Journal de ma vie (Bassompierre)/Quatrième tome/Journal

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Journal de ma vie. Mémoires du maréchal de Bassompiere
Texte établi par le marquis de ChantéracRenouard, libraire de la Société de l’histoire de France (tome 4p. 1-342).


JOURNAL DE MA VIE


1629.
Janvier.


Apres que toute la court fut rassemblée a Paris vers le commencement de l’année 1629, on commença aussy a rompre la pratique du mariage de Monsieur avec la princesse Marie, et luy en parler fermement, a quoy il se resolut, et promit de s’en desister tout a fait pourveu que l’on luy donnat moyen de le faire avec honneur ; et pour cela il proposa que l’on luy donnat la charge de faire lever le siege de Casal qu’y avoit mis trois mois auparavant don Gonsales de Cordova[1] gouverneur de Milan, ce que la reine mere luy fit accorder par le roy, quy luy fit en mesme temps un don de cinquante mille escus pour se mettre en esquipage d’aller estre vicaire du roy en Italie avec une puissante armée quy desja s’y acheminoit, et estoit bien avancée. Il trouva bon que l’on envoyat a Mr de Mantoue affin qu’il envoyat querir madame sa fille et qu’elle partit quinse jours apres qu’il se seroit acheminé a l’armée.

Mais apres que le roy luy eut donné cette charge, il s'imagina que la gloire que monsieur son frere iroit acquerir en cette expedition seroit au ravalement de la sienne (tant a de pouvoir la jalousie entre les proches), et se mit tellement cela en la teste (ou pour dire autrement, dans le cœur), qu’il ne pouvoit reposer. Il vint le 3me de janvier a Challiot ou de fortune j’estois venu trouver monsieur le cardinal quy y demeuroit lors, et s’estant enfermé avec luy, commença par luy dire qu’il ne sçauroit souffrir que son frere allat commander son armée dela les monts, et qu'il fit en sorte que cet employ se rompit. Il[2] luy respondit qu’il ne sçavoit qu’un seul moyen de le rompre, quy estoit qu’il y allat luy mesme, et que, s’il prenoit ce party, il falloit qu'il partit dans huit jours au plus tard, a quoy le roy s’offrit franchement, et en mesme temps se tourna et m'appella, quy estois au bout de la chambre ; puis quand je fus approché, il dit : « Et voycy quy y viendra avec moy et m'y servira bien. » Je luy demanday où ; il me dit: « En Italie ou je m'en vas dans huit jours faire lever le siege de Casal. Apprestés vous pour partir et m’y servir de lieutenant general sous mon frere (s’il y veut venir) : je prendray avec vous le mareschal de Crequy quy connoit ce pais là, et j'espere que nous ferons parler de nous. » Sur cela le roy revint a Paris, dit sa resolution a la reine sa mere, et elle a Monsieur, quy n’en fat gueres content. Neammoins il n’en fit pas semblant et s’appresta pour partir. Mais le roy s’en alla le premier et nous donna rendés vous a Grenoble.

La veille qu’il partit, il sceut que je n’estois pas fort en argent : il me demanda du cidre pour porter avec luy comme j'avois accoustumé de luy en donner de fort bon que mes amis m’envoyoint de Normandie, sçachans que je l’ayme. Je luy en envoyay douse bouteilles, et le soir comme je pris le mot de luy, il me dit : « Betstein, vous m’avés donné douse bouteilles de cidre, et moy je vous donne douse mille escus : allés trouver Effiat quy vous les fera delivrer. » Je luy dis : « Sire, j'ay la piece entiere au logis, que, s’il vous plait, je vous donneray a ce prix là. » Mais il se contenta de douse bouteilles, et de sa liberalité.

Il partit donc de Paris[3], et Monsieur cinq jours apres luy, quy vint disner et soupper cheux moy la veille, ayant envoyé son train l’attendre a Montargis[4] ; et moy je partis de Paris le lundy 12me jour de fevrier et fus coucher a Essonne.

Fevrier. — Le mardy 13me Toiras vint avant jour me trouver pour venir avesques moy, vinsmes disner a Montargis (ou nous trouvasmes Mr de Chasteauneuf), et coucher a la Bussiere[5], ou Canaples estoit arrivé ; le mercredy 14me disner a Bonny, coucher a Nevers ; le jeudy 15me disner a Moulins, coucher a Varanne[6].

Le vendredy 16me nous fusmes trouver Monsieur frere du roy quy avoit couché a Chasteaumorant et allames avesques luy jusques aupres de Saint An[7]. Il me dit qu’il n’auroit aucun employ a l’armée puis que monsieur le cardinal y estoit, quy ne feroit pas seulement sa charge, mais celle du roy encores ; que j'avois veu comme il en estoit allé a la Rochelle, et qu'il avoit fait aller le roy en ce voyage contre son gré, seulement pour luy oster le commandement que le roy luy avoit accordé : en fin il me dit qu’il s’en alloit en Dombes[8] ou il attendroit les commandemens du roy. Je taschay de le remettre par les plus vives persuasions qu’il me fut possible : mais ce fut en vain, et prins congé de luy, m'en allant disner a Rouanne ou la peste estoit tres forte, et coucher a Saint Saforien[9].

Le samedy 17me nous vinsmes passer a Lion ou la peste estoit violente et vinsmes coucher a un chasteau quy est au marquis de Villeroy, nommé Nions[10].

Le dimanche 18me nous vinsmes coucher a Virieux[11].

Le lundy nous disnasmes a Moiran[12] ou Canaples m’attrapa, et fusmes coucher a Grenoble, ou le roy fut bien ayse de me voir. On tint conseil a l'heure mesme, et on envoya Toiras a Vienne pour ammener l’armée quy y estoit, pendant qu’avesques une forte despense et plus grande peine il fit passer les monts a son artiglerie jusques a Chaumont[13].

Le mardy 20me le roy fut au conseil l’apres disner pour resoudre toutes les affaires.

Le mercredy 21me monsieur le cardinal partit de Grenoble.

Le jeudy 22me le roy par un tres mauvais temps passa le col de la Fré et vint coucher a la Mure[14].

Le vendredy 23me il passa le col du Pontaut et coucha aux Diguieres[15].

Le samedy 24me il passa le col de Saint Guigue, costoya la Durance[16] et vint au giste a Gap.

Le dimanche 25me il coucha a Chorges[17].

Le lundy 26me il vint a Embrun ou monsieur le cardinal se trouva. Il y tint conseil et se resolut que Mr de Crequy et moy nous irions saysir des passages du Piemont[18] ; et le 27me de fevrier, mardy jour de caresme prenant, nous partimes avec monsieur le cardinal, allasmes disner a Saint Crespin[19], laissans le val Louise[20] a main gauche, et vinmes au giste a Briançon par un extreme froid. Monsieur le cardinal despescha de là le commandeur de Valançay a Mr le duc de Savoye.

Le mercredy jour des Cendres, 28me, nous montames le mont Genevre d’ou sourdent les deux fleuves de Douere et de la Durance[21]. Nous vismes les arbres quy portent la manne, l’agaric, et la terebentine, puis nous mimes a la ramasse pour descendre a Sesane[22] ou monsieur le cardinal arriva peu apres nous. Puis nous vinmes coucher a Ourse[23].

Mars. — Le jeudy premier jour de mars Mr de Crequy et moy vinmes disner a Chaumont cheux Mr d’Auriac[24], quy nous rendit compte de l'armée qu’il avoit. L'apres disner nous allames a la frontiere de France reconnestre les forts de Jallon et de Jallasse[25], et les lieux propres pour les attaquer et forcer.

Le vendredy 2me nous ne bougeames de Chaumont. Le commandeur de Valançay nous renvoya le sieur de Lisle.

Le samedy 3me le commandeur de Valançay retourna à Turin, et monsieur le cardinal vint disner a Chaumont. Il fut apres voir la frontiere et considerer les deux forts.

Le dimanche 4me Mr le prince de Piemont arriva à Chaumont pour traitter avec monsieur le cardinal ; et nous, Mr de Crequy et moy, le fusmes conduire jusques par dela la grande barricade que nous eumes loysir de reconnestre.

Le lundy 5me il nous envoya un courrier, et l’apres disner monsieur le cardinal estant allé sur la frontiere, le comte de Verrue[26] y arriva, quy estant entré en particulier avec monsieur le cardinal, furent plus de deux heures a contester, au bout desquelles monsieur le cardinal [fit appeller Mr de Crequy et moy][27] ausquels il fit entendre les offres du comte de Verrue, lesquelles nous ne fusmes d’avis qu’il acceptat : sur quoy tout traitté fut rompu, dont il envoya donner avis au roy, luy conseillant de venir, ce qu’il fit toute la nuit et arriva sur les trois heures du matin.

Cependant Mr de Crequy et moy avec les mareschaux de camp tinsmes conseil de l’ordre que nous avions a tenir, quy fut que les regimens des gardes françoises et suisses donneroint a la teste ; que le regiment de Navarre auroit l'aile droitte, et Stissac la gauche ; que les deux ailes feroint monter deux cens mousquetaires chascune contre les montaignes tant qu'ils auroint gaigné[28] l’esminence sur les gardes des barricades et qu'ils les auroint outrepassées ; cela fait, au sinnal que nous donnerions, ils feroint leur descharge par derriere la barricade comme nous l’attaquerions par devant avec les deux regimens des gardes ; que le comte de Saut[29] avec son regiment iroit passer au dessous de Jallasse par des chemins extravagans[30] que des païsans du lieu luy montreroint, et viendroint en suitte descendre dans Suse et prendre les ennemis par derriere en cas qu’ils nous resistassent encores ; qu’en mesme temps on feroit attaquer Jallon par un autre regiment, ce que Mr d’Auriac entreprendroit. Cet ordre fait, nous commençames a onse heures du soir a faire passer les trouppes par Chaumont. Il faisoit un tres mauvais temps, et y avoit sur terre deux piés de neige.

Le mardy 6me de mars le roy arriva sur les deux heures du matin a Chaumont avec Mrs le comte de Soissons, de Longueville, de Moret[31], mareschal de Chomberg, d’Aluin, de la Vallette, et autres. Nos trouppes passerent, assavoir 7 compagnies des gardes, 6 de Suisses, 19 de Navarre, 14 d’Estissac, 15 de Saut, et les mousquetaires a cheval du roy. Le comte de Saut et son regiment partirent dès trois heures pour aller ou ils estoint ordonnés : le reste demeura à cinq cens pas du bourg de Jallasse en battaille. Nous avançames aussy six pieces de canon de six livres de balle, menées au crochet, pour forcer les barricades. Stissac eut ordre de laisser cent hommes a la garde du parc de l’artiglerie. L'ordre fut que chaque corps jetteroit devant luy cinquante enfans perdus, soustenus de cent hommes, lesquels seroint soustenus de cinq cens. Nous logeames les princes et seigneurs a la teste des cinq cens hommes des gardes.

Sur les six heures du matin Mr de Crequy et moy avec Mrs de la Vallette, Valançay, Toiras, Canaples et Tavannes, mimes nos trouppes en l’ordre susdit. Le roy arriva en ce mesme temps avec Mr le Comte et monsieur le cardinal : il voulut que ses mousquetaires fussent meslés avec les enfans perdus des gardes.

Nous envoyames de la part du roy le sieur de Comminges avec un trompette demander passage pour l'armée et la personne du roy au duc de Savoye. Mais comme il approcha de la barricade, on le fit arrester, et le comte de Verrue sortit luy parler et luy respondit que nous ne venions point en gens quy voulussent passer en amis, et que, cela estant, ils se mettroint en sy bon estat de nous en empescher que, sy nous le voulions entreprendre, nous n’y gaignerions que des coups.

Apres que Comminges nous eut rapporté cette response, j'allay (parce que j’estois en jour de commander), trouver le roy quy estoit cent pas derriere nos enfans perdus, plus avancé que le gros des cinq cens hommes des gardes, pour luy demander congé de commencer la feste et luy dis : « Sire, Sire, l’assemblée est preste, les violons sont entrés, et les masques sont a la porte : quand il plaira a Vostre Majesté, nous danserons le ballet. » Il s’approcha de moy et me dit en colere : « Sçavés vous bien que nous n’avons que cinq livres de plomb dans le parc de l'artiglerie ? » Je luy dis : « Il est bien temps maintenant de penser a cela ! Faut il que pour un des masques quy n’est pas prest, le ballet ne se danse pas ? Laissés nous faire, Sire, et tout ira bien. » « M’en respondés vous ? » me dit il. « Ce seroit temerairement fait a moy, luy respondis je, de cautionner une chose sy douteuse : bien vous respons je que nous en viendrons a bout a nostre honneur , ou j'y seray mort ou pris. » « Ouy, mais, dit il, sy nous manquons, je le vous reprocheray. » « Que me sçauriés vous dire autre chose, luy repartis je, sy nous manquions, que de m’appeller marquis d’Ucelles ? (car il avoit failly de passer a Saint Pierre)[32] ; mais je me garderay bien de recevoir cette injure. Laissés nous faire seulement. » Allors monsieur le cardinal luy dit : « Sire, a la mine de monsieur le mareschal j’en augure tout bien : soyés en asseuré. »

Sur ce je m’en vins a Mr de Crequy et mis pié a terre avec luy, ayant donné le sinnal du combat. Mr le mareschal de Chomberg quy ne faisoit que d’arriver, ayant esté contraint de demeurer derriere pour la goutte qu’il eut, s’en vint a cheval voir la feste. Nous passames le bourg de Jallasse que les ennemis avoint quitté. Au sortir de ce village nous fusmes salués de quantité de mousquetades des ennemis quy estoint sur les montaignes et a la grande barricade, et de quantité de canonnades du fort de Jallasse, et comme nous nous avancions toujours, Mr de Chomberg fut blessé aux reins d’une mousquetade quy venoit des montaignes a gauche. Lors les nostres des deux ailes ayant gaigné les eminences[33], tirerent au derriere de la barricade, et nous, y donnans teste baissée, nous leur fismes abandonner : allors nous les suyvismes sy vivement qu’ils n’en peurent garder aucune de celles qu’ils avoint. En suitte y entrans pesle mesle avec eux, le commandeur de Valançay prit le haut a la gauche avec les Suisses, ou il fut blessé d’une mousquetade au genoul et en chassa les Valesiens que le comte de Verrue menoit : son cheval y fut pris. Je donnay par le bas avec Mr de Crequy et les François, ou le marquis Ville fut fort blessé[34]. Nous suyvismes sy vivement nostre pointe que sans la resistance qu’y fit pres d’une chapelle un capitaine espagnol[35] et peu de soldats a nos enfans perdus, quy donna loisir au duc et au prince de se retirer, ils estoint tous deux pris. Nous vinmes sans arrester jusques sur le haut a la veue de Suse[36] ou d’abbord on nous tira forces canonnades de la citadelle de Suse ; mais nous estions sy animés au combat et sy joyeux d’avoir obtenu la victoire que nous ne faisions aucun estat de ces coups de canon. Je vis une chose quy me contenta fort de la noblesse françoise quy estoit là, parmy laquelle Mr de Longueville, Mr de Moret, Mr d’Aluin, monsieur le premier escuier[37], et plus de soissante autres estoint avesques nous : une canonnade donna a nos piés quy nous couvrit tous de terre ; la longue connoissance des canonnades m’avoit appris plus qu’a eux que, des que le coup est donné, il n’y a plus de peril, ce quy me fit d’abbord jetter les yeux sur la contenance d’un chascun et voir quel effet ce coup auroit fait en eux : je n’en apperceus pas un quy fit aucun sinne d’estonnement, non pas mesme d’y prendre quasy garde ; un autre tua parmy eux un gentilhomme de Mr de Crequy, dont ils ne firent aucun semblant. J’eus en marchant a la barricade un de mes gardes tué sur lequel j'estois appuyé : un autre poursuyvant chaudement avec les enfans perdus fut tué sur le pont de Suse : un gentilhomme des miens y eut une mousquetade sur le cou du pié, dont il est demeuré estropié ; c’estoit celuy quy commandoit ma galiotte a la Rochelle, nommé Du Val[38]. Aucuns de nos enfans perdus entrerent mesmes dans la ville pesle mesle avec les ennemis et y furent pris prisonniers, et nous eussions a l'heure mesme forcé Suse sy nous n’eussions fait retirer nos gens parce que nous voulions conserver la ville sans la piller, pour servir de logement au roy.

