riviere glacée, de sorte qu’il fut contraint d’aller par terre, et vint coucher a la Pacaudiere ; le mercredy disner a la Palisse, coucher a Varanne ; le jeudy au giste a Villeneufve, le vendredy disner a Maigni[356] et coucher a Nevers, où Mr de Nevers le receut magnifiquement.

Le samedy il vint a la Charité[357], et la nuit, quy estoit celle de Nouel, il fit ses pasques ou Mr de Chevreuse, et moy, le servismes.

Le roy sejourna le jour de Nouel a la Charité.

Chomberg y apprit par Mr de Puisieux et moy la mort de sa mere[358].

Je fis response aux jesuistes au nom du roy, sur ce qu’ils luy demandoint cinq sols pour minot de sel sur les païs de Nivernois, Bourbonnois et Auvergne.

On jugea le differend des premiers gentilshommes de la chambre, sur la réunion de la place de feu Humières[359].

La nouvelle vint au roy de la mort du prince de Guymené[360] gouverneur du Maine. Le roy m’offrit ce gouvernement, et je l’eusse bien désiré ; car je n’en eusse pas voulu un plus grand quy m’eut obligé a la residence : mais je dis au roy que je tascherois de faire en sorte que l’on le louat toujours sur mon sujet, et que je recevrois ses graces et bienfaits avec tel intervalle que le roy seroit loué de sa bonté et moy de ma modestie ; qu’il n’y avoit que deux mois qu’il m’avoit honoré de l’office de mareschal de France, et que, s’il me faisoit sy promptement gouverneur de province, on en parleroit. Mr de Vittry, mareschal, le vint trouver a sa couchée du lendemain lundy 26me a Bonny, auquel je conseillay de donner ce gouvernement du Maine a condition qu’il quittat a Mr du Hallier, son frere, la lieutenance de roy de Brie qu’il possedoit : ce qu’il ne voulut accepter, quelque instance que nous luy en fissions, Mr de Puisieux et moy, lequel en suitte me pria de l'assister en la demande qu’il en vouloit faire au roy pour Mr le mareschal de la Chastre son beau frere[361] ; il en pria aussy Mr de Chomberg avec lequel il estoit allors assés bien en apparence.

Il n’est hors de propos de dire icy quelque chose sur le sujet de Mr de Chomberg, lequel avoit toujours eu une forte liaison avec Mr le Prince, Mr le cardinal de Rets et Mr le garde des sceaux de Vic, et aversion a Mr de Puisieux. J’ay dit cy dessus comme je fus pressé a Moissac d’abandonner l’amitié de Mr de Puisieux que ces messieurs vouloint perdre. Mais il se tenoit ferme, tant par sa propre industrie, que par l’inclination du roy, comme aussy par le secret de la paix, qu’il avoit a l’exclusion des autres. Mr de Chomberg se rabienna aucunement avec luy a Mauricoux, voyant qu’il ne le pouvoit abattre, et le pria d’avoir du roy la permission de traitter de la charge de grand mestre de l'artiglerie, ce qu’il obtint par son moyen[362] : Mr de Puisieux aussy luy fit office quand le roy promit a luy et a moy deux bastons de mareschaux de France. Mais apres la mort de Mr le cardinal de Rets, quy avoit suyvy d’assés pres celle du garde des sceaux de Vie[363], il se jetta entierement avec Mr le Prince pour faire Alligre garde des sceaux, bien que Mr de Puisieux l’eut servy a obtenir les gouvernemens d’Angoulmois et Limousin : allors Mr de Puisieux se porta entierement contre luy. Il avint peu apres, au commencement du siege de Montpelier, que Mr de Chomberg tomba extremement malade, et que pendant ce temps là Mr de Commartin fut fait garde des sceaux, lequel estoit son ennemy desclaré de longue main, et encores de nouveau pour l’exclusion qu’il luy avoit faite aux sceaux. Ils se joignirent lors, Mr de Puisieux et luy, pour donner sur la malle de Mr de Chomberg, dirent au roy que, pendant qu'il faisoit la charge de l'artiglerie, il negligeoit celle des finances, et qu’il laissoit desrober impunement les tresoriers ; qu’il ne l’entendit pas bien, et que les affaires du roy desperissoint entre ses mains. Le roy est de son naturel susceptible aux mauvais offices que l’on veut faire aux autres vers luy, et singulierement quand son interest y est meslé, et est bon mesnager jusques a pencher vers l’avarice en petites choses, et cependant jamais il n’y eut roy en France quy ait tant donné, tant despendu, et par consequent tant tiré de son royaume que luy : mais comme il croit extremement conseil et se fie a ceux qu’il a une fois choysis pour luy donner, cela despend du conseil que l’on luy donne. Le roy donc s'imprima facilement les rapports que l’on faisoit de luy, contre lequel il s’anima jusques a ce point de dire que s’il reschappoit de sa maladie, qu’il luy falloit oster les finances. Je me souviens qu’un jour, comme il en estoit a l’extremité et que les medecins en desesperoint, que Mr le garde des sceaux de Commartin me dit cheux le roy qu’il estoit nécessaire que Mr de Puisieux, luy, et moy, nous puissions parler une bonne heure pour chose quy importoit, mais qu'il ne falloit pas que l’on s’en apperceut. Nous primes l’expedient de m’en aller au logis de Mr de Puisieux, quy estoit sur le chemin de Mauguiot, faisant semblant d’aller visiter au galop, et seul, une garde a cheval que j’avois de ce costé là ; et ayant entré dedans, je me fis mener a sa chambre : monsieur le garde des sceaux quy avoit rammené dans son carrosse Mr de Puisieux, y descendit, feignant avoir quelque affaire encores a luy communiquer ; et nous estans enfermés tous trois, ils proposerent la mort de Mr de Chomberg comme certaine, et qu’il falloit de bonne heure pourvoir a celuy quy le devroit succeder aux finances, de peur que l'on n’en insinuat dans l’esprit du roy quelqu’un quy n’y fut pas propre, ou ne fut pas de nos amis. Mr de Puisieux proposa Mr d’Alaincourt, et Mr de Fleury[364], grand mestre des eaux et forêts de France : moy je nommay Mr de Suilly comme personne desja connue et esprouvée, estimé de tout le monde pour le plus suffisant et connoissant en cette charge, et a son deffaut je nommay Mr le marquis de Seneçay : monsieur le garde des sceaux fut d’avis de faire six directeurs des finances quy ne peussent rien faire l’un sans l’autre, ce quy feroit qu’un seul seroit capable d’empescher les autres quand ils seroint portés a desrober, et nous pria, cela estant, qu’un sien neveu (qu’il avoit fait faire conseiller d’Estat de procureur general de la court des aydes qu’il estoit auparavant, nommé Tonnellier)[365], peut estre un de ces six par nostre moyen, nous asseurant de sa probité et d’une entiere suffisance. Nous demeurasmes en fin d’accord de ces six directeurs, ou a faute de ce, de Mr le marquis de Seneçay, qu’au gré de tous trois fut jugé le plus a propos ; que l’on escriroit a monsieur le chancelier pour en avoir son avis, et que cependant, sy l’affaire pressoit, on proposeroit au roy l’un de ces deux avis[366], et qu’en attendant on luy couleroit doucement dans l’esprit : il se rencontra que, des que l’on en parla au roy, il jetta les yeux sur Mr de Seneçay, rejettant les six directeurs : monsieur le chancelier trouva bon les six directeurs, croyant que sa grande suffisance et son autorité le rendroit toujours maitre par dessus eux, mais en cas d’unité en la charge, approuva le choix de Mr de Seneçay ; et ainsy nous nous separames. Mais monsieur le garde des sceaux quy vouloit mal a Mr de Chomberg, le sappa [durant sa maladie][367] de telle sorte que le roy pensoit a l’oster quand il fut guery, et n’estoit retenu que par Mr le Prince quy le soustenoit, lequel s’en alla des qu’il vit la paix resolue. Il arriva de surcroit pour haster sa ruine, que le bastard du comte Peter Ernest de Mantsfeld mon grand oncle[368], quy dans la revolte de la Boheme[369] estoit venu avec mille chevaux qu'il avoit precedemment eus au service de Mr de Savoye[370] quy les avoit licenciés, s’en vint au service du palatin[371] quy s’en estoit fait couronner roy, quy le mit dans Bilsem, ville de Boheme, ou il ramassa les reliques de la battaille de Prague, et en ayant fait un assés grand corps, s’estoit venu saysir de Haguenau[372], ville imperiale sur le Rein ou il amassa une armée contre laquelle le duc de Bavieres ayant envoyé la sienne commandée par le baron d’Anhold[373], il le chassa d’Allemaigne[374] et le contraignit de se retirer dans les terres de Sdan : ce quy donna une telle allarme aux Parisiens[375], voyant le roy occupé au siege de Montpelier, que l’on leva en diligence une armée pour s’opposer a luy (en cas qu’il se voulut jetter en France), commandée par Mr de Nevers. Mais comme luy prit sa routte dans la Flandre, et que le siege de Montpelier continuoit, et que le roy ne vouloit point tomber en l'inconvenient de l’année precedente que la faute d'hommes l’avoit contraint de lever le siege de Montauban, il manda que de ces gens desja levés on luy envoyast dix mille hommes de pié et huit cens chevaux, pour renouveller son armée, ou pour envoyer en Italie en cas que le traitté de Madrid ne s’effectuast point : et monsieur le chancelier quy avoit la superintendance des affaires a Paris, en fit donner la charge a Mr d’Angoulesme, et celle de mareschal de camp a La Vieville, quy les ammenerent jusques proche de Lion, d’ou La Vieville fut envoyé a Montpelier pour avoir les ordres du roy de ce que cette armée auroit a faire. La Vieville estoit ennemy juré de Mr de Chomberg parce qu’il luy avoit rayé sur l’estat de Champaigne deux mille escus par an qu’il s’estoit fait donner pour recompense du gouvernement de Mesieres qu’il avoit perdu aux premiers troubles[376], et sçachant que Mr de Chomberg chanceloit, prit l’occasion de le renverser tout a fait. Il passa en Bresse, conduisant l’armée, et proposa a Mr le Grand d’aspirer aux finances, luy disant qu’il avoit des moyens infaillibles de destroner Chomberg, lequel s’estoit guery, mais non pas des playes que l’on luy avoit faites dans l’esprit du roy, en sorte que La Vieville fut escouté quand il supplia tres humblement le roy, dans Montpelier, de dispenser Beaumarchais son beau pere[377] d’entrer au jour de l’an prochainement venant dans l’exercice de sa charge de tresorier de l'espargne, attendu que sans son evidente ruine il ne le pouvoit faire, veu que Mr de Chomberg avoit despendu par anticipation tout le revenu de Sa Majesté de l’année prochaine jusques au dernier quartier. Il dit au roy que s’il n’estoit question que de l’avance d’un million d’or pour faire subsister les affaires de Sa Majesté, que Beaumarchais le trouveroit sur son credit et sur celuy de ses amis, mais que ses espaules n’estoint pas assés fortes pour soustenir le faix entier de la despense de l’année de son exercice, et qu’il le supplioit a mains jointes de l’en descharger ; ce qu’il ne feroit s’il y pouvoit voir quelque subsistance, et que ce luy eut esté un signalé proffit ; mais qu’il y voyoit son asseurée ruine. Ces propos estonnerent le roy de telle sorte qu’il creut estre ruiné, qu’il n’auroit pas a vivre l’année prochaine, et qu’il y falloit promptement remedier : il envoya querir a l’heure mesme messieurs le garde des sceaux, Puisieux, et moy, et fit redire a La Vieville tout ce qu’il luy avoit proposé, puis dit en suitte : « Il faut des aujourdhuy oster les finances a Chomberg. » Monsieur le garde des sceaux luy applaudissoit ; La Vieville le fomentoit ; Mr de Puisieux parloit ambigument ; moy seul je dis allors au roy :

« Sire, vous n'oyés qu’une partie : peut estre Mr de Chomberg vous fera il voir que vos affaires ne sont pas en l’estat que l’on vous dit ; nul n’en sçait le fond que celuy quy les manie. Et puis, Sire, quand vous les osteriés maintenant des mains de Mr de Chomberg, cela vous donnera il un plus grand fond qu’il n’y en a ? Celuy quy les prendra vous prestera [il][378] quattre ou cinq millions d’or que Mr de la Vieville dit quy vous font besoin ? Au pis aller vous trouverés toujours plus de credit sur la parole d’un chef des finances inveteré que dessus un nouveau venu quy fera à son arrivée fermer toutes les bourses des partisans jusques a ce qu’ils ayent reconnu de quel bois il se chauffe. Finalement, Sire, je conseille a Vostre Majesté d’attendre jusques a ce que vous soyés à Lion, et la vous en delibererés avec la reine vostre mere, et vous aurés là present le marquis de Seneçay pour les tirer d’une main, et les mettre en l’autre. »

« Ouy, mais, ce dit monsieur le garde des sceaux, cependant les chiens mangent le lievre : la nouvelle année approche, et il faut un tresorier de l’espargne pour la faire. »

Je luy respondis :

« Je n’ay jamais ouy dire que pour trouver un tresorier de l’espargne il faille chasser un surintendant, et que pour le chasser a Montpelier, vous le trouviés a Paris. Donnés vous patience, esclaircissés vous de ce que Mr de la Vieville vous dit, et vous mettés en lieu ou vous puissiés executer les resolutions que vous aurés prises. »

Ils me creurent en fin, mais avec beaucoup de peine : et quand ils eurent quitté le roy, je consideray que l’on n’ammendoit jamais pour changer, et que Mr de Chomberg avoit bien entretenu les armées ; que l’argent n’avoit point manqué ; qu’il estoit aymé des financiers, quy se fioint en sa parole ; et que monsieur le garde des sceaux, mon bon amy, avoit plus d’animosité et d’interest particulier que de reflexion sur le bien des affaires du roy ; que l’on n’accusoit point Mr de Chomberg de larcin, mais de negligence, et que cette negligence n’estoit point apparente, mais seulement dans le discours de ceux quy luy vouloint mal ; et me sembloit que les finances alloint assés bien, et que, changeant de mains, elles pourroint peut estre changer en pis. Comme j’estois sur cette consideration, Mr de Puisieux rentra, quy dit au roy comme il venoit d’avoir nouvelles que Mr le marquis de Seneçay estoit mort a Lion de la blesseure qu’il avoit eue a Royan ; dont j’eus certes un tres grand desplaisir, comme le roy le tesmoygna aussy de son costé : et comme c’estoit celuy a quy on avoit destiné les finances, et que nous n’en avions pas d’autres a la main quy peussent les mieux exercer que Mr de Chomberg (car monsieur le chancelier donnoit exclusion formelle a Mr de Suilly, quy estoit autorisée pres du roy a cause de sa religion), je me confirmay de plus en plus [au dessein que j’avois][379] de maintenir les choses en l’estat qu’elles estoint sans y rien changer : et voyant que je n’en avois pas un plus asseuré moyen que dilayant, je fis envers le roy qu’il n’en parleroit plus jusques a Lion. Mais comme son esprit estoit apprehensif et qu’il estoit agité par les instances de mes deux amis, des qu’il fut arrivé a Arles il remit l’affaire sur le tapis, et moy avesques plus de violence qu’auparavant, j’insistay a luy faire suspendre toute resolution jusques a Lion. Sur cela il m’envoya avec son armée en Vivarès, et s’en alla en Provence, ou on le remit encor sur ce discours ; mais parce qu’il me l’avoit promis, il ne voulut rien dire jusques a ce que je le revis en Avignon, ou il pressa encor et mesmes se fascha contre moy de ce que je le maintenois trop, et eus peine de le faire superseder jusques a Lion.

Cependant je parlay en Avignon a Mr de Chomberg et luy demanday en quel estat estoint les finances du roy, sy l’année prochaine estoit mangée, et s’il n’avoit aucun fond pour ce dernier quartier. Mais luy avec une grande asseurance me dit qu’il avoit de quoy achever cette année sans toucher sur l’autre, et qu’il avoit huit millions de livres de moyens extreordinaires, outre le revenu du roy, lesquels n’estoint a la foule[380] du peuple ny des particuliers, ny a la diminution du revenu de Sa Majesté, pour luy faire grassement passer l’année prochaine. Je luy demanday s’íl pourroit faire voir cela au roy, et luy en donner un estat. Il me dit que ouy, et dans trois jours sy je voulois. Allors je luy dis sans luy nommer personne, que l’on faisoit bien entendre le contraire au roy, et qu’il estoit necessaire qu’il l’en esclaircit ; ce qu’il m’asseura qu’il feroit, et me remercia de l’avis que je luy en donnois. Je dis en suitte au roy ce que Chomberg m’avoit dit, quy fut fort resjouy et me commanda d’averer sy cela estoit, et qu’en ce cas il ne le changeroit point, et qu’il le tenoit bon homme et point larron (ce sont ses mots) ; et Chomberg luy parla deux heures apres, dont il demeura satisfait, et m’asseura que s’il luy faisoit voir ce qu’il luy avoit dit, qu’il le maintiendroit, mais que je n’en fisse point semblant a mes amis. Je tombay malade là dessus et ne revis le roy qu'a Vienne, que le roy me dit que Mr de Chomberg luy avoit fait voir ce qu’il disoit, et qu’il ne le vouloit point changer. Je luy dis lors que, cela estant, il les falloit remettre bien ensemble, Mr de Puisieux et luy premierement, et en suitte monsieur le garde des sceaux et luy ; ce qu’il approuva, et me commanda d’y travailler. Quand nous fusmes a Lion, on le pressa encor pour desarçonner Chomberg, et comme l’on trouva le roy plus lent que de coustume, il me fut aysé de porter Mr de Puisieux a l’accommodement de luy et de Chomberg quy le[381] desiroit ardemment. Cela reussit sy bien qu’ils s’en retournerent de compagnie, qu’ils vindrent disner ensemble en partant de Lion cheux Mr de Chasteauneuf, et qu’ayans esté rattrapés par le roy a Rouanne, ils s’en vindrent de compagnie a sa suitte.

De Bonny le roy fut coucher a Nogeant[382] le mardy 27me, et le lendemain disner a Montargis, et coucher a Chasteau Landon[383]. Là Mr de Chomberg pria Mr de Puisieux et moy de faire office aupres du roy a Mr de Liancourt son gendre[384], a ce que le roy luy permit de recompenser la charge de premier gentilhomme de la chambre qu’avoit Mr de Humieres, ce que le roy luy accorda : et en suitte parce que le roy s’en alloit le lendemain a Malserbes[385] pour quelques jours, et que nous nous en allions a Paris, nous primes congé de Sa Majesté ; et moy, en la presence de Mrs de Chomberg et de Puisieux, apres l’avoir tres humblement remercié des graces, des honneurs et des privautés qu’il m’avoit faites, je luy demanday aussy pardon d’en avoir trop privement abusé, ce quy avoit fait croire que j'aspirois a la haute faveur, et obligé Mr le Prince de luy faire prendre garde que je voulois faire ses affaires ; que ce n’avoit jamais esté mon dessein, sy bien que Sa Majesté fit les miennes, et qu’il apparoistroit bien tost sy ç’avoit esté mon intention, car je n’irois plus entretenir le roy apres qu’il seroit couché, ny ne le verrois que pour luy faire la court comme les autres, et pour prendre le mot. Le roy me dit qu’au contraire il vouloit que je continuasse comme j'avois fait par le passé, et qu’il me vouloit faire de plus particulieres faveurs que jamais, lesquelles je luy dis que je n’accepterois pas.

Ainsy nous partimes le lendemain, Mrs de Chevreuse, de Chomberg, de Puisieux et moy, et le jeudy 29me decembre[386], ayant laissé proche de Berni[387] Mr de Puisieux quy fit beaucoup de protestations d’amitié a Mr de Chomberg en se separant, nous arrivasmes a Paris.

J’ay desja dit comme Mr de Chomberg avoit sceu la nouvelle de la mort de sa mere, ce quy l’obligea de ne se montrer a personne en arrivant a Paris, pour n’estre encores vestu de dueil, et de n’y faire sejour que d’une nuit. Estant arrivé en son hostel, il envoya Mr Mallier[388] trouver monsieur le chancelier quy estoit logé vis à vis, pour le supplier de l’excuser s’il ne l’alloit voir, attendu son accident quy l’empeschoit de sortir en l’estat qu’il estoit, et qu’il le verroit a son retour de Nantueil. Il envoya en mesme temps Endilly[389] vers Mr le cardinal de la Rochefoucaut (quy par le deces de celuy de Bets avoit esté fait ministre), luy faire le mesme compliment, et moyenner une entrevue aux Recollets avesques luy pour le lendemain, ce que monsieur le chancelier ayant sceu, creut fermement que Mr de Chomberg n’estoit porté de bonne volonté pour luy, de l’avoir desdaigné de cette sorte, et me voyant le lendemain, me pria de retirer la parole dont j’estois despositaire entre son fils, et luy, et qu’il ne vouloit aucune particularité avec Mr de Chomberg.


1623.
Janvier.


Ainsy nous commençames l’année 1623 a nostre arrivée a Paris [ou][390] le roy fit peu apres[391] une espece d’entrée en laquelle Monsieur n’ayant voulu souffrir a Mr le Comte de marcher avec luy, Mr le Comte en fit de mesme avesques Mr de Guyse, quy se retira. Il arriva aussy que le provost des marchands[392] pretendit de marcher immediatement devant le roy, comme n’estant point une entrée, mais un joyeux avenement, de quoy les mareschaux de France eurent un tel mespris qu’ils ne voulurent pas mesmes contester, et nous en vinsmes sans accompagner le roy quy, des qu’il fut arrivé traitta, et conclut peu apres en fevrier, une ligue offensive et deffensive avec le duc de Savoye et la seigneurie de Venise pour recouvrer la Valteline aux Grisons : et en mesme temps le marquis de Mirabel[393] offrit au roy de la part du roy d’Espaigne l’execution du traitté de Madrid, et que, pour ce quy estoit parlé de l'establissement de la religion[394] audit traitté, le roy d’Espaigne s’en remettroit entierement au pape pour le decider, ce que le roy accepta, et s’en remit aussy au pape : de sorte que, du costé de dehors nos affaires estans assoupies et du dedans la paix establie, nos pensées et desseins furent tournés dans la court, et celles de Mr de Chomberg mises en tres mauvais estat parce que Mr de Beaumarchais dit absolument au roy qu’il ne pouvoit faire les avances necessaires s’il n’estoit asseuré de son remboursement, et que le fonds ordinaire manquoit pour cet effet par le mauvais estat auquel Mr de Chomberg avoit mis ses finances ; sur quoy monsieur le chancelier intervenant mit le roy en resolution determinée de les luy oster : et affin que le roy ne fut capable d’en estre destourné par moy, ils luy firent donner un avis sous main que Mr de Chomberg me devoit faire payer mes dettes par les financiers s’il estoit maintenu. Je dis a Mr de Chomberg a son retour de Nantueil, ce que monsieur le chancelier m’avoit dit sur son sujet ; et luy, croyant remedier a cette affaire, me dit qu’il luy diroit les causes quy l’avoint meu de ne le vouloir aller voir allors, et se sentit plus asseuré sur la mort quy arriva [en ce temps là][395] a monsieur le garde des sceaux, quy obligea en mesme temps monsieur le chancelier d’en poursuyvre la restitution qu’il obtint, et ne se mit pas en peine de songer a quy auroit les finances, s’imaginant que quiconque les auroit despendroit toujours de luy a cause de sa suffisance et grande autorité. Ainsy Mr de Beaumarchais ayant dit au roy qu’il feroit les avances s’il mettoit quelque superintendant dont il fut asseuré pour son remboursement, et La Vieville luy ayant ouvertement demandé la superintendance a condition que sy dans deux ou trois mois il ne s'en acquittoit bien, que l’on en mit un autre en sa place, avec les brigues qu’il fit a cette fin, furent causes que le roy luy donna, et chassa Mr de Chomberg[396], et en mesme temps Mr de Castille controlleur general, et les trois intendans des finances, desquels le president de Chevry fut peu apres restably.

Peu apres[397] Mr de Chomberg se battit contre le comte de Candale[398] quy le fit appeler sur le sujet du gouvernement d’Angoulesme quy estoit a luy precedemment en survivance.

À ce commencement La Vieville ne fut point du conseil estroit, et faisant a chascun bon accueil fut tenu, sinon en estime, au moins en souffrance[399]. Mais peu de jours se passerent sans qu’il se mit a cabaler, premièeement pour chasser Mrs de Sillery, chancelier, et Puisieux, ses bienfaiteurs, puis aussy tous ceux qu’il voyoit approcher le roy, et moy particulierement, quy ne manquay pas de faire voir son dessein a monsieur le chancelier ; mais il le mesprisoit de telle sorte qu’il n’en fit jamais cas[400].

Mars. ― En ce temps là Mr de Montmorency quy souffroit impatiemment que madame la connestable sa belle mere, quy (a ce qu’elle disoit), avoit accepté la charge de dame d’honneur de la reine a condition qu’il n’y auroit point de surintendante par dessus elle, y eut veu establir madame de Luines, lors[401] duchesse de Chevreuse, en fit sa plainte au roy, et demanda que le roy veulle commettre quelqu’un pour connestre des droits de sa belle mere, pour puis apres en faire le rapport en son conseil, pour y ordonner ce que de rayson. Mr de Chevreuse quy ne devoit jammais mettre la charge de sa femme en compromis, consentit (may) d’en laisser agiter la cause sur l'asseurance que Mr de Puisieux luy donna qu’il ne luy seroit fait aucun tort en cette affaire, et mit ses papiers (juin) es mains de Mr de Chasteauneuf que le roy y avoit commis pour instruire l’affaire et la rapporter au conseil.

Juillet. ― Cependant ils solliciterent l’un et l’autre tres fort, et fus prié des deux costés d’y employer mon esprit et mon petit pouvoir en leur faveur (aust, septembre, octobre). Mais estant tres affectionné a l’une et l’autre mayson, et particulier serviteur de mesdames les princesses de Condé et de Conty quy en faisoint leur propre, j’obtins d’eux et d’elles que je ne me meslerois de cette affaire quy en fin se termina vers la fin de l’automne (novembre) a Saint Germain, en sorte que l’une et l’autre furent privées de leurs charges, contre l’opinion de Mr de Puisieux quy vit bien des ce jour là sa ruine prochaine, mais par vanité la vouloit celer a ses amis pour ne se descrediter vers eux : et m’ayant demandé ce qu’il me sembloit de l'arrest quy venoít d’estre donné, je luy dis qu’il me sembloit que c’estoit le pire que l’on eut sceu donner, attendu que toutes les deux parties estoint offensées, et que le juge (quy estoit le roy), en seroit condamné aux despens. Il me dit lors qu’il n’en cousteroit rien au roy ; et moy je luy repliquay qu’il le payeroit plus cher que s’il l’eut acheté de gré a gré, et que, pour ne mescontenter deux sy grandes maisons comme celle de Lorraine, et de Montmorency, il le devoit faire ; autrement il estoit a craindre, veu le mauvais estat ou la France estoit et l’incertitude de la paix avec les huguenots quy demandoint instamment[402] la demolition du Fort-Louis, que le roy dans quelque temps ne fut obligé de restablir par un traitté de paix ce qu’il avoit presentement destruit. Je pensois dire cela a un amy particulier et en forme de discours ; mais Mr de Puisieux, pour faire le bon vallet, l’alla redire au roy, et le roy a La Vieville quy, bien ayse d’avoir trouvé l’occasion de me nuyre, dit au roy que ces propos estoint criminels, meritoint la Bastille, [ou pis][403] ; de sorte que le roy m’en fit la mine et fut huit jours sans me parler, jusques a ce que, s’estant plaint de moy a Mr le cardinal de la Rochefoucaut et au pere Siguirani[404], ils me le dirent et firent ma paix avec luy[405].


1624.
Janvier.


Ainsy finit l’année mille six cens vingt et trois, et le commencement de celle de 1624 fut employé a retirer les sceaux des mains de monsieur le chancelier, lequel voyant sa fortune abbattue et que ses ennemis prevaloint sur luy, les rendit au roy[406] avant qu’il les demandat, et se coucha de peur d’estre porté par terre. Mais ce fut en vain ; car La Vieville appuyé par d’autres personnes puissantes, et particulierement de la reine mere quy s’estoit remise[407] en estroitte intelligence avec le roy son fils, firent donner congé (fevrier) a monsieur le chancelier et a Mr de Puisieux, ausquels le roy escrivit le dimanche 4me de fevrier qu’ils eussent a se retirer a une de leurs maisons hors de Paris, ce qu’ils firent le lendemain. Par ce moyen La Vieville fut en supreme faveur et des lors pratiqua ouvertement ma ruine, ne m’ayant peu ployer a quitter mes amis, comme il m’en fit instamment supplier avant Nouel [precedent][408] et de me lier a luy d’une estroitte amitié.

Le roy en mesme temps donna les sceaux a Mr d’Alligre[409], lequel je ne laissay d’aller voir bien que je sceusse qu’il ne m’aymoit pas, et ce en compagnie de Mrs de Crequy et de Saint Luc. Il nous fit tres bonne chere, et a moy particulierement, de quoy d’autres quy l’estoint aussy venus congratuler estans esbahis, je leur dis tout haut : « Ne vous estonnés pas, Messieurs, de la bonne chere que me fait monsieur le nouveau garde des sceaux ; car je suis cause de ce que le roy les luy a aujourd’hui mis en main. » Il me dit lors : « Je ne sçavois pas, Monsieur, vous avoir cette obligation : je vous supplie de me dire comment. » « Monsieur, luy dis je, sans moy vous ne les eussiés pas eus aujourdhuy, mais des l’année passée » ; dont il se prit a rire et me dit qu’il estoit vray, mais que j’avois fait mon devoir ; car n’en ayant point esté sollicité par luy que je ne connoissois gueres, j’estois obligé de faire pour mon amy Mr de Commartin ; puis me dit qu’il me prioit de l’aymer, et qu’il me juroit devant ces messieurs qu'il seroit fidellement mon serviteur et mon amy, comme certes il me l’a depuis tesmoygné en toutes les occasions quy se sont rencontrées.

La foire de Saint Germain arriva puis apres, quy fut suyvie de deux excellens ballets que nous dansames avesques le roy le premier[410], et puis la reine, auquel se trouva le comte de Holland quy vint sonder le gué de la part du roy d’Angleterre, sy l’on voudroit entendre au mariage du prince de Galles son fils avec madame Elisabet[411] derniere fille de France.

Le caresme survint là dessus[412], auquel La Vieville montra au roy (mars) que je m’estois fait donner par la connivence du secretaire de la guerre, quy estoit Mr de Puisieux, vingt et quattre mille livres par an d’entretenement sur les Suisses, quy de droit ne m’appartenoint pas. Je demanday de remontrer mon droit en plein conseil, ce que je fis devant le roy une apres disnée, et La Vieville me voulant repartir, je luy lavay bien la teste. Neammoins mes estats demeurerent en souffrance.

Avril. — Le roy alla sur ces entrefaites a Compiegne ou je luy parlay deux fois sur mon affaire ; et en suitte luy ayant demandé moyen de l’entretenir (may) parce que je sçavois que La Vieville m'accusoit d’estre pensionnaire d'Espaigne, et mesmes avoit fait prendre prisonnier un nommé Lopes[413], Espagnol quy me hantoit, pensant trouver quelque chose contre moy par son moyen, le roy en fin me promit de me parler en particulier ; ce qu’il fit un soir (juin) sur le rempart quy est proche de son cabinet, et le bruit courut qu’il avoit parlé lors au Mansfeld [quy estoit venu][414] pour traitter quelque chose avec luy, et estoít a deux lieues de Compiegne[415]. Je luy dis ce que Dieu m’inspira en faveur de mon innocence et contre la calomnie de La Vieville ; de telle sorte que je demeuray fort bien dans son esprit, et luy tres mal : et pour mieux couvrir nostre jeu, le roy voulut que je ne luy parlasse point devant le monde, hormis quand je prendrois le mot, qu’il m’en pourroit dire deux ou trois, et moy autant a luy ; qu’il me feroit mauvais visage ; que je ne montrerois aucune apparence de m’estre raccommodé avec luy, et que, sy j’avois quelque chose a luy faire dire, ce seroit par l’organe de Toiras, de Beaumont[416] ou du chevalier de Souvré[417]. Au reste, des que j’eus parlé au roy, je ne doutay plus de la ruine entiere de La Vieville[418].

Mr le cardinal de Richelieu quelques jours auparavant[419] avoit esté mis au conseil estroit, quy me promit en mesme temps amitié, et que La Vieville ne me pourroit nuyre devant luy, comme aussy firent le garde des sceaux, et monsieur le connestable. Mais ce dernier eut toujours opinion qu’il[420] seroit assés puissant pour me faire mettre a la Bastille, dont il m’avertit plusieurs fois, et entre autres, au sortir du conseil, un matin (juillet) que La Vieville avoit fort insisté vers le roy pour me faire arrester, disant qu'il avoit une lettre d’un nommé Le Doux mestre des requestes, qu’il montra, dans laquelle il luy mandoit que dans les papiers de Lopes il avoit trouvé qu’un certain Espagnol nommé Guadamiciles m'avoit fourny quarante mille francs, et estoit vray qu’il avoit trouvé dans son livre de rayson ces mots : Al sr mal de Bassompierre por guadamiciles, 40000 Ms[421], quy estoit deux cens escus pour des tapisseries de cuir doré, ainsy nommées en espagnol. Tous conclurent qu’il falloit sçavoir quy estoit ce Guadamiciles, le faire prendre, et en suitte moy sy c'estoit un banquier espagnol quy m’eut donné cet argent. Monsieur le connestable m'envoya querir, me pria de m’en aller hors de France pour quelque temps, affin d’eviter ma ruine quy estoit certaine, m’offrit mesmes dix mille escus sy j’avois faute d’argent. Je le remerciay tres humblement de son avis et de son offre, et luy dis qu’il le devroit donner a La Vieville, quy seroit ruiné dans un mois, et non pas moy. Ce bon homme s’efforçoit de me persuader de ceder a la violence presente ; et moy (quy en sçavois plus que je ne luy en disois), l’asseuray que j’estois aussy affermy que La Vieville estoit chancelant. Neammoins le lendemain il eut la puissance de faire chasser le colonel d’Ornano d’aupres de Monsieur frere du roy[422], ce quy fit que monsieur le connestable me pressa de nouveau de m’en aller ; mais je l'asseuray encores de ma seureté, et de l’entiere ruine de La Vieville.

En ce temps là le comte de Carlile[423] arriva ambassadeur extreordinaire du roy Jaques de la Grand Bretaigne, auquel le comte de Holland fut adjoint pour traitter le mariage d’Angleterre ; et La Vieville faisant semblant d’estre mal avec eux, s’y estoit accommodé, en sorte qu’ils firent une brigue pour retirer de l’ambassade d’Angleterre le comte de Tillieres mon beau frere quy y estoit ambassadeur et y envoyer a sa place Effiat quy estoit tres grand amy du comte de Carlile, ce que La Vieville, quoyque desja disgratié dans l’esprit du roy et de la reine sa mere, n’eut pas peine d’obtenir, a cause d’une lettre qu’il[424] avoit escritte, par laquelle il mandoit au roy que la reine sa mere a son deceu faisoit traitter en Angleterre le mariage de madame sa sœur par personnes interposées, ce quy avoit fort offensé la reine mere.

Sur ces entrefaites le roy partit de Compiegne[425] et vint chasser proche de Monceaux ou estoit la reine mere, en un lieu nommé Germini[426]. Là fut confirmée la resolution de la ruine de La Vieville, dont le roy me fit l’honneur de m’envoyer donner avis par Toiras ; mais ledit Toiras en arrivant a Paris fut appellé en duel par le frere du procureur general nommé le Berné[427], ce quy fut cause que je n’en sceus rien que deux jours apres, qu’estant avec grande compagnie cheux moy a disner, le roy m’envoya dire que sans faute je fusse le lendemain de bonne heure a Saint Germain ou il devoit se rendre[428], comme nous fismes, Mr de Bellegarde et moy. Le roy nous fit fort bonne chere en arrivant ; et comme dans la galerie de la reine sa femme, au petit chasteau, il se promenoit entre Mr de Bellegarde et moy, La Vieville arriva, quy fut fort estonné de cette inesperée privauté qu’il me vit avoir avec le roy, quy nous quitta a l’heure mesme pour aller parler a luy ; et moy je vins saluer le mareschal de Vittry quy estoit venu avec La Vieville, lequel me dit qu’il estoit en peine de voir son beau frere[429] et moy sy mal ensemble, et qu’il nous vouloit accommoder, auquel je respondis : « Comment m'y accommoderois je astheure qu’il s’en va ruiné, puis que je ne l’ay pas voulu faire quand il avoit la toute puissance ? » « Comment, ruiné ? » me dit il. il. « Ouy, ruiné, luy respondis je, et ne vous fiés jamais en moy sy dans quinse jours il est surintendant des finances. » Sur cela le roy s’approcha de nous, et La Vieville de son beau frere quy luy dit ce que je luy venois de dire, et luy aussy tost l’alla rapporter au roy quy l’asseura qu’il n’en estoit rien, et que ce seroit plustost moy que luy. Le roy en suitte se fascha a moy de mon discours avec le mareschal de Vittry ; mais je luy dis qu’a un homme quy depuis une année m’avoit tant fait de peine, ce seroit trop peu qu’il ne sentit le sien qu’a l’heure mesme qu’il luy arriveroit, et que je luy voulois faire pressentir et gouster mesmes auparavant qu’il luy arrivat.

Cinq ou six jours apres le roy m'envoya querir en son conseil et me dit (La Vieville present, quy en fut bien estonné parce que l’on ne luy en avoit point parlé auparavant), que s’estant soigneusement fait informer sy les appointemens quy m’estoint contestés et quy estoínt tenus en souffrance, m’appartenoient de droit, ou non, qu’il avoit reconnu que je les devois avoir et par consequent me les restablissoit ; puis s’adressant a La Vieville, luy dit : « Et je veux que vous luy faciés payer, et des demain ce quy luy en est deu du passé, et le courant lors qu’il escheera. » Il ne respondit pas un mot et fit seulement la reverence d’acquiescement. Messieurs du conseil estroit s’en vindrent devant luy conjouir avec moy, et le roy me fit mille bonnes cheres. La Vieville vit bien allors qu’il estoit sur le penchant et commença a dire au roy qu’il se vouloit desmettre de sa charge ; mais le roy luy donna de bonnes esperances.

Deux jours apres je demanday au roy que, lors que La Vieville sortiroit des finances, il me fut permis de le mettre en parlement sur ce qu’il m’avoit accusé a Sa Majesté d’estre pensionnaire d’Espaigne, et qu'il pleut a Sa Majesté de me donner acte de l’accusation qu’il luy en avoit faite affin de luy en faire faire telle reparation ou chastiement qu’il seroit jugé par laditte court ; mais le roy m’asseura qu’il l’en chastieroit assés luy mesme en le chassant honteusement de ses affaires et le mettant en prison, mais que je n’en parlasse pas.

Le lendemain[430] le roy alla l’apres disner voir la reine sa mere a Ruel, et La Vieville ayant eu le vent de ce quy se preparoit contre luy troussa bagage et vint, en s’en retournant a Paris, remettre es mains du roy sa charge de surintendant et la place qu'il avoit au conseil, luy disant qu’il ne vouloit plus retourner a Saint Germain. Le roy luy dit qu’il ne le devoit point faire, et qu'il ne se mit en peine de rien : il luy promit aussy qu’il luy donneroit son congé de sa propre bouche, et qu’il luy permettroit devenir prendre congé de luy quand cela seroit ; ce quy fit qu’il s’en retourna en asseurance a Saint Germain. Mais le soir, comme il se faisoit un charivari en la [basse][431] court pour un officier du commun quy avoit espousé une vefve, Monsieur, frere du roy, quy l’ouït, manda qu’il s’en vint dans la court du chasteau pour le voir, ce que tous ces marmitons, et autres, firent avec des poeles qu’ils frappoint. Quand La Vieville entendit ce bruit, il le prit pour luy, et envoya dire a Mr le cardinal de Richelieu que l’on le venoit assassiner. Monsieur le cardinal monta en sa chambre et le rasseura. Mais le lendemain matin le roy l’ayant envoyé querir en son conseil, il luy dit que, ainsy qu’il luy avoit promis, il luy disoit luy mesme qu’il ne se vouloit plus servir de luy, et qu’il luy permettoit de luy dire adieu. Puis en sortant, Mr de Tremes[432] le fit prisonnier, et peu apres un carrosse et les mousquetaires a cheval du roy vindrent, quy l'emmenerent au chasteau d’Amboyse d’ou il se sauva un an apres.

Le colonel d’Ornano quy avoit de sa franche volonté mieux aymé estre mené prisonnier au chasteau de Caen que de se retirer en Provence (ou l’on le vouloit renvoyer), fut rappellé aupres de Monsieur avec plus d’autorité que jamais. Mr de Chomberg quy estoit relegué en Angoulesme, fut remis dans le conseil estroit, et les finances furent données entre les mains de trois directeurs, sçavoir Mrs de Marillac[433], de Champigny[434], et procureur general Molé[435]. Mais parce que l’on vouloit que ce dernier se deffit de sa charge de procureur general quy estoit incompatible avec celle des finances, il s’en excusa.

Quelque temps auparavant Monsieur avoit commencé de rechercher Madelle de Montpensier avec plus de soin que de coustume, et demandoit de la voir les soirs, qu'il faisoit faire assemblée le plus souvent cheux madame la princesse de Conty. Cela mit en ombrage ceux a quy la perfection de ce mariage n’eut esté utile, quy tascherent d’y embarquer d’autres pour rompre ce dessein : on mit en teste a la reine que, sy Monsieur se marioit et qu’il eut des enfans, on la mespriseroit ; a madame la Princesse, que cela reculeroit bien ses enfans de la grande succession ; aux emulateurs de [la maison de][436] Lorraine, que par ce mariage elle seroit eslevée au dessus d’eux : on dit mesmes au roy que, sy Monsieur avoit des enfans, et qu'il n’en eut point, il seroit grandement regardé et respecté a son préjudice ; de sorte qu’en peu de temps il y eut de grandes brigues pour destourner ces grandes frequentations. Madame la Princesse me fit l’honneur de me demander mon avis sur le personnage qu'elle devoit jouer en cette comedie, et je luy dis qu’elle avoit deux grandes affaires sur les bras : l’une, le retour en court de monsieur son mary ; l’autre, d’empescher, ou de retarder le plus qu’elle pourroit, le mariage de Monsieur ; que pour le premier, en cette conjoncture du chassement de La Vieville, il y pourroit avoir quelque jour, veu que la puissance de la reine mère n’estoit pas encores [parfaitement][437] restablie, et que celle de monsieur le cardinal n’estoit pas establie ; qu'il falloit se remettre, commettre et lier entierement a eux, quy peut estre seroint bien ayses d’obliger Mr le Prince et de l’attacher a leurs intérêts ; et qu’elle devoit en ce point ou estoint les choses, remuer toutes sortes de pierres a cet effet, que peut estre il pourroit reussir : quant a l’affaire du mariage de Monsieur, elle ne le pourroit pas empescher ouvertement ; mais qu’il y avoit un moyen de le retarder, quy pourroit peut estre trouver celuy de le rompre, quy estoit qu’elle et monsieur son mary montrassent ouvertement de le desirer, mais qu’il falloit que leur feinte ne fut sceue ny connue que [d’elle et][438] de luy ; qu'ils devoint tromper leurs proches et leurs serviteurs en leur conviant de procurer tout ce qu’ils pourroint pour l’accomplissement du mariage : cela devoint ils dire a Mr de Montmorency, a madame la Princesse mere, a Vignier[439], et autres leurs plus confidens, se mettre dans l’affaire entierement, y convier Monsieur, assister madame de Guyse[440] et Madelle de Montpensier, en fin ne laisser aucune chose en arriere qui peut favoriser a ce dessein ; duquel il arriveroit plusieurs bonnes choses sans en pouvoir produire aucune mauvaise : car toutes les brigues qu’ils feroint en faveur du mariage n’y avanceroint rien s’il n’estoit[441] en sa maturité, comme tout ce qu’ils pourroint faire [contre][442] ne l’empescheroit pas sy le roy et la reine mere estoint d’accord sur ce sujet ; là ou au contraire ils s’obligeoint eternellement la mayson de Guyse, ils s’acqueroint bruit de probité dans le monde, de favoriser pour le bien de l’estat une affaire quy leur estoit sy prejudiciable ; que Monsieur leur en sçauroit gré, et que ceux quy y faisoint contre en seroint d’autant plus reveillés[443], voyant Mr le Prince desclaré en faveur du mariage ; que les seuls propos de madame la Princesse sur ce sujet devoint estre que ce seroit bien le plus avantageux pour eux que Monsieur ne se mariat pas, mais puis qu’en toutes façons cela ne se pouvoit empescher, qu’ils devoint desirer que ce fut a Madelle de Montpensier plustost qu’a toute autre, quy estoit sœur de Mr le prince de Jainville[444] son beau fils ; que par ce moyen cela les unissoit avec Monsieur et n’en faisoit quasy qu’une mesme famille, et que c’estoit la chose qu’elle desiroit le plus : ces propos donneroint[445] estoffe a la partie contraire de remontrer au roy et luy donner jalousie de cette trop grande association, que ce seroit rendre trop grand Monsieur, jettant entre ses bras les restes de la Ligue et la caballe de Mr le Prince, quy, ce faisant, s’estrangeroint du roy et se joindroint a son frere, puissant outre cela par un nombre d’enfans successeurs de la couronne par le manque d’enfans du roy.

Madame la Princesse prit tres bien mon conseil et le mit en mesme temps en pratique. Elle venoit tous les soirs cheux madame la princesse de Conty ou se faisoit l’assemblée, et montra tellement a un chascun de favoriser cette recherche qu’il fut aysé au roy d’en prendre ombrage et de commander au collonel de tascher de rompre cette pratique, comme il fit : et madame la Princesse trouva que mon conseil luy avoit esté profitable, et s’en alla trouver monsieur son mary en Berry (novembre), joyeuse d’avoir subtilement fait avorter cette recherche, et faschée du sujet de son voyage, causé sur la maladie de monsieur son fils[446] : et le roy revint a Paris peu apres (decembre), ou il y finit l’année 1624 pendant laquelle on avoit fait plusieurs pratiques pour faire porter le roy d’Espaigne a la restitution de la Valteline qu’il avoit en apparence resignée entre les mains du pape[447] ; mais en effet ils s’entendoint ensemble et ne la vouloint rendre[448]. Pour ce sujet la ligue arrestée pres de deux années auparavant entre le roy, les Venitiens, et le duc de Savoye, resolut de la ravoir a force ouverte et de faire la guerre au roy d’Espaigne quy en estoit injuste detenteur. Le roy d’Angleterre d’un autre costé pressoit le roy de faire ligue offensive et deffensive avec luy contre le roy d’Espaigne. Les princes spoliés d’Allemaigne demandoint aussy que le roy se voulut joindre a eux avesques les rois de Suede et de Dannemarc[449] desquels ils estoint desja asseurés pour leur restablissement : et les Hollandois finalement sollicitoint le roy de prendre sa bonne part en la conqueste des Païs Bas, quy seroit infaillible s’il se vouloit joindre avesques tant d’autres forces ennemies de l’Espagnol. Le roy n’en avoit que trop de sujet et avoit bonne volonté de mener les mains : mais il consideroit qu’il mettoit le feu par toute la chrestienté en ce faisant, et se resolut seulement d’entreprendre avesques la ligue d’Italie la restitution de la Valteline, et le duché de Milan sy on luy resistoit.


1625.
Janvier.


A cet effet il avoit envoyé une armée sous monsieur le connestable en Italie, et avesques quelques trouppes françaises et suisses qu’il fit passer aux Grisons sous la charge du marquis de Cœuvres, son ambassadeur extreordinaire en Suisse[450], il assista les Grisons au commencement de l’année 1625 a reprendre la Valteline dont ils avoint esté depuis quattre années spoliés, et y reussit de telle sorte que sans aucune resistance tout ce quy avoit esté usurpé fut reconquis. On negligea de mettre garnison a Rives de Chiavennes[451] ou les Espagnols se vindrent quelques jours apres fortifier, et l’ont conservée jusques a la paix.

D’un autre costé les huguenots de la France souffroint impatiemment qu’un fort[452] construit par Mr le comte de Soissons en l’année 1622 subsistat a mille pas de la Rochelle, veu qu’il avoit esté porté par les articles de la paix qu’il seroit desmoly. Ils voyoint neammoins que les projets du roy estoint avantageux pour leur religion, et que le roy le feroit desmolir dans quelque temps, comme il eut fait sy ils luy eussent demandé lors qu’il eut esté embarqué a la guerre qu’il projettoit. Mais eux, impatiens de le faire raser, n’en voulurent attendre le temps, et en ayant en vain importunement pressé le roy, se resolurent a faire quelque noble represaille, affin que, rendant ce qu’ils auroint pris, on leur rendit leur fort. A cet effet ceux de la Rochelle armerent quelques vaisseaux dont ils donnerent le commandement a Mr de Soubise quy vint a Blavet[453], prit les vaisseaux de Mr de Nevers[454] quy estoint fort beaux, et assiegerent le fort qu’ils ne peurent prendre. Mais un vent contraire les ayant accueillis, on eut esperance de les prendre eux mesmes. Mr de Vandosme y accourut avec toute la noblesse du païs et ce qu’il peut faire d’infanterie : mais a cause que l’on soubçonnoit Mr de Vandosme de quelque intelligence avec les Rochelois, et que ses ennemis publioint qu’il les avoit fait venir a Blavet pour s’en saysir pour luy, le roy m'y envoya avesques de grands pouvoirs, mesmes de l’interdire en cas [que je reconnusse][455] qu’il ne marchat pas de bon pié[456].

Avec ces ordres je partis de Paris le mardy 28me janvier et vins coucher a Chatres[457], puis a Orleans, de là a Blois, aux Trois Volets[458], et le samedy 1er de fevrier je vins coucher a Angers ou je donnay ordre que le regiment du Plessis de Juigné me suyvit en diligence et que l’on tint prets quattre canons et les munitions necessaires pour lesdites pièces, ce que le commandeur de la Porte[459] quy y commandoit fit diligemment executer.

Le dimanche 2me j’arrivay a Nantes, ayant veu en passant madame la comtesse de Vertus[460] a Chantossé. Je fus soupper cheux Mr de Montbason quy avoit desja eu nouvelle de ma venue par Montalant que le roy avoit despesché a Mr de Vandosme pour l’advertir qu’il m’envoyoit en Bretaigne : il m’offrit tous les canons et munitions du chasteau de Nantes, et de lever le plus d’hommes qu’il pourroit.

Le lundy 3me je fus voir madame de Vandosme, et ayant acheté ou loué trente chevaux tels quels, je vins au Temple[461] a coucher, le lendemain a la Ferté Bernard[462], puis a Vannes, et le jeudy 6me à Hannebont[463] ou j’appris que Mr de Soubise avoit rompu les filets, et passé hors du port de Blavet malgré le chasteau et toutes les choses que l’on avoit opposées a son passage ; que de sept grands vaisseaux de Mr de Nevers il en avoit emmené les six, assavoir : la Vierge, le Saint Michel, Saint Louis, Saint Jean, Saint Basile ou le Lion, et la Concorde ; le seul navire nommé Saint François s’estant embarrassé a la bouche du port (avec un petit vaisseau de ceux que Mr de Soubise avoit ammenés avec luy), fut donner contre un des ras, quy ferme le port, et furent tous deux pris avec quelque cent ou six vingts hommes quy estoint dedans.

Je ne laissay de m'acheminer le lendemain vendredy 7me au Fort Louis[464] pour y trouver Mr de Vandosme. Mr de Brissac[465] nous y festina : puis nous revinmes par la marée coucher à Hannebont.

J’y sejournay le samedy 8me tant pour renvoyer tous ceux quy venoint au secours du fort, que pour conferer avec Mr de Vandosme, lequel estoit fort malheureux et peu aymé, mais nullement coupable des choses dont on l’accusoit. Il vouloit me mener a Rennes, craignant que je n'eusse forces choses a conferer avec le parlement a son desavantage ; mais moy, pour ne luy donner aucun ombrage, aymay mieux m’en retourner sur mes pas.

Ainsy nous partimes, Mr le duc de Rets et moy, le dimanche 9me, et vinmes coucher a Vannes[466], le lendemain a la Ferté Bernard ; et le mardy 11me, jour de caresme prenant, il s’en alla a Machecou[467], et moy coucher au Temple, d’ou je m’en vins le jour des Cendres a Nantes cheux Mr de Montbason.

Je fus prendre congé de madame de Vandosme, et le jeudy 13me nous vinmes coucher cheux le comte de Vertus à Chantossé, Mr de Montbason et moy.

Je le quittay le lendemain et vins disner a Angers, coucher a Saumur ; puis coucher a Blois ; le lendemain dimanche 16me disner cheux Mr le comte de Saint Paul[468] a Orléans, coucher a Touri ; et le lundy 17me je m’en vins a Paris rendre compte de mon voyage au roy, ou je n’avois fait ny bien, ny mal ; seulement luy asseuray je de la fidellité de Mr de Vandosme, dont ses ennemis avoint tasché d’en faire douter a Sa Majesté.

Mars, avril, may. ― Peu de jours apres arriva la nouvelle de la mort du roy Jaques d’Angleterre[469], ce quy ne retarda pas le mariage de son fils avec madame Elisabet[470], dont la ceremonie fut faite peu apres Pasques. Mr le duc de Chevreuse l’espousa pour le roy Charles nouveau roy de la Grand Bretaigne, dans Nostre Dame a Paris, le 11 may[471].

Quelques jours en suitte arriva inopinement Mr le duc de Bocquinguem[472], lequel parut extreordinairement, tant par sa personne, quy estoit tres belle, que par ses pierreries et habillemens, et sa grande liberalité. La reine de la Grand Bretaigne ne tarda gueres a partir[473] ; Mr et madame de Chevreuse ayans l’ordre de la conduire en Angleterre, Mr de Luxembourg, de Bellegarde, et moy, avec Mrs d’Alaincourt et viscomte de Brigueul[474] eumes charge du roy de l’accompagner de sa part jusques a son embarquement (juin). Le roy la vint conduire jusques a Compiegne : les reines vindrent avec elle jusques a Amiens, et devoint passer outre ; mais la maladie de la reine mere arresta dix jours la compagnie a Amiens[475], et ne permit pas aux dames d’aller plus avant, et Monsieur, son frere, la mena jusques a Boulongne d’ou nous revinmes (apres l’avoir mise dans sa berge)[476] trouver les reines a Amiens quy s’en revindrent a Paris, et de là a Fontainebleau.

J’ay voulu dire tout ce quy concerne le mariage d’Angleterre avant que de parler de l’Italie en laquelle monsieur le connestable et Mr le mareschal de Crequy entrerent vers le commencement de fevrier avesques douse mille hommes de pié et mille chevaux[477], ainsy qu’il avoit esté convenu, et s’estans joints avesques l’armée de Mr de Savoye quy estoit plus forte, ils estoint sur le point d’entrer au duché de Milan et ouvrir la guerre au roy d’Espaigne quand le roy leur manda qu’ils n’eussent a le faire, veu que ceux de la Religion en France avoint pris les armes en un temps auquel pour leurs interets particuliers ils le devoint moins faire. Ce fut lors que Mr le cardinal de Richelieu dit [sagement][478] au roy que tant qu’il auroit un party formé dans son royaume, il ne pourroit jamais rien entreprendre au dehors ; qu’il devoit songer a l’exterminer avant que de penser a autres desseins ; qu’il falloit faire la guerre commencée pour la restitution de la Valteline, mais se garder de l’ouvrir avec Espaigne ; et puis que son armée estoit passée en Italie, il en pouvoit assister Mr de Savoye contre Gesnes, mais ne se point desclarer contre Milan ; ce quy fut fait : et sy Mr de Savoye se fut avancé droit a Gesnes apres la deffaite des Gesnois a Ostage et la prise de Gavi[479], il l'eut infailliblement prise a Pasques. Mais leur ayant donné loysir de se reconnestre, et le duc de Feria de se mettre en campaigne pour la secourir, joint aussy que, les pillages ayans enrichy les soldats de la ligue, une partie se desbanda, et l’autre tomba malade, ils commencerent a songer a leur retraitte, et le duc de Feria les suyvant vers Ast[480] ou il fut repoussé par les trouppes françoises quy y estoint, vint assieger Verrue[481] en laquelle Mr de Savoye et Mr de Crequy firent une telle resistance qu'il y consumma en vain un long temps.

Sur ces entrefaites le pape indigné de ce que l’on avoit reconquis la Valteline quy estoit en depost en ses mains, et que l’on en avoit chassé ses gens, envoya son neveu le cardinal Barberini[482], legat en France, tant pour en faire ses plaintes, que pour moyenner un accommodement aux troubles d’Italie. Il arriva au temps des noces d’Angleterre[483], et fut receu, logé et deffrayé avec les honneurs que l’on a accoustumé de rendre aux legats ; mais apres plusieurs conferences, et traittés proposés, n’ayant pas trouvé son compte, vint a Fontainebleau prendre congé du roy, et aussy tost apres, sans attendre que l’on luy rendit les devoirs accoustumés en l’accompagnant et deffrayant par la France, partit inopinement[484], ayant precedemment refusé le present du roy, quy envoya querir les princes et officiers de la couronne avec quelques presidens de sa cour de parlement, et tint un fameux conseil a Fontainebleau sur cet extravagant partement[485], ou il ne fut resolu autre chose sinon que l’on le laisseroit aller.

En ce mesme temps le roy eslongna d'aupres de la reine sa femme la dame du Vernet[486] sa dame d’atour, Ribere son medecin, et quelques autres domestiques.

L’empereur fit passer en Italie par les Suisses, quy octroyerent le passage, pres de trente mille Allemans qu’il envoya au duc de Feria, avec lesquels il pressa Verrue, et les trouppes de la ligue estans desperies, ils[487] supplierent le roy de les envoyer promptement secourir avec quelque armée. Le roy jetta les yeux sur moy pour m’en donner la conduitte et le commandement, et m’envoya querir en son conseil pour me le proposer. Je parlay au mieux que Dieu me voulut inspirer sur ce sujet, et offris au roy que, s’il luy plaisoit de me donner un[488] des vieux regimens [a mon choix, deux des entretenus, et d’autres nouveaux regimens][489] jusques a faire le nombre de six mille hommes effectifs, avec huit cens chevaux effectifs tels que je les voudrois choysir dans son armée de Champaigne, que j'envoyerois dans trois jours en Suisse faire tenir prets quattre mille hommes de cette nation que je prendrois en passant a Genesve ; je luy respondrois d’estre dans six semaines a Verrue ou nous donnerions battaille au duc de Feria, et, s’il la refusoit, que nous ne ferions pas seulement lever ce siege, mais que nous prendrions plusieurs bonnes places dans le Milanois, capables d’y faire hiverner nos armées. Le roy fut fort satisfait de mon offre qu’il accepta, donna ordre que j’eusse prest l’argent de trois montres que j’avois demandé a Mr de Marillac chef des finances, lequel n’executa pas seulement cet ordre[490], mais aussy despescha le soir mesme un courrier en toute diligence a son frere pour luy donner avis et a Mr d’Angoulesme que l’on alloit ruiner et rompre leur armée de laquelle on me donnoit la principale part pour aller en Italie ; sur quoy ils envoyerent en toute diligence (et avant que l’on eut despesché vers eux pour leur mander que l’on me donnoit une partie de leurs trouppes) un ayde de camp nommé Coutures pour mander au roy comme le comte Henry de Bergue[491] estoit a six lieues de Mets avec une forte armée sur le point d’entrer en France, et qu'en mesme temps ils avoint eu advis que le colonel Verdugo, quy commandoit au Palatinat, venoit droit en France ; que Mr d’Angoulesme s’estoit allé jetter dans Mets, et il respondoit au roy de la conserver ou d’y mourir, comme pareillement Mr de Marillac s’estoit mis dans Verdun qu'il deffendroit jusques au dernier souspir ; mais qu’il seroit a propos qu’il pleut au roy leur faire lever en diligence encor quattre regimens nouveaux et cinq cens chevaux, moyennant quoy ils respondoint sur leurs testes [d’empescher][492] que ces deux armées ne peussent faire aucun progres en France : sur quoy le roy et son conseil, quy prindrent cela pour argent comptant, me dirent qu’ils ne pouvoint rien tirer de l’armée de Champaigne vers laquelle il estoit necessaire d’y faire acheminer nouvelles trouppes ; et moy, apres leur avoir fait assés evidemment connestre que c’estoit une fourbe controuvée a plaisir pour faire eterniser l’employ de ces messieurs et consumer le roy en une inutile despense, je m’excusay et refusay celuy que l’on me vouloit donner pour aller au secours d’Italie avec des trouppes qu’il me faudroit lever : sur quoy on se resolut d’en lever et de les y faire conduire par un mareschal de camp, quy fut Vignoles, quy y arriva apres que le siege de Verrue se fut levé par la brave resistance que Mrs de Savoye, Desdiguieres, et Crequy, y firent[493], et par la maladie quy se prit sy furieuse dans ces trouppes allemandes que la sixieme partie n’en reschappa pas.

Aust. — Ce mesme esté le roy fit lever une armée de mer, ayant eu quelques vaisseaux des Hollandois : Mr de Montmorency l’alla commander comme amiral. Toiras fit aussy une entreprise de prendre l’isle de Ré ; mais Mr de Saint Luc a quy en estoit le gouvernement, la voulut commander et avec quantité de petites barques plattes ils mirent deux mille hommes dans l’isle, et forcerent ceux quy la gardoint de l’abandonner, apres les avoir deffaits. Mr de Soubise se retira en Angleterre ; et en mesme temps Mr de Montmorency deffit l’armée [de mer][494] des Rochelois[495].