Peu apres estre venus sur ce tertre, Mr de Crequy avec Mr de la Vallette allerent loger a gauche en des maisons sur la descente avesques les gardes, et moy avec Toiras et Tavannes primes a la droitte en descendant et y logeames Navarre. Le commandeur quoyque blessé alla mettre les Suisses de l’autre costé de la ville affin d’empescher que rien n’en sortit ; quoy fait, Mr de Crequy et moy, primes nostre logement aux Cordeliers du faubourg de Suse, et tous les princes et la noblesse y vindrent repaitre avesques nous, joyeux et contens d’avoir sy bien et heureusement servy le roy, quy nous envoya l'abbé de Beauveau premierement, et puis son escuier de quartier pour dire a Mr de Crequy et a moy la satisfaction qu’il avoit de nous et la reconnoissance perpetuelle qu’il en auroit, nous blamant neammoins, Mr de Crequy et moy, de ce qu’estans ses lieutenans generaux, nous avions voulu donner avec les enfans perdus, et nous mandant qu’il ne nous envoyeroit plus ensemble, parce que par emulation l’un de l’autre nous faisions ce prejudice a son service que, sy nous nous y eussions fait tuer, outre la perte qu’il eut faite de deux telles personnes, le desordre se fut mis dans cette occasion faute de chefs pour la commander. Nous luy mandasmes qu’il y a des choses quy se doivent faire avec retenue et d’autres avec precipitation ; que celle cy estoit une affaire ou il ne falloit point marchander, mais y mettre le tout pour le tout, parce que, sy nous eussions esté repoussés a la premiere attaque, nous l’eussions en suitte esté a toutes les autres, et que des soldats quy voyent de tels chefs a leur teste y vont bien avec plus de courage et de resolution.

Pendant le combat des barricades, Mr le comte de Saut quy estoit allé par dessous Jallon pour prendre les ennemis par derriere, eux quy s’en douttoint, avoint mis sur l’avenue ou il devoit passer le collonel Belon[39] avec son regiment pour la garder ; mais il les surprit a la pointe du jour et deffit le regiment, prit plus de vingt officiers prisonniers, et rapporta neuf drapeaux, des dix dudit regiment, puis se vint joindre a nous aux Cordeliers, d’ou nous envoyames sur les cinq heures du soir sommer la ville de se rendre, et le chasteau[40] aussy, ce qu’ils firent ; et, nous ayans donné des ostages, nous differames d’y entrer ce jour là, craignant un desordre et que la ville fut pillée par nos soldats ardens et eschauffés par la precedente deffaite, et y entrans de nuit.

Mr de Senneterre vint a l’entrée de la nuit nous trouver et nous dire encor de belles parolles de la part du roy et de monsieur le cardinal quy nous escrivit comme le roy envoyoit trouver ledit Senneterre Mr le duc de Savoye de sa part et que nous facilitassions son passage : nous luy donnasmes un trompette et dix de mes gardes pour l'accompagner.

Le mercredy 7me ceux de Suse nous vindrent porter les clefs de leur ville ou nous envoyames Toiras pour en prendre possession et y faire faire nos logemens. Monsieur le cardinal vint disner cheux moy aux Cordeliers, ou apres nous tinmes conseil ; puis ayans esté visiter le poste des Suisses que nous louames d’avoir sy bien fait, et principalement le colonel Salis de quy le commandeur de Valançay disoit de grandes louanges, et blamant le regiment de Navarre devant mesmes Tavannes leur mestre de camp, nous vinmes loger dans Suse et mimes garnison au chasteau, et la citadelle nous ayant envoyé demander tresve jusques au retour de Mr de Senneterre, nous leur accordames.

Le jeudy 8me de mars nous partimes de Suse avec ce que nous avions des gardes, de Suisses, Navarre et Saut, avec les gensdarmes et les chevaux legers de la garde du roy, Bussy, Laurieres, Boissac[41] et Arnaut, avesques les gardes de Mr de Crequy et de moy, pour aller prendre nostre logement a Boussolengue[42] et passames delà la Douere du costé de la plaine[43]. C’estoit le jour de Mr de Crequy a commander, nous changeans de trois jours en trois jours : il voulut[44] que l’on print plustost ce chemin que l'autre parce qu’il estoit plus large et plus aysé que l’autre, parce aussy qu'il y avoit devant Boussolengue une plaine pour nous mettre en battaille et faire nos ordres en cas que les ennemis nous eussent voulu disputer le logement de Boussolengue. Mais comme nous voulusmes faire passer le pont de la Douere a nos trouppes, le gouverneur de la citadelle de Suse quy estoit en tresve avec nous, nous manda qu’il ne pouvoit souffrir que nostre armée passat devant sa citadelle, et que sy nous le faisions, qu’il romproit la tresve. Nous acceptames ce dernier party, et en mesme temps envoyames couper les canaux quy portoint l’eau dans la citadelle, dont ils ne pouvoint faire garde parce que les citernes n’en valoint rien : luy de son costé nous tira plus de cent canonnades en passant, et nous tua dix ou douse hommes. Je menay ce jour là l'avant garde de l'armée, Mr de Crequy la commandant. Comme nous arrivasmes proche de Boussolengue, nous nous mismes en battaille, puis fismes passer delà la ville, quy nous ouvrit les portes, nostre cavalerie quy se tint en battaille du costé de Veillane[45] jusques a ce que l'infanterie fut logée et barricadée ; puis elle desfila.

Mr de Senneterre revint passer a Boussolengue, et nous dit qu’il avoit quasy accommodé toutes choses ; qu’il nous prioit de ne point avancer : et sur ce que nous luy dismes que le lendemain matin nous irions attaquer Veillane, il s’en alla en diligence a Chaumont et nous fit escrire par monsieur le cardinal que le roy nous commandoit de ne rien entreprendre, et ne bouger de Boussolengue jusques a ce que Mr de Senneterre eut esté trouver Mr de Savoye de sa part, comme il fit le lendemain 9me, et alla trouver le duc quy estoit a Veillane.

Le samedy 10me Senneterre repassa, quy nous apporta l'acceptation de la paix que le duc avoit faite sur les articles que le roy luy avoit envoyés ; et sur le soir le comte de Verrue passa pour aller trouver le roy de la part du duc.

Nos soldats ces deux jours precedens furent fort a la picorée ; mais ce jour là nous fismes de rigoureuses deffenses de n’y plus aller.

Le dimanche 11me j’estois en jour de commander. Sur la nouvelle que nous eusmes du roy de la venue de monsieur le prince pres de luy, nous fismes mettre toute nostre infanterie en battaille entre Saint Jory[46] et Boussolengue, border d'infanterie des deux costés le bourg, et le pont par ou le prince devoit passer, fimes mettre douse compagnies de cavalerie en bel ordre en la plaine quy est entre Boussolengue et Suse, et moy je fus par dela Saint Jory avec les gensdarmes, chevaux legers du roy, et la compagnie d’Arnaut, avec mes gardes et force noblesse, recevoir monsieur le prince, puis le menay par devant nostre infanterie quy luy fit salve et le salua. Mr de la Vallette estoit a la teste. De la nous passames a travers de Boussolengue et vinmes ou estoint les douse compagnies de cavalerie, ou estoit aussy Mr le mareschal de Crequy entre les mains duquel je le resinnay pour l’ammener au roy. Mrs de Longueville, de Moret, d’Aluin, de la Vallette et de la Trimoulle quy voulurent venir avec moy au devant de monsieur le prince ne le voulurent saluer qu’apres que je luy eus fait la reverence. Tous ces messieurs le quitterent quand et moy et revindrent au quartier de Boussolengue, ne nous ayant point quittés depuis que nous partimes d’Ambrun.

Monsieur le prince disna a Suse avec monsieur le cardinal avec lequel il traitta et conclut toutes choses, et entre autres, que l'on mettroit la citadelle de Suse et les forts de Jallon et de Jallasse entre les mains du roy, qu’il garderoit jusques a ce que toutes choses fussent concertées en Italie ; qu’il y mettroit des Suisses, et que je jurerois au duc de remettre lesdites places entre ses mains lors que le roy m’auroit mandé que toutes choses promises seroint accomplies. De là monsieur le prince s’en revint sans avoir veu le roy pour lors, et Mr de Crequy et moy, le fusmes accompagner jusques en la plaine de Veillane.

Monsieur le cardinal m’escrivit pour venir prendre le lendemain possession de Suse et des autres forts ; mais comme le lundy 12me j'y arrivay, je n’y trouvay aucun commissaire du duc, ny ordre aux gouverneurs des places de me les consinner, ce quy fit que je passay a Chaumont pour trouver le roy, que je n’avois point veu depuis l'attaque du pas de Suse. Je disnay avec monsieur le nonce[47] cheux monsieur le cardinal, et fus visiter messieurs de Chomberg et commandeur de Valançay, blessés. De là je revins a Suse ou je trouvay un secretaire d’estat du duc : mais il me dit ne pouvoir rien faire sans le veador general Gabaleon[48]. Je luy parlay un peu rudement, ce quy fit qu’il s’en retourna au galop a Veillane, et le soir mesme Gabaleon arriva en mon quartier de Boussolengue, lequel m'ayant fait entendre son ordre de me remettre les forts en main, et le serment qu’il me montra que je devois faire, et faire faire aux Suisses que je mettrois dedans lesdits forts, j'y trouvay quelque difficulté dont je donnay la nuit avis a monsieur le cardinal, et Gabaleon s’en alla a la citadelle de Suse.

Le lendemain mardy 13me je m’en revins de bon matin a Suse ou je trouvay messieurs de Chasteauneuf et de Senneterre que monsieur le cardinal m’avoit envoyés sur le sujet de la difficulté que je luy avois mandée, et comme ce jour là Mr de Crequy premier mareschal de France en l’armée faisoit faire la montre generale, monsieur le cardinal passa par l’autre costé[49] pour la voir. Je convins avec Gabaleon de la forme du serment, et envoyay des commissaires pour faire l'inventaire de la citadelle avec ceux du duc. Gabaleon et ces messieurs vindrent disner avec moy ; puis avesques grande peine je peus les faire sortir de la citadelle ou je mis le capitaine Reding avec sa compagnie[50]. De là je voulus moy mesme accompagner les trouppes du duc en m’en retournant a Boussolengue, et les fis conduire jusques a Veillane en toute seureté.

Le mercredy 14me le roy envoya de bon matin me mander que je le vinsse trouver a Chaumont ou Mr le prince de Piemont devoit venir disner avec luy, ce que je fis et visitay en passant a Suse le marquis Ville, blessé, De là j’allay establir la garnison suisse a Jallasse ; puis je vins a Chaumont. Apres disner nous fumes au conseil, ou monsieur le prince assista et fit de tres belles propositions. De là le roy vint a Suse accompagné de monsieur le prince : on le salua de canonnades tant du fort de Jallasse, en passant, que de la citadelle. Mr le prince de Piemont prit congé du roy a la porte de Suse, et, ayant mis pié a terre pour luy faire la reverence, le roy descendit de cheval aussy tost pour l’embrasser. De là il me commanda de l’aller accompagner jusques a Saint Jory, ce que je fis.

Le jeudy 15me Gabaleon me vint trouver a Boussolengue pour prendre de moy l'inventaire sinné de ma main de l’artiglerie et munitions des citadelles[51] de Suse et fort de Jallasse, que je luy donnay.

Senneterre passa ce jour là pour aller rapporter a madame la princesse de Piemont de la part du roy les drappeaux gaignés aux pas de Suse.

Le vendredy 16me je vins a Suse voir le cardinal de la Vallette quy estoit arrivé.

Je disnay avec monsieur le cardinal que je menay puis apres a la citadelle de Suse, puis fusmes au devant du roy quy estoit allé se promener jusques a Boussolengue ou je m’en retournay.

Le samedy 17me le prince cardinal[52] vint voir le roy, quy passa et repassa par mon quartier : je l’accompagnay jusques a Saint Jory. Au retour Gabaleon me vint porter de la part du duc la lettre que don Gonsales de Cordova luy avoit escritte, par laquelle il desclaroit vouloir effectuer tout ce que le duc avoit promis et qu’a cet effet il avoit levé le siege de Casal : je l’envoyay a l’heure mesme au roy, quy me l'ayant remandée[53], je la fis le lendemain rapporter au duc a Veillane par Boissac.

Le dimanche 18me messieurs les cardinaux de Richelieu et de la Vallette vindrent disner cheux Mr de Crequy a Boussolengue. Monsieur le prince de Piemont y arriva peu apres, quy ayant conferé quelque temps avec monsieur le cardinal, s’en retourna, et luy[54] a Suse.

Le lundy 19me Sainte Soulaine vint apporter la nouvelle de la levée du siege de Casal le vendredy precedent.

Le mardy 20me je fus disner a Suse cheux monsieur le cardinal. L’apres disner le roy alla en la plaine de Boussolengue voir le regiment de la Grange[55] nouvellement arrivé.

Le mercredy 21me nous fismes mettre nostre infanterie en battaille en la plaine au dessus de Boussolengue. De là je fus recevoir Madame et monsieur le prince de Piemont (qui venoint voir le roy), a my chemin de Veillane ; puis au dessous de Saint Jory je luy presentay les gensdarmes et chevaux legers de la garde du roy, quy marcherent devant et derriere elle comme ils faisoint au roy. Mr de Luxembourg luy vint faire la reverence, qu’elle baisa comme elle m’avoit fait. Je la menay de là passer par devant nostre infanterie quy la salua de salve de piques et de drapeaux : puis ayant passé par delà Boussolengue, elle trouva Mr de Crequy et Mr de la Trimoulle avec dix huit compagnies de chevaux legers. Je la consinnay es mains de Mr le mareschal de Crequy quy la conduisit jusques a ce que le roy la joignit, quy vint au devant d’elle, et avoit fait mettre en battaille douse mille hommes de pié ausquels il fit faire devant elle plusieurs evolutions, puis la conduisit au chasteau de Suse, ou elle et monsieur le prince son mary furent logés et deffrayés.

Le jeudy 22me je tombay malade et me fis saigner.

Guron revint de Casal[56] et ammena les deputés de la ville avec luy, que je fis loger et deffrayer a Boussolengue.

Le vendredy je pris medecine, mon mal me continuant.

Le samedy je me fis encor saigner. Monsieur le prince de Piemont alla et revint de Veillane a Suse : il me fit l’honneur, en retournant, de me venir visiter.

Le dimanche 25me mars, jour de Nostre Dame, monsieur le prince de Piemont fit ses pasques a Suse avec l'habit de l’ordre de Saint Maurice.

Le 26me le roy envoya le pere Josef a Mr de Mantoue, et Argencourt avec Guron au Montferrat[57]. Je continuay d’estre malade.

Le mardy 27me je me fis encores saigner.

Le mercredy 28me Toiras partit pour aller a Lorette.

Le jeudy 29me, commençant a me mieux porter, le roy me commanda de venir a Suse ou nous fismes l’estat de l’armée pour aller a Casal.

Monsieur le prince et madame la princesse partirent d’aupres du roy pour retourner a Turin.

Le vendredy 30me j’allay a Suse disner cheux Chomberg quy m’en avoit envoyé prier.

Le samedy dernier jour de mars Mr le duc de Savoye rompit les estapes que par le traitté de paix il avoit establies pour nostre armée.

Avril. — Le dimanche premier jour d’avril monsieur le prince revint trouver le roy, quy raccommoda tout.

Le lundy 2me Senneterre alla de la part du roy trouver le duc a Veillane et rapporta nouvelles que le duc viendroit trouver le roy a Suse.

Le mercredy 4me nous fismes partir les trouppes pour aller tenir garnison au Montferrat, assavoir les regimens de Villeroy, Ribeyrac[58], Monchas[59] et la Grange, et les compagnies de Toiras, Canillac[60], Boissac, Cournon, Maugiron[61] et Migneux[62].

Le roy attendoit ce jour là Mr de Savoye a Suse ; mais le mauvais temps l'en empescha.

Le jeudy 5me Mr de Savoye m’envoya Mr le comte de Verrue pour me dire que je luy donnasse un passeport pour pouvoir s’aller rendre aux piés du roy. Je courus au devant de luy avec Mr le mareschal de Crequy, et nous mimes en son carrosse d’ou je sortis peu apres, laissant Mr de Crequy avec luy, quy le mena au roy, pour m’en venir au devant de Madame et de monsieur le prince qui revenoint a Suse. Je les pris a Saint Jouaire[63] et les menay jusques a my chemin de Suse a Boussolengue, ou le roy, quy estoit venu conduire Mr le duc de Savoye, les rencontra. Mr de Crequy rammena Mr de Savoye a Saint Jouaire ou il coucha.

Le vendredy 6me Mr de Crequy et moy vinsmes a Suse faire la reverence a Madame et a monsieur le prince. Le roy fit faire exercice a huit cens soldats devant eux.

Le samedy 7me le roy nous envoya querir sur la plainte du mareschal d’Estrées contre Besanson[64] dont il nous commanda de faire le jugement, et le chastiement dudit Besanson.

Nous disnames cheux monsieur le cardinal. Le roy s’en alla au chasteau voir Madame, et nous a Boussolengue.

Le dimanche 8me, jour de Pasques fleuries, le roy donna congé a Mr de Crequy d’aller pour huit jours demeurer a Turin. Il partit le lundy 9me, et moy j’eus un grand mal d'oreille quy me retint au lit.

Le mardy 10me monsieur le prince alla et revint de Veillane. J'allay disner a Suse cheux Mr de Longueville ; puis je fus voir monsieur le cardinal, monsieur le nonce, et l'ambassadeur de Venise[65]. Le roy fit faire l’exercice et Madame y alla.

Le mercredy 11me Mr de Bordeaux me vint voir, et allames apres disner ensemble voir le casteau de Bresolles[66] pour y loger monsieur le cardinal.

Le jeudy saint, 12me d'avril, jour de ma naissance, je fus par ordre du roy a Suse pour recevoir et aller au devant d’un ambassadeur extreordinaire de Venise nommé Soranzo, que la republique envoyoit au roy pour le visiter.

Chomberg partit pour aller a Valence assembler l’armée contre les huguenots.

Le roy envoya ce jour là la commission de l’artiglerie a Mr le marquis d'Effiat, dont j’avois fait la premiere ouverture.

Le vendredy saint 13me monsieur le cardinal vint loger a Bresolles : je fus au devant de luy, et luy conduysis.

Le samedy saint 14me Mrs de Lion[67] et de Chasteauneuf vindrent disner cheux moy a Boussolengue.

Je fis mes pasques.

Les ambassadeurs de Mantoue[68] arriverent a Suse.

Le dimanche 15me, jour de Pasques, je les fus donner bonnes a monsieur le cardinal. Celuy de la Vallette et Mr de Longueville me vindrent voir : je les fus reconduire.

Le lundy 16me je fus a Suse disner cheux Mr le Comte. Apres disner je distribuay les departemens aux commissaires pour la montre et vis le fonds de celle de la cavalerie legere.

Le mardy 17me je fis faire la montre de la cavalerie legere.

Mr de Crequy revint de Turin et avesques luy Mr Frangipani et le comte de Guiche[69] arriverent.

Le mercredy 18me Mr le cardinal de la Vallette nous vint voir : nous allames ensemble mener Frangipani a Suse, a quy le roy fit fort bonne chere. Monsieur le cardinal nous donna a tous a disner a Bresolles.

Le jeudy 19me monsieur le cardinal partit de Bresolles : celuy de la Vallette et Mr de Longueville vindrent disner en nostre quartier cheux Mr de Crequy pour y voir le comte de Guiche. Comme nous estions a table le roy nous envoya un vallet de pié avec une lettre a Mr de Crequy et a moy, par laquelle il nous commandoit de ne souffrir le comte de Guiche en nos quartiers[70], et le prendre prisonnier s’il y demeuroit davantage. Il m’envoya aussy ordonner de venir loger a Suse, n’estant pas raysonnable que Sa Majesté fut sans aucun mareschal de France pour commander son quartier et la battaille de l’armée, laissant Mr de Crequy a Boussolengue. Je m’en revins donc a Suse avec ces messieurs, fus au conseil, de là cheux Madame, puis soupper cheux Mr le cardinal de la Vallette.

Le vendredy 20me j’allay disner cheux monsieur le cardinal : de là je vins avec luy au conseil. L’ambassadeur extreordinaire de Florence nommé Julian de Medicis archevesque de Pise eut audience. Nous allames de là avec le roy cheux Madame quy estoit mallade, puis soupper cheux Mr de Longueville.

Le samedy 21me Mr le Comte et Mr de Longueville vindrent disner cheux moy ; puis je fus au conseil. L’ambassadeur de Mantoue eut audience.

Le dimanche 22me nous reglames, Mr de Crequy et moy, les munitions. L'apres disner la court se tint cheux Madame malade. Le soir je souppay cheux Mr de Longueville, et puis cheux le roy ouir sa musique.

Le lundy 23me Mr de Crequy revint encor disner cheux moy. On tint conseil apres disner : de là nous fumes cheux Madame ; puis le roy vint a mon logis voir ma chambre ou quand on parloit en un coin, pour bas que ce fut, on l'oyoit en l’autre. Il fit faire l’apres souper une excellente musique.

Le mardy 24me le roy tint conseil. Il fut voir Madame. Il arriva un ambassadeur extreordinaire de Mantoue[71]. Le roy se trouva un peu mal.

Le mercredy 25me je menay l'ambassadeur extreordinaire de Venise a sa premiere audience.

Il arriva a Suse un ambassadeur extreordinaire de Gesnes. Mr de Harbaut demanda au roy s’il se couvriroit parlant a luy : le roy en fut en doutte et m’envoya querir pour m’en demander mon avis. Je luy dis que j'avois veu couvrir un autre ambassadeur que la republique de Gesnes avoit envoyé au roy ; que c’estoit une republique quy ne cedoit rien ou fort peu a celle de Venise ; qu’anciennement le roy [ne] faisoit point couvrir les ambassadeurs de Ferrare, Mantoue et Urbin ; que depuis quelques années Elle les avoit fait couvrir ; que Gesnes ne passe pas seulement devant eux, mais devant Florence mesme, et qu’a mon avis le roy les devoit faire couvrir ; neammoins s’ils ne le pretendoint point, qu’Elle s’en pourroit passer. Sur cela Mr de Chasteauneuf arriva, a quy le roy ayant demandé la mesme chose, dit de pleine volée que non, et que les Gesnois estoint ses sujets, lesquels prendroint avantage de cette concession comme d’un tiltre qu’ils ne sont plus sujets de la France, et que le roy destruiroit le droit qu’il a sur cette republique. Il n’en fallut pas dire davantage au roy pour [le porter a][72] ne leur pas permettre qu’ils parlassent couverts a luy, de sorte qu’il commanda à Mr de Harbaut de leur dire qu'ils ne l’entreprissent pas.

Le jeudy 26me, comme j'estois cheux le roy, on me vint dire que Mr le nonce Bagny m’attendoit a mon logis : je m'y en allay aussy tost l’y trouver. Il me dit en sustance que Sa Sainteté avoit en tres particuliere recommandation la republique de Gesnes ; qu’Elle luy avoit ordonné de prendre soin de ses interets, et de moyenner que cette ambassade qu’elle avoit envoyée au roy fut bien receue, là ou elle prevoyoit qu’elle y recevroit un signalé affront par le desny que l'on leur faisoit de se couvrir a l'audience, ce quy estoit contre toute equité et rayson, attendu que le precedent ambassadeur que cette republique avoit envoyé vers Sa Majesté, le roy l’avoit fait couvrir ; que c’est une grande republique quy a rang avant tous les princes d'Italie apres les rois immediattement avec Venise ; et plusieurs autres choses qu’il m’allegua. Il me dit qu’il en venoit de faire instance a monsieur le cardinal, quy luy avoit promis d’accommoder cette affaire, mais que pour en avoir la decisive, il ne devoit pas en estre promoteur ; que je serois tres propre pour entamer l'affaire, et qu’il me pouvoit dire de sa part que j'eusse a le faire, comme ledit nonce m’en prioit aussy instamment, m’asseurant qu’outre l'obligation que m'en auroit laditte republique, Sa Sainteté m’en sçauroit un tres grand gré. Je luy respondis que je tiendrois a grand honneur de rendre ce petit service a Sa Sainteté et a cette republique ; mais que je craignois de n’y estre pas propre attendu que je m’en estois desja ouvert au roy quy avoit pris le contraire avis, que l’on luy avoit donné, en meilleure part que le mien ; que Sa Majesté estoit opiniatre quand il avoit une fois mis une chose en sa teste, et prompt a se mettre en colere contre ceux quy luy contestent, et qu'apres luy avoir dit cela j'offrois à S. S. Illme[73] de faire ce qu’il me commandoit, et que j'irois du mesme pas trouver monsieur le cardinal pour sçavoir la forme et l’ordre que j'avois a tenir en cette affaire : et ainsy me separay de luy et allay trouver monsieur le cardinal, lequel me dit qu’il falloit que je fisse cette ouverture et qu'il me seconderoit bien ; qu’il feroit que les mareschaux de camp et Bulion suivroint mon avis, et que Mr de Chasteauneuf appuyeroit foiblement le sien.

Sur cette asseurance je m’en vins l’apres disner au conseil ou nous despeschames forces affaires, apres lesquelles Mr de Harbaut dit au roy qu'il avoit veu l'ambassadeur de Gesnes, ensemble leurs papiers, par lesquels ils faisoint apparoir s’estre autrefois couverts ; et qu’ils ne demandoint point audience sy ce n’estoit a cette condition. Le roy s'opiniatra fort, et vis que j'aurois a faire a forte partie. Allors monsieur le cardinal luy dit : « S'il vous plait, Sire, d'en prendre les avis de ces messieurs, apres quoy vous jugerés vous mesme ce qu'il vous plaira. » Allors le roy commença expressement[74] par moy a demander mon opinion, affin d’avoir sujet de respondre là dessus, et comme j'ouvris la bouche pour parler, il dit : « Je vous la demande ; mais je ne la suivray pas : car je sçay desja bien qu’elle va à les faire couvrir, et que ce que vous en faites est a la recommandation d’Augustin Fiesque quy est avec vous. »

Cela me piqua, et luy respondis :

« Sire, s’il vous plaisoit de faire reflexion sur mes actions passées, vous connoistriés que le bien de vostre service, et vostre gloyre particuliere, ont toujours esté mes principaux interets. Je n’en ay aucun, ny pratique avec la republique de Gesnes ; et quand j'en aurois, ils cederoint a ceux que j'ay pour vostre service. Don Augustin Fiesque est mon amy, et il m’a bien plus d'obligation que je ne luy en ay ; et quand je luy en aurois, vous me croyriés bien leger et bien inconsideré sy je vous desservois en sa faveur. Finalement, Sire, le serment que j'ay a vostre conseil m'oblige de vous donner le mien selon mon sentiment et ma conscience ; mais puisque vous jugés Sy mal de ma preudhomie, je m'abstiendray, s’il vous plait, de vous donner mon avis. »

« Et moy (dit le roy extreordinairement en colere), je vous forceray de me le donner, puis que vous estes de mon conseil et que vous en tirés les gages. »

Monsieur le cardinal, au dessous de quy j'estois, me dit : « Donnés le, au nom de Dieu, et ne contestés plus. » Lors je dis au roy :

« Sire, puis que Vostre Majesté veut absolument que je luy die mon opinion, elle est que vos droits et ceux de vostre couronne se desperiroint sy par cet acte vous accordiés la souveraineté aux Gesnois, que vous pretendés avoir sur eux, et que vous les devés entendre teste nue comme vos sujets, et non couverte comme republicains. »

Allors le roy se leva en forte colere et dit que je me moquois de luy et qu’il me feroit bien connestre qu'il estoit mon roy et mon maitre, et plusieurs autres choses pareilles ; et moy je n’ouvris plus la bouche pour dire une seule parolle. Monsieur le cardinal le remit, et il fit suivre les opinions quy furent toutes que l’ambassadeur de Gesnes parleroit couvert a l’audience. Apres cela le roy se leva et alla faire faire l’exercice aux gardes. Le soir nous vinmes a la musique du roy quy ne dit pas un mot aux autres de peur de m'en dire un a moy, et ne fit que gronder.

Le vendredy 27me l'ambassadeur de Gesnes eut audience.

Le roy fut voir Madame quy le revint voir.

Je demanday a monsieur le cardinal ce que je ferois du mot ; car sy je le faisois prendre par un mareschal de camp, le roy s’offenseroit, et s’offenseroit peut estre encores sy je luy allois demander. Monsieur le cardinal parla sur ce sujet au roy quy luy dit que je luy demandasse et que je ne luy fisse ny escuses ny reproches, et que c’estoit la peine ou estoit le roy, sa colere estant passée, et ayant reconnu qu’il avoit tort de se prendre a moy pour une chose dont je ne parlois que pour son service. Je pris donc le mot de luy et luy parlay en suitte, et luy a moy comme auparavant.

Le roy ouit en suitte le marquis Striggi, ambassadeur extreordinaire de Mantoue ; puis Madame luy envoya un tres beau present de pieces[75] de cristal de roche, en suitte duquel ceux de Gesnes luy firent un present de douse quaisses d'excellentes confitures : il en ouvrit une qu’il distribua à la compagnie : il en envoya deux quy estoint d’acre de cedre a la reine sa mere quy l’aymoit fort[76], et me donna les neuf autres quaisses, et ainsy fut faitte ma paix ; puis le soir me dit qu’il quittoit son armée de Piemont pour aller a celle de Valence ; qu’il en faisoit general monsieur le cardinal, et Mr de Crequy et moy lieutenans generaux, et que nous eussions a demeurer aupres de mon dit sieur le cardinal.

Le soir Mr de Harbaut tomba mallade, dont il mourut. On desespera de sa vie des le premier jour, et l’on fit instance en faveur de Mr de Lavrilliere, a quoy nous ne trouvasmes pas monsieur le cardinal fort disposé allors.

Le samedy 28me le roy partit pour aller en France. Il fut dire adieu a Madame ; puis nous le fusmes accompagner jusques a Chaumont.

Il n’est pas hors de propos de dire icy un mot de monsieur son frere, parce que le pouvoir de general de l’armée du roy cessa ce jour là seulement. Il s’en alla, comme j’ay desja dit, de Chasteaumorant ou je le fus trouver, en Dombes ou il s’amusa à chasser. Le roy a quy je le dis a mon arrivée a Grenoble luy envoya un gentilhomme pour luy donner avis de son acheminement a Suse, le priant de se haster d’y venir prendre sa bonne part, et a la gloire, et au peril. Il fit response au roy, comme Sa Majesté arrivoit a Briançon, que, comme il s’acheminoit [pour le trouver][77], il avoit appris le partement de madame la princesse Marie dont il avoit esté sy touché qu’il s’en alloit a une de ses maisons passer son desplaisir et y attendre les commandemens de Sa Majesté. Sur cela ayant entendu comme le roy avoit forcé le pas de Suse, et ses ennemis a luy accorder tout ce qu’il avoit desiré d’eux, il s’en retourna à ses journées, ayant escrit a la reine sa mere qu’il la supplioit de ne permettre que la princesse Marie sortit de France, laquelle madame de Longueville ammenoit vers Paris, et Mr le Grand estant party d’aupres de Monsieur pour venir a Paris, donna l'allarme a la reine que Monsieur vouloit enlever la princesse Marie et l’espouser : sur quoy elle envoya arrester madame de Longueville et elle[78], et les fit mener et tenir sous seure garde dans le bois de Vincennes. Monsieur envoya s’en plaindre a la reine sa mere, et envoya aussy un gentilhomme au roy lequel luy fit response qu’il n’avoit rien sceu avant l’arrest de la princesse Marie, mais qu’il approuvoit tout ce que la reine sa mere avoit fait, comme l'ayant fait pour le bien de son service. Sur cela Monsieur tesmoygna son mescontentement. Monsieur le cardinal n’approuva pas trop cette capture, ce quy donna du mescontentement a la reine mere, laquelle, persuadée par le cardinal de Berulle sur les asseurances que le pere Gondran[79] luy donna que Monsieur n’avoit aucune intention de l’enlever et qu’il en respondoit, la fit eslargir quelque temps apres[80], et Monsieur s’amusa a chasser a Montargis le long de l’esté.

Apres que nous eumes conduit le roy jusques a Chaumont, nous revinmes a Suse prendre congé de monsieur et de madame la princesse de Piemont, lesquels nous fusmes accompagner jusques a Boussolengue.

Le dimanche 29me monsieur le cardinal tint conseil cheux luy de toutes les affaires de guerre, ce qu’il fit aussy le lendemain.

May. — Le mardy premier jour de may il despescha le sieur de Comminges vers Mr de Savoye.

Je fus visiter l'ambassadeur de Gesnes et ceux de Venise.

L’ambassadeur de Gesnes me rendit la visite le lendemain ; et le jeudy 3me monsieur le cardinal fut a Boussolengue trouver Mr le prince de Piemont et conferer avec luy.

Le vendredy 4me Mr le mareschal de Crequy vint a Suse disner cheux moy.

Le samedy 5me monsieur le cardinal envoya Mr de Chasteauneuf trouver Mr de Savoye, quy trouva Mr le prince de Piemont a Veillane et s’en revint le dimanche 6me, dont monsieur le cardinal ne fut pas content et le fit retourner le jour mesme trouver Mr de Savoye.

Le lundy 7me monsieur le cardinal alla ordonner des retranchemens aux passages, et autres œuvres qu'il falloit faire.