Septembre. — Le roy fit le jour de sa nativité, quy est la feste de saint Cosme[496], a Fontainebleau, auquel il y eut forces feux d’artifices. L’ambassadeur d’Espaigne, quy estoit le marquis de Mirabel, estoit venu avec la reine cheux la reine mere, et me pria que nous vissions les feux en une mesme fenestre, ce que je fis. Il me dit, quand nous fusmes seuls, en espagnol : « Et bien, Monsieur le mareschal, le legat est party sans rien faire : il a bien montré qu’il estoit un jeune homme et un nouveau negotiateur ; sy le mareschal de Bassompierre eut eu cette affaire là en main, elle ne fut pas demeurée imparfaite, ny mesmes une plus difficile. » Je luy dis qu’il avoit fait ce qu’il avoit peu selon ses ordres dans lesquels il s'estoit contenu, et que j’y eusse bien esté plus empesché que luy, quy avoit Mrs Baigny, Pamphilio, et Spada[497], pour le conseiller, quy estoint de grands personnages. Il me repliqua : « Il ne falloit point pour vous tous ces gens là. Vous l’eussiés infailliblement achevée, et sy vous voulés, vous l’acheverés encores, et je le vous promets. » Je luy respondis : « Monsieur, je ne suis pas heureux a faire des traittés : vous voyés que celuy de Madrid, quy est de ma façon, a desja cousté vingt millions d'or, pour le rompre ou pour le maintenir, aux parties contractantes. Et puis il ne fait pas bon traitter avesques des gens ny pour des gens quy ne tiennent, s’ils ne veulent, ce qu'ils ont promis. » Il s’opiniatra de me dire que, sy je voulois, luy et moy terminerions la paix, et que j'en eusse seulement le pouvoir de mon maitre ; que pour luy il l'avoit desja du sien. A cela je luy dis que je m’estimerois bien heureux de contribuer ce quy seroit de mon talent pour une sy bonne et sainte affaire, mais que je ne luy pouvois pour l'heure dire autre chose sinon que, s’il vouloit, je ferois sçavoir au roy ce qu’il m’avoit dit, et puis je luy rendrois response ; a quoy il s’accorda, et me pria que ce peut estre au plus tost : et ainsy les feux estans finis, nous nous separames. La reine mere se retira en son cabinet avec Mr le cardinal de Richelieu, ausquels ayant demandé audience je fis rapport de ce que l'ambassadeur d'Espaigne m’avoit dit, lesquels trouverent l'affaire de consequence, me prierent de l'aller dire au roy, feignant de ne leur en avoir point parlé, ce que je fis, et le lendemain ils me firent redire toute cette conference dans le conseil, ou il fut resolu que l’on me donneroit un ample pouvoir de traitter avec ledit ambassadeur : mais je le refusay sy on ne me donnoit Mr de Chomberg pour adjoint, ce que l’on m'accorda. Ainsy je fus rendre response a l’ambassadeur conforme a son desir, et primes jour au jour d’apres que le roy seroit arrivé a Saint Germain, pour nous assembler, quy eschéoit cinq jours apres ; car le lendemain il devoit partir de Fontainebleau. Monsieur l'ambassadeur ne manqua pas a l’assinnation que nous avions prise par ensemble, et fusmes cheux Mr de Chomberg plus de quattre heures a conferer, non sans grande esperance et apparence de conclure une grande, bonne, et stable pacification entre les deux rois, quy estoit avesques des conditions tolerables pour nous. Il retourna le lendemain et continuames de telle sorte que nous esperions, a la premiere seance que nous aurions, de perfectionner nostre travail. Mais le jour d’apres il s'envoya excuser de venir, sur une maladie quy estoit survenue a sa femme, et de deux jours ne nous envoya rien dire, pendant lesquels Mr du Fargis envoya un courrier de Madrid par lequel il mandoit que le roy d’Espaigne avoit eu dessein de faire negotier la paix en France par son ambassadeur, mais qu’il avoit revoqué le pouvoir qu’il luy avoit donné, sans mander les causes quy l’avoint meu a ce subit changement. Sur cela le conseil fut d’avis que je m’en allasse a Paris, et que sur le pretexte de visiter l’ambassadrice malade, je taschasse de penetrer d’ou luy venoit ce silence et ce reffroidissement, ce quy ne me fut pas difficile d’apprendre : car il me fit de grandes plaintes du peu de confiance que nous avions eu en luy quy estoit fort porté au bien de la France et a l’union de ces deux couronnes ; que nous en fussions sortis a meilleur marché que nous ne ferions par le ministere du Fargis quy n’estoit pas assés fin pour tirer des Espagnols plus que luy ne nous avoit offert ; et plusieurs autres plaintes qu’il me fit en mesme substance, lesquelles je creus qu’il me disoit pour couvrir la legereté qu’il avoit pratiquée. Je fis rapport au conseil des propos qu’il m’avoit tenus, quy furent pris de la mesme sorte, parce que l’on n’avoit donné aucun ordre ny pouvoir au Fargis de faire aucune proposition n’y d’en escouter.

Sur ces entrefaites arriva la nouvelle a la court comme le baron de Papenheim quy gardoit Rives de Chiavennes avec son regiment d'Allemans avoit chassé les trouppes du roy de Verser et de Campo[498], les avoit deffaites, pris douse canons, et onse barques armées que nous avions sur le lac de Cosme, ce quy fascha fort le roy et le conseil. Mais peu de jours apres le marquis de Cœuvres envoya son secretaire quy asseura que le Papenheim n’avoit pas passé outre, et que les Venitiens avoint envoyé, sous Mr de Candale[499], des trouppes suffisantes pour le repousser.

Neammoins les serviteurs que le roy avoit en Suisse luy mandoint que les affections de ces peuples pour le roy estoint fort alterées, que plus de vingt cinq mille Allemans avoint eu passage ouvert par la Suisse pour aller servir l'Espagnol en Italie, et que nostre alliance en Suisse s’en alloit destruitte s’il n’y estoit promptement pourveu ; que le plus seur remede estoit de m’y envoyer, et que par la grande bienveillance que les Suisses me portoint je pourrois tout restablir. Les Venitiens et le duc de Savoye firent les mesmes offices pour m'y faire envoyer, et y firent acheminer leurs ambassadeurs et residens pour se joindre a toutes mes pratiques. Le roy pour ce sujet me força d’y aller son ambassadeur extreordinaire, ce que je fis par pure obeissance ; et l’on assista mon ambassade de deux cent cinquante mille escus que j’y portay pour y favoriser ma negotiation : et parce que l’on ostoit cette ambassade au marquis de Cœuvres quy la possedoit, le roy luy donna la qualité de lieutenant general de son armée en Valteline dont il fut tres content.

Novembre. — Je partis donc de Paris avec mon equipage le mardy 18me de novembre de cette année 1625, et allay coucher a Essonne, puis a Moret[500], a Sens, a Joigny, a Auxerre, a Noyers, a Montbar, a Chanseaus[501] ou je sejournay un jour et arrivay le 27me a Disjon, ou je demeuray le lendemain, puis j’allay loger a Jenlis, a Aussonne[502], d’ou j’en partis le lundy premier jour de decembre, et passay pres de Dole ou les estats du comté de Bourgongne se tenoint lors (decembre). J’envoyay visiter le comte de Chamlite[503], gouverneur, mon allié et ancien amy, et allay coucher a Ranchau[504], ou Mr de Mandre[505], gouverneur de Besançon, me vint trouver de la part dudit comte pour m’accompagner par la province.

J'arrivay le mardy 2me a Besançon, ou je fus visité par messieurs de la ville, puis des chanoynes quy me vindrent offrir de montrer a ma consideration, extreordinairement, le Saint Suaire[506], ce qu’ils firent le lendemain, et après l’avoir veu, j’allay coucher a Rolan, puis a Clerval[507], puis a Montbeliart[508], a Dele, a Valdekaufer[509], et le lundy 8me j’entray en Suisse.

Ceux de la ville de Basle vindrent au devant de moy, et me firent une honorable entrée, avesques grande quantité de canonnades et plus de mille[510] hommes en armes en fort bel equipage. Le colonel Hessy et une dousaine de capitaines me vindrent trouver sur les confins de Suisse, quy ne m’abandonnerent jusques a mon retour. Le senat en corps me vint saluer, et faire present de poisson, de vin et d’avoine, le plus amplement quy se soit fait a personne : puis quelque vingt du senat demeurerent a souper avesques moy.

Le mardy 9me je fus a l’hostel de ville (ou ils estoint assemblés), saluer la republique, et les haranguer. Ils vindrent peu apres en corps[511] en mon logis me faire response, m’apporter un nouveau present de vin et de poisson, puis disner tous avec moy. Apres disner ils me menerent voir leur arsenac, le cabinet de Platerus[512], leur eglise, et leurs fortifications.

Le mercredy 10me le senat me vint dire adieu, puis disnerent avec moy, de là me firent accompagner, faisant encores tirer quantité de canonnades, et salve d’infanterie, ce quy me fut aussy fait par tous les chasteaux et villes devant ou dedans lesquels j’ay passé en Suisse.

Je fus coucher a Lieschetel, puis a Vallesteil[513], et le vendredy 12me decembre Mr l’ambassadeur Miron[514] vint au devant de moy. Puis les compagnies suisses du regiment du colonel Amrin[515], que j’avois envoyé lever pour aller en France, se mirent en battaille sur mon avenue. De là l’avoyer[516] de Solleure nommé Mr de Rooll, vint au devant de moy, bien accompagné, quy m’ayant fait une harangue pour se conjouir de mon arrivée, et m’offrir tout ce quy despendoit de la ville, m’accompagna jusques dans Solleure, y ayant quantité d’infanterie en armes sur mon avenue, et plusieurs salves de coups de canon.

Je souppay le soir cheux Mr l’ambassadeur ordinaire Miron, avec quy je fus tout le lendemain samedy 13me pour conferer de nos affaires.

Mrs de Erlach[517] et d’Affry[518] me vindrent trouver.

Le dimanche le landamman[519] Zurlaube avec les desputés du canton de Zug, envoyés pour me venir saluer de la part de leur canton, arriverent.

Le resident de la seigneurie de Venise, nommé Cavazza[520], que sa republique avoit ordonné de demeurer pres de moy et suyvre en tout les intentions du roy, m’envoya visiter et sçavoir quand il me plairoit qu’il vint me trouver.

Le lundy 15me messieurs de Fribourg m’envoyerent saluer par leurs desputés, quy estoint l'avoyer Diesbach de Prangin[521], le lieutenant et le stathelter[522] de leur ville, lesquels disnerent avec moy.

Apres disner je receus les desputés de Schvits quy estoint le landamman [Reding, Offtermür, et Abiberg. Puis le chevalier][523] Beding avesques deux autres desputés de l’abbé de Saint Gall[524] me vindrent saluer de sa part ; ce quy furent des faveurs speciales que tous les cantons ligués et alliés me voulurent faire, d’envoyer se conjouir de mon arrivée par leurs desputés, sans autre commission que de me saluer de leur part.

Le mardy 16me messieurs de Berne m’envoyerent saluer par leurs desputés dont l’avoyer de Graffrier[525] estoit le chef.

Mr le nonce apostolique Scapi evesque de Campania[526], m’envoya saluer par son auditeur.

Le mercredy 17me messieurs de Solleure, outre la belle reception qu’ils m’avoint faitte, me voulurent encor faire saluer en corps par tout leur senat.

Les compagnies d’Undervald et de Zug, du regiment d’Amrin, passerent pour aller en France.

Le jeudy 18me Mr de Montigni, gouverneur du comté de Neufchastel[527] avesques le maire et les desputés de la ville de Neufchastel me vindrent saluer, et apporter les presens de la ville.

Bussy Lamet[528] avec sa compagnie passa pour aller en la Valteline.

Il vint aussy, vendredy 19me, un desputé des trois Ligues Grises pour me saluer de leur part[529].

Le samedy 20me le regiment de Balagni passa pour aller en la Valteline.

Le colonel Amrin arriva, chef des desputés que ceux de Lucerne avoint envoyés pour me saluer[530].

Le dimanche 21me je despeschay un courrier a la court sur une affaire quy estoit de mon particulier, assavoir que le roy m'ayant fait son ambassadeur extreordinaire en Suisse, en laquelle les Grisons, les Valesans et les autres alliés sont compris, et m’ayant donné lettres de sa part pour tous ces peuples, laquelle charge d’ambassadeur il avoit maintenant ostée au marquis de Cœuvres, luy donnant celle de lieutenant general en Valteline ; mais comme Mesmin secretaire dudit marquis eut obtenu cette charge de lieutenant general que son maitre desiroit, il vit qu’il estoit privé des gages de mille escus par mois qu'il possedoit comme ambassadeur extreordinaire ; il remontra que ledit marquis ne pourroit s'entretenir avec de sy petits appointemens, et supplia que l’on luy conservat au moins la charge d’ambassadeur extreordinaire aux Grisons quy estoint confinans a la Valteline, laquelle il ne pourroit bien gouverner sans l'assistance des Grisons, qu’il ne pourroit obtenir s’il n’avoit cette qualité : on lui accorda apres mon partement, sans considerer le tort que j’en recevois ; dont je m’envoyay plaindre avec protestation de tout quitter en cas que je n’en fusse satisfait.

J'envoyay aussy ce mesme jour toutes les despesches necessaires aux cantons et alliés pour les convoquer a une diette generale à Solleure pour le 7me de janvier prochain.

Le lundy 22me les compagnies de Lucerne, quy s’acheminoint en France, passerent.

Le mardy 23me l’ambassadeur extreordinaire de Savoye m’envoya visiter, comme aussy le canton d’Wry par ses desputés, lesquels m’apporterent une ample desclaration en faveur du roy pour la restitution de la Valteline, que j’avois fait pratiquer a mon arrivée pour m’estre donnée.

Le mercredy 24me je receus et festinay lesdits desputés avec grand applaudissement, comme ceux quy faisoint une planche aux autres pour un grand bien au service du roy.

Le jeudy 25me, quy fut le jour de Nouel, fut donné aux devotions.

Le vendredy 26me je receus et despeschay l’ordinaire.

Le samedy 27me je conferay tout le jour avec Mr Miron, ambassadeur ordinaire, et Mr de Booll avoyer de Solleure, des moyens de faire faire la mesme desclaration a son canton que celuy d’Wry m’avoit donnée.

Ce jour mesme le sieur Cavazza, resident en Suisse de la republique de Venise, arriva a Solleure pour se joindre a toutes les choses que je voudrois entreprendre.

Je fus tout le lendemain a conferer avec luy et Mr Miron des choses que nous avions a faire, et resolumes qu’il s’iroit tenir a Zurich, avant et durant la diette, pour animer ce canton, quy est le premier, a se porter et suyvre les volontés du roy et de la ligue.

Ainsy il partit le lendemain lundy 29me, et Mr Miron et moy fusmes au conseil de la ville assemblé, auquel je haranguay pour les convier de me donner la mesme desclaration que ceux d’Wry m’avoint envoyée.

Le soir le comte de la Suse[531] arriva.

Le mardy 30me messieurs de Solleure me vindrent trouver pour m’apporter la desclaration en la mesme forme et teneur que le jour precedent je leur avois demandée.

Mr Miron nous donna ce soir là a soupper, et le bal en suitte.


1626.
Janvier.


Le mercredy dernier de decembre Mr le comte de la Suse s’en alla, et je finis l’année du grand jubilé de 1625 pour commencer celle de 1626 le jeudy premier jour de janvier en faisant mes pasques selon l’obligation que j’en ay comme chevalier du Saint Esprit.

Le vendredy 2me je fus occupé a recevoir et despescher l’ordinaire.

Le samedy 3me monsieur l’ambassadeur ordinaire, et moy, conferames des affaires que le roy avoit en Suisse (desquelles je devois traitter en l'assemblée), avec l’avoyer de Rooll quy en devoit estre president, et quy avoit grand credit en Suisse.

Le dimanche 4me monsieur l’ambassadeur donna le soir le bal, ou je fus.

Le lundy 5me m’arriva nouvelles des Grisons comme ils avoint desclaré qu’ils ne vouloint conferer d’aucunes affaires concernantes la France qu’avec moy et qu’ils ne reconnoistroint (tant que je serois en Suisse), que moy, leur colonel general et premier homme du roy ; par consequent qu’ils avoint rompu l’assemblée que Mme le marquis de Cœuvres avoit fait faire au nom du roy, sans aucune conclusion sinon qu’ils avoint resolu de m’envoyer un desputé lequel m’offriroit de leur part de passer en leurs affaires presentes par ou je trouverois bon.

En ce mesme jour m’arriva le courrier que j’avois despesché a la court, quy m’apporta la certitude de ce dont j’estois en doute, que l’on m’eut chastré la moitié de ma charge pour la donner au marquis de Cœuvres, dont je fus en telle colere que je voulois tout quitter et m’en retourner en France. Mais quand je vis que les Grisons me rendoint ce que le roy m’avoit osté, et que j’avois la gloire d’estre ambassadeur aux Grisons bien que l’on ne l’entendit pas, voyant aussy les bons augures que j’avois de nos affaires, je me resolus de patienter et de servir.

Nous fismes nos Rois cheux moy avec monsieur l’ambassadeur et sa famille.

Le mardy 6me, jour des Rois, je fis un festin solennel, cheux monsieur l’ambassadeur, au conseil de Solleure, et apres y avoir bien beu, le bal s’y tint.

Le mercredy, jeudy, et vendredy suyvant fut employé a faire ma proposition, et aviser de tout ce que nous aurions a faire a la diette prochaine, que j’avois retardée jusques au 12me, a la priere des cantons protestans, quy ont Nouel dix jours apres nous et en suitte eslisent leurs magistrats, de sorte qu’en mesme temps de l'eslection les desputés eussent deu partir, ce quy les eut bien fort incommodés.

Le samedy 10me Mr le nonce Scapi, que j’avois convié a la prochaine diette, y voulut assister, plustost pour nous y nuyre qu’ayder, et arriva ce jour là. Monsieur l’ambassadeur et moy, allames au devant de luy et le conduisimes en son logis ou j’envoyai tous les reffraichissemens necessaires pour son vivre.

Le landamman[532] Zurlaube et Keller arriverent, comme aussy les desputés des quattre villes protestantes[533] et ceux de Fribourg, ausquels j’envoyay des reffraichissemens comme a tous les autres quy vindrent en suitte.

Le dimanche 11me monsieur le nonce me fit l'honneur devenir disner cheux moy en grande compagnie.

Monsieur l’ambassadeur de Savoye, nommé le president de Monthou, arriva et me vint saluer. Je le fus voir en suitte, puis le deffrayay jusques a son partement.

Le lundy 12me de janvier, quy fut le premier jour de la diette, fut employé par les desputés à s’entresaluer, puis à aviser comme ils me viendroint saluer, et resolurent que toute la diette en corps avec leurs bedeaux devant, et marchans selon leur rang, me viendront faire la reverence ; quy fut un honneur inusité, et qu’aucun autre avant moy n’avoit receu. Le bourguermeister Roon de Zurich porta la parole.

Ce mesme jour le desputé des Grisons, nommé le bourguermeister Mayer[534], arriva.

Le mardy 13me six desputés vindrent prendre monsieur l’ambassadeur ordinaire et moy pour nous conduire a l’assemblée, en laquelle je portay ma proposition, et les haranguay assés longuement. Puis les mesmes desputés me vindrent rammener, et en suitte l’assemblée estant levée, ils me vindrent tous en corps remercier comme ils avoint fait le jour auparavant, et de là nous vinmes tous au festin que je leur avois fait preparer en la maison de ville, ou tous les desputés, ambassadeurs, colonels et capitaines, au nombre de 120 personnes, y furent magnifiquement traittés, et en suitte autres cinq cens personnes. Nous allames en suitte cheux monsieur l'ambassadeur ordinaire, ou le bal se tint.

Le mercredy 14me monsieur le nonce apostolique eut audience des cantons catholiques, en laquelle il desclama tout ce qu’il peut contre la France, en intention de destruire ma negotiation. Il vint en suitte disner cheux moy comme il avoit de coustume, et avois distribué ainsy mes festins que le disner estoit pour monsieur le nonce et les desputés des cantons catholiques quy avoint le matin, avant qu’entrer a table, negotié avec moy : puis l’apres disner les desputés des cantons protestans venoint conferer avec moy s’ils vouloint, et puis y souppoint aussy.

Ce mesme jour le doyen de Coyre fut admis a l'audience, a la recommandation de monsieur le nonce, et en suitte le desputé des trois Ligues fut ouy pour luy contredire.

Le jeudy 15me messieurs les desputés me vindrent apporter en corps la resolution qu’ils avoint prise selon mon intention, pour la restitution de la Valteline, laquelle ils demanderoint aux princes detenteurs, refusans a celuy quy n’y voudroit acquiescer, ayde, secours, et passage par leurs terres, se reservans de se desclarer plus amplement contre luy. Je leur fis sur ce sujet le plus ample remerciement qu’il me fut possible, et leur donnay acte de la restitution que le roy estoit prest de faire de ce qu'il y destenoit, et mesmes en leurs mains s’ils s’en vouloint charger, pour la rendre a leurs vrais seigneurs les Grisons. Je fus en fin voir monsieur le nonce quy avoit desja sceu la resolution premiere de la diette, que je trouvay en telle colere qu’il me querella deux ou trois fois.

Le vendredy 16me sur la proposition que monsieur le nonce avoit faite deux jours auparavant en l’assemblée des catholiques desputés, je creus estre obligé d’y repartir pour l’honneur et l’interest du roy mon maitre : ce quy fut cause que j’envoyay demander audience pour l’apres disner a leur catholique assemblée. Mais eux, par un honneur particulier et inusité, s'en vindrent en corps a mon logis pour me la donner et recevoir ensemble, et quand et quand m’apporter leur resolution particuliere et les restrictions qu’ils demandoient en l’abscheid[535] general. Je les haranguay bien longuement, et lavay la teste comme il falloit a monsieur le nonce, lequel neammoins ne m’en fit jamais semblant depuis et le voulut ignorer.

Sur le soir l’assemblée m’envoya une deputation pour me remercier de l’offre (que le roy leur avoit faite par moy), de ses forces, et en recompense m’offrirent quinse mille hommes de levée en leurs cantons. En suitte monsieur le nonce me vit et se raccommoda avec moy.

Le samedy 17me les desputés catholiques m’apporterent leur abscheid particulier, et peu apres les protestans me vindrent apporter le leur.

Le dimanche 18me monsieur le nonce partit le matin en grande colere. Monsieur l’ambassadeur ordinaire, monsieur l’ambassadeur de Savoye, et moy, le fusmes accompagner ; puis en suitte je fis festin a tous les desputés de la diette. Messieurs de Solleure vindrent faire une danse d’armes devant mon logis.

Apres disner cinq desputés, envoyés de l’assemblée des le jour precedent[536], me demanderent audience sur le sujet des dettes du roy en Suisse, et me firent une grande harangue par la bouche de l’avoyer Graffrier de Berne. Je leur respondis amplement.

Le soir mon neveu[537] dansa un ballet assés beau cheux l’ambassadeur ordinaire, ou je menay la plus part des plus honnestes desputés. On y dansa par apres, et puis monsieur l’ambassadeur nous fit une bien belle collation.

Le lundy 19me les desputés catholiques acheverent toutes leurs affaires. L’avoyer de Rooll me vint trouver sur ce que je ne trouvois leur abscheid en bonne forme ; et me brouillay fort avesques luy : mais le mardy 20me il me revint trouver, raccommoda ce quy ne me plaisoit pas, et fusmes en suitte bons amis.

Mr de Montigni, gouverneur de Neufchastel, arriva, et la plus part des desputés protestans partirent.

Le mercredy 21me le reste des desputés partit. Je fis payer a tous generalement leurs despens, et en me disant adieu je leur fis donner une année de la pension de chasque canton, une année de la distribution de leurs dettes, et une de leurs pensions particulieres.

Monsieur l’ambassadeur de Savoye s’en alla ce jour là m'attendre a Berne ou je fus convié d’aller.

J’employay le jour et la nuit du jeudy 22me a escrire, hormis le soir que monsieur l’ambassadeur me fit festin et en suitte le bal.

Le vendredy 23me l'ordinaire vint, et s’en alla ; et je fus tout le jour a faire mes despesches a Romme, a Venise, et en Valteline.

Le samedy 24me le secretaire de l’assemblée me vint apporter les abscheids.

Je fis mes amples despesches au roy par Mr du Menil, gendre de l’ambassadeur ordinaire, que j’y despeschay, lequel partit le lendemain dimanche 25me en mesme temps que Malo[538] arriva de la Valteline, et que je m’en allois a Berne.

Les Bernois me firent une magnifique entrée, et puis tout le conseil me vint saluer cheux moy au nom de la ville quy me fit donner a souper par le comte de la Suse.

Le lundy 26me ils me menerent voir leurs fortifications, la fosse aux ours, leur arsenac, leur eglise, et la terrasse, puis me vindrent trouver en corps en mon logis pour me mener en leur hostel de ville sumptueusement preparé pour m’y faire festin, quy fut fort magnifique : nous estions plus de trois cens personnes a table, et y demeurames tout le jour.

Le mardy 27me je fus dire adieu aux deux avoyers, dont le premier en charge (nommé Graffrier), me fit un superbe desjeuner ; lequel, en partant, m’accompagna comme il avoit fait a l’entrée, et les mesmes trouppes sortirent pour me saluer. Ainsy nous nous en retournasmes a Solleure, ayans couru grande fortune par les chemins a cause des eaux.

Le samedy 31me messieurs de Berne m’envoyerent une grande deputation pour me remercier, et le dimanche premier jour de fevrier les desputés de Lucerne m’apporterent l’acte de leur desclaration en nostre faveur, comme plusieurs autres cantons avoint desja fait.

Fevrier. — Le lundy 2me, jour de la Chandeleur, les desputés de Glaris m'apporterent leur acte.

Le mardy 3me les desputés d'Undervald me le vindrent aussy apporter.

Le mercredy 4me le capitaine Chemit[539], envoyé par le colonel Zumbrun[540] et les capitaines de son regiment en la Valteline, me vint faire de grandes plaintes du mauvais traitement que Mr le marquis de Cœuvres faisoit a son regiment, et m’apporta lettres du canton d’Wry quy me prioit d’y donner ordre, qu’autrement il seroit contraint de le renvoyer. J’en escrivis a Mr le marquis de Cœuvres par homme expres.

Le jeudy 5me Mr l'avoyer de Rooll nous fit un sumptueux festin au soir, apres lequel on dansa.

Le vendredy je receus et despeschay l'ordinaire. Monsieur le resident de Venise me revint trouver.

Le samedy 7me je fis au soir festin aux dames et aux ambassadeurs ; puis l’on tint bal en mon logis.

Plusieurs avoyers, landammans et capitaines des cantons arriverent a Solleure pour me voir, ausquels le lendemain dimanche 8me je fis festin avec messieurs les ambassadeurs, ordinaire de France, de Savoye, et de Venise, et les principaux du conseil de Solleure ; et le soir je fis encor festin aux ambassadeurs, a l’ambassadrice et ses filles, et a plusieurs autres ; puis on dansa.

Le lundy 9me je fis encor le soir pareil festin aux dames et ambassadeurs, que j’avois fait les jours precedens.

Le mardy 10me les desputés de Fribourg arriverent, quy m’apporterent un acte. Mais comme il estoit different de ceux que les autres cantons m’avoint donnés, je le refusay, et gourmanday fort leurs desputés, lesquels neammoins je retins apres a disner avec moy. Ils s’en retournerent, et le jeudy suyvant, 12me, ils revindrent avec un acte tres ample ; et pour me tesmoygner plus de franchise m’envoyerent leur secretaire avec leur sceau pour me faire un acte a ma fantaysie sy celuy dernier qu’ils m’avoint envoyé ne m’aggreoit.

Le vendredy 13me je receus et despeschay l’ordinaire.

Le samedy 14me le roy m’envoya un courrier quy m’apporta la nouvelle de la paix qu’il avoit donnée a ses sujets huguenots[541].

Le dimanche 15me je fis festin aux ambassadeurs, aux desputés de Schvits et d’Wry, envoyés par leurs cantons pour me dire adieu de leur part, et a plusieurs du conseil de Solleure.

Le lundy 16me monsieur l’ambassadeur ordinaire fit festin aux ambassadeurs et a moy. Plusieurs desputés des cantons vindrent de leurt part pour prendre congé de moy, quy leur avois envoyé dire adieu par des secretaires interpretes du roy, quy leur avoint porté mes lettres.

Le mardy 17me j’eus encores d’autres desputés des cantons, comme aussy de l’evesque de Basle[542], et abbé de Saint Gal. J’ouis en suitte les comptes de nos tresoriers.

Le mercredy 18me Mr l’avoyer de Rooll nous fit une belle collation, et en suitte le bal.

Le jeudy 19me monsieur l’ambassadeur ordinaire en fit de mesme.

Le vendredy 20me l'ordinaire arriva, et partit, par lequel je fis la despesche de mes adieux.

Le samedy 21me monsieur l’ambassadeur ordinaire et moy fusmes a la maison de ville de Solleure pour dire adieu au canton, auquel je haranguay. Ils vindrent l'apres disner en corps me remercier de l’honneur que je leur avois voulu faire.

Le dimanche 22me je fus dire adieu a l’avoyer de Rooll. Je fis festin a messieurs de Solleure et aux ambassadeurs. Apres disner nous allames faire caresme prenant cheux monsieur l’ambassadeur ordinaire, ou le bal se tint, et nous fit festin a soupper.

Le tresorier Lionne[543] arriva, qui m’apporta la despesche du roy avec mon congé pour partir de la Suisse, et passer par la Lorraine pour assister le frere de Mr le duc de Lorraine en la poursuitte de l’evesché de Strasbourg ou il aspiroit.

Le lundy 23me je fus prendre congé des ambassadeurs, puis disner cheux Mr Miron, expedier avec luy toutes nos affaires, et en suitte avec nos tresoriers ; et puis ayant pris congé d’un chascun, je partis de Solleure, fort accompagné des Suisses quy m’estoint venus dire adieu et des ambassadeurs, et ayant pris congé de tous, je passay le mont Jura et vins coucher a Valbourg[544].

Le mardy 24me, jour de caresme prenant, j’arrivay a Basle. Messieurs de la ville vindrent au devant de moy, se mirent en armes, et tirerent quantité de canonnades a mon arrivée : puis messieurs du conseil me vindrent saluer de la part de leur canton, lesquels je retins a soupper avec moy.

Je partis de Basle le jour des Cendres, mercredy 25me, accompagné comme devant, et vins coucher a Mulhause[545], ou il me fut fait entrée.

J’en partis le jeudy 26me et vins coucher à Saint Amrin[546], ayant passé par Tanne.

Le vendredy 27me je passay le mont de Voges, et couchay a Ru[547] en Lorraine.

Le samedy 28me je passay par Remiremont, et couchay a Espinal.

Mars. — Le dimanche, premier jour de mars, j’arrivay a Mirecourt[548] cheux mon frere le marquis de Removille, ou je trouvay sa famille, et madame la comtesse de Tornielle[549]. J’y fus superbement receu et traitté. Mon frere y arriva comme nous soupions, quy avoit esté forcé de demeurer a Nancy jusques apres l’entrée de Son Altesse quy la faisoit ce jour là[550], pour y servir comme grand escuyer.

Il s’en vint le lendemain lundy 2me de mars avesques moy en ma maison de Harouel, ou je vins coucher, et en partis le jour d’apres, mardy 3me, pour venir a Nancy.

Son Altesse envoya ses gardes au devant de moy pour m’accompagner, et le comte de Brionne pour me recevoir. Toute la noblesse de Lorraine estoit assemblée pour l’entrée du duc et pour tenir les estats, la plus part de laquelle vint au devant de moy, et m’animenerent en la galerie des Cerfs proche de mon appartement, ou S. A. m’attendoit, et ayant repassé par devant mon appartement, m’y laissa entre les mains du marquis de Mouy[551] et du prince de Pfalsbourg[552].

Le mercredy 4me je fus a l’audience du duc, de la duchesse, du duc François[553] : puis je m’en vins voir la princesse de Pfalsbourg[554] cheux qui toutes les dames estoint assemblées, que la plus part je connoissois, avec laquelle je demeuray jusques au soir.

Le jeudy 5me le prince de Pfalsbourg me fit festin. Apres disner je fus saluer madame de Vaudemont[555], la princesse de Lorraine[556], Mr François Nicolas frere du duc[557], et la princesse Margueritte sa sœur[558].

Le vendredy 6me mon frère me fit festin. Apres disner je fus prendre congé de Son Altesse et des princes et princesses, et le samedy toute la court et les seigneurs de Lorraine me vindrent dire adieu, et le comte de Brionne (quy m’avoit ce jour là fait festin), me conduisit en partant en la mesme ceremonie qu’il avoit fait a l’entrée.

Mon frere vint avec moy jusques a la couchée, quy fut a Fou[559], et la derniere fois que je l’ay veu ; le lendemain 8me a Ligny ; puis a Netancourt[560] ; a Chalons ou je demeuray pour attendre mon train le mercredy 11me ; et le jeudy a Estoges ; a Vielle Maison[561] ; et le samedy 14me j’allay a Jouarre voir ma niece[562] de Saint Luc quy estoit en l’abbaïe, et coucher a Monceaux.

Le dimanche 15me je disnay a Meaux et couchay a Mittry[563], d’ou je partis le lundy 16me et vins trouver le roy a Paris, quy me receut extremement bien. Il me mena cheux la reine sa mere, puis cheux la reine sa femme, ou les princesses estoint.

Je trouvay a la court Mr le prince de Piemont envoyé par le duc son pere pour eschauffer le roy a faire l’année prochaine une bonne et forte guerre en Italie. Mr le mareschal de Crequy y estoit venu de la part de monsieur le connestable a ce mesme dessein, et j’avois esté convié par l’un et l’autre de me rendre au plus tost pres du roy, affin que tous trois nous peussions luy faire prendre une bonne resolution sur ce sujet. Je trouvay a mon arrivée les choses assés bien disposées a ce dessein : le roy avoit donné a Mr le prince de Piemont la qualité de lieutenant general de ses armées dela les monts, avoit promis un renfort de huit mille hommes de pié françois et de mille chevaux pour y grossir l’armée qu’il avoit en Italie, a laquelle il vouloit joindre aussy les trouppes qu’il avoit en Valteline, laquelle on pouvoit aysement garder avec deux mille hommes apres la confection des forts que l’on y faisoit construire ; et que moy avesques douse mille Suisses (dont j’estois asseuré), entrerois quand et quand dans le duché de Milan ; de sorte que nous voyions toutes choses preparées selon nos intentions et desirs, quand trois jours apres mon arrivée Mr du Fargis envoya son secretaire avec un traitté de paix ambigu, mal fait, et honteux pour le roy, avec le roy d’Espaigne, sans avoir eu precedemment ordre ny commission du roy, non pas de le conclure, mais de le projetter seulement.

Il y avoit en ce mesme temps un procureur de Saint Marc ambassadeur extreordinaire de la republique de Venise, nommé Contarin de li Mostachi, quy me dit, lorsque je le fus voir la veille que ce beau traitté arriva, que l’ambassadeur de la republique en Espaigne luy avoit escrit que l’on faisoit quelque traitté secret a Madrid entre France et Espaigne. Je me moquay avec luy de cet avis, l'asseurant que cela ne pouvoit estre : toutefois dans le doutte ou cela me mit, ayant esté rendre compte de ma negotiation a Mr le cardinal de Richelieu, je luy dis ce que le Contarin m’avoit appris. Il me serra la main, et me respondit que je m’asseurasse qu’il n’y avoit aucune imagination de traitté, et que c’estoint des fourbes espagnoles de faire courir ces faux bruits pour nous mettre en jalousie avec nos alliés, dont je les pouvois asseurer ; ce que j’estois resolu de faire, et d’aller le lendemain visiter le Contarin pour luy mettre sur cette affaire l’esprit en repos. Je vis le soir mesme Mr le prince de Piemont auquel je dis l'apprehension de l’ambassadeur Contarin, laquelle j’avois fait sçavoir a Mr le cardinal de Richelieu, et la response qu'il m’avoit faite. Monsieur le prince me respondit que les Venitiens estoint gens speculatifs et soupçonneux quy debitoint leurs songes et leurs imaginations pour bonnes nouvelles, et qu’ils m’avoint présenté celle là plustost par prevention que par aucune connoissance qu’ils en eussent ; que pour luy il estoit tres asseuré qu’il ne se traittoit rien au prejudice de la ligue, ny de nos presens projets.

Sur cela j’allay cheux la reine ou je trouvay Mr le mareschal de Crequy, et sur les neuf heures du soir le roy nous envoya querir tous deux pour le venir trouver au cabinet de la reine mere ou il estoit avec elle, Mr de Chomberg et Mr de Harbaut[564]. Il nous commanda de nous asseoir en conseil, et nous desclara comme il venoit de recevoir ce traitté fait a son insceu par son ambassadeur du Fargis, dont il nous fit faire lecture par Mr de Harbaut. Nous le trouvasmes sy mal conceu, sy mal projetté et raysonné, sy honteux pour la France, sy contraire a la ligue, et sy dommageable aux Grisons, que, bien qu’au commencement nous nous fussions persuadé que c’estoit par l’ordre du roy qu’il avoit esté fait, mais qu’il vouloit, pour apaiser ses alliés, montrer qu’il n’en sçavoit rien, nous creumes effectivement qu’il avoit esté conclu contre son ordre. Ce fut ce quy nous obligea de dissuader le roy de l’accepter et ratifier, non plus qu’il n’avoit voulu faire celuy d’Ocaigne, fagotté par le mesme ministre, ny celuy de Rome, fait par le commandeur de Sillery[565].

En ce temps Mr le cardinal de Richelieu estoit indisposé au Petit Luxembourg : le roy nous commanda à nous trois mareschaux, et a Mr de Harbaut, secretaire d’estat, de l’aller trouver le lendemain matin, et cependant de n’en point parler a Mr le prince de Piemont ; de conferer avec mondit sieur le cardinal, lequel l’apres disner viendroit au conseil cheux la reine mere, ou le roy nous commanda de nous trouver. J'avoue que je ne fus jamais plus animé a parler contre aucune chose que contre cet infame traitté, et que j’avois l’esprit tellement eschauffé que je fus plus de deux heures dans le lit sans me pouvoir endormir, projettant une quantité de raysons que je voulois le lendemain produire au conseil contre cette affaire. Mais comme je me levay le lendemain plus rassis et resfreydy, je consideray que ce n’estoit point mon affaire, mais celle du roy ; qu’en vain je m’en tourmentois sy le roy la vouloit ratifier ; que j’estois incertain sy le roy avoit point donné les mains a Mr du Fargis pour la pestrir ; que peut estre la reine mere quy vouloit mettre la paix entre ses enfans, l’avoit procurée, peut estre monsieur le cardinal quy voyoit des brouilleries naissantes dans l’estat, avoit voulu cette paix au dehors[566] ; que je ne devois pas penetrer plus avant, comme aussy je ne le pouvois pas faire, et qu'il me pouvoit nuyre de me desclarer trop ; qu’il ne me pouvoit prejudicier de superseder mon ardeur pour quelque temps et de me contenir, laissant lever le lievre par un autre, que je serois toujours en estat puis apres de le courre et de le prendre. Ces raysons et plusieurs autres retinrent mon inclination portée a me faire ouir sur ce sujet, et estant allé cheux monsieur le cardinal (selon l’ordre que nous en avions), j’escoutay plus que je ne parlay, ce que je fis d’autant plus volontiers que je trouvay monsieur le cardinal fort retenu et ne s’ouvrant gueres, blasmant seulement la legereté, precipitation, et peu de jugement de Mr du Fargis quy meritoit une capitale punition d’avoir osé sans ordre du roy entreprendre une chose de telle consequence. Apres disner il vint au conseil ou nous nous trouvasmes, et monsieur le garde des sceaux de plus ; auquel je remarquay qu’un chascun s’amusa plus a blasmer l’ouvrier qu’a desmolir l’ouvrage ; que l’on parla peu du traitté, beaucoup du contractant, et qu’il fut plus discouru des moyens qu’il y auroit d’y adjouster quelque chose pour le rendre moins mauvais, qu'il ne fut proposé de le desavouer et le rompre ; quy me fit juger que l’on eut bien désiré qu’il fut meilleur, mais que l’on ne vouloit pas qu’il n’y en eut point du tout.

Cela fut cause que je me retiray entierement de l’affaire, et me mis a faire mon jubilé sur la fin du caresme (avril).

Cependant on tacha d’apaiser le mieux que l’on peut les intéressés ; Mr le prince de Piemont et Mr Contarini se retirerent ; on tascha d’ajouster quelque chose au traitté, d’en esclaircir d’autres, et de ratifier le tout ; ce que l’on fit, a mon avis, premierement pour donner la paix a la chrestienté quy s’en alloit jetter en une cruelle guerre, et puis en suitte pour donner ordre a certaines pratiques quy se faisoint au dedans avec Monsieur, frere du roy, en apparence pour troubler le mariage projetté entre madelle de Montpensier et luy, en effet pour brouiller et troubler l’estat et mettre les deux freres en division.

Le roy quy n’en prevoyoit que trop les inconveniens avoit tasché de retirer a luy le colonel d’Ornano quy avoit tout pouvoir sur l’esprit de monsieur son frere, et quy ouvroit l’oreille a plusieurs propositions que le roy n’agreoit pas. Il luy avoit donné des le commencement de janvier un office de mareschal de France[567], ce quy avoit plustost dilayé qu’assoupy les brigues et menées quy se faisoint. On avoit en suitte fait la paix avec ceux de la Religion en France pour n’avoir pas a la fois tant de quenouilles a filer.

May. — Finalement au commencement du mois de may, le roy estant a Fontainebleau, pour retirer monsieur son frere de tous intrigues, le mit de son conseil estroit, et luy fit venir le 2me dudit mois. Le mareschal d’Ornano fit premierement ses plaintes de ce que le roy avoit mis de son conseil monsieur son frere sans luy en avoir precedemment parlé, ce que l’on faisoit, disoit il, pour le descrediter ; puis en suitte demanda d’en estre, et en fin qu’il y peut accompagner monsieur son maitre, demeurant debout comme les secretaires d’estat, ce quy luy ayant esté refusé, il desclara plus ouvertement qu’il ne convenoit son mescontentement. Les dames de la cour estoint fort meslées dans ces intrigues, les unes en haine de la mayson de Guyse qu’elles voyoint aggrandir par la prochaine alliance de Monsieur, les autres en haine de madelle de Montpensier, et les autres pour l’interest du mariage de Monsieur. Le mareschal d’Ornano estoit en parfaite intelligence avec toutes, ce qu’il faisoit d’autant plus asseurement qu’il croyoit que l’intention du roy estoit conjointe a leurs desseins, veu que Sa Majesté luy avoit commandé l’année precedente qu’il eut a rompre les pratiques trop ouvertes que l’on faisoit pour ce mariage, et a en destourner les frequentes entrevues.

Le 4me de may le roy voulut faire l’exercice de son regiment des gardes dans la court du Cheval blanc, et en donner le plaisir aux reines et aux princesses, quy le verroint faire de la grande galerie. Je m’en allay ce jour là apres disner a Paris pour empescher qu’une de mes nieces de Saint Luc ne se fit feuillantine. Je pris congé du roy quy me dit par deux fois que je n’y avois que faire, et que je visse faire l’exercice ; mais moy ne songeant a rien ne laissay pas de m’y en aller.

Le lendemain 5me, sur les six heures du matin, Bonnevaut[568] me vint trouver, que le roy m’avoit envoyé la nuit pour me mander comme il avoit fait arrester prisonnier le mareschal d’Ornano et que je ne manquasse pas de m’en venir le jour mesme a Fontainebleau, ce que je fis.

Monsieur s’estoit fort offensé de cette prise et estoit venu en faire de grandes plaintes au roy. Il s’adressa premierement a monsieur le chancelier, luy demandant sy c’estoit par son avis que l’on eut pris le mareschal d’Ornano, lequel luy dit qu’il en estoit bien estonné, et qu’il n’en sçavoit rien. Il fit en suitte la mesme demande a monsieur le cardinal, quy luy respondit qu’il ne diroit pas comme monsieur le chancelier, et que l’un et l’autre l’avoit conseillé au roy, sur les choses que Sa Majesté leur en avoit dittes. La response du chancelier fut cause de luy faire peu apres oster les sceaux. On fit en mesme temps arrester prisonniers ses deux freres Masargue et Ornano[569], comme aussy Chaudebonne[570], Modene et Du Hagen[571] que l’on mit en la Bastille, et l’on commanda au chevalier de Jars[572] et a Boyer[573] de sortir de la court.

On mena le lendemain le mareschal au bois de Vincennes, et Monsieur continua ses plaintes et ses mescontentemens. Je le fus trouver le lendemain de mon arrivée a Fontainebleau, et mesmes avant avoir veu le roy (tant j’estois asseuré de la confiance que Sa Majesté avoit en moy) : je le trouvay fort animé et porté par plusieurs mauvais esprits, et prins la hardiesse de luy parler franchement et en homme de bien, ce qu’il receut en bonne part. Je continuay de le voir souvent, le roy m’ayant tesmoygné de le trouver bon : mais a quattre jours de là, la reine mere me dit qu’il luy avoit tenu un discours quy m’obligea de n'y plus retourner, sçavoir qu’il sçavoit que l’on vouloit mettre aupres de luy Mr de Bellegarde ou moy, mais qu’il n’en vouloit point, et que nous voudrions faire les gouverneurs, dont il n’avoit desormais que faire ; je voulus luy montrer par mon eslongnement d’aupres de luy que je n’aspirois nullement a cette charge.

Peu de jours apres il courut un bruit que l’on avoit tenu un conseil dont il y avoit neuf personnes, l’une desquelles l’avoit decelé, auquel il avoit esté resolu que l’on iroit tuer monsieur le cardinal dans Fleury[574]. Il s’est dit que ce fut Mr de Chalais[575], lequel s’en estant confié au commandeur de Valançay[576], ledit commandeur luy reprocha sa trahison, estant domestique du roy, d’oser entreprendre sur son premier ministre ; qu’il l'en devoit avertir, et qu’en cas qu’il ne le voulut faire, que luy mesme le deceleroit : dont Chalais intimidé y consentit ; et que tous deux partirent a l’heure mesme pour aller a Fleury en avertir monsieur le cardinal quy les remercia et pria d’aller porter ce mesme avis au roy, ce qu’ils firent, et le roy a onse heures du soir envoya commander a trente de ses gensdarmes et autant de chevaux legers d’aller a l’heure mesme a Fleury. La reine mere pareillement y despescha toute sa noblesse. Il arriva, comme Chalais avoit dit, que sur les trois heures du matin les officiers de Monsieur arriverent a Fleury, envoyés pour luy apprester son disner : monsieur le cardinal leur ceda le logis, et s’en vint [accompagné de plus de six vingts chevaux][577] a Fontainebleau. Il vint droit a la chambre de Monsieur, quy se levoit et fut assés estonné de le voir : il fit reproche a Monsieur de ne luy avoir pas voulu faire l’honneur de luy commander de luy donner a disner, ce qu’il eut fait au mieux qu’il eut peu, et qu’il avoit a la mesme heure resigné la maison a ses gens ; puis en suitte luy ayant donné sa chemise, il vint trouver le roy, puis la reine mere, et de là s’en alla a la Maison Rouge[578] jusques a ce que le roy s’en vint a Paris. On ne pouvoit s'imaginer d’ou estoit venue la declaration de ce conseil jusques a ce que, la court estant revenue a Paris, Chalais confessa a la reine[579] et a madame de Chevreuse que la crainte d’estre decelé par le commandeur de Valançay (auquel il s’estoit fié), et la violence qu’il luy fit d’avertir monsieur le cardinal l’avoint porté a cela, mais qu’a l’avenir il leur seroit fidelle, et leur donnoit cette libre reconnoissance de sa faute qu’il leur faisoit, pour marque de sa sincerité.

Cependant le grand prieur, quy estoit de la partie, voyant l'affaire descouverte, voulut retirer son espingle du jeu, et vint dire de belles paroles a monsieur le cardinal, le priant de le faire parvenir a l’amirauté de France ou il pretendoit. Monsieur le cardinal feignit qu’il luy avoit procuré cette charge, et qu’il allat en Bretaigne faire venir Mr de Vandosme pour en remercier le roy quy cependant s’achemina a Blois[580].

Monsieur le cardinal alla a Limours[581] ou Mr le Prince le vint trouver le jour de la Pentecouste[582]. Monsieur s’y en alla le lendemain (juin) a la persuasion du president le Coygneux[583] quy luy fit croire que l’on alloit approcher des affaires Mr le Prince, pour l’en eslongner, s’il ne se raccommodoit avec monsieur le cardinal, ce qu’il fit en apparence, mais conservoit toujours la secrette intelligence avec la caballe et avoit tiré parole de madame de Villars par le moyen de monsieur le grand prieur qu’elle luy livreroit le Havre pour se retirer ; Balagny d’autre costé s’estoit fait fort de luy mettre Laon en main[584], et il avoit quelque esperance d’avoir Mets a sa devotion. Il voulut sçavoir de Mr de Villars s’il se pouvoit asseurer de sa place, lequel la refusa tout a plat et dit que sa femme n’y avoit nul pouvoir. D’autre costé Mallortie[585] quy commandoit dans Laon pour le marquis de Cœuvres, dit qu’il ne connoissoit point Balagny, et que sy on ne luy apportoit un commandement de son maitre, que personne n'y entreroit le plus fort.

Cependant les dames et les autres partisans pressoint Monsieur de se retirer de la court, a quoy il fut encores plus convié quand il vit que messieurs de Vandosme et grand prieur, freres, estans arrivés a Blois le 12 de juin, y avoint le lendemain matin 13me[586] esté faits prisonniers et menés en seure garde dans le chasteau d’Amboyse, ce quy l'affligea fort, et Mr le Comte aussy quy aymoit uniquement le grand prieur ; auquel en mesme temps on fit un mauvais office d’avertir le roy qu’il vouloit enlever madelle de Montpensier quy estoit demeurée a Paris ou le roy avoit laissé Mr le Comte avec un ample pouvoir pour commander en son absence : et comme cela estoit facile a faire et apparent[587], qu’il[588] estoit en sayson soubçonneuse, et que Monsieur mesmes en eut peut estre esté d’accord, cela le fit croire davantage et donna sujet au roy d’envoyer en diligence le sieur de Fontenay a Paris pour faire venir madelle de Montpensier a Blois, ou a Nantes, sy le roy y estoit desja acheminé. Il commanda aussy de la part du roy a Mr de Bellegarde, a Mr d’Effiat, et a moy de l’accompagner avec le plus de nos amis que nous pourrions. Il arriva la veille que je devois partir en poste pour m’en aller a la court[589] ou j’avois desja tout mon train, de sorte que je me trouvay sans moyen d’executer ce commandement et m’en allay[590] trouver le roy. Mais Mrs de Bellegarde et d’Effiat y suppleerent : ce dernier avoit esté eslevé a la charge de surintendant des finances peu de jours avant le partement du roy, quy osta les sceaux a monsieur le chancelier[591], et les donna a Mr de Marillac quy estoit allors surintendant des finances que Mr d’Effiat eut, et partit avec madame de Guyse bien accompagnée, pour venir a la court.

Comme le roy estoit a Blois, on faisoit soigneusement prendre garde aux actions de Monsieur, et espier quy luy parloit. On descouvrit que Chalais quy estoit mestre de la garde robbe du roy et logé dans le chasteau proche de l'appartement de Monsieur, l’alloit voir la nuit en robbe de chambre et apres avoir demeuré deux ou trois heures avesques luy s’en retournoit en cachette, ce quy fit connestre au roy qu’il jouoit le double. Sur cela la court partit de Blois et vint a Tours[592], et Monsieur ayant perdu l'esperance d’avoir les villes du Havre ou de Laon pour sa retraitte de la court, tenta par le moyen de Chalais celle de Mets, quy y despescha un gentilhomme nommé la Loubiere[593] que les Gramonts luy avoint donné. Ce la Loubiere vint dire adieu au comte de Louvigné[594] avec quy il avoit esté, et le connoissant parfait amy de Chalais, ne se feignit point de luy dire ou il alloit, et pour quel sujet. De Tours le roy s’achemina par la riviere de Loire a Saumur[595], et par les chemins Louvigné eut quelque chose a desmesler avec Mr de Candale avec quy il n’estoit pas bien pour quelques amourettes[596] : neammoins cela se passa sans bruit. Chalais et Bouteville[597] s’en vindrent le soir que nous arrivasmes a Saumur, souper cheux moy, et me prierent de tancer Louvigné, ce que je fis en leur presence ; et eux, et d’autres luy dirent qu’il prit garde de n’avoir aucune querelle avec Mr de Candale s’il ne les vouloit perdre pour amis, parce qu’ils avoint des obligations particulieres quy les lioint avec Mr de Candale. Luy au contraire le lendemain, allant de Saumur aux Ponts de Sey[598], querella Mr de Candale, et lors tous ceux qu’il pensoit ses amis le quitterent pour s’aller offrir a Mr de Candale, dont ce meschant garçon fut tellement piqué que le lendemain (juillet), comme le roy arriva a Ensenis[599], il demanda a luy parler et luy desclara le voyage que la Loubiere estoit allé faire a Mets [par l’ordre de Chalais][600], et plusieurs autres choses qu’il sçavoit, ou qu’il inventa.

Le roy arriva a Nantes[601], et peu de jours apres fit mettre en prison Chalais et luy fit faire son proces. Monsieur fut fort estonné de sa prise, et ses gens aussy, et furent sur le point de partir : mais en mesme temps ils eurent response de Mr de la Vallette quy estoit a Mets, que sy Mr d’Espernon se desclaroit pour luy, qu’il s'y desclareroit aussy, sinon non : Monsieur avoit escrit a Mr d’Espernon quy envoya la lettre au roy. En cette extrémité le meilleur fut de s’accommoder avec le roy, ce que le Coygneux pratiqua, et madame de Guyse estant arrivée, la reine mere pressa et fit le mariage de Monsieur avec mademoiselle de Montpensier. On fit encor un effort pour l’empescher par le moyen de Tronson[602], Marcillac[603] et Sauveterre, quy en furent tous trois chassés de la court avec perte de leurs charges (aust). Monsieur se maria et se remit tres bien avec le roy quy luy donna son appanage selon son contentement[604].

Apres que les fiançailles furent faites, le roy parlant a monsieur son frere et a moy, luy dit ces mesmes mots : « Mon frere, je vous dis devant le mareschal de Bassompierre quy vous ayme bien, et quy est mon bon et fidelle serviteur, que je n’ay en ma vie fait chose tant a mon gré que vostre mariage. » Monsieur en suitte me mena promener au jardin quy est sur un bastion et me dit : « Betstein, tu me verras astheure sans crainte, puis que je suis bien avec le roy. » Je luy respondis : « Monsieur, vous avés peu juger que je n’en faisois point de scrupule, puis que je vous fus trouver (apres que le mareschal d’Ornano fut pris), avant mesmes que j’eusse veu le roy, lequel a tant de preuves de ma fidellité que je n’ay rien a craindre, ny luy aussy, de ce costé la. Mais je me suis retiré de vous voir lors que vous avés dit a la reine vostre mere que l’on vouloit mettre Mr de Bellegarde ou moy aupres de vous, et que vous n’en vouliés point, affin de vous faire voir que je n’y prétendois point et que je ne piquois pas apres le benefice. » Il me dit lors qu’il seroit bien ayse que je fusse près de luy, et que je fisse aupres du roy qu’il m’y mit. A cela je respondis que quand le roy me donneroit cent mille escus par an pour estre aupres de luy, que je les refuserois, non pas que je ne le tinsse a grand honneur et que je n’eusse une grande passion a son service, mais parce qu’il en faudroit tromper l’un ou l’autre, et que je ne m'entendois point a cela.

Trois jours apres, Monsieur fit marié : mais pour cela le proces de Chalais ne se discontinua pas ; ains on le paracheva, et eut la teste tranchée a Nantes[605].

Il y eut plusieurs intrigues d’amourettes, et autres choses. On refforma[606] l’entrée de la chambre et cabinet de la reine aux hommes, hormis quand le roy y seroit. On fit renvoyer en sa maison madame de Chevreuse quy s’en alla, au lieu de sa maison, en Lorraine.

En ce mesme temps, du costé d’Angleterre, on chassa tous les [officiers][607] françois de la reine, et les prestres aussy, hormis son confesseur, ce quy causa un grand desplaisir au roy et a la reine mere, laquelle desira que le roy m’envoyat en Angleterre pour remedier a tout cela. Je fis ce que je peus pour m’en exempter, ayant esté trop mal traitté en l’ambassade derniere que j’avois faite en Suisse, en laquelle on avoit desmembré la moitié de ma charge pour en investir le marquis de Cœuvres : mais en fin, il m'y fallut aller.

Le roy d’Angleterre envoya le millord Carleton[608] pour faire aggreer au roy et a la reine mere ce qu’il avoit fait, quy fut tres mal receu.

La court partit de Nantes pour revenir a Paris[609].

Le roy d’Angleterre envoya Montaigu[610] pour se resjouir des noces de Monsieur, tant avec luy et Madame, qu’avec le roy et les reines. Mais comme il vint a Paris, il eut commandement de s’en retourner sur ses pas, et moy je fus extreordinairement pressé de partir pour Angleterre, ce qu’en fin je fus contraint de faire le dimanche 27me de septembre de cette mesme année 1626, et vins disner a Pontoise cheux Mr le cardinal de Richelieu, ou Mrs de Marillac garde des sceaux, de Chomberg et de Harbaut se trouverent pour me despescher de toutes les affaires que j’avois avec eux ; et puis vins coucher à Beauvais.

Septembre, octobre. — J’en partis le lendemain 28me et vins a Poix[611], puis a Abbeville le 29, [a Montrueil le 30][612] et a Boulongne le 1er d’octobre, ou je trouvay mon esquipage et ceux quy venoint m’accompagner en ce voyage..

Mr d’Aumont gouverneur de Boulongne me festina, et je m'embarquay le lendemain deuxieme jour d’octobre, et passay a Douvre ou je sejournay le lendemain 3me pour trouver voiture a mon train.

Je fus le lendemain 4me coucher a Cantorberi ; le lundy 5me a Sittimborne ; le mardy 6me je passay a Rochester ou sont les grands vaisseaux de guerre du roy, et vins coucher a Gravesinde[613].

Le sieur Louis Lucnar conducteur des ambassadeurs m’y vint trouver avec la berge de la reine qu’elle m’envoya, et le mercredy 7me je m’y embarquay sur la Tamise, vins passer devant le magasin de la contratation des Indes[614], puis devant Grennhuits[615], maison du roy, aupres de laquelle le comte Dorset chevalier de la Jartiere, de la maison de Sacfil[616], me vint recevoir de la part du roy, et m’ayant fait entrer dans la berge du roy, m'agnmena jusques proche de la Tour de Londres, ou les carrosses du roy m’attendoint, quy me menerent en mon logis ou ledit comte Dorset me quitta. Je ne fus logé ny deffrayé par le roy, et a peine peut on envoyer ce comte Dorset, selon la coustume ordinaire, pour me recevoir. Je ne laissay pour cela d’estre assés bien logé, meublé, et accommodé.

Ce soir mesme, après que j’eus souppé, on fit dire au chevalier de Jars quy avoit souppé avec moy, que quelqu’un le demandoit. C’estoit le duc de Bocquinguem, et Montagu, quy seuls estoint venus me voir sans flambeaux et le prierent de les faire entrer en ma chambre par quelque porte secrette, ce qu’il fit et puis me vint querir. Je fus bien estonné de le voir là[617] parce que je sçavois qu'il estoit a Amptoncourt[618] avec le roy : mais il en estoit arrivé pour me voir. Il me fit d’abbord forces plaintes de la France, puis de moy aussy sur le sujet de quelques personnes ; ausquelles je respondis le mieux que je peus, et puis fis celles de la France contre l’Angleterre qu’il escusa aussy le mieux qu’il peut, et en suitte me promit toute sorte d’assistance et d’amitié, comme je luy fis aussy offre bien ample de mon service. Il me pria de ne point dire qu’il me fut venu voir parce qu’il l’avoit fait a l’insceu du roy, ce que je ne creus pas.

Le jeudy 8me l'ambassadeur Contarini, de Venise, me vint visiter, et sur la nuit j’allay voir Mr le duc de Bocquinguem [en cachette][619] en son logis nommé Iorchaus[620], quy est extremement beau et estoit le plus richement paré que je vis jamais aucun autre, nous en separant fort bons amis.

Le vendredy 9me au matin me vint trouver le sieur Louis Lucnar de la part du roy pour me faire commandement de renvoyer en France le pere Sansy[621] de l’oratoire que j’avois emmené avec moy. J’en fis un absolu refus, disant qu’il estoit mon confesseur, et que le roy n’avoit que voir en mon train ; que, s’il ne m’avoit agreable, je sortirois de son royaume, et retournerois trouver mon maitre. Peu apres le duc de Bocquinguem, le comte Dorset et de Salisberi[622] vindrent disner cheux moy, a quy j’en fis mes plaintes. Apres disner le comte de Montgomeri[623] grand chambellan me vint visiter, et me presser de la part du roy de renvoyer le pere Sansy, a quy je fis la mesme response que j’avois faite a Lucnar.

En suitte l'ambassadeur de Dannemarc et l'agent du roy de Boheme[624] me vindrent visiter, et Montagu vint souper avec moy, et le lendemain le sieur Edouart Cecile viscomte de Houemelton[625] que j’avois connu jeune en Italie, et quy m’avoit desja trente ans auparavant[626] fait beaucoup de courtesie en Angleterre.

Le dimanche 11me Mr le comte de Carlile me vint trouver avec les carrosses du roy pour me mener a Amptoncourt [a l’audience du roy. Je fus conduit dans Amptoncourt][627] dans une salle ou il y avoit une belle collation. Le duc de Bocquinguem m’y vint trouver pour me mener a l’audience, et me dit que le roy vouloit precedemment sçavoir ce que je luy voulois dire, et qu’il ne vouloit pas que je luy parlasse d’aucune affaire, qu’autrement il ne me donneroit point d’audience. Je luy dis que le roy sçauroit ce que je luy avois a dire par ma propre bouche, et que l’on ne limitoit point ce qu’un ambassadeur avoit a representer au prince vers lequel il estoit envoyé ; et que s’il ne me vouloit voir, que j’estois prest de m’en retourner. Il me jura que la seule cause quy l'oblígeoit a cela, et quy l’y faisoit opiniatrer, estoit qu'il ne se pourroit empescher de se mettre en colere en traittant des affaires dont j’avois a luy parler, ce quy ne seroit pas bienseant sur ce haut dais a la veue des principaux du royaume, hommes et femmes ; que la reine sa femme estoit aupres de luy, quy, animée du licenciement de ses domestiques, pourroit faire quelque extravagance et pleurer a la veue d’un chascun ; qu'en fin il ne vouloit point se compromettre devant le monde, et qu’il estoit plustost resolu de rompre cette audience et de me la donner particuliere, que de traitter d’aucune affaire devant le monde avec moy. Il me fit de grands sermens qu’il me disoit verité et qu’il n’avoit peu porter le roy a me voir autrement, me priant mesmes de luy donner quelque espedient, et que je l'obligerois. Moy quy vis que j’allois recevoir cet affront, et qu’il me prioit de l’ayder de mon conseil pour eviter l’un, et m’insinuer de plus en plus en ses bonnes graces par l’autre, luy dis que je ne pouvois en façon quelconque faire autre chose que ce quy m’estoit commandé par le roy mon maitre, mais que puis que, comme mon amy, il demandoit mon avis sur quelque espedient, je luy dirois qu’il despendoit du roy de me donner ou oster, accourcir[628] ou prolonger l’audience en la forme qu’il voudroit, et qu’il pouvoit, apres m’avoir permis de luy faire la reverence et receu avesques les lettres du roy les premiers complimens, quand je viendrois a luy desduire le sujet de ma venue, m’interrompre et me dire : Monsieur l’ambassadeur, vous venés de Londres et avés a y retourner : il est tard, et cette affaire requiert un plus long temps que celuy que je vous pourrois maintenant donner. Je vous envoyeray querir un de ces jours de meilleure heure, et en une audience particuliere nous en confererons a loisir. Cependant je me contente de vous avoir veu, et sceu des nouvelles du roy mon beau frere et de la reine ma belle mere, et ne veux plus retarder l’impatience que la reine ma femme a d’en apprendre par vostre bouche. Sur quoy je prendray congé de luy pour aller faire la reverence a la reine.