L’ambassadeur de Venise demanda à me voir : je le fus trouver.

Le mardy 8me je fus voir le marquis Striggi, ambassadeur de Mantoue.

Mr de Chasteauneuf revint quy apporta la conclusion de toutes nos affaires.

Le mercredy 9me on donna l’ordre pour faire partir les trouppes quy devoint aller joindre le roy, et les faire marcher sur les estapes.

Le jeudy 10me monsieur le cardinal et nous, allames a Boussolengue disner cheux Mr de Crequy. Apres disner Mr le prince de Piemont y arriva pour nous dire adieu.

Le vendredy 11me Mr de Longueville s’en alla par le mont Cenis le matin, et monsieur le cardinal partit l'apres disner, et moy avec luy, pour retourner en France, laissant Mr le mareschal de Crequy avesques le pouvoir delà les monts. Il nous vint accompagner jusques a Chaumont ; puis nous passames par Essilles et Sallebertran[81], et vinsmes coucher a Oulx, ou l'on apporta a monsieur le cardinal la nouvelle de la paix sinnée entre France et Angleterre[82]. Il eut aussy nouvelle de la liberté que la reine mere avoit rendue a mesdames de Longueville et princesse Marie[83].

Le samedy 12me nous passames a Sesane, et me fis porter en chaise pour passer le mont Genevre et vinmes coucher a Briançon ; le dimanche 13me coucher a Ambrun, souper cheux l’archevesque[84], et le lundy a Gap, le mardy à .....[85]

Le mercredy nous passames le mont du Chabre[86] et vinsmes coucher a Die[87], souper cheux l’evesque.

Nous y sejournames le lendemain.

Le vendredy 18me monsieur le cardinal vint coucher a Lauriol[88].

Le samedy 19me Mrs le garde des sceaux, d'Effiat et Bouteillier vindrent voir et disner avec monsieur le cardinal, quy passa le Rosne a Baye sur Baye[89] et vint trouver le roy au camp devant Privas[90].

Mr de Montmorency a quy Chomberg avoit laissé, par oubliance, ou autrement, prendre rang devant luy au conseil du roy, en voulut faire de mesme a moy, quy ne le voulus souffrir. Pour cet effet le roy ne se voulut point asseoir au conseil.

Je fus la nuit a l'ouverture de la tranchée des gardes, quy ne se commencerent que cette nuit là : puis sur le matin je m’en vins loger a un meschant logis ou logeoit Mr de Chomberg, et y fis porter le lit de mon neveu de Bassompierre quy estoit avant moy en l’armée avec le roy.

Le dimanche 20me Mr le mareschal de Chomberg me mena voir les quartiers, le campement et les batteries de Pfalsbourg[91] et d’Amboyse[92], ou estoit Mr d’Effiat. Monsieur le cardinal y vint, et me mena disner cheux luy. L’apres disner la dispute de Mr de Montmorency et de moy fut jugée en ma faveur.

Le lundy 21me monsieur le cardinal fut disner avec Mr de Montmorency qui estoit en colere.

Les gardes françoises et suisses quy estoint en Piemont arriverent au camp. Je les logeay pres de moy quy estois campé sur le haut en une petite plaine entre la ville et le logis du roy[93].

Nous fismes la nuit une grande place d'armes.

Le mardy 22me Champaigne arriva, que je campay proche du logis de monsieur le cardinal, qu’il ne tenoit pas seur. Mr d’Alais arriva aussy avec la cavalerie legere que nous amenions de Piemont.

Mr de Chomberg quy avoit grande creance au Meine Chabans[94], l'avoit fait travailler au quartier des gardes. Il y avoit un autre quartier quy attaquoit une corne, ou Picardie travailloit avec Mr de Montmorency a quy on avoit donné Le Plessis Besanson, dont je fus marry. Mais comme j'avois ammené Argencourt avec moy, je fis voir a Mr de Chomberg que ce premier travail[95] ne valoit rien, qu’il estoit tellement veu de la ville que nous y perdrions forces gens, et qu’il nous eslongnoit du quartier de Picardie d'ou nous nous devions approcher, et joindre. Il s’y opiniatra de sorte que, pour le contenter, je luy laissay Chabans et son ouvrage pour le faire continuer, et moy je fis travailler Argencourt et le fis prendre a droitte, s’approchant de Mr de Montmorency et Picardie.

Le mercredy 23me Piemont arriva que l’on logea au poste de Champaigne que nous envoyames a Veras[96].

Cette nuit là on accommoda seulement le travail commencé en la précédente.

Le jeudy 24me, jour de l’Ascension, je fis mes pasques.

Les regimens de Rambures, de Languedoc, de Vaillac et d’Annoné[97] arriverent. Piemont alla joindre Champaigne, avec lesquels on envoya Mr de Portes mareschal de camp que j’avois rammené de Piemont, pour attaquer le fort de Saint André vers les Boutieres[98].

Chomberg tomba malade. Il y eut dispute pour les seances au conseil, de Mrs de la Vallette et comte d’Alais : Mr de la Vallette le gaigna.

Le vendredy 25me nous avançames nostre travail assés près de la contrescarpe, aux gardes ; et on gaigna une masure proche de la ville, du costé de Pfalsbourg. Du costé de Picardie on battit la corne avec six canons.

Le samedy 26me j’eus le matin en la tranchée un grand coup de pierre quy me porta par terre.

Il fut resolu l’apres disner que de mon costé je gaignerois la contrescarpe, et de celuy de Picardie on attaqueroit la corne, cependant qu’en mesme temps Pfalsbourg de son costé entreprendroit quelque autre chose pour faire diversion aux ennemis, C’estoit a Normandie de prendre la garde du soir a la tranchée [des gardes][99], ce quy fit que j’envoyay querir Manicamp et le baron de Mesley[100], et leur fis faire leur ordre devant moy, puis les menay a la tranchée pour leur montrer ce qu’ils devoint faire. Manicamp y receut un fort petit coup de pierre qu’il fit parestre bien grand. Puis je les renvoyay pour se tenir prets a entrer en garde de bonne heure. Je donnay aussy ordre que l’artiglerie nous fournit toutes les choses necessaires et allay de là donner l’ordre a Pfalsbourg de ce qu’il devoit faire. Puis je me rendis a la tranchée ou le regiment de Normandie estant arrivé, commandé par Mesley, car Manicamp tenoit le lit pour son coup de pierre[101], Mr de la Vallette et Mr d’Effiat s’y trouverent aussy avec Mr de Biron, mareschal de camp.

Pfalsbourg commença la danse, attaqua et força une autre maison contre la porte de la ville, que les ennemis avoint fortifiée. Peu apres Picardie attaqua la corne quy fut emportée d’abbord, puis regaignée par les ennemis, que les volontaires gentilshommes leur firent encor une fois quitter : et moy en mesme temps avec le regiment de Normandie me vins loger au dessous de la contrescarpe, et ayant fait a l'angle de ladite contrescarpe deux logemens de huit mousquetaires chascun, quy flanquoint a gauche et a droite de laditte contrescarpe, nous l'ostames aux ennemis quy nous la disputerent trois heures durant. Mrs de la Vallette et d’Effiat y furent plusieurs fois avec grand peril. J’y eus de morts ou de blessés quelque vingt cinq hommes.

Le mesme soir et en mesme temps, Mr de Portes du costé des Boutieres avec les regimens de Champaigne et de Piemont attaqua et prit par assaut les forts de Saint André et de Tournon[102], tuant ce qu’il y trouva dedans : mais le lendemain matin dimanche 27me de may il fut tué d’une mousquetade par la teste, reconnoissant un retranchement que les ennemis avoint fait a la montaigne. Ce fut une tres grande perte ; car c’estoit un brave et suffisant homme quy alloit le grand chemin pour estre mareschal de France au plus tost.

Nous continuames nostre logement, et la nuit sur les deux heures du lundy 28me au matin, comme nous avions percé le fossé, nous avisames a la muraille un trou par lequel les ennemis entroint dans leur fossé, et on ne tiroit plus de la ville. Je fus long temps a marchander avant que de le vouloir faire reconnestre : en fin y ayant hasardé un sergent avesques une rondache, il entra dans la ville et n’y trouva personne, les ennemis l’ayans abandonnée pour se retirer au fort de Toullon[103] sur la montaigne ; sur quoy nous entrames dans la ville que nous trouvasmes desja occupée par ceux du regiment de Pfalsbourg, quy ayans esté advertis par une pauvre femme que les ennemis avoint abandonné Privas, y estoint entrés allors ; et peu apres tous les regimens et de tous les quartiers y envoyerent pour piller, et la pluspart se desbanderent de telle sorte que, sy je n’eusse fait prendre les armes aux Suisses pour investir Toullon, les ennemis se fussent peu retirer sans empeschement.

J'investis Toullon avec 1200 Suisses pendant que l'on pilloit Privas et que peu apres on y mit le feu. Sur les deux heures apres midy ceux de Toullon me firent demander de se rendre. Je l’envoyay dire au roy quy ne les voulut recevoir qu’a discretion, ce qu'ils refuserent. Allors nous les investimes de toutes parts avec les gardes, les Suisses, Champaigne, Piemont, Normandie, Pfalsbourg, Vaillac, Languedoc, Lestrange[104], et Annoné, et mismes Picardie sur les avenues des Boutieres. Saint André de Montbrun[105], quy commandoit dedans, demanda à se rendre, et se vint mettre entre nos mains a discretion. Le roy voulut que ceux du fort en fissent de mesme, et Saint André leur escrivit a cet effet; mesmes j’envoyay Marillac et Biron, mareschaux de camp, pour les recevoir : mais ils ne se peurent accorder ensemble, ny avesques nous, et sur cela vint une furieuse pluye quy continua toute la nuit ; elle m’obligea d’estre sus-pié, craignant qu’a la faveur de cette tempeste les ennemis taschassent a se sauver, les nostres n’estans assés soigneux de les en empescher. Ce fut une des plus mauvaises nuits que j'aye passé de ma vie : mais, Dieu mercy, ils ne l’entreprindrent pas.

Le mardy 29me nos soldats quy avoint investy le fort de Toullon crierent aux assiegés que l’on avoit pendu Saint André, ce quy les mit au desespoir : le roy me l’envoya pour leur monstrer, et eux furent contens de se rendre a discretion. Mais en ce mesme temps nos soldats sans commandement vindrent de toutes parts a l'assaut, et prindrent le fort, tuant tout ce qu’ils rencontrerent. On en pendit quelque cinquante de ceux quy furent pris et deux cens autres quy furent envoyés aux galeres. Le feu fut aussy mis au fort[106]. Il s’en sauva encores quelque deux cens autres quy furent rencontrés par les Suisses quy conduisoint le canon a Veras, quy en tuerent une partie.

Le mercredy 30me on donna ordre a envoyer les prisonniers, retirer l’artiglerie au parc, et disposer le partement de l’armée.

Le jeudy 31me le roy alla voir les travaux. Je fus soupper cheux Mr de Montmorency avec lequel je m’estois raccommodé deux jours auparavant.

Juin. — Le vendredy premier jour de juin, Mr de Montmorency partit pour aller reduire a l’obeissance du roy plusieurs places de son gouvernement quy s’y vouloint remettre. On luy donna trois regimens, et quelque cavalerie.

Le samedy 2me la Gorce, Vallon et Bargeac[107] s’envoyerent rendre au roy, comme aussy par le moyen du frere de Brison (nommé Chabrille)[108], furent reduits en son obeissance les Boutieres avec les chasteaux de la Tourrette, Donan, Chalançon, la Chaise, Pierregourde, la Tour de Gros, et le Chellart[109].

Le dimanche 3me, jour de la Pentecoste, je fis mes pasques, et servis le roy faisant les siennes.

Il vint nouvelles des Grisons comme le comte de Merode[110] avoit occupé le Steig, et le pont du Rein, avec douse mille hommes.

Le roy fit mareschal de France Mr de Marillac[111].

Le lundy 4me le roy partit avec son armée de Privas, passa le col de Couairons[112] quy est tres mauvais, alla a Mirebel, et vint coucher a Villeneufve de Bers[113].

Le mardy 5me il en partit, passa par Vallon et la Tour de Salevas, ou il passa la riviere d’Arbesche[114], laissa a main gauche la Gorce, et vint coucher a Bargeac.

Le mercredy 6me j'en partis a la pointe du jour, passay par le quartier de Mr de Montmorency, et ensemble nous allames reconnestre Saint Ambrois[115] par deux costés, poussames les ennemis jusques dans leurs portes, qui estoint sortis sur nous : puis je revins en rendre compte au roy, quy avoit sejourné a Bargeac.

Le jeudy 7me je me trouvay au rendés vous de l’armée, quy estoit a la veue de Saint Ambrois, dès quattre heures du matin, ou je trouvay Mr de Montmorency quy me dit que ceux de la ville avoint demandé a parler a l’evesque d’Uses[116], frere de Peraut, pour se rendre au roy. Le roy y arriva peu apres, quy mit luy mesme son armée en battaille. Les deputés de Saint Ambrois arriverent, qu’il me commanda de mener a Saint Estene[117], quartier de monsieur le cardinal, nous laissant pouvoir de conclure avec eux, ce que je fis, et eux ayans accepté de monsieur le cardinal la capitulation qu’il pleut au roy leur donner, je les menay a Saint Ambrois que je receus d’eux en mesme temps, y faisant entrer les gardes françoises et suisses. Mr de Montmorency receut leurs gens de guerre et les fut conduire en lieu de seureté.

Le roy alla loger a Saint Vittou[118] ou je retournay le trouver et y loger aussy.

Le rendés vous de l’armée, le vendredy 8me de juin, fut en une colline proche de Saint Vittou. Le roy la voulut faire marcher en ordre, me commandant de mener l'avant garde quy fut campée au devant de Salindres[119] ou le roy logea.

Je me brouillay le soir avec le premier escuier de Saint Simon sur mon logis qu’il me vouloit oster pour y loger la petite escurie, et ce par une pure meschanceté, en ayant un meilleur. Le roy voulut que je gardasse le mien : mais ce petit monsieur me l’a depuis gardée bonne et s’en est bien vengé par mille trahisons qu’il m'a faites, et mauvais offices aupres du roy.

Le samedy 9me le rendés vous de l’armée fut en une plaine proche d’Alais. Je fus reconnestre la ville ; puis je prins a la gauche ou nous passames la riviere[120] et vinsmes camper sur le chemin d’Anduse a Alais. Le nouveau mareschal de Marillac vint avec moy et s’offrit d’y faire le mareschal de camp. Mrs de la Vallette et d’Aluin y vindrent aussy, et comme j’allois reconnestre la ville de plus pres du costé ou estoit le poste du regiment de Normandie, les ennemis me firent une embuscade quy fit de vingt pas sa descharge sur moy, et estoint sur un haut, ayans une muraille quy nous empeschoit d’aller a eux. Le cheval du baron des Francs[121], brave gentilhomme quy m’accompagnoit, y fut tué, et luy blessé a la jambe, dont il mourut cinq jours apres. Le cheval d’Argencourt fut aussy blessé, et le corps de garde avancé de Normandie estant venu pour les repousser, Campagnols quy en estoit lieutenant, eut la cuisse rompue dont il mourut.

Le dimanche 10me je fus visiter nos postes, puis allay voir le roy a Salindres ou il estoit retourné loger.

Les ennemis firent une sortie du costé de Normandie, qu’ils repousserent bravement et avec perte des ennemis. A l’attaque de Picardie que l'on avoit donnée a Mr de Montmorency ils prindrent un retranchement quy estoit proche du vieil pont. J’envoyay le soir, pour soustenir Picardie, le regiment de Rambures ; et six cens hommes a une lieue et demie du camp sur l'avenue d’Anduse pour empescher le secours d’hommes qu’ils vouloint jetter dans Alais.

Je fus attaqué de la colique bilieuse quy est un rigoureux mal.

Je fus le lundy 11me a Marmiraut[122] ou le roy s’estoit venu loger, et ne s’y trouva pas bien : il en deslogea le lendemain pour aller du costé de Picardie ou estoint des eaux acides bonnes a boire au roy.

Le mardy 12me mon mal me força de partir de l'armée, et vins coucher a Lussan, d'ou je partis le mercredy 13me et vins loger a Baignols[123] pour estre pres des eaux de Maine bonnes pour guerir mon mal.

Le jeudy 14me Marillac fut blessé au bras devant Alais.

Mr et madame d’Uses[124] arriverent a Baignols.

Le samedy 16me ceux d’Alais capitulerent, et le roy y entra le lendemain dimanche 17me.

Le lundy la grande deputation de Languedoc au roy arriverent a Baignols, quy me vindrent tous visiter. Ils en partirent le mercredy suyvant, et les fis accompagner par la compagnie d’Arnaut que j’avois emmenée avec moy, et par mes gardes.

Le jeudy 21me me trouvant mieux de mon mal, je partis de Baignols pour m’en retourner a l’armée. Mr d'Uses vint sous mon escorte. Les bandits vindrent sur les chemins, que nous battimes, et en fis pendre un que nous avions pris.

Je trouvay le roy a Alais, quy attendoit la resolution de la paix, laquelle fut conclue[125] le samedy 23me, et les deputés de ceux de la Religion vindrent le lendemain pour la resoudre avec monsieur le cardinal, puis s’en retournerent sans l'avoir encores conclue, pour quelques difficultés quy s’y rencontrerent.

Le lundy 25me les deputés revindrent coucher a Alais.

Le mardy 26me elle fut tout a fait resolue et une partie des deputés retournerent a Anduse pour la faire ratifier a leur assemblée generale quy y estoit lors.

Le mercredy 27me le roy partit d’Alais avec son armée et vint coucher a Ledignan[126].

Le jeudy 28me monsieur le cardinal y arriva avec les deputés quy demanderent pardon au roy de leur rebellion, et le roy leur accorda, et leur donna la paix.

Le vendredy 29me le roy se trouva mal le matin et voulut partir le soir de Ledignan avec son armée qu’il fit marcher la nuit a cause des grandes chaleurs, et vint sur le minuit coucher a Saint Jattes[127].

Le samedy 30me monsieur le cardinal y arriva, quy ammena les deputés avesques la ratification de l’assemblée quy acceptoit la paix.

Juillet. — Le dimanche premier jour de juillet les deputés d'Uses vindrent faire leurs summissions au roy.

Le lundy 2me les ostages des Sevennes arriverent, puis ceux d’Uses[128].

Leonor et Madelon de Mirebel, deux excellentes beautés[129], vindrent au souper du roy, quy partit et vint la nuit coucher a Covillas[130] et monsieur le cardinal a Saint Privat[131].

Le mardy 3me les desputés de Nismes vindrent traitter tout le matin avec monsieur le cardinal.

Le roy partit et son armée passa sur le pont du Gal[132], et vint a minuit loger a Besousse[133].

Le mercredy 4me on sejourna a Besousse. Le mareschal d’Estrées y vint trouver le roy : je le traittay. Le soir le roy vint voir son avant garde campée a Saint Gervasy[134]. Le chaud fut excessif.

Le jeudy 5me Mr le mareschal de Chomberg revint a l'armée.

Monsieur le cardinal et Mr de Montmorency ammenerent les desputés de Nismes quy firent leurs summissions au roy.

Mr le Comte partit de l’armée, malade, et alla a Sommieres.

Le vendredy 6me le mareschal d’Estrées revint a Besousse demander congé au roy de s’en retourner a Paris.

On publia la paix a Nismes et y fit on les feux de joye.

Le samedy 7me Mr de Guyse vint a Besousse : je fus son hoste.

Ceux de Nismes envoyerent leurs ostages, mais non ceux que nous demandions, et on les renvoya.

Le roy partit le soir de Besousse et vint a Beaucaire.

Le dimanche 8me on tint le conseil. Mr de Guyse quy estoit logé a Tarascon (ville de son gouvernement) venoit les matins disner cheux moy, et au conseil apres disner, puis s’en retournoit a Tarascon[135]. On delibera et resolut des garnisons et licenciemens.

Le lundy 9me nous fusmes encor au conseil, puis nous vinmes, Mr de Chomberg et moy, [cheux moy][136], juger Besanson d’avoir la teste tranchée[137].

Ceux d’Uses vindrent prier le roy d’aller en leur ville, a quoy il se resolut.

Il fut le soir voir sur l’eau la tarasque[138] et autres divers passe temps.

Nouvelles vindrent de Sommieres que Mr le Comte se portoit tres mal.

Le mardy 10me Mr de Chomberg et moy vinmes le matin a Uses pour donner les ordres necessaires. Le roy y arriva le soir.

Le mercredy 11me nous sejournames a Uses attendant les ostages de Nismes.

Le jeudy 12me le general d'Avignon[139] vint faire la reverence au roy : je le traittay.

Mr le Comte fut a l’extremité de sa maladie.

Le vendredy 13me nous eumes les ostages de Nismes, et leurs deputés vindrent supplier le roy de vouloir honorer leur ville de sa presence.

Le samedy 14me le roy vint a Nismes, passa par le fort des Moulins, et vit celuy de la tour de Maignes. Il fut fort bien receu ; puis il alla voir les arenes.

Le dimanche 15me le roy partit de Nismes pour s’en retourner en France, et me laissa avec monsieur le cardinal pour commander les armes sous luy aux huit provinces ou son pouvoir s’estendoit, dont plusieurs grands furent bien marris. Nous le fusmes conduire jusques a my chemin de Montfrin[140] ou il alla coucher, et revinmes a Nismes.

Il y eut quelque petite esperance de la santé de Mr le Comte.

Le lundy 16me nous sejournames a Nismes et y tinmes conseil. Mr de Guyse en partit et alla voir Mr le Comte a Sommieres.

Le mardy 17me Mr d’Effiat traitta Mrs les mareschaux de Chomberg, Marillac et moy, et Mr de Montmorency, et puis nous partimes avec monsieur le cardinal quy alla coucher a Marsillargues, et nous a Lunel.

Le mercredy 18me nous arrivames a Montpelier. Nous fusmes voir la citadelle, nous promener avec les dames a l’esplanade. Je fus logé cheux Mr de Greffeules[141] de quy la femme accoucha comme j'entrois en son logis.

Le jeudy 19me monsieur le cardinal nous festina, puis nous mena voir le jardin des simples du roy[142]. Mr d’Effiat nous fit festin a soupper, et puis la musique.

Le vendredy 20me Mr de Longueville arriva quy nous asseura que Mr le Comte estoit hors de danger.

Le samedy 21me on fit la reunion de la court des aydes a la chambre des comptes[143].

Le dimanche 22me Fossé[144], gouverneur de Montpelier, festina Mrs de Montmorency, de Bordeaux, d’Effiat, et les trois mareschaux. Puis nous fumes resoudre le batiment de l’eglise[145], et de l’esplanade[146] ; le lundy verifier ledit des eslus[147] : l’evesque[148] au nom du clergé vint haranguer monsieur le cardinal en latin.

Le mardy 24me nous fusmes visiter l’eglise que l’on vouloit rebastir[149], ou je pris une chapelle.

Le mercredy 25me on apporta le refus que les estats avoint fait de verifier ledit des eslus. Monsieur le cardinal envoya rompre les estats et leur deffendre de se plus assembler a l’advenir[150].

Le jeudy 26me la place de devant la maison de ville fut resolue[151].

Monsieur le cardinal partit et alla coucher a Frontignan. Je demeuray pour dire mes adieux a l’evesque, et a mes amis.

Le vendredy 27me je vins disner a Loupian[152] et coucher a la Grange des Prés[153] cheux Mr de Montmorency quy nous fit de grands festins.

Mr le cardinal devint mallade[154].

Le samedy 28me les deputés de Montauban arriverent, quy firent refus d’accepter la paix synon en conservant leurs fortifications. On les renvoya, et Guron avec eux pour les conduire, et en mesme temps monsieur le cardinal estant mallade me dit que c'estoit a moy a aller faire obeir ceux de Montauban, ou les assieger.

Je partis le dimanche 29me, passay par Pesenas dire adieu a Mrs de Montmorency, et sa femme, Chomberg, Marillac et Effiat, et vins coucher a Besiers, ayant fait avancer l’armée.

Le mardy je fus coucher a Tremes[155], et le mercredy premier jour d’aust je vins au giste a Alsonne, ou je sejournay le lendemain pour attendre les trouppes.

Le vendredy 3me je vins au giste a Saint Papoul[156] ; le samedy 4me a Saint Felix de Carmain ou Mr le Prince envoya Mr de Nangis son mareschal de camp pour me remettre son armée[157] entre les mains : il me manda qu’il estoit party pour aller voir monsieur le cardinal.

Le dimanche 5me je vins coucher a Loubens de Verdalle, ou Mr de Lavor[158] me vint voir.

Le lundy 6me j’en partis pour aller a Berfeulles[159].

Le mardy 7me je vins loger a Saint Suplice[160] ; mais la peste y estoit sy forte que je fus forcé d’en desloger deux heures apres et de m'en venir a Buset[161], ou je sejournay le lendemain : le parlement de Toulouse, m'envoya visiter, ou arriverent Mrs d’Arpajoux et de Biron quy m’ammenerent les trouppes quy estoint vers Castres avesques Mr de Ventadour[162].

Le jeudy 9me Mrs de Nangis et de Charlus[163] me vindrent trouver pour recevoir mes ordres pour les compagnies de chevaux legers et de gensdarmes de Mr le Prince. Je priay Mr le marquis de Nangis de continuer en l’armée du roy la charge de mareschal de camp, ce qu’il accepta. J’avois ammené Mr de Constenan avesques moy pour mareschal de camp ; mais il ne s’entendoit qu’a piller.

Je partis de Buset et vins coucher a Fronton[164]. Les deputés de Montauban me sentant approcher, et Guron leur demandant qu’ils eussent a luy dire leur resolution pour me porter, luy demanderent jusques au lendemain pour me respondre par luy, dont il m'avertit, et je luy escrivis qu’il me vint trouver et se retirat de Montauban que j'allois investir.

Il me vint trouver le lendemain vendredy 10me et disna avec moy. Il m’apporta des paroles de ceux de Montauban, et je voulois des effets. Ils le prierent, s’il y voyoit quelque difficulté, d'en venir conferer a Renies[165], ou les deputés de Montauban se trouveroint le soir. Je l'y renvoyay avec charge de leur porter des paroles aygres. Charros[166] et Plessis Pralain[167] me demanderent d'aller avec luy, ce que je leur permis, et leur donnay pour escorté vingt de mes gardes. Ils me renvoyerent dire la nuit qu’ils[168] ne se vouloint porter aux choses que je leur demandois, et qu’ils les avoint priés de venir eux mesmes a Montauban parler au peuple, ce qu’ils leur avoint accordé sy je le trouvois bon. Je leur permis : mais cependant je fis avancer des batteaux pour faire deux ponts au dessus et au dessous de Montauban.

Mr d’Espernon[169] m’envoya resinner ses trouppes par son mareschal de camp le viscomte de Foucaude[170], a quy je conservay cette qualité en l’armée du roy.

Je fis avancer toute l’armée pour investir Montauban, et preparer toutes choses pour y aller mettre le siege deux jours apres. Mais ce mesme jour Guron harangua sy bien, et ils connurent leur perte sy evidente qu'ils accepterent les conditions que je leur avois envoyées, et Mr de Guron me le vint dire le matin du samedy 11me. Allors je luy donnay les noms des ostages que je demandois, et leur ordonnay d’envoyer une honorable deputation vers monsieur le cardinal quy (guery de sa maladie) s’estoit fait porter a Albi ou je me resolus de l'aller trouver et de luy mener cette deputation avec l’obeissance entiere de la ville de Montauban. Mr de Guron fit diligence de retourner a Montauban et d'effectuer sy bien tout ce que nous avions convenu par ensemble, qu’il partit encores ce jour là mesme[171] avec vingt et deux deputés qu'il mena avec vingt de mes gardes coucher a Villemur.

Le dimanche 12me je partis de Fronton avec Mrs de Biron et d’Arpajoux, laissant la charge de l’armée a Constenan, et vins ouir messe et disner aux fausbourgs de Rabasteins ou les deputés de Montauban m’attendoint. Mrs de Foucaude et de Sainte Croix[172] m’y vindrent aussy trouver que j'emmenay avec moy a Albi, ou je trouvay monsieur le cardinal.

Les deputés de Montauban ne virent point ce jour là monsieur le cardinal : mais le lendemain lundy 13me ils le virent et luy donnerent toute satisfaction.

Apres disner je fus voir l’eglise d’Albi quy, pour ce qu’elle contient, est a mon gré une des plus belles de France. Le soir je fus avec monsieur le cardinal pour toutes nos affaires.

Le mardy 14me je m’en revins coucher a Rabasteins ou les deputés estoint arrivés, quy me vindrent trouver le soir pour conferer avec moi.

Le mercredy 15me, jour de la Nostre Dame, je fus disner a Fronton.

Le jeudy 16me ceux de Montauban ne voulurent plus tenir l'accord que leurs deputés avoint fait, sur ce que l’on avoit desarmé ceux de Caussade[173], et sur l’insolence de quelques soldats.

Le vendredy 17me tout fut raccommodé a Montauban par l'industrie de Guron. Ils m’envoyerent asseurer de tenir leur parolle et me prier de venir en leur ville. Ils estoint seulement en peine de ce que le parlement de Toulouse n’avoit encores voulu verifier l’edit de paix que le roy avoit accordé a ceux de la Religion. J'en avois escrit plusieurs fois a la court, et mesmes le jeudy jour precedent, en termes bien pressans, leur desclarant que l'infraction de la paix et la repugnance de ceux de Montauban seroit attribuée a leur opiniatreté, et que, sy je n’avois la verification le lendemain, j'ouvrirois la guerre, quy leur feroit plus de dommage qu'a moy quy en vivois comme de mon mestier. Il leur prit ce jour là une bonne humeur, verifierent l'edit et me l’envoyerent par leur premier huissier quy me trouva a Villemur ou j’estois venu[174], pensant y trouver monsieur le cardinal : mais il estoit demeuré un peu malade a Saint Geri[175]. Ceux de Montauban jurerent la paix, firent des feux de joye et tirerent leurs canons, et une heure apres ils receurent par le Plessis Pralain, que je leur envoyay, l'edit de paix verifié dont ils furent fort satisfaits.

Le samedy 18me j’arrivay a Montauban[176]. Ceux de la ville me receurent avesques grande joye : ils me donnerent les ostages que je voulus, que j'envoyay a Villemur dans le chasteau. Je fus le soir voir le nonce quy y estoit arrivé. Le premier president de Toulouse me vint voir, et en suitte le president de Montrave[177] envoyé du parlement pour saluer monsieur le cardinal.

Le dimanche 19me je mis mes gardes aux portes du presche affin qu’il se fit librement et sans scandale. Puis je fis entrer six compagnies des gardes, douse de Picardie et six de Piemont, et les plaçay aux lieux que je jugeay le plus a propos, ausquels je fis observer tant d'ordre qu'aucun soldat n’entra dans aucune maison.

Madame de Roquelaure[178] arriva que je fus visiter. Je donnay a souper a monsieur le nonce, mareschal de Marillac, premier president, et Mr de Lavrilliere.

Je fus encores visité par les evesques, desputés du parlement, capitouls de Toulouse, d’autres communautés, et du consistoire de Montauban.

Le lundy 20me monsieur le cardinal arriva. J’allay au devant de luy. On luy fit entrée, et alla descendre a l’eglise ou le Te Deum fut chanté.

Je licentiay quinse regimens, deux compagnies de gensdarmes et cinq de chevaux legers.

Mr d’Espernon [arriva a Montech, quy][179] m’envoya le comte de Maillé[180] pour me prier de sçavoir de monsieur le cardinal en quel lieu il le pourroit trouver par les chemins pour le voir et le saluer, ayant ouy dire qu'il partoit le lendemain pour s’en retourner a la court, et qu’un homme de son eage s’estoit trouvé las de la traitte qu’il avoit faitte ce jour là, ce quy l’avoit empesché d’aller jusques a Montauban, outre l’incommodité du logement qu’il y eut peu rencontrer pour luy et pour sa compagnie. Je fus faire cette ambassade a monsieur le cardinal, quy la trouva fort mauvaise et s’imagina que la gloire de Mr d'Espernon ne se vouloit pas abbaisser jusques a le venir voir dans son gouvernement de Guyenne, auquel le roy avoit donné un pouvoir absolu a monsieur le cardinal. Il se mit fort en colere et me dit que je luy mandasse qu’il ne le vouloit point voir par les champs ny hors de la Guyenne, et qu’il iroit par Bordeaux bien qu’il eut resolu son chemin par l’Auvergne, seulement affin de s’y faire reconnestre et obeir suyvant son pouvoir, et qu’il y establiroit un tel ordre que la puissance que Mr d’Espernon y avoit en seroit plus ravallée. Je moderay ces discours quand je fis response au comte de Maillé, et escrivis a Mr d’Espernon pour le convier de venir a Montauban pour eviter de s’attirer cet homme tout puissant sur ses bras. Le comte de Maillé alla et revint a trois heures de là me rapporter response que Mr d’Espernon viendroit le lendemain matin a Montauban saluer monsieur le cardinal, puisqu’il n’en partoit point devant disner comme on l’en avoit asseuré, et qu’il me prioit qu'il me peut voir avant son arrivée, et Mr de Montmorency aussy ; au surplus qu’il s’attendoit que je luy donnerois a disner. Je fus le soir dire cette venue a monsieur le cardinal quy fut rappaisé, trouva bon que j’allasse au devant de luy, voulut mesmes que l'infanterie se mit en armes a son arrivée, et me dit qu’il luy vouloit donner a disner et a moy aussy, et que nous luy ferions tous deux affront sy nous en faisions autrement. Mr de Montmorency fit le froid d’aller au devant de luy, et je ne l'en voulus pas trop presser.