Apres que je luy eus dit cela, le duc m’embrassa et me dit : « Vous en sçavés plus que nous. Je vous ay offert mon assistance aux affaires que vous venés traitter : mais maintenant je retire la parole que je vous ay donnée ; car sans moy vous les sçaurés bien faire » : et en riant me quitta pour aller porter cet espedient au roy quy le receut, et en usa punctuellement. Le duc revint pour m’ammener a l’audience, et le comte de Carlile marchoit derriere luy. Je trouvay le roy sur un teatre eslevé de dix degrés, la reine et luy en deux chaires, quy se leverent a la premiere reverence que je leur fis en entrant. La compagnie estoit superbe, et l’ordre exquis. Je fis mon compliment au roy, luy donnay mes lettres, et apres luy avoir dit les honnestes paroles, comme je vins aux essentielles, il m’interrompit en la mesme forme que j’avois proposée au duc. Je vis de là la reine, a laquelle je dis peu de choses parce qu’elle me dit que le roy luy avoit permis d’aller a Londres, ou elle me verroit a loisir ; puis je me retiray. Le duc et les principaux seigneurs me vindrent conduire jusques a mon carrosse, et comme le duc m’entretenoit expres pour donner loisir au secretaire [Convé][629] de m’attraper, ledit secretaire arriva, quy me dit que le roy me mandoit qu’encores qu’il m’eut promis une audience particuliere, neammoins il ne m’en donneroit point jusques a ce que j’eusse renvoyé le pere Sansy en France comme il me l’avoit desja fait dire par trois fois sans effet, dont Sa Majesté s’en sentoit offensée. Je luy respondis que, s’il eut esté de mon devoir ou de la bienseance de l’obeir, je l’eusse fait des le premier commandement, et que je n’avois autre response a luy faire que conformement aux precedentes, dont je pensois qu’il deut estre satisfait, et que Sa Majesté se devoit contenter du respect que je luy rendois de retenir enfermé dans mon logis un de mes domestiques, quy n’est criminel, ny condamné, ny accusé, lequel je luy promettois ne devoir pratiquer, conferer, ny mesmes se montrer dans sa court ny dans la ville de Londres, sy bien dans ma mayson tant que j’y seray, et n’en partira qu’avesques moy, ce que je feray des demain s’il me l’ordonne ; et s’il ne me veut point donner audience, j’envoyeray sçavoir du roy mon maitre ce qu’il luy plait que je devienne[630] apres ce refus, lequel ne me laissera pas, a mon avis, vieillir en Angleterre, attendant que le roy aye la fantaisie ou prenne le loysir de m’ouir : ce que je dis assés haut et aucunement esmeu, affin que les assistans me peussent entendre, et j’en tesmoygnay en suitte plus de ressentiment au duc auquel je priay que l’on ne me parlat plus de cette affaire, quy estoit determinée en mon esprit, sy l’on ne me vouloit quand et quand donner un commandement de sortir de Londres et de l’isle ; que je le recevrois avec joye : et sur ce je me separay de la compagnie avec le comte de Carlile et Montagu, quy me rammenerent a Londres et demeurerent a souper avec moy.

Le lundy 12me l’ambassadeur de Messieurs les Estats[631] me vint visiter, et je fus rendre la visite aux ambassadeurs de Dannemarc et de Venise. Puis j’allay saluer madame de la Trimouille, [et en revenant en mon logis j’y trouvay][632] le duc de Bocquinguem et Montagu quy souperent cheux moy. L’apres souper je l’entretins longtemps de mes affaires.

Le mardy 13me octobre la reine arriva a Londres et m’envoya querir par Gorin[633] avec lequel je l’allay trouver en son palais de Sommerset[634]. Puis je fus voir le duc a Iorchaus.

Le mercredy 14me je fus dire adieu le matin a madame de la Trimouille. Puis Robert Keri[635] vint me voir ; en suitte l’ambassadeur de Bethleem Gabor[636] avec l'agent du roy de Boheme.

Finalement Montagu me vint dire de la part du duc que, bien que je retinsse pres de moy le père Sansy, le roy ne laisseroit pour cela de me donner audience le lendemain, quy fut le jeudy 15me auquel le comte de Brischwater[637] me vint mener avec les carrosses du roy a Amptoncourt. Puis le duc me mena dans une galerie ou le roy m’attendoit, quy me donna une bien longue audience et bien contestée. Il se mit fort en colere, et moy, sans perdre le respect, je luy repartis en sorte qu’en fin luy cedant quelque chose, il m’en accorda beaucoup. Je vis là une grande hardiesse, (pour ne dire effronterie), du duc de Bocquinguem, quy fut que, lors qu’il nous vit le plus eschauffés en contestations, il partit de la main et se vint mettre en tiers entre le roy et moy, en disant : « Je viens faire le hola entre vous deux. » Lors j’ostay mon chapeau, et tant qu’il fut avec nous, je ne le voulus remettre, quelque instance que le roy et luy m’en fissent : puis quand il se fut retiré, je le remis sans que le roy me le dit. Quand j’eus achevé et qu’il peut parler a moy, le duc me dit pourquoy je ne m’avois pas voulu couvrir luy y estant, et que n’y estant plus, je m’estois sy franchement couvert. Je luy respondis que je l’avois fait pour luy faire honneur, parce qu’il ne se fut pas couvert et que je l’eusse esté, ce que je n’avois voulu souffrir : dont il me sceut bon gré et le dit depuis plusieurs fois, me louant. Mais j’avois encores une autre rayson pour le faire, quy estoit que ce n’estoit plus audience, mais conversation particuliere, puis qu’il l’avoit interrompue, se mettant en tiers.

Apres que mon audience derniere fut finie, le roy me mena par des diverses galeries cheux la reine, ou il me laissa, et puis moy elle, apres l’avoir longuement entretenue, et fus rammené a Londres par le mesme comte de Brischwater.

Le vendredy 16me je fus voir le comte de Holland malade a Kinsinthon[638]. Le roy et la reine revindrent a Londres. Mr de Soubise me vint voir. Puis le duc m’envoya prier de venir a Sommerset ou nous fusmes plus de deux heures a contester de nos affaires.

Le samedy 17me je fus faire la reverence a la reine a Houaithall[639] et luy rendre compte de tout ce que j’avois le jour precedent conferé avec le duc[640].

Le dimanche 18me je fus visité par le secretaire Convé quy me vint parler de la part du roy. Puis en suitte le comte de Carlile et le millord Carleton me vindrent voir.

Le lundy 19me, le matin, l’ambassadeur de Dannemarc me visita. Je rendis apres disner la visite a celuy de Hollande ; puis je fus trouver la reine a Houaithall.

Le mardy 20me le viscomte de Houemelton et Gorin vindrent disner avec moy. L’apres disner je fus ouy au conseil, et au retour l’ambassadeur de Venise me vint visiter.

Le mercredy 21me je fis une despesche au roy. Je fus voir la reine, et de là conferer avec le duc dans Sommerset.

Le jeudy 22me je fus le matin voir l’ambassadeur de Dannemarc. Le duc, les comtes de Carlile et de Holland, avec Montagu, vindrent disner cheux moy. Je vis en passant l’ambassadeur des Estats pour affaires ; puis je fus cheux la reine, et le soir cheux madame de Strange[641].

Le vendredy 23me je fus voir le comte de Carlile, et l’ambassadeur de Venise.

Le samedy 24me je fus voir la reine, ou le roy vint, qu’elle querella. Le roy me mena en sa chambre et m’entretint longuement, me faisant beaucoup de plaintes de la reine sa femme.

Le dimanche 25me les comtes de Pembroch[642] et de Montgomeri me vindrent voir. Puis je fus trouver le duc que j’ammenay cheux la reine, ou il fit sa paix avec elle, que j’avois moyennée avec mille peines. Le roy y arriva en suitte, quy se raccommoda aussy avec elle, luy fit beaucoup de caresses, me remercia de ce que j’avois remis le duc en bonne intelligence avec sa femme, puis m’ammena en sa chambre, ou il me montra ses pierreries quy sont tres belles.

Le lundy 26me je fus voir le matin l’ambassadeur de Dannemarc. L’apres disner je fus trouver la reine a Sommerset avesques quy je me brouillay[643].

Le mardy 27me le duc, les comtes Dorset, de Holland, et de Carlile, Montagu, Keri, et Gorin víndrent disner cheux moy. Je fus voir puis apres le comte de Pembroch et Carleton. Il m’arriva le soir un courrier de France.

Le mercredy 28me je fus le matin a Houaithall parler au duc et au secretaire Convé, parce que le roy s’en alloit a Amptoncourt. Apres disner je fus voir la reine a Sommerset, avec laquelle je m’accorday. Le soir le duc, et le comte de Holland me menerent souper cheux Antonio Porter quy faisoit festin a don Augustin Fiesque, au marquis de Piennes[644], au chevalier de Jars et a Gobelin[645] : nous eusmes apres souper la musique.

Le jeudy 29me j'eus le matin la visite du comte de Holland et du comte de Carlile. L’apres disner je fus voir l’ambassadeur de Hollande.

Le vendredy 30me je fus voir la reine a Sommerset, puis le duc a Valinfort[646]. Le resident du roy de Boheme vint souper cheux moy.

Le samedy, dernier d’octobre, l’ambassadeur de Dannemarc me vint voir. Puis je fus cheux madame de Strange.

Novembre. — Le dimanche, premier jour de novembre, et de la Toussaints, je fis mes devotions. Puis je fus voir la duchesse de Lenox[647] et le secretaire Convé. On tint ce jour là le conseil pour mes affaires.

Le lundy 2me je fus le matin voir le comte de Holland. Puis le duc m’ayant donné rendés vous en la galerie de la reine, nous y conferames fort longtemps. Apres disner je revins voir la reine pour luy rendre compte de mon entretien avec le duc, dont elle estoit en peine parce que nous nous estions mal separés.

Le mardy 3me le duc m’ammena sa petite fille[648] cheux moy pour tesmoygnage d’accord : il y demeura a disner avec Montagu, Keri et Porter, puis me mena trouver le roy quy s’en alla jouer a la paume, et moy trouver la reine pour luy dire mon accord avec le duc.

Le mercredy 4me je fus voir la duchesse de Lenox. J’escrivis au duc sur le sujet de mon affaire : puis je fus trouver la reine pour luy montrer la copie de ce que j’avois mandé. Le soir le duc envoya Montagu souper cheux moy, et m'asseurer de sa part qu'il accommoderoit les affaires selon mon desir, dont j’envoyay en mesme temps donner avis a la reine.

Le jeudy 5me le secretaire Convé me vint dire que je vinsse le lendemain au conseil, ou j’aurois une finale response de ma proposition. Je fus en suitte cheux madame de Strange.

Le vendredy 6me le duc vint disner cheux moy, puis me mena a la court en une des chambres du roy, ou il laissa Gorin, Montagu et Lucnar pour m’entretenir. Il me vint peu apres trouver, et me dit que la response que le conseil me vouloit faire ne valoit rien, mais que je ne me misse pas en peine, ains y respondisse sur l’heure mesme fermement, et que puis apres il accommoderoit le tout de telle sorte que j'en serois satisfait. Peu apres le secretaire Convé me vint appeller pour aller au conseil, là ou apres que l’on m’eut fait mettre en une chaire au haut bout, messieurs du conseil, par la bouche de Carleton, me firent dire qu’apres avoir deliberé sur la proposition que j’avois faite au mesme conseil quelques jours auparavant, ils me faisoint la response qu’ils me donnerent par escrit, et en suitte la firent lire : sur quoy leur ayant demandé audience pour leur respondre sur le champ[649], je le fis avec grande vehemence, et mieux a mon gré que je ne parlay de ma vie. Ma response dura plus d’une heure : puis estant sorty, j’allay trouver la reine pour luy montrer la belle response qu'ils m’avoint donnée, et en sustance ce que j’y avois respondu et protesté, ce quy l'affligea fort.

Le soir mesme le duc m'envoya dire que tous ceux du conseil quy parloint ou entendoint françois me viendroint trouver le lendemain matin, et que j’eusse bonne esperance d’une bonne conclusion ; car le roy leur avoit dit que son intention estoit de satisfaire le roy son frere, et de me renvoyer content.

Le samedy 7me le comte Dorset me vint trouver des sept heures du matin pour me dire que j’aurois contentement, et que le conseil viendroit peu apres me trouver ; et ne tiendroit qu’a moy que tout n’allat bien. Il me trouva en mauvais estat pour conferer ; car, ou le temps quy estoit fort nebuleux, ou mon mauvais temperament, ou la longue et vehemente response que j’avois faitte le jour precedent, m’avoit mis en tel point que je n'avois plus de voix, et a peine me pouvoit il entendre, quelque effort que je peusse faire.

Peu apres le duc et le conseil arriverent, et nous estans assis, Mr Carleton fit replique sur ma response, et en fin protesta en la mesme façon que j’avois fait, du mal quy pourroit arriver de nostre rupture, offrant neammoins, sy nous pouvions maintenant par ensemble trouver quelque bon moyen d’accommodement, que le roy l’auroit tres agreable ; a quoy en suitte nous travaillames, et n’y eumes pas beaucoup de peine ; car ils furent raysonnables, et moy, moderé en mes demandes. La plus grande difficulté fut pour le restablissement des prestres, dont en fin nous convinsmes. Je leur fis en suitte un magnifique festin, et puis s’en estans allés, je fus aussy tost trouver la reine pour luy porter les bonnes nouvelles de nostre traitté.

Le dimanche 8me le duc, et le comte de Holland vindrent disner cheux moy. Le duc de Lenox[650] me vint voir ; puis je fus trouver le roy en sa chambre ou j’eus une audience privée en laquelle il me confirma, et ratifia tout ce que ses commissaires avoint traitté et conclu avec moy, dont il me montra l’escrit et me le fit lire.

Le soir l’agent du roy de Boheme se vint conjouir avec moy, et y souper, comme fit aussy amplement l’ambassadeur de Dannemarc.

Le lendemain lundy 9me quy est [le jour de]Inédit. l’election du maire, je vins le matin a Sommerset trouver la reine quy y estoit venue pour le voir passer sur la Tamise allant a Voestminster[651] prester le serment en un magnifique apparat de batteaux. Puis la reine disna, et en suitte se mit en carrosse et me fit mettre en mesme portiere avec elle. Mr le duc de Bocquinguem se mit aussy par son commandement dans son carrosse, et nous allames en la rue de Schipsay[652] pour voir passer la ceremonie, quy est la plus grande quy se fasse a la reception d’aucun officier du monde. Attendant qu'il passat, la reine se mit à jouer a la prime avec le duc, le comte de Dorset et moy. Puis en suitte le duc me mena disner cheux le nouveau maire quy en donna ce jour là a plus de huit cens personnes. Puis apres le duc et les comtes de Montgomeri et de Holland m’ayans rammené cheux moy, je m’en allay promener aux Morsfils[653].

Le mardy 10me je fus le matin voir l’ambassadeur de Dannemarc, et a mon retour trouvay le duc quy disna cheux moy. Nous allames ensemble pour voir la reine a Sommerset ; mais elle estoit enfermée en son monastere. J’allay de là voir l’ambassadeur de Venise, et a mon retour le comte de Carlile se trouva cheux moy affin de conclure son accommodement entre le duc et luy, que je negotiois, et en vins a bout.

Le mercredy 11me j’allay avesques le comte de Holland et Mr Harber[654] quy avoit esté ambassadeur en France, a Houemelton quy appartient a Mr Edouart Cecile quy en est viscomte : elle est a trois lieues de Londres, et est une tres belle maison ou le maitre m’avoit prié a disner, quy nous y traitta magnifiquement. La comtesse d'Exeter sa belle sœur y vint faire avec sa femme[655] l’honneur de la maison. Puis apres disner nous revinmes passer a une maison d’un marchant nommé Mr Bel, mon ancien hoste et amy, quy m’y fit une collation.

Le caresme prenant des Anglois commence ce jour là quy, selon leur calendrier, est celuy de la Toussaints.

Le jeudy 12me je fus cheux le millord Carleton quy s’estoit chargé de l’expedition de mes despesches : puis je fus voir le roy. De la je rammenay Gorin disner avec moy et le viscomte de Houemelton. Le comte de Carlile m’envoya presenter six beaux chevaux. Je fus pour voir le stuart[656] comte de Pembroch et le secretaire Convé, et ne les ayant trouvés, je vins cheux la reine ou le roy arriva : ils se brouillerent ensemble et moy en suitte sur ce sujet avec la reine, et luy dis que je prendrois le lendemain congé du roy pour m’en retourner en France sans achever les affaires, et dirois au roy et a la reine sa mere qu’il tenoit a elle. Comme je fus de retour en mon logis, le pere Sansy a quy elle avoit escrit de nostre brouillerie vint pour la raccommoder avec tant d'impertinences que je me mis bien fort en colere contre luy.

Le vendredy 12me je fus le matin cheux l’ambassadeur de Hollande, puis cheux le secretaire Convé, et l’apres disner je le passay cheux la comtesse d’Exeter et sa fille la comtesse d’Oxfort[657].

Je ne voulus point aller cheux la reine quy me l’avoit mandé.

Le samedy 14me le comte de Carlile me vint trouver pour me raccommoder avec la reine. Puis les secretaires Convé et Couc[658] avec le millord Carleton vindrent, comme commissaires du roy, conclure et sinner nos affaires.

Je fus en suitte trouver le duc de Bocquinguem en sa maison d’Iorchaus, quy me pria a souper le lendemain cheux luy avec le roy.

Le dimanche 15me l’ambassadeur de Dannemarc me vint visiter. Puis je m’en allay trouver le roy a Houaithall, quy me mit en sa berge et me mena a Iorchaus cheux le duc quy luy fit le plus superbe festin que je vis de ma vie. Le roy soupa en une fable avec la reine et moy, quy fut servie par des ballets entiers a chasque service et des representations diverses, changemens de teatres, de tables, et de musique. Le duc servit le roy, le comte de Carlile la reine, et le comte de Holland me servit a table. Apres souper on mena le roy et nous en une autre salle ou l’assemblée estoit, et on y entroit par un tour, comme aux monasteres, sans aucune confusion ; ou l’on eut un superbe ballet que le duc dansa, et en suitte nous nous mismes a danser des contredanses jusques a quattre heures apres minuit. De là on nous mena en des appartements voutés ou il y avoit cinq diverses collations.

Le lundy 16me le roy quy avoit couché a Iorchaus m’envoya querir pour ouir la musique de la reine sa femme ; puis en suitte il fit tenir le bal, apres lequel il y eut comedie, et se retira a Houaithall avec la reine sa femme.

Le mardy 17me je fus trouver le millord Carleton. Le comte de Warvic[659] et le millord Mandevel[660] disnerent avec moy. Je fus voir madame de Strange. L’agent de Boheme soupa cheux moy.

Le mercredy 18me je fus voir l’ambassadeur de Hollande, ou le duc me vint trouver.

Je portay en suitte au secretaire Convé le roole des prestres prisonniers, tous lesquels le roy delivra en ma consideration.

Je fus sur le soir voir les comtesses d’Exeter et d'Oxfort[661].

Le jeudy 19me je vins voir le duc a Houaithall, quy me mena au disner de la reine ; puis disner cheux sa sœur la comtesse de Hembig[662]. Apres, la reine alla a Sommerset ou je l’accompagnay ; puis je revins cheux moy pour y attendre l’ambassadeur de Venise quy me l’avoit mandé.

Le vendredy 20me j'allay voir la duchesse de Lenox, puis trouver le millord duc et Carleton, quy estoint a Walainforhaus[663].

Le samedy 21me je fus dire adieu a l'ambassadeur de Dannemarc. Puis le duc, les comtes de Suffolc[664], Carlile, et Holland, le millord Carleton et Montagu, Gorin, Keri, Saint Antoine, et Gentileschi, vindrent disner cheux moy, ou vindrent apres disner les comtes d’Exeter[665] et d’Andevel[666], me dire adieu. Nous allames cheux la comtesse d’Exeter ou estoit la grand tresoriere[667], et de là trouver la reine a Sommerset.

Le dimanche 22me je fus cheux le secretaire Convé, puis cheux la reine. L’ambassadeur de Dannemarc me vint dire adieu, et le millord de Ses[668].

Le lundy 23me le viscomte de Houemelton, Gorin, Keri, et autres, vindrent disner cheux moy, quy fus dire adieu a l'ambassadeur de Hollande.

Le mardy 24me monsieur le duc, Dorset, Carleton, et autres, disnerent cheux moy. Je fus trouver l’apres disner la reine a Sommerset.

Le mercredy 25me je fus disner cheux le comte de Holland a Kinsinton[669].

Le jeudy 26me les comtes de Brischwater et de Salisberi me vindrent voir. Le soir je fus trouver la reine a Sommerset, quy fit en ma consideration ce jour là une tres belle assemblée, puis un ballet, et de là une collation de confitures.

Le vendredy 27me je renvoyay La Guette en France quy le jour precedent avoit fait une extravagance de la part de l’evesque de Mendes[670].

Je fus voir le secrétaire Convé pour avoir mes despesches. De là j’allay a la Bourse. Gorin m’envoya deux chevaux.

Le samedy 28me je fus dire adieu a l’ambassadeur de Venise. Le comte Carlile et Gorin disnerent cheux moy ; puis nous fismes ammener mes chevaux aux Morsfils. De là je fus cheux la reine, ou le roy vint.

Le dimanche 29me le comte de Carlile et Lucnar me vindrent prendre avec les carrosses du roy pour m’ammener prendre congé de Leurs Majestés, quy me donnerent audience publique a la grand salle de Houaithall. Je revins puis apres avesques luy[671] dans sa chambre du lit, ou il me fit entrer ; et puis je fus souper dans la chambre du comte de Carlile quy me traitta superbement. Lucnar me vint apporter de la part du roy un tres riche present de quattre diamans mis en une losenge et une grosse perle au bout ; et le mesme soir le roy m’envoya encor querir pour me faire ouir une excellente comedie angloise.

Le lundy 30me je fus dire adieu au millord Montagu, president du conseil, aux comtes de Pembroch et de Montgomeri, Exeter, et a la comtesse sa femme, et comtesse d’Oxfort, sa fille, et au millord Carleton. De là j’allay en particulier cheux la reine.

Decembre. — Le mardy premier jour de decembre je fus dire adieu a l’agent de Boheme, aux comtes de Holland et de Barccher[672], de Suffolc et de Salisberi. Puis ayant aussy pris congé du duc, je revins disner cheux moy avec le comte de Holland quy me donna trois chevaux. Il me mena en suitte voir le logis de madame Haton. Je fus en suitte dire adieu au comte de Warvic, a la duchesse de Lenox ; puis a Houaithall dire adieu aux filles de la reine. Le roy me manda que je le vinsse trouver cheux la reine sa femme, ce que je fis, et pris là encores une fois congé de luy. La reine me commanda que je l’allasse encore trouver le lendemain. De là monsieur le duc, Holland, Montagu, et le chevalier de Jars me menerent cheux la comtesse d’Exeter quy nous fit un magnifique festin, et le bal en suitte.

Le mercredy, deuxieme jour de decembre, le comte de Barccher me vint dire adieu, puis toute la maison de la reine. Le comte Suffolc m’envoya un cheval. J’allay prendre congé de la reine, quy me donna un beau diamant. Je pris en suitte congé des dames de la chambre du lit ; puis j’allay cheux le comte de Carlile quy s’estoit fort blessé a la teste le soir auparavant. Puis je vins a la chambre du duc ou je demeuray assés longtemps pour attendre mes despesches et les lettres que le roy m’avoit promises pour abolir les poursuivans d’Angleterre[673]. Finalement je pris congé du duc et des autres seigneurs de la court, et seulement accompagné de Lucnar et du chevalier de Jars, ayant envoyé mes gens devant, je me mis dans un carrosse de la reine, et vins coucher a Gravesinde ; le jeudy 3me a Sittimborne, puis a Cantorberi, et le samedy 5me j’arrivai a Douvre avec un equipage de quattre cens personnes quy passoint avec moy, compris soissante et dix prestres que j’avois delivrés des prisons d’Angleterre.

Je voulus deffrayer tous ceux quy repassoint avesques moy en France, croyant que, le mesme jour que j’arriverois a Douvre, je me pourrois embarquer : mais la tempeste me retint quatorse jours a Douvre, ce quy me cousta quattre mille escus.

J'arrivay a Douvre pour disner, et fis embarquer tout mon esquipage, pensant passer la mer. Mais elle nous fut contraire le dimanche, le lundy, et le mardy, que le duc m’envoya Montagu pour m’avertir que c’estoit luy que le roy envoyoit en France, que je luy desconseillay tellement que je luy fis entendre que l’on ne le recevroit pas, et renvoyay Montagu en toute diligence vers luy.

Le mercredy 9me nous nous embarquames a deux heures apres minuit : mais la tempeste nous accueillit de telle sorte que nous fusmes portés vers Dieppe, puis contraints de retourner prendre terre proche de Douvre, ou nous retournames ; dont le chevalier de Jars, quy m’avoit quitté sur le pont en m’embarquant, fut averty par son homme quy estoit demeuré malade a Douvre et n’en partit qu'apres mon desbarquement audit Douvre.

Le duc quy fut averty par luy de mon retardement a Douvre, m’y envoya visiter par Montagu le samedy 12me et me prier de retourner jusques a Cantorberi ou il se rendroit le lendemain dimanche 13me, comme il fit, avec les comtes de Carlile, de Holland, Gorin, et le chevalier de Jars. Il me voulut faire voir sa splendeur par le magnifique festin qu’il m’y fit le soir, auquel j’employai l'apres soupper a le persuader de rompre ou de retarder son voyage.

Le lundy 14me je continuay ma mesme pratique, contre laquelle il estoit entierement porté : tout ce que je peus faire fut de luy faire dilayer jusques a ce qu’il eut de mes nouvelles par Gerbier qu’il envoya avec moy. Il me fit encor a disner un aussy superbe festin que celuy du soir precedent ; puis nous nous embrassames pour ne nous plus revoir.

Je trouvay a mon retour a Douvre que mon train en estoit party. Mais il courut une telle fortune que de cinq jours il ne peut arriver a Calais, et qu’il fallut jetter mes deux beaux carrosses dans la mer, dans lesquels il y avoit par malheur pour plus de quarante mille francs de hardes que j’avois achetées en Angleterre pour donner. J’y perdís de plus vingt et neuf chevaux quy moururent de soif durant ces cinq jours, parce que l’on n’avoit fait aucune provision d’eau douce en ce passage quy ne dure que trois heures en bon temps.

Il me fut impossible de m’embarquer avant le vendredy 18me, que par un grand vent je me mis sur mer, et vins disner a Calais ou je demeuray le reste du jour pour me remettre du mal de la mer.

Le samedy 19me j’en partis en poste et vins à Montrueil.

Le dimanche 20me je vins a Amiens ou Mr de Chaune me fit une reception magnifique[674], faisant tirer le canon de la citadelle, et me fit un festin avec vingt dames, puis me logea superbement.

Il me retint encores le lendemain 21me sy tard en complimens que je ne vins au giste qu’a Louvre[675] ; et le mardy 22me j’arrivai a Paris, là ou je trouvay que la venue du duc de Bocquinguem n'estoit pas aggreable, et le roy[676] me commanda de luy escrire pour luy faire sçavoir que sa venue ne luy seroit point aggreable, et qu'il s’en desistat.

Je trouvay a mon arrivée le duc d’Aluin[677] et Liancourt bannis de la court, et Baradat[678] non seulement desfavorisé, mais chassé et ruiné, et que l’on avoit mis en sa place proche du roy un jeune garçon d’assés pietre mine et pire esprit, nommé Saint Simon[679]. Je fus employé avec Mr de Bellegarde et Mr de Mendes pour traitter avec Baradat de ses charges de premier escuyer, et autres qu’il avoit, dont il eut quelque recompense[680].


1627.
Janvier.


Les choses estoint en cet estat lors que nous entrames en l’année 1627, au commencement de laquelle le roy fit tenir une assemblée de notables en laquelle il me fit l’honneur de me choisir pour y estre un des presidens[681]. Monsieur, frere du roy, fut le chef et le premier, et en suitte Mr le cardinal de la Vallette, le mareschal de la Force, et moy. L'assemblée estoit outre cela composée des premier et second presidens de Paris ; des premiers presidens des huit autres parlemens ; des procureurs generaux ; des premier et second president des comptes de Paris, de Rouan et de Bourgogne, avec leurs procureurs generaux ; de mesmes des trois cours des aydes, et du lieutenant civil de Paris ; de douse seigneurs, sçavoir : six chevaliers de l’ordre, et six du conseil du roy ; de douse primats, archevesques, ou evesques ; et puis Monsieur, et les trois presidens.

L’assemblée tint plus de deux mois[682], en suitte de quoy nous vinsmes donner les cayers des avis sur les choses dont le roy nous avoit fait faire les propositions ; quy furent sinnés de Monsieur, et puis en suitte de Mr le cardinal de la Vallette, de Mr le mareschal de la Force, et de moy.

Il m’arriva peu d’occasion de parler parce que j’estois le penultieme a dire mon avis[683], et tout ce quy se pouvoit dire sur le sujet avoit desja esté allegué par tant de grands personnages ; hormis une fois que, nous estant proposé sy le roy devoit cesser ses bastimens jusques a une meilleure saison et que ses finances fussent en meilleur estat, Mr d’Osembray[684] fut d’avis que l’on le devoit conseiller au roy ; mais qu’il devoit estre tres humblement supplié de faire faire la sepulture du feu roy son pere, decedé, et non inhumé, depuis seise ans ; et offrit son bien pour y employer, sy ses finances manquoint. Chascun suyvit cet avis et loua grandement la sainte pensée du president d’Osembray, et l’opinion uniforme vint jusques a moy, quy parlay en cette sorte :

« Il est bien difficile a un des derniers opinans d’une sy celebre compagnie d’entreprendre aucune autre chose que de fortifier de son suffrage et de son approbation une des opinions debattues et agitées par ceux quy ont desja dit leurs avis, lesquels n'ayans rien oublié ny laissé a dire sur le sujet quy a esté mis en deliberation, luy ferment la bouche et luy interdisent la parole. Cette rayson, jointe a mon incapacité, m’eut fait perpetuer le silence que j’ay gardé depuis le commencement de cette assemblée, sy l’obligation que je luy ay, et mon propre devoir, ne m’eussent forcé de le rompre pour luy remontrer peu de choses, mais bien essentielles, sy elle me fait la faveur de m’entendre, comme je l’en supplie instamment. »

« Messieurs, toutes les propositions que le roy nous a cy devant envoyées pour luy en donner nos avis, et les responses que nous luy avons faites, ont une sy grande conformité qu’aucune n’a encores esté contrariée. Sa Majesté nous a consultés : s’il fera desmolir les places quy sont dans le cœur de ce royaume ; nous luy avons donné avis qu’il face desmolir les places quy sont dans le cœur du royaume : s’il retranchera ses garnisons ; qu’il retranche ses garnisons : s’il abolira les survivances ; qu’il abolisse les survivances : et ainsy de tout le reste : ce quy m’a fait soubçonner que cette derniere proposition qu'Elle nous a fait faire sur le retranchement de la despense qu’il fait en ses bastimens, n’a esté faite a autre fin que pour reconnestre sy nous n'avons point d’autre ton que celuy qu’il chante, et sy nous ferons sur cette demande la mesme response que nous avons faite a toutes les autres, comme je vois que nous nous y disposons. Car autrement il n’y a point d’apparence de nous consulter s’il se retranchera de faire une chose qu’il ne fait pas. Le feu roy nous eut peu demander cet avis, et nous eussions eu lieu de luy donner ; car il a employé des sommes immenses a bastir. Nous avons bien peu reconnestre en celuy cy la qualité de destructeur, mais non encores celle d’édificateur : Saint Jean d’Angeli, Clairac, les Tonnains, Monheurt, Negrepelisse, Saint Antonin, et tant d’autres places rasées, desmolies, ou bruslées, me rendent preuve de l’un ; et le lieu ou nous sommes[685], auquel depuis le deces du feu roy son pere il n’a pas adjousté une seule pierre, et la suspension qu’il a faite depuis seise années au parachevement de ses autres bastimens commencés, me font voir clairement que son inclination n’est point portée a bastir, et que les finances de la France ne seront pas espuysées par ses somptueux edifices ; sy ce n’est que l’on luy veuille reprocher le chetif chasteau de Versailles, de la construction duquel un simple gentilhomme ne voudroit pas prendre vanité. »

« Quant a ce quy est du second point concernant la sepulture du feu roy, je voudrois pouvoir encherir sur les louanges que la compagnie a données a Mr le president d’Osembray, personnage né pour le bien de la France, digne du nom qu’il porte, et de la gloire et haute renommée de ses predecesseurs. Il m’a semblé (quand il a sy noblement offert ses biens pour subvenir a la construction du tombeau du feu roy), que son cœur et ses desirs accompagnoint sa bouche, tant il a montré de zele et de reconnoissance a la memoyre de ce grand et bon roy. Mais comme je suis de l’avis commun en ce quy est du gré que la compagnie luy sçait de ses bonnes intentions, je contrarie au sien en la tres humble priere qu'il veut que nous facions a Sa Majesté de faire edifier la sepulture du feu roy son pere, et de le faire ressouvenir de ce devoir, a quoy la nature l’oblige. Plusieurs de ceux de cette compagnie, Messieurs, et principalement des seigneurs du conseil du roy, rappelleront, s’il leur plait, leur memoyre pour vous tesmoygner comme moy, qu’après que la reine mere, regente du royaume, eut essuyé ses premieres larmes (causées par la funeste mort de cet incomparable roy), pour regarder et remedier aux urgentes affaires de cet estat, un de ses principaux soins fut de construire sur les cendres de son seigneur et mary un mausolée digne de cette grande Arthemise. Elle envoya en Italie pour en tirer des dessins des plus fameux ouvriers, et mesmes fit venir quelques architectes en France pour ce sujet. Mais aucun dessin que l’on luy eut presenté ne peut egaler son desir, ny la despense qu’elle y destinoit. Il est apparent qu’elle n’y eut pas espargné quelque grande somme des finances du roy, dont elle disposoit comme regente, puis que de ses deniers propres elle a employé trente mille escus pour eriger en bronse sur le Pont Neuf sa statue a cheval. Monseigneur quy preside en cette assemblée, et Mr le cardinal de la Vallette, ont veu comme moy les differens modelles de cette sepulture faits par le commandement du roy, quy n’ont jamais eu l’entiere approbation, et que l’esperance d’en avoir de plus magnifiques a fait rejetter, ce quy vous doit faire croire que Sa Majesté ny la reine sa mere n’ont manqué de soin, de volonté, ny de moyens, pour faire cette œuvre, mais d’ouvriers et d’invention, et que l’avis que sur ce sujet vous pensés luy donner, est un reproche indigne de la pieté de l’un et de l’affection de l’autre, que des serviteurs ne doivent pas mesmes penser de faire a leur maitre, et quy infailliblement et avec juste rayson seroit mal receu. »

« Mon avis est que la grande retenue et moderation du roy en ce quy regarde ses bastimens, doit estre approuvée et louée par cette compagnie, laquelle le doit conseiller et exhorter de bien entretenir et empescher de ruine ceux que ses predecesseurs luy ont edifiés, et qu’il ne soit fait aucune mention de la sepulture du feu roy son pere, de laquelle il a un soin tres particulier. »

A peine eus je achevé de dire mon avis que pres de soissante notables quy avoint donné le leur devant moy, revindrent au mien quy fut approuvé, et passé, par toute l’assemblée, quy me remercia de ce que j’avois sagement preveu un inconvenient auquel sans moy ils alloint tomber par inadvertance.

J’eus encores une autre fois lieu de parler contre un avis unanime donné au roy de deffendre a ses sujets de visiter aucun ambassadeur, different seulement par les prelats quy vouloint que le nonce du pape ne fut compris en ce nombre ; auquel je contrariay ouvertement, prouvant par vives raysons que l’on ne devoit point faire cette deffense[686].

Je ne mets point icy ce que je dis sur ce sujet, parce que les ambassadeurs le firent courre par plusieurs copies et en divers païs.

Cet hiver se passa a la foire de Saint Germain, et en deux grands ballets faits par le roy[687] et par la reine, avec d’autres passetemps, et ne se parloit que de joye en l’attente de l’accouchement de Madame, quy estoit fort grosse.

Bouteville en ce mesme temps, et selon sa coustume, se battit contre La Frette[688] quy eut avantage sur luy, son second ayant tué Bachoy quy estoit le sien[689]. C'estoít tost apres le renouvellement de l’édit des duels, ce quy offensa tellement le roy qu’il m’escrivit une nuit de sa main (mars) que j'envoyasse trois compagnies de Suisses (avec son grand provost quy l’alloit investir) en sa mayson de Persy[690] ou l’on avoit dit au roy qu’il s’estoit retiré. Mais il s'en estoit allé en Lorraine d’ou il revint peu apres Pasques pour se battre au millieu de la Place Royale (may) contre le jeune Beuvron[691] ; et son second, le comte des Chapelles[692], tua Bussy d’Amboyse[693] quy en servoit a Beuvron. Ils se retirerent encores en Lorraine ; mais en s’y en allant ils vindrent coucher a Vittry dont Bussy d’Amboyse (qu’ils avoint tué) estoit gouverneur, et la mere du mort quy avoit envoyé apres eux un de ses gens, les fit arrester. Ils furent ammenés par Mr de Gordes[694] capitaine des gardes du corps, que le roy y envoya avec quelques gens pour les conduire dans la Bastille, d’ou peu apres, condamnés par la court de parlement, ils furent menés en Greve ou ils eurent la teste tranchée[695].

En ce temps Madame accoucha d’une fille[696] contre l'attente et le desir de Leurs Majestés, et de monsieur son mari, quy eussent plustost demandé un fils ; et elle, estant demeurée malade de sa couche, mourut peu de jours apres. Cette mort changea la face de la court, fit concevoir de nouveaux desseins, et en fin a causé plusieurs maux quy sont arrivés depuis. On luy fit une pompe funebre royale : le roy luy fut jetter de l’eau benite en ceremonie, et peu de jours apres (juin) desclara Monsieur lieutenant general de ses armées, et nous fit, Mr de Chomberg et moy, ses lieutenans generaux sous luy de l'armée qu'il mettoit sur pié en Poitou, dont j’en diray le sujet, l’employ et le progres.

Par la paix que le roy avoit accordée, au mois de janvier de l’année passée, a ses sujets de la Religion, l’isle de Ré quy de longtemps avoit esté tenue par ceux de la Rochelle, dont ils furent despossedés par Mrs de Saint Luc, la Rochefoucaut et Toiras peu apres que Mr de Montmorency eut deffait l’armée de mer rocheloise, estoit demeurée entre les mains du roy, quy en avoit donné le gouvernement a Toiras, et l’ordre d'y construire un grand fort proche de Saint Martin[697] (outre celuy quy estoit desja parachevé, nommé le fort de la Prée) ; auquel ledit Toiras faisoit travailler puissamment et sans intermission, ce que les Rochelois considerans, et que le Fort Louis subsistoit sur leurs yeux, jugerent qu’ils estoint perdus sans ressource sy ce fort de Saint Martin se mettoit en sa perfection. Ce fut pourquoy ils firent instamment prier le roy de la Grand Bretaigne (par Mr de Soubise), de les assister et ne souffrir leur entiere ruine quy estoit evidente. Ce roy quy avoit toujours eu en singuliere recommandation les affaires de la Rochelle, comme le seul lieu duquel il pouvoit secourir et assister les huguenots de France, fit grande reflexion sur leurs instances, et animé par le duc de Bocquinguem quy avoit esté debouté de l’ardent desir qu’il avoit de venir en France, par ce que je luy en avois mandé de la part du roy, piqué[698] d’ailleurs sur certaines lettres que monsieur le cardinal et luy s’estoint reciproquement escrites[699], pensa, en faisant le service et suyvant les sentimens du roy, satisfaire aux siens et entreprendre une guerre qu’il vouloit faire suyvre d’une paix. Pour cet effet il fit un grand armement garny de tout ce quy estoit necessaire a une descente, et mit huit mille Anglois[700] dessus, puis se mit en mer.

Le roy quy estoit a toute heure averty des desseins des Anglois et des pratiques des Rochelois, jugea que cet apprest se faisoit pour luy, fit munir ses costes, et leva une armée pour se porter ou besoin seroit, resolu d’y aller en personne, et monsieur son frere avec luy. Il me commanda de l’accompagner en son arsenac ou il fit l’estat de l'artiglerie, et se preparant pour partir, alla en parlement pour leur dire adieu et faire quand et quand verifier ce code que Mr de Marillac garde des sceaux avoit compilé et quy de son nom[701] fut dit code Michaut.

Le roy partit de Paris, et en sortant de son parlement[702] pour s’acheminer en Poitou (il se trouva mal comme il y estoit), je luy presentay la main pour descendre de son lit de justice, et il me dit : « Mareschal, j’ay la fievre, et n’ay fait que trembler tant que j’ay esté en mon lit de justice. » « C’est neammoins le lieu, luy respondis je, d’ou vous faites trembler les autres. Mais sy cela est, Sire, pourquoy vous mettés vous aux champs par la fievre ? Arrestés encores deux ou trois jours dans cette ville. » Il me respondit : « La foulle de ceux quy sont venus prendre congé de moy me l’a donnée, et je la perdray a la campaigne quand j'auray pris l’air. Neammoins ne laissés pas d’envoyer a Marolles[703], ou je vas coucher, vostre Biernois[704] (c’estoit un vallet qu’il connoissoit), et je vous manderay par luy l’estat de ma santé. Cependant hastés vous de partir. »

J'envoyay selon son ordre le lendemain matin pour sçavoir l’estat de sa santé. Mon homme le vit comme il montoit en carrosse pour aller a Villeroy[705], auquel il dit que je le vinsse voir le lendemain, et qu’il avoit eu une forte fievre.

Je m'y en allay comme il m’avoit mandé, et Mrs de Guyse, de Chevreuse et de Saint Luc voulurent que je les y menasse. Comme nous fusmes arrivés a Villeroy, Mr le cardinal de Richelieu (avesques quy j'estois un peu brouillé), sortit en la galerie, salua ces princes, puis me dit : « Le roy seroit bien ayse de vous voir ; mais il est en estat ou la compagnie quy est venue avesques vous le pourroit incommoder. Il luy a pris une grande sueur. C’est pourquoy je vous conseille de ne le voir point. Je luy diray que vous estes venu, et luy feray le compliment de la part de ces princes » ; lesquels ayant sceu l’estat ou estoit le roy, se contenterent d’avoir fait leur devoir sans desirer l’honneur de sa veue, et sur nos mesmes pas nous revinmes a Paris.

Je sceus en partant de Villeroy que Mr d’Angoulesme estoit en la chambre du roy : mais je ne m’amusay point a deviner pourquoy c'estoit ; en voicy la cause :

J'avois esté nommé par le roy son lieutenant general de son propre motif, ce quy n’avoit pas pleu a ceux de son conseil. J’avois de plus l’evesque de Mendes pour ennemy depuis mon retour d’Angleterre, sur ce qu’il disoit que j’avois improuvé sa conduitte et plusieurs de ses actions lors qu’il y estoit grand aumosnier de la reine. Cet evesque me rendoit continuellement de mauvais offices aupres de Mr le cardinal de Richelieu quy avoit tout pouvoir, et le rendoit contraire en tout ce quy me concernoit. Mr d’Angoulesme luy proposa a Marolles, lors que le roy y fut malade, que, sy l’on le vouloit envoyer en Poitou avec une simple lettre de cachet pour assembler l’armée (quy consistoit principalement en cavalerie legere dont il estoit colonel), il la remettroit puis apres entre les mains du roy en bon estat a son arrivée, n’y pretendant aucun autre commandement. Sur cela l’on le fit venir a Villeroy, et monsieur le cardinal exposa la proposition de Mr d’Angoulesme [au roy][706], luy disant de plus qu'il jugeoit a propos de luy envoyer. Le roy luy respondit : « Et Bassompierre, que fera il ? Est il pas mon lieutenant general ? » « Ouy, Sire, respondit monsieur le cardinal ; mais comme il n’a jamais eu opinion que les Anglois soint pour faire descente en France, il ne sera pas sy soigneux de mettre promptement vostre armée sur pié, et Mr d’Angoulesme ne pretend aucun commandement en l’armée (comme il vous dira luy mesme), ains de se retirer des que Vostre Majesté viendra, sçachant bien que le commandement en appartient de droit aux mareschaux de France. » Sur cela Mr d’Angoulesme vint, et le roy, pressé, accorda qu’il luy fut donné une lettre de cachet pour commander.

Le lendemain que j’eus esté a Villeroy, je rencontray le matin par la rue Mr d’Angoulesme, lequel fit arrester son carrosse, et en sortit, comme moy aussy du mien. Il m’embrassa et me dit : « Je vous dis adieu, et pars dans deux heures pour aller en Poitou. » « Et quoy faire ? » luy dis je. « Pour commander l’armée du roy », me respondit il. Allors je prins congé de luy, bien estonné et surpris de cette nouvelle, quy me fut confirmée incontinent apres par Descures. Je n’en dis aucune chose ; mais je n'allay point aussy a Villeroy, ou le roy fut fort malade, me contentant d’y envoyer tous les jours apprendre des nouvelles de sa santé.

La maladie du roy augmenta de telle sorte que l'on commença a apprehender sa mort. Il avoit de grands redoublemens de fievre double tierce, quy se fussent en fin tournés en continue s’ils eussent continué, ce quy fit acheminer les reines a Villeroy et s’y tenir pour estre a toutes heures pres de luy. Mr de Guyse, quy y alloit de deux jours l’un, fut une fois appellé par le roy quy luy dit : « Mr du Bois (ainsy me nommoit il souvent), ne me vient point voir. Il me fait la mine ; mais il a tort. Je vous prie de l’amener icy la premiere fois que vous y viendrés, et luy dittes de ma part » ; ce qu’il fit, et moy je m’y en allay ; mais je n’entray en sa chambre qu’avec monsieur le cardinal. La reine mere y arriva peu apres, et y ayant demeuré quelque temps, elle en sortit pour aller disner, et moy apres elle sans avoir parlé au roy, quy dit a Roger[707], son premier vallet de garde robbe, qu’il me vint appeler. Il me dit, quand je fus arrivé, que je n’avois point de rayson de me fascher de ce qu’il avoit envoyé Mr d’Angoulesme en Poitou ; que l’on luy avoit forcé ; qu’il ne luy avoit donné aucun pouvoir ; et que, des qu’il seroit en estat de s’acheminer en son armée, qu’il le contremanderoit pour me la mettre en main : et moy je luy respondis que je ne m’en mettois point en peine, que je ne songeois pour l’heure qu’a sa santé (pour laquelle je faisois des continuels vœux a Dieu), et qu’estant sa creature, j'approuvois tout ce qu’il faisoit, quand bien ce seroit a mon prejudice.

Sur les entrefaites arriva la nouvelle de la descente du duc de Bocquinguem en l’isle de Ré malgré l’opposition que Toiras luy avoit voulu faire[708], et qu’au combat il y estoit mort plusieurs braves hommes[709] ; que Toiras s’estoit retiré a Saint Martin, taschant de garder la citadelle quy n’estoit point encores proveue des choses necessaires pour la maintenir, et qu’infailliblement le duc de Bocquinguem la prendroit. On fut quelque temps a celer cette nouvelle au roy de peur d’accroitre son mal : puis en suitte on luy desguisa et ne luy fit on pas sy grande qu’elle estoit. Mais monsieur son frere brusloit de desir d’aller a l’armée et se fascha aigrement contre monsieur le cardinal quy luy dit qu’il ne conseilleroit point au roy de luy permettre, en l’estat de maladie ou il estoit lors : mais en fin le roy commençant a se mieux porter, il en eut la permission, laquelle le roy (jalloux de la gloire que son frere y pourroit acquerir), envoya revoquer comme Monsieur fut arrivé a Saumur. Mais en fin, par l’intercession de la reine leur mere, le roy l'y laissa aller.

Je diray quelque chose en ce lieu de Monsieur sur le sujet de son remariement que la reine mere affectionnoit et desiroit de telle sorte que rien au monde ne luy estoit plus cher. Peu de jours apres la mort de feu Madame, une apres disner que la reine mere se promenoit a pié dans le bois de Boullongne, elle me commanda de la mener d’un costé a la place d’un de ses escuyers, et se mit a regretter la perte qu’elle avoit faite de Madame, sa belle fille, a laquelle elle sçavoit que j’y prenois bonne part. Monsieur arriva sur cela, que je n’avois point veu depuis qu’il estoit veuf parce qu’allors j’estois malade. Sa venue nous fit renouveller ce discours, et la reine sa mere luy dit qu’il n’y avoit que luy au monde quy fut capable d’amoindrir ou d’alleger le desplaisir qu'elle avoit, en luy rendant une autre belle fille. Il luy respondit qu’il la supplioit de ne luy point parler de cela ; que sa perte estoit trop fresche et son ressentiment trop grand. Elle luy respondit : « Mon fils, les choses quy importent tant au bien de l’estat, a vostre fortune, et au contentement de vos proches, ne se doivent jamais dilayer ; et puis parler n’est pas conclure et effectuer. Nous comptions tantost, Bassompierre et moy (ce qu’elle feígnoit pour entrer en discours, car nous n’en parlions point), les princesses quy sont maintenant en estat de se marier, tant en France que dehors : nous n’en trouvions que trois en France, assavoir : mademoyselle de Guyse, quy est sœur de feu Madame[710], et partant il n’y faut pas penser ; ny a mademoiselle de Vandosme[711] non plus, car elle est vostre niece ; et mademoiselle de Nevers[712] quy est a mon avis bien belle et bien jolie, mais je craindrois que ces drogues que luy a données Semini[713] pour la guerir de sa grande maladie n’empeschassent qu’elle n’eut des enfans, et l’on me l’a fait apprehender. » Il respondit lors : « Il y a plus de six mois que l’on me l’a dit aussy. » « ll y a de plus la sœur du duc de Lorraine quy est religieuse de Remiremont[714], poursuyvit la reine ; mais je ne sçay ce que c’est. » Je luy dis que je l'avois veue l’année precedente en passant par la Lorraine, que c’estoit une fille de treise a quatorse ans, bien belle. Je vis bien que je ne luy avois point fait de plaisir de dire cela, car ce n’estoit pas sa visée, et elle me coupa court sans repliquer. « On dit aussy, dit elle, que le duc de Bavieres a une niece a marier ; mais je ne sçay aussy que c'est. L’empereur a une fille, mais il ne vous la voudra pas donner sy vous n’aviés presentement une souveraineté. Il y a de plus deux infantes de Savoye quy approchent de quarante ans[715], et deux filles de Florence dont l’une est bien belle et se doit marier au duc de Parme[716] : je ne pense pas que l’autre soit sy belle ; mais on m’a mandé qu’elle n’est pas mal agreable. » « Ah, Madame, luy repliqua Monsieur, on dit que cette derniere est un monstre, tant elle est affreuse, mais que l’autre est fort belle ; et sy j’avois envie de me remarier comme j’en suis bien eslongné, je desirerois plustost que ce fut a une princesse de vostre maison qu’a pas une autre, et a celle là particulierement ; mais je n’y pense pas. » La reine lors le remercia avesques de belles paroles, et luy montra beaucoup d’affection ; sur quoy il partit, et la reine me dit en suitte que c'estoit un bon commencement qu’elle avoit fait là, dont elle esperoit bonne issue, et qu’il falloit promptement envoyer dilayer le mariage de Parme, de peur de faillir celuy cy ; et deux jours apres elle envoya prier Monsieur, quy logeoit a Saint Clou, de luy venir parler en la conciergerie du bois de Boullongne, ce qu’il fit, et elle le pressa fort sur ce mariage. Il ne luy respondit rien pour lors ; mais Mr le Coygneux vint dire le lendemain a la reine que Monsieur s’y porteroit et qu’elle pouvoit escrire a Florence : et lors que Monsieur pressoit pour aller commander l’armée a la Rochelle, la reine luy ayant fait obtenir congé d’y aller, il luy dit qu’il estoit resolu d’espouser la fille de Florence et qu’elle pouvoit traitter ce mariage : et lors qu’en suitte le roy l’ayant fait arrester a Saumur, la reine fit lever cet arrest, Monsieur luy manda qu’il la suppliait tres humblement d’envoyer, comme elle fit, Luca de li Asini a Florence pour empescher que cette princesse ne fut mariée au duc de Parme[717].

Aust. — Dieu en fin renvoya la santé au roy, et fit tenir bon aux assiegés de la citadelle de Saint Martin de Ré contre le duc de Bocquinguem, et l’opinion de tout le monde, ce quy anima le roy de telle sorte de les aller secourir qu’a peine pouvoit il encores monter a cheval qu’il voulut partir pour y aller, monsieur son frere ayant desja investy la Rochelle du costé de Coreilles[718], s’estant logé a Netré[719] avesques son armée, et aux environs jusques a Ronsay[720]. Il m’envoya querir (septembre) a Saint Germain ou il s’estoit fait porter[721], et me dit que je me preparasse de partir cinq jours apres avesques luy pour aller a la Rochelle. Je luy demanday en quelle qualité il luy plaisoit que je le suyvisse. Il me respondit : « Vous moqués vous de me demander cela ? En qualité de mon lieutenant general. » Je luy dis là dessus que Mr d’Angoulesme occupoit desja cette qualité en son armée laquelle en sa presence n’estoit jamais commandée que par les mareschaux de France quand il y en avoit ; que je luy suppliois tres humblement de ne me point mener là pour faire un affront a ma charge. Il se fascha lors contre moy et me dit qu’il n’avoit garde de luy donner aucune charge, et qu’il luy envoyeroit commander de se retirer. Je le suppliay lors qu’il me fit donner cette parole par monsieur le cardinal, et que lors je le tiendrois pour asseuré parce que, luy l’ayant fait aller a l’armée, il luy voudroit conserver. Le roy me le promit, et estant le jour mesme revenu a Paris cheux la reine sa mere, il fit que monsieur le cardinal me dit la mesme chose dont il m’avoit asseuré a Saint Germain ; et ce quy me le persuada davantage fut le mareschal de Chomberg quy estoit mon compagnon en charge et en cette commission, lequel m’en donna entiere asseurance.

Sur cela le roy s’achemina a petites journées jusques a Monlivaut[722] pres de Blois, ou il fut quelque temps a se refaire et a chasser. Je fis aller mon esquipage quand et le roy, demeurant a Paris jusques a ce qu’il me le mandat comme il m’avoit fait l’honneur de me le promettre, et le fit aussy par courrier expres, ce quy me fit partir de Paris le jeudy dernier jour de septembre, et vins coucher a Artenay[723].

Octobre. — Le vendredy premier jour d’octobre, je passay par Orleans, allay ouir messe a Nostre Dame de Cleri, fus disner a Saint Laurent des Eaux[724], et de là a Monlivaut, ou je ne trouvay le roy, mais je le fus chercher a Saumery[725] ou il estoit allé voir monsieur le cardinal, quy furent l’un et l’autre bien ayses de mon arrivée : car je m’estois, peu de jours avant que monsieur le cardinal partit, fort bien raccommodé avec luy a Vanvres ou il estoit allé se tenir. Ils me dirent d’abbord comme ils venoint de despescher Mr du Hallier (quy devoit servir de mareschal de camp en l’armée, et que j’y avois aydé), pour s’en aller au camp en faire revenir Marillac que le roy envoyoit a Verdun, et commander a Mr le duc d’Angoulesme de se retirer de l’armée et de venir trouver Sa Majesté a Saumur ; dont je demeuray fort satisfait : et parce que mon train estoit a Blois ou le roy devoit passer le lendemain, je luy demanday congé de m’y en aller coucher.

Le samedy 2me je me mis dans le batteau du roy comme il passoit devant Blois, et il vint coucher a Mont Louis[726].

Le dimanche 3me il passa devant Tours et vint coucher a Langeais[727].

Le lundy 4me le roy receut par un courrier (que monsieur son frere luy envoya), la nouvelle que le fort de Saint Martin de Ré ne pouvoit plus tenir que jusques au 10me ou au plus au 12me du mois, ce quy le mit en grande peine. Il vint descendre de son batteau a Nostre Dame des Ardilliers[728] (ou il pria Dieu), puis fut coucher a Saumur.

Le mardy 5me le roy sejourna a Saumur pour faire ses pasques a Nostre Dame des Ardilliers, et vint le mercredy coucher a Touars ; et le jeudy 7me il vint a Partenay[729] ou Mr le cardinal de Richelieu le vint joindre, quy avoit passé par Richelieu[730] pour s’aboucher avec Mr le Prince.

Le vendredy 8me le roy fut coucher a Chandenier[731] et moy je m’en allay a Saint Maissant pour voir Mr de Tours, mon bon amy, quy estoit en son abbaëe de l’Or de Poitiers[732].

Le samedy 9me je rejoignis le roy a Niort, ou en arrivant il receut la bonne nouvelle de 27 pinasses[733] et autres barques chargées d’hommes et de vivres quy estoint heureusement et malgré la flotte angloise entrées dans le fort de Saint Martin de Ré[734], ce quy fut cause de faire sejourner le roy a Niort tout le lendemain ; et le lundy 11me le roy vint au giste a Surgeres[735] ou Monsieur frere du roy, Mrs d’Angoulesme, de Bellegarde, de Marillac, et le president le Coygneux (quy avoit eu jusques allors l'intendance de la justice et des finances de l’armée), le vindrent trouver. Monsieur parla au roy en faveur de Mr d’Angoulesme, et luy, se recommanda aussy ; mais le roy dit qu'il ne pouvoit le faire a nostre prejudice et qu'il m’avoit donné et au mareschal de Chomberg la lieutenance generale de son armée. On ne laissa pas pour cela de faire de grandes brigues en sa faveur.

Le mardy 12me jour d’octobre le roy vint disner a Mosey[736]. La cavalerie de l’armée le vint rencontrer entre Mosey et Netré : puis il arriva audit Netré d’ou Monsieur estoit deslogé pour luy laisser la place, et avoit pris pour sa demeure le chasteau de Dampierre[737] quy est veritablement un beau lieu, mais eslongné de pres de deux lieues du quartier du roy et de l’armée, ce quy n’estoit gueres propre pour un general d’armée : aussy le fit il a la persuasion de Mr le Coygneux quy prit une jolie maison là aupres pour y loger.

Des que le roy fut arrivé a Netré, l’affaire de Mr d’Angoulesme fut mise sur le tapis en un conseil quy se tint a cet effet, et je reconnus de la froideur au roy, contre mon attente et ses promesses. Il[738] fut appellé pour dire ses raysons quy furent que veritablement il avoit dit au roy qu'il ne pretendroit aucune charge en son armée de lieutenant general lors qu’il y arriveroit, comme aussy il n’en avoit aucune patente ny commission ; mais qu’a l’arrivée de Monsieur quy avoit fait l’estat de l’armée, il y avoit esté couché comme lieutenant general et en avoit tiré les gages ; que l’on luy feroit maintenant un grand affront de l’en priver et de le renvoyer, apres y avoir servy le roy trois mois avesques beaucoup de peines et de frais, pour la laisser[739] a Mr de Chomberg et a moy quy avions durant ce temps là passé nostre temps a Paris ; qu’il n’y avoit autre contestation qu'a rayson de l’inimitié que je luy portois a cause de sa sœur ; que je ne ferois pas difficulté d’estre lieutenant general en une armée ou Mr de Guyse commanderoit, et qu’a luy je ne le voulois pas seulement souffrir pour mon compagnon ; que d’autres mareschaux de France avoint bien obei a des princes, comme Mr de Matignon a feu Mr du Maine[740], et Mrs de Brissac, de Boisdauphin et de Temines a Mr de Guyse ; qu’il ne sçavoit quelle chose il y pouvoit avoir en luy quy me causat un tel mespris que je le veuille refuser pour mon egal ; que Mr de Chomberg ne feroit point cette difficulté s’il n’estoit animé et poussé par moy ; et que sy l’on nous donnoit a chascun un travail a faire, l’on jugeroit quy en viendroit le mieux a bout ; qu’il y avoit quarante ans qu’il portoit les armes et qu’il avoit quantité de pouvoirs de general d’armée ; qu’il supplioit finalement le roy de ne luy vouloir faire un tel et sy signalé affront.