Le mercredy 22me j'allay a my chemin de Montech, ou je trouvay Mr d’Espernon que j’ammenay a Montauban. Monsieur le cardinal estoit revenu de tenir un enfant de Mr de Faudoas (son cousin)[181], sur les fons avec madame de Roquelaure, et attendoit Mr d’Espernon a son logis, le receut avec beaucoup d'honneur, neammoins avesques quelques picoteries. Apres disner il le pria de s’accommoder avec Mr de Bordeaux, ce qu’il fit avec peine et de façon qu’ils furent plus mal en leur cœur que devant : mesmes monsieur le cardinal en fut mal satisfait.

Monsieur le cardinal partit pour aller coucher a Fronton : il le fut accompagner, puis moy luy vers Montech, et de là m'en retournay a Montauban, d’ou je fis sortir toutes les trouppes, quy s’y estoint tres bien comportées. Messieurs de Montauban m’avoint prié de demeurer dans leur ville jusques au lendemain affin de me faire passer par dessus le bastion du Moustier qu’ils avoint en deux jours tellement rasé que l’on n’eut sceu dire ou il estoit, et ou avoit esté le fossé[182], tant tout estoit uny.

Madame de Roquelaure me vint dire adieu, puis moy à elle et aux evesques, et premier president de Toulouse.

Le jeudy 23me je partis de Montauban, et vins coucher a Rabasteins. Monsieur le cardinal estoit venu a Saint Geri avec monsieur le nonce.

Le vendredy 24me je fus disner a Saint Geri avec monsieur le cardinal, avec lequel apres disner nous vinmes a Comefa[183], chasteau appartenant a Mr l’evesque d’Albi[184] quy nous y fit festin.

Le samedy 25me Mr de Montmorency prit congé de monsieur le cardinal quy vint coucher a Nocelles[185], abbaïe de Mr de Valence.

Le dimanche 26me nous vinmes a Rodès ou l’on fit entrée a monsieur le cardinal. Mr de Nouailles[186] nous fit festin.

Le lundy 27me nous allames avec monsieur le cardinal voir l’eglise et les reliques, le clocher quy est le plus beau de France. Nous mismes d’accord l’evesque[187] et les consuls, et allames coucher a Espalion[188] ; le mardy a Laguiol[189] et le mercredy a Caudesaigues[190] ou nous sejournames le lendemain, et le vendredy dernier d’aust nous vinmes au giste a Coyrin, maison de Mr de Mongon proche de Saint Flour[191].

Septembre. — Le samedy premier jour de septembre nous vinmes a Brioude[192].

Le dimanche 2me nous fusmes voir le pont de Vielle Brioude[193] quy est le plus bel arche de pont que j'aye veu, et vinsmes coucher a Issoire[194] ou Mr d’Effiat arriva.

Le lundy 3me nous vinmes a Clermont ou l’on nous fit une belle entrée. L’evesque[195] nous fit un superbe festin.

Le mardy 4me nous passames par Montferrant et fusmes disner a Rion[196] cheux Murat[197] lieutenant general, puis coucher a Effiat[198] ou nous demeurasmes jusques au 8me du mois a passer le temps. On y dansa un ballet, et ce furent des continuels festins. Nous y resolumes aussy les armées pour Savoye et Piemont, et mandasmes pour les y acheminer.

Le samedy 8me, jour de Nostre-Dame, monsieur le cardinal dit la messe, puis partit l’apres disner d’Effiat et vint coucher a Saint-Porsain[199].

Le dimanche 9me nous nous embarquames proche de Moulins et vinsmes coucher a Villeneufve, puis a Poulli[200] et de là a Briare ou Mrs de Chomberg, de Nantes et d’Ausserre[201] arriverent.

Le mercredy 12me nous vinmes coucher a Montargis ; et le jeudy 13me nous disnasmes a Nemours[202] ou Mrs les cardinaux de Berulles et de la Vallette, Mrs de Longueville, Chevreuse, Saint-Paul, Montbason, la Rochefoucaut, garde des sceaux, Bouteillier, et quasy toute la court vindrent trouver monsieur le cardinal quy s’en vint avec cette compagnie a Fontainebleau. Il vint descendre cheux la reine mere quy estoit avec la reine sa fille et les princesses. La reine mere salua et receut fort froidement monsieur le cardinal quy en suitte m’ayant presenté a elle, ne me dit pas un mot non plus qu’au mareschal de Chomberg : seulement elle parla au mareschal de Marillac. Le roy arriva incontinent apres, quy fit un excellent accueil a monsieur le cardinal, le mena au cabinet de la reine sa mere, et luy[203] demanda congé de se retirer. Le roy luy dit qu’il les vouloit accorder, puis estant revenu a la chambre de la reine mere il me dit forces belles parolles.

Le vendredy 14me la brouillerie continua et monsieur le cardinal envoya querir madame de Comballet[204], Mr de la Melleraye[205] et autres personnes de cheux la reine, quy estoint ses creatures, et leur dit qu'ils se preparassent pour se retirer d’aupres d’elle, comme luy aussy se vouloit retirer des affaires et de la court. Toutefois ce soir là on fit tant d’allées et de venues, et le roy tesmoygna tant de passion a ce raccommodement qu'il se fit le lendemain samedy 15me au contentement universel de toute la court, quy demeura encor quelque temps a Fontainebleau, puis s’en revint a Paris (octobre) peu avant la Toussaints.

Cependant Monsieur, frere du roy, apprehendant le retour de Sa Majesté, s’estoit retiré en Lorraine ou par l'entremise de la reine mere on envoya Mrs de Bellegarde et de Bouteillier pour faciliter son retour et le remettre aux bonnes graces du roy, ce quy reussit, et Monsieur demanda de se retirer a Orleans pour quelque temps sans voir le roy[206].

Cependant Casal estoit assiegé de nouveau par le marquis Spinola quy avoit succedé a don Gonsales au gouvernement du duché de Milan ; et les Allemans entrés en Italie par les Grisons dont ils avoint occupé les païs estoint allés sous le commandement du comte de Colalte[207], et le nom de l’empereur, assieger Mantoue. Le roy resolut d'envoyer monsieur le cardinal son vicaire general en Italie avec une puissante armée de laquelle Mr le mareschal de Crequy et moy devions estre lieuterans generaux (novembre) : mais Mr de Chomberg quy ambitionnoit cette charge fit faire de fortes instances par les ambassadeurs de Venise et de Mantoue pour m'envoyer en Suisse a trois fins : l’une pour voir quels moyens il y auroit de mettre les Grisons en liberté et d’en chasser l’armée imperiale ; l’autre pour empescher que les Imperiaux quy estoint en Italie ne peussent grossir leur armée par les forces de la Suisse ; et la troisieme pour y faire des puissantes levées s’il en estoit besoin : de sorte que monsieur le cardinal me dit un matin qu’il falloit necessairement que je fisse un voyage en Suisse, quy dureroit peu, et que ma place et ma charge me seroit cependant conservée en l’armée d'Italie. J’acceptay cette commission puis que le roy voulut m’en charger, et me preparay pour m'y acheminer, comme fit aussy monsieur le cardinal pour son voyage d'Italie.

Sur ces entrefaittes madame de Longueville mourut a Paris[208], avec quy estoit madame la princesse Marie quy fut mise avec madame la comtesse de Saint Paul[209], attendant qu’il y fut aultrement pourveu par monsieur son pere (decembre).

Monsieur le cardinal peu avant son partement fit un superbe festin au roy et aux reines, avec comedies, ballets, et musiques excellentes. Puis le 29me de decembre il partit de la court pour s’acheminer a Lion, m’ayant fort recommandé d'y estre a son arrivée pour de là passer en Suisse ; et le dernier jour de l'an le roy me commanda d'accompagner Mr le Comte a la chambre des comptes pour y verifier quantité d’edits, estant necessaire, quand le roy les veut faire passer absolument, qu’il y envoye un prince de son sang, un officier de la couronne, et deux conseillers d’Estat de robbe longue, quy furent allors Mrs de Royssi[210] et de Bulion.


1630.
Janvier.


Je commençay l’année de 1630 par l'acquisition que je fis de Challiot dont je passay le contract le 12 de janvier[211], et apres avoir donné quelque ordre a mes affaires et avoir envoyé devant mon esquipage, le mercredy 16me de janvier je partis de Paris pour m’en aller ambassadeur extreordinaire en Suisse, et vins en poste coucher a Vertaut[212], jeudy a Bony, vendredy a Nevers, samedy a la Pallisse ou je trouvay mon train, dimanche a Tarrare[213] ; et le lundy 21me j'arrivay a Lion, ou je trouvay monsieur le cardinal. Mr d’Alaincourt me logea cheux luy.

Ce mesme jour arriva le comte de Saint Maurice, de la part de Mr le prince de Piemont quy envoya offrir a monsieur le cardinal passage et estapes par les païs du duc son pere, et quand et quand le prier qu’il se peut abboucher avec luy au Pont de Beauvoisin[214], estant venu expres de Turin a cet effet, et ayant couru tres grande fortune en passant par le petit Saint Bernard[215], a cause du mauvais temps. Monsieur le cardinal le receut tres bien et luy respondit qu’il confereroit de ce qu’il luy avoit dit avec Mrs de la Force, moy et de Chomberg, que le roy avoit envoyés lieutenans generaux sous luy en ses armées ; et puis, qu’il luy feroit response le lendemain. J'estois present a cette premiere veue du comte de Saint Maurice et de monsieur le cardinal, et me sembla qu'il estoit bien ayse de s’abboucher avec Mr le prince de Piemont, esperant que cette entreveue pourroit engendrer l’entier accommodement des affaires, ce qu’il desiroit pour retourner promptement a la court ou il sçavoit que l’on luy faisoit de mauvais offices en absence, et je l'y exhortay en allant a Ainey[216] ou il vouloit loger ne se trouvant bien a l’archevesché.

Il avoit envoyé querir Mrs de Montmorency, la Force, Chomberg et Alaincourt, quy le vindrent trouver aux jardins d’Ainey ou il leur demanda leur avis sur ce que le comte de Saint Maurice luy avoit proposé de l’entreveue. Mr d’Alaincourt luy dit qu’il n’y voyoit point d’inconvenient : mais Mr de Chomberg quy opina apres luy, soit pour montrer son bel esprit en fortifiant de raysons une mauvaise opinion, ou pour contrarier seulement la precedente, dit qu’il n’estoit point d’avis que monsieur le cardinal vit Mr de Piemont au Pont de Beauvoisin pour plusieurs raysons : l’une, qu’il sembleroit que monsieur le cardinal le fut allé chercher, et montreroit par là l’avidité qu'il avoit d’avoir la paix, ce que connu des Espagnols, ils la luy donneroint avec de plus rudes conditions ; l’autre, que c’estoit un amusement affin de retarder les desseins et les progres du roy ; que c’estoit aussy une gloire espagnole de ne vouloir pas souffrir que la paix, qu’asseurement ils desiroint autant que nous, se fit les armes du roy estans sorties de la France ; finalement qu'il estoit expedient pour le service du roy de faire ouvertement desclarer Mr de Savoye, lequel montroit par plusieurs signes de faire le neutre, et particulierement par celuy cy de se venir abboucher en un lieu quy estoit moytié a luy et moytié au roy, ce que monsieur le cardinal ne devoit permettre, et qu’il estoit d’avis qu’il devoit respondre a monsieur le prince qu’ayant encores des affaires pour huit jours a Lion, et son indisposition ne luy permettant pas d’aller jusques au Pont de Beauvoisin, s’il luy plaisoit [de prendre la peine][217] de venir a Lion, il y seroit receu comme il convenoit a un tel prince et beau frere du roy ; que s’il[218] ne pouvoit recevoir cet honneur de le voir là, qu’il l'iroit recevoir a Chambery en s’en allant en Italie, s’il luy plaisoit l'y attendre.

Mr le mareschal de la Force, pour ne contrarier a Mr de Chomberg, approuva son opinion, et Mr de Montmorency inconsiderement la confirma. Pour moy je la voulus contrarier ouvertement, et dis que, sy le roy et monsieur le cardinal quy avoit la souveraine puissance [de ses armées][219] sous luy, n’avoint quelque dessein caché (et quy fut connu seulement par Mr le mareschal de Chomberg quy estoit de son conseil estroit), quy ne leur permit d'entendre aucune condition de paix, je ne pouvois comprendre a quel dessein on pouvoit refuser l'offre de Mr le prince de Piemont de se venir abboucher avec monsieur le cardinal ; que c’estoit un prince affectionné a la France, beau frere du roy, quy venoit de cinquante lieues avec peril mesme de sa personne, par un rigoureux temps d’hiver, chercher monsieur le cardinal pour luy proposer des choses quy pouvoint estre utiles aux presentes affaires et au service du roy ; que, sy ses propositions n’estoint de cette qualité, monsieur le cardinal ne les accepteroit pas, et n’auroit perdu aucun temps de s’acheminer ou les commandemens du roy l’appelloint, ne s’escartant aucunement de son chemin, et montrant a tout le monde qu’il estoit prest d'accepter toutes conditions honorables, comme aussy de rejetter celles qu’il ne jugeroit pas avantageuses pour le roy ; qu’il apparoistra que ce sont les Espagnols quy ont de l’avidité a procurer la paix puis qu’ils pratiquent monsieur le prince pour la moyenner, lequel vient cinquante lieues au devant du general de l’armée du roy pour l’arrester, et son armée, par un acquiescement aux volontés de Sa Majesté ; que cette veue ne peut causer d’amusement ou de retardement a monsieur le cardinal puis qu’il ne s’escarte point de sa routte, que son armée ne s’arrestera pas d’une seule heure, et qu’il ne sejournera au Pont de Beauvoisin qu’autant qu’il faudra pour escouter et respondre, conclure ou refuser la paix que l’on vient au devant de luy pour luy presenter et offrir, par les mains d’un tel prince et sy proche allié de Sa Majesté ; que je n’appercevois point en quoy consistoit cette gloire espagnole que Mr de Chomberg avoit exagerée, et qu’elle me paroist plustost gloire a la France, que l’on luy vienne offrir sur ses frontieres tout ce que l'on luy pourroit accorder quand il seroit avec une puissante armée au milieu de l’estat de Milan, et que Mr de Chomberg devoit plustost nommer prevoyance espagnole, que gloire, de venir au devant de ses ennemis, et les appaiser et arrester avec des equitables et justes conditions, et que je ne consentois pas seulement qu’ils desirassent la paix autant que nous, mais bien davantage, puisqu'ils nous l’envoyoint requerir et demander jusques dans nos propres estats ; que finalement nous ne devions point desirer une plus ample desclaration de Mr de Savoye, puis que nous nous estions contentés de celle qu’il nous avoit offerte l’année passée, assavoir que, sy nous voulions entrer en guerre ouverte avec le roy d’Espaigne, il suyvroit nostre party et le fortifieroit de dix mille hommes de pié et de deux mille chevaux qu’il offroit au roy pour employer a cet effet ; que sy nous ne nous voulions point desclarer ouvertement, qu’il n’estoit pas convenable a luy quy avoisinoit le duché de Milan et quy avoit l’honneur d’estre cousin germain du roy catholique[220] de faire aucune demonstration contre luy ; que j’avouois bien que le Pont de Beauvoisin separoit la France de la Savoye, mais que Mr le prince de Piemont franchiroit ce pas et entreroit dans la France pour traitter avec monsieur le cardinal, lequel a mon avis ne ravalleroit rien de sa dignité ny de la majesté du roy, d'y venir trouver Mr le prince de Piemont, d’escouter ses propositions, et que mesmes il estoit tres important que la conclusion ou la rupture de la paix se fit par l'entremise de Mr le prince de Piemont ; quy fera juger a tout le monde, en cas qu’elle s'effectue, que Sa Majesté s’est relaschée de beaucoup de choses a la faveur et en consideration de son beau frere, et en cas que l’on en vienne a la guerre, que les conditions des Espagnols auront esté trop hautes puis que la puissante intercession de Mr le prince de Piemont n’aura peu esmouvoir le roy a les accepter.