Apres avoir finy[741] ses plaintes et ses requestes, le roy envoya querir M. de Chomberg et moy, quy estions pendant cela dans sa chambre, et apres que nous fusmes assis, monsieur le cardinal prit la peine de redire en substance tout le discours de Mr d’Angoulesme, a quoy je respondis :

« Sire, des que je vis a ce printemps dernier que Vostre Majesté voulut envoyer Mr d’Angoulesme commander son armée de Poitou au prejudice de Mr de Chomberg et de moy, qu’Elle y avoit nommés ses lieutenans generaux, je jugeay que l’on le vouloit subtilement glisser dans ce commandement sans commission, pour l'y maintenir puis apres avesques commission, et remontray a Vostre Majesté tout ce qu’Elle voit maintenant. Cette mesme rayson me fit insister de demeurer a Paris attendant quelque autre employ, quand Vostre Majesté me commanda de la suyvre en ce voyage ou Elle se vouloit servir de moy en qualité de lieutenant general de son armée, et n’en voulus accepter la charge qu’apres qu’Elle m'eut asseuré, et monsieur le cardinal en suitte, qu’Elle feroit revoquer Mr d’Angoulesme. Elle se souviendra, s’il luy plait, des paroles qu’Elle tint sur ce sujet a Mr de Chomberg et a moy a Saumur, il y a huit jours, qu’Elle ne souffriroit jamais que Mr d’Angoulesme ait autre commandement en cette armée que eeluy de colonel de la cavalerie legere s’il en vouloit faire la charge ; et ne me sçaurois assés estonner comme Vostre Majesté a sy tost changé de volonté en une chose sy juste et sy raysonnable comme je luy feray voir, s’il luy plait de me permettre de luy representer. »

« Mr d’Angoulesme est en cette armée sans patente ny pouvoir. Il l’a commandée depuis qu’il y est sur une simple lettre de cachet. Il a protesté en y venant qu’il n’y pretendoit aucun commandement des qu’Elle viendroit en sa dite armée, et qu’il sçavoit bien qu’il appartenoit de plein droit a ses mareschaux de France. De quoy se plaint-il ? De ce que l’on luy a donné mille francs par mois sur vostre estat comme s'il estoit lieutenant general ? Je luy demande s’il y est nommé lieutenant general : il ne me le sçauroit montrer. Et quand il y seroit nommé, Mr le Coygneux quy l’a dressé et monsieur vostre frère quy l’a sinné sans le voir, ne font point par ce simple acte des lieutenans generaux d’armée que Vostre Majesté soit obligée de maintenir et conserver. Il dit qu'il y a servy trois mois : je le sçay bien ; mais un service de trois mois, le veut il puis apres perpetuel, et un service mendié et stipulé precedemment qu'il ne dureroit que jusques a vostre arrivée ? Quel affront pretend il quy luy soit fait sy Vostre Majesté luy tient ce qu’Elle luy a promis, et s’il est traitté en la forme qu’il a demandée et requise, voire mesmes estorquée ? Il dit que nous avons esté pendant le temps de son service a passer nostre temps a Paris : quy lui nie ? Aussy sera il a passer le temps a Paris pendant celuy de nostre employ. Où vouloit il que nous fussions pendant vostre maladie, et l’attente de vostre convalescence pour L'accompagner et servir en cette guerre ? Et a tres grand tort de dire que je luy veuille mal a cause de sa sœur : ce seroit au contraire une cause de luy vouloir du bien ; je recherche avec trop de soin l'affection des proches des personnes dont je suis amoureux. Je luy eusse peu vouloir mal s’il eut fait a ma sœur ce que j’ay fait a la sienne : il ne pratique pas la mesme chose aux autres de peur de s’attirer une trop grande quantité d’ennemis sur les bras. Il dit que je ne ferois pas difficulté de servir de lieutenant general en une armée ou Mr de Guyse seroit general : je luy avoue ; aussy ne ferois je pas[742] peut estre en une ou il seroit general. Mais ce n’est pas de quoy il s’agit. Je ne demeure pas seulement d’accord avesques luy des mareschaux de France qu’il a nommés, quy ont servy sous des princes, mais j’y adjouteray encores le mareschal de Strossy[743] quy mourut au siege de Thionville ou il commandoit sous le duc François de Guyse, et depuis cinq ou six ans encores, Mr le mareschal de Temines tantost sous Mr du Maine[744], tantost sous Mr d’Elbeuf[745]. Mais il m’avouera aussy, s’il luy plait, qu’en aucune armée ou le roy aye esté, aucun prince, ny autre, n’ont commandé egalement avesques les mareschaux de France, a quy seuls cet honneur appartient, et que tous les princes quy ont esté ès dites armées royales ont toujours receu l’ordre et les commandemens des mareschaux de France, et non pas seulement les princes estrangers ou bastards (ce quy n’est pas grand merveille), mais les princes du sang a quy nous devons tant de respect, d’honneur et de deference. A-t-il veu l’armée du feu roy commandée en sa presence par aucun prince ? Mr le prince de Conty, Mr le comte de Soissons, Mr de Montpensier, quand ils y sont venus avesques des trouppes, n’ont-ils pas receu le mot, l’ordre et les commandemens des mareschaux de Biron pere et fils, d’Aumont[746], et autres ? L’ont-ils jamais donné ? Qu’il me marque une seule fois[747], sy un prince du sang n’a esté desclaré lieutenant general de l’armée du roy comme l'est maintenant monseigneur son frere, comme l’estoit en Savoye feu Mr le comte de Soissons[748]. Ouy, mais, me dira il, Mr de Nevers[749] a souvent mené, conduit et commandé l’armée du roy. Je le confesse, en son absence ; mais des que le feu roy y estoit arrivé, son pouvoir cessoit, et s’il y demeuroit avec ses trouppes, elles recevoint les ordres et les commandemens par messieurs les mareschaux de France, quy n’ont jammais eu de compagnons en charge aux armées ou le roy a esté, que des autres mareschaux de France. J’honore les princes et leur porte beaucoup de respect et de deference, mais non point au prix ou au ravalement de ma charge, de laquelle il s’agit : car hors de là je me mets cent braces au dessous d’eux ; mais en la fonction de ma charge je demeure en la hautesse ou elle m’esleve. Je pense estre quelque chose plus qu’un president du parlement ; cependant dans le Palais je ne suis pas seulement au dessous d’eux, mais teste nue devant eux quy l'ont couverte, et sommis a leurs sentences et jugemens : aussy ne doivent point les princes faire difficulté de defferer aux charges, bien que ceux quy les occupent soint moindres qu'eux ; et ceux quy les possedent sont obligés de les perdre plustot, voyre mesmes de mourir, que de les laisser deperir, comme je m’asseure que Mr le mareschal de Chomberg fera sans mon induction, comme Mr d’Angoulesme le veut persuader[750], ayant trop d’honneur, de courage, et de ressentiment pour y manquer. Et quant a ce que Mr d’Angoulesme dit, sy nous avions tous deux une differente attaque a faire, que l’on verroit quy s’en acquitteroit le mieux, je respons qu’asseurement on le verroit quy s’en acquitteroit le mieux. Il se vante finalement qu’il y a quarante ans qu’il porte les armes : le feu comte de Fuentes, venant en Flandres, prit une fois a tesmoin feu Mr le comte Peter Ernest de Mansfeld, mon grand oncle, s'il n’y avoit pas quarante ans qu’il portoit les armes, lequel luy respondit que ouy, mais qu’il y avoit trente huit ans qu’il ne les portoit plus ; et je voudrois demander a ce vieux guerrier comme l’on fait aux veneurs, qu’il nous montrat le pié de la beste qu’il a prise. »

« Je finis suppliant tres humblement Vostre Majesté de se ressouvenir qu’Elle m’a fait l’honneur de me donner la charge de lieutenant general de son armée sans que je l’aye mendiée, pratiquée, escroquée, ny mesmes recherchée ; qu'Elle m’a plusieurs fois reiteré, a Paris et par les chemins, qu’Elle me la conserveroit dignement ; qu’Elle m’a fait trop noblement mareschal de France pour faire maintenant commencer par moy un sy grand ravalement a ma charge et que je ne suis point sy ambitieux d’employ que je ne quitte tres volontiers celuy qu’Elle m’a donné, plustost que de le faire indignement ; et que sans mescontentement ny plainte je m’en retournerois tres volontiers a Paris y faire le bourgeois et y prier Dieu qu’il continue ses graces a Vostre Majesté par quantité de victoires sur ses ennemis, attendant que l'honneur de ses commandemens m’employe ailleurs. »

Apres que j’eus parlé comme dessus, Mr de Chomberg en fit autant et deduisit eloquemment ses interets et ceux des mareschaux de France. Puis nous nous retirames, et sans y penser plus avant, m’en allay voir le fort d’Orleans[751] commencé, quy estoit le seul travail qu’en trois mois on avoit fait a la Rochelle, et a mon retour estant venu cheux le roy, il me demanda ce qu’il m’en sembloit. Je luy dis que c'estoit un inutile travail, placé au plus mauvais endroit que l’on eut sceu choisir en tout Coreilles, plus grand des trois parts qu'il ne falloit, mal travaillé, de grande despense, de peu de proffit, construit non comme un fort et avesques les regles qu’il faut observer en une piece quy est pour servir seulement a un siege, mais comme une piece a demeure, et en fin defectueuse en son tout et en toutes ses parties. Il me dit lors que j’en parfois par envie, et que sy c’estoit moy quy l’eut fait faire, je n’aurois pas moins de raysons pour le louer que j’en avois trouvé pour en mesdire. Je luy repliquay que je n’estois pas sy mal habile de descrier ce fort a Sa Majesté quy en sçauroit bien juger la verité et des le lendemain le reconnestre, et que je ne m’aydois pas de ces artifices contre Mr d’Angoulesme, duquel je voyois bien qu’Elle soutenoit les interets, ayant changé d’humeur depuis le conseil qu’Elle avoit tenu, et que, sy Elle avoit changé d’avis, je n’avois pas changé de resolution de ne servir avec compagnon quy ne fut comme moy mareschal de France. Elle me dit qu’Elle n’avoit point changé d’opinion, mais qu’Elle seroit bien ayse que je m’accommodasse a ce quy estoit du bien de son service, sans neammoins me forcer a rien.

Je vis bien lors que les affaires penchoint mal pour moy, quy me resolus au pis, et de m’en retourner a Paris sy je ne trouvois mon compte a la Rochelle. Et ainsy je me retiray a mon logis. Monsieur le cardinal prit le sien au Pont de la Pierre quy est un petit chasteau proche d’Angoulain[752].

Tout le soir fut employé jusques bien avant en la nuit en allées et venues de Mrs de Vignolles et de Marillac vers Mr de Chomberg de la part de Mr d’Angoulesme au party duquel ils estoint entierement attachés, pour tascher de les accorder ensemble. Il luy remontrerent qu’estant le second mareschal de France, j’aurois tout le pouvoir de l’armée, l’intendance des montres, et la charge de colonel general des Suisses, quy[753] me donnoit grand avantage sur luy ; outre cela mon activité a travailler, ce qu’il ne pourroit faire comme moy a cause de la goutte quy parfois le tourmentoit, et des affaires du conseil estroit auquel il estoit occupé ; son inimitié avec le marquis de Rosny grand mestre de l'artiglerie avesques quy j’estois en parfaite intelligence ; et finalement l’affection des gens de guerre quy estoit grande vers moy quy les avoit quasy toujours menés et commandés avesques beaucoup de douceur, m’attireront tout l’employ a son esclusion ; que Mr d’Angoulesme demeurant, et moy m’en allant, il auroit toute l’entiere puissance, Mr d’Angoulesme n’en voulant que le nom, et despendre entierement de luy avec quy il se vouloit unir fraternellement.

Ces persuasions et d’autres qu’ils ajouterent firent tourner casaque au mareschal de Chomberg sans qu’il eut plus d’esgard a son honneur, a l’interest de sa charge, ny a mon amitié ; et ayant convenu en cette sorte avec Mr d’Angoulesme, des le lendemain matin mercredy 13me il dit au roy qu’il estoit prest de recevoir Mr d’Angoulesme pour son compagnon en la lieutenance generale de l’armée puis qu’il le trouvoit desja en charge, ce qu’il n’eut fait s’il n'y eut esté, et que j’avois tort de luy contester.

Ce fut assés dit au roy pour luy persuader de faire ce a quoy il estoit en doute, et a dire qu'il n’y avoit que mon opiniatreté quy retardat l'establissement de son armée. Sur cela Monsieur, monsieur le cardinal, Mr le Grand, monsieur le garde des sceaux, et ses deux mareschaux de camp[754] luy applaudirent, de sorte que, comme je le vins trouver le matin pour l’accompagner au Plom (ou il s’acheminoit pour de là voir la flotte angloise et le fort Saint-Martin)[755], je le trouvay fort froid et fuyant de me parler. Il commanda mesmes a Mr du Hallier de me persuader de m’accommoder avec Mr d’Angoulesme. Monsieur le cardinal me le dit aussy par les chemins, et Chomberg me vint accoster, me disant qu’il voyoit bien que le roy n’avoit pas bonne intention de nous obliger, que cela le faisoit me conseiller de ceder au temps comme bon courtisan, et que pour luy quy estoit du conseil estroit et quy avoit trop a perdre, ne s’y vouloit pas opiniatrer. Je ne luy respondis autre chose sinon que mon roy et mon maitre me pouvoit bien abandonner, mes amis me trahir, et mon frere et compagnon en charge, unis et conjoints en mesmes interets, me quitter ; mais que Bassompierre ne s’abandonneroit, trahiroit, ou quitteroit pas luy mesme : qu’il demeurat avec infamie ; que pour moy je me retirerois avec honneur, et que je luy promettois que je ne serois point compagnon en mesme armée, le roy y estant, avec Mr d’Angoulesme, et que pour luy il fit comme il l’entendoit.

Sur cela nous arrivasmes au Plom d’ou nous vismes la flotte angloise a l’ancre devant Saint Martin de Ré, quy pouvoit estre de cent cinquante vaisseaux.

Le jeudy 14me il fut avisé que Monsieur quy estoit general de l’armée, nous diroit que l’intention du roy estoit que Mr d’Angoulesme servit conjointement avec nous, ce que je refusay absolument.

Je m”en allay l’apres disner voir vers Coreilles, ou je trouvay le roy quy m'appella et me dit : « Je considere ce que vous me dittes hier ; mais je trouve ce fort bien grand. » Je luy dis qu’il le seroit bien davantage quand les fausses brayes[756] que l’on avoit dessein d’y faire, y seroint adjoustées, et qu’il y faudroit encor outre cela faire quelques ouvrages quy donnassent jusques sur le bord de la mer dont il estoit eslongné, et qu’en fin un des forts de la circonvallation de la Rochelle seroit plus grand que la Rochelle mesme. Je luy montray de plus comme il estoit commandé de tous costés, et qu’en tout autre lieu qu'en celuy ou il estoit, il l’eut esté moins. Je luy fis voir en suitte comme l'on y travailloit la terre et les gasons, et luy fis avouer que tout cela ne valoit rien. Mais je ne luy parlay ce jour là d’aucune chose.

Il envoya Mr de Mendes trouver monsieur le cardinal et le prier qu’il trouvat moyen de me contenter, et que je luy ferois faute sy je me retirois, comme Mr du Hallier l’avoit asseuré que je ferois le lendemain vendredy 15me, comme je ne manquay pas, et le vins trouver du matin, et luy dis : « Sire, pour ne faire rien indigne de moy, et quy fit tort a la charge de mareschal de France dont vous m’avés honoré, je suis forcé, avec un extreme regret, de me retirer de vostre armée et de supplier tres humblement Vostre Majesté de me permettre d’en sortir. Je m’en vas a Paris attendre que l'honneur de vos commandemens m'appelle en quelque lieu ou je luy puisse continuer les mesmes tres humbles services que j’ay fait par le passé, luy demandant cependant en singuliere grace de ne point adjouter de foy aux mauvais offices que mes ennemis me feront, jusques a ce qu’Elle les ait bien averés. Pour moy je l'asseureray que je seray a l’avenir ce que j’ay esté par le passé, sçavoir vostre tres humble et tres fidelle creature. »

Le roy me persuada fort de demeurer, me dit que je ne l'avois jamais abandonné, que j’estois opiniatre et que tout le monde me donnoit le tort ; que le mareschal de Chomberg, quy avoit le mesme interest que moy, me condamnoit, et que je sçavois bien que, quelques compagnons que j’eusse, il me donneroit toujours les meilleurs emplois. En fin voyant qu’il ne me pouvoit vaincre, il me dit adieu apres m’avoir fait promettre que je l’irois dire a monsieur le cardinal, auquel en mesme temps il envoya un de ses ordinaires nommé Sanguin[757] pour le prier qu’il me fit demeurer a quelque prix que ce fut.

Je m’en allay le trouver, et il me donna tant d’asseurances de sa bonne volonté, me montra tant de tendresse jusques a pleurer, et me presenta la carte blanche pour mettre ce que je voudrois : je luy dis en fin que je ne demeurerois jamais compagnon de Mr d’Angoulesme, le roy estant en son armée, et qu’il ne seroit jamais dit que j’eusse fait ce tort a ma charge, mais que s’il me vouloit donner une armée a part, toute distincte de celle du roy, ayant mon artiglerie, mes vivres, mes tresoriers, et tout l’estat de l’armée a part, pour assieger la Rochelle de l’autre costé du canal, avec le commandement dans le Poitou pour les choses dont j’aurois besoin, j’offrois d’y servir. Il m’embrassa allors et me dit qu’il me feroit accorder tout ce que je demandois, et que j’escrivisse mes pretentions, ce que je fis, et pris trois compagnies de Suisses, le regiment de Navarre, celuy de Vaubecourt, de Beaumont[758], du Plessis Pralain[759], de Ribeyrac, et de Chastelier Barlot, la compagnie de gensdarmes de Monsieur, et six de chevaux legers avec ce reste de regiment de Champaigne quy estoit au Fort Louis ; Mrs du Hallier et de Toiras pour mareschaux de camp ; La Courbe[760] et Persy[761] pour aydes de camp ; un nommé le Flamen et...[762] pour ingenieurs, d’Aligey pour commander a l’artiglerie ; Des Fourneaux pour mareschal des logis d’armée ; et le provost de la connestablerie : ce quy me fut accordé par le roy, quy m’envoya querir comme il estoit au conseil dans son cabinet. Je vins dans sa chambre ou il vint aussy tost avec monsieur le cardinal, m’accorda et confirma ce que j’avois demandé, et m’emmena au conseil en son cabinet avec joye ; et le lendemain samedy 16me je fus remercier monsieur le cardinal.

Cette nuit là le secours fut mis dans le fort de la Prée[763].

Le dimanche 17me je vins avec les officiers de l’armée reconnestre mes quartiers. J’entray dans le Fort Louis ou je fus salué de forces canonnades. De là j’allay considerer le port Neuf[764] pour y faire travailler ; et puis je revins trouver le roy.

Le mardy 19me on tint conseil pour regler les vivres et l'artiglerie des deux armées. Cette nuit là la tempeste commença bien furieuse par un nord est.

Le mercredy 20me trois chalouppes ennemies s'eschouerent au moulin de Laleu[765], et un vaisseau de trois cens tonneaux a Brouages[766].

Le jeudy 21me je vins passer a Laleu et a la rade de Chef de Bois[767] pour voir la tempeste et le desordre qu’elle faisoit. De la je disnay a Lommeau[768] cheux Beaumont. Apres disner je fus au Fort Louis faire tirer[769] sur une barque ennemie quy entra a la Rochelle. Puis je fis tracer une redoute a l’emboucheure du port Neuf, et m’en retourna a Netré.

Le vendredy 22me j’envoyay Mr du Hallier faire le quartier et les logemens de mes trouppes a Laleu et aux environs, ou je les logeay.

Puis le samedy 23me je quittay le quartier du roy, et passant par Dampierre pour voir monsieur son frere, je vins loger a Laleu quy fut durant le siege mon ordinaire sejour.

Le dimanche 24me je fis commencer a travailler a l’ouverture du port Neuf.

Le lundy 25me je continuay cette œuvre et les travaux que j’avois commencés, et fis la nuit tirer du Fort Louis six canonnades dans la Rochelle avec des balles a feu[770].

Le mardy 26me[771] treise barques sortiront du port de la Rochelle pour aller en l’isle de Ré, ausquelles je fis tirer forces canonnades du Fort Louis sans effet. Je fis[772] aussy ce jour là faire faire la montre generale a l’armée.

Ce matin mesme je m’en allay a Chef de Bois secourir trois barques des nostres, eschouées, poursuyvies par les Anglois. Le baron de Noyllan[773] estoit sur une, et des soldats du Plessis Pralain, embarqués pour descendre en Ré, sur les autres. Je fis mener les personnes et porter les munitions a Laleu : puis sur le soir je fis tirer en un chenal lesdites barques que les roberges[774] angloises canonnoint.

Le mercredy 27me j’eus ordre d’envoyer au secours de l’isle de Ré (dont le roy avoit a mon prejudice donné la commission a Chomberg), 300 hommes du regiment de Vaubecourt, 200 de celuy de Ribeyrac, et la compagnie de chevaux legers commandée par La Borde.

Le soir le roy m’escrivit, et Mr de Chomberg aussy, pour m’avertir que ceux de la Rochelle devoint venir enlever un de nos quartiers, et que je fisse tenir toute mon armée alerte pour y provoir. Je me moquay de cet avis quy estoit contre toute rayson et apparence, et ayant posé mes gardes comme je jugeay a propos, je m’en allay coucher entre deux draps, ce que je n’avois encores fait depuis que j’estois venu en mon quartier. Ces messieurs quy estoint pres du roy prindrent l’allarme sy chaude qu’ils firent tenir Sa Majesté et monsieur son frere toute la nuit a cheval.

Le jeudy 28me je fis partir les trouppes susdites pour aller en Ré, ausquelles j’eus charge d’adjouster cinquante gensdarmes de la compagnie de Monsieur, menés par Mr de la Ferté Imbaut, lieutenant[775].

Le vendredy 29me il y eut une furieuse pluye quy fit cesser tous les travaux.

Le regiment des gardes vint pour s’embarquer au Plom : je le logeay a Losieres[776].

Canaples[777], Saint Simon et plusieurs autres du passage vindrent loger et souper cheux moy, lesquels y disnerent encores le lendemain samedy 30me[778] que leur embarquement se fit. Je demeuray toute la journée au Plom pour l’acheminer. Monsieur y vint avec Mr de Bellegarde, quy le vit faire a l’entrée de la nuit en la haute marée, et passerent heureusement au fort de la Prée sans avoir couru autre fortune que de quelques coups de canon des roberges quy ne desancrerent point. Ils furent receus en descendant par les ennemis quy leur firent une furieuse charge ou ils tuerent Mansan[779], lieutenant des gardes, et un capitaine de Beaumont ; mais ils ne la continuerent pas, ce quy fit qu’avec peu de perte ils se mirent dedans et a l’entour du fort. Monsieur vint du Plom au moulin de Laleu pour appercevoir les sinnaux de leur heureuse arrivée, quy furent justement d’autant de barques comme il en estoit party.

Monsieur demeura ce soir là a souper et coucher cheux moy, [et sur le minuit][780] comme il dormoit, il parut un grand feu par dessus le village de Saint Maurice quy est contre le Fort Louis. Je pensay que les ennemis estoint venus brusler ce peu de maisons quy restoint, et pour le respect de la personne de Monsieur, je fis prendre les armes aux trouppes françoises et suisses du quartier, cependant que j’accourus pour en sçavoir de plus seures nouvelles. Mais je fus bientost asseuré de mon doute, et apperceus que c’estoint quelques maisons de la Rochelle proche de la tour de Saint Bartelemi[781] ou des espions que nous avions dedans avoint mis le feu. Je fis en mesme temps tirer forces balles ardentes du Fort Louis pour divertir les ennemis d’esteindre leur feu.

Le dimanche 31me et dernier d’octobre, Monsieur disna cheux moy, puis s’en alla au Fort Louis ou il fit tirer forces canonnades. Les ennemis nous payerent en mesme monnoye ; mais nous eumes de plus d’un coup de canon quy donna dans le fort, dont le fils ayné de Mr de la Mauvissiere[782] fut tué, et un soldat quand et luy.

Novembre. — Le lundy jour de la Toussaints et premier de novembre, quattre barques des nostres chargées des gens du regiment du Plessis Pralain, relascherent au Plom, et deux autres au moulin de Laleu, quy furent suyvies par deux roberges angloises de sy pres que la mer leur faillit[783], et toucherent terre. Je fis en diligence venir deux canons pour tirer sur elles, ce que je fis de telle sorte qu’une des deux receut cinq coups dans le corps du vaisseau, et l’eusse coulée a fond sy, la mer revenant, huit chalouppes ne l’eussent remorquée.

Saint Surin[784] revint de l’isle de Ré, et le roy m’envoya Sanguin avec de l’argent pour faire que rien ne manquat a l'embarquement, a quoy je proveus selon son desir.

Le lendemain mardy 2me le roy me fit venir en son quartier pour me proposer de passer en l’isle parce que Chomberg estoit encor en la Charante ou il avoit relasché. Je fus tout pres de passer selon son desir, et le mien ; mais le garde des sceaux fit telle instance d’attendre encor ce jour là des nouvelles de Chomberg, qu’il me retint. Je faillis a mon retour d’estre pris par une embuscade que les ennemis m'avoint dressée proche de Lagor[785].

Le mercredy 3me je fis mes pasques, dont j’avois esté diverty les deux jours precedens.

Mr de Chomberg m’envoya deux barques pour reconnestre sa descente et les y conduire, que je luy renvoyay en mesme temps. Mr du Hallier alla au Plom faire mettre en mer les pinasses pour passer en Ré a la haute marée de la nuit.

Le jeudy 4me je fis faire une embuscade par vingt gensdarmes de Monsieur et quelque infanterie de Ríbeyrac proche de la porte de Coygnes[786], quy tuerent deux hommes de cheval des ennemis et prindrent trois prisonniers.

Sur mon disner les Rochellois vindrent prendre des vaches tout contre Laleu, et les emmenerent a nostre veue. Nous montames a cheval et le fusmes recourir, et quand les ennemis virent qu’ils ne pouvoint emmener leur prise, ils tuerent les vaches et s’enfuirent[787] ; ce quy fut cause que je fis venir la compagnie de la Roque Massebaut[788] loger en mon quartier.

Le roy m’envoya ce jour là Persy pour venir servir avec moy, qu’il avoit retenu jusques allors.

Le vendredy 5me je vins des la pointe du jour pourvoir aux embarquemens quy, Dieu mercy, furent tous sy heureux qu’il ne s’en perdit, eschoua, ou manqua pas un de tous ceux que je fis faire. Le roy y arriva quy me dit que Mr de Chomberg luy avoit mandé que, Dieu aydant, il entreroit le soir dans l’isle de Ré, en laquelle le vent contraire l’avoit empesché d’aborder. sa Majesté voulut en suitte venir disner cheux moy, a laquelle, et a toute sa court, je fis tres bonne chere. Il s’en vint de là voir le port Neuf et le Fort Louis ou je fis tirer quantité de canonnades a son arrivée.

Le samedy 6me je m’en vins au Plom ou Monsieur arriva tost apres. Nous vismes faire une grande salve de mousqueterie et de canonnades au fort de Saint Martin de Ré, quy fut continuée plus de deux heures. Nous sceumes quelque temps apres que c’avoit esté l’assaut general que les Anglois avoint donné au fort lequel avoit esté vaillamment repoussé.

Le soir Marillac arriva avec quelque vingt gentilshommes quy venoint de trouver le roy de la part du mareschal de Chomberg quy estoit encor a la Charante, mais quy n’attendoit qu’une heure de bon temps pour aller en Ré. Ils me prierent de les faire passer en Ré dans quelques chalouppes quy me restoint encores, ce que je fis apres leur avoir donné a soupper.

Le dimanche 7me je m’en vins a Chef de Bois pour voir ce quy aviendroit en l’isle, et fus bien estonné quand je vis revenir Marillac a moy, quy au lieu d’aborder l’isle, avoit relasché au port Neuf, et me dit qu’ils avoint veu deux roberges, et d’autres visions, dont je me moquay et leur en fis honte.

Nous vismes peu apres les Anglois attaquer vers Saint Blanceau[789] une barque des nostres qu’ils prindrent. Ces mesmes vaisseaux ennemis vindrent dans le canal de la Rochelle tirer des coups de canon a deux galiottes que j’avois fait apprester pour passer Marillac au port Neuf. Je fis venir deux canons sur la rive, quy les firent desloger bien viste, et donnerent deux volées dans l’un desdits vaisseaux ennemis.

Sur le soir Marillac se rembarqua et passa sans rencontre, comme m’asseurerent mes galiottes quy trois heures apres furent de retour.

Le lundy 8me le roy vint de bon matin au Plom, impatient de sçavoir des nouvelles. Je luy dis comme j’en avois eu de l’arrivée de Marillac en l’isle, et lui fis voir en mesme temps plus de trente barques eschouées a Saint Blanceau, quy nous fit juger que Chomberg estoit passé la nuit precedente. Il me dit aussy la mort du mareschal de Temines[790], et quand et quand, que j’avois bonne part au gouvernement de Bretaigne quy vaquoit par son deces. Je luy dis que je luy rendois tres humbles graces de l’estime qu’il faisoit de moy en m’en jugeant digne, mais que pour moy je ne desirois point de ces grands gouvernemens quy obligent a residence, parce qu’ils contrarient a mon humeur et me desvoyent du cours de ma fortune ; que je ne laissois pas pourtant de luy en estre extremement obligé.

Nous fismes aussy tost embarquer les mousquetaires a cheval du roy, et quelques autres soldats et vivres pour passer en Ré. Mais ils arriverent trop tard ; car ce mesme jour les Anglois deslogerent de Saint Martin, [et Mr de Chomberg les suyvit avesques toutes les trouppes passées et 700 hommes quy sortirent du fort Saint Martin][791]. Les ennemis se retirerent en tres bon ordre jusques apres qu’ils eurent passé le bourg de la Coarde[792] : car lors, a l’entrée d’une chaussée quy les menoit en leurs barques et roberges, comme ils commencerent a desfiler, le desordre s’y mit, chascun voulant passer le premier. Sur cela nos gens les chargerent ; de sorte qu’ils se noyerent quantité : quantité aussy furent tués, et les Anglois perdirent plus de douse cens hommes, morts ou prisonniers, entre lesquels fut, le millord Monjoye[793], et deux colonels anglois.

Le soir mesme il sortit vingt six barques de la Rochelle pour aller en Ré.

Le mardy 9me j’eus nouvelles de la deffaite par Beringuen[794], quy en alloit rendre compte au roy. Je passay en mesme temps en tres basse mer le canal de la Rochelle a cheval, et vins trouver le roy pour m’en resjouir avec luy. Beringuen luy dit que les ennemis avoint perdu, partie prises, partie jettées, trente quattre enseignes et cinq pieces de canon. Il me renvoya tost apres en mes quartiers ou je fis faire des salves generales, tirer tous mes canons plusieurs fois, et faire chanter le Te Deum à Laleu et au Fort Louis.

Je faillis ce jour là d’estre tué d’une canonnade de la ville quy passa a quattre doigts de ma teste et alla tuer un soldat quy marchoit devant moy.

Le mercredy 10me Mrs les cardinaux de Richelieu et de la Vallette, ducs d’Angoulesme et de Bellegarde, d’Effiat, de Harbaut, d’Aucaire[795] et autres, vindrent disner cheux moy, puis furent voir mes travaux.

Le soir forces gens revinrent de l’isle, mais avec peril parce que les Rochelois, avec plus de quarante barques, tenoint la mer.

Le jeudy 11me Puilorens[796] et la noblesse de Monsieur revindrent de l’isle et disnerent avec moy. Le soir Mrs de Rets, de Guymené[797], et d’autres, quy en revenoint aussy, vindrent soupper et coucher en mon logis.

La nuit il y eut tourmente.

Le vendredy 12me je les menay voir nos travaux, et deux vaisseaux ennemis eschoués de la tourmente de la nuit passée, a la rade de Chef de Bois, dont ils avoint retiré les hommes dans des chalouppes. Puis leur ayant donné a disner, je les renvoyay au quartier du roy dans mon carrosse.

Le samedy 13me la tempeste ayant fait retirer les barques rocheloises, forces gens eurent moyen de revenir de l’isle. Les chevaux legers du roy repasserent de Ré en mon quartier. Monsieur vint au Plom voir les desbris de la tempeste.

Le dimanche 14me Marillac et quantité d’autres revindrent de l’isle coucher cheux moy.

Le lundy 15me je fus a Dampierre prendre congé de Monsieur, quy se retira de l’armée et s’en retourna a Paris. Je fus de là a Netré trouver le roy.

Tout le reste des trouppes quy estoint sous ma charge et que j’avois envoyées en Ré, furent ce jour là de retour en leurs quartiers.

J’allay ce mesme soir reconnestre une nouvelle ouverture que monsieur le cardinal vouloit estre faite au port Neuf, avec un marinier fort experimenté qu’il m’avoit envoyé, nommé Sanson.

Le mardy 16me Monsieur (quy avoit esté retenu le jour precedent par le roy), s’en alla de l’armée.

Le mercredy 17me je fus au Plom faire partir forces barques pour aller [en Ré][798] requerir ceux quy y estoint encores. Le comte de Burie[799] et forces autres revindrent [de l’isle][800] cheux moy.

Le roy m’envoya querir pour le venir trouver le lendemain matin, comme je fis, le jeudy 18me ; et estant au conseil avec monsieur le cardinal et peu d’autres, me dit que monsieur son frere s’en estant allé, quy avoit entrepris de faire un fort a Lafons[801] sans lequel la Rochelle n’estoit point assiegée, et qu’il s’estoit chargé d’assieger la ville depuis le marais de Lafons quy estoit la fin de mon departement jusques a Ronsay ou commençoit celuy de Mrs de Chomberg et d’Angoulesme et duquel le roy et monsieur le cardinal se chargeoint particulierement, et que l’ayant presenté a Mr d’Angoulesme pour s’y loger a la place de Monsieur et construire les forts, redouttes, et lignes necessaires, il luy avoit demandé cinq cens chevaux, et cinq mille hommes de pié, ne le voulant entreprendre avec moindres forces, lesquelles difficilement Sa Majesté luy pourroit maintenant fournir ; que sur ce sujet il m’avoit envoyé querir pour m’offrir d’adjouster tout ce departement au mien, et sçavoir quelles trouppes je demanderois d’augmentation a l’armée que j’avois desja, et quel secours de charrettes, d’outils, et d’autres choses, je demanderois de plus. Je luy respondis que j’avois de toutes choses a suffisance, sy le roy me commandoit de l’entreprendre, et que je luy fortifierois et retrancherois l’avenue de terre quy estoit encor libre aux Rochelois, de telle sorte que dans quinse jours je l’aurois fermée. Le roy creut que je me moquois en luy disant cela, et me repliqua que je luy demandasse librement, et sy je me voudrois contenter de trois regimens de plus et de trois compagnies de chevaux legers ; et moy je luy respondis que, sy il augmentoit mes trouppes, je ne l’entreprendrois pas. Il m’enquit là dessus quand je voudrois commencer. Je luy dis que le lendemain j’irois reconnestre et tracer le fort, que je me preparerois le samedy, et que le dimanche au matin je m’y irois loger. Il me dit qu’il ne pensoit pas que je le peusse faire sy tost, et puis me demanda avec combien de forces je m’y viendrois loger : « Avec quattre cens hommes de pié et quarante chevaux », luy dis je. Il dit allors que je me moquois, et qu’il ne me le souffriroit pas. Je luy repartis qu’il le feroit donc faire par un autre ; que je n’y voulois pas employer un homme davantage, et qu’il me laissat faire a ma fantaisie, ou que je quitterois tout là : ce que je faisois par despit de Mr d’Angoulesme quy estoit là. Lors je pris congé du roy quy me recommanda de prendre mes seuretés de telle sorte que luy, et moy en suitte, ne receussions point d’affront.

Le vendredy 19me je pris cinquante chevaux, et deux cens hommes de pié, et m’en vins reconnestre le lieu ou je ferois mon fort, que je fis tracer par un ingenieur nommé le Flamen ; puis je m’en revins. Par les chemins les ennemis me vindrent chicaner : je les fis pousser jusques dans leurs portes par la compagnie de la Roque Massebaut, quy y perdit d’un coup de mousquet son mareschal des logis, quy fut grand dommage.

Le samedy 20me le regiment des gardes et celuy de la Melleraye revindrent de Ré. Je logeay ce premier a Losieres, et l’autre a Lommeau.

Canaples ammena le millord Montjoye, son prisonnier, loger et coucher cheux moy, quy les laissay au lit le lendemain dimanche 21me, pour m’acheminer a la garenne de Lafons avec deux cens hommes du regiment de Vaubecourt, deux cens Suisses, et vingt chevaux de la compagnie de la Roque Massebaut. J’emmenay aussy quattre de ces petites pieces que l’on nomme courtauds, avec de la munition, fascines, et outils necessaires pour travailler. Je trouvay la compagnie de Ruffec[802] quy estoit en garde proche de Lafons, que j’emmenai aussy quand et moy. D’abbord je fis deux fortes barricades aux deux chemins creux quy sont a gauche et a droitte de la garenne, quy se viennent joindre a trois cens pas de la porte de Coygnes, et fis avancer cent cinquante François, et autant de Suisses, assés proche de l’enfourcheure des deux chemins. Je mis les vingt chevaux de la Roque bien loin sur ma droitte et mes gardes encores apres, pour donner ombrage aux ennemis, en cas qu’ils voulussent sortir, que cette cavalerie iroit couper entre la ville et eux. J’en fis de mesme a la gauche de la compagnie de Ruffec et la fis suyvre par un petit gros de vingt et cinq volontaires quy m’avoint suyvy. Je mis Mr du Hallier avec les François, La Courbe avec les Suisses, et moy allois partout, cependant que nous travaillions a faire ce fort, que j’avois pris de quarante toises dans œuvre en carré sur le coin droit de la garenne dont les deux fossés me servoint. Les ennemis quy apperceurent que l’on les venoit entierement fermer par ce fort, sortirent mille ou douse cens hommes [de la ville][803] pour nous en venir empescher ; mais voyant ces quattre gros de cavalerie qu’ils pensoint destinés pour leur empescher leur retraitte s’ils s’avançoint, intimidés par ces petits canonnets quy leur tirerent quelques coups, croyans aussy que je n’avois pas mis trois cens hommes a mes enfans perdus sans en avoir pour le moins quinse cens au gros, se contindrent contre leurs murailles sans nous venir incommoder, hormis de plus de quattre cens canonnades qu’ils nous tirerent, quy tuerent douse ou quinse soldats ou travailleurs. Cependant le bruit de ces canonnades fit venir a l’allarme quantité de noblesse du quartier du roy, que je fis mettre encor en deux gros de cavalerie, de sorte que les Rochelois me laisserent paisiblement travailler. La nuit je mis les regimens de Chastelier Barlot et de Ribeyrac dans ce fort, pensant qu’ils víendroint le mugueter[804], et cinquante chevaux sur les avenues : mais ils ne firent aucun semblant de sortir.

Mrs de Canaples et de Montjoye passerent le matin comme je commençois ce fort, et voyant que je n’avois quasy personne pour me soustenir, Canaples voulut faire arrester les huit cens hommes du regiment des gardes qu’il rammenoit de Ré. Mais je ne le voulus souffrir, et luy dis qu’il dit au roy que je luy tenois promesse, et que je n’avois pas outrepassé le nombre que je luy avois dit, et que s’il m’envoyoit un seul homme de renfort, que je quitterois tout[805].

Je pensois y coucher ; mais le mareschal de Chomberg arriva cheux moy du retour de l’isle, ce quy fit que j’y laissay Mr du Hallier, et m’en allay [luy][806] faire bonne chere.

Le lundy 22me j’ammenay Chomberg voir ce que j’avois fait le jour precedent, puis m’en vins avec luy voir le roy quy luy fit fort bonne chere, comme certes son action le meritoit. Il me la fit en suitte de mon œuvre du jour precedent et m'offrit encor renfort de trouppes dont je le remerciay : seulement luy dis je que s’il m’ostoit le regiment de Navarre, comme il desiroit, et celuy de Beaumont qu’il vouloit envoyer en Normandie pour crainte des descentes des Anglois, qu’il me les remplaçat d’ailleurs, [ce qu’il me promit][807] et m’envoya des le jour mesme le regiment de la Melleraye et celuy de Parabere[808].

Je m’en revins au galop disner cheux moy ou je trouvay Mr de Mendes et La Melleraye[809] quy m’y attendoint. De là je vins jusques a minuit dans le fort de Lafons, et rammenay Mr l’evesque de Nismes[810] souper et coucher en mon quartier pour y attendre son frere Toiras[811].

Le mardy 23me il s’eschoua une barque quy venoit de Ré au moulin de Laleu, que des barques rocheloises vindrent piller : je m'y trouvay de bonne fortune avec vingt Suisses ramassés, et leur fis quitter ; puis je m’en retournay a Lafons.

Le mercredy 24me Beaumont et son regiment arriverent de l’isle.

Guron me vint trouver que je malmenay pour n’avoir pas bien assisté des choses necessaires quy despendoint de Marans[812], l'embarquement de Ré.

Le jeudy 25me Toiras arriva de l’isle et disna avec moy, puis fut pour trouver le roy quy estoit le jour auparavant party pour aller a Surgeres, ce quy le fit revenir souper et coucher cheux moy.

Une barque des Rochelois, en rentrant dans leur port, fut coulée a fond par les coups de canon quy leur furent tirés du Fort Louis.

Le vendredy 26me je vins disner a Angoulains avec les autres chefs de l’armée pour resoudre des vivres, des prets, et des autres choses necessaires. De là je m’en revins demeurer fort tard au fort de Lafons quy s’avançoit d’heure en heure.

Du Bois le gendarme fut tué dans le canal par les ennemis. Le Plessis arriva.

Le samedy 27me deux maitres maçons ou architectes de Paris, l’un nommé Meteseau, l’autre Tiriot[813], vindrent proposer de faire une digue a pierre perdue dans le canal de la Rochelle pour le boucher. Monsieur le cardinal me les envoya, et j’approuvay leur dessein quy avoit desja esté proposé au roy par Beaumont.

Le soir monsieur le cardinal m’envoya Bussy Lamet et Beaulieu Barsac[814], me mandant de les faire passer en Ré.

Le dimanche 28me je fis commencer la digue de mon costé par ces entrepreneurs quy n’y avancerent pas grand chose.

Le lundy 29me je fus a Lommeau voir Beaumont quy estoit tres malade. Les Rochelois firent une embuscade pour me prendre au Coulombier rouge[815] ; mais m’ayant esté descouverte, nous leur tuames trois hommes et un cheval.

Ces entrepreneurs revisiterent nostre costé pour voir ou ils pourroint trouver assés de pierre pour fournir a la digue.

Le mardy dernier jour de novembre j’allay au conseil cheux le roy : puis je vins a Lafons ou de la ville on tira une canonnade quy tua quattre travailleurs.

Decembre. — Le mercredy premier jour de decembre le commandeur de Valançay, et Toiras, me vindrent voir. Je les menay apres disner voir travailler au fort de Lafons.

Le jeudy 2me je fus voir Beaumont quy estoit a l’extremité.

Le soir Mr du Hallier revint du quartier du roy qu’il me dit estre en colere contre moy, et [qu’il luy avoit dit][816] que je ne voulois rien faire de tout ce qu’il me commandoit. Le fait estoit que ces messieurs de son quartier, l’ignorance desquels j’avois publiée en la construction du fort d’Orleans, luy dirent que, bien qu’il m’eut ordonné de fortifier toute la garenne de Lafons, je n’en avois voulu fortifier que le quart ; que neammoins j’y ferois une prodigieuse despense parce que ce fort estoit de bois ; que les courtines avoint vingt piés d’espaisseur ; que je ne faisois qu’un simple quarré sans flancs aucuns, et que je l’eslevois trop haut. La derniere fois que je vis le roy, il me dit : « Il me semble que quand vous ne feriés vos courtines sy espaisses, que ce seroit le meilleur. » Je luy respondis : « Sire, sy Vostre Majesté avoit veu le fort, Elle jugeroit elle mesme que les courtines n’ont pas trop d’espaisseur. Obligés moy de m’en laisser le soin, et sy puis apres il n’est a vostre gré, ne me blasmés pas seulement, mais me chastiés. » Sur cela je m’en allay, et on luy dit que je ne voulois prendre que le quart de la garenne : sur cela il se mit en colere et declama hautement contre moy.

Je m’en allay le trouver le lendemain vendredy 3me et en passant entre le Coulombier rouge et le lieu ou depuis je fis faire le fort du Saint Esprit[817], comme je parfois a don Augustin Fiesque et a Cominges quy estoint un peu plus avancés que moy, une canonnade de la ville donna par la teste du cheval de don Augustin et le tua.

Je fis mes plaintes au roy quy me satisfit, et je le rendis satisfait en tel point qu’il me dit que ceux quy luy avoint parlé contre moy estoint des ignorans ; car le fort que je faisois estoit plus grand que le Fort Louis, et sy je l’eusse fait a leur mode, je fis voir au roy que j’eusse fait une grande ville.

En retournant a Laleu assés tard, la compagnie de la Roque Massebaut quy demeuroit tout le jour en garde au Coulombier rouge pour la seureté du passage, s’estant retirée, trouva en arrivant au quartier que je n'y estois point encores revenu, et craignant que les ennemis ne troublassent mon retour, revindrent au galop pour nous faire escorte ; et moy quy creus que c’estoint les ennemis, allay a la charge a eux, de sorte qu’avant que se reconnestre, il y eut quelques coups de pistollets tirés.

Le samedy 4me j’eus le soir une allarme quy me fut donnée par un sinnal du Fort Louis. J’y accourus ; mais je ne trouvay rien.

Le dimanche 5me je fus malade et ne sortis point de cheux moy, ny aussy le lundy 6me ; mais le mardy 7me je m’en vins voir la digue que Meteseau faisoit travailler de mon costé.

Ce mesme jour il y eut un beau combat proche de la porte de Coygnes entre les Rochelois quy estoint sortis, et Mr du Hallier avec Mr d’Elbene et sa compagnie et Le Chastelier Barlot quy estoit a garder nostre fort de Lafons commencé. Ils rembarrerent bravement les ennemis, et avec morts, et prisonniers qu’ils ammenerent.

Le soir un ingenieur allemand nommé Clarver fit tirer quelques bombes dans la ville. Mais comme il n’estoit pas assés pres, et que ses mortiers n’estoint assés gros, ce fut sans effet.

Le mercredy 8me je fus mandé au conseil. J’allay disner cheux monsieur le cardinal au Pont de la Pierre ; puis nous vinsmes trouver le roy a Netré.

Le jeudy 9me le roy envoya Mrs de Bligny et de Lesché[818] pour luy rapporter l’estat de mon armée laquelle je leur fis voir par regimens affin qu’ils luy en fissent rapport ; car c’estoit le jour de la montre.

Le vendredy 10me monsieur le cardinal me renvoya encores Arnaut[819] pour juger de l'emboucheure du port Neuf et des escluses qu'il y falloit faire pour retenir l’eau douce, ce qu’il revisita encores tout le jour suyvant.

Le dimanche 12me Mrs le cardinal de la Vallette, de Chomberg et de la Roche Guyon vindrent disner avesques moy. Ils arriverent comme nous venions d’achever un combat avesques la cavalerie de la Rochelle, proche du Coulombier rouge, ou nous leur tuames deux hommes. Je les menay apres disner a Lafons ou je courus grand fortune d’estre tué de trois coups de canon consecutifs quy tous trois me couvrirent de terre.

Le lundy 13me je fus a Lafons, et fis ce que je peus pour harceler les ennemis affin de les faire sortir pour donner esbattement a La Curée, d’Ucelles et autres quy m’y estoint venus voir.

Le mardy 14me les ennemis sortirent de la porte de Coygnes ; mais ce n’estoit qu’en intention de nous tirer forces canonnades, pensant que nous ferions comme le jour precedent.

Le mercredy 15me je me fis saigner, et ne sortis point de la maison ; car je me trouvois mal.

Le jeudy je fus trouver le roy a Coreilles, quy voyoit travailler a sa digue. Il revint au conseil, et je rammenay de là les tresoriers, quy avoint dilayé depuis la montre de faire le payement de l’armée ou je commandois.

Le vendredy 17me je fis commencer un espic[820] a l’emboucheure du port Neuf quy estoit ouverte, pour empescher que ladite emboucheure ne fut remplie de sable au reflux de la mer.

Toiras arriva de Ré, quy vint servir de mareschal de camp en mon quartier.

Le samedy 18me j’envoyay Mr de Nismes au roy luy demander Mr de Lisle Rouet pour avoir soin de faire travailler nostre digue et venir loger pres de moy, affin d’en delivrer de soin les mareschaux de camp.

Le dimanche 19me j’allay trouver le roy comme il partoit pour aller a Surgeres, quy me donna Lisle Rouet, et au marquis de Neesle le gouvernement de la Fere, vaquant par la mort de Beaumont, de quy on donna toutes les charges, reservant [a son fils][821] une certaine somme sur celle de premier mestre d’hostel.

Le lundy 20me comme j’estois au fort de Lafons, Mrs d’Angoulesme, Chomberg, Vignolles et Marillac m’y vindrent voir, et allames reconnestre le lieu ou ils voulurent faire le fort de Beaulieu[822].

Ce jour là le port Neuf fut ouvert, et les galiottes y entrerent.

Le mardy 21me je fus disner et au conseil cheux monsieur le cardinal. Apres je m’en revins par le canal au port Neuf.

Le mercredy et le jeudy se passerent en mes divers travaux, et le vendredy 24me j’envoyay le regiment de Beaumont : les officiers me vindrent dire adieu, et je fis donner leur logement de Lommeau au regiment du Plessis Pralain.

Le samedy 25me, jour de Nouel, je fis mes pasques.

Le dimanche 26me je passay le canal pour aller disner cheux monsieur le cardinal : puis je fus voir Mr de Rambouillet[823].

Toiras et Le Hallier allerent en l’isle de Ré ou ils demeurerent le lendemain, et le mardy 28me ils en revindrent.

Le mercredy 29me La Ferté m’envoya un espion quy venoit de la Rochelle reconnestre nos quartiers : je le fis pendre.

Le jeudy 30me je fus reconnestre les lieux propres pour y faire des forts et redoutes pour la circonvallation de la Rochelle.

Le vendredy 31me et dernier jour de decembre Toiras m’ammena Des Roches Baritaux que j’accorday avec La Tabariere[824] gendre du Plessis Mornay.


1628.
Janvier.


Le samedy premier jour de janvier et de l’année 1628, je la commencay en faisant mes pasques selon l’obligation que j’en ay comme commandeur du Saint Esprit.

Il y eut allarme au fort de Lafons : les ennemis firent feinte de sortir ; mais ils se contindrent : j’y accourus.

Le dimanche 2me je fus a Netré voir le roy, puis repassay par mer a nostre digue.

Le lundy 3me je passay le canal en barque et vins disner cheux monsieur le cardinal. Le roy y vint tenir conseil ; puis je m'en revins passer a la digue.

Le mardy 4me les ennemis firent une embuscade a nostre garde a cheval proche du Coulombier rouge : j’y arrivay, et les repoussay dans la ville[825].

Je fis ce jour là commencer la circonvallation de la Rochelle en mon departement quy estoit depuis le moulin de Beaulieu jusques au Fort Louis d’ou je tiray une ligne jusques en un lieu ou je desseignois une redoutte au devant de Saint Maurice[826].

Je fus disner cheux Mr de Nismes au Fort Louis avec Mrs de Tours et de la Roche Guyon.

Le mercredy 5me je continuay cette ligne commencée. Il y eut une forte tempeste sur mer.

Le jeudy 6me, jour des Rois, je fus voir le ravage que la tempeste de la nuit precedente avoit fait : elle fit eschouer le vaisseau de Toiras nommé le Petit Ori ; elle jetta contre la rive le bruslot de monsieur le cardinal, et un des vaisseaux murés destinés à boucher le canal de la Rochelle, aplanit la digue de nostre costé et rompit celle de Coreilles.

Le vendredy 7me la tempeste jetta une telle quantité de pierres dans l’emboucheure du port Neuf qu’elle le boucha. Je fis travailler a les oster et continuer puissamment mes travaux.

Fontenay vint demeurer cheux moy trois ou quattre jours.

Le samedy 8me je fis commencer une ligne depuis le fort de Lafons jusques a celuy de Beaulieu.

Le soir j’eus une allarme au Coulombier rouge, des ennemis quy y estoint parus[827].

Beauvilliers[828] me vint trouver à Laleu.

Le dimanche 9me la tempeste fut tres grande. J’ammenay Mrs de Tours et de Nismes, la Boche Guyon, Toiras et Argencourt disner cheux moy.

Le lundy 10me je fus a Netré voir le roy, et retournay par le fort de Beaulieu pour parler a Chomberg.

Le mardy 11me je fis commencer la redoutte de Saint Maurice.

Le mercredy 12me je fus tout le jour a visiter mes divers travaux.

Le jeudy 13me je fus a tous mes travaux.

La nuit les ennemis forcerent la redoutte de Labori[829] sur les onse heures du soir vers Coreilles, et par mer prindrent deux pinasses du roy.

J’avois ce jour là disné cheux Mr de Chomberg quy me dit que la nuit precedente il estoit entré six vingts bœufs dans la Rochelle, mais que l’on ne sçavoit pas sy c’estoit du costé que je gardois, ou du leur. Je l’asseuray que du mien rien n’y estoit passé.

Le vendredy 14me je fis adjouter a mes autres travaux la construction de la redoutte du Coulombier rouge. Je fis sonder les marais de Lafons et doubler toutes mes gardes pour empescher que rien n’entrat dans la ville, et me fis certain que les bœufs n’y avoint point passé, au moins dans mon quartier.

Le roy quy estoit allé passer quelques jours a Marans, ou La Roche-Guyon mourut, fut averty par Mr d'Angoulesme des le lendemain que les six vingts bœufs furent entrés dans la Rochelle, et[830] luy manda qu'ils estoint entrés par mes quartiers, dont le roy fut fort en colere et m’envoya le marquis de Grimaut[831] le samedy 15me de janvier, par lequel il me fit tesmoygner le mescontentement qu’il avoit de ma negligence et de mon peu de soin. Je fus tellement indigné de cette ambassade que je ne luy voulus respondre autre chose sinon que j’estois bien d’accord que ces bœufs estoint entrés, mais que je ne l’avois sceu empescher, et que je verrois Sa Majesté a laquelle je rendrois compte de l’impossibilité de cette affaire, et que ce seroit quand il me commanderoit de l’aller trouver, et non autrement.

J'envoyay le dimanche matin le sieur de Lisle Rouet trouver le roy, lequel avoit veu comme il n'y avoit aucune trace de bœufs entrés dans la Rochelle en tout mon departement, et le priay en s’en allant a Netré (luy quy estoit chasseur et bon connoisseur), de revoir[832] par le chemin ou ces bœufs pouvoint estre entrés, lequel de bonne fortune en vit la piste entre Perrigny[833] et Netré. Comme il fut arrivé pres du roy, il luy tesmoygna le juste mescontentement que j’avois d’estre blasmé des fautes des autres, et que, sans m’avoir ouï, ny averé le fait, sur la relation de mon ennemy, le roy ne m’eut pas seulement jugé, mais condamné : « Comment, ce luy dit le roy, le mareschal de Bassompierre ne nie pas que ces bœufs ne soint passés de son costé : il dit seulement qu’il ne l’a pas sceu empescher. Et pourquoy est il donc là, sy ce n’est pour empescher que rien n’entre dans la Rochelle ? » Il luy respondit : « Vrayment, Sire, il n’avoit garde de les empescher, puis qu’ils sont entrés par le quartier de Mrs d’Angoulesme et de Chomberg. Car je puis respondre a Vostre Majesté premierement qu’il n’en est entré un seul par les quartiers qu’il garde, et en suitte luy asseurer qu’il en est entré six vingts par les quartiers de deça, comme j’offre presentement de montrer sy Vostre Majesté veut envoyer avec moy quelqu’un quy soit chasseur. » Il envoya sur cela querir Mrs d’Angoulesme et de Chomberg, a quy Lisle Rouet maintint que ces bœufs estoint entrés par leurs quartiers ; et avec un nommé Croysille que le roy envoya avec eux, ils monterent a cheval, et il leur en montra la piste.

Sur ces entrefaites j’estois venu au fort de Lafons quy estoit desja en deffense : Mr du Hallier, Marcheville[834], La Courbe, don Augustin Fiesque, et d’autres estoint avec moy. Nous vismes sortir vingt cinq cavaliers armés de la porte de Coygnes. Je fis prendre cinquante mousquetaires a Mr du Hallíer, et huit de mes gardes avec quelques volontaires, pour les aller faire rentrer en leur taniere. Il partit donc, et moy je le suyvis comme les mousquetaires sortoint du fort, et voyant qu’il s’avançoit par trop dans la rue du faubourg de Lafons vers les ennemis, je courus a luy pour le faire arrester. Mais comme nous y estions, nous rencontrames en un destour de rue ces ennemis a douse pas de nous, ce quy nous fit faire ferme, parce que nous n’estions que dix chevaux et ces huit gardes, et qu'ils estoint tous armés de toutes pieces. Eux aussy en mesme temps firent halte, et La Courbe leur cria : « Messieurs, il y fait bon, vous n’aurés pas toujours deux cordons bleus en sy belle prise. » En mesme temps un de mes gardes tira de sa carabine ; et eux, croyans a nostre contenance que nous estions suyvís, se retirerent, et lors nous les poursuyvismes, voyant leur espouvante, et les fismes jetter dans leur contrescarpe ou ils furent soustenus de deux cens mousquetaires sortis de la ville quy commencerent a escarmoucher avec ces cinquante hommes sortis du fort, et j’en envoyay encor querir cent, lesquels arrivés et nostre garde a cheval quy estoit venue au bruit, comme d'autre costé La Borde Vely avec trente chevaux legers, quy estoit en garde devant le fort de Beaulieu, y estant accouru, les ennemis jugerent que la partie n’estoit pas tenable ; mais voyant en rentrant dans la porte de Coygnes Mrs d’Angoulesme et de Chomberg occupés a remarquer l’entrée des bœuís, allerent a eux, ce quy les mit en peine ; et moy le voyant j'y vins au galop les soutenir avec la compagnie de Marconet[835] que je fis suyvre. Je trouvay Mr de Chomberg a la teste l’espée à la main luy cinquieme et Mr d’Angoulesme quy alloit et venoit avec huit ou dix hommes pour ne laisser pointer des canons sur luy, quy ne furent pas marris de mon arrivée, laquelle fit retirer les ennemis, quy se contenterent de nous tirer forces canonnades.

Le lundy 17me on m’ammena sept prisonniers quy avoint voulu se jetter dans la ville, gens de bonne mine sy on leur eut peu oster l’extreme peur qu’ils avoint d’estre pendus. Mais je les traittay doucement.

Je m’en allay trouver le roy a quy je fis forces plaintes, et luy certes me satisfit par forces paroles d’estime et d’affection de ma personne.

Quelques espions qu’il entretenoit dans la bastille luy donnerent avis que les Rochelois avoint une entreprise sur le Pont de la Pierre qu'ils devoint cette nuit mesme venir petarder. Monsieur le cardinal n’y estoit pas alors : il estoit allé par mer en Brouages, et le vent contraire retardoit son retour. Le roy prit l’allarme bien chaude et me l’envoya donner avec la mesme lettre qu’il avoit receue quy contenoit que six cens hommes devoint sortir par mer dans des barques de la Rochelle et venir en haute mer aborder dans les platains[836] d’Angoulains, mettre pié a terre, forcer a coups de petard le Pont de la Pierre et puis se rembarquer dans leurs mesmes barques et s’en revenir a la Rochelle. Quand j’eus fait reflexion sur cette lettre, je jugeay l’avis impertinent et manday au roy que six cens hommes dans des barques se voyent venir par le canal ; qu’ils ne s’oseroint hasarder de se jetter dans les platains, car ils seroint perdus : qu’ils ne sçauroint se desbarquer sans estre deffaits par les regimens de Piemont et de Rambures, logés a Angoulains, devant le quartier desquels ils devoint forcement passer ; que quand bien ils prendroint sans resistance le Pont de la Pierre dont le chasteau est bon, bien fossoyé, et quy peut estre deffendu par vingt hommes contre toute la puissance de la Rochelle s’ils n’ammenoint du canon, ils ne se pourroint rembarquer a cause de la mer quy seroit en une heure retirée des platains, et que par consequent Sa Majesté pouvoit dormir en repos, l'asseurant que, sy les ennemis l’entreprenoint, j’avertirois par trois coups de canon tirés du Fort Louis leur arrivée, plus d’une heure avant qu’ils se peussent desbarquer, et que ce seroit une gorge chaude pour les regimens de Piemont et de Rambures. Nonobstant toutes ces raysons ceux quy estoint pres du roy le conseillerent de monter a cheval : Mr d’Angoulesme dit qu’il seroit proche des platains avec trois cens chevaux ; Marillac supplia au roy de luy permettre de garder le Pont de la Pierre avec deux cens hommes, et firent tout ce que l’on eut peu faire s’il y eut eu trente mille hommes dans la Rochelle, faisans passer la nuit a cheval au roy sans rayson ny sujet.

Le mardy 18me six grosses barques de la Rochelle sortirent la nuit du canal. Les vaisseaux du roy quy estoint en garde quitterent leur poste : on nous donna une forte allarme, et le roy fut encores toute la nuit sur pié, et moy aussy.

Le mercredy 19me je fus tout le jour a visiter mes travaux, tant du fort de Lafons que je faisois mettre en perfection que des lignes de circonvallation, que de la digue et du port Neuf.

J’en fis de mesme le jeudy 20me.

Le vendredy 21me je fus prendre congé du roy quy s’alla remettre des fatigues inutiles que l’on luy faisoit prendre, a Surgeres. J’allay de là voir monsieur le cardinal quy me mena disner cheux Marillac au fort de Coreilles ; et l’apres disner quinse vaisseaux murés par dedans luy estans arrivés, il en fit enfoncer sept devant luy pour ayder aux deux digues de fermer le canal. Huit galiottes des ennemis sortirent de leur port et vindrent fort avant contre les nostres. Cependant les canonnades de la Rochelle faisoint beau bruit, et monsieur le cardinal me fit passer le canal pour aller en mon quartier donner ordre de repousser ces galiottes a coups de canon.

Ce jour mesme on eut nouvelle que les flottes jointes ensemble, françoise et espagnole, estoint a l’ancre a Saint Martin de Ré, commandées par Mr de Guyse et sous luy don Fadrique de Toledo[837].

Ce jour mesme la redoutte de Saint Maurice fut achevée.

Le samedy 22me je vins trouver monsieur le cardinal sur la digue de Coreilles, quy attendoit Mr de Guyse et don Fadrique quy y arriverent. Il me vint ce jour la une belle galiotte que Vassal m’avoit fait faire et esquiper dans laquelle, apres avoir salué les deux amiraux, je m’en revins en mon quartier.

Le dimanche 23me je vins prendre Chomberg en passant, et allasmes ensemble disner cheux le garde des sceaux quy nous avoit conviés affin de tenir conseil l'apres disner sur les affaires des Grisons.

La nuit precedente les Rochelois estoint sortis en basse mer contre l’estaquade de vaisseaux murés, ou ils avoint tasché de mettre le feu : ils y tuerent un brave capitaine de Piemont quy estoit biarnois nommé Baurs[838].

Le lundy 24me le roy m’envoya commander de faire mettre une compagnie de chevaux legers en garde pendant la basse mer, durant la haute marée, ce que je fis le mesme soir, et y allay moy-mesme.

Nous cessames nos travaux a cause du grand froid.

Blainville arriva ce jour là en mon quartier, que je logeay.

On pensoit faire entrer seise bœufs dans la Rochelle, quy furent pris par les gardes du Coulombier rouge du regiment de Ribeyrac.

Le mardy 25me le grand froid continua, et nos travaux cesserent.

Mr de Guyse vint loger en mon quartier. Il y eut allarme dans la basse marée au canal, quelques ennemis ayans fait semblant de sortir. J’y allay avec mille hommes suisses ou françois : Mr de Guyse y voulut venir, et, l’allarme cessée, me pria que je le menasse jusques a mes sentinelles plus avancées, ce que je fis sy bien que nous allames toucher une piece des ennemis qu’ils ont sur leur port pour couvrir une machine quy leur fait retenir l’eau de la haute mer dans leurs fossés, que l’on nomme le Larron.

Le mercredy 26me Mr de Guyse retourna au quartier du roy, sy enrhumé qu’il ne pouvoit parler ; et le roy luy ayant demandé d’ou luy venoit cela, il luy dit que c’estoit l’os d’un gigot de mouton dont je lui avois fait taster la nuit precedente (cette piece quy couvroit le Larron s’appeloit le Gigot de Mouton).

Le jeudy 27me janvier je passay en galiotte en Coreilles ou monsieur le cardinal y vint, quy me mena cheux le roy ou don Fadrique de Toledo eut audience. Le marquis Spinola et le marquis de Leganesse[839], son gendre, y arriverent.

Le vendredy 28me la gelée continua furieusement. Je demeuray en mon quartier avec Blainville. Feuquieres[840] fut pris par les ennemis, et le lieutenant des gardes de monsieur le cardinal y fut tué[841], allans reconnestre le pont des Salines[842].

Le samedy 29me je passay a Coreilles, et fus a pié au quartier du roy pour visiter le marquis de Spinola et celui de Leganesse, et dire adieu a don Fadrique quy s’en alloit. J'allay aussy visiter le marquis de Rambouillet, nouvellement revenu d’Espaigne[843], quy s'estoit rompu un bras, a quy j’avois presté mon logis de Netré pour s’y faire guerir.

Le dimanche 30me Mr de Nismes vint disner cheux moy.

Les ennemis firent une sortie par la porte Neuve : nous les repoussames.

Le lundy, dernier de janvier, Mrs de Guyse et de Mendes vindrent disner avesques moy et dire a Blainville qu’il ne pourroit voir le roy comme il pretendoit. Je les rammenay a Coreilles, et en passant le canal, une volée de canon de la Rochelle emporta un des avirons de ma galiotte.

Fevrier. — Le mardy, premier jour de fevrier, je m’en vins par mer a Coreilles ou je trouvay le roy quy m’emmena en son quartier, me fit donner a disner dans la chambre de Mr le Premier[844]. Les marquis de Spinola et de Leganesse prindrent congé du roy : je leur fus dire adieu ; puis monsieur le cardinal me rammena a Coreilles, et je le menay voir sur ma galiotte ses vaisseaux enfoncés.

Le mercredy 2me, jour de la Chandeleur, je fis mes pasques.

Le froid continua fort grand.

Je posay des gardes sur quelques vaisseaux murés, et sur le petit chasteau que Pompée Targon enfonça au millieu du canal, quy subsista toujours.

J’allay le soir faire garde a cheval sur le canal en basse marée.

Le jeudy 3me je fus trouver a Coreilles monsieur le cardinal quy faisoit enfoncer dans le canal les vaisseaux murés. Il acheva cette estaquade de vaisseaux, et y en employa trente et un.

Le vendredy 4me je passay le canal pour voir monsieur le cardinal. De là nous allames, Mr de Guyse et moy, voir Mr d’Effiat quy avoit esté malade a la mort : puis nous revinmes voir le roy, et de là je m’en revins par mer en mon quartier.

Le samedy 5me je fis tracer par le Plessis Besanson[845] le fort de Sainte Marie[846] : puis j’allay a Lafons ou les ennemis firent une sortie.

Le soir j’allay avec la garde a cheval en basse marée sur le bord du canal. Il y eut tempeste au montant de la mer.

Le dimanche 6me Mr de Guyse partit ayant auparavant esté disner cheux moy. Il emmena Blainville quy n’avoit bougé de cheux moy depuis son arrivée. Je leur prestay mon carrosse pour les mener a Saumur. Puis je fus en chalouppe dans le canal pour voir nos vaisseaux enfoncés, que la tempeste avoit mis hors de leur lieu destiné.

Le lundy 7me les ennemis sortirent pour prendre dans leur canal en basse mer le desbris des vaisseaux que la tempeste avoit rompus, et nos gens les en empescherent : il y en eut de tués de part et d’autre.

Le mardy 8me Mrs d’Angoulesme et de Chomberg eurent brouillerie.

Je fus le matin voir le roy quy me fit apprester a disner a la chambre de Mr le Premier : puis il tint conseil. Monsieur le cardinal me rammena à la digue, d’ou j’emmenay Mr de la Rochefoucaut loger cheux moy.

Le mercredy 9me je passay cheux le roy quy me fit traitter, comme le jour auparavant. Apres disner Beautru le jeune[847] me brouilla malicieusement avec le roy quy me maltraitta. Je pris congé de luy ce soir là parce qu’il partoit le lendemain pour s’en aller a Paris, ayant donné un ample pouvoir a monsieur le cardinal pour commander en son absence, dont nous nous contentames.

Il partit donc le jeudy 10me pour s’en aller a Paris.

Le vendredy 11me j'allay disner a Angoulains cheux monsieur le cardinal quy tint conseil de guerre l’apres disner.

On eut ce jour là nouvelle de la mort du cardinal de Sourdis[848].

Le samedy 12me je fis tracer le fort de Sainte Marie.

Le dimanche 13me je fus disner, et au conseil, au Pont de la Pierre, et fis commencer le fort de Sainte Marie.

Le lundy 14me je fus tout le jour a visiter tous mes differens travaux.

Le mardy 15me, comme je voyois travailler au fort de Sainte Marie, j’apperceus quelque vingt chevaux des ennemis sortir de la porte Neuve et passer le marais vers le fort Saint Esprit. J’accourus a la redoutte du Coulombier rouge ou il y avoit de garde douse chevaux legers de la compagnie de la Roque Massebaut, a quy je fis mettre salade en teste, et ordonnay a un brave soldat nommé Rives[849], quy les commandoit, que lors que je luy ferois sinne du fort Saint Esprit et que j’irois a la charge, qu’il y vint aussy de son costé, et je m’en allay au galop au fort Saint Esprit, faisant sortir cinquante mousquetaires sur la contrescarpe pour me favoriser. J’avois un gentilhomme, deux de mes gardes, et un capitaine du regiment de Vaubecourt, nommé Moleres[850], avec moy ; et comme je sortis du fort pour voir leur contenance, j’ostay mon chapeau pour commander quelque chose au comte de Ribeyrac quy estoit de garde au fort avec partie de son regiment : Rives creut que je luy faisois le sinne que je luy avois dit, et vint a la charge a toute bride. Comme je vis que l’affaire estoit embarquée, je poussay aussy, moy cinquieme, de telle sorte que les ennemis ne soutinrent pas nostre charge, et voulurent repasser le marais. Mais nous leur tuasmes deux chevaux et un homme, et je pris prisonnier, quy se rendit a moy, un jeune gentilhomme neveu de Mr de Courtaumer[851], bien monté et armé, quy faisoit la retraitte : il se nommoit Bonneval, que monsieur le cardinal m’envoya demander pour tascher de l'eschanger avesques Feuquieres[852].

Le mercredy 16me je continuay mes travaux, et eusmes allarme la nuit, de deux barques quy partirent de la Rochelle, sur lesquelles les vaisseaux quy estoint a l’ancre tirerent forces canonnades. Car les grands vaisseaux ayans demandé a se retirer pour aller hiverner a Brest, ne pouvant tenir durant les tourmentes sur ces basses mers, le commandeur de Valançay proposa de garder tout l’hiver les vaisseaux quy estoint au dessous[853] de deux cens tonneaux de port, quy estoint vingt et deux en nombre, avec lesquels il offroit de garder l’emboucheure du canal, mesmes contre une flotte angloise, sy elle venoit, ce qu’il executa comme il l’avoit promis, a cause du secours qu’il avoit des deux costés, du peu d’eau qu’il y avoit dans le canal, quy faisoit que les grands vaisseaux n’en pouvoint approcher, et de la crainte que les autres avoint de s’eschouer a une des deux rives ou leur ruine estoit evidente.

Le jeudy 17me je fus au conseil cheux monsieur le cardinal ; puis je repassay par mes travaux.

Le vendredy 18me nous fismes garde sur le bord du canal en basse marée.

Le samedy 19me les ennemis sortirent vers le fort de Beaulieu, ou j’allay.

Le dimanche 20me, il y avoit quelques jours que monsieur le cardinal se trouvoit mal ; mais ce jour là il eut la fievre tres forte. Je le fus voir.

Le lundy 21me les ennemis vindrent pour enlever la redoutte de Lafons quy n’estoit encores du tout parachevée. Mais ils y trouverent de la resistance, et la cavalerie vint promptement au secours avec deux cens hommes quy sortirent du fort de Lafons.

Le mardy 22me je fus tout le jour occupé a mes travaux.

Le mercredy 23me j’en fis de mesme.

Le jeudy 24me je vins disner au Pont de la Pierre ou le conseil se tint.

Mr du Hallier partit pour aller a Paris.

Je fus dire adieu a Mr de Rambouillet, et vins voir Beauvilliers quy se mouroit.

Le vendredy 25me le temps fut mauvais : on ne travailla point.

Le samedy 26me Jean Farine[854] vint tirer un coup de pistolet a un Suisse quy levoit des gasons pour la redoutte de Lafons. J’estois là aupres avec M. de Toiras quy passa pour courre apres, et d’autres aussy, et moy de mesme ; nous allames jusques a la barriere de la porte de Coygnes quy estoit fermée, et Jean Farine se jetta dans la contrescarpe. Il n’y avoit pas un homme sur les remparts pour nous tirer, hormis au retour que l’on nous tira cinq canonnades qui faillirent a nous tuer.

Le soir un prisonnier nommé Saint Siforien se sauva de mes prisons.

La tempeste commença par un siroist[855] qui dura toute la nuit.

Le dimanche 27me la tempeste continua, quy fit cesser le travail de nostre digue.

Le lundy la pluye extreme fut cause que l’on ne peut travailler a aucune chose.

La nuit une barque de la Rochelle sortit malgré nostre armée de mer.

Le mardi 29me je fus disner cheux Chomberg ; puis j’allay cheux monsieur le cardinal au conseil. De là j’allay visiter Mr de Beauvilliers qui tiroit a la fin.

Mars. — Le mercredy premier jour de mars j’eus nouvelle de sa mort.

Ce jour là ma circonvallation fut achevée de fermer.

Je m’en allay le soir promener sur la mer.

Le jeudi 2me je fus tout le jour occupé a mes ouvrages.

Le vendredy 3me je vins disner a Netré cheux Chomberg quy y estoit venu loger.

Nous accordames Ambleville[856] et Sabran[857].

La Melleraye se battit contre....[858], Rochelois, et fut blessé. Mr de Chomberg et moy le fusmes voir en son quartier de Niueil[859].

Le samedy 4me je me fis saigner. Forces gens me vindrent voir.

Le dimanche 5me monsieur le cardinal m’envoya querir au conseil, ou nous jugeames La Melleraye a bannissement et perte de sa charge, pour s’estre battu sans permission de monsieur le cardinal ou de moy : mais en suitte monsieur le cardinal trouva bon que j’escrivisse au roy en sa faveur.

Le lundy 6me je vins recevoir au commencement de mon departement, Mrs d'Angoulesme, Chomberg, La Curée, Marillac, Chasteauneuf et autres, quy me vindrent voir, et disner cheux moy.

Le mardy 7me, jour de caresme prenant, Mr de Chomberg nous festina, et moy le soir fort bonne compagnie. On ne travailla point ce jour là.

Le mercredy 8me de mars, jour des Cendres, Toiras alla descoupler ses chiens courans pour courre un lievre entre nos lignes et la Rochelle, a la mercy des canonnades de la ville. Je l’en allay retirer, et me fascher contre luy, quy ne laissa pas de venir souper avec moy.

Le jeudy 9me je fus au conseil cheux monsieur le cardinal.

Le vendredy 10me monsieur le cardinal m’escrivit de le venir trouver le lendemain samedy 11me, ce que je fis, et il me communiqua l’entreprise qu’il avoit faite de petarder la Rochelle par le canal quy y entre et fait le port, me convia d’y venir avec deux mille hommes de pié et trois cens chevaux. Je fis le soir battre au champ a la sourdine, et marchay droit a Ronsay ou estoit mon rendés vous. Monsieur le cardinal y arriva peu apres avec pareil nombre de gens de guerre. Nous fismes nostre ordre, prets a soustenir le petard, et donner : mais Marillac et les porteurs de petard avec cinq cens hommes quy devoint donner devant nous, ne se trouverent de toute la nuit quy se passa sans allarme dans la ville, ou on ne sceut rien de nostre entreprise que le lendemain au soir. Je m’en revins malade d’une apostume a la gorge, quy se perça le mesme soir, que l’on croyoit estre une peste.

Nous revinmes de cette belle entreprise quy fut sy mal executée le dimanche 12me auquel j’eus une tres forte fievre. Monsieur le cardinal m’envoya Mr Sitoy son medecin quy demeura aupres de moy.

Elle me continua encores le lundy 13me auquel a cinq heures du matin Marillac fit une entreprise pour reparer celle du pont des Salines[860], au fort de Tadon[861], quy luy reussit aussy mal, et ceux quy la tenterent se retirerent en desordre sur un mot que dit Marillac, quy fut : « Tournés », au lieu de dire : « A droitte », pour se retirer, de sorte qu’il y eut une grande confusion et plus de quarante que tués que blessés.

Le mardy 14me ma fievre continua. La Melleraye me vint dire adieu.

Le mercredy 15me je fus saigné. Forces gens me vindrent voir.

Le jeudy 16me je fus encores saigné, et ma fievre diminua par la grande quantité de matiere que ce charbon jetta.

Le vendredy 17me ma fievre me quitta : je me levay : Chomberg me vint voir et disner avec moy.

Le samedy 18me je demeuray encores a la chambre de peur du froid.

Le dimanche 19me je pris medecine.

Monsieur le cardinal me donna, au lieu de Lisle Rouet quy s’en estoit allé a son gouvernement de Conquernau[862], Mr de Tavannes et l’abbé de Beauveau[863] pour m’ayder a faire la digue et a en prendre le soin sous moy.

Le lundy 20me monsieur le cardinal me vint voir, et je sortis, pour la premiere fois de ma maladie, et l’accompagnay a tous mes travaux qu’il fut visiter, et les trouva excellens.

Mr du Hallier revint ce jour là de Paris.

Le mardy 21me il reprit[864] le soin de nos travaux qu’il trouva quasy parfaits, et je le fus mener les voir.

Le mercredy 22me le mauvais temps fit cesser tous nos ouvrages.

Une barque entra la nuit dans la Rochelle malgré nos chalouppes de garde, et deux autres eschouerent du costé de Coreilles, l’une desquelles (ou commandoit un nommé Sacremore) se deffendit sy bien que malgré la forte attaque quy luy fut faite par Marillac, elle entra encor dans le port des que la marée revint : un nommé David[865] commandoit la premiere entrée, quy porterent en la ville vingt et deux tonneaux de blé.

Ce mesme jour mon neveu de Bassompierre arriva au siege de la Rochelle.

Le jeudy 23me je fis faire une batterie sur le bord de la mer, de quatre canons, entre le port Neuf et la digue, quy fut achevée le vendredy[866].

Le samedy 25me je fis mes pasques.

L’ainé Rotelin[867] quy avoit la lieutenance de l'artiglerie par la mort de son frere, arriva en mon quartier.

Le dimanche 26me Marillac me vint trouver pour se raccommoder avec moy : je m’estois fasché contre luy quelques jours auparavant. Il disna avec moy et Fontenay Mareuil.

Mr le cardinal de la Vallette revint ce jour là a Netré.

Le lundy 27me la tempeste vint d’un vent de siroist. Nous ne peumes travailler.

Le mardy 28me je fus voir a Perrigny Mr de Chomberg malade, puis a Netré Mr le cardinal de la Vallette arrivé.

Le mauvais temps fit cesser tous nos ouvrages.

Le mercredy 29me un tambour de la Rochelle me vint trouver pour me parler de quelques prisonniers, par lequel j’eus avis des necessités quy commençoint a la Rochelle, de leur attente du secours anglois, de la creance qu’il forceroit la digue et mettroit des vivres dans leur ville, ce que manquant ils traitteroint, comme aussy des nouvelles qu’ils avoint de Mr de Rohan[868], dont je donnay avis a monsieur le cardinal.

Le jeudi 30me Mr le cardinal de la Vallette et Chomberg me vindrent voir, disnerent avec moy et visiterent mes travaux, batteries et digues.

Le vendredy 31me[869] je m’occupay a les continuer.

Avril. ― Le samedy, premier jour d’avril, j’allay disner cheux monsieur le cardinal, puis tenir conseil ou il fut resolu que Mr de Chomberg s’en iroit en Limousin pour empescher que rien ne s’y remuat.

Le dimanche, lundy et mardy, je fis perfectionner toute la circonvallation quy estoit tres belle, et en creuser les fossés davantage.

Ce mardy un coup de canon de la tour de Saint Bartelemi donna entre les jambes de mon cheval sans faire aucun mal. Je fus cette semaine sujet a estre canonné : car le mercredy 5me un autre coup de canon me couvrit de terre a Lafons et tua trois soldats a quy je parlois.

Le jeudy 6me le tambour de la Rochelle me vint trouver et m’apporta forces lettres de ceux de la Rochelle avec quy j’estois en intelligence. Je passay le canal avec Mr de Chasteauneuf quy estoit venu disner avesques moy, et les portay a monsieur le cardinal.

Le vendredy 7me sur la response que le roy m’avoit faite en faveur de Mr de la Melleraye et ce qu’il en avoit escrit a monsieur le cardinal, il revint a l’armée faire sa charge.

Il y eut tempeste sur mer par un surouest.

Le samedy 8me monsieur le cardinal vint disner cheux moy avec Mr le cardinal de la Vallette et plusieurs autres. Je luy fis voir le projet des machines que Le Plessis[870] avoit inventées, qu’il trouva fort a son gré et me commanda d'y faire travailler.

Je fis mettre quattre canons au fort de Saint Esprit.

Le dimanche 9me on ne travailla point, ny le lundy aussy, pour le mauvais temps.

Le mardy 11me monsieur le cardinal nous envoya querir pour disner avecques luy et tenir conseil, auquel Le Coudray Montpensier[871] fut suspendu de sa charge de capitaine de chevaux legers.

L’apres disner, comme j’estois au fort de Lafons, quelque cavalerie des ennemis sortit au champ de Mars (ainsy appelloit on une vallée entre le fort et la ville, ou les canonnades de l’un et de l’autre ne pouvoint offenser et ou tous les jours il y avoit quelque petite escarmouche) ; celle là ne le fut pas : car les ayant repoussés avec ma garde a cheval ils sortirent deux cens hommes de pié de la ville. J’en fis sortir autant, et manday a Mr de la Melleraye qu’il fit avancer cinquante mousquets sur le haut a nostre main gauche. Mais les ennemis sortirent encor deux cens hommes sur luy, et luy ayant tué a ses piés celuy quy menoit ces cinquante soldats quy avoint tiré toute leur poudre, ils[872] se retirerent bien viste et laisserent leur mestre de camp : sur quoy je poussay avec quinse chevaux de mes gardes, l’espée a la main, droit a luy, pendant que Mr du Hallier par le faubourg, et Villemontée cornette des chevaux legers de Monsieur avec vingt maitres, par le champ de Mars, firent pareille charge, et retirasmes Mr de la Melleraye quy sans cela alloit estre pris. Je fis venir deux cens hommes du fort Sainte Marie, la compagnie de cavalerie de Marconet quy y estoit en garde, et autres deux cens hommes du fort de Lafons, avesques quoy nous fusmes jusques a la nuit aux mains avec les Rochelois favorisés de leurs courtines et contrescarpe, quy en fin nous separa avec perte d’un costé et d’autre de trente hommes au moins.

Le mercredy 12me, jour de ma nativité, comme aussy les suyvans, jeudy et vendredy, furent employés a nos occupations ordinaires.

Le samedy 15me je fus voir Mr de Montbason arrivé a Netré que je rammenay par Saint Regratien[873] voir Mr le comte d’Alais malade[874], coucher en mon quartier.

Ce jour là nous bouchames les canaux des fontaines allans a la Rochelle.

Le dimanche 16me je fus disner a Netré cheux monsieur le cardinal quy m’emmena avecques luy a Surgeres au devant du roy quy revenoit de Paris en son armée.

Le lundy 17me le roy arriva a Surgeres, et le mardy je m’en revins a Laleu.

Le mercredy 19me je fis la nuit mettre le feu aux deux moulins a vent quy estoint devant la porte de Coygnes.

Le jeudy saint, le vendredy et le samedy, comme aussy le dimanche de Pasques auquel je fis mes pasques, il ne se passa rien d’extreordinaire.

Le lundy 24me je fus disner avec monsieur le cardinal, puis avec luy au devant du roy quy arriva a Netré. Le soir nous fismes salves dans tous les quartiers pour resjouissance de son arrivée, et fismes tirer forces canonnades tant sur terre que sur mer.

Le mardy 25me tous les nouveaux venus de Paris me vindrent voir et disner avec moy, admirans mes travaux.

On fit sommer les Rochelois par un heraut qu’ils ne voulurent ouir.

Je fis la nuit tirer dans la ville, du Fort Louis, des balles a feu quy le mirent en deux endroits avec grande rumeur par la ville.

Le mercredy 26me le roy m’envoya mander que je le vinsse trouver a Coreilles avec ma galiotte, quy estoit la plus belle et la mieux esquipée qu’il estoit possible. Il se mit dessus pour voir les deux digues, puis vint a son armée de mer, de laquelle il fut salué de quantité de canonnades. Il monta dans le vaisseau amiral, puis s’en revint par les platains d’Angoulains a Netré ou je disnay.

Le jeudy 27me je fis parachever de couper les tuyaux des fontaines.

Le vendredy 28me je fus disner cheux monsieur le cardinal, puis au conseil cheux le roy, ou il fut traitté des moyens de resister a la flotte angloise dont on avoit nouvelle de la venue.

Le samedy 29me le roy m’envoya donner avis (qu’il me manda pour certain), que les Rochelois devoint la nuit prochaine faire un effort sur le fort de Lafons, dont je me moquay. Je ne laissay pas neammoins d’y aller passer la nuit sans y renforcer les gardes.

Le dimanche 30me je fis commencer une grande batterie sur la pointe de Chef de Bois que je fis fermer et fortifier.

May. ― Le lundy, premier jour du mois de may, le roy vint visiter mes quartiers, mes forts, et mes lignes, dont il fut fort satisfait.

Le mardy je fis continuer la batterie de Chef de Bois.

Le soir il y eut allarme a Lafons, ou je passay toute la nuit.

Le mercredy 3me forces gens me vindrent voir.

La nuit il y eut une fausse allarme de l’arrivée de la flotte angloise quy devoit faire descente au Plom, ce quy me tint encor a cheval toute la nuit.

Le jeudy 4me il y eut un fort mauvais temps.

Le vendredy 5me je fus disner cheux Mr de Chomberg, et puis nous allames ensemble au conseil.

Le samedy 6me Mrs le cardinal de la Vallette, Montbason, et autres, vindrent disner cheux moy. Je les rammenay dans ma galiotte a Coreilles ou monsieur le cardinal et Chomberg arriverent, que je rammenay a Chef de Bois et au port Neuf.

Le dimanche 7me le pere Josef[875] vint loger en mon quartier avec quelques ingenieurs qu’il ammena pour entreprendre quelque chose de nouveau aux canaux des fontaines de la Rochelle. Je les laissay faire.

Ce jour fut tres mauvais et gasta quelque chose a mes travaux que je fis raccommoder le lendemain lundy 8me, que Saint Chaumont me vint voir et disner cheux moy.

Le mardy 9me je fis mettre douse canons a la batterie de Chef de Bois, et les munitions necessaires.

Le mercredi 10me je fus disner cheux monsieur le cardinal, et puis je repassay par tous mes travaux ausquels je mis l’ordre necessaire en cas de l’arrivée de la flotte dont nous avions eu nouvelles certaines du partement.

Le jeudy 11me Mr de Mailsais (nouveau archevesque de Bordeaux)[876] et plusieurs autres, estans venus disner cheux moy, je les menay apres a la batterie de Chef de Bois sur le midy, auquel temps la flotte angloise parut aux Baleines[877], quy ayant esté apperceue par une sentinelle qu’a cet effet on avoit posée sur le clocher d’Ars en l’isle de Ré, Toiras en ayant eu avis envoya en toute diligence faire le sinnal dont j’estois convenu avec luy sur le fort de la Prée, quy estoit de trois coups de canon et d’une espaisse fumée. Je l’apperceus en mesme instant de la batterie de Chef de Bois ou j’estois avec ces messieurs, et fis faire aussy le sinnal pour avertir nos armées de terre et de mer, quy estoit de trois coups de canon de laditte batterie, et en envoyay donner avis a monsieur le cardinal (quy s’estoit venu loger de mon costé en un chasteau nommé la Saussaye a demie lieue de Lafons). Allors nostre armée navale, commandée par le commandeur de Valançay, se mit sur ses voiles s’avançant vers la pointe de Saint Blanceau. Sur les deux heures l’avant garde angloise parut vers Saint Martin de Ré. Le roy en fut aussy tost averty par monsieur le cardinal quy s’en vint a Coreilles avec luy pour voir venir l’armée navale des ennemis. Monsieur le cardinal alla loger a Netré affin de pourvoir a ce costé là. Toute la flotte quy marchoit en trois ordres estoit composée de cinquante deux vaisseaux, sçavoir quattre grandes roberges du roy, sept autres vaisseaux de cinq cens tonneaux de port et quarante et un petits vaisseaux de cent tonneaux en bas[878], tant bruslots que vaisseaux chargés de vivres, a ce que l’on pouvoit conjecturer ; ce quy nous donna une entiere asseurance qu’ils ne pourroint faire aucun effet et que nostre flotte estoit sans comparaison plus forte que la leur, parce que les roberges ny autres grands vaisseaux ne trouvoint pas assés d’eau pour entrer dans le canal.

Sur les sept heures du soir la flotte angloise s’approcha pour rader a Chef de Bois. Mais pour les en empescher je fis tirer de la batterie quelque cinquante volées de canon sur les vaisseaux d’avant garde, dont trois coups porterent dans le corps des vaisseaux et tuerent quelques hommes, et les autres dans les voiles ; ce quy leur fit prendre au large vers le pertuis d’Antioche[879] vis a vis du canal de la Rochelle, ou ils se mirent a l’ancre. L’armée navale du roy prit son poste[880] dans le canal entre les deux pointes, et on garnit l’estaquade des vaisseaux enfoncés du regiment de Chastelier Barlot de mon costé, et de celuy d’Estissac du costé de Coreilles. On mit aussy entre la digue et la ville trente six galiottes sur lesquelles on mit, outre l’ordinaire, vingt hommes sur chascune, pour empescher les sorties que ceux de la ville pourroint faire dans le canal. Je fus la nuit visiter nostre armée navale que je trouvay en tres bon ordre et bien animée au combat.

Le vendredy 12me de may le roy quy estoit a Surgeres arriva de bonne heure au bruit de la venue des Anglois[881], lesquels demeurerent a l’ancre. Je fus trouver monsieur le cardinal dans le canal, quy visitoit les estaquades. La tourmente commença l’apres disner, quy fut bien violente. Je fus la nuit visiter mes forts, et ma batterie de Chef de Bois.

Le samedy 13me je fus faire rembarquer nos gens que la tempeste et les vaisseaux eschoués avoint tirés de l’estaquade.

Monsieur le cardinal m’envoya monsieur de Bordeaux qui disna avesques moy.

Tous ces jours que les ennemis furent en mer devant nous, je fus fort alerte, visitant continuellement mes lignes, mes forts, la digue, les batteries, et les estaquades.

Le dimanche 14me je fus occupé a me pourvoir de tout ce quy estoit necessaire pour le combat, parce que les vaisseaux du roy estoint resolus, sy l’armée angloise les venoit attaquer, de s’agrapper chascun au sien et puis se venir eschouer sur ma rive, et lors j’eusse fait mon devoir a sauter dans les vaisseaux ennemis et de les crever a coups de canon.

Je fis tirer la nuit pour donner avis aux chalouppes quy estoint en garde entre la ville et la digue, d’une chaloupe ennemie quy s’estoit insensiblement glissée parmy nostre armée de mer et estoit passée : mais elle entra dans la ville malgré eux.

Je fus toute la nuit a visiter nos gardes.

Le lundy 15me le roy m’envoya querir par Nogeant[882]. Je fus au conseil, de là disner cheux monsieur le cardinal. A mon retour je fus en allarme des Anglois quy appareillerent, ce quy m’obligea de faire venir sur nostre rive les Suisses et le regiment de Vaubecourt. Monsieur le cardinal passa de mon costé, lequel je rammenay au sien parce que la tempeste empescha les Anglois de pouvoir rien entreprendre.

Le mardy 16me la tempeste continua.

Les Anglois envoyerent un bruslot a nostre armée de mer, lequel des chalouppes firent tourner au dessous de nostre batterie de Chef de Bois. Cela me mit en quelque allarme, et envoyay mettre en battaille les trouppes sur le bord du canal : puis je passay a Coreilles trouver monsieur le cardinal quy m’envoya querir. A mon retour je trouvay les mousquetaires du roy qu’il m’envoya pour les mettre sur nos vaisseaux : puis peu apres Sa Majesté s’en vint loger cheux moy. Je la fus recevoir a la redoutte de Sainte Anne, luy donnay a souper et luy fis apprester un bon lit : puis je m’en allay [passer la nuit][883] a la visite de nos vaisseaux et de nostre rade. Je ne trouvay en mon retour aucun lieu pour me reposer que dedans mon carrosse.

Le mercredy 17me le roy disna cheux moy. Il alla puis apres a Chef de Bois considerer l’armée angloise, et de là a la chasse.

Les ennemis nous envoyerent la nuit des artifices a feu quy se perdirent avant que venir a nous : cela ne laissa de me donner l'allarme et de me faire passer la nuit a Chef de Bois.

Le jeudy 18me le roy disna et tint le conseil cheux moy, puis vint a Chef de Bois, et de là s’en retourna a son quartier de Netré. Je le fus conduire jusques a Lafons d’ou nous apperceumes les Anglois appareiller, ce quy me fit retourner en diligence avec Mr de Gramont a Chef de Bois, d’ou nous vismes les roberges et grands vaisseaux venir jusques a la portée du canon de Chef de Bois, tirer tous leurs canons dans nostre flotte, et puis s’en retournerent et retirerent tout a fait[884]. Nous les conduisimes de veue tant que nous peumes, puis retournames faire bonne chere sans crainte des ennemis et avec bonne esperance de la prompte reddition de la Rochelle.

Le vendredy 19me Mr de Gramont et moy allasmes trouver le roy quy delivré de la flotte angloise, alla passer son temps a Surgeres.

Betunes[885] s’en vint loger cheux moy.

Le samedy et dimanche suyvans je fis raccommoder mes travaux que la tempeste avoit gastés ou esboulés.

Forces gens me vindrent voir.

Le lundy monsieur le cardinal s’en alla en Brouages : celuy de la Vallette vint loger cheux moy.

[Le mardy 23me je me fis saigner. Toiras et le pere Souffran me vindrent voir][886].

Le mercredy 24me Mrs le garde des sceaux, de Chomberg, et force autres du conseil vindrent voir mes quartiers et disner cheux moy.

Le jeudy 25me vingt et deux vaisseaux hollandois marchands parurent vers Saint Martin de Ré, quy nous firent soubçonner que c’estoint les Anglois quy revenoint a nous.

Le vendredy 26me les Rochelois mirent leurs bouches inutiles hors de leur ville : je les rechassay dedans.

Marillac vint disner cheux moy, et Mr le cardinal de la Vallette y vint coucher.

Le samedy 27me il s’en retourna.

Le dimanche 28me le roy revint de Surgeres, et monsieur le cardinal, de Brouages. Saint Chaumont vint disner en mon quartier.

Le lundy 29me quelques Rochelois quy taschoint de sortir furent pris.

Je fus au conseil cheux le roy.

Le mardy 30me Mrs le cardinal de la Vallette, Luxembourg, Le Lude[887], Liancourt, et d’autres, vindrent disner avec moy.

Le mercredy, dernier de may, le tambour de la ville me vint trouver, quy me fit sçavoir les necessités des ennemis, quy balançoint de se rendre. Sessígny[888] quy estoit dans la ville fit dire a Grançay[889] lieutenant des chevaux legers du prince de Marcillac[890] que l’on pourroit traitter sy je voulois envoyer quelqu’un a cet effet parler aux Rochelois. Je commanday audit Grançay d’y aller de ma part.

Juin. — Le jeudy, premier jour de juin, Grançay alla a la Rochelle, et moy a Netré en donner avis au roy et a monsieur le cardinal, quy le trouverent tres bon. Les Rochelois esleurent pour commissaires La Vigerie, Toupet, Alere[891], et Sessigny, quy le renvoyerent querir[892] l’apres disner et entrerent bien avant en conference. Je fis le soir la response a Grançay pour leur porter.

Le vendredy 2me les Rochelois receurent une lettre du roy d’Angleterre par laquelle il leur promettoit de hasarder ses trois royaumes pour leur salut, et que dans peu de jours il envoyeroit une telle flotte qu’ils en seroint pleinement secourus, ce quy anima les zelés de faire resoudre le peuple a souffrir toutes extremités plustost que de se rendre, ce qu’ils me firent sçavoir par Grançay ; et m’envoyerent copie de la lettre[893].

Le samedy 3me je fus prendre congé du roy quy s’en alloit a Tallemont[894]. Je disnay cheux monsieur le cardinal, et fus visiter Chomberg malade.

Le dimanche 4me le marquis de Mirabel ambassadeur d’Espaigne et don Alonso Ramires de Prado, du conseil des Indes, vindrent dísner cheux moy : je les menay voir tous nos forts, lignes, digue, ports, et batteries.

Le lundy 5me Mrs de Humieres[895], de Lavrilliere[896], et Hardier[897], vindrent disner avec moy, comme le mardy 6me Mrs de Harbaut, d’Aucaire, le Chatelet[898], et Targon, quy de là furent menés en l’isle de Ré par ma galiotte.

Le mercredy 7me j’allay a Netré pour voir monsieur le cardinal ; mais je ne le peus voir. Fontenay, Rambures, et plusieurs autres, revindrent avec moy et demeurerent quelques jours en mon quartier.

Le jeudy 8me j’eus plusieurs tambours de la Rochelle quy m’en dirent des nouvelles. Je fis sortir a la recommandation de ceux de nostre intelligence une fille nommée Gabrielle, quy m’en apporta beaucoup d’eux.

Le vendredy 9me je fus a Dampierre dire adieu a Gramont, puis a Netré voir monsieur le cardinal. De là Chomberg revint passer le canal avec moy pour voir les machines du Plessis Besanson quy estoint sur le bord de la mer.

Le samedy 10me l’ambassadeur de Mantoue nommé le comte de Canosse, fut ammené disner cheux moy par Mr de Saint Chaumont[899].

Le dimanche 11me, jour de la Pentecoste, je fis mes pasques, et le lendemain l’ambassadeur d’Espaigne et don Lorenzo[900] Ramires de Prado, vindrent disner cheux moy ; don Augustin Fiesque les accompagna, puis apres en Ré dans ma galiotte, et le lendemain repasserent et vindrent aussy disner en mon logis.

Le mercredy 14me je fus au conseil cheux le roy, ou il fut agité sy Rotelin, lieutenant de l'artiglerie, y auroit seance, le grand mestre ne faisant point la charge : il fut jugé qu’en l’absence du grand mestre il y pourroit entrer et se tenir debout derriere nous pour recevoir les ordres, et que, quand le grand mestre seroit a l’armée, il n’y auroit aucune entrée.

Le jeudy 15me Marillac vint disner cheux moy.

J’eus un tambour de la Rochelle quy m’apprit leurs necessités.

Le vendredy 16me Mrs de Bordeaux, Bresé[901], Belin[902], Rouville[903], Villandry[904] et autres, me vindrent voir et disner cheux moy pour voir mettre sept machines du Plessis en mer, ce qu’il fit fort beau voir.

Le samedy 17me je fus voir de bon matin monsieur le cardinal a la Saussaye, quy se vint embarquer au Plom pour aller en Brouages.

On posa neuf machines du Plessis Besanson.

Le dimanche 18me Fiesque le comte[905], et Piles[906], arriverent. Fontenay vint loger cheux moy.

Le lundy 19me le roy fut disner en Brouages ou monsieur le cardinal le receut superbement.

Il vint un bruit de Ré de la venue des Anglois.

Le mardy 20me Le Hallier revint de Brouages, quy nous l’osta.

Le mercredy 21me monsieur le cardinal revint a la Saussaye et vint le lendemain, jour de la Feste Dieu, en mon quartier. Je le fus rammener jusques a la redoutte de Sainte Anne ou il entra, et la trouva tres belle. Il me pria lors de fournir pour la digue le plus de charrettes que je pourrois : je luy dis qu’il n’y en avoit que cinquante dans le parc sur l’estat du roy, et que je luy en avois desja donné trente et sept ; que je luy en donnerois encor douse, n’en reservant qu’une pour les necessités du parc ; dont il me remercia fort.

Le vendredy 23me Saint Chaumont et d’autres vindrent disner cheux moy. Je fus en suitte sur la mer visiter les machines du Plessis.

Le soir monsieur le cardinal envoya une ordonnance a Rotelin par laquelle il luy commandoit de prendre douse charrettes du parc de l'artiglerie du quartier du roy et huit du mien pour aller querir des munitions de guerre a Saumur. Rotelin m’envoya son ordonnance par un nommé Beauregard[907] auquel je dis qu’il n’y avoit point de charrettes au parc pour envoyer a Saumur, lequel Beauregard vint dire a monsieur le cardinal que je n’avois point voulu faire donner de charrettes. Lors monsieur le cardinal quy ne se ressouvenoit plus de me les avoir toutes fait donner pour la digue, se mit en grande colere et m’envoya le lendemain samedy 24me son capitaine des gardes Beauplan avec une lettre[908] fort piquante. Je le fus trouver a la Saussaye ou il y eut encores de grosses paroles, et je dis mes raysons : puis nous tombasmes d’accord, et je demeuray a disner cheux luy, et Chomberg aussy. Puis je revins a mon quartier.

Le dimanche 25me un matelot nous apporta des nouvelles certaines d’un nouvel apprest des Anglois pour venir secourir la Rochelle.

Je fus voir le comte de Ribeyrac a Lagor, quy se mouroit.

Le lundy 26me monsieur le cardinal, Effiat, Bordeaux, Chasteauneuf, et Marillac, vindrent disner cheux moy : puis nous montames sur ma galiotte et allames visiter en mer les machines du Plessis. De là il[909] alla voir les navires et monta sur l’amiral ou Valançay et le commandeur des Gouttes[910] eurent querelle ; monsieur le cardinal gourmanda fort le premier ; nous les accordames.

Je fis la nuit couper les blés quy estoint entre nos lignes et la ville devers la porte de Coygnes, ou nous ne perdismes qu’un soldat.

Le mardy Mrs de Bordeaux, Marillac, et Bresé vindrent disner avesques moy.

Le mercredy 28me je fus trouver monsieur le cardinal a la Saussaye ou nous tinmes conseil de guerre.

Le jeudy 29me La Fitte[911] fut parler a Toupet a la porte de Coygnes. Je fus sur mer faire poser une machine du Plessis. Le tambour de la Rochelle me vint apporter des nouvelles de la ville.

Le vendredy 30me je fus disner cheux le marquis d’Effiat : puis nous allames ensemble au conseil cheux le roy.

Juillet. — Le samedy, premier jour de juillet, je me resolus de faire fortifier toute la rive ou il y a descente, depuis Chef de Bois jusques au Plom, et l’allay reconnestre.

La Fitte retourna parler a Toupet.

Ceux quy estoint en garde dans la redoutte de Sainte Margueritte proche de Lafons tuerent deux Anglois, et prindrent trois prisonniers en une escalade que les ennemis voulurent faire pour les surprendre[912].

Le soir un homme a cheval sortit de la Rochelle, que je menay parler a monsieur le cardinal comme il me le manda[913], lequel il fit puis apres rentrer dans la ville.

Le dimanche 2me Saint Chaumont fut fait mareschal de camp en l’armée du roy.

Je fis oster les canons du fort de Lafons, et ceux du fort de Saint Esprit, pour les porter a Chef de Bois.

Le lundy 3me je fis faire montre generale en mon armée. Le roy en fit de mesme en celle quy estoit du costé de Coreilles. Je fus de là au quartier du roy quy dormoit : lors j’allay dire adieu a Mr de Chasteauneuf.

Le mardy 4me je fis commencer le retranchement de la rive de Chef de Bois. Je fus de là cheux le roy, et la nuit je fis achever de couper les blés des ennemis entre les lignes.

Le mercredy 5me monsieur de Bordeaux me vint voir.

Nous fismes remettre la machine quy s’estoit esgarée le jour auparavant.

Le jeudy monsieur le cardinal quy avoit logé deux jours a Netré se fit porter malade a la Saussaye.

Je fis continuer les retranchemens de la rive.

Le vendredy 7me monsieur de Bayonne vint disner cheux moy. Le tambour de la Rochelle me vint parler. Je fus voir mettre des machines en mer ou un coup de canon donna sy pres de ma chalouppe qu’elle en fut presque emplie d’eau.

Le samedy 8me on avança le retranchement de la rive. On fit commencer une tres-belle contrescarpe et un chemin couvert au fort de Lafons. On redressa la machine quy s’estoit penchée en la mettant le jour precedent.

Le dimanche 9me je fus voir monsieur le cardinal malade a la Saussaye. De là j’allay voir le roy : puis je fus reconnestre la descente de Cou de Vache[914] pour l’empescher aux Anglois.

Le lundy 10me messieurs de Bordeaux et d’Aix[915] me vindrent voir et disner avec moy. Nous allames ensemble a la Saussaye ou estoit monsieur le cardinal malade.

Le mardy 11me Mr de Castille vint disner avec moy : je le menay sur la mer.

Je fis commencer le fort de la digue, et fus voir Marillac malade au fort de Coreilles.

Le mercredy 12me je m’occupay tout le jour a mes travaux, comme aussy le jeudy 13me, et fus en suitte cheux Mr de Chomberg malade, ou le conseil se tint.

Le vendredy 14me je fus aussy a mes travaux, puis consoler le jeune comte de Ribeyrac[916] de la mort de son pere.

Le samedy je continuay mes travaux.

Le dimanche 16me je fus voir monsieur le cardinal a la Saussaye.

Le lundy 17me Mr le président le Coygneux vint disner cheux moy. Il estoit venu trouver le roy de la part de monsieur son frere lequel estant party mal satisfait du siege de la Rochelle parce que, le roy y estant venu, il n’avoit plus le mesme employ qu’il y souloit avoir ; qu’estant logé a Dampierre par le conseil des siens quy regardoint plus a leur commodité qu’a l’interest de leur maitre, il n’avoit plus aucune fonction a l’armée[917] : il s’en retourna a Paris, et y faisant le malcontent avoit dit a la reine sa mere quy luy rendoit compte de ce qu’elle avoit traitté pour son mariage avec la fille de Florence a sa priere, qu’il n’avoit plus aucun dessein de se marier. Puis en suitte a quelques jours de là Mr de Breves ayant mis en avant une proposition de mariage entre luy et la princesse Marie fille du nouveau duc de Mantoue[918], des que la reine montra de n’agreer ce party parce qu’elle avoit interest a celuy de Florence, plusieurs personnes, pour luy faire despit, tascherent d’y embarquer Monsieur, et devant elle mesme lors qu’ils estoint l’un et l’autre pres d’elle au cercle, on faisoit des pratiques pour les faire parler. Madame de Verderonne tante de Puilorens[919] affectionnée a madame de Longueville[920], madame de Moret, et mademoyselle de Vittry[921], montrerent sy avant de piquer la reine par cet embarquement qu’elle escrivit a Mr de Mantoue pour faire venir sa fille pres de luy ; et il avoit lors tellement besoin des bonnes graces de la reine pour s’installer en son nouvel estat qu’il fit a l’heure mesme envoyer querir sa fille ; dont Monsieur fut piqué, et envoya Mr le Coygneux pres du roy pour le supplier de la faire arrester en France, ce qu’il obtint par le moyen de monsieur le cardinal, dont la reine mere fut fort touchée[922].

Le mardy 18me je m’occupay a mon ordinaire a mes travaux.

Le mercredy 19me la compagnie nouvelle adjoutée au regiment de la garde suisse en faveur du colonel Salis[923], arriva, et le roy la voulut voir. Je fus pour cet effet à Netré apres avoir esté passer cheux monsieur le cardinal quy, revenu en santé, vint ce jour là trouver le roy.

Le jeudy 20me monsieur le cardinal vint disner cheux moy, vit en passant mes lignes et forts, qu’il trouva tres beaux : il passa de là a Chef de Bois, vit la batterie, les retranchemens de la rive, puis vint au port Neuf et a la digue : de là il alla sur mer voir nostre flotte.

Le vendredy 21me je fus cheux le garde des sceaux, puis au conseil cheux le roy.

Le samedy 22me je fis travailler au fort de la digue et fermer la batterie de Chef de Bois.

Le dimanche 23me le president Daphis, deux conseillers de Bordeaux, Mr de Rouannois[924], et de Cursol[925] disnerent cheux moy. Mr de Gramont y vint coucher.

Le lundy 24me je menay Mr de Gramont par tous mes travaux, de là en mer voir Valançay. Je le conduisis puis apres cheux Chomberg, puis le rammenay cheux luy.

J’allay a la Saussaye trouver monsieur le cardinal, rammenay Marillac a la digue.

Le roy alla ce jour là a Surgeres.

Le mardy 25me je m’amusay a visiter mes travaux.

Le mercredy 26me je fus disner avec monsieur le cardinal.

Le jeudy je me fis saigner. Chomberg et La Curée disnerent cheux moy.

Le vendredy le retranchement de la batterie fut achevé.

Mr de Rouannois me vint dire adieu.

Le samedy 29me je fus a la Saussaye pour voir monsieur le cardinal malade quy reposoit. Je m'en revins sur nostre digue ou il y avoit la plus furieuse tempeste, par un siroist, que nous eussions encores veue[926].

Le dimanche 30me je fus a la digue ou je trouvay Mrs de Chomberg, Bordeaux, Saint Chaumont, et Le Hallier, que je menay diner a la Saussaye ou monsieur le garde des sceaux arriva. Nous y tinmes conseil.

Le lundy 31me monsieur le nonce[927] me vint voir, que je menay promener sur terre et sur mer.

Aust. — Le mardy, premier jour d’aust, quelques huguenots du païs voulurent faire entrer en la ville par dessus mes lignes trente sacs de farine : mais estans des couverts, ils s’en fuirent et laisserent leurs sacs.

Mrs les archevesques d’Aix et de Bordeaux vindrent disner cheux moy.

Le mercredy 2me nous fusmes tenir conseil a la Saussaye.

Mr de Montbason vint a la rive de nostre digue voir mettre en mer neuf machines du Plessis.

Le jeudy 3me on posa autres neuf machines.

Le roy revint de Surgeres.

Le vendredy 4me le roy tint un grand conseil sur celuy que Chomberg donna d’attaquer la Rochelle par force, ce quy fut rejetté. Leroy parla tres bien en ce conseil, et monsieur le cardinal aussy.

Le samedy 5me je fus, bien accompagné, saluer messieurs de la chambre des comptes de Paris, logés a Angoulains, et puis je fus disner a la Saussaye cheux monsieur le cardinal que j’accompagnay a Netré ou l’on tint conseil, a la fin duquel messieurs de la chambre eurent audience, et en suitte les deputés de Provence quy parlerent par la bouche de Mr l’archevesque d’Aix.

Le soir ce capucin fils de la feu reine Margueritte et de Chanvallon, nommé pere Archange, me vint trouver, et me dire forces impertinences.

Le dimanche 6me monsieur le cardinal vint disner cheux moy, puis s’en alla sur les vaisseaux.

Le lundy 7me je fis mes travaux ordinaires[928].

Le mardy Mrs de Bordeaux et de Canaples vindrent disner cheux moy.

Le mercredy 9me je fus a la Saussaye.

Le jeudy 10me il parut des vaisseaux hollandois, trente cinq en nombre, vers Saint Martin de Ré, quy nous donnerent l'allarme.

Le vendredy 11me j’allay disner a la Saussaye, puis au conseil a Netré cheux le roy. On posa quelques machines le soir.

Le samedy 12me je fus a la Saussaye ou le roy vint tenir conseil.

Le dimanche 13me le roy alla a Surgeres.

Le lundy 14me cinquante soldats de la ville sortirent vers le fort Sainte Marie et demanderent a me parler : ils se vouloint rendre et en ammener encore deux cens autres avec deux capitaines ; mais je les refusay[929].

Le mardy 15me, jour de la Nostre Dame, je fis mes pasques.

On mit une machine a la digue.

Quantité de soldats de la Rochelle me firent encor demander a sortir ; mais ce fut en vain.

Le mercredy 16me on me commanda d’envoyer encor une fois un heraut pour sommer la ville de se rendre au roy ; mais on ne le voulut escouter.

Le jeudy 17me un habitant me fut envoyé de la part de ceux de la Rochelle pour s’excuser de n’avoir peu ouir le heraut.

Je vins au fort de Beaulieu recevoir messieurs des comptes quy venoint disner cheux moy. Je fis prendre les armes partout ou ils passerent, les menay a la digue, puis leur fis un beau festin : apres je les menay a Chef de Bois, fis faire salve de tous les canons, quy fut respondue par la flotte ; puis je les menay au port Neuf et dans le fort ou mes carrosses les attendoint pour les rammener. Je leur fis une belle collation.

Le vendredy 18me je fus malade et demeuray au logis.

Le samedy 19me Mr de Nemours, et le marquis de Neesle, vindrent disner cheux moy.

Messieurs du parlement de Bordeaux me vindrent saluer de la part de leur parlement.

Le dimanche 20me je passay par la Saussaye, puis vins disner cheux Chomberg quy festina la chambre des comptes. J’allay de là voir le garde des sceaux.

A mon retour un soldat de la ville demanda a parler a moy en particulier : je le fis fouiller auparavant, et on luy trouva un pistollet de poche bandé, caché sous son pourpoint. Je le renvoyay sans luy vouloir faire mal.

Le lundy 2me quelques soldats rochelois voulurent s’efforcer de passer par nos lignes pour s’en fuir, et tuerent une de nos sentinelles : mais nous eumes bien nostre revanche.

On mit une machine du Plessis en mer.

Le mardy 22me j’allay voir monsieur le cardinal quy partit de l’armée pour aller au Chastelier Barlot[930].

Ceux de la ville me firent faire chamade par un trompette : mais je fis tirer dessus, selon l’ordre que j’en avois.

Le mercredy 23me Canaples, Fontenay, Rambures, et d’autres chefs du costé du roy vindrent coucher cheux moy.

Le jeudy 24me nous mimes de bon matin une machine en mer. Puis je passay le canal et vins disner cheux Saint Chaumont. J’allay de là a la Jarne[931] voir le garde des sceaux, puis a la Jarrie visiter messieurs les desputés des parlemens de Toulouse et de Bordeaux.

Le vendredy 25me Mr le Comte quy estoit arrivé le jour auparavant a l’armée[932], m’envoya dire qu’il venoit disner avesques moy. Je le fus trouver a la digue de Coreilles, et apres luy avoir fait la reverence je le menay [dans ma galiotte de mon costé. Je le menay][933] a Chef de Bois : puis, m'ayant fait l’honneur de disner cheux moy, je le rammenay jusques hors de mes quartiers.

Messieurs du parlement de Toulouse me vindrent voir.

Le soir nous fismes salve generale pour la feste de saint Louis.

Le samedy 26me on mit une machine a la digue.

Le dimanche 27me je m’en allay au bord du commandeur de Valançay.

Le lundy 28me je fis festin a Mrs de Chomberg, Vignoles, Marillac, Castille, Marion[934], Castelbayart, et d’autres.

Le mardy Mr de Chasteauneuf me vint voir.

Le mercredy 30me Mr le president de Flexelles[935] et trois autres mestres des comptes vindrent disner cheux moy.

Il y eut ce jour là brouillerie entre le marquis d’Effiat, et Chasteauneuf.

Le jeudy, dernier jour d’aust, je fis haster tant que je peus nostre digue.

Septembre. — Le vendredy, premier jour de septembre, il y eut une forte tempeste sur mer du vent d’ouest, quy se tourna en surouest.

Le samedy 2me la tempeste continua toujours, et ne cessa que sur le soir.

Courbeville fut prié par ceux de la Rochelle de leur parler[936].

Le dimanche 3me je fus a Angoulains dire adieu a messieurs des comptes. De là j'allay voir le garde des sceaux, puis Chasteauneuf, et disner cheux Chomberg avec Effiat, avec quy je me raccorday. Nous jouames a la prime tout le jour.

Nous en fismes de mesme le lundy 4me cheux Mr de Castille ou la compagnie disna. Je passay precedemment cheuxMr de Chasteauneuf.

Le mardy 5me Mr le Comte passa en Ré dans ma galiotte.

Arnaut sortit de la Rochelle[937] et alla trouver monsieur le cardinal.

Je pris un espion de la Rochelle quy portoit des lettres a ceux de Montauban, que je fis pendre.

Je fis ce jour là montre generale a l’armée.

Le mercredy 6me je visitay tous mes travaux.

Le jeudy 7me j’allay trouver monsieur le cardinal a Marans, puis le rammenay a la Saussaye.

Le vendredy 8me, jour de Nostre Dame, Arnaut ammena deux deputés de la Rochelle a monsieur le cardinal, l’un nommé Riffaut, et l’autre Journaut[938].

Le samedy 9me Mrs de Castille et de Dreux[939] et sa femme passerent en Ré, ayans dísné cheux moy.

Le dimanche 10me le roy revint de Surgeres. Je fus a Netré le trouver.

Le lundy 11me j’allay trouver monsieur le cardinal a la Saussaye quy m’ammena au conseil a Netré. Je versay en retournant.

Le mardy 12me je fus encor mandé par le roy pour venir au conseil.

Le mercredy 13me la nouvelle de la mort du Bocquinguem arriva.

Je fus encor a Netré prendre congé du roy quy alloit a Surgeres. J’allay de là a Grosleau[940] voir Mr le Comte, puis trouver monsieur le cardinal.

Le jeudy 14me Senneterre me vint voir : je le menay a tous nos travaux.

Le vendredy 15me je fus faire faire la montre aux Suisses entre le quartier de Netré et le mien. Mr d’Angoulesme, d’Alais, de Chomberg, Vignoles, Saint Chaumont, et Toiras y vindrent. Je fis faire diverses evolutions et ordres qu’ils trouverent fort beaux. Le colonel Greder presta son premier serment[941], comme pareillement les capitaines Hessy[942], Reding[943], et Salis. J'allay de la disner cheux Chomberg.

Le samedy 16me Mr de Nemours vint disner cheux moy, puis passa avec Toiras en Ré sur ma galiotte.

Le dimanche 17me je fus a la Saussaye. Mr de Nemours revint coucher cheux moy.

Le lundy 18me Mrs d’Angoulesme, d’Alais, d’Effiat, de Marillac, de Bautru, de Lavrilliere, et autres, furent en festin cheux moy, et de là passerent en Ré.

Le mardy 19me je fus a la Saussaye.

Le mercredy 20me je fis commencer le travail de la ligne de la mer devers la Rochelle.

Le jeudy 21me monsieur le cardinal m’envoya querir au conseil.

Le vendredy 22me grand monde me vint voir.

Je fis haster mes travaux sur la nouvelle que nous eumes du grand apprest des Anglois.

Le samedy 23me, Saint Chaumont eut une mousquetade proche du fort de Tadon le soir precedent, je le fus visiter.

On prit un prestre renié quy sortoit de la Rochelle : je le fis pendre ; et de là j'allay disner cheux Mr de Chasteauneuf.

Le dimanche 24me je fus disner et jouer a la prime cheux monsieur le cardinal.

On posa deux machines du Plessis dans la digue.

Le lundy on fit encor mettre en mer deux autres machines.

Je fis pendre un espion, et tirer au chapeau trois autres, dont l’un le fut aussy.

Le mardy 26me je fus disner a la Saussaye avec mes deux mareschaux de camp, puis jouer a la prime.

Le mercredy 27me, sur les nouvelles venues d’Angleterre, monsieur le cardinal nous appella au conseil sur le bord de la digue de Coreilles cheux Marillac.

Le jeudy 28me les Anglois parurent a la veue de l’isle de Ré, dont nous fusmes avertis par les sinnaux, et le soir nous peumes discerner leurs voyles en la Fosse de l’Oye[944], quy pouvoint estre en tout de soissante et dix vaisseaux. Je passay la nuit a Chef de Bois.

Le vendredy 29me les Anglois mirent a la voile bien qu’avesques peu de vent et approcherent de l’anse de Cou de Vache et du Plom. On avoit pris les armes : mais comme le vent n’estoit pas pour leur faire faire grand exploit, je fis retourner au travail de la digue ; puis je fus au devant de monsieur le cardinal quy vint disner cheux moy, et me mis dans son carrosse. Un coup de canon de la ville emplit son carrosse de terre.

Apres disner le roy me manda qu’il venoit loger en mon quartier, mais qu’il n’y envoyoit point de mareschaux des logis, me mandant que je le logeasse a ma fantaisie, ce que je fis, et sy bien qu’outre ses sept offices, sa chambre, sa garde robbe, ses gardes du corps, et autres personnes necessaires, je logeay encores ses mousquetaires a cheval, ses chevaux legers, gensdarmes, et plus de douse cens gentilshommes, sans les princes et grands, dans mon quartier de Laleu. Outre cela je donnay couvert a six compagnies des gardes et a trois de Suisses outre les trois quy y estoint desja, et j’y receus et festoyay la compagnie de telle sorte et sans embarras que chascun s’en esmerveilla. Aussy despendis je huit cens escus par jour tant que le roy y sejourna, quy furent cinq semaines.

Les ennemis s’approcherent vers le Plom ; le roy les alla reconnestre. Il leur arriva encores quelque quinse vaisseaux de plus. Je fis donner a tous mes quartiers le meilleur ordre que je peus : je renforçay mes gardes, et ne bougeay toute la nuit de battre l'estrade sur la rive du Plom.

Le samedy, dernier jour de septembre, le roy fut voir sur la rive la contenance des Anglois quy ne bougeoint de leur poste, attendant la marée. Il fut de là conduit par moy a la batterie de Chef de Bois ou il trouva trente canons en bon estat de faire du bruit. Il jugea a propos de faire tenir encor deux batteries toutes prestes pour y mettre les canons entre Chef de Bois et le port Neuf, ou il alla en suitte, puis fut jusques au bout de ma digue qu’il trouva en sy bon ordre, et tant de machines, vaisseaux enfoncés et autres empeschemens dans le canal, qu’il jugea impossible aux Anglois de pouvoir faire aucun effet.

Apres disner il parut vers le pertuis d’Antioche seise grands vaisseaux et quinse encor quy se vindrent joindre a la flotte ce jour là, de sorte qu’il y avoit pres de six vingts voiles en tout. Ceux de la flotte se mirent a la voile sur les deux heures et vindrent passer entre Chef de Bois et Saint Blansay[945]. Ils virent toute cette rive fortifiée et garnie de gens de guerre, ou ils tirerent sans aucun effet plusieurs coups de canon. Aussy furent ils bien salués de plus de deux cens canonnades en passant proche de Chef de Bois, ce quy les fit tenir le plus proche de Ré qu'ils peurent. Ils s’allerent ancrer dans le pertuis d’Antioche avec ces seise grands vaisseaux, au mesme endroit qu’avoit fait la flotte quy vint au mois de may.

Je fus toute la nuit a cheval pour donner ordre partout. Mrs le Comte, de Nemours, de Harcourt[946], de la Vallette, et plusieurs autres vindrent loger encor cheux moy a Laleu, et leur trouvay du couvert. La Rochefoucaut arriva le mesme soir avec trente gentilshommes que je logeay aussy.

Octobre. — Le dimanche, premier jour d’octobre, il arriva encores sept ou huit vaisseaux a la flotte angloise. Ils appareillerent attendant la marée apres disner pour venir a nous ; mais le vent leur manqua. On mit nostre armée de terre en battaille ; Mrs d’Angoulesme et de Chomberg en firent de mesme du costé de Coreilles, ou ils avoint vingt canons logés. Je la fis retirer voyant qu’il estoit impossible aux ennemis d’approcher.

Un nombre infini de noblesse arriva encores au quartier du roy : quelques uns y trouverent couvert ; les autres le prindrent a Niueil, Lagor, Lommeau, Losieres, Saint Sandre[947] et dans mes forts et redouttes, le mieux qu’ils peurent.

Le lundy 2me je fus des trois heures du matin a Chef de Bois : mais le vent de la marée du matin fut contraire. Les ennemis envoyerent certains artifices de feu quand et la marée pour brusler nos vaisseaux ; mais ils ne firent aucun effet, bien qu’ils en eussent jetté jusques a dix.