Monsieur le cardinal escouta nos diverses opinions et suivit celle de Mr de Chomberg. Il logea a Ainey, et nous passames nostre temps en la mayson de Mr d’Alaincourt quy nous fit tres bonne chere ; et Mr de Montmorency ou moy alternativement donnames les soirs le bal aux dames de Lion dans le salon de Mr d’Alaincourt.

Le lundy 28me le sieur Julio Massariny[221] vint a Lion de la part du nonce Pensirole[222] que le pape avoit envoyé pour traitter de la paix.

Il[223] le despescha le mardy 29me, puis partit pour s’acheminer a Grenoble.

Je demeuray ce jour là encores a Lion, et en partis le lendemain mercredy 30me, et vins coucher a la Boesse[224].

Le jeudy dernier jour de janvier je vins coucher a Gisirieux[225].

Le vendredy, premier de fevrier, je vins au giste a Nantua.

Le samedy 2me, jour de la Chandeleur, je passay le petit Credo[226] et vins coucher a Calonges[227].

Le dimanche 3me j’arrivay a Genesve ou je fus tres bien receu.

Le lundy 4me Mr le marquis Frederic de Baden[228] me vint voir. Je luy fus rendre sa visite, et je fus coucher a Nions, le mardy a Morges, le mercredy a Eschalans[229].

Le jeudy 7me je passay par un chasteau nommé Pieulé quy appartient a un de mes bons amis (nommé Peterman de Erlach)[230], lequel me festoya tres bien, et fus coucher a Payerne[231].

Le vendredy 8me je fus coucher a Fribourg ou je fus superbement receu par les avoyers, et conseil, quy me firent entrée avec deux mille hommes en armes et quantité de canonnades.

Le samedy 9me messieurs du conseil me vindrent trouver. Je traittay avec eux, puis leur fis festin. De là j'allay aux Jesuistes quy firent une comedie.

Le dimanche j'en partis et vins coucher a Berne, quy me receurent superbement, et me deffrayerent aussy.

Le lundy 11me je fus le matin a leur conseil et les haranguay : puis ils vindrent disner avec moy et demeurasmes tout le jour a table.

Le mardy 12me j'en partis et vins a Solleure ou ils me firent aussy une superbe entrée. Mr de Leon[232] quy y estoit ambassadeur extreordinaire pour le roy vint au devant de moy et me donna a souper ce soir là quy estoit caresme prenant.

Le mercredy des Cendres, 13me, nous tinmes conseil sur les affaires des Grisons. J’avois ammené avec moy le sieur Mesmin[233] quy y estoit ambassadeur pour le roy, et le colonel Salis.

Le jeudy 14me monsieur le nonce resident a Lucerne m’envoya visiter.

Le vendredy 15me forces desputés me furent envoyés des cantons pour me saluer, et le samedy aussy.

Le dimanche 17me nous despeschames vers les Grisons pour sçavoir sy nous les pouvions secourir, et comment, et ce qu’ils pourroint faire de leur costé.

Le lundy 18me nous envoyames le colonel Salis a messieurs de Zurich pour sçavoir ce qu’ils pouvoint contribuer au secours des Grisons, et leurs avis sur ce que nous avions affaire.

Le mardy 19me nous priames Mr Mesmin d’aller a Zurich pour voir avec ces messieurs et avec les Grisons ce quy seroit a faire.

Le mercredy 20me Mr de Leon et moy fumes conferer avec l’avoyer de Rooll.

Le jeudy 21me le fils du colonel Berlinguer[234] me vint saluer et disner avesques moy.

L'ordinaire arriva par lequel je sceus que le roy s’acheminoit devers Troyes, et que Monsieur estoit inopinement venu a Paris et avoit surpris la reine mere quy ne l’attendoit pas ; de là il s’en alla voir a l’hostel de Saint Paul la princesse Marie, et que le lendemain il avoit esté grandement visité ; que le roy quy estoit a Nogeant sur Seine en ayant esté averty avoit rebroussé chemin vers Paris, ce que Monsieur ayant sceu estoit party le lendemain de Paris et s’en estoit allé a Orleans[235].

Le vendredy 22me je fus a la maison de ville a Solleure et haranguay amplement dans le conseil de ville. Il n’y arriva rien de nouveau sinon que Mrs l’evesque de Basle[236] et l'abbé de Saint-Gall m’envoyerent leurs deputés, et quelques cantons aussy, comme pareillement messieurs de Neufchastel.

Le lundy 25me Mr Mesmin revint de Zurich, quy nous rapporta l'avis de ceux du canton quy estoit que le Rein desormais n’estant plus guaiable jusques au mois de septembre, ce seroit inutilement fait d’entreprendre quelque chose aux Grisons ; que le comte de Merode avoit tres bien fortifié les avenues du Steig et du pont du Rein ; que pour eux ils ne se vouloint pas ouvertement desclarer, attendu le voysinage des trouppes de l'empereur, mais que sous main ils m’assisteroint de munitions de guerre, et que pour des vivres il leur estoit du tout impossible, attendu la sterilité de l’année precedente.

Le mardy 26me le resident de Venise nommé Moderante Scarameli ayant eu ordre de sa republique de se venir tenir pres de moy, arriva ce jour là.

Mars. — J'avois convoqué par mes lettres peu apres mon arrivée une diette des cantons quy commencerent a arriver le samedy 2me jour de mars, et le lendemain tous les autres vindrent par leurs deputés, quy me vindrent saluer, chasque canton l’un apres l'autre.

Le lundy 4me toute l’assemblée en corps, apres s’estre entre salués, et pris leurs seances, se leverent et vindrent tous les deputés avec leurs massiers devant, me saluer en mon logis.

Ce jour là le chancelier d’Alsasse ambassadeur de toute la maison d’Austriche, arriva a Solleure sans me rien mander ny envoyer visiter, contre la coustume usitée des ambassadeurs. J’entrepris de luy faire reffuser audience de l’assemblée, dont Mr de Leon tascha tant qu’il peut de me dissuader, disant que je ne pourrois le faire et que l’affront nous en demeureroit. Neammoins me confiant sur le grand credit que j’ay en Suisse, et sur mon industrie a traitter avec ces peuples, j'opiniatray cette affaire, et l’entrepris. Pour cet effet je fus premierement trouver l’avoyer de Rooll mon bon amy, et quy manie son canton comme il veut, et estoit president de l'assemblée. Il me dissuada tant qu’il peut de m’amuser a cela, me disant que je n’obtiendrois jamais cela de l’assemblée, ce quy fit que Mr de Leon insista davantage a m'en faire desister, et mesmes employa le resident de Venise a me le dissuader. L’avoyer de Rooll me dit : « Quant a ce quy est de mon canton, je vous en promets les voix ; mais aucun des autres ne s’y portera. » Sur cette asseurance j'envoyay querir les deputés du canton de Glaris en quy je me fiois fort ; car ils m’estoint obligés. Ils trouverent cette entreprise hardie, nouvelle, et de difficile execution, et me la dissuaderent, m’asseurant neammoins des trois voix de leurs deputés. J’avois au canton d’Wry pour deputés quattre dont je m’asseurois des trois, Stricher, Troguer et Megne[237] : je les envoyay querir et fis promettre a ces trois deputés de donner leurs voix a ma faveur. Du canton de Schvits il y en avoit aussy quattre deputés, dont je m’asseuray du landamman Reding et d’Abiberg[238]. J'en eus deux de Zug, et un de Lucerne d’asseurés. Tous ceux d’Undrevald furent contre moy, et ne se voulurent hasarder. Ce furent donc quinse deputés dont je me fis fort, et envoyay prier a souper les deputés des quattre villes, lesquels je persuaday aysement de m’assister : ceux de Basle furent les plus longs a se resoudre comme plus voysins de l’Alsasse ; mais en fin ils y vindrent. Je n’en voulus point parler a ceux de Fribourg ; mais je me fis fort du collonel d’Affry deputé.

Ainsy je me trouvay le plus fort en voix de l’assemblée, et vins la nuit trouver l’avoyer de Rooll auquel je fis voir comme j'estois asseuré de la pluralité des voix, et que je l’entreprendrois le lendemain sans crainte de refus.

Nous consultames, Mrs de Leon, Mesmin, luy et moy, de la forme que j'avois a y tenir, quy fut que le lendemain matin, mardy 5me, jour de Saint Ours, patron de Solleure, auquel j’avois dit a l’assemblée que je me trouverois pour faire ma proposition, j'envoyay un secretaire interprete du roy, nommé Molondin, a la diette, leur parler de ma part pour leur remontrer qu'ayant convoqué les deputés de tous les cantons en une assemblée au nom du roy pour des affaires concernantes le bien de leurs republiques et de la couronne de France, j'avois appris que le chancelier d’Alsasse en qualité d’ambassadeur de l’empereur, du roy d’Espaigne et de toute la maison d’Austriche, estoit arrivé a Solleure pour y intervenir, et troubler ma negotiation, ce quy m’avoit obligé de leur envoyer dire que, comme cette diette avoit esté convoquée par moy au nom de Sa Majesté tres chrestienne et pour ses affaires particulieres, je leur requerois que ledit chancelier d’Alsasse, venu contre le service de mon maitre, n’y fut admis, ny receu, et qu’au cas qu'ils se resolussent de luy donner audience, je n’en voulois point avoir, et remettrois dans quelque temps, ou de convoquer une autre diette, ou de m'en passer tout a fait, laissant celle cy audit chancelier pour y traitter les affaires de la maison d’Austriche, demandant que sur ce sujet l’assemblée en veuille opiner et m'en rendre response auparavant que j'entre a la diette pour y faire ma proposition.

Apres que Molondin eut remontré de ma part les choses susdittes, il se retira, et lors il y eut de grandes contestations dans l’assemblée, les partisans d'Espaigne remontrans que c’estoit une chose nouvelle et inouie de chasser un ambassadeur d’une diette generale, et un ambassadeur d’un empereur, d’un roy d’Espaigne, et de la maison d’Austriche avesques laquelle, outre l'alliance hereditaire, il y en a tant d’autres particulieres ; que ce sont de sy puissans princes qu’il estoit tres perilleux de les offenser, et en un temps ou ils avoint tant d’armées sur pié, sy voysines de la Suisse, et dans ses entrailles mesmes au païs des Grisons ; que je voulois par cet artifice jetter les Suisses en guerre avec la maison d’Austriche et les necessiter de se mettre entre les bras de la couronne de France ; que la Suisse se devoit conserver dans une esgale balance entre les deux couronnes, qu’autrement elle periroit ; et plusieurs autres choses qu’ils dirent sur ce sujet. Les autres affectionnés a la France disoint que, lors que les ambassadeurs d’Espaigne convoquoint des assemblées a Lucerne, ceux de France ne les y venoint point troubler ; que les Espagnols n’avoint aucune affaire maintenant avec eux, sinon de restituer la liberté aux Grisons leurs alliés, qu'ils leur detenoint injustement ; qu’ils n’avoint que faire de venir troubler les diettes quy ne leur touchoint point, quy n’estoint convoquées par eux, ny pour eux, et que j’avois rayson de ne le souffrir pas ; qu’au reste je parlois en sorte qu’il n'y avoit rien a dire, puis que j'offrois de quitter cette diette audit ambassadeur de la maison d’Austriche, me reservant a en convoquer une autre quelque temps apres, et que l’assemblée ayant l'alternative de conferer cette diette pour l’un ou pour l’autre, que c’estoit a elle a choisir, et que l’on devoit demander les voix pour sçavoir auquel elle la donneroit, rejettant l’autre et le remettant a une autre fois.

Apres les contestations on en vint aux opinions lesquelles passerent en ma faveur. Lors les factionnaires d’Espaigne se voyans forclos, proposerent que l’assemblée me prieroit de consentir que cet ambassadeur eut audience, et que luy mesme me viendroit voir et reparer la faute qu’il avoit faite de ne m'avoir rien mandé ; que de plus il se sentiroit mon obligé de cette concession qu’il tiendroit de moy.

Ils deputerent donc vers moy pour me faire ces offres ausquelles je respondis qu’au nom et de la part du roy mon maitre j’avois demandé l’exclusion de cet ambassadeur, et qu’il n’estoit plus en moy de retracter ce que j’avois dit de sa part sans luy faire sçavoir, ce que j'offrois de faire et de leur en dire fidellement la response sy ledit ambassadeur la vouloit attendre a Solleure, et que je luy respondrois de l'avoir du roy dans huit jours.

Ils virent bien que je me moquois de luy par ma response. C'est pourquoy avec quelques honnestes excuses ils luy donnerent son congé, qu'il prit avesques des grandes menaces qu’il fit contre la Suisse ; et moy j'entray avec Mr de Leon dans la diette en laquelle je fis amplement ma proposition : puis apres, la diette en corps m’estant venue trouver pour me remercier, je leur fis a tous un superbe festin.

Le mercredy 6me l’assemblée envoya vers ce chancelier d’Alsasse luy dire qu’elle ne le pouvoit admettre a la diette quy estoit convoquée au nom et par le roy de France, mais que quand il en demanderoit une pour la maison d’Austriche, que l’on luy accorderoit, en laquelle il pourroit faire ses propositions et demandes, sy mieux il n’aymoit attendre la generale quy se tiendroit a Baden[239] a la Saint Jean prochaine. Il s’en retourna tres mal satisfait, desclarant que les Suisses estoint en l’indignation de toute la maison d’Austriche.

Le jeudy 7me la pluspart des deputés vindrent disner ou souper avec moy ; et quelques uns des plus grands partisans d’Espaigne, comme Berlinguer et Lutsy[240], ayans descouvert par ma proposition les fourbes espagnoles quy ne tendoint qu’a la subversion de leur estat, me vindrent voir en particulier pour m’asseurer que, comme bons patriotes, ils se porteroint au restablissement des Grisons dans leur ancienne liberté, et qu’en cette affaire là ils n’assisteroint point les Espagnols, mais leur seroint ennemis.

Le vendredy 8me la diette finit. Toute l'assemblée vint en corps me rendre response et prendre congé de moy : puis chasque carton catholique vint ce jour là me dire adieu, et tous les protestans vindrent conferer avesques moy sur leurs particulieres affaires.

Le samedy 9me les protestans vindrent prendre congé de nous.

Le dimanche 10me je licenciay forces capitaines pretendans quy m’estoint venus trouver, et les renvoyay jusques a ce que je voulusse faire la levée quy m'avoit esté accordée.

Le lundy 11me j’envoyay un gentilhomme a Suse trouver monsieur le cardinal a quy je fis une ample despesche tant du succes de la diette, que des nouvelles d’Allemaigne et d’ailleurs.

Le mardy 12me je me trouvay un peu mal des desbauches faittes durant la diette, et me fis saigner.

Je demeuray cependant en l'attente de ce quy devoit reussir des traittés de paix que Mr de Savoye, le cardinal Antonio Barberini legat du pape[241], et d’autres, faisoint avec monsieur le cardinal, et taschions, Mrs de Leon, Mesmin, et moy, a nous divertir.

Le lundy 18me les capitaines Marca et Tomola, du val de Mesoc[242], me vindrent trouver, et proposer qu’en cas que je voulusse assister leur vallée de quelques munitions de guerre, ils la maintiendroint en nostre faveur contre les forces de Milan et celles que le comte de Merode avoit aux Grisons, ce que je trouvay avantageux pour le service du roy, et leur fis fournir ce qu’ils desirerent.

Ce mesme jour l'avoyer de Rooll me vint porter une lettre qu’il avoit receue par laquelle il luy estoit mandé de Milan que la paix estoit resolue entre les deux rois ; mais le lendemain mardy 19me, par une despesche que j'eus de monsieur le cardinal, je connus que tout estoit plustost porté a la rupture qu’a l’accommodement, et me donnoit avis d’errer[243] les capitaines de la levée pour la faire mettre sur pié a la premiere despesche que j'aurois de luy, ce quy fit que le lendemain mercredy 20me j’envoyay Molondin aux petits cantons, et le colonel Salis a Zurich pour preparer toutes choses.

Le jeudy 21me le colonel de Flechenstein[244] de Lucerne, grand partisan des Espagnols et celuy qu’ils ont toujours accoustumé d'employer avec Berlinguer, me vint trouver en fort bel esquipage. Je le fis disner avec moy, et apres disner m’ayant demandé audience m’offrit de servir la France sy je luy voulois donner employ. Je le remerciay et luy offris pension et esperance d’employ. Je ne sceus descouvrir s’il le faisoit pour me tenter et descouvrir, ou pour me tromper, ou finalement pour donner ombrage et jalousie de luy aux Espagnols.