Je fus toute la nuit sus pié, et le mardy 3me d’octobre a cinq heures du matin, comme le jour commençoit a poindre, nous apperceumes les Anglois appareiller pour venir a nous, dont je m’estois doutté plus de deux heures devant par les lanternes des barques allant et venant aux vaisseaux. J’estois a Chef de Bois, et envoyay en diligence Lisle Rouet en donner avis au roy, et mon neveu de Bassompierre a monsieur le cardinal quy estoit venu se loger en mon quartier le soir auparavant. Je fus sur la rive au plus proche de nostre flotte voir l’ordre qu’ils tenoint et sçavoir sy je les pouvois ayder de quelques choses ou d’hommes. Valançay m’envoya son cousin de Lisle pour m’asseurer que, bien que le vent quy leur estoit contraire les brouillat un peu, il m’asseuroit qu’il ne craignoit point la flotte angloise, et que je regardasse aussy de faire tirer en sorte que les canonnades n’incommodassent point leurs vaisseaux. Je fis qu’ils prindrent un peu plus en arriere leur poste affin de faire plus beau jeu a mes batteries. Mr de la Rochefoucaut demeura toujours avec moy quy jugea tres bien des intentions des ennemis, et m’assista fort bien, et utilement. J'envoyay en mesme temps faire battre aux champs a nos trouppes, et laissay Le Hallier pour les commander et mener sur la rive ou Mr le duc de la Vallette colonel de l’infanterie[948] les tint en tres bon ordre, attendant qu’il y eut lieu de mener les mains.

Le roy et monsieur le cardinal arriverent incontinent apres, et l’armée angloise mise en trois ordres, l’avant garde ayant fait plusieurs bordées pour prendre le vent vint en fin sur les sept heures et demie a la portée du canon de nostre flotte et des deux pointes, puis tournant le bord tirerent tous les canons de la bande, et puis ayant tourné en firent de mesme de l’autre bande, ce que chasque vaisseau ayant fait il montroit la poupe et viroit en arriere, d’ou il estoit party, et en suitte apres que l’avant garde eut fait son salve, leur battaille et leur arriere garde en firent de mesme, et retournerent trois fois en cette mesme sorte. Nous ne nous endormions pas cependant de nostre costé : car outre que nostre armée navale les canonnoit incessamment, j’avois quarante pieces de canon sur Chef de Bois quy faisoint une belle musique, lesquels furent fort bien executés. Du costé de Coreilles il y en avoit vingt et cinq quy firent aussy tres bien leur devoir pendant deux heures et demie que cette feste dura, en laquelle il fut tiré de part et d’autre pour le moins cinq mille coups de canon. Le roy estoit en la batterie de Chef de Bois ou passerent par dessus sa teste plus de trois cens canonnades quy allerent encores a plus de trois cens pas de là. Comme la mer se retira, aussy firent les ennemis, quy fut environ les dix heures, et nous puis apres avec certaine asseurance que les Anglois ne nous feroint aucun mal ny a nostre flotte quy estoit fort animée a les bien recevoir. Les ennemis jetterent encor de ces artifices de feu quy vont nageant dans l’eau, qu’ils appellent mine volante, sans aucun fruit, non plus que d’un vaisseau plein de feux d’artifice qu’ils croyoint devoir faire merveille, quy se consuma avant que d’arriver pres de nostre flotte.

Les ennemis au rapport d’eux mesmes perdirent en cet escarmoμche pres de deux cens hommes dans leurs vaisseaux, plusieurs desquels demeurerent fort froissés des canonnades de terre : nous n’en perdismes que vingt et sept des nostres. Nous gaignames aussy deux chalouppes des ennemis, et une qu’une canonnade enfonça, et un de leurs meilleurs capitaines de mer y fut aussy tué. De nos vingt sept hommes morts il y en eut quattre de tués a Coreilles d’un coup de canon quy fut tiré de la ville[949], quy vint mourir jusques là, ce que l’on tenoit a merveille ; car jammais canonnade de la ville n’avoit tiré sy loin. Ceux de la ville firent aussy bien le devoir de tirer sur nous, mais avesques fort petit fruit, sy ce ne fut ce coup quy tua Des Friches et trois autres, sçavoir Brelise Pienne, Du Lac commissaire de l'artiglerie, et le frere bastard de Mr de Vignoles.

L’apres disner il y eut encores allarme des Anglois quy firent semblant d’appareiller ; mais ils ne vindrent pas.

Je despeschay par ordre du roy un de mes gens, nommé Casemajor, aux reines, ausquelles il escrivit sur ce quy s’estoit passé le matin[950].

La nuit fut paysible de part et d’autre : mais le mercredy 4me d’octobre les ennemis appareillerent encores a la pointe du jour et en la mesme forme que le jour precedent, hormis que les roberges amiralle et vice amiralle ne bougerent, pour n’avoir pas assés d’eau a s’approcher, et demeurerent avec les vaisseaux chargés de vivres. Ils firent mesmes bordées jusques a ce qu’ils fussent a demie portée de canon, et puis escarmoucherent en la mesme sorte que le jour precedent, mais non pas sy vivement a mon avis, et craignoint fort nostre canon de terre.

Cependant le vent avoit permis a nostre flotte un poste plus avantageux que celuy du jour precedent. Les ennemis nous envoyerent neuf bruslots, et un vaisseau de mine ; mais nos chalouppes à la mercy des canonnades venoint au devant et les faisoint deriver contre la falaise de Chef de Bois sans qu’ils peussent faire aucun dommage : apres quoy ils se retirerent comme le jour precedent, et le soir appareillerent et firent la mesme mine de retourner au combat qu’ils avoint fait ; mais ils se raviserent.

Les Rochelois quy estoint en l’armée navale des Anglois demanderent a nous parler : Lisle les fut querir dans ma galiotte. Ils estoint deux, deputés des autres, quy se nommoint Friquelet et Lestreille. Je les pris dans mon carrosse au desbarquer et les menay cheux monsieur le cardinal quy les renvoya peu apres parce qu’ils ne parloint d’aucune autre chose sinon d’entrer a la Rochelle et voir l’estat ou elle estoit pour le venir redire aux leurs, ce quy estoit une demande incivile.

Je passay la nuit a Chef de Bois.

Nous primes cet espion Tavart quy avoit desja esté deux fois entre nos mains et s’en estoit eschappé, dont le grand provost de la Trousse[951] estoit tombé en disgrace ; et de peur qu’il ne s’eschappat la troisieme, je le fis pendre le lendemain jeudy 5me, et fus rendre compte au roy de ce quy s’estoit passé la nuit, et que, du vent quy tiroit, les Anglois ne pouvoint venir a nous. Il tint conseil l’apres disner, et le soir monsieur son frere arriva avec trente gentilshommes qu’il me fallut coucher, loger et deffrayer.

Je fus la nuit battre l’estrade.

Le vendredy la mer fut agitée, et le vent demeura contraire aux Anglois quy furent toute la nuit battus de la tempeste.

Elle s’apaisa le samedy 7me : mais il pleut tout le jour, et le vent fut pour nous.

Monsieur disna et souppa toujours cheux moy.

Le dimanche 8me le vent fut de mesme, quy fit demeurer les Anglois a l’ancre.

Nous posames encores deux machines a la digue ou l’on travailloit incessamment. Launay Rasilly[952] mit aussy une estacade de mats de navires au courant de la digue.

Mr de chevreuse arriva, que je logeay.

Le lundy 9me je menay Monsieur a la digue le matin, lequel me pria de luy dire ce que le roy sentoit de son mariage avec la princesse Marie, et ce qu’il m'en disoit. Je luy dis qu’il ne m’en avoit jammais parlé. Il me repliqua : « Est il possible que, vous parlant incessamment comme il fait, il ne vous en die rien ? » Je luy dis qu’il avoit tant de choses a me dire en ce temps là a cause de ma charge, qu’il en laissoit encore beaucoup au bout de la plume, et que maintenant que le roy avoit les Anglois en teste, et les Rochelois derriere luy, que la moindre de ses pensées estoit celle de son mariage : ce que Monsieur dit a Mr le duc de Bellegarde et au president le Coygneux, lesquels me voulans mal dirent a la reine mere que j’avois dit a Monsieur que le moindre des soucis du roy estoit son mariage, et qu’il luy estoit indifferent ; dont la reine mere prit un tel despit contre moy qu’elle fut un an sans me parler.

Les Anglois n’eurent le vent propre pour venir a nous. Le roy alla courre le lievre. Le mareschal d’Estrées[953] arriva, que je logeay.

Le mardy 10me le vent fut encores contraire aux Anglois. Mr le cardinal de la Vallette arriva, et le mareschal de Saint Geran.

Le mercredy 11me il fut pris une barque angloise en Oleron : on en ammena les hommes au roy[954].

Le jeudy 12me le vent continua de mesme.

Mrs de Montbason, et prince de Guymené, arriverent, que je logeay.

Les Anglois envoyerent une chalouppe pour demander leurs prisonniers et avoir sauf conduit pour Montagu[955] de venir trouver monsieur le cardinal, ce quy luy fut accordé.

Monsieur, frere du roy, tomba malade ce jour là.

Le vendredy 13me on renvoya d’accord les prisonniers de part et d’autre.

On tint le conseil.

La maladie de Monsieur continua : le roy le fut voir.

Le samedy 14me Montagu vint parler a monsieur le cardinal.

Le vent fut anglois ; mais ils ne desancrerent point.

Monsieur fut saigné.

Le roy fut se promener au port Neuf, et on tira sur luy deux coups de canon de la Rochelle, quy en approcherent bien pres.

Le dimanche 15me Montagu retourna disner cheux monsieur le cardinal.

Le lundy 16me monsieur le cardinal et moy vinmes au bord du commandeur de Valançay, ou Montagu arriva. Monsieur le cardinal monta avec luy sur ma galiotte, et luy fismes voir la digue et toutes les machines quy traversoint le canal. Il s’estonna de nostre travail et nous tesmoygna qu’il estoit impossible de pouvoir forcer le canal.

Monsieur continua en son mal, et prit medecine, et monsieur le cardinal s’en alla a la Saussaye.

Le mardy il revint de la Saussaye.

On m’envoya un tambour de la Rochelle pour me demander qu’un Rochelois peut aller a l’armée angloise, et puis qu’ils parleroint de se rendre ; mais l’on ne voulut accepter ce party[956].

Monsieur se guerit.

Le mercredy 18me la mer estant au decours[957] et le vent contraire, toutes choses bien ordonnées en l’armée du roy tant deça que dela le canal, il partit pour s’aller resfraichir quelques jours a Surgeres. Je le fus conduire jusques a Perrigni : puis j’allay voir Mr de Beauclerc[958], et de la Mr de Harbaut quy avoit perdu sa femme[959], puis Saint Chaumont blessé. De là je revins a mon quartier, ou j’y avois encores plus de cinq cens gentilshommes et forces princes.

Beaulieu Barsac passa a travers de la flotte angloise avec un petit vaisseau, ce quy leur donna l’allarme et les fit appareiller, et eux a nous[960], et nous mettre sur nos armes. Les ennemis prindrent une de nos barques a Cou de Vache.

Le jeudy 19me Monsieur s’en alla à Niort. Je le fus conduire ; puis je m’en vins a la Saussaye ou monsieur le cardinal nous fit festin, a Mr le cardinal de la Vallette, Chevreuse, Angoulesme, Alais, Bellegarde, Montbason et moy.

Cette nuit là l’on mit quelques sacs de poudre dans le logis du maire de la Rochelle nommé Guitton.

Les ennemis prindrent encor une barque a Cou de Vache.

Le vendredy 20me les chalouppes des Anglois et les nostres furent tout le jour a l'escarmouche.

Le samedy 21me, au retour de la marée, la nuit, nous envoyasmes quattre bruslots dans l’armée angloise ; mais on leur donna sy tost feu qu’ils ne firent aucun effet.

Le dimanche 22me monsieur le cardinal nous festina encores les mesmes qu’il avoit traittés trois jours auparavant.

Les François de l’armée angloise envoyerent un tambour pour me demander sauf conduit pour des desputés qu’ils vouloint envoyer a monsieur le cardinal : je leur envoyay seulement le lendemain lundy 23me, auquel les Anglois mirent a la voyle sur les neuf heures du matin, puis vindrent prendre le vent au dessus de nostre armée quy demeura sur son ancre, mais ne manqua pas de tirer forces coups de canon, comme nous aussy de dessus nos pointes de Chef de Bois et de Coreilles. Il fut tiré de part et d’autre en deux heures plus de deux mille canonnades, et nous envoyerent encor cinq bruslots. Monsieur le cardinal arriva sur la fin, quy y trouva Mrs le cardinal de la Vallette et de Chevreuse.

Le soir les deputés des Rochelois quy estoint avec la flotte angloise furent ammenés dans ma galiotte par Lisle et par Traillebois[961], et je leur envoyay mon carrosse pour les ammener a la Saussaye, tandis que je fus au galop au fort de Lafons parler aux deputés de la Rochelle au nombre de six quy demanderent de parlementer : ce qu’ayant envoyé dire a monsieur le cardinal, il me commanda de les luy ammener, comme je fis a l’heure mesme et quasy en mesme temps que mon carrosse ammenoit ceux de la mer. Monsieur le cardinal [les] fit mettre dans une chambre ou logeoit monsieur de Bordeaux, et peu apres il fit mettre dans sa galerie les deputés de l’armée navale ; puis Mr de Chomberg, de Bouteillier[962] et moy estans avesques luy, il fit entrer ceux quy venoint de la mer et leur donna audience. Ils luy dirent en substance qu’ils le supplioint de leur permettre de voir ceux de la Rochelle, et qu’ils s’asseuroint qu’apres qu’ils leur auroint parlé, ils se remettroint en leur devoir. Ceux de la Rochelle furent en suitte admis, lesquels demanderent qu’il leur fut permis d’envoyer aux leurs quy estoint sur l’armée angloise, et puis qu’ils remettroint la ville entre les mains du roy, suppliant tres humblement monsieur le cardinal de leur moyenner quelques tolerables conditions : sur quoy monsieur le cardinal leur respondit que s’ils luy vouloint promettre de ne point parler a eux, qu’il leur montreroit des desputés de la flotte, ce que luy ayans promis, monsieur le cardinal alla dans sa galerie et dit a ces deux desputés des vaisseaux que s’ils l'asseuroint qu’ils ne parleroint point aux Rochelois, qu’il leur feroit voir a l’heure mesme ; dont estans convenus, il les mena dans sa chambre ou ils estoint avesques nous. Ils s’entre saluerent de loin avesques tant d’estonnement que c’estoit chose belle a voir ; puis il les fit rentrer dans la galerie. Alors ils[963] offrirent de se remettre en l’obeissance du roy, suppliant monsieur le cardinal de leur moyenner sa grace ; ce qu’il leur promit, et leur dit que le roy s'estoit allé promener pour huit jours, et qu'a son retour il luy en parleroit : sur quoy un des deputés s’escria : « Comment, Monseigneur, dans huit jours ? Il n’y a pas dans la Rochelle de quoy en vivre trois. » Lors monsieur le cardinal leur parla gravement et leur fit voir l’estat ou ils estoint reduits ; que neammoins il porteroit le roy a leur faire quelque misericorde : et des l’heure mesme leur fit des articles pour rapporter a la Rochelle, lesquels ils dirent qu’asseurement ils accepteroint. Ainsy ils s’en retournerent, et ceux des vaisseaux aussy, lesquels eurent permission de parler a leurs confrères et de les prier de les comprendre avec eux, ce que monsieur le cardinal accorda sous le bon plaisir du roy, puis fut voir a Grosleau Mr de la Trimouille malade.

Le mardy 24me monsieur le cardinal envoya donner avis a Sa Majesté de ce qu'y s’estoit passé avesques les deputés, et le convier de revenir a Laleu, ce qu’il fit le mercredy 25me de bonne heure, et monsieur son frere revint de Niort a Laleu une heure apres luy.

Le jeudy 26me les deputés des Rochelois quy estoint en mer, revindrent rendre grace a monsieur le cardinal de celle qu’il leur avoit accordée au nom du roy, et ceux de la Rochelle accepterent aussy les conditions que l’on leur avoit proposées.

Le roy s’alla promener en mer vers sa flotte.

Le vendredy 27me tout fut d’accord pour la reddition de la Rochelle.

Le roy se fut promener vers le Plom.

Le samedy 28me Mrs de Marillac et du Hallier eurent ordre de sinner les articles pour le roy quy ne voulut point les sinner avec ses sujets, et nous en suitte ne le voulusmes faire.

Le roy s’alla la nuit promener a Chef de Bois pour voir la flotte angloise par un tres beau temps et une lune tres claire.

Le dimanche 29me Monsieur prit congé du roy pour s’en retourner a Paris : je le fus accompagner. Puis Toiras me vint prier de trouver bon que comme gouverneur d'Aulnis il ammenat les deputés de la Rochelle faire les sommissions au roy. Je luy dis que tous gouvernemens cessoint ou les lieutenans generaux estoint ; que comme mareschal de camp il les pourroit aller prendre avec Le Hallier, et me les ammener, quy les presenterois a monsieur le cardinal, et luy au roy ; dont il fut bien marry ; mais il prit rayson en payement. Je les allay donc prendre a l’entrée des lignes, les mareschaux de camp Marillac et Le Hallier les estans allés querir de ma part a la porte Neuve. Je les fis mettre pié a terre environ trois cens pas proche du logis du roy, et moy demeurant a cheval les menay a Laleu, et a l’entrée de la chambre monsieur le cardinal les vint prendre pour les presenter au roy aux genoux duquel s’estans jettés, ils firent des tres humbles summissions. Le roy leur dit en suitte peu de parolles, et le garde des sceaux plus amplement, et en fin leur pardonna.

Le lundy 30me le roy vint au fort de Beaulieu voir passer les trouppes quy entroint dans la Rochelle, assavoir ses gardes françoises et suisses ; puis revenu a Laleu disner, il s’alla puis apres promener a l’entour de la ville depuis la porte Neuve jusques a Tadon, et de la il revint par les digues, ou il y eut en celle de Coreilles une solive quy fondit sous luy, et s’il n’eut esté leste de se jetter en avant, il alloit au fond de la mer.

Le mardy 31me il fit fort mauvais temps. Le roy ne bougea de Laleu. Mr le cardinal de la Vallette s’en alla a Paris.

Novembre. — Le mercredy premier jour de novembre, et de la Toussaints, le roy fit ses pasques a Laleu ; je le servis : puis il toucha les malades. Je fis aussy mes pasques.

Apres disner il vint au fort de Lafons et de là a la porte de Coygnes ou monsieur le cardinal luy presenta les clefs de la ville, puis en suitte le peuple quy luy cria misericorde. Puis il entra dans la ville ayant immediatement devant luy monsieur le cardinal seul, et devant, Mrs d’Angoulesme, Chomberg et moy en un rang, puis les mareschaux de camp, La Curée et Effiat, deux a deux, et ainsy marcha cet ordre jusques a Sainte Margueritte ou le pere Souffran fit un sermon, puis vespres en suitte. Tous les canons de la ville, des pointes, et de la mer, tirerent. Puis le roy s’en retourna a Laleu.

Mr de Chevreuse partit.

Le jeudy 2me le roy entra le matin par la porte Neuve, alla faire le tour sur les remparts, puis vint en son logis. On tint conseil apres disner.

Le vendredy 3me le roy fit faire une procession generale et l’on porta le Saint Sacrement : Mrs d’Angoulesme, d’Alais, moy, et Chomberg portames le poesle ; Mr de Luxembourg demanda de le porter devant nous comme duc et pair ; mais il le perdit, bien qu’il alleguat que ce ne fut point une action de guerre : que la guerre fut finie, et qu’en temps de paix ils sont logés devant nous ; a quoy on n’eut point d'esgard.

Le soir Montagu revint d’Angleterre.

Le samedy 4me monsieur le cardinal m’envoya prier a disner, et apres me fit la proposition de continuer a commander l’armée, et de la mener en Piemont pour le secours de Casal[964], dont je m’excusay, luy disant que j’irois bien pour la commander a l’occasion, mais que six vingts mille escus que j’avois despendus a ce siege me forçoint d’aller auparavant a Paris pour raccommoder mes affaires.

Il alla parler a Montagu a la hutte de Marillac a Coreilles.

Mr le Comte et Mr de la Vallette partirent.

Je jouay a la paume avec le roy a quy la goutte prit a un pié.

Le dimanche 5me les regimens de Chappes, Plessis Pralain, et Castel Bayart, entrerent en garnison dans la ville, a quy les gardes firent place.

Le roy se fit saigner pour sa goutte.

Le lundy 6me le roy continua d’avoir la goutte et tint le lit.

Le mardy 7me la tourmente fut en mer, par un sirouest, sy violente qu’elle rompit quelques choses aux digues.

Le roy tint conseil, puis fut encores saigné tant pour sa goutte que pour une ebullítion de sang quy le prit par tout le corps.

On fit marcher des canons a Foras[965] avec les regimens de Piemont et de Rambures.

Le mercredy 8me nouvelles vindrent comme sept vaisseaux de la flotte d’Angleterre estoint eschoués au dessous de Foras, quy s’estoint rendus a ceux de Brouages, sur lesquels on avoit mis des soldats et des païsans pour les garder. Monsieur le cardinal partit pour aller en Brouages.

J’eus querelle avec Chomberg et Mr d’Angoulesme, pour lesquels le roy fut : mais on nous accorda, et fus soupper cheux Chomberg.

Le jeudy 9me les Anglois firent semblant d’appareiller pour partir : mais le vent leur fut contraire.

La goutte continua au roy.

Je fus encores souper et jouer cheux Chomberg, et y eut musique.

Le vendredy 10me les Anglois mirent le feu a cinq de leurs vaisseaux et voulurent partir : mais le peu de vent les arresta.

Le samedy 11me la flotte angloise partit devant le jour, moindre de 22 vaisseaux qu’elle n’estoit venue, a cause des bruslots, vaisseaux eschoués, ou ceux ou ils avoint mis le feu.

Le dimanche 12me le roy continua de se trouver mal.

On fit jouer deux mines a Tadon[966].

Le lundy 13me je me fis saigner. Monsieur le cardinal revint. Le roy se leva, et laissa l’ordre necessaire a la ville. On avoit mis tous les canons de la ville a la place du chasteau en nombre de soissante et seise de toutes sortes.

Le mardy 14me le roy donna l’ordre que devoit tenir la garnison et vint voir la parade a la place du chasteau.

Le mercredy 15me on tint conseil apres disner pour les licentiemens et les routtes de nos trouppes. J'eus encor querelle avec le roy pour les gens de guerre.

Je fus soupper cheux Effiat.

Le jeudy 16me le roy m’envoya querir dans son conseil estroit, ou il me dit que pour le bien de son service il convenoit qu’il fit raser plusieurs places de son royaume, comme Saintes, Niort, Fontenay[967], et d’autres, puis abboutit a la citadelle de Ré qu’il dit estre sy forte que, sy un des deux rois ses voysins l’avoit occupée, il luy seroit presque impossible de la reprendre, et qu’il suffisoit en cette isle de Ré le fort de la Prée pour la garder ; qu'a cet effet, estant du departement que j’avois, il m’en avoit voulu parler affin de le proposer et faire aggreer a Toiras, a quy il vouloit donner bonne recompense. J'approuvay le dessein du roy : mais je luy dis que c’estoit une chose quy devoit partir de la bouche propre de Sa Majesté, et que sy Elle l’envoyoit querir et luy disoit, que je m'asseurois qu’il le prendroit de bonne part. Lors on le fit venir, et le roy luy parla : il eut promesse de deux cens mille livres, d’estre payé de ce quy luy estoit deu, recompensé des armes et munitions quy se trouveroint dans la place, et que le roy luy payeroit le vaisseau que les Hollandois luy avoint retenu. Il demanda quelque employ, et je proposay de luy donner l’armée a conduire jusques en Italie.

Le vendredy 17me le roy tint conseil, se fut promener a la tour de la Chaine.

Je fus prendre congé de monsieur le cardinal, le roy ne m’ayant voulu laisser aller devant luy a Paris, me disant qu’il me vouloit presenter aux reines. Monsieur le cardinal partit ce jour là pour aller a Richelieu.

Le samedy 18me le roy partit de la Rochelle et vint coucher a Surgeres ; le dimanche a Niort ; le lundy a Partenay ; le mardy a Touars ; le mercredy a Saumur, ou le jeudy 23me nous fismes nos pasques a Nostre Dame des Ardilliers, puis coucher a Langeais ; le vendredy disner a Tours, coucher a Amboyse ; le samedy a Marchenoir[968], le dimanche a....[969], et le lundy a Dourdan[970], ou il demeura le mardy, et vint le mercredy a Limoux[971] ou Monsieur, et les reines, le vindrent trouver : il me presenta a elles, et le jeudy 30me novembre j’arrivay a Paris ayant esté justement quatorse mois depuis mon partement jusques a mon retour[972].







fin du tome troisième.

  1. Suivant le Journal d’Hérouard, ce fut seulement le 3 janvier que le roi partit de Libourne : il alla coucher le même jour à Guitares ; le 4 il se rendit à Montguyon, le 5 à Barbezieux, le 6 à Châteauneuf-sur-Charente, et le 8 à Aigre : ce fut à Châteauneuf que le prince de Condé vint le trouver.
  2. Clerc de la chambre apostolique.
  3. Des vivres, des approvisionnements.
  4. Scipion Caffarelli, fils de Marc-Antoine Caffarelli et d’Hortense Borghese, prit le nom de Borghese à cause de son oncle Paul V, qui le créa cardinal le 18 juillet 1605. Il mourut le 2 octobre 1633, à l’âge de 57 ans.
  5. Il s’agit de Christine de Lorraine, femme du grand-duc de Toscane Ferdinand Ier, qui régna de 1587 à 1609. Marie de Médicis était nièce de ce prince.
  6. Voir t. II, p. 139-140.
  7. Signy-l’Abbaye, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Mézières, était le siége d’une abbaye de cisterciens, de laquelle Louis de Rucellaï était déjà titulaire en 1602 après Annihal Oricellari de Rucellaï, son oncle, mort évêque de Carcassonne en 1601.
  8. Le 30 avril 1619.
  9. Louis de la Marck, marquis de Mauny, second fils de Charles-Robert de la Marck, comte de Maulevrier et de Braine, et d’Antoinette de la Tour, sa seconde femme, laquelle était veuve de Jean d’Avaugour, et fille de Gilles de la Tour, seigneur de Limeuil, et de Marguerite de la Cropte, dame de Lanquais.
    Mécontent de n’avoir pas obtenu le gouvernement d’Angers, le marquis de Mauny quitta la reine mère quinze jours avant Rucellaï ; il fut comblé de faveurs par le duc de Luynes. Le marquis de Thémines aspira au même gouvernement, et tua M. de Richelieu qui l’avait emporté sur lui. On peut lire dans l’Histoire de la mère et du fils le détail des intrigues de Rucellaï.
  10. Les trois ministres étaient : le cardinal de Retz, Schomberg et De Vic ; les trois maréchaux, Praslin, Chaulnes et Créquy.
  11. Toutefois disposé.
  12. Il, le prince de Condé.
  13. Il, Rucellaï.
  14. Il y avait aux précédentes éditions : au soir.
  15. Chizé, bourg du canton de Brioux, arrondissement de Melle, ne figure pas dans l’itinéraire du roi au Journal d’Hérouard : suivant cet itinéraire le roi partit le 9 d’Aigre pour Villefagnan et vint coucher le 10 à Sauzé, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Melle. Ce fut sans doute à Sauzé que se passa cette petite scène de cour.
  16. Il y avait aux précédentes éditions : vous.
  17. Firent dire au roi.
  18. Me mettaient en scène, pour me décrier.
  19. Remettre bien. — Il y avait aux précédentes éditions : ramener.
  20. Le maréchal de Roquelaure ne mourut pas alors, mais seulement en 1625.
  21. Second incident qui contribua à empêcher la réconciliation de Bassompierre avec les ministres. — Le 11 le roi était venu de Sauzé à Couhé ; le 12 il alla seulement de Couhé à Vivonne : la distance entre ces deux endroits n’est que d’une poste, c’est-à-dire de deux lieues et demie environ.
  22. Il y avait aux précédentes éditions : emporter.
  23. Le point était après les mots : la reine sa mère.
  24. François de Silly, comte de la Rocheguyon, fils d’Henri de Silly, comte de la Rocheguyon, et d’Antoinette de Pons, marquise de Guercheville. Le comté de la Rocheguyon fut érigé en duché en sa faveur ; mais les lettres d’érection ne furent pas enregistrées au parlement.
  25. Nicolas Jacquinot, premier valet de garde-robe du roi.
  26. Le roi était venu le 16 de Poitiers à Châtellerault. Le 17 il partit en effet de bonne heure et par « ung temps fort serein, mais extremement froid », il arriva à Sainte-Maure en-passant par Port-de-Pile (Journal d’Hérouard). — La Haye-Descartes, sur la rive droite de la Creuse, est en dehors de la route directe de Poitiers à Tours.
  27. Charles de Vivonne, baron de la Chastaigneraye, cinquième fils de Charles de Vivonne, baron de la Chastaigneraye, et de Renée de Vivonne, avait été fait chevalier des ordres en 1619.
  28. Saint-Maixent avait une abbaye de bénédictins, dont la maison abbatiale était appelée l’Hort (jardin) de Poitiers. Cette abbaye avait été possédée par M. de Sully et par M. de Rohan sous le nom d’un ecclésiastique. M. de Rohan en fut dépouillé lorsqu’il prit les armes pour les protestants en 1621.
  29. Le 27 janvier.
  30. Claude de Bullion, seigneur de Bonnelles, fils de Jean de Bullion, seigneur d’Argny, maître des requêtes, et de Charlotte de Lamoignon, successivement conseiller au parlement, conseiller d’État, maître des requêtes, fut fait surintendant des finances en 1632. Il mourut le 22 décembre 1640. — Il y avait aux précédentes éditions : M. de Bouillon.
  31. Jacques d’Estampes, seigneur de Valençay, fils aîné de Jean d’Estampes, seigneur de Valençay, et de Sara d’Happlaincourt, né le 28 novembre 1579, mort le 21 décembre 1639.
    Charlotte d’Estampes, sœur de M. de Valençay, avait épousé en 1615 M. de Puisieux, dont elle était la seconde femme.
  32. Hérouard dit, à la date du lundi 14 : « La Reine καταμενη » (καθημενη, laissée choir) ; et à la date du mercredi 16 : « Sur les trois heures la Reine accouche d’un embryon de quarante ou quarante-deux jours. »
  33. Le 20 mars. Le roi arriva le 23 à Orléans.
  34. Les dernières éditions portaient : Toury-la-Fourraine. — Ce fut d’Orléans que le roi dépêcha le sr de la Folaine avec des lettres datées du 25 mars.
    Astremoine de Jussac, seigneur de la Folaine, fils aîné de Jean de Jussac, seigneur de la Folaine, et de Marie du Bois Fontaine-Maran, était gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.
  35. Voir à l’Appendice. I.
  36. Peut-être Jacques du Fay, comte de Maulevrier, seigneur de Bourgachard, fils de Jean du Fay, seigneur du Taillis, et de Madeleine Jubert, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi ; ou Philippe Bergeron, sieur du Fay, commissaire ordinaire des guerres.
  37. Le roi partit d’Orléans le lundi de Pâques, 28 mars, et arriva le 31 à Blois ; il se rendit le 3 avril de Blois à Tours, le 6 de Tours à Saumur, le 8 de Saumur aux Ponts-de-Cé, le 9 des Pont-de-Cé à Ancenis, et le 10 d’Ancenis à Nantes. Il fit ce voyage en bateau. (Journal d’Hérouard).
  38. Châtres, aujourd’hui Arpajon, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Corbeil, département de Seine-et-Oise, sur la route de Paris à Orléans. — Les précédentes éditions portaient : Chartres.
  39. Ancenis, chef-lieu d’arrondissement du département de la Loire-Inférieure.
  40. Jean de Saint-Gery, seigneur de Magnas, fils d’Antoine de Saint-Gery, seigneur de Magnas, et de Marguerite de Saint-Lary, fut tué au siége de Montpellier en cette même année.
  41. Vieille-Vigne, sur l’Ognon, canton d’Aigrefeuille, arrondissement de Nantes.
  42. Légé, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nantes.
  43. N. de Kergroadez, seigneur du Bois et de Kergroaz, en Bretagne.
  44. Saint-Gilles-sur-Vie, chef-lieu de canton de l’arrondissement des Sables-d’Olonne, département de la Vendée ; Croix-de-Vie, bourg du canton de Saint-Gilles : lieux situés à l’embouchure de la Vie, le premier sur la rive gauche, et le second sur la rive droite.
  45. La Chaume, village situé dans une presqu’île formée par un étroit bras de mer. — Les Sables-d’Olonne, ville maritime sur la rive opposée de ce canal.
  46. Apremont, village du canton de Palluau, arrondissement des Sables-d’Olonne, sur la rive droite de la Vie.
  47. Challans, chef-lieu de canton de l’arrondissement des Sables-d’Olonne.
  48. Orouet, village aux confins des deux îles, avait une abbaye.
  49. Il y avait aux précédentes éditions : pays.
  50. Au milieu de la chaussée de l’île du Perrier. — Hérouard dit, à la date du 15, en parlant du roi : « Guay avec impatience pour aller a la chaussée et voir donner l’attaque a l’isle de Riés ; va a la chaussée. Mr le Prince luy envoye demander du secours ; quitte son disner, s’en veult aller monter a cheval, va a deux lieues de chemin. »
  51. Haute marée.
  52. Inédit.
  53. Saint-Jean-de-Mont, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement des Sables-d’Olonne, est situé près de la mer, dans une île contiguë aux îles de Riez et du Perrier.
  54. Il y avait aux précédentes éditions : l’infanterie.
  55. Gabriel de Chasteaubriant, seigneur des Roches-Baritaut, comte de Grassay, fils de Philippe de Chasteaubriant, seigneur des Roches, comte de Grassay, et de Philiberte du Puy-du-Fou, sa seconde femme, fut lieutenant général en Bas-Poitou.
  56. Inédit.
  57. Il y avait aux précédentes éditions : moi. Le mot nous comprend les maréchaux de camp Marillac et Zamet.
  58. C’est-à-dire : de faire chef de chaque escadron un des princes et officiers.
  59. Vitry et Praslin.
  60. « A huict heures soupé sur le sable : sous une petite masure couché tout vestu sur de la paille, et la robe dessus et le manteau dessoubs : y dort deux heures, y est jusqu’a minuict. » (Journal d’Hérouard.)
  61. Jean-Denis de Polastron, seigneur de la Hillière, avait été reçu sergent-major du régiment des gardes en 1606. Il devint major en 1622 au siége de Montpellier et occupa cet emploi jusqu’en 1627.
  62. « Le 16 esveillé a minuict, monte a cheval...., entre dans une isle sans qu’il y ayt des gens de guerre. » (Journal d’Hérouard.)
  63. Il y avait aux précédentes éditions : escadrons.
  64. Tallemant des Réaux, peu bienveillant en général pour Bassompierre, lui rend cependant justice en cette occasion : « Aux Sables d’Olonne, dit-il, il acquit de la réputation, paya de sa personne et monstra le chemin aux autres : car il se mit dans l’eau jusqu’au cou. » (Historiette de Bassompierre.)
  65. « Ce fut ung coup du ciel d’avoir preservé le roy engagé en l’isle : et de la victoire sans ung seul blessé, ou fort peu : il y fut tué plus de huict mille hommes, canon, drapeaux et bagages perdus. Desjuné a huict heures a la campagne, disné a Saint Gilles en Riés, couché a Aspremont. » (Journal d’Hérouard.)
  66. En récompense des services du comte de la Rochefoucauld dans cette courte campagne, le roi, par lettres données à Niort en avril 1622, érigea en duché-pairie la terre et comté de la Rochefoucauld ; mais ces lettres ne furent vérifiées que le 4 septembre 1631, et le serment ne fut prêté que le 24 juillet 1637.
  67. Jean Guiton, le célèbre maire de la Rochelle, né en 1585, mort le 15 mars 1654, était fils de Jean Guiton, sieur de l’Houmeau, qui fut maire en 1587. Il avait été fait amiral par commission de l’assemblée de la Rochelle du 22 août 1621.
  68. Aizenay, bourg du canton de Poiré-sur-la-Roche, arrondissement de la Roche-sur-Yon.
  69. La Roche-sur-Yon, qui de nos jours a été tour à tour Napoléon-Vendée et Bourbon-Vendée, et qui a repris maintenant son ancien nom, était alors une principauté appartenant à Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier.
  70. Sainte-Hermine, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Fontenay-le-Comte, département de la Vendée.
  71. Il y avait encore ici et quelques lignes plus bas : M. de Bouillon.
  72. C’est-à-dire : le roi ouit M. de Bullion.
  73. Royan, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Marennes, était une place assez forte par sa position sur la rive droite de la Gironde, dont elle commandait l’embouchure. Les huguenots s’en étaient emparés par surprise à la fin de l’année précédente.
  74. N. de la Motte-Fouqué, baron de Saint-Seurin, fils de Charles de la Motte-Fouqué, baron de Saint-Seurin et de Tonnay-Boutonne, et d’Élisabeth de la Chassagne. Son frère avait été fait prisonnier à l’île de Riez.
  75. C’est-à-dire : Saint-Seurin sortit.
  76. « Entrant baissa son chapeau et destourna sa vue des ruines des murailles entierement rasées ; aussitost qu’il fut entré, haussa son chapeau et regardoit librement partout. » (Journal d’Hérouard.)
  77. Inédit.
  78. Saujon, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Saintes, sur la rive droite de la Seudre.
  79. Soulac, village du canton de Saint-Vivien, arrondissement de Lesparre, département de la Gironde, est situé en Médoc, non vis-à-vis de Blaye, mais beaucoup plus bas et presque en face de Royan. C’est Fort-Médoc qui fait face à Blaye sur la rive gauche de la Gironde.
  80. Tonneins, après une vigoureuse résistance dirigée au dedans par Montpouillan, et secondée du dehors par M. de la Force, se rendait enfin le 4 mai au duc d’Elbeuf.
  81. Jean de Gontaut, fils puiné d’Armand de Gontaut, baron de Biron, maréchal de France, et de Jeanne d’Ornezan, devenu baron de Biron après la mort du duc de Biron, son frère aîné, mourut le 10 août 1636.
  82. Pompeo Targone, célèbre ingénieur italien, avait inventé au siége d’Ostende une machine roulante que l’on appela le chariot de Pompée. Il était en 1622 intendant des ingénieurs de France.
  83. Chastelard, village près de Vaux-sur-Mer, au nord et à peu de distance de Royan : le roi y prit son quartier pendant le siége.
  84. Il y avait aux précédentes éditions : et même.
  85. « Le 7e sapmedy a cinq heures monte a cheval et va accompagné du sr du Hallier, capitaine de ses gardes, et de deux officiers : va aux tranchées ou il fust tiré ung coup de piece qui tumba a six pas de luy : donne cent escus aux soldats de ses gardes qui entroint en garde aux tranchées. » (Journal d’Hérouard.)
  86. Je crois qu’il faut lire palissades : l’auteur a conformé son orthographe au son du mot allemand pfahl, qui veut dire pieu, d’où pfahlwerk, palissade. Quand on veut pousser vivement l’attaque d’un ouvrage, on se couvre de palissades, derrière lesquelles on forme le parapet avec des gabions.
  87. Inédit.
  88. Destourbier, de disturbarium (basse latinité), vieux mot qui signifie obstacle, empêchement.
  89. Inédit.
  90. Peut-être Jacques d’Adhemar, seigneur de Colombiers, fils de Thibaud d’Adhemar, seigneur de Colombiers, et de Jeanne de Rey de Marvejol, qui fut lieutenant-colonel du régiment d’Auvergne.
  91. Timoléon de Refuge, second fils d’Eustache de Refuge, seigneur de Précy, ambassadeur du roi, et d’Hélène de Bellièvre, fille du chancelier.
  92. Inédit.
  93. Il y avait aux précédentes éditions : honorable.
  94. Inédit.
  95. Il y avait aux précédentes éditions : le fossé.
  96. Il y avait : toute la pièce.
  97. Charles-Hercule de Crevant, marquis d’Humières, fils ainé de Louis de Crevant, vicomte de Brigueil, et de Jacqueline, dame d’Humières, héritière de sa maison. Suivant le P. Anselme, M. d’Humières fut tué au siège de Royan le 12 mai ; mais cette date ne saurait être exacte qu’autant que ce serait celle de sa mort, et non celle de sa blessure, puisque la place se rendit le 11. On voit ici qu’il fut frappé le 9 mai.
  98. Inédit.
  99. Isaac du Raynier, seigneur de Droué, capitaine au régiment des gardes françaises, reçut le gouvernement de Royan en récompense de ses longs services.
  100. Le baron du Bourg-l’Espinasse avait été créé maréchal de camp en 1621.
  101. Henri de Saint-Nectaire, marquis de la Ferté-Nabert, dite la Ferté-Saint-Nectaire ou la Ferté-Senneterre, fils de François, seigneur de Saint-Nectaire et de la Ferté-Nabert, et de Jeanne de Laval, mort le 4 janvier 1662, à l’âge de 89 ans.
  102. René aux Espaules, marquis de Nesle, fils de François aux Espaules, seigneur de Pizy, et de Gabrielle de Laval-Loué, mourut le 29 mai 1650, à l’âge de 76 ans. Il avait eu le marquisat de Nesle par héritage de Guy de Laval, son cousin germain.
  103. Les inventions et machines admirables du sieur Pompée Targon, intendant des ingenieurs de France, dressées de nouveau contre la ville de la Rochelle, tel est le titre d’une pièce imprimée à Paris, chez Jean Martin, m. dc. xxii.
  104. Mirambeau, chef- lieu de canton de l’arrondissement de Jonzac, département de la Charente-Inférieure.
  105. Guitres, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Libourne.
  106. Saint-Émilion, village du canton de Libourne, célèbre par ses vins et par ses grottes.
  107. Le contrat avait été passé le 19 avril.
  108. Saint-Aulaye est un lieu du canton de Velines, arrondissement de Bergerac, département de la Dordogne.
  109. Inédit.
  110. Il y avait aux précédentes éditions : que je m’ennuyasse.
  111. M. de la Force, qui avait soustrait Sainte-Foy à l’autorité de Théobon, le gendre de Boësse-Pardaillan, remettait cette place en l’obéissance du roi.
  112. La rivière de Dordogne.
  113. Monségur, chef-lieu de canton de l’arrondissement de la Réole.
  114. Après avoir passé le Lot en bateau près de son confluent avec la Garonne.
  115. Valence-d’Agen, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Moissac, département de Tarn-et-Garonne.
  116. Pour le bien du service du roi.
  117. Cette pensée est exprimée dans une des devises adoptées par le maréchal de Bassompierre : Mihi gloria fructus.
  118. Les précédentes éditions portaient : à moi.
  119. Et de ce que le roi traitait des choses particulières avec lui, et lui demandait son avis.
  120. Qui m’avaient obligé à être leur ami.
  121. « M. d’Auctot, grand favory de Monseigneur le Prince. » (Mémoires de Beauvais-Nangis.)
  122. C’est-à-dire : je ne lui cachai point.
  123. La rivière d’Aveyron fut passée à gué.
  124. Village du canton de Montauban, entre l’Aveyron et le Tarn.
  125. « Le 8 (le roi) part de Villemade apres desjuner, aïant faict mettre et marcher son armée en bataille passant pres de Montauban, disné a unze heures a Albias, dans un champ labouré, au grand soleil : monte a cheval, arrive a las Gardies pres de Negrepellisse, village, et va voir les attaques qui se faisoient a Negrepellisse qui avoit refusé ses portes. » (Journal d’Hérouard.) — Albias ou Albiac, bourg du canton de Négrepelisse, arrondissement de Montauban, sur la rive gauche de l’Aveyron : Négrepelisse, un peu au-dessus d’Albias, est sur la même rive.
  126. Il y avait aux précédentes éditions : de.
  127. Claude-Alexandre de Choiseul, seigneur d’Esguilly, second fils de François de Choiseul, seigneur de Chevigny, et de Françoise d’Esguilly.
  128. Gédéon de Vic, seigneur d’Ermenonville, second fils de Méry de Vic, seigneur d’Ermenonville, garde des sceaux de France, et de Marie Boudineau, mourut le 26 février 1636.
  129. Inédit.
  130. « Le 9, luete tres relaschée. — Le 10 va a la fenestre d’ou se void l’assault qui se donnoit à Negrepellisse. » (Journal d’Hérouard.)
  131. Peut-être Ours Gibelin, de Soleure, qui devint en 1623 lieutenant de la compagnie suisse de Wallier, dont il fut pourvu en 1639.
  132. Il y avait aux précédentes éditions : fermé.
  133. René Acarie, seigneur du Bourdet et de Crasanne, fils de Jean Acarie, seigneur du Bourdet, et de Catherine Belcier, avait épousé en 1611 Angélique de la Rochefoucauld.
  134. Voir à l’Appendice. II.
  135. Montricoux, petite ville du canton de Négrepelisse, arrondissement de Montauban, sur la rive droite de l’Aveyron.
  136. Louis d’Arpajon, marquis de Séverac, depuis duc d’Arpajon, fils aîné de Jean d’Arpajon, baron de Séverac, et de Jacquette de Castelnau de Clermont-Lodève, mort au mois d’avril 1679. Il venait d’épouser en 1622 Gloriande de Lauzières de Thémines, fille du maréchal de Thémines et de Catherine d’Ebrard de Saint-Sulpice.
  137. La Bonnette, petit affluent de la rive droite de l’Aveyron. — Il y avait aux précédentes éditions : la Bouvette.
  138. Il y avait aux précédentes éditions : traverses.
  139. Voir la note 1 à la page 41.
  140. C’est-à-dire que le retranchement du milieu était flanqué de la même manière que la tête de la corne.
  141. Le ravelin est un ouvrage à angle saillant, que l’on appelle plus communément demi-lune.
  142. Il y avait aux précédentes éditions : l’avenue.
  143. Il y avait aux précédentes éditions : continuoit.
  144. De l’Aveyron.
  145. Tout le passage depuis le mot fortifier jusqu’à ceux-ci : une même pièce, manque dans les anciennes éditions : on l’a rétabli dans les éditions récentes, sauf que l’on a omis le mot l’on et le mot deux, ce qui change le sens de la phrase. Le passage existe dans les manuscrits Fr. 4063, Fr. 10315, Fr. 17476.
  146. Jeu de mots sur les cornes qui défendaient Saint-Antonin.
  147. Inédit.
  148. Inédit.
  149. Inédit.
  150. N. de la Planche de Mortières.
  151. Il, le roi.
  152. Le roi essuya lui-même le feu des assiégés, et « ung coup de piece portant bale de plomb de la grosseur d’ung œuf » passa droit au-dessus de sa tête. (Journal d’Hérouard.)
  153. Caylus, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montauban, sur la rive gauche de la Bonnette.
  154. Le soir du 14 juin.
  155. Le 15.
  156. Des cabales.
  157. Henri de Buade, comte de Paluau, fils d’Antoine de Buade, seigneur de Frontenac, baron de Paluau, et d’Anne de Roque-Secondat, était mestre de camp du régiment de Navarre.
  158. « Le 16 a dix heures monte a cheval et va au camp au dessus d’une batterie ou il y avoit deux couleuvrines : en pointe par deux fois une sur des païsans qui remparoient, a la seconde fois en tue deux. » (Journal d’Hérouard.)
  159. « Le 19 a une heure monte a cheval, va au camp ou il voit faire une attaque a une corne qui fut virilement soustenue et repoussée par les femmes a coups de halebardes : s’en revient fort fasché a neuf heures et ung quart. » (Journal d’Hérouard.)
  160. Roger de Villemur, baron de Paillez, était major du régiment de Normandie depuis 1621.
  161. Peut-être le même officier que celui qui est appelé Malaissis à la page 194 du tome II, c’est-à-dire Maleyssie, lieutenant de la mestre de camp des gardes.
  162. Castelnau-de-Montmirail, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Gaillac, département du Tarn.
  163. Rabastens, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Gaillac, sur la rive droite du Tarn.
  164. Saint-Sulpice-de-la-Pointe, bourg de l’arrondissement et canton de Lavaur, département du Tarn, au confluent du Tarn et de l’Agout, sur la rive gauche des deux rivières.
  165. Carmain ou Caraman, appelé aussi Cramail, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Villefranche, département de la Haute-Garonne.
  166. Uzès, chef-lieu d’arrondissement du département du Gard.
  167. Castelnaudary, chef-lieu d’arrondissement du département de l’Aude. — Le Mas-Saintes-Puelles, bourg du canton de Castelnaudary, voisin de cette ville.
  168. Puylaurens, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Lavaur. — Sorèze, petite ville du canton de Dourgne, arrondissement de Castres.
  169. Belcastel, village de l’arrondissement et canton de Lavaur.
  170. Inédit.
  171. Loubens, village du canton de Caraman. — Il y avait aux précédentes éditions : Lombers.
  172. Revel, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Villefranche. — Bassompierre ne voulait pas que ces places pussent être renforcées.
  173. Gabriel de Montfaucon, seigneur de Rogles, fils de Jean de Montfaucon, seigneur de Rogles, et d’Isabeau de Saint-Jean.
  174. Cuq-Toulza, chef- lieu de canton de l’arrondissement de Lavaur.
  175. Voir à l’Appendice. III.
  176. Saint-Félix-de-Caraman, ville du canton de Revel.
  177. Devant le parlement de Toulouse.
  178. Le marquis de Rosny avait été pourvu en 1610 de la charge de grand maître de l’artillerie sur la démission du duc de Sully, son père. La négociation dont parle ici Bassompierre n’eut pas de résultat ; car Rosny conserva sa charge jusqu’à sa mort (1634), et ne traita qu’en 1632, avec M. de la Meilleraye.
  179. Il, Schomberg.
  180. Il faudrait plutôt : jusques au lendemain. L’excursion sur Revel eut lieu ce même jour 1er juillet.
  181. Il y avait aux précédentes éditions : armée.
  182. Suivant Hérouard le roi coucha le 4 à Villefranche-de-Lauraguais, et arriva seulement le 5 à Castelnaudary. Sa maladie consistait en mal de gorge, rhume, luette relâchée.
  183. Ici et plus bas l’auteur a écrit par erreur : mercredy 12me : le mercredi était le 13. L’erreur se continue jusqu’au 18 : elle a été corrigée dans les plus récentes éditions.
  184. Bedarrieux, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Béziers, département de l’Hérault.
  185. Alzonne, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Carcassonne, à mi-chemin entre cette ville et Castelnaudary.
  186. Il y avait aux précédentes éditions : il voyoit.
  187. Il y avait aux précédentes éditions : qualifier.
  188. Schomberg était de la même promotion que Bassompierre ; il le précédait seulement dans l’ordre de cette promotion, dont il était le vingt-troisième chevalier laïque.
  189. Charles de l’Aubespine, marquis de Chasteauneuf, fils de Guillaume de l’Aubespine, baron de Chasteauneuf, et de Marie de la Châtre, fut conseiller d’État, ambassadeur, et enfin garde des sceaux. Il était depuis 1621 chancelier des ordres, en survivance de son père.
  190. Il était contraire aux statuts de nommer un membre qui ne faisait pas profession de la religion catholique. Le duc de Lesdiguières fit son abjuration seulement le 24 juillet, dans la cathédrale de Grenoble. Le même jour il reçut des mains du maréchal de Créquy, son gendre, le brevet et les provisions de l’office de connétable en date du 6, avec la dispense de serment en date du 14 ; et le 26 il fut revêtu des insignes de l’ordre.
  191. Lesignan-la-Cèbe, village du canton de Montagnac, arrondissement de Béziers.
  192. Ce passage jusqu’aux mots : Le lundy, manque entièrement dans les anciennes éditions ; il existe à peu près dans les éditions récentes, mais seulement jusqu’aux mots : qu’il avoit. — Le premier volume du manuscrit autographe finit avec le f° 424 par ces mots : elle luy permit de, avec ceux-ci en signature : conserver celuy quy, et le second volume commence au f° 425 par ces mots : conserver celuy qu’il avoit administré. Dans les manuscrits Fr. 10315-10316, et Fr. 17476-17477, le passage manque entièrement : le premier volume finit au mot Lusignan, et le second commence aux mots : Le lundy. Dans le manuscrit Fr. 4062-4066, un volume finit par ces mots : de conserver celuy quy, et le suivant commence par les mots : Le lundy. Dans le manuscrit de l’Arsenal la partie existante des mémoires commençait aux mots : Le lundy ; une autre main a ajouté en tête de la page la fin du passage à partir des mots : conserver celuy qu’il avoit administré. Le texte a dû être complet dans cette dernière copie.
  193. Inédit.
  194. Inédit.
  195. Inédit.
  196. Passage entièrement inédit.
  197. Lieux voisins de Montpellier. Le Mas-de-Mariotte est à une lieue environ au sud de cette ville. Le Mas-de-Ranchin, situé dans la même région, fut le lieu de rencontre de deux partis, dont l’un était sorti de Montpellier, et l’autre faisait le dégât sur le territoire environnant. Les protestants surpris furent obligés de se jeter dans un petit bois où, après s’être défendus vigoureusement, ils laissèrent quatre cents hommes sur le terrain. Cette affaire, qui eut lieu le 23 juin, fut appelée par eux la défaite du Bosquet. Voir l'Histoire de la ville de Montpellier, par Charles d’Aigrefeuille. Montpellier, m. dcc. xxxiv, pp. 367, 368.
  198. Briatexte, bourg du canton de Graulhet, arrondissement de Lavaur, sur la rive gauche de l’Adou, « petit lieu fort commandé et foible », mais bien défendu par Faucon et fortement secouru par Malauze, « soustint le siege un mois ou plus », et « repoussa quatre ou cinq assaults. » (Mémoires du duc de Rohan.)
  199. Pezenas, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Béziers.
  200. Frontignan, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montpellier.
  201. Le samedi 30.
  202. Sur l’étang d’Ingril, ou plutôt sur le canal des Étangs, qui joint l'étang de Thau à l’étang de Mauguis, en traversant les étangs intermédiaires.
  203. Mauguio, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montpellier.
  204. Villeneuve-de-Maguelonne, bourg du canton de Frontignan, au sud de Montpellier.
  205. Lattes, village du canton de Montpellier, à une lieue et demie au sud de cette ville.
  206. Lunel, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montpellier ; Marsillargues, petite ville du canton de Lunel. — Lunel et Marsillargues sont à une lieue environ de distance.
  207. Inédit.
  208. M. de Montmorency.
  209. Ces deux régiments, qui avaient paru au siége de Montauban, avaient probablement pour colonels : l’un, N. de Verdelhan, seigneur de Fabrègues, fils de Daniel de Verdelhan, seigneur de Fabrègues, et de Madeleine de Budos ; l'autre, Jean de Valette, seigneur de Cornusson et de la Roquette, fils de François de Valette, seigneur de Cornusson, et de Gabrielle de Murat, qui fut sénéchal et gouverneur de Toulouse.
  210. Le colonel du régiment dont il est ici question était Antoine de Grimoard de Beauvoir du Roure, baron de Saint-Remèze et Saint-Brest, fils puîné d’Antoine de Grimoard de Beauvoir du Roure, marquis de Grisac, et de Claudine de la Fare-Monclar. Il avait épousé, en 1596, Anne d’Ornano, fille du premier maréchal d’Ornano.
  211. Ce régiment était commandé par Henri-François-Alphonse d’Ornano, seigneur de Mazargues, second fils d’Alphonse Corse, dit d’Ornano, premier maréchal d’Ornano, et de Marguerite-Louise de Grasse de Pontevez.
  212. Parmi les nombreux personnages qui portaient alors le nom de Montréal, celui dont il est ici question est sans doute Guillaume de Balaruc, seigneur de Montréal, créé maréchal de camp en 1621.
  213. Inédit.
  214. Il y avait aux précédentes éditions : agiroit selon qu’il jugeroit necessaire.
  215. Calvisson, bourg du canton de Sommières, arrondissement de Nîmes, situé à quatre lieues au nord de Lunel.
  216. Pignan, Montferrier, bourgs du canton de Montpellier. — Gigean, bourg du canton de Mèze, et Assas, bourg du canton de Castries, arrondissement de Montpellier. — Aymargues, petite ville du canton de Vauvert, arrondissement de Nîmes, et Saint-Gilles, chef-lieu de canton du même arrondissement. — Saint-Geniès-de-Malgoirés et Sainte-Anastasie, bourgs du canton de Saint-Chaptes, arrondissement d’Uzès. Il y a aussi dans le canton de Castries un bourg appelé Saint-Geniès-des-Mourgues.
  217. Il y avait aux précédentes éditions : devant.
  218. L’auteur a oublié de finir la phrase.
  219. On a vu à la note 4 de la page 69 que le ravelin est un ouvrage de défense à angle saillant, que l’on appelle plus communément demi-lune.
  220. Il y avait aux précédentes éditions : qui ruineroit.
  221. Les précédentes éditions portaient : de la Pedrié.
  222. Le cardinal de Retz ne mourut que le 13 août, suivant le P. Anselme, et le 22, suivant le Gallia Christiana.
  223. Le cardinal était chef du conseil, dont Schomberg faisait partie comme surintendant des finances.
  224. Dans toutes les éditions précédentes il y avait : la Todeze.
  225. Le fidelle historien des affaires de France (Paris, Toussainct du Bray, M. DC. XXIII) prétend que les soldats de la garnison, en se retirant, avaient rencontré quatre cents hommes de Nîmes, que ceux-ci les avaient engagés à se jeter sur les troupes royales, et que les uns et les autres avaient été chargés à leur tour et taillés en pièces. On voit que Bassompierre raconte la chose tout autrement : la justice rigoureuse qu’il exerça sur les soldats de l'armée est la confirmation de son récit. Le duc de Rohan, dans ses mémoires, dit aussi que la capitulation fut violée par les gens du roi ; l’historien protestant Levassor accuse même le prince de Condé d’avoir, au moins par une connivence secrète, favorisé le massacre.
  226. Inédit.
  227. Inédit. — La rivière de Vidourle, qui se jette dans les étangs de Repausset et de Mauguio, passe à quelque distance de Lunel. Le pont de Lunel est sur la route de Nîmes.
  228. Sommières, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nîmes.
  229. François de Valois, comte d'Alais, troisième fils de Charles, bâtard de Valois, comte d’Auvergne, duc d’Angoulême, et de Charlotte de Montmorency. Le second fils du duc d’Angoulême était destiné à l’état ecclésiastique, et l’ainé, Henri de Valois, comte de Lauraguais, était tombé en démence, de sorte que le comte d’Alais devait succéder à son père, dont il tenait déjà la charge de colonel général de la cavalerie légère de France : mais ce jeune prince mourut le 19 septembre de cette même année 1622, sans enfants de son mariage avec Louise-Henriette de la Châtre.
  230. Jean de la Croix, baron de Castries, fils de Jean de la Croix, baron de Castries, et de Marguerite de la Voglia, avait épousé Louise de l’Hôpital, fille de Jacques de l’Hôpital, marquis de Choisy, et de Madeleine de Gosse, laquelle était arrière-petite-fille de Philippe de Montmorency, fille de Jean de Montmorency, l’auteur commun de la branche des ducs de Montmorency, et de celle de Montmorency-Fosseux, dont la mère du maréchal de Bassompierre était descendante. (Voir t. I, p. 24, note l.) Mr de Castries était donc à la fois parente et de M. de Montmorency et de M. de Bassompierre.
  231. Inédit.
  232. Il y avait aux précédentes éditions : des six milliers.
  233. Le roi était parti de grand matin de Frontignan par eau ; il prit terre près de Villeneuve-de-Maguelonne, monta à cheval pour aller reconnaître Montpellier, et arriva à midi à Mauguio. (Journal d'Hérouard.)
  234. Chez le prince de Condé.
  235. Roger de Daillon, comte de Pontgibault, second fils de François de Daillon, comte du Lude, et de Françoise de Schomberg, né le 13 octobre 1601, fut tué en duel en 1626 par le comte de Chalais. Il était neveu de M. de Schomberg.
  236. Les précédentes éditions donnaient l’Angoumois à M. de Praslin.
  237. Cette phrase a été ajoutée par l’auteur en marge de son manuscrit.
  238. Jacques de Saint-Bonnet, seigneur de Restinclières, fils ainé d’Aymar de Saint-Bonnet, seigneur de Restinclières, et de Françoise de Claret de Saint-Félix, né le 4 mars 1575, mort le 22 juin 1647.
  239. Le 22 août. ― Aigues-Mortes, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nimes.
  240. Gaspard de Coligny, comte de Coligny, seigneur de Châtillon-sur-Loing, fils de Gaspard de Coligny, comte de Coligny, seigneur de Châtillon-sur-Loing, et de Marguerite d’Ailly, né le 26 juillet 1584, mort le 4 janvier 1646. Connu sous le nom de maréchal de Châtillon, il fut plus tard créé duc de Coligny.

    Depuis longtemps, M. de Châtillon s’était rendu suspect aux protestants par ses hésitations, et par ses rivalités avec le duc de Rohan. Dépouillé par l’assemblée de Nîmes du commandement du bas Languedoc, que lui avait assigné l’assemblée de la Rochelle, il fit son accommodement avec le roi. Les provisions de maréchal lui avaient été délivrées dès le 12 février de cette année : il fut admis au serment le 20 (et non le 21) août en échange de la remise du gouvernement d’Aigues-Mortes, dont il avait été pourvu en 1616.