Le vendredy 22me le dit Flechenstein alla voir et disner avec Mr de Léon, et luy parla comme il avoit fait a moy. Affry gouverneur de Neufchastel arriva[245].

Le samedy 23me le colonel Flechenstein vint prendre congé de moy, et me confirma ce qu’il m’avoit desja dit.

Je despeschay Affry a Fribourg, luy ayant asseuré que je le ferois colonel d’un des regimens de la levée.

Le mercredy saint 27me de mars, comme Mr de Leon et moy estions aux Tenebres aux Cordeliers, un courrier de monsieur le cardinal arriva, quy m’apporta la rupture entre Savoye et le roy avec l’entrée de monsieur le cardinal en armes dans le Piemont[246], comme il avoit passé la Douere et s’en alloit assieger Pignerol[247] ; qu’il m’exhortoit de mettre promptement six mille Suisses sur pié, et qu’il avoit escrit au roy pour m’envoyer des forces et une patente de general pour mettre la Savoye en son obeissance.

Le jeudy 28me je fis mes pasques, et envoyay le colonel Salis a Berne offrir au colonel de Erlach[248] un regiment de la levée.

Le vendredy saint 29me le canton de Fribourg m’envoya offrir, non seulement le sieur Affry pour colonel, mais toutes leurs forces pour le service du roy.

Le baron d’Alto Sax[249] me vint voir. Salis revint de Berne avec l'acceptation que Erlach[250] avoit faite de la charge de colonel.

Le samedy je donnay les capitulations de capitaines pour aller faire leurs levées, a Ulrich, Pfendler, Meis, Chemit[251], Travers Salis[252], Stefan Otis, et Rot.....[253]

Le dimanche dernier de mars, jour de Pasques, je donnay les capitulations aux capitaines Bilstein et Mers[254].

Avril. — Le lundy, premier jour d'avril, les capitaines Curio[255] et Bech, de Basle, eurent leurs capitulations.

J'eus ce jour là par le retour du gentilhomme que j'avois envoyé a monsieur le cardinal la nouvelle de la prise de la ville de Pignerol[256], et l’esperance que le chasteau se rendroit dans peu de jours. Je sceus aussy comme le sieur de Comminges y avoit esté tué, dont j’eus grand regret tant pour l’avoir nourry vingt ans, que pour estre un tres brave et habile gentilhomme.

Ce jour mesme les colonels de Erlach de Castelen, et d’Affry arriverent, avec quy je conclus.

Le mardy 2me je leur donnay leurs capitulations, comme aussy a Diesbach[257] et Montenach[258], a d’Erlach[259] et a Piton[260], aux deux capitaines Guy[261], au capitaine d’Erlach, cousin du colonel[262], et a Michel, gendre de l’avoyer de Berne.

Le mercredy 3me les capitaines Uri[263] et Mouchet, et Vallier du Vautravers[264] vindrent prendre leurs capitulations.

Le mesme jour m’arriva Daridoles commis de Mr Hardier quy m’apporta nouvelles de l’arrivée du roy a Dijon[265], et comme monsieur son frere luy estoit venu trouver. Il m’apporta quand et quand ma patente de general pour la conqueste de la Savoye.

Le jeudy 4me arriverent les nouvelles d’Allemaigne et d'Italie par les deux ordinaires.

Le samedy 5me je despeschay Mr de Croson[266] au païs de Geis[267].

Le dimanche 7me j’eus nouvelles du reffroidissement de ceux de Zurich sur la levée, a cause que je n’avois pas fait le colonel de leur canton. Je leur escrivis une lettre en colere par Jean Paul l’interprete.

Le lundy 8me le fils du colonel Amrin et celuy de l’avoyer Almender[268], avec le capitaine Goldy de Lucerne[269], se vindrent offrir de lever trois compagnies de leur canton[270] et de servir contre tous et envers tous Sa Majesté.

Je me fis saigner, me trouvant mal.

[Le mardy 9me je pris medecine. Les capitaines Stricher et Reding se vindrent offrir.][271]

Le mercredy 10me ceux de Solleure me vindrent parler pour leurs distributions. Jean Paul revint, quy m’apporta contentement de ceux de Zurich.

Le jeudy 11me le capitaine Ouf der Mür se vint offrir[272].

J'eus un courrier de la part du regiment de la garde suisse ; et un certain Fougeroles me vint trouver sur le sujet de la mort de Naberat[273] mon intendant, pour avoir sa place.

Le vendredy 12me, jour de ma nativité, j’eus nouvelles de la nouvelle amour du roy et de Mlle de Hautefort[274].

Il ne se passa rien de particulier jusques au mercredy 17me que le colonel Castelen me vint apporter la routte et les estapes du pais de Berne pour nos trouppes a quy j’avois donné rendés vous general au bailliage de Geis.

Le jeudy 18me je fis festin a Mrs de Leon, Mesmin, resident de Venise, avoyer de Rooll, et autres, pour commencer a prendre congé d’eux.

Le vendredy 19me je fus a l’hostel de ville de Solleure prendre congé du canton, puis en suitte du resident de Venise, et de Mrs de Leon et Mesmin. Reding le landamman[275], et son neveu, Seberg, Troguer, Stricher, Surelein[276], Rausperg, et autres, arriverent pour prendre congé de moy.

Le samedy 20me je fus dire adieu a l’avoyer de Rooll ; puis messieurs de la ville me le vindrent dire. Je donnay l’ordre de Saint Michel au landamman Reding[277] ; puis je partis[278] accompagné de messieurs les ambassadeurs et residens, et de messieurs de la ville, desquels peu apres je pris congé et vins coucher a Arberg[279].

Le dimanche 21me je passay par Avanches[280] et vins coucher a Payerne[281] ; ceux de Fribourg m’envoyerent le chevalier Montenach et Lansbourg[282], desputés pour prendre congé de moy ; le lundy a Eschalans, le mardy a Eaubonne[283], et le mercredy 24me j’arrivay a Geis ou Mr du Hallier destiné[284] mareschal de camp de mon armée, et plusieurs capitaines des regimens qu'il ammenoit me vindrent trouver.

Le jeudy 25me messieurs de Genesve me firent une grande deputation pour me saluer. Le marquis de Baden m’envoya voir. J'envoyay Mr du Hallier[285] pour faire avancer les regimens, et cavalerie, destinés a mon armée. J’eus nouvelles du roy comme il s’acheminoit a Lion. Je despeschay un gentilhomme vers monsieur le cardinal pour l’avertir de ma venue et luy envoyer des avis particuliers que j’avois eus de la court.

Le vendredy 26me les compagnies de Neufchastel[286] arriverent.

Le samedy 27me j’escrivis a ceux de Genesve[287] comme j’avois sceu qu’il se faisoit des levées en leur ville pour le duc de Savoye, et qu’ils eussent a les empescher, ce qu’ils firent et chasserent les capitaines savoyards de leur ville.

Les compagnies de Fribourg arriverent.

[Le dimanche 28me vint la compagnie de Bielle.][288]

Le lundy 29me arriverent les compagnies de Berne et le colonel de Erlach aussy. Mr du Hallier et le Plessis de Joygny[289] me vindrent trouver.

Le mardy, dernier d'avril, les compagnies de Zurich arriverent.

Monsieur le cardinal m'envoya Lisle. Je fis mes ordres pour faire marcher l'armée par Grenoble pour entrer en Savoye au lieu d’entrer par le Chablais et le Fossigny comme j'avois deliberé. La venue de Lisle quy me porta ce commandement me fit rompre mon premier dessein.

May. — Le mercredy premier jour de may Mr du Hallier s’en alla a Chastillon de Michaille[290] pour donner l’ordre a cet acheminement.

Les compagnies de Basle et de Salis arriverent.

Du Muy m'apporta de l'argent pour la montre des six mille Suisses que j’ammenois.

Le jeudy 2me le reste des compagnies arriverent.

Le vendredy 3me j’accorday les rangs des capitaines.

Le samedy 4me je receus le matin un courrier du roy par lequel il me fit sçavoir qu’il vouloit luy mesme en personne faire la conqueste de la Savoye, et que je le vinsse trouver a Lion ou il estoit arrivé, pour recevoir ses ordres ; que je fisse cependant acheminer l’armée vers Grenoble ou il se rendroit au plus tost.

L’apres disner je fis faire la premiere montre aux Suisses, et prester le premier serment. Puis leur ayant donné leurs routtes, et mis ordre au surplus de mes affaires, je partis le dimanche 5me de may, passay Lescluse[291] et le petit Credo, fus disner a Chastillon de Michaille et coucher a Serdon[292].

Le lundy 6me je disnay a Gisirieux et vins trouver le roy a Lion. Je le saluay parmy les dames, gallant et amoureux contre sa coustume et mon opinion. Mr de Guyse me donna a soupper.

Le mardy 7me je disnay cheux Mr d’Alaincourt, fus voir faire la montre aux gensdarmes et chevaux legers du roy en Bellecourt, puis au cercle cheux la reine mere a Ainey.

Le mercredy 8me je fus voir le garde des sceaux, disner cheux Mr d’Alaincourt.

Le roy partit pour Grenoble, et je demeuray encores a Lion.

Mr de Chasteauneuf arriva de son ambassade d’Angleterre.

Je fus le soir cheux madame la princesse de Conty.

Le jeudy 9me Mrs le comte de Saut, de Chasteauneuf, et moy, partimes de Lion, disnasmes a Bourgoin[293], et vinmes au giste a la Tour du Pin.

Le vendredy 10me nous disnames a Voyron[294], vinmes pres de Grenoble saluer monsieur le cardinal retournant d'Italie, et le fusmes accompagner en allant au devant du roy quy vint a Grenoble.

Le samedy 11me je fus disner cheux monsieur le cardinal, puis nous fusmes au conseil cheux le roy.

Le dimanche 12me monsieur le cardinal partit pour aller trouver les reines a Lion.

Le lundy 13me l'avant garde du roy partit conduitte par Mr le mareschal de Crequy.

Le mardy 14me le roy partit de Grenoble avec le reste de l’armée que je commanday, et vinmes coucher au Coupet.

Le mercredy 15me nous vinmes loger a Barraut[295].

La nuit on prit le faubourg de Chambery ou Mr de Canaples fut blessé a mort[296].

Le jeudy 16me le roy sejourna a Barraut.

Chambery capitula : les deputés de la ville vindrent trouver le roy.

Le vendredy 17me le chasteau de Chambery capitula.

Le samedy 18me le roy vint coucher a Chambery.

Le dimanche 19me, jour de la Pentecouste, le roy fit ses pasques : je les fis aussy. Il y eut long conseil.

Le lundy 20me le roy sejourna attendant monsieur le cardinal.

Le mardy 21me monsieur le cardinal revint de Lion ; et le mercredy 22me le roy tint conseil. Je fus brouillé avec luy sur le sujet de la munition ; mais je me raccommoday a Aix ou il vint au giste.

Le jeudy 23me il vint coucher a Arby[297].

Le vendredy 24me il me commanda d’aller investir Rumilly[298] et de luy choisir une plaine aupres ou il peut mettre son armée en battaille, et attendis les trouppes en la plaine de Saugine[299] proche dudit Rumilly, ou le roy la mit en ordre. Je m'en allay cependant faire sommer Rumilly quy apres quelques allées et venues, se rendit au roy quy y vint coucher et en partit le lendemain samedy 25me par un fort mauvais temps, et vint coucher a Nicy[300], ou le dimanche 26me il sejourna et le lundy encores ou il tint conseil, avec monsieur le cardinal, Effiat, Le Hallier et moy, pour resoudre ce que je devois faire avec son avant garde qu’il me mit en main pour faire abandonner le poste avantageux que le prince Tomas avoit pris a Conflans[301] pour nous empescher l’entrée des vallées de la Morienne et de la Tarantaise[302], et ce en luy couppant par derriere le chemin de sa retraitte en entrant par quelque moyen que ce fut dans la Tarantaise.

Ce jour là le Massariny arriva pres du roy, quy luy apporta des propositions de paix.

Le mardy 28me je partis de Nicy avec huit mille hommes de pié et sept cens chevaux. Je donnay mon rendés vous au bout du lac[303] en la plaine de Lacheray, puis vins coucher a Faverge[304] quy n’est qu'a une lieue et demie de Conflans, ou le prince Tomas estoit campé.

Le soir Massarini quy s’en retournoit vint coucher cheux moy.

Toute la noblesse de la court et des volontaires me suyvit.

Le mercredy 29me le roy vint avec sa battaille prendre les mesmes logemens que j'avois quittés, et moy, au lieu d’aller attaquer les retranchemens du prince Tomas, je prins a la main gauche et vins coucher a Eugine[305].

Le jeudy 30me, jour de la Feste Dieu, j'en partis et ayant passé une tres fascheuse montaigne nommée la Forcola[306], je vins a Beaufort costoyant le torrent a la main droitte. Des que le prince Tomas (quy ne pouvoit s’imaginer que je me voulusse enfourner dans ces dettroits sy penibles et fascheux), eut connu ma resolution, il envoya en diligence deux mille hommes pour garder des passages, quy d’eux mesmes estoint inaccessibles, des cols de Cormette, de la Lossa, de la Balme, et d’un quattrieme dont je ne me souviens du nom[307] ; et moy, deux heures apres mon arrivée, je pris deux cens hommes du regiment des gardes que j'envoyay tenter d'occuper le col de Cormette : je fis reconnestre celuy de la Lossa par deux cens hommes de La Melleraye : je fis reconnestre celuy dont j'ay oublié le nom par Charros et deux cens hommes de son regiment, et celuy de la Balme par deux cens hommes du regiment de Piemont avec lesquels j'envoyay les sieurs du Plessis Besanson et de Vignoles, avec ordre a tous quattre de me renvoyer de temps en temps des soldats pour m'aviser, et pour m’y acheminer sy un de ces cols me pouvoit estre ouvert.

Le vendredy dernier jour de may je demeuray a Beaufort attendant des nouvelles de ceux que j'avois envoyés reconnestre les passages. Ceux des gardes revindrent ayans trouvé le col de Cormette gardé par un regiment, quy estoit gardable contre tout le monde avec cent hommes seulement. Mr de Charros revint aussy ayant trouvé le col qu’il vouloit occuper, non seulement gardé, mais inaccessible. Quant aux deux autres, je n’en sceus rien ce jour là, et le prince Tomas pour tascher de descouvrir mon dessein prit l’occasion de me renvoyer une haquenée que j’avois prestée a Massariny en partant de Faverge.

J'avois avesques moy Mrs du Hallier et le commandeur de Valançay pour mareschaux de camp, et le marquis de Nesle que nous traittions quasy comme s’il l’estoit. Nous estions tous quattre ensemble en grand soucy de ce que nous pourrions faire pour passer, voyant les passages gardés de la sorte et la moytié de nos gens desjà revenus sans rien faire, quand, sur les onse heures du soir, un soldat du regiment de la Melleraye me vint dire de la part de son mestre de camp qu’estant arrivé au col quy luy estoit destiné le soir auparavant a l'entrée de la nuit, les ennemis quy n’eussent jammais sceu croire que l’on eut tenté ce passage, attendu que l'on voyoit venir ceux quy le voudroint entreprendre des le bas du mont, parce que le chemin est tout droit, qu’il n’y peut passer qu’un homme a la fois, qu’il ne se peut entreprendre que pendant que le soleil ne luit point parce qu’il est plein de neige quy ne tient point quand le soleil donne dessus, et qu’il faut monter deux lieues devant qu’estre au sommet ; c’est pourquoy on n’y avoit mis que soissante hommes par forme pour le garder, quy avoint esté tirés du regiment quy gardoit le col de Cormette quy n’est pas a mille pas de là, d’ou l'on l’eut peu secourir sy l’on eut aperceu que quelqu'un eut monté par celuy de la Lossa : mais Dieu voulut que La Melleraye arriva a l'entrée de la nuit, qu’une nuée le cacha aux yeux de ceux quy gardoint le col, quy ne laisserent qu’une sentinelle quy les laissa monter jusques a cinquante pas de luy sans les voir, et les nostres luy ayant tiré, il se sauva dans son corps de garde, et ceux du corps de garde s’en fuirent, de sorte que Mr de la Melleraye l’avoit occupé et me mandoit que je luy envoyasse en diligence le reste de son regiment et des vivres ; car il croyoit y devoir estre attaqué. La joye fit un exces en mon cœur a cette nouvelle, et a l’heure mesme je fis partir le regiment de la Melleraye pour aller joindre son mestre de camp auquel j’envoyay des vivres et l’asseuray que le jour suyvant je serois a luy avec toute mon infanterie.

Le samedy premier jour de juin je renvoyay toute ma cavalerie avec laquelle la plus grande partie de la noblesse s’en retourna, et fis acheminer