  241. François de Nagu, marquis de Varennes, fils de Jean de Nagu, seigneur de Varennes, et de Philiberte des Loges, maréchal de camp, fut fait chevalier des ordres en 1635, et mourut en 1637.
  242. Laverune, village du canton de Montpellier, à l’ouest de cette ville. ― La paix était négociée d’un côté par le duc de Lesdiguières, et de l’autre par le duc de Rohan, qui avaient eu une entrevue à Saint-Privat en Languedoc.
  243. Ce fut le 28 aoút que le duc de Lesdiguières prêta le serment de connétable. Suivant son historien Louis Videl, l'épée lui avait déjà été envoyée de Béziers par le roi.
  244. Louis de Nogaret, cardinal de la Valette, troisième fils de Jean-Louis de Nogaret de la Valette, duc d’Épernon, et de Marguerite de Foix, comtesse de Candale. Il fut fait cardinal le 11 janvier 1621, se démit en 1627 de l’archevêché de Toulouse dont il était titulaire depuis 1614, sans être engagé dans les ordres, et mourut le 28 septembre 1639.
  245. Inédit.
  246. Henri du Faur, seigneur de Tarabel, second fils de Guy du Faur, seigneur de Pibrac, et de Jeanne de Custos, dame de Tarabel, avait été nommé premier président du parlement de Pau, lors de la création de ce parlement en 1620. Il était aussi conseiller d’État.
  247. Il y avait aux précédentes éditions : Aletz.
  248. A voix basse.
  249. Il y avait aux précédentes éditions : une partie.
  250. L’auteur avait d’abord écrit : quy demanderoint vengeance au cœur.
  251. C'est-à-dire : avant qu’elle lui fasse aucun serment de fidélité.
  252. Les précédentes éditions portaient : à une entière soumission parfaite et respectueuse.
  253. Il y avait aux précédentes éditions : souvenir.
  254. C'est-à-dire : ou même la porteraient à me la refuser absolument.
  255. Il y avait aux précédentes éditions : M. de Bullion.
  256. Charles de Maillé, marquis de Kerman, comte de Maillé, fils de François de Maillé, seigneur de l’Islette, et de Claude de Plusquellec de Kerman, mort le 14 juin 1628.
  257. Il y avait aux précédentes éditions : le Rhône. ― Le Lez, rivière qui coule du nord au sud, à l’est de Montpellier, et va se jeter dans la mer entre l'étang de Pérols et l’étang du Prévost.
  258. Ce tertre s'étend au nord de Montpellier jusqu’à la rivière du Lez.
  259. Maison.
  260. Il y avait : campement. ― Le premier consul ou maire de Montpellier était le sieur Pierre Aimeric, fougueux huguenot, élu en 1621. Sa maison était située sur la rive droite du Lez, à l’extrémité du tertre.
  261. Lieu des exécutions.
  262. N. de Meritens de Lago. ― Il y avait aux précédentes éditions : Lage.
  263. Le prince de Condé et le maréchal de Praslin se logèrent sur le tertre, non loin de la maison occupée par le roi. Leurs tentes étaient voisines de celle de M. de Bassompierre.
  264. Ici et dans la suite il y avait aux précédentes éditions : le havre Saint-Denis. ― La butte Saint-Denis est située à l’est de la ville.
  265. M. du Plessis, que l’on voit ici occuper l’emploi considérable de sergent de bataille, est sans doute le même officier qui, en 1614, était maréchal de bataille pour la cavalerie ; on ne doit pas le confondre avec du Plessis-Besançon, qui fut aussi sergent de bataille, mais plus tard.
  266. Le Merdanson, ruisseau désigné dans les plans modernes sous le nom de Verdanson, coule de l’ouest à l'est, au nord de Montpellier, et va se jeter dans le Lez. ― Il fallait le passer pour aller du camp royal à la butte Saint-Denis.
  267. Pierre de Conty, seigneur d’Argencourt, était lieutenant au gouvernement de Montpellier avant le siège : il conserva cette lieutenance après la paix. Depuis il se fit catholique, et servit avec distinction ; il devint maréchal de camp en 1637, et lieutenant général en 1653.
  268. Léonor d’Orléans-Longueville, duc de Fronsac, fils de François d’Orléans-Longueville, comte de Saint-Paul, duc de Fronsac, et d’Anne de Gaumont, marquise de Fronsac, né le 19 mars 1605, était dans sa dix-huitième année.
  269. Jacques de Harcourt, marquis de Beuvron, fils aîné de Pierre de Harcourt, marquis de Beuvron, et de Gillonne de Matignon, né en 1583 ou 1585, avait été blessé l’année précédente devant Clairac et devant Montauban.
  270. Plusieurs historiens désignent ce gentilhomme sous le nom de Lussan l’ainé. C’était probablement un frère de Jacques d’Audibert, comte de Lussan, duquel il est parlé au tome II, p. 196 : ce dernier se maria en 1618 avec Jeanne de Grimoard de Beauvoir du Roure. ― Les précédentes éditions portaient : Cussau.
  271. Les Suisses.
  272. Il y avait aux précédentes éditions : le camp.
  273. Il parait probable que Bassompierre a écrit par erreur : la Roquette, au lieu de : Saint-Brest. En effet, Charles d’Aigrefeuille (Histoire de la ville de Montpellier), Michel Baudier (Histoire du mareschal de Toiras), et Simon du Gros (Histoire de la vie de Henry, dernier duc de Montmorency), mentionnent la mort des deux mestres de camp Fabrègues et Saint-Brest. Le P. Anselme (t. VII, p. 292) dit aussi que Saint-Brest fut tué dans cette rencontre. Dom Vaissette, dans son Histoire générale de Languedoc, ajoute seul le nom de la Roquette à ceux de Fabrègues et Saint-Brest.
  274. Antoine de Grimoard de Beauvoir du Roure, seigneur de Combalet, fils de Claude de Grimoard de Beauvoir du Roure, seigneur de Bonneval et de Combalet, et de Marie d’Albert, sœur du connétable de Luynes. Il avait épousé en 1622 la nièce de l’évêque de Luçon, Marie-Madeleine de Vignerot, qui fut depuis duchesse d’Aiguillon. ― Voir à l’Appendice. IV.
  275. On appelait moyenne une pièce de canon du calibre de quatre livres. ― L’affaire où Zamet fut blessé eut lieu du côté du bastion du Peyrou, à l’ouest de la ville. M. de Montmorency, qui avait son quartier dans cette direction, lui avait remis le commandement ce jour-là, à cause de sa blessure.
  276. Zamet mourut le 8 septembre.
  277. N. des Prés de Mondreville, seigneur de Moulon. ― Dans l’Histoire de la ville de Montpellier, et dans l’Histoire du mareschal de Toiras, cet officier est appelé Coudron. Il est à remarquer que dans l’Histoire de la vie du connestable de Lesdiguières, par Louis Videl, il est question d’un aide de camp appelé Couldron ou Caudron (pp. 405, 407).
  278. Des barriques de grande dimension.
  279. Le pont du Pile-Saint-Gilles.
  280. Les éditions antérieures portaient : cette barricade de gabions que Toiras lui montrait la nuit précédente.
  281. Voir t. II, p. 185.
  282. N. d’Aubourg, seigneur de Porcheux, frère ou neveu de madame de Loméníe, et peut-être fils ou petit-fils de Charles d’Aubourg, seigneur de Porcheux, qui avait épousé, en 1562, Anne de Cléry. Il fut plus tard capitaine au régiment des gardes ; blessé le 8 novembre 1627 devant la Rochelle, il mourut dans les premiers jours de mars 1628.
  283. Julien de Cambis fut major du régiment de Navarre de 1621 à 1630, suivant Roussel (Essai sur les régiments d'infanterie françoise). ― Cet officier pourrait être Jacques de Cambis, baron d’Alais, fils de Georges de Cambis, vicomte d’Alais, et d’Isabelle de Thezan, créé maréchal de camp en 1649, et tué en 1653 après trente campagnes.
  284. Probablement fils du sieur des Boulets, capitaine au régiment de Navarre, duquel il a été parlé au tome II, p. 185.
  285. Il y avait aux précédentes éditions : six cents.
  286. Que la troupe la renversa.
  287. Ugo de Fiesque, frère de celui dont il a été parlé au tome II, p. 145, servit en France dans les guerres contre les calvinistes, et depuis occupa de grands emplois dans sa patrie.
  288. Cet officier est appelé par d’Aigrefeuille le sieur de Terrault, et par Roussel le sieur de Tarente : Michel Baudier le nomme Taraut, comme Bassompierre.
  289. Le ravelin du Riberan, appelé aussi demi-lune d’Argencourt, parce que cet officier en avait construit les fortifications. ― Le bastion situé à droite de la demi-lune en faisant face aux troupes royales, c’est-à-dire du côté où commandaient le prince de Condé et MM. de Praslin et de Bassompierre, était le bastion de la Blanquerie, appelé par les assiégeants le bastion noir ; le bastion à gauche était le bastion des Tuileries, qu’ils appelaient le bastion blanc : l’attaque de M. de Montmorency et le quartier de Picardie étaient de ce côté. Ces fortifications couvraient le nord de la ville.
  290. Inédit.
  291. Il y avait aux précédentes éditions : convention.
  292. Appuya le mien.
  293. M. de Vic était mort à Pignan le 2 septembre, c’est-à-dire après le cardinal de Retz. L’auteur veut dire que la cabale de M. le Prince et de M. de Schomberg était surtout affaiblie par la mort du cardinal.
  294. Étienne d’Aligre, seigneur de la Rivière, fils de Raoul d’Aligre, seigneur de la Rivière, et de Jeanne Lambert, était alors conseiller du roi en ses conseils, et devint plus tard garde des sceaux, puis chancelier de France. Il mourut le 11 décembre 1635, à l’âge de soixante-seize ans.
  295. De dire à Puisieux.
  296. Il, Puisieux.
  297. Suivant Hérouard le roi avait chassé le 18, et ce fut seulement le 19 qu’il « ne sortit point à cause de la pluie. »
  298. Inédit.
  299. Il, le prince de Condé.
  300. Il, encore le prince de Condé.
  301. Jean Hérouard, sieur de Vaugrigneuse, né à Montpellier, mort pendant le siège de la Rochelle, a laissé un journal détaillé de la vie particulière du roi Louis XIII, dont il fut le premier médecin.
  302. Galleteau, premier valet de chambre du roi.
  303. Guillaume de Bautru, né en 1588, mort en 1665, devenu en 1636 comte de Serrant par acquisition, fut conseiller au grand conseil. Il était frère de Nicolas de Bautru, comte de Nogent, capitaine des gardes de la porte.
  304. N. de la Beraudière, seigneur de l’Isle-Rouet.
  305. Anduze, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Alais, département du Gard. C’était dans cette ville que le duc de Rohan faisait ses rassemblements de troupes.
  306. Le 29 le roi « faict prendre ses armes, s’en va au siege au quartier des Suisses dans la hutte du colonel sur les advis du secours qui debvoit venir a Montpeslier. » (Journal d’Hérouard.) L’alarme dont parle Bassompierre dut avoir lieu dans la nuit du 27 au 28.
  307. Les enfants alors vivants du maréchal de Roquelaure étaient trop jeunes pour remplir de pareilles fonctions : il y a apparence que l'officier dont il s’agit ici appartenait à la branche de Roquelaure-Saint-Aubin. Il fut tué le lendemain 2 octobre.
  308. Il faut lire : comme nous vinmes, ou : comme nous nous mîmes.
  309. Inédit.
  310. A côté de moi.
  311. « Le sieur de Bassompierre depuis peu fait mareschal de France pour ses merites, mit l'espée à la main, et avec quelques soldats du regiment de Piedmont, y courut.... Dans un tel nombre de desordre des nostres, le mareschal de Bassompierre tesmoigna son jugement et son courage. » (Histoire du mareschal de Toiras.)
  312. De la paix, ou de la prochaine arrivée du connétable de Lesdiguières.
  313. Tandis que.
  314. Il y a au manuscrit : le mercredy 4me ; c’est une erreur qui porte sur le jour de semaine : ce fut en effet le 4 que la sortie eut lieu.
  315. Les troupes du connétable furent campées au sud-ouest de la ville, vers le bastion de la Saunerie.
  316. Suivant le Journal d’Hérouard le connétable arriva le 6 octobre.
  317. Fontanès-de-Lecque, village du canton de Sommières. ― Corconne, village du canton de Quissac, arrondissement du Vigan, département du Gard.
  318. Le quartier de M. de Vendôme fut établi à l’ouest de la ville, vis-à-vis du bastion du Peyrou.
  319. Il y avait aux précédentes éditions : et.
  320. Charles Fougeu, seigneur d’Escures, fils aîné d’Hélie Fougeu, seigneur des Fourneaux, et d’Anne Beloïs, avait été pourvu de la charge de maréchal général des logis des camps et armées du roi, par brevet du 1er octobre 1621. Il mourut en 1646.
  321. Ce nom, surchargé dans le manuscrit, est probablement : Fougeu. Les précédentes éditions portaient : Desfourneaux. ― Fougeu des Fourneaux, duquel il a été déjà parlé au tome II, p. 373, était frère de Fougeu d’Escures.
  322. « On dit figurément d’un don, d’une concession qu’on a faite de bonne grâce et sans qu’il en coûte rien pour les frais de l’obtention qu’il est parfumé. On lui a envoyé les provisions de cette charge, de ce gouvernement, toutes parfumées, pour dire, sans qu’il ait eu la peine de les demander, d’en payer ou solliciter l’expédition. » (Dictionnaire de Furetière.)
  323. Inédit.
  324. Il y avait aux précédentes éditions : et comme ceux de la ville se fâchoient.
  325. N. Reverend de Bougy, seigneur de Calonges, gentilhomme du Condomois, allié du duc de Rohan, qui lui avait donné le commandement dans Montpellier.
  326. Ganges, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montpellier, sur la rive gauche de l'Hérault.
  327. On peut lire dans les mémoires du duc de Rohan les principaux articles de cette paix, dont l’édit fut signé ce même jour 19 octobre, et enregistré au parlement le 22 novembre suivant.
  328. Au nord de Montpellier.
  329. Le roi, partant de Castelnau, fit son entrée par la porte de Lattes.
  330. Le duc de Rohan, dans ses mémoires, signale le maintien d’une garnison dans Montpellier comme une première infraction au traité de paix. On a vu néanmoins (p. 153) que, suivant Bassompierre, il y avait au moins implicitement consenti.
  331. « Ainsy que le peuple crioit en son langage : Vive nostre bon rey Louis, l’on luy a ouï dire ces paroles : Dieu vous bénit, mon peuple, Dieu vous bénit. » (Journal d’Hérouard.) ― On peut lire dans le Cérémonial françois (t. I, p. 991) la relation de l'entrée de Louis XIII à Arles. Suivant cette relation M. de Schomberg marchait en rang à côté des maréchaux de Praslin et de Bassompierre.
  332. Le jour de la Toussaint le roi toucha quatre cent six malades dans la cour de l’évêché.
  333. Joachim, baron de Beaumont, seigneur de Brison, de la maison de Grimoard de Beauvoir du Roure, fils ainé de Rostaing, baron de Beaumont, et. de Jeanne de Caires de la Bastide-d’Entragues, fut connu sous le nom du brave Brison. Il avait eu des démêlés avec le duc de Rohan, qui se plaint de lui dans ses mémoires. Créé maréchal de camp par brevet du 27 août 1626, il fut assassiné par un protestant à Privas en 1628.
  334. Marie de Brancas, fille de Georges de Brancas, marquis, puis duc de Villars, et de Julienne-Hippolyte d’Estrées, fut mariée le 13 juillet 1613 à Henri de Castellane, marquis d’Ampus. Mme de Villars, mère de Mme d’Ampus, était sœur de Gabrielle d’Estrées, mère de M. de Vendôme.
  335. Pont-Saint-Esprit, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Uzès, sur la rive droite du Rhône, au-dessous du confluent de l’Ardèche.
  336. Pierrelatte, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montelimart, département de la Drôme, sur la rive gauche du Rhône. Quoique les places que le maréchal de Bassompierre se proposait de réduire fussent situées sur la rive droite, il remontait le fleuve en suivant la rive gauche, soit pour trouver une meilleure route, soit pour éviter le passage de l’Ardèche et la marche à travers le pays encore hostile du Vivarais.
  337. Le Pouzin, aujourd’hui village du canton de Chomerac, arrondissement de Privas, était probablement une des cinq places que le maréchal de Bassompierre devait faire rentrer dans le devoir. L’hiver précédent le duc de Lesdiguières, après avoir jeté un pont sur le Rhône, avait obligé le Pouzin à se rendre ; mais il s’était engagé à le remettre aux mains des protestants si la paix ne se concluait pas.
  338. La Voute, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Privas.
  339. Beauchastel, Charmes, Soyons, villages du canton de la Voute ; Cornas, village du canton de Saint-Péray, arrondissement de Tournon, département de l’Ardèche. Ces quatre petites places étaient échelonnées sur la rive droite du Rhône, en remontant vers le nord.
  340. Après de longues négociations, l’évêque de Luçon avait enfin obtenu sa promotion au cardinalat le 5 septembre de cette année. Il allait en ce moment, non pas encore recevoir le bonnet, mais renouveler de vive voix au roi les remerciements qu’il lui avait déjà adressés par lettre du 23 septembre. Hérouard nous apprend que le bonnet lui fut remis par le roi dans une église de Lyon le 10 décembre. Cette indication permet de compléter et de rectifier la note 2 de la page 745 du tome I des Lettres et papiers d’État du cardinal de Richelieu.
  341. Charles de Neufville, marquis d’Alincourt et de Villeroy, était gouverneur de Lyon et du Lyonnais.
  342. Voir t. IV, p. 73, note 1.
  343. Inédit.
  344. Le roi, parti d’Arles le 2 novembre, avait successivement fait entrée : le 3 à Aix ; le 7 à Marseille ; le 13 à Tarascon ; le 15 à Beaucaire, où il avait assisté à l’assemblée des états de la province de Languedoc. Revenu le même jour à Tarascon, il partit de cette ville le 16 pour Avignon.
  345. Charles-Emmanuel venait poser les bases d’un traité d'alliance entre la France, la Savoie, et la république de Venise, ayant pour objet de contraindre l’Espagne à exécuter le traité de Madrid et à rendre la Valteline aux Grisons. Cette ligue fut signée à Paris le 7 février de l’année suivante. (Memorie recondite de Vittorio Siri, t. V. ― Dissertazioni critico-storíche intorno alla Valtellina, par l’abbé Francesco Saverio Quadrio.)
  346. « Entre en carrosse et Mr de Savoie avecques luy, part d’Avignon ; a ung demy quart de lieue Mr de Savoie sort du carrosse et prend congé de luy, ayant porté un genouil en terre, et s’en retourne en Piedmont. » (Journal d'Hérouard.)
  347. Le duc de Rohan dit, dans ses mémoires, que les places qui étaient aux mains du connétable furent exemptées de ce changement, mais avec grande difficulté, et seulement sur l’assurance que donna le maréchal de Créquy d’y procéder après la mort de son beau-père.
  348. Montdragon, village du canton de Bollenne, arrondissement d’Orange, département de Vaucluse.
  349. Le roi s’était rendu par Montélimart, Valence, Romans, Saint-Marcellin, à Grenoble, où il avait fait son entrée le 29 novembre. Le 1er décembre il fut reçu par le connétable dans sa maison de Vizille ; le 3 il partit de Grenoble, et le 5 il fit entrée à Vienne.
  350. L’entrée solennelle du roi et de la reine à Lyon est décrite dans le livre intitulé : Le Soleil au signe du Lion.
  351. Il y avait aux précédentes éditions ; madame de Verneuil. ― Suivant Hérouard le roi fut éveillé à deux heures après minuit pour aller dans la chambre de la reine assister aux fiançailles.
  352. Thomas-François de Savoie, prince de Carignan, cinquième fils de Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie, et de Catherine d’Autriche, fut un des grands capitaines de son temps. Marié à Marie de Bourbon-Soissons, il fut l’auteur de la branche de Savoie-Garignan. Il mourut le 22 janvier 1656.
  353. Le prince de Piémont venait continuer la négociation commencée par son père ; il la fit considérablement avancer.
  354. L’Arbresle, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Lyon. ― Saint-Symphorien-de-Lay, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Roanne, département de la Loire.
  355. Sur la Loire. ― Le roi avait le projet de descendre jusqu’à Briare, et d’y passer la fête de Noël.
  356. La Pacaudière, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Roanne. ― La Palisse, chef-lieu d’arrondissement du département de l’Allier. ― Varennes-sur-Allier, chef-lieu de canton de l’arrondissement de la Palisse. ― Villeneuve-sur-Allier, village du canton de Moulins, au nord de cette ville. ― Magny, village du canton de Nevers.
  357. La Charité-sur-Loire, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Cosne, département de la Nièvre.
  358. Mme de Schomberg était morte à Nanteuil le 23 décembre, à l’âge de 83 ans.
  359. D’après un état manuscrit des officiers des rois et reines, conservé à la Bibliothèque nationale (Fr. 7854), le nombre des premiers gentilshommes de la chambre qui, en 1610, avait été porté de deux à trois en faveur de M. de Souvré, fut, en 1618, porté de trois à quatre en faveur de Henri de Nogaret de la Valette, comte de Candale, lequel, en 1622, fut remplacé par M. de Blainville ; le 15 octobre 1622, le marquis de Courtenvaux avait été fait premier gentilhomme de la chambre à la place du marquis d’Humières, qui avait lui-même remplacé le duc de Bellegarde en 1620 : en 1623 il céda sa charge à M. de Montmorency ; enfin le duc de Chevreuse obtint en 1623 la charge du duc de Luynes. Le nombre des premiers gentilshommes de la chambre resta donc porté à quatre. Mais on a vu (t. I, p. 357-358) que la création de la troisième charge n’avait été acceptée par les titulaires que sous la réserve d’extinction en cas de mort. La même réserve avait sans doute été faite lors de la création de la quatrième charge, et de là pouvait naître le différend.
  360. Pierre de Rohan, prince de Guémené, second fils de Louis de Rohan, prince de Guémené, et de Léonor de Rohan, dame du Verger, et frère aîné du duc de Montbazon.
  361. Louis de la Châtre, baron de la Maisonfort, maréchal de France en 1616, fils de Claude de la Chàtre, seigneur et baron de la Maisonfort, maréchal de France, et de Jeanne Chabot, sa seconde femme, mort en octobre 1630. ― Le maréchal de la Châtre avait épousé en secondes noces Élisabeth d’Estampes-Valençay, qui était sœur de Charlotte d’Estampes, seconde femme de M. de Puisieux.
  362. Voir p. 86-87.
  363. On a déjà vu (p. 131) que M. de Vie était mort quelques jours après le cardinal de Retz.
  364. Nicolas Clausse, seigneur de Fleury, fils aîné de Henri Clausse, seigneur de Fleury, grand maître des eaux et forêts de France, et de Denise de Neufville, était cousin-germain du marquis d’Alaincourt. La charge de grand maître des eaux et forêts fut supprimée de son vivant.
  365. Claude le Tonnelier, seigneur de Breteuil, fils de Claude le Tonnelier, seigneur de Breteuil, et de Marie le Charron, avait épousé Marie le Fèvre de Caumartin, fille de François le Fèvre de Caumartin, seigneur de Mormant, frère cadet du garde des sceaux. Il mourut le 9 avril 1630.
  366. Il y avait aux précédentes éditions : amis.
  367. Inédit.
  368. Ernest de Mansfeld, marquis de Castelnuovo, plus connu sous le nom de bâtard de Mansfeld, célèbre aventurier et grand capitaine, né en 1580, mort le 20 novembre 1626, était fils de Pierre-Ernest, comte et prince de Mansfeld, et d’une femme que Moréri désigne comme une dame de Malines, et que Hübner, dans ses Genealogische Tabellen, appelle madame Malini, et qualifie troisième femme du comte Pierre-Ernest. ― Voir à l’Appendice. V..
  369. En 1618.
  370. Poussé par la haine de la maison d'Autriche, qui fut l’un des principaux mobiles de sa vie, Mansfeld avait engagé ses services à Charles-Emmanuel dans la lutte que ce prince soutint en 1616 contre l’Espagne.
  371. Frédéric V, comte palatin du Rhin, fils de Frédéric IV, comte palatin du Rhin, et de Louise-Julienne de Nassau, né le 16 août 1596, mort le 19 novembre 1632. Il fut élu roi de Bohême en 1619.
  372. Haguenau, sur la Moder, non loin de la rive gauche du Rhin, alors ville libre impériale de la Basse-Alsace, était naguère un chef-lieu de canton de l’arrondissement de Strasbourg. Ce fut vers la fin de 1621 que Mansfeld se saisit de Haguenau.
  373. Jean-Jacques de Bronchorst, baron et comte d’Anholt en Westphalie, second fils de Jacques de Bronchorst, baron d’Anholt, et de Gertrude de Müllendonck et Drachenfels, se signala dans la guerre de Trente ans comme général des armées de l’Union catholique. Il mourut le 19 octobre 1630.
  374. Le baron chassa Mansfeld.
  375. Le duc de Bouillon engageait, dit-on, Ernest de Mansfeld à se jeter sur la Champagne pour y opérer une diversion en faveur des protestants de France.
  376. En 1614.
  377. Le marquis de la Vieuville avait épousé en 1611 Marie Bouhier, fille de Vincent Bouhier, seigneur de Beaumarchais, conseiller du roi en ses conseils d’État et privé, trésorier de l’épargne, et de Marie Hotman.
  378. Inédit. ― Par le retranchement de ce mot la phrase devenait affirmative, tandis qu’elle est interrogative avec un sens négatif.
  379. Inédit.
  380. A la charge.
  381. Il y avait aux précédentes éditions : qu’il.
  382. Nogent-sur-Vernisson, bourg du canton de Châtillon-sur-Loing, arrondissement de Montargis, département du Loiret.
  383. Château-Landon, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Fontainebleau, département de Seine-et-Marne.
  384. Roger du Plessis, seigneur de Liancourt, et depuis duc de la Rocheguyon, fils de Charles du Plessis, seigneur de Liancourt, et d’Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, avait épousé le 24 février 1620 Jeanne de Schomberg, fille de M. de Schomberg et de Françoise d’Espinay-Durtal. Suivant l’état manuscrit déjà cité (p. 163, note 1), il fut premier gentilhomme de la chambre seulement en 1625, à la place du duc de Chevreuse ; c’était le marquis de Courtenvaux qui avait obtenu la charge de M. d’Humières.
  385. Malesherbes, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Pithiviers, département du Loiret, était alors une seigneurie des Balsac d’Entragues. Le roi demeura au Bois-de-Malesherhes jusqu’au 6 janvier 1623.
  386. Le même jour.
  387. M. de Puisieux était seigneur de Berny près Paris.
  388. L’auteur avait d’abord écrit ici le nom d’Endilly, qu’il a effacé pour lui substituer celui de M. Mallier. ― Claude Mallíer, seigneur du Houssay, était intendant des finances. De son mariage avec Marie Melissant, il eut, entr’autres enfants, Claude Mallier, seigneur du Houssay, qui fut ambassadeur à Venise.
  389. Il y avait aux précédentes éditions : en diligence. ― Robert Arnauld, seigneur d’Andilly, fils d’Antoine Arnauld, le célèbre avocat, et de Catherine Marion, dame d’Andilly, était premier commis du surintendant des finances.
  390. Inédit.
  391. Le 10 janvier.
  392. Le prévôt des marchands était à ce moment Nicolas de Bailleul, qui fut depuis surintendant des finances.
  393. Le marquis de Mirabel fut ambassadeur d’Espagne en France de 1621 à 1632.
  394. Dans la Valteline catholique.
  395. Inédit. — M. de Schomberg et le chancelier ne pouvaient avoir à ce sujet que des prévisions et des espérances. En effet M. de Caumartin ne mourut que le 21 janvier, et ce fut seulement le 23 que le chancelier obtint la restitution des sceaux, tandis que la disgrâce du surintendant des finances avait eu lieu le 20 janvier.
  396. Les passages suivants du journal d’Hérouard font présumer que la reine mère qui, à cette époque, avait repris son crédit sur l’esprit du roi, ne fut point étrangère à ce changement :

    « Le 19 (janvier) va à la messe, revient chez la Rne sa mere, faict sortir jusques aux femmes, demeure seul avec elle, le sr de la Vieux-Ville capne des gardes seul a la porte. »

    « Le 20 va a la chapelle de Bourbon : revient au conseil chez la Rne sa mere ou estoient avec eux Mr le chancelier et Mr de Pizieux son fils, ou fust le congé de Mr le comte de Schonherg surintendant des finances, qui luy fust apporté par escrit par Mr Tronçon secretaire du cabinet. »

  397. Cette mention a été ajoutée en marge par l’auteur.
  398. « Il (Schomberg) eut une grande querelle contre le comte de Candalle qui pretendoit avoir esté receu a la survivance de son pere le duc d’Espernon au gouvernement d’Angoulesme, et fut contraint d’en venir en un duël, qui se termina par la mort de Sainct Michel de Saldagne qui luy fut faire l’appel jusques dans son chasteau de Nantueil. » (Mercure françois, t. IX, année 1623, p. 427.) ― Henri de Nogaret de la Valette, dit de Foix, comte de Candale, fils ainé de Jean-Louis de Nogaret de la Valette, duc d’Épernon, et de Marguerite de Foix, comtesse de Candale, mort le 11 février 1639. Il avait épousé en 1611 Anne, duchesse de Hallwin ; ce mariage ayant été déclaré nul, Anne de Hallwin avait, en 1620, épousé le fils de M. de Schomberg.
  399. Sinon estimé, au moins supporté. ― Il y avait aux précédentes éditions : fut tenu et estimé, au moins en souffrance.
  400. Voir à l’Appendice. VI.
  401. Lors veut dire : actuellement.
  402. Il y avait aux précédentes éditions : justement. L’historien Levassor en conclut que le maréchal de Bassompierre donnait son approbation aux réclamations des Rochelois. ― Le Fort-Louis, construit par le comte de Soissons en face de la Rochelle, devait être démoli après que les Rochelois auraient eux-mêmes démoli une partie de leurs fortifications. Non-seulement cette stipulation du traité de paix n’était pas exécutée, mais encore Arnauld, gouverneur du Fort-Louis, travaillait incessamment à renforcer cette citadelle.
  403. Inédit.
  404. Le P. Seguiran, jésuite, avait succédé au P. Arnoux en qualité de confesseur du roi.
  405. Voir à l’Appendice. VII.
  406. Le 2 janvier.
  407. Aux précédentes éditions il y avait : mise. ― La reine mère, qui faisait alors de grands efforts pour faire entrer le cardinal de Richelieu au conseil, voulait ruiner le chancelier et M. de Puisieux parce qu’ils la traversaient dans son entreprise.
  408. Inédit.
  409. Par lettres du 6 janvier.
  410. Voir à l’Appendice. VIII.
  411. Henriette-Marie, et non Élisabeth. ― Les négociations longtemps suivies pour le mariage de Charles, prince de Galles, avec l’infante Marie-Anne, sœur de Philippe IV, roi d’Espagne, venaient d’être définitivement rompues.
  412. Le 21 février.
  413. Alphonse Lopez était un Morisque espagnol, depuis longtemps établi à Paris, où il mourut le 29 octobre 1649. Il se mêlait du commerce des pierreries et d’autres objets précieux. On peut voir son historiette dans Tallemant des Réaux (t. II, p. 187).
  414. Inédit.
  415. La ligue qui se formait contre la maison d’Autriche négociait avec Mansfeld pour le mettre à la tète d’une armée. Ce capitaine avait été reçu avec éclat à la cour d’Angleterre : en France il ne vit pas le roi ; mais il vint, accompagné du duc d’Angoulême, dans le voisinage de Compiègne : il était le 7 juin à Senlis, et le 10 à Crespy (Memoria recondite, t. V, p. 603).
  416. Achille de Harlay, comte de Beaumont, fils aîné de Christophe de Harlay, comte de Beaumont, et d'Anne Rabot d’Illins ; ou peut-être Charles le Normant, seigneur de Beaumont, qui fut premier maître d’hôtel du roi de 1624 à 1630.
  417. Jacques de Souvré, quatrième fils de Gilles de Souvré, marquis de Courtenvaux, maréchal de France, et de Françoise de Bailleul, fut grand prieur de France. Il mourut le 22 mai 1670, dans sa soixante-dixième année.
  418. Le roy en ce mesme temps fit une forte armée qu’il mit sur la frontiere de Lorraine et d’Allemaigne sous la charge de Mr le duc d’Angoulesme, et y eut pour mareschal de camp Marillac, quy y firent l’un et l’autre bien leurs affaires et firent entretenir ladite armée un fort long temps par les divers avis qu’ils envoyerent de temps en temps donner au roy des forces ennemies quy estoint prestes d’entrer en France, bien qu’il n’y en eut pas seulement l’apparence.
    (Addition de l’auteur.)
  419. Le 29 avril.
  420. Il, M. de la Vieuville.
  421. Au seigneur maréchal de Bassompierre, pour cuirs dorés, 40,000 maravédis. ― Guadamicil ou guadamacil, cuir bosselé et gravé.
  422. Ornano poussait Monsieur à demander l’autorisation d’entrer au conseil. ― La disgrâce du colonel est antérieure au mois de juillet : c’est en effet par une lettre du 5 juin qu’il refuse de se retirer dans son gouvernement du Pont-Saint-Esprit, donnant pour raison de son refus qu’il veut se justifier auprès du roi.
  423. Lord James Hay de Saulcy, créé en 1618 vicomte de Duncaster, et en 1622 comte de Carlisle, mourut le 25 avril 1636. ― Suivant le Mercure françois, le comte de Carlisle arriva le 13 mai à Amiens, d’où il se rendit à Compiègne ; suivant Hérouard, il arriva le mardi 4 juin à Compiègne, et le mercredi 5 il eut sa première audience du roi.
  424. Il, le comte de Tillières. ― Dans ses mémoires publiés en 1862 par M. Hippeau, le comte de Tillières raconte qu’il reçut la visite d’un cordelier anglais nommé Grey, qui s’entremettait entre la reine mère et le duc de Buckingham au sujet du mariage : il en avertit le roi par une lettre ; la reine mère nia fortement ; mais un peu plus tard elle s’entendit avec le marquis de la Vieuville pour faire rappeler Tillières : le marquis s'y prêta d’autant plus volontiers qu’il trouvait là une occasion de frapper le maréchal de Bassompierre dans la personne de son beau-frère.
  425. Le 17 juillet.
  426. Germigny-l’Évêque, village du canton de Meaux, alors résidence d’été des évêques de Meaux.
  427. Aymar Nicolay, seigneur de Bernay, fils puîné de Jean Nicolay, seigneur de Goussainville, premier président en la chambre des comptes, et de Marie de Billy, était le beau-frère, et non le frère du procureur général. Mathieu Molé, seigneur de Champlâtreux, fils aîné d’Édouard Molé, seigneur de Champlâtreux, et de Marie Chartier, né en 1584, mort le 3 janvier 1656, alors procureur général, et depuis premier président au parlement de Paris, enfin garde des sceaux de France, avait épousé en 1608 Renée Nicolay, dame de Champrond, sœur d’Aymar Nicolay.
  428. Le roi vint de Germigny à Saint-Germain le 25 juillet.
  429. Le maréchal de Vitry avait épousé en 1617 la sœur aînée de Mme de la Vieuville, Lucrèce-Marie Bouhier, alors veuve du marquis de Noirmoustier.
  430. Le 12 août.
  431. Inédit.
  432. Il y avait aux précédentes éditions : M. de Termes. ― M. de Tresmes était capitaine des gardes du corps.
  433. Michel Marillac, seigneur du Fayet, troisième fils de Guillaume Marillac, seigneur de Ferrières, et de Marie Aligret, sa première femme, fut plus tard garde des sceaux, et mourut en prison le 7 août 1632, à l’âge de soixante-neuf ans.
  434. Jean Bochart, seigneur de Champigny, fils aîné de Jean Bochart, seigneur de Champigny, conseiller d’État, et d’Isabeau Allegrain, avait été successivement maître des requêtes, président aux enquêtes, conseiller du roi en ses conseils, ambassadeur à Venise, intendant de justice en Poitou. Il devint en 1628 premier président du parlement de Paris, et mourut le 27 avril 1630.
  435. Il y avait aux précédentes éditions : le procureur général Viole.
  436. Inédit.
  437. Inédit.
  438. Inédit.
  439. Jacques Vignier, baron de Saint-Liebauld et de Villemor, était conseiller d’État.
  440. On sait que la duchesse de Guise était la mère de Melle de Montpensier.
  441. Il y avait aux précédentes éditions : s’il étoit.
  442. Inédit.
  443. Les précédentes éditions portaient : reculés.
  444. François de Lorraine, prince de Joinville, fils aîné de Charles de Lorraine, duc de Guise, et de Henriette-Catherine, duchesse de Joyeuse, né le 3 avril 1612, mort à Florence le 7 novembre 1639. On voit que ce jeune prince était déjà considéré comme fiancé avec la fille du prince de Condé, Anne-Geneviève de Bourbon, née le 28 août 1619, qui devint la célèbre duchesse de Longueville. Villefore (La vie de Mme la duchesse de Longueville), et apres lui Cousin (La jeunesse de Mme de Longueville), disent que Mlle de Bourbon fut promise à l’âge de dix-neuf ans au prince de Joinville. Mais à l’époque où elle avait atteint cet âge, la maison de Guise était en pleine disgrâce, et le prudent prince de Condé se serait plutôt détourné alors d’une alliance précédemment projetée.
  445. Il y avait aux précédentes éditions : donnèrent.
  446. Louis de Bourbon, duc d’Enghien, qui fut depuis le grand Condé, était né, en 1621, avec une constitution délicate : on l'élevait au château de Montrond en Berry.
  447. La résignation incomplète des forts de la Valteline avait été faite en mai 1623 entre les mains de Grégoire XV : Urbain VIII, Maffeo Barberini, avait peu après succédé à ce pontife.
  448. Il y avait aux précédentes éditions : et ne la vouloit rendre.
  449. Christiern IV, roi de Danemarck, devint en 1625 chef de la ligue protestante pour le rétablissement de l’électeur palatin. ― Gustave-Adolphe, roi de Suède, commença seulement en 1630 ses célèbres campagnes contre l’Empire.
  450. Le marquis de Cœuvres avait été envoyé comme ambassadeur au mois de juin 1624 ; la commission de général d’armée lui fut expédiée le 4 novembre, et le 3 décembre les confédérés sous ses ordres entrèrent dans la Valteline.
  451. Riva di Chiavenna, à l’extrémité septentrionale du lac de Côme, ou plutôt sur le lac de Mezzola qui communique avec le lac de Côme par les eaux de l’Adda, était une place du comté de Ghiavenne, annexe de la Valteline.
  452. Le Fort-Louis, dans le gouvernement duquel Toiras avait remplacé Arnauld, mort en septembre 1624.
  453. Le 17 janvier. ― Blavet, ou Port-Louis, à l’embouchure du Blavet, rive gauche, est aujourd'hui un chef-lieu de canton de l’arrondissement de Lorient, département du Morbihan.
  454. Les vaisseaux pris à Blavet avaient été pour la plupart prêtés au roi par le duc de Nevers, qui les avait fait construire pour tenter une expédition en Orient.
  455. Inédit.
  456. Les précédentes éditions portaient : de bon pied avec les autres.
  457. Il y avait aux précédentes éditions : Chartres.
  458. Les Trois-Volets, lieu situé sur la rive droite de la Loire, entre Tours et Angers, canton de Bourgueil, arrondissement de Chinon.
  459. Il y avait aux précédentes éditions : lequel commandement le sieur de la Porte. ― Amador de la Porte, fils puîné de François de la Porte, seigneur du Boisliet, et de Madeleine Charles, sa seconde femme, fut grand prieur de France. Il mourut le 31 octobre 1644.
  460. Catherine Fouquet, fille de Guillaume Fouquet, marquis de la Varenne, et de Catherine Poussart, avait épousé en 1609 Claude de Bretagne, comte de Vertus, baron d’Avaugour. — Champtocé, sur la rive droite de la Loire, entre Angers et Ancenis, était une seigneurie des comtes de Vertus.
  461. Le Temple, sur la route de Nantes à Vannes, lieu de l’arrondissement et canton de Savenay, département de la Loire-Inférieure.
  462. La Ferté-Bernard, c’est-à-dire la Roche-Bernard, sur la rive gauche de la Vilaine, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Vannes.
  463. Hennebon, sur la rive gauche du Blavet, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Lorient, département du Morbihan.
  464. C’est-à-dire au fort de Blavet ou de Port-Louis.
  465. François de Cossé, duc de Brissac, fils ainé de Charles de Cossé, duc de Brissac, maréchal de France, et de Judith, dame d’Acigné, sa première femme, fut gouverneur de Port-Louis et de Hennebon. Il mourut le 3 décembre 1651, à l’âge de soixante-neuf ans.
  466. Il y avait aux précédentes éditions : Rennes.
  467. Machecoul, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nantes, était le lieu principal du duché de Retz.
  468. François d’Orléans-Longueville, comte de Saint-Paul, duc de Fronsac, fils cadet de Léonor d’Orléans, duc de Longueville, et de Marie de Bourbon-Vendôme, duchesse d’Estouteville, comtesse de Saint-Paul, était gouverneur d’Orléans. Il mourut le 7 octobre 1631.
  469. Jacques Ier, roi d’Angleterre, mourut le 6 avril 1625 (27 mars, vieux style).
  470. Erreur déjà signalée à la page 185 sur le nom de la princesse.
  471. Les précédentes éditions portaient : le dernier jour de mai. ― Au festin royal qui eut lieu, après la cérémonie, dans la salle de l’archevêché, la nouvelle reine fut servie par les maréchaux de Vitry, d'Aubeterre, et de Bassompierre.
  472. Georges Villiers, duc de Buckingham, fils de Georges Villiers, et de Marie Beaumont. Né le 28 août 1592, il mourut assassiné le 2 septembre 1628. ― Le duc de Buckingham arriva à Paris le 24 mai.
  473. La reine partit le 2 juin.
  474. Louis de Crevant, vicomte de Brigueil, fils aîné de Louis de Crevant, seigneur de Cingé, et de Jacquette de Reilhac, dame de Brigueil, était gouverneur de Compiègne. Il mourut le 2 novembre 1648 à l'âge de quatre-vingt-deux ans.
  475. Les reines firent leur entrée à Amiens le 7 juin : la reine d'Angleterre en partit le 16.
  476. Berge, sorte de petit bateau en forme de barque (Furetière). ― La reine s’embarqua le 22 juin.
  477. Il y avait aux précédentes éditions : douze mille chevaux.
  478. Inédit.
  479. Gavi, ville de l’état de Gênes. — Le duc de Savoie défit le 9 avril les Génois renforcés par les Espagnols devant Ottagio, qui parait être Voltaggio, ville située à quelques lieues au sud de Gavi : le connétable se rendit maître de Gavi le 22 avril.
  480. Asti, ville de la principauté de Piémont, dans la province d’Alexandrie.
  481. Verrue, ville forte du Piémont, dans la province de Turin, sur la frontière du Montferrat. — Le siège de Verrue commença le 7 août.
  482. François Barberini, second fils de Charles Barberini, duc de Monterotondo, frère aîné du pape Urbain VIII, et de Constance Magalotti, créé cardinal le 22 octobre 1623, fut évêque d’Ostie et de Velletri. Né le 23 septembre 1597, il mourut le 10 décembre 1679.
  483. Le légat fut reçu à Paris le 21 mai. Le Mercure françois (t. XI, année 1625, pp. 625 et suiv.) donne un récit détaillé de son entrée. On imprima aussi sur ce sujet une pièce intitulée : L’honorable entrée et magnifique reception de Mr le légat en la ville de Paris (Paris, Jean Bessin. M.DC.XXV), dans laquelle toutes les images mythologiques et les citations historiques sont employées à exprimer les plus belles espérances de paix et de bonne intelligence.
  484. Le 20 août suivant le Mercure françois, le 24 septembre suivant les Memorie recondite ; cette dernière date paraît être la vraie.
  485. Dans cette assemblée « Monsieur de Bassompierre a parlé de ce qu’il a veu et negotié en Espagne, aussi monsieur le chancelier ne l’avoit oublié en son rapport. » (Mercure françois, t. XI, année 1625, p. 856.)
  486. Il y avait aux précédentes éditions : la dame Vervet. – Antoinette d’Albert, sœur du connétable de Luynes, avait épousé en 1605 Barthelemy de Monts, seigneur du Vernet, qui fut gouverneur de Calais : devenue veuve, elle épousa en 1628 Henri-Robert de la Marck, comte de Braine, frère du marquis de Mauny. Mme du Vernet était soupçonnée d’avoir secondé la folle passion du duc de Buckingham pour la reine Anne d’Autriche : les autres serviteurs de la reine furent renvoyés pour le même motif.
  487. Ils, ceux de la ligue.
  488. Il y avait aux précédentes éditions : quelques-uns des vieux régiments.
  489. Inédit.
  490. C’est-à-dire : non-seulement n’exécuta pas cet ordre. La phrase était ainsi construite dans les précédentes éditions.
  491. Henri, comte de Berghes, fils puîné de Guillaume, comte de Berghes, et de Marie de Nassau-Dillenburg, né en 1573, mort en 1638.
  492. Inédit.
  493. Le siége de Verrue fut levé le 17 novembre à la suite d’un combat heureux. Suivant le Mercure françois, Vignolles était arrivé au camp dès le 9 novembre : le P. Anselme dit même qu’il fut blessé dangereusement à ce siége.
  494. Inédit.
  495. La descente en l’île de Ré eut lieu le 15 septembre ; le combat sur terre fut livré le 16 ; le combat naval, dans lequel le vaisseau la Vierge se fit sauter, suivit immédiatement.
  496. Le 27 septembre.
  497. Bagni, qui fut plus tard nonce en France, n’est pas mentionné par les historiens parmi les personnages qui firent partie de la légation : l’auteur a peut-être voulu parler de Laurent Azzolini, évêque de Narni, secrétaire du légat. — Jean-Baptiste Pamphilio accompagnait le cardinal Barberini comme son dataire. Il fut patriarche d’Antioche, cardinal en 1627, pape sous le nom d’Innocent X en 1644, et mourut le 7 janvier 1655, à l’âge de quatre-vingt-un ans. ― Bernard Spada, archevêque de Damiette, était alors nonce en France. Créé cardinal en 1626, il mourut le 10 novembre 1661, à l’âge de soixante-huit ans.
  498. Verceja et Campo, petites places situées comme Riva di Chiavenna sur le bord du lac de Mezzola.
  499. Le comte de Candale passa plusieurs années au service de la république de Venise dont il fut le général en terre ferme.
  500. Essonnes, arrondissement et canton de Corbeil, département de Seine-et-Oise. — Moret, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Fontainebleau, département de Seine-et-Marne.
  501. Noyers, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Tonnerre, département de l’Yonne. ― Montbard, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Semur, département de la Côte-d’or. — Chanceaux, bourg du canton de Flavigny, arrondissement de Semur.
  502. Genlis, Auxonne, chefs-lieux de canton de l’arrondissement de Dijon.
  503. Cleriadus de Vergy, comte de Champlitte, fils puîné de François de Vergy, comte de Champlitte, et de Renée de Ray, dame de Vaudray, sa seconde femme, chevalier de la Toison d’or, gouverneur des pays et comté de Bourgogne pour le roi d’Espagne, avait épousé Madeleine de Baufremont, fille de Claude de Baufremont, baron de Senecey, et de Marie de Brichanteau, cousine du maréchal de Bassompierre. Il mourut peu de temps après sans postérité, et fut le dernier de cette grande maison de Vergy.
  504. Ronchaux, village du canton de Quingey, arrondissement de Besançon.
  505. Sans doute un fils de Hermann-François de Mandre, seigneur de Trestondam et de Monticeux-en-Comté, et d’Hélène de Trestondam.
  506. Le saint suaire de Besançon ne pouvait être montré, hors des jours de Pâques et du dimanche après l’Ascension, qu’en suite de délibération et permission du chapitre de la cathédrale. (Histoire du diocèse de Besançon, par Dunod, t. I, p. 418.)
  507. Roulans, Clerval, chefs-lieux de canton de l’arrondissement de Baume-les-Dames, département du Doubs.
  508. Montbéliard, aujourd’hui chef-lieu d’arrondissement du département du Doubs, était alors la capitale du comté de ce nom, dépendant de l’Empire et appartenant à la maison de Wurtemberg.
  509. Delle, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Belfort. — Waltighoffen, village du canton de Hirsingen, arrondissement d’Altkirch.
  510. Il y avait aux précédentes éditions : dix mille.
  511. Il y avait aux précédentes éditions : encore.
  512. Félix Plater, célèbre médecin suisse, né à Bâle en 1536, mort dans cette ville le 28 juillet 1614, avait formé un riche cabinet d’histoire naturelle qui a subsisté jusqu’à l’extinction de sa famille.
  513. Liestall, chef-lieu de district du canton de Bâle. — Balstall, bourg du canton de Soleure.
  514. Robert Miron qui, en 1614, étant prévôt des marchands de Paris, avait présidé la chambre du tiers état aux états généraux, fut ambassadeur ordinaire en Suisse de 1617 à 1627.
  515. Il y avait aux précédentes éditions : Aveny. — Walter Am-Rhin était colonel d’un régiment qui se formait pour le service de France, et que l’on recrutait parmi les catholiques, afin de les éloigner de la Valteline.
  516. L’avoyer était le premier magistrat du canton. ― Jean de Roll, du canton de Soleure, mort en 1643, père de Louis de Roll, qui fut capitaine au régiment des gardes suisses, colonel d’un régiment suisse au service de France, et chevalier de l’ordre de Saint-Michel.
  517. François-Louis d’Erlach, baron de Spietz et d’Oberhoffen, du canton de Berne, fils aîné de Jean-Rodolphe d’Erlach, baron de Spietz, et d’Ursule de Muhlinen, fut avoyer de Berne en 1629. Né en 1575, il mourut le 20 avril 1651.
  518. François d’Affry, du canton de Soleure, fils de Louis d’Affry, seigneur de Givisiez, et d’Ursule de Praroman, fut lieutenant des Cent-Suisses, colonel de régiments suisses au service de France, gouverneur de Neufchàtel, et avoyer de son canton. Il mourut le 5 mai 1645.
  519. Dans certains cantons le premier magistrat était appelé landammann. — Conrad Zurlauben, du canton de Zug, fils aîné de Beat Zurlauben, capitaine aux gardes suisses sous Charles IX et Henri III, fut lui-même capitaine au régiment des gardes suisses, landammann de son canton pendant les années 1624, 1625, 1626, et en 1626 colonel d’un régiment au service du roi dans la Valteline. Né le 10 mai 1571, il mourut le 31 mars 1629.
  520. Il y avait aux précédentes éditions : Canaha.
  521. Nicolas de Diesbach, baron de Prangin. — La maison de Diesbach, du canton de Berne, s’était établie en partie à Fribourg à l’époque de la Réforme.
  522. Le statthœlter était le second chef du canton, ce que l’on pourrait appeler le vice-avoyer.
  523. Inédit. — Henri Reding de Biberegg, du canton de Schwitz, fils de Rudolf Reding de Biberegg, et cousin-germain de Georges Reding, dont il est parlé au tome II, p. 26, eut la compagnie de Reding au régiment des gardes suisses, de 1620 à 1628. Il fut plusieurs fois landammann de son canton. — N. Auf der Maur, du canton de Schwitz, était sans doute le père de Jean-François Auf der Maur, porté aux états sous le nom de Ouff Dermour, qui fut capitaine-lieutenant de la compagnie générale des Suisses, de 1655 à 1665, et eut aussi la compagnie de Reding. — Sébastien Abiberg, peut-être un Reding de Biberegg, était statthœlter de Schwitz. ― Rudolf Reding de Biberegg, chevalier, père de Henri Beding, avait levé autrefois un régiment au service de France, et en 1614 une demi-compagnie. Il avait été plusieurs fois landammann du canton de Schwitz : en ce moment il était bailli du comté de Toggenburg pour l’abbé de Saint-Gall.
  524. L’abhé de Saint-Gall, souverain relevant de l’Empire, était un des alliés des Suisses.
  525. Antoni de Grafenried.
  526. Campagna, ville épiscopale de la principauté citérieure du royaume, aujourd’hui province de Naples.
  527. Pour le duc de Longueville : la souveraineté de Neuchâtel, qui avait passé, par alliance, de la maison de Bade-Hochberg à la maison d’Orléans-Longueville, était alliée des Suisses.
  528. Il y avait aux précédentes éditions : Bussy-Lamet, avec sa compagnie pour aller en la Valteline, y vint aussy le vendredi 19, comme député des trois Ligues grises.
  529. La ligue des Grisons, formée de trois ligues particulières, celle des Grisons proprement dits, celle de la Maison-Dieu, et celle des Dix juridictions, était alliée des Suisses.
  530. Le colonel Am-Rhin fut avoyer de Lucerne.
  531. Louis de Champagne, comte de la Suze, fils de Louis de Champagne, comte de la Suze, et de Madeleine de Melun, mourut en 1636. Son fils fut le mari de la célèbre comtesse de la Suze.
  532. Il y avait aux précédentes éditions : Le lendemain.
  533. Zurich, Berne, Bâle et Schaffhouse.
  534. Gregorius Meyer, bourgmestre de Coire.
  535. Abschied, landtagsabschied, recès de la diète.
  536. Les cinq députés étaient : l’avoyer de Lucerne Grafenried ; le colonel Pfiffer, du canton de Lucerne ; le colonel Greder, du canton de Soleure ; le landammann de Zug Zurlauben ; et le baron de Diesbach, avoyer de Fribourg.
  537. Anne-François de Bassompierre. Voir t. I, pp. 33 et suiv..
  538. M. Malo était contrôleur général pour le roi en Suisse, et intendant de ses finances en son armée de Valteline.
  539. Jost Schmid, du canton d’Uri, obtint en 1645 une compagnie au régiment des gardes Suisses, et fut tué en 1646.
  540. Jean-Henri Zum-Brunnen, du canton d’Uri, était colonel d’un régiment suisse entretenu dans la Valteline. Il fut deux fois landammann de son canton. — Il y avait aux précédentes éditions : Zurlauben.
  541. La paix avait été signée le 6 février.
  542. L’évêque de Bâle, en sa qualité de souverain indépendant, relevant de l’Empire, était allié des Suisses. — Le siège était alors occupé par Guillaume Rinck de Baldenstein.
  543. Artus de Lionne, conseiller au parlement de Grenoble, et depuis évêque de Gap, fut père de Hugues de Lionne, secrétaire d’État sous Louis XIV.
  544. Waldenburg, chef-lieu de district du canton de Bâle.
  545. Mulhouse, alors ville libre impériale, était alliée des Suisses. — Voir à l’Appendice. IX.
  546. Saint-Amarin, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Belfort.
  547. Rupt, village du canton de Ramonchamp, arrondissement de Remiremont, département des Vosges.
  548. Mirecourt, aujourd’hui chef-lieu d’arrondissement du département des Vosges, était alors le chef-lieu du bailliage de ce nom, dont le marquis de Removille était gouverneur.
  549. Anne du Châtelet, fille d’Olry du Châtelet, baron de Deuilly, et de Jeanne de Scepeaux, avait épousé, en 1590, Charles-Emmanuel, comte de Tornielle. Elle était mère de Mme de Removille.
  550. Charles IV, duc de Lorraine, qui, après la mort du duc Henri II, en 1624, avait déjà porté la couronne ducale du chef de sa femme, la princesse Nicole, fille aînée du feu duc, venait de la recevoir à titre personnel des mains de son père, François de Lorraine, comte de Vaudemont, qui avait réclamé pour lui-même les droits de la succession masculine, et s’était fait reconnaître pendant quelques jours duc de Lorraine.
  551. Henri de Lorraine, marquis de Mouy, troisième fils d’Henri de Lorraine-Mercœur, marquis de Mouy, comte de Chaligny, et de Claude de Mouy, né en 1596, mort le 10 juin 1672.
  552. Louis de Guise, d’abord appelé baron d’Ancerville, puis revêtu du titre de prince de Phalsbourg, était fils naturel de Louis de Lorraine, cardinal de Guise, et d’Aymerie de Lescherenne, dame de Grimaucourt (P. Anselme). Il mourut en 1631.
  553. François de Lorraine, comte de Vaudemont, frère cadet du duc Henri II, se fit toujours appeler le duc François depuis sa courte apparition sur le trône ducal de Lorraine. Né en 1571, il mourut en 1632.
  554. Henriette de Lorraine, fille de François, comte de Vandemont, et de Christine de Salm, fut mariée en 1621 au prince de Phalsbourg.
  555. Christine, comtesse de Salm, fille unique de Paul, comte de Salin, et de Marie le Veneur, avait épousé en 1597 François, comte de Vaudemont.
  556. Claude de Lorraine, seconde fille du duc Henri II, et de Marguerite de Gonzague, sa seconde femme, épousa en 1634 le duc Nicolas-François, son cousin, et mourut à Vienne en 1645.
  557. Nicolas-François de Lorraine, fils puîné de François, comte de Vaudemont, et de Christine de Salm, évêque de Toul en 1624, cardinal en 1627, se démit de ces dignités en 1634 pour prendre le titre de duc de Lorraine et épouser la princesse Claude. Il mourut le 25 janvier 1670, à l’âge de soixante ans.
  558. Marguerite de Lorraine, fille puînée de François, comte de Vaudemont, et de Christine de Salm, épousa en 1632 Gaston de France, duc d’Orléans, et mourut le 3 avril 1672.
  559. Foug, bourg de l’arrondissement et canton de Toul, département de la Meurthe.
  560. Nettancourt, village du canton de Revigny, arrondissement de Bar-le-Duc, alors seigneurie du comte de Vaubecourt.
  561. Etoges, village du canton de Montmort, arrondissement d’Epernay, département de la Haute-Marne. — Viels-Maisons, village du canton de Charly, arrondissement de Château-Thierry, département de l’Aisne.
  562. Il y avait aux précédentes éditions : ma mère.
  563. Mitry, village du canton de Claye, arrondissement de Meaux.
  564. Raymond Phelipeaux, seigneur d’Herbault, frère aîné de Paul Phelipeaux, seigneur de Pontchartrain, était secrétaire d’État, et partageait avec Potier d’Ocquerre et Loménie de la Ville-aux-Clercs le département des affaires étrangères. Il mourut le 2 mai 1629.
  565. Le traité signé par M. du Fargis à Ocana de Aranjuez, le 3 mai 1623, stipulait le dépôt des forts de la Valteline entre les mains d’un prince catholique, et donnait la liberté des passages. ― Le commandeur de Sillery, ambassadeur à Rome, fut rappelé au commencement de l'année 1624 sur une convention qui accordait au roi d’Espagne la faculté de faire passer par la Valteline les troupes qu’il enverrait d’Italie en Allemagne.
  566. Le maréchal de Bassompierre était bien servi par sa pénétration. C’était en effet le 1er janvier de cette année que M. du Fargis avait signé, sans pouvoir suffisant, un traité avec l’Espagne. Ce traité, apporté à Paris le 16 janvier, avait été tenu secret, et des instructions envoyées à Madrid avaient déterminé les points sur lesquels des changements devaient être faits. Là-dessus M. du Fargis venait encore de signer de son chef les nouveaux articles, qui furent apportés à Paris dans le courant du mois de mars. On se contenta d’y faire encore quelques modifications, et le traité, définitivement ratifié, fut daté de Monzon, le 5 mars 1626. Par le traité de Monzon les Grisons étaient souverains de la Valteline ; mais les Valtelins nommaient leurs officiers et restaient libres dans l’exercice de la religion catholique : les forts devaient être remis au pape pour être démolis : les passages restaient à la disposition de la France : les deux rois devaient s’interposer pour rétablir la paix. (Memorie recondite, t. VI.)
  567. Suivant le P. Anselme ce fut seulement le 7 avril qu’Ornano fut créé maréchal de France.
  568. Le sieur de Bonnevaut était chargé de la garde du cabinet des armes du roi.
  569. Joseph-Charles d’Ornano, quatrième fils d’Alphonse Corse, dit d’Ornano, premier maréchal d’Ornano, et de Marguerite-Louise de Grasse de Pontevez, fut maître de la garde-robe de Monsieur. Il mourut le 1er juin 1670, à l’âge de 78 ans.
  570. Claude d’Eurre du Puy-Saint-Martin, seigneur de Chaudebonne, fils puîné d'Antoine d’Eurre, seigneur du Puy-Saint-Martin, et de Baptistine de Simiane, ami du maréchal d’Ornano, fut chevalier d’honneur de la duchesse d’Orléans, femme de Monsieur. Il mourut en 1644.
  571. Guiscard des Hagens ou Dêageant, créature du connétable de Luynes, fut premier président de la chambre des comptes de Dauphiné. Il a laissé des mémoires où sont racontées les intrigues de toute sorte dans lesquelles il fut mêlé. Modène et Déageant étaient accusés d’avoir entretenu de secrètes relations avec Monsieur, frère du roi. Déageant resta plusieurs années enfermé à la Bastille.
  572. François de Rochechouart, chevalier de Malte, connu sous le nom de commandeur de Jars, troisième fils de François de Rochechouart, seigneur de Jars, et d’Anne de Monceaux, gracié sur l’échafaud en 1633, mort en avril 1670.
  573. Boyer était agent du comte de Soissons, qui aspirait lui-même à l’alliance de Melle de Montpensier.
  574. Fleury, château situé à deux lieues de Fontainebleau, appartenait au cardinal de Richelieu.
  575. Henri de Talleyrand, marquis de Chalais, troisième fils de Daniel de Talleyrand, comte de Grignols, prince de Chalais, marquis d’Excideuil, et de Jeanne-Françoise de Montluc, était grand maître de la garde-robe du roi.
  576. Achilles d’Estampes, commandeur de Valençay, depuis cardinal, sixième fils de Jean d’Estampes, seigneur de Valençay, et de Sara d’Happlaincourt, né le 23 juillet 1593, mort le 7 juillet 1646.
  577. Inédit.
  578. La Maison-Rouge, habitation située au bord de la Seine, à la sortie de Paris par le Cours-la-Reine.
  579. Bassompierre semble donner à entendre que la reine était du complot. On sait qu’à Nantes cette princesse s’entendit accuser d’avoir connu un projet qui reléguait le roi dans un cloître et la donnait pour femme à Monsieur. (Memorie recondite, t. VI.)
  580. Le roi partit de Paris pour Blois le 2 juin : il y arriva le 6.
  581. Limours, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Rambouillet, département de Seine-et-Oise. Le cardinal de Richelieu avait acheté en 1623 le château de Limours, jadis habité par la duchesse d’Étampes et par Diane de Poitiers.
  582. La Pentecôte était le 31 mai.
  583. Jacques le Coigneux, fils d’Antoine le Coigneux, et de Marie de Longueil, était président à la cour des comptes, et chancelier de Monsieur. Il secondait auprès de lui les desseins du cardinal de Richelieu.
  584. Le grand prieur, fils de Gabrielle d’Estrées, et Balagny, fils de Diane d’Estrées, étaient neveux l’un et l’autre de Mme de Villars et du marquis de Cœuvres. — Georges de Brancas, marquis, puis duc de Villars, fils puîné d’Ennemond de Brancas, seigneur de Villars, et de Catherine de Joyeuse, était gouverneur de la ville et citadelle du Havre. Le marquis de Cœuvres était gouverneur de Laon.
  585. N. de Malortie, d’une famille normande anciennement connue sous le nom de Benel, dont une branche s’était établie à Merlieux, élection de Laon.
  586. Les éditions précédentes portaient : le 2 juin, et : le lendemain matin 3, ce qui a induit M. Avenel (Lettres et papiers d’État du cardinal de Richelieu, t. II, p. 215), à croire que Bassompierre s’était trompé sur la date de l’arrestation des deux princes. Le cardinal de Richelieu, dans ses mémoires, assigne à cette arrestation la date du 12 juin ; mais le Journal d’Hérouard confirme celle du 13. — Le duc de Vendôme recouvre sa liberté en 1630 : mais le grand prieur mourut au château de Vincennes le 8 février 1629.
  587. Apparent, conforme aux apparences.
  588. Il, le roi.
  589. Le 22me juin.
  590. Le 23me juin.
    (Additions de l’auteur.)
  591. Le 1er juin, veille de son départ.
  592. Le 27 juin.
  593. Peut-être N. de Castelnau, seigneur de la Loubère.
  594. Roger de Gramont, comte de Louvigny, second fils d’Antoine, comte de Gramont, de Guiche et de Louvigny, vicomte d’Aster, et de Louise de Roquelaure, sa première femme, fut tué en duel le 18 mars 1629.
  595. Le 28 juin.
  596. Le comte de Candale et le comte de Louvigny aimaient la duchesse de Rohan.
  597. François de Montmorency, seigneur de Bouteville, comte souverain de Luxe, fils de Louis de Montmorency, seigneur de Bouteville, et de Charlotte-Catherine de Luxe, eut la tête tranchée en 1627.
  598. Il y avait aux précédentes éditions : à la cour de Saumur et au Pont de Cé.
  599. Le roi arriva à Ancenis le 2 juillet.
  600. Inédit.
  601. Le 3 juillet. ― Chalais fut arrêté le 9.
  602. Louis Tronson était secrétaire du cabinet du roi.
  603. Bertrand de Crugi de Marcillac, fils de Grimont de Crugi, seigneur de Fauroux, et de Françoise de Gout de Marcillac, était gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. — Marcillac perdit aussi le gouvernement de Sommières en Languedoc. (Mémoires du duc de Rohan.)
  604. Monsieur fut fiancé le 5 août, et marié le 6, par le cardinal de Richelieu. — Il reçut en apanage les duchés d’Orléans et de Chartres et le comté de Blois, et quitta le titre de duc d’Anjou pour prendre celui de duc d’Orléans.
  605. Le 19 août.
  606. Il y avait aux précédentes éditions : on referma.
  607. Inédit. — L'expulsion des Français eut lieu le 9 août.
  608. Dudley, lord Carlton d’Imbercourt, depuis vicomte de Dorchester, fils d’Antoine Carlton de Baldwin Brightwell, fut vice chambellan du roi Charles Ier, et ambassadeur. Né le 10 mars 1573, il mourut le 15 février 1631.
  609. Le roi partit de Nantes le 24 août.
  610. Voir t. III, p. 407, note 3.
  611. Poix, chef-lieu de canton de l'arrondissement d’Amiens.
  612. Inédit. — Montreuil, chef-lieu d’arrondissement du département du Pas-de-Calais.
  613. Sittingbourne, ville du comté de Kent. — Rochester, ville et port de mer dans le même comté. — Gravesend, ville et grand chantier de construction navale, à l’embouchure de la Tamise.
  614. La compagnie anglaise des Indes orientales, fondée en 1600.
  615. Greenwich, ville du comté de Kent, sur la rive droite de la Tamise, à peu de distance de Londres. L’hôpital des invalides de la marine a été bâti sur l’emplacement de l’ancienne résidence royale.
  616. Edouard Sackville, comte de Dorset, fils de Robert Sackville et de Marie Howard, sa première femme, fut grand chambellan du roi Charles 1er. 11 mourut le 17 juillet 1652.
  617. De voir le duc de Buckingham.
  618. Hamptoncourt, résidence royale située à Hampton, dans le comté de Middlesex.
  619. Inédit.
  620. York-house.
  621. Achilles de Harlay, fils de Nicolas de Harlay, baron de Maule, seigneur de Sancy, et de Marie Moreau, d’abord abbé, puis ambassadeur au Levant, s'était fait Père de l’Oratoire. Il fut plus tard évêque de Saint-Malo, et mourut le 20 novembre 1646.
  622. William Cecill, comte de Salisbury, fils de Robert Cecill, comte de Salisbury, et d'Elisabeth Brooke, mort le 7 décembre 1668.
  623. Philippe Herbert, comte de Montgomery, et depuis comte de Pembroke, second fils d'Henri Herbert, comte de Pembroke, et de Marie Sidney, sa troisième femme, mourut le 23 janvier 1649.
  624. Le roi de Bohême était Frédéric V, comte palatin du Rhin, beau-frère du roi Charles Ier.
  625. Édouard Cecill, vicomte de Wembleton, fils puîné de Thomas Cecill, comte d'Exeter, et de Dorothée Nevill, était cousin germain du comte de Salisbury. Il mourut le 16 novembre 1638.
  626. Vingt-cinq ans auparavant, en 1601.
  627. Inédit.
  628. Il y avait aux précédentes éditions : adoucir.
  629. Inédit. — Édouard Conway, fils de John Conway et d’Hélène Fulke Grevill, créé successivement lord Conway de Bagley, vicomte Killultagh, fut un des secrétaires d’État principaux du roi Charles 1er. Il mourut le 3 janvier 1630.
  630. Il y avait aux précédentes éditions : demande.
  631. Les États de Hollande.
  632. Inédit.
  633. Sir Georges Goring, fils de Georges Goring et d’Anne Denny, fut créé lord Goring de Hurst Pierrepoint en 1628 : il fut ensuite secrétaire clerc du sceau, vice-chambellan, et enfin comte de Norwich. Il mourut le 6 janvier 1662.
  634. Sommerset-house.
  635. Peut-être Robert Ker, fils de sir William Ker et de Jeannette Douglas, gentilhomme de la chambre du lit, successivement créé comte de Roxhurgh, lord Ker de Cestford, Caveston, etc., mort en 1650.
  636. Bethlem Gabor, prince de Transylvanie, s’était fait proclamer en 1619 prince, et en 1620 roi de Hongrie : il avait soutenu non sans succès la guerre contre l’Autriche, avec laquelle il s’était enfin accommodé. Il mourut en 1629.
  637. John Egerton, second fils de Thomas Egerton, baron Ellesmere, vicomte Brackley, chancelier d’Ang1eterre, et d'Élisabeth Ravenscroft, avait été créé comte de Bridgewater en 1617. Il mourut le 4 décembre 1649.
  638. Il y avait aux éditions précédentes : Inhimthort, ou : Imtincourt. — Le château célèbre sous le nom de Holland-house est situé à Kensington, non loin de la résidence royale de ce nom.
  639. Whitehall, ancienne résidence des rois d’Angleterre dans Londres.
  640. Voir à l’Appendice. X.
  641. Charlotte de la Trémoille, fille de Claude, seigneur de la Trémoille, duc de Thouars, et de Charlotte-Brabantine de Nassau, avait épousé James Stanley, d’abord lord Strange, et plus tard comte de Derby, qui fut décapité le 15 décembre 1651. Elle mourut le 31 mars 1664.
  642. William Herbert, comte de Pembroke, fils aîné d’Henri Herbert, comte de Pembroke, et de Marie Sidney, sa troisième femme, était frère du comte de Montgomery. Il mourut le 10 avril 1630.
  643. Pendant l’ambassade de Bassompierre, la reine d’Angleterre écrivit à sa mère une lettre que le maréchal considéra comme une marque de défiance à son égard : la reine lui écrivit pour le rassurer (Négociation du mareschal de Bassompierre envoyé ambassadeur extraordinaire en Angleterre). C’est peut-être à cette circonstance que l'auteur fait ici allusion.
  644. Charles de Brouilly, marquis de Piennes, fils de François de Brouilly, seigneur de Mesvilliers, et de Louise de Halwin-Piennes.
  645. Pierre Gobelin, conseiller au Parlement de Paris en 1618, fut reçu maître des requêtes le 23 décembre 1624.
  646. Wallingford, Wallingford-house.
  647. Catherine, fille et héritière de Gervais, baron Clifton de Leighton Bromswould, et de Catherine Darcy de Leighton Bromswould, était alors veuve d’Esme Stuart, baron d’Aubigny, devenu duc de Lenox et de Richmond par la mort de son frère aîné en 1623, et mort en 1624.
  648. Marie, fille de Georges Villiers, duc de Buckingham, et de Catherine Manners, fille du comte de Rutland, fut mariée plus tard : 1° à Charles, baron Herbert ; 2° à James Stuart, duc de Lenox et de Richmond.
  649. Il y avait aux précédentes éditions : sur ce chapitre.
  650. James Stuart, duc de Lenox et de Richmond, fils aîné d’Esme Stuart, baron d’Aubigny, puis duc de Lenox et de Richmond, et de Catherine Clifton de Leighton Bromswould. Né le 16 avril 1612, il mourut le 30 mars 1655.
  651. Westminster-abbey, siège du Parlement.
  652. Cheapside.
  653. Les Moorfields, promenade plantée d’arbres, comprenant les Moorfields proprement dits, les Middle-Moorfields et les Upper-Moorfields.
  654. Édouard Herbert, fils aîné de Richard Herbert et de Madeleine Niewport, créé successivement baron Herbert de Castle-Island et de Chirbury, avait été ambassadeur en France en 1619. Il mourut en 1648.
  655. Élisabeth, fille et héritière de Robert Drury, seconde femme de William Cecill, comte d’Exeter, frère aîné du vicomte de Wembleton. — Diane, fille de sir William Drury de Halsted, seconde femme du vicomte de Wembleton.
  656. Steward, grand-maître de la maison du roi.
  657. Diana Cecill, fille de William Cecill, comte d’Exeter, et d’Élisabeth Drury, sa seconde femme, avait épousé Henri de Vere, comte d’Oxford, qui l'avait laissée veuve sans enfants en 1625.
  658. Le secrétaire d’État Kook.
  659. Il y avait aux précédentes éditions : le comte Dunalme. — Robert Rich, comte de Warwick, fils aîné de Robert Rich, comte de Warwick, et de Françoise Wray, sa seconde femme, était frère du comte de Holland. Il mourut le 18 avril 1658.
  660. Édouard Montagu, fils d'Henri Montagu, lord Montagu, comte de Manchester, et de Catherine Spencer, d’abord connu sous le nom de lord Mandevile, devint plus tard baron de Kymbelton, et enfin comte de Manchester. Né en 1602, il mourut le 5 mai 1671.
  661. Il y avait aux précédentes éditions : de Herford.
  662. Suzanne, fille de Georges Villiers et de Marie Beaumont, avait épousé William Fielding, comte de Denbigh.
  663. Wallingford-house.
  664. Théophile Howard, comte de Suffolk, fils aîné de Thomas Howard, comte de Suffolk, et d’Élisabeth Knevet de Charleton, sa seconde femme, mort le 3 juin 1640.
  665. William Cecill, comte d’Exeter, fils aîné de Thomas Cecill, comte d’Exeter, et de Dorothée Nevill, sa première femme, mourut en 1640.
  666. Il faut lire : de Mandevel.
  667. Catherine, fille de William Spencer de Yarnton, comte d’Oxford, avait épousé Montagu, qui était lord-trésorier d’Angleterre.
  668. Robert Devereux, comte d”Essex, fils de Robert Devereux, comte d’Essex, décapité en 1601, et de Françoise Walsingham. Né en 1592, il mourut le 14 septembre 1646.
  669. Il y avait ici aux précédentes éditions : Stintinton.
  670. Daniel de la Mothe du Plessis-Houdencourt, fils de Philippe de la Mothe, seigneur d’Houdencourt, et de Louise Charles, évêque de Mende, était grand-aumônier de la reine d’Angleterre. Il mourut au siège de La Rochelle, le 5 mars 1628. — Charles de la Porte, seigneur de la Meilleraye, frère seulement consanguin de la mère du cardinal de Richelieu, avait pour mère Madeleine Charles ; l’évêque de Mende avait donc une affinité avec le cardinal, mais non une parenté directe, comme il est dit dans les mémoires du comte de Tillières, dans Levassor, etc.
  671. Avec le roi.
  672. Thomas Howard, second fils de Thomas Howard, comte de Suffolk, et d’Elisabeth Knevet de Charleton, sa seconde femme, créé comte de Berkshire le 6 février 1626, mort le 16 juillet 1669.
  673. Les poursuivants (pursuivants) étaient des commissaires délégués par les magistrats ou par les évêques pour rechercher et poursuivre les catholiques, et particulièrement les prêtres : ils se livraient à toutes sortes d’exactions et de violences.
  674. M. de Chaulnes était gouverneur des ville et citadelle d’Amiens.
  675. Louvres, bourg du canton de Luzarches, arrondissement de Pontoise.
  676. Il y avait aux précédentes éditions : la reine.
  677. Charles de Schomberg, fils d’Henri de Schomberg, maréchal de France, et de Françoise d’Épinay, sa première femme, devenu duc de Hallwyn par suite de son mariage avec Anne de Hallwyn, fut maréchal de France en 1637. Il mourut le 6 juin 1656, à l’âge de cinquante-cinq ans. — Du Plessis-Liancourt avait, dans la chambre du roi, appelé en duel le seigneur de Cressia, de la maison de Coligny, pour le duc de Halwin, qui avait querelle avec lui. Ces deux seigneurs furent rappelés à la cour par lettres du 14 mai 1627.
  678. François de Baradat, seigneur de Damery, fils de Guillaume de Baradat, seigneur de Damery, et de Suzanne de Romain, premier écuyer du roi en 1625 au lieu de Roger du Plessis-Liancourt, premier gentilhomme de la chambre en 1626 au lieu de M. de Montmorency, jouissait depuis deux ans auprès du roi d’une faveur que le cardinal de Richelieu avait toujours vue de mauvais œil. Sa disgrâce éclata le 2 décembre.
  679. Claude de Saint-Simon, depuis duc de Saint-Simon, second fils de Louis de Saint-Simon, seigneur du Plessier et de Rasse, et de Denise de la Fontaine, né le 16 août 1607, mort le 3 mai 1693.
  680. Voir dans Tallemant des Réaux (t. II), l’Historiette de M. de Noyers et l'evesgue de Mande. — Voir à l’Appendice. XI.
  681. Par deux lettres des 5 et 30 novembre le roi avait annoncé au maréchal de Bassompierre qu’il l’avait choisi pour faire partie de l’assemblée des notables.
  682. L’ouverture eut lieu le 2 décembre 1626 : l'audience de congé fut donnée par le roi le 24 février 1627. Le maréchal de Bassompierre reçut, comme les deux autres présidents, une allocation de 60 livres par jour pour quatre-vingt-cinq journées (Procès-verbal de l’assemblée des notables, recueilli très-exactement ès années 1626 et 1627 par M. Ardier, greffier en icelle).
  683. Le maréchal de la Force opinait après le maréchal de Bassompierre ; puis le cardinal de la Valette, puis enfin Monsieur.
  684. Jérôme de Hacqueville, seigneur d’Ons-en-Bray, fils d’André de Hacqueville, seigneur d’Ons-en-Bray, conseiller du roi en ses conseils d’État et privé, premier président en son grand conseil, et d'Anne Hennequin, fut premier président du parlement de Paris en 1627. Il mourut le 4 novembre 1628.
  685. Les Tuileries.
  686. L'assemblée maintint néanmoins l’article résolu sur ce sujet par l’assemblée de Rouen, avec addition de ces mots : sans distinction d'ambassadeurs de qui que ce soit.
  687. Voir à l’Appendice. XII.
  688. Pierre Gruel, marquis de la Frette, troisième fils de Claude Gruel, seigneur de la Frette, et de Louise de Faudoas, fut capitaine des gardes du corps de Monsieur. La Frette avait appelé Bouteville par ressentiment de ce que celui-ci ne l’avait pas pris pour second dans son duel contre le comte de Thorigny. Il mourut en juillet 1656, et la Muse historique commença l'annonce de sa mort par les vers suivants :

    Le brave monsieur de la Frette,
    Dont jadis l'invincible brette
    Fut parmi toute nation
    En grande réputation...

  689. C’est-à-dire : qui était le second de Bouteville.
  690. Précy-sur-Oise.
  691. Guy de Harcourt, quatrième fils de Pierre de Harcourt, marquis de Beuvron, et de Gillonne de Matignon, était frère cadet de François de Harcourt, devenu marquis de Beuvron par la mort de son frère aîné. Il avait juré de venger la mort de son cousin Jacques de Matignon, comte de Thorigny, tué en duel par Bouteville. Il se retira en Italie, et fut tué au siège de Casal en 1628.
  692. François de Rosmadec, comte des Chapelles, fils de Sébastien de Rosmadec, baron de Molac, et de Françoise de Montmorency, cousine germaine de Bouteville.
  693. Henri de Clermont d’Amboise, marquis de Bussy, était fils unique de Charles de Clermont d’Amhoise, seigneur de Bussy, et de Jeanne de Montluc-Balagny.
  694. Guillaume de Simiane, marquis de Gordes, fils de Balthasar de Simiane, baron de Gordes, et d’Anne de Saint-Marcel, était capitaine de la compagnie écossaise des gardes du corps. Il mourut en septembre 1642.
  695. Le 22 juin. Le duel avait eu lieu le 12 mai.
  696. Madame accoucha le 29 mai, et mourut le 4 juin suivant. L'enfant à qui elle venait de donner le jour fut la célèbre Mlle de Montpensier.
  697. Saint-Martin-de-Ré, ville principale de l’île de Ré, avec un port de mer.
  698. L'auteur ne s'est pas aperçu qu’il changeait de sujet sans avoir achevé sa phrase : c’est le duc de Buckingham qui était piqué.
  699. Ces lettres renfermaient certaines infractions à l'étiquette, suivies de représailles du même genre (Mémoires du comte de Tillières).
  700. Il y avait aux précédentes éditions : nécessaire à une flotte et vingt-huit mille Anglois dessus.
  701. Du nom de Michel.
  702. Le 28 juin.
  703. Aujourd’hui Marolles-lez-Arpajon, village du canton d’Arpajon, arrondissement de Corbeil.
  704. Votre Béarnais.
  705. Villeroy était un magnifique château, situé près du bourg de Mennecy, dans l’arrondissement et canton de Corbeil.
  706. Inédit.
  707. Nicolas Roger fut premier valet de la garde-robe du roi, de 1617 à 1631.
  708. La descente des Anglais en l’île de Ré, et le combat, eurent lieu le 23 juillet. Toiras avait obtenu, l'année précédente, le gouvernement d’Aunis, laissé vacant par la mort du maréchal de Praslin.
  709. Entre autres Restinclières le jeune, frère puiné de Toiras, et le baron de Chantal, père de madame de Sévigné.
  710. Marie de Lorraine, damoiselle de Guise, devenue depuis, par l’extinction de sa race, duchesse de Guise et de Joyeuse, princesse de Joinville, était fille de Charles de Lorraine, duc de Guise, et d’Henriette-Catherine, duchesse de Joyeuse, par conséquent sœur utérine de feu Madame. Elle était née le 15 août 1615, et mourut le 3 mars 1688.
  711. Élisabeth, damoiselle de Vendôme, fille de César, duc de Vendôme, et de Françoise de Lorraine, duchesse de Mercœur, épousa en 1643 Amédée de Savoie, duc de Nemours. Née en 1614, elle mourut le 19 mai 1664.
  712. Marie-Louise de Gonzague-Clèves, fille de Charles de Gonzague-Clèves, duc de Nevers et de Rethel, depuis duc de Mantoue et de Montferrat, épousa successivement, en 1646 et en 1649, Wladislas et Jean-Casimir, deux frères qui furent rois de Pologne. Née en 1612, elle mourut à Varsovie le 10 mai 1667.
  713. Seminy était un empirique.
  714. La princesse Marguerite, qui épousa depuis le duc d’Orléans, avait une coadjutorerie de Remiremont.
  715. Marie et Françoise-Catherine, qui furent toutes les deux religieuses du tiers ordre de saint François, et moururent, l’une en 1656, l’autre en 1641, étaient filles de Charles-Emmanuel, duc de Savoie, et de Catherine d’Autriche, infante d’Espagne.
  716. Marguerite et Anne, filles de Cosme II de Médicis, grand-duc de Toscane, et de Marie-Madeleine d'Autriche, étaient sœurs du duc régnant Ferdinand II : Marguerite épousa, en 1628, Odoard Farnèse, duc de Parme ; Anne fut mariée à Ferdinand-Charles, archiduc d’Innsbruck.
  717. Voir à l’Appendice. XIII.
  718. La pointe de Coreilles, ou des Minimes, resserre au sud le canal qui forme l’avant-port de la Rochelle.
  719. Aytré, bourg situé au sud de la Rochelle, à une lieue environ de cette ville. Ce nom est souvent écrit Netré dans les histoires du temps.
  720. Rompsay, lieu situé au nord d’Aytré et à l’est de La Rochelle.
  721. Le roi était venu à Saint-Germain le 25 août : son entretien avec le maréchal de Bassompierre eut lieu le 12 septembre, jour où il alla passer quelques heures à Paris : il partit de Saint-Germain le 17 septembre, pour voyager à petites journées.
  722. Montlivault, village de l’arrondissement et canton de Blois. Le roi y arriva le 29 septembre.
  723. Artenay, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Orléans.
  724. Cléry-sur-Loire, chef-lieu de canton de l'arrondissement d’Orléans. — Saint-Laurent-des-Eaux, bourg du canton de Bracieux, arrondissement de Blois.
  725. Saumery, château situé dans la paroisse de Huisseau-sur-Cosson, près de Blois, appartenant à Arnaud de Johanne de la Carre, dont le fils, François de Johanne de la Carre, seigneur de Saumery, fut gouverneur du château de Chambord.
  726. Montlouis, bourg de l’arrondissement et canton de Tours, sur la rive gauche de la Loire.
  727. Langeais, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Chinon, sur la rive droite de la Loire.
  728. L’église de Notre-Dame-des-Ardilliers, desservie par les Pères de l’Oratoire, était en grande réputation dans tout le pays.
  729. Thouars, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Bressuire, département des Deux-Sèvres, alors lieu principal du duché d’Henri de la Trémoille, lequel prit part au siége de la Rochelle, et y fit profession de la religion catholique. — Parthenay, aujourd’hui chef-lieu d’arrondissement du département des Deux-Sèvres, alors seigneurie de Catherine de Parthenay, mère du duc de Rohan et de M. de Soubise.
  730. Richelieu, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Chinon. — M. le Prince venait de recevoir le commandement de l’armée de Languedoc. Les détails de l’entrevue sont consignés dans une note aux Lettres et papiers d’Etat (t. II, p. 646-647).
  731. Champdeniers, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Niort, était une seigneurie appartenant à une branche de la maison de Rochechouart.
  732. Bertrand d’Eschaux, fils d’Antoine d’Eschaux, vicomte de Baigory en Basse-Navarre, et de Catherine de Saint-Esteben, d’abord évêque de Bayonne, puis archevêque de Tours en 1617, abbé de l’Hort de Poitiers après Rucellaï, était chevalier des ordres de la même promotion que le maréchal de Bassompierre. Il mourut le 21 mai 1641, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.
  733. Petits bâtiments longs, étroits et légers, construits en bois de pin.
  734. Dans la nuit du 7 au 8 octobre.
  735. Surgères, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Rochefort, département de la Charente-Inférieure, était une seigneurie récemment échue à une branche de la maison de la Rochefoucauld.
  736. Mauzé, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Niort, sur la route de Niort à la Rochelle. — Le roi, en se rendant de Surgères à Mauzé, s’éloignait plutôt qu’il ne se rapprochait de la Rochelle : cependant Arcère (Histoire de la Rochelle) dit que c’est ainsi qu’il faut lire Mosey ou Mosay. La route était sans doute meilleure.
  737. Dompierre, sur la route de Niort à la Rochelle, au N.-E. de cette dernière ville.
  738. Il, le duc d’Angoulême.
  739. Pour laisser la charge.
  740. Jacques, sire de Matignon, seigneur de la Roche-Goyon, maréchal de France, avait fait en 1586, sous les ordres du duc de Mayenne, une campagne contre les huguenots dans la province de Guyenne, dont il était gouverneur.
  741. C’est-à-dire : après qu'il eut fini.
  742. C’est-à-dire : aussi n’en ferois-je pas.
  743. Pierre Strozzi, fils de Philippe Strozzi, gentilhomme florentin, et de Clarice de Médicis, maréchal de France en 1556, tué en 1558 au siége de Thionville, avait aussi servi la même année au siége de Calais, sous ce grand duc de Guise qui conserva Metz à la France.
  744. En 1621, au siége de plusieurs places en Guyenne, et devant Montauban. Le roi était présent au siége de Montauban : mais on peut dire, en faveur de l'argument du maréchal de Bassompierrc, que l’armée était commandée par le connétable de Luynes, et que le duc de Mayenne avait une attaque particulière.
  745. En 1622, au siège de Tonneins et d’autres places de la Guyenne.
  746. Armand de Gontaut, premier maréchal de Biron, tué le 26 juillet 1592 ; Charles de Gontaut, second maréchal de Biron, décapité le 31 juillet 1602 ; Jean d’Aumont, comte de Châteauroux, maréchal de France en 1579, mort le 19 août 1595.
  747. C’est-à-dire : une seule fois où ce soit arrivé, à moins qu’un prince du sang n’ait été déclaré lieutenant-général de l’armée du roi. — Il y avait aux précédentes éditions : si un prince du sang a été déclaré.
  748. En 1600.
  749. Ludovic de Gonzague, duc de Nevers, fils de Frédéric de Gonzague, duc de Mantoue, et de Marguerite Paléologue, se rallia à la cause d’Henri IV en 1590. Il mourut en 1595.
  750. C’est-à-dire : quoique M. d’Angoulême veuille persuader qu’il ne le fera qu’à mon induction.
  751. Le fort d’Orléans, commencé près du canal ou avant-port du côté de Coreilles, ne fut jamais achevé.
  752. Angoulins, village du littoral, à une lieue environ au sud d’Aytré. Le château du Pont-de-la-Pierre était à peu près à mi-chemin d’Aytré à Angoulins.
  753. C'est-à-dire : ce qui.
  754. Il faudrait peut-être lire : ces deux mareschaux de camp (Vignolles et Marillac).
  755. Le Plomb, lieu situé à deux lieues au nord de la Rochelle, sur une pointe appelée du même nom.
  756. Chemin couvert tracé autour de l'escarpe, avec banquette et parapet.
  757. Charles Sanguin, alors gentilhomme ordinaire, fut maître d’hôtel du roi en 1630.
  758. Beaumont était le premier maître d’hôtel du roi. Voir la note 3 à la page 186.
  759. Ce régiment était commandé par César de Choiseul, comte du Plessis-Praslin, depuis duc de Choiseul et maréchal de France, fils aîné de Ferry de Choiseul, comte du Plessis, et de Madeleine Barthellemy, né en 1598, mort le 23 décembre 1675.
  760. Jean Budes, seigneur de la Courbe, cinquième fils de Jacques Budes, seigneur du Hirel, et de Béatrix de Romillé.
  761. Peut-être Louis-Antoine du Prat, marquis de Nantouillet et de Précy, fils de Michel-Antoine du Prat, seigneur de Nantouillet et de Précy, et de Marie Seguier, mort en 1681, à l'âge de quatre-vingt-un ans ; ou bien un fils de Jean de Précy, seigneur de la Motte-lez-Poivre, et d’Edmée de Chaumont.
  762. Le nom en blanc au manuscrit.
  763. Sept barques chargées de vivres et de munitions, avec quelques compagnies de soldats (Journal des choses plus memorables qui se sont passées au dernier siege de la Rochelle, par Pierre Mervault, Rochelois).
  764. Le port Neuf, sur un bras du canal, non loin du Fort-Louis.
  765. Laleu, village situé à une lieue et demie au N.-O. de la Rochelle.
  766. Brouage, ville et port en face de l'île d’Oléron, arrondissement et canton de Marennes, département de la Charente-Inférieure.
  767. La rade de Chef-de-Baye, que l’on écrivait aussi Chef-de-Bois, non loin de Laleu. La pointe de Chef-de-Baye resserre l’avant-port de la Rochelle du côté opposé à la pointe de Coreilles.
  768. L’Houmeau, village au nord de Laleu.
  769. Sans effet (Journal de Mervault).
  770. Sans faire de mal (Ibidem).
  771. Le 27, suivant le Journal de Mervault.
  772. Il faut lire : Je fus.
  773. N. de Touges, seigneur de Noaillan ; ou peut-être Charles de Baudéan, seigneur de Neuillan, fils puîné de Jean de Baudéan, seigneur de Parabère, et de Louise Gillier, lequel fut gouverneur de Niort.
  774. Ramberges, vaisseaux longs employés autrefois par les Anglais.
  775. Jacques d’Estampes, marquis de la Ferté-Imbault et de Mauny, fils ainé de Claude d’Estampes, seigneur de la Ferté-Imbault, et de Jeanne de Hautemer, dame de Mauny, maréchal de France en 1651, mourut le 20 mai 1668, à l'âge de soixante dix-huit ans.
  776. Lauzières, village au nord du Plomb.
  777. Canaples était mestre de camp du régiment des gardes.
  778. Il y a au manuscrit : vendredy 30me ; c’est une erreur.
  779. Neveu et lieutenant de N. d’Antist, seigneur de Mansan, qui avait une compagnie au régiment des gardes.
  780. Inédit.
  781. Le clocher de Saint-Barthélemy, près de la porte Neuve, du côté ouest de la ville.
  782. Henri de Castelnau, fils aîné de Jacques de Castelnau-Mauvissière, baron de Joinville, et de Charlotte Rouxel, fut tué à l’âge de dix-sept ans.
  783. Faillit aux gamberges.
  784. Saint-Seurin, gentilhomme huguenot, avait pratiqué quelques négociations auxquelles Toiras n’avait prêté les mains, dans le moment de sa détresse, que par feinte et pour gagner du temps, si du moins il faut en croire son historien. Le cardinal néanmoins s’en était montré assez mécontent (Lettres et papiers d’État).
  785. Lagord, village situé au nord de la Rochelle, à peu de distance de l’Houmeau.
  786. La porte de Cognes, située du côté est de la ville, et défendue par une demi-lune.
  787. Le Journal de Mervault place ce fait à la date du 5 novembre.
  788. Une compagnie de chevau-légers.
  789. Sablanceaux, à la pointe de l’ile de Ré, vis-à-vis Chef-de-Baye.
  790. Le maréchal de Thémines était mort à Auray le 1er novembre. Il commandait en Bretagne à la place du duc de Vendôme, retenu en prison.
  791. Inédit.
  792. La Couarde, village du canton d’Ars-en-Ré, que les Anglais traversaient pour se retirer en l’île de Loix, attenante à l’ile de Ré, où ils devaient opérer leur embarquement.
  793. Frère du comte de Warwick et du comte de Holland. — Voir l’Histoire du mareschal de Toiras ; la Deffaite entiere des Anglois et leur honteuse fuitte et retraitte de l’isle de Ré, ces nouvelles apportees aux Roynes par le sieur de Bellingant (Paris, Jean Brunet. m. cc. xxvii), etc.
  794. Henri de Beringhen, seigneur d’Armainvilliers et de Grez, fils de Pierre de Beringhen, seigneur d’Armainvilliers et de Grez, et de Madeleine Bruneau, fut premier écuyer de la petite écurie du roi, et chevalier des ordres. Il mourut le 30 août 1692, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
  795. Nicolas Potier, seigneur d’Ocquerre, fils de Nicolas Potier, seigneur de Blancmesnil, et d’Isabeau Baillet, fut secrétaire d'État sur la démission de Louis Potier, baron de Gesvres, son oncle. Il mourut le 29 septembre 1628 au siège de la Rochelle.
  796. Antoine de l’Age, seigneur et depuis duc de Puylaurens, fils de René de l’Age, seigneur de Puylaurens, et de Jeanne Pot, occupa plusieurs charges dans la maison du duc d’Orléans. Il mourut en prison au mois de juillet 1635.
  797. Louis de Rohan, comte de Rochefort, était devenu prince de Guémené, par suite de son mariage avec sa cousine Anne de Rohan, princesse de Guémené, fille et héritière de Pierre de Rohan, prince de Guémené, mort en 1622, et de Madeleine de Rieux.
  798. Inédit.
  799. Henri de Neufville, comte de Bury, second fils de Charles de Neufville, marquis de Villeroy et d’Alaincourt, et de Marguerite de Mandelot. Il mourut en 1628, au retour du siége de la Rochelle.
  800. Inédit.
  801. La Fond, village au nord de la Rochelle, aujourd’hui faubourg de cette ville. C’était un lieu bas et marécageux, dominé par un tertre où l'on voyait une garenne.
  802. Henri de Volvire-Ruffec, comte du Bois de la Roche, fils puîné de Philippe de Volvire, marquis de Ruffec, et d’Anne de Daillon du Lude, fut, comme son père, capitaine d’une compagnie d’ordonnance de cinquante hommes.
  803. Inédit.
  804. Épier l’occasion de l’enlever.
  805. Voir à l’Appendice. XIV.
  806. Inédit.
  807. Inédit.
  808. Le colonel de ce régiment, Henri de Baudéan, comte de Parabère, fils aîné de Jean de Baudéan, seigneur de Parabère, et de Louise Gillier, fut gouverneur du haut et bas Poitou, et chevalier des ordres. Il mourut le 11 janvier 1653, à l’âge de cinquante-neuf ans. — Il y avait aux précédentes éditions : Puralière.
  809. Charles de la Porte, seigneur, et depuis duc de la Meilleraye, fils de Charles de la Porte, seigneur de la Lunardière et de la Meilleraye, et de Claude de Champlais, fut maréchal de France : il mourut le 8 février 1664, dans sa soixante-deuxième année. Suzanne de la Porte, mère du cardinal de Richelieu, était sœur consanguine de son père.
  810. Claude de Saint-Bonnet de. Toiras, troisième fils d’Aymar de Saint-Bonnet, seigneur de Restinchéres, et de Françoise de Claret de Saint-Félix, fut évêque de Nîmes en 1625. Il mourut le 4 mai 1642.
  811. Il y avait aux précédentes éditions : son frère et Toiras.
  812. Marans, chef-lieu de canton de l’arrondissement de la Rochelle, sur la Sèvre-Niortaise. Guron, qui possédait la confiance et l’amitié du cardinal de Richelieu, était gouverneur de Marans : le roi et le cardinal lui avaient demandé une fourniture de vivres pour le secours de l’ile de Ré (Lettres et papiers d’État du cardinal de Richelieu, t. II, p. 695-696).
  813. Clément Métezeau, célèbre architecte, né à Dreux le 6 février 1581, fils de Thibault Métezeau, architecte, acheva cette grande entreprise, dans laquelle Pompée Targon avait échoué, et qui consistait à fermer l’avant-port de la Rochelle sur une longueur de 740 toises. — Jean Tiriot, qui le seconda dans ce travail, était un maître maçon de Paris.
  814. Beaulieu-Persac était un capitaine de vaisseau, qui avait concouru à la défense de l’île de Ré.
  815. Le faubourg du Colombier est à l'ouest de la ville, en face de la porte Neuve.
  816. Inédit.
  817. En face de la porte Neuve, à l'ouest de la ville.
  818. N. le Camus, seigneur de Blígny. — N. de la Fontaine, seigneur de Lesche.
  819. Isaac Arnauld, seigneur de Corbeville, fils aîné d’Isaac Arnauld, seigneur de Corbeville, intendant de finances, et de Marie Perrin, fut mestre de camp général des carabins de France, comme son oncle Pierre Arnauld. Il mourut en 1651.
  820. Un épi, assemblage de chevrons, revêtus de planches, et disposés de manière à changer la direction des eaux.
  821. Inédit.
  822. Le fort de Beaulieu, en face de la porte de Cognes, était en dehors de la ligne de commandement du maréchal de Bassompierre, qui s’étendait seulement jusqu’au moulin de même nom.
  823. Charles d’Angennes, marquis de Rambouillet, fils de Nicolas d’Angennes, seigneur de Rambouillet, et de Julienne, dame d’Arquenay, colonel général de l’infanterie italienne, maréchal de camp, chevalier des ordres, fut le mari de la célèbre marquise de Rambouillet. Il mourut le 6 février 1652, à l’âge de soixante quinze ans.
  824. Jacques des Noues, seigneur de la Tabarière et de Sainte-Hermine en Poitou, avait épousé Anne de Mornay, fille de Philippe de Mornay, seigneur du Plessis-Marly, et de Charlotte Arbaleste. Madame de la Tabarière devint plus tard la seconde femme du vieux maréchal de la Force.
  825. Suivant le Journal de Mervault les Rochelois firent des prisonniers.
  826. Saint-Maurice, village situé du côté ouest de la Rochelle, entre Laleu et le fort Saint-Esprit, en dehors de la ligne de circonvallation.
  827. « Le samedy 8, quarante cavaliers étans sortis de la Rochelle par la porte Neuve, firent rencontre de quelques cavaliers des assiegeans, qu’ils chargrrent et menrrent batans ; mais monsieur le maréchal de Bassompierre, avec force cavalerie et infanterie, accourant à leur secours, les dégagea de telle sorte, qu’il contraignit les Rochelois de se retirer avec quelques blessés ; en revanche de quoy ils amenerent trois prisonniers en la ville. » (Journal de Mervault.)
  828. Beauvilliers était intendant de justice et de finances en l’armée.
  829. La redoute de la Borie, dépendante du fort de Beautreuil, était construite à l'entrée de la pointe de Coreilles, sur l'avant-port.
  830. M. d’Angoulême manda au roi.
  831. Esprit Alard d’Esplan, marquis de Grimault. Voir t. II, p. 289, note 2.
  832. Il y avait aux précédentes éditions : de revenir.
  833. Périgny, village au S.-E. de la Rochelle, entre Aytré et Rompsay.
  834. Henri de Gournay, seigneur de Marcheville en Lorraine, fut ambassadeur en Turquie.
  835. François l’Evêque, seigneur de Marconnay ; ou N. de Marconnay, seigneur de Frozay.
  836. En langage du pays, rivages plats que la haute mer recouvre.
  837. Frédéric de Tolède, marquis de Villanueva, second fils de Pierre de Tolède, duc de Ferrandina, et d’Elvire de Mendoza, sa première femme. — Le secours naval, promis par l'Espagne, arrivait après la délivrance de l’île de Ré ; il était en mauvais état, et il repartit promptement, sans avoir donné aucune aide aux assiégeants.
  838. Jean de Baure. — « Le capitaine qui commandoit les assiegeans en cette occasion, fit tres vaillamment la pique à la main, et demeura sur la place avec presque tous ses soldats. » (Journal de Mervault.)
  839. Jacques-Philippe de Guzman, marquis de Leganez.
  840. Manassès de Pas, marquis de Feuquières, fut lieutenant général, et gouverneur des ville et citadelle de Verdun.
  841. « M. de Feuquières étoit accompagné du sieur de la Forest, lieutenant des gardes de monsieur le cardinal de Richelieu, qui fut tué d’un coup de mousquet au travers du corps, comme il se sauvoit de ceux qui l'avoient arrêté, et saisi la bride de son cheval. » (Journal de Mervault.) — Ce journal assigne à ce fait la date du 29.
  842. Entre Coreilles et Rompsay.
  843. Le marquis de Rambouillet venait de négocier, comme ambassadeur extraordinaire, la paix entre l’Espagne et la Savoie.
  844. Claude de Saint-Simon avait été pourvu, le 5 mars 1627, de la charge de premier écuyer de la petite écurie du roi.
  845. Bernard de Besançon, seigneur du Plessis-Besançon, second fils de Charles de Besançon, seigneur de Bouchemont et de Souligné, et de Madeleine Orrye, fut successivement aide-major au régiment des gardes françaises, sergent de bataille, maréchal de camp en 1645, lieutenant-général en 1653, gouverneur d’Auxonne en 1660. Il mourut en mars 1670.
  846. Le fort de Sainte-Marie, entre le fort du Saint-Esprit et le fort de Lafons.
  847. Nicolas de Bautru, comte de Nogent, qui fut capitaine des gardes de la porte, était frère puîné de Guillaume de Bautru, comte de Serrant. Il mourut en septembre 1661.
  848. François d’Escoubleau, cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, fils aîné de François d’Escoubleau de Sourdis, comte de la Chapelle-Bellouin, et d’Isabeau Babou, dame d’Alluye, mourut le 8 février 1628.
  849. N. de Rives, seigneur de Blanchecourt.
  850. Pierre de Molère, seigneur de Gueyze.
  851. Cyrus-Antoine de Saint-Simon, marquis de Courtaumer, fut tué en 1639 dans la révolte des Pieds-Nus en Normandie.
  852. « Hier les Rochelois furent battus du costé de M. de Bassompierre. Ils estoient sortis douze chevaux, dont deux furent tuez, deux autres blessez et un prisonnier, qui est parent de Courtaumer. M. de Bassompierre s’y trouva qui donna fort bon ordre en ceste affaire. » (Lettres et papiers d’État, lettre du cardinal de Richelieu au roi, du 16 février 1628.)
  853. Il y avait aux précédentes éditions : au dessus.
  854. « La Riviere, autrement Jean Farine, soldat de la Rochelle, hardy au possible, et qui fit fort parler de luy. » (Journal de Mervault.) — Le cardinal de Richelieu (Lettres et papiers d’État, t. III, p. 42) écrit au roi que Jean Farine avait été fort blessé dans l’affaire du 19 février ; on voit que c’est une erreur. Ce fut un autre brave soldat de la Rochelle, un tisserand nommé la Forêt, et surnommé le Linger à cause de son état, qui succomba dans cette rencontre : Arcère et Mervault le disent pareillement.
  855. Un vent de sud-ouest.
  856. François de Jussac d’Ambleville, seigneur de Saint-Preuil, second fils de François de Jussac, baron d’Ambleville, et d’Isabeau de Bourdeille, alors capitaine au régiment des gardes françaises, depuis maréchal de camp et gouverneur d’Arras, s’était déjà signalé à la défense de l’île de Ré. Il eut la tète tranchée le 9 novembre 1641. — Les précédentes éditions portaient : Aubeville, ce qui a fait croire à M. Avenel que Bassompierre avait défiguré le nom.
  857. Jean de Sabran, baron de Baudinar, fils d’Antoine de Sabran, baron de Baudinar, et de Marguerite de la Garde.
  858. Le nom en blanc au manuscrit. L’adversaire de La Meilleraye est nommé au Journal de Mervault « le sieur de la Cotenciere, cadet de Bessay, gentilhomme de Poictou. » On peut voir dans ce même journal le récit détaillé de ce combat singulier, dans lequel La Meilleraye fut blessé à la tête.
  859. Nieul, village au nord de la Rochelle.
  860. L’entreprise du pétard avait dû être dirigée principalement contre la fausse porte des Salines, ou nouvelle porte de Maubec.
  861. Le fort de Tadon, construit et occupé par les Rochelois, était en dehors des murs de la ville, du côté de la pointe de Coreilles. C’est sans doute ce fort que l’auteur, à la page 349, appelle la bastille.
  862. Concarneau, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Quimper, sur la côte de 1’océan.
  863. Gabriel de Beauvau, fils puîné de Louis de Beauvau, seigneur de Rivarennes, et de Charlotte de Billouet, alors abbé de Turpenay en Poitou, fut évêque de Nantes de 1636 à 1667.
  864. Il y avait aux précédentes éditions : je repris.
  865. Jean David était capitaine d’une patache de guerre de vingt—cinq tonneaux, qui venait de Plymouth avec des vivres et des correspondances : la ville lui fit don d’une chaîne d’or. — Jean Martin, dit Sacremore, commandait aussi une patache de guerre chargée de provisions.
  866. La batterie fut achevée.
  867. Henri d’Orléans, marquis de Rothelin, fils aîné de François d’Orléans, bâtard de Rothelin-Longueville, et de Catherine du Val, sœur du marquis de Fontenay-Mareuil, était frère aîné de Léonor d’Orléans, lieutenant-général de l’artillerie, mort devant la Rochelle.
  868. Le duc de Rohan faisait la guerre en Languedoc et dans le comté de Foix.
  869. L'auteur a écrit par erreur : le jeudy 29me et : le vendredy 30me. L’erreur était rectifiée dans les éditions précédentes.
  870. Le Plessis-Besançon.
  871. N. d’Escoubleau, seigneur du Coudray-Montpensier, fils de Claude d’Escoubleau, seigneur du Coudray-Montpensier, et de Charlotte Pot.
  872. Ils, les cinquante soldats.
  873. Saint-Rogatien, village situé à peu de distance de Périgny.
  874. Louis de Valois, second fils de Charles, bâtard de Valois, comte d’Auvergne, duc d’Angoulême, et de Charlotte de Montmorency. Il avait d’abord été destiné à l’état ecclésiastique ; mais son frère aîné étant en démence, et son frère puîné, François de Valois, comte d’Alais, étant mort en 1622, il prit, après ce dernier, la qualité de comte d’Alais, et devint depuis duc d’Angoulême. Né en 1596, il mourut le 13 novembre 1653.
  875. François le Clerc du Tremblay, fils de Jean le Clerc, seigneur du Tremblay, président aux requêtes, et de Marie Motier de la Fayette, né le 4 novembre 1577, mort le 18 décembre 1638. — Comme on avait déjà renoncé à l’entreprise des fontaines, il s'agit peut-être ici d’un plan mis en avant par le P. Joseph pour faire pénétrer les assiégeants dans la ville par un canal servant à la conduite des immondices. On voit que le maréchal laisse percer un certain dédain pour les conceptions militaires du célèbre capucin.
  876. Henri d’Escoubleau, quatrième fils de François d’Escoubleau, comte de la Chapelle-Bellouin, et d’Isabeau Babou, dame d’Alluye, d’abord évêque de Maillezais en Poitou, puis archevêque de Bordeaux après son frère, mourut le 18 juin 1645. — Le siége de Maillezais fut transféré à la Rochelle en 1648.
  877. A la pointe nord-ouest de l’île de Ré.
  878. C’est-à-dire : de cent tonneaux et au-dessous.
  879. Le pertuis d’Antioche est le passage de mer qui s’étend entre les iles de Ré et d’Oléron.
  880. Il y avait aux précédentes éditions : prit son camp.
  881. Il y a ici contradiction avec ce qui précède : en effet le roi était venu la veille à Coreilles pour voir l'armée navale des ennemis (p. 372). Il faut probablement lire : Aytré, au lieu de : Surgères.
  882. Voir p. 356, note 2.
  883. Inédit.
  884. Le cardinal de Richelieu dit dans ses mémoires, et dans une lettre adressée à la reine mère, que la flotte anglaise mit à la voile le 19 : mais le Journal de Mervault est d’accord avec Bassompierre sur la date du 18.
  885. Hippolyte de Bethune, comte de Selles, dit le comte de Bethune, fils aîné de Philippe de Bethune-Rosny, frère du duc de Sully, et de Catherine le Bouteiller de Senlis, né le 19 septembre 1603, mourut le 24 septembre 1665, laissant au roi une collection précieuse de manuscrits.
  886. Inédit. — Le P. Suffren, jésuite, confesseur de Marie de Médicis, fut aussi confesseur du roi : mais il suivit la reine mère dans l’exil.
  887. Timoléon de Daillon, comte du Lude, fils aîné de François de Daillon, comte du Lude, gouverneur de Monsieur, et de Françoise de Schomherg, né le 29 octobre 1600, mort en 1651.
  888. Il y avait aux précédentes éditions : Sessy. — Le sieur de Saisigny était un gentilhomme huguenot, qui avait été fait prisonnier à la retraite des Anglais de l’île de Ré. Vers le 20 février 1628 quelques négociations avaient eu lieu pour l’échange ou la mise à rançon des prisonniers : on ne voit pas qu’elles eussent abouti. Saisigny était peut-être envoyé sur parole dans la ville pour les pourparlers actuels.
  889. Jacques Rouxel, comte de Grancey et de Medavy, fils de Pierre Rouxel, baron de Medavy, et de Charlotte de Hautemer, comtesse de Grancey, fut maréchal de France en 1651. Né le 7 juillet 1603, il mourut le 20 novembre 1680.
  890. François, prince de Marcillac, depuis duc de la Rochefoucauld, fils aîné de François, comte, et plus tard duc de la Rochefoucauld, et de Gabrielle du Plessis-Liancourt, né le 15 décembre 1613, mourut le 17 mars 1680. C’est l’auteur des Maximes.
  891. Le sieur de la Vigerie était commissaire pour les gens de guerre ; le sieur Pierre Toupet devait représenter les bourgeois. Quant au dernier nom, je crois qu’il faut lire : Salbert : Jean-Pierre Salbert, pasteur, avait déjà été chargé de diverses missions, et représentait sans doute les intérêts religieux.
  892. Qui renvoyèrent quérir Grancey.
  893. On peut conférer avec Mervault, qui rapporte ces pourparlers avec quelques légères différences.
  894. Talmont, chef-lieu de canton de l’arrondissement des Sables-d’Olonne, département de la Vendée, était une principauté de la maison de la Trémoille.
  895. Louis de Crevant, marquis d’Humières, second fils de Louis de Crevant, vicomte de Brigueil, et de Jacqueline, dame d’Humières, avait épousé Isabeau Phelipeaux d’Herbault.
  896. Louis Phelipeaux, seigneur de la Vrillière, second fils de Raymond Phelippeaux, seigneur d’Herbault, et de Claude Gobelin, fut secrétaire d’État après son père. Il mourut le 5 mai 1681, à l’âge de quatre-vingt-trois ans.
  897. Paul Ardier, sieur de Beauregard, était trésorier de l’épargne.
  898. Louis-Jules du Châtelet, baron de Cirey, fils de Louis du Châtelet, baron de Cirey, et d’Ursule Ruden de Collemberg, servit en France dans les guerres contre les protestants, fut premier chambellan de Monsieur, et encourut la disgrace du roi et la confiscation de ses biens. Né le 8 août 1594, il mourut en 1672.
  899. Le marquis de Saint-Chamond, envoyé en Italie, avait puissamment contribué, à la fin de l’année précédente, à assurer au duc de Nevers la succession du duché de Mantoue.
  900. Il faut lire : don Alonso, comme précédemment.
  901. Urbain de Maillé, marquis de Brézé, fils aîné de Charles de Maillé, seigneur de Brézé, et de Jacqueline de Thévale, maréchal de France en 1632, mort le 13 février 1650, à l’âge de cinquante-deux ans. Il avait épousé en 1617 Nicole du Plessis-Richelieu, sœur de l’évêque de Luçon, et sa fille, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, devint la femme du grand Condé.
  902. François de Faudoas d’Averton, comte de Belin, fils de Jean-François de Faudoas, dit d’Averton, comte de Belin, seigneur de Sérignac, mentionné à la page 65 du tome I, et de Renée d’Averton, dame de Belin, sa seconde femme.
  903. Jacques de Rouville, comte de Clinchamp fils aîné de Jacques de Rouville, seigneur de Grainville, et de Diane le Veneur, avait été chevalier d’honneur de la duchesse d’Orléans. Il mourut cette même année.
  904. N. de Pougues, seigneur de Villandry.
  905. Charles-Léon, comte de Fiesque, fils aîné de François de Fiesque, comte de Lavagne, et d’Anne le Veneur.
  906. Pierre-Paul de Fortia, seigneur de Piles, fils aîné de Paul de Fortia, baron de Baumes, seigneur de Piles, et de Jeanne de Tollon, avait été élevé avec le roi. Il fut commandant d’une galère, gouverneur de Marseille, et maréchal de camp en 1649.
  907. Peut-être Michel de Montberon, seigneur de Beauregard, fils ainé de Jean de Montberon, seigneur de Beauregard, et de Perrette Angelly.
  908. Cette lettre se trouve à la page 120 du tome III des Lettres et papiers d’État du cardinal de Richelieu.
  909. Il, le cardinal.
  910. Le commandeur des Gouttes avait été général des galères de l’ordre de Malte de 1618 à 1620. Il commandait une flotte du roi, que le cardinal de Richelieu avait rappelée des côtes de Hollande dans les eaux de la Rochelle.
  911. Le sieur de la Fite était sergent-major du régiment de la Meilleraye. Il échangea avec Pierre Toupet quelques paroles qui furent rapportées au conseil de ville : ce conseil résolut le lendemain de lui faire la même réponse qu’à Grancey.
  912. Ce fait n’est pas raconté dans la première édition du Journal de Mervault, qui est sans date, toutefois antérieure à 1646 ; mais l’édition de 1671 le rapporte dans des termes absolument identiques : le nouvel éditeur s’est servi des mémoires du maréchal de Bassompierre, publiés en 1665.
  913. Il y avait aux précédentes éditions : comme il demanda : c’était le texte primitif du manuscrit, qui a été corrigé par surcharge.
  914. Petit port situé sur une baie à trois lieues au nord de la Rochelle, à peu de distance du bourg d’Esnandes. Ce nom s’écrit de manières très diverses : Coup-de-Vache, Coue-de-Vache, Queue-de-Vache ; la carte de Cassini donne : Coup-de-Vague ; sur la carte de l’état-major on trouve seulement : Côte-Vague.
  915. Alphonse-Louis du Plessis-Richelieu, fils puiné de François du Plessis, seigneur de Richelieu, et de Suzanne de la Porte, et frère ainé du ministre, archevêque d’Aix de 1626 à 1629, fut depuis archevêque de Lyon, cardinal, grand aumônier de France. Il mourut le 23 mars 1653.
  916. François d’Aydie, troisième fils d’Armand d’Aydie, comte de Riberac, vicomte d’Espeluche, et de Marguerite de Foix, servait comme capitaine dans le régiment de son père, quoiqu’il ne fût âgé que de quatorze ans. Il ne devint comte de Riberac qu’après la mort de son frère Jacques-Louis d’Aydie, tué à la défense de Casal, lequel était lui-même devenu l’aîné par la mort de Frédéric d’Aydie, tué au siège de Montauban.
  917. La phrase n’est pas finie.
  918. Charles de Gonzague-Clèves, duc de Nevers, avait succédé à Vincent II, duc de Mantoue et de Montferrat, mort le 26 décembre 1627.
  919. Louise Pot, fille de Guillaume Pot, seigneur de Rhodes, et de Jacqueline de la Chàtre, et seconde femme de Claude de l’Aubespine, seigneur de Verderonne, était sœur de la mère de Puylaurens.
  920. Il s’agit ici de la mère, et non de la femme du duc de Longueville alors vivant. Madame de Longueville était sœur du nouveau duc de Mantoue.
  921. Georgette de l’Hospital, fille de François de l’Hospital, seigneur de Vitry, et d’Anne de la Châtre, était tante du maréchal de Vitry, et cousine de madame de Verderonne. Elle mourut au mois d’août 1633, sans avoir été mariée.
  922. S’il faut en croire les Mémoires de feu Mr le duc d’Orléans, l’amour de Monsieur pour la princesse Marie de Gonzague et le mécontentement de la reine n’étaient qu’un jeu joué pour persuader au roi et au cardinal de Richelieu que la mère et le fils étaient en désaccord.
  923. Ulysse de Salis, second fils du colonel Hercule de Salis, fut en 1623 lieutenant-colonel du régiment de son frère aîné le baron Rodolphe de Salis, et en 1625 colonel de ce même régiment, entretenu par la France en Valteline. Il se distingua dans toutes les occasions, et devint maréchal de camp en 1641. Les provisions pour lever une compagnie de deux cents Grisons au régiment de gardes suisses lui avaient été délivrées par le maréchal de Bassompierre le 15 juin de cette année.
  924. Louis Gouffier, duc de Roannez, fils de Gilbert Gouffier, duc de Roannez, et de Jeanne de Cossé, dame de Gonnor, était gouverneur de Poitiers. Il mourut le 16 décembre 1642.
  925. Sans doute François de Crussol, depuis duc d’Uzès, fils aîné d’Emmanuel de Crussol, duc d’Uzès, et de Claude d’Ebrard, dame de Saint-Sulpice. Il mourut le 14 juillet 1680.
  926. La digue fut fort endommagée par cette tempête, notamment du côté du Fort-Louis (Journal de Mervault).
  927. Le nonce du pape était alors Jean François, des comtes de Guidi-Bagni, fils de Fabricio, marquis de Montebello, et de Laura-Pompeia Colonna, promu au cardinalat en 1627. Né en juillet 1565, il mourut le 24 juillet 1641.
  928. Voir à l’Appendice. XV.
  929. Ce refus était une conséquence de la résolution prise de ne pas attaquer la Rochelle de vive force.
  930. Le Chàtelier, canton de Pouzauges, arrondissement de Fontenay-le-Comte, département de la Vendée.
  931. La Jarne, village du canton de la Jarrie, arrondissement de la Rochelle, à deux lieues sud-est de la ville. La Jarrie est à une lieue plus loin dans la même direction.
  932. A la suite des intrigues relatives au mariage de Monsieur avec Mlle de Montpensier, le comte de Soissons s’était retiré en Italie. Il revenait en ce moment, non sans avoir donné quelques craintes d’une jonction avec le duc de Rohan.
  933. Inédit.
  934. M. Marion, qui fut maître des requêtes, président au grand conseil, et contrôleur général des finances, était fils de l’avocat général Simon Marion. Sa sœur avait épousé Antoine Arnauld.
  935. Jean de Flesselles, seigneur de Bregy, fut président à la chambre des comptes de 1626 à 1649.
  936. Arnauld de Corbeville avait déjà, le 28 août, profité d’une visite faite, à la porte de Coignes, à son beau-frère M. de Feuquières, prisonnier dans la Rochelle, pour échanger quelques paroles avec les commissaires chargés d’assister à cette visite. (Journal de Mervault).
  937. Arnauld avait eu, sous un nouveau prétexte, une troisième entrevue à la porte de Coignes avec les délégués de la ville.
  938. Jacques Rifaut, avocat, et Jean Journault, qui était l’année précédente un des pairs de la ville, avaient déjà été chargés de plusieurs missions. La négociation présente resta sans résultat.
  939. Jean de Dreux fut procureur général à la chambre des comptes.
  940. Grolaud, lieu situé sur la route de Niort, à peu de distance au-delà de Dompierre.
  941. Comme colonel du régiment des gardes suisses. La charge était vacante depuis la mort de Fridolin Hessy en novembre 1626 : Jean-Ulric Greder l’occupa jusqu’en 1633.
  942. Jean-Melchior Hessy, fils du colonel Fridolin Hessy, posséda la compagnie de Hessy depuis ce jour jusqu’à sa mort, arrivée en 1640.
  943. Wolfgang-Théodoric Reding de Biberegg, fils de Henri Reding de Biberegg, qui avait possédé la compagnie de Reding de 1620 à 1628, obtint cette compagnie par la démission de son père.
  944. La Fosse de Loix est une baie qui borde un côté de l’île de Loix.
  945. Il faut lire : Sablanceaux.
  946. Odet de Harcourt, comte de Croisy, cinquième fils de Pierre de Harcourt, marquis de Beuvron, et de Gillonne de Matignon, était mestre de camp d’un régiment d'infanterie qui prit part. au siége de la Rochelle. Il mourut en novembre 1661, à l’âge de cinquante-sept ans.
  947. Saint-Xandre, village au nord-est de la Rochelle, sur la route d’Esnandes. Le château de la Sauzaie, où demeurait ordinairement le cardinal de Richelieu, était situé sur le territoire de Saint-Xandre.
  948. Le duc de la Valette avait été pourvu en 1610 de la charge de colonel général de l’infanterie française en survivance du duc d’Épernon, son père, en faveur duquel cette charge avait été érigée en office de la couronne.
  949. De la tour de Saint-Nicolas.
  950. Ce récit fut aussitôt publié sous ce titre : Relation du grand combat naval faict devant la Rochelle, le troisiesme octobre 1628, envoyée par le Roy a la Reyne mere de Sa Majesté. (Paris, chez Anthoine Vitray. M. DC. XXVIII.)
  951. Sébastien le Hardy, seigneur de la Trousse, grand prévôt de l’hôtel du roi.
  952. Claude de Rasilly, seigneur de Launay, fils de François de Rasilly, et de Marie de Clermont-Toury, était commandant en l’île d’Oléron, et chef d’escadre. Il devint plus tard vice-amiral des armées navales de France.
  953. Le marquis de Cœuvres était devenu, en 1626, maréchal d’Estrées.
  954. Même mention dans les mêmes termes, au Journal de Mervault, édition de 1671.
  955. Walter Montaigu ; second fils d’Henri Montagu, lord Montagu, comte de Manchester, et de Catherine Spencer, sa première femme, avait été récemment arrêté en Lorraine dans le cours d’une mission diplomatique, et retenu quelques mois à la Bastille par ordre du cardinal de Richelieu. Il se fit depuis catholique, devint abbé de Saint-Martin de Pontoise, et mourut en France en 1670.
  956. La nuit suivante, un défenseur de la Rochelle, nommé Chardaveine, essaya de franchir les lignes : un coup de mousquet, reçu dans l’épaule, l’obligea de rentrer dans la ville.
  957. Décroissement des marées.
  958. Charles le Beauclerc, baron d'Achères et de Rougemont, fils de Jean le Beauclerc, trésorier de l’extraordinaire des guerres, fut fait intendant des finances le 24 janvier 1623, secrétaire d’État le 5 février 1624 à la place de M. de Puisieux, et mourut en 1630.
  959. M. d’Herbault avait épousé Claude Gobelin.
  960. Et eux nous donnèrent l'alarme à leur tour, et nous firent prendre les armes.
  961. Théophile Vigier, sieur de Treuillebois, servait, quoique protestant, sur la flotte royale. Il amenait Philippe Vincent, ministre, et Jean Gobert.
  962. Claude Bouthillier, seigneur de Pont-sur-Seine, fils de Denis Bouthillier, avocat au parlement de Paris, et de Claude Macheco, secrétaire d’État le 29 septembre 1628 en remplacement de Potier d’Ocquerre, surintendant des finances en 1642, mourut en 1651.
  963. Ils, ceux de la Rochelle.
  964. Casal était assiégé par le gouverneur espagnol du duché de Milan, qui avait envahi le Montferrat avec la coopération du duc de Savoie.
  965. Fouras, village de l'arrondissement et canton de Rochefort, département de la Charente-Inféríeure, sur une plage qui s’étend au nord de l’embouchure de la Charente.
  966. Il avait été ordonné que les murs, remparts, bastions et autres fortifications de la ville, seraient rasés.
  967. Fontenay-le-Comte, chef-lieu d'arrondissement du département de la Vendée.
  968. Marchenoir, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Blois.
  969. Le nom en blanc au manuscrit. - Le journal d'Hérouard n’est plus là pour nous guider ou pour remplir les lacunes : cet annaliste intime « fut saisy de maladie à Aitré le samedy 29 janvier et deceda le 8 février à 78 ans », comme nous l’apprend une note qui termine son manuscrit.
  970. Dourdan, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Rambouillet, département de Seine-et-Oise.
  971. Le roi avait acheté le château de Limours au cardinal de Richelieu pour en gratifier Monsieur.
  972. Le roi fit le 23 décembre une entrée triomphale dans Paris : le maréchal de Bassompierre y marcha en rang avec le maréchal de Schomberg. — Voir à l’Appendice. XVI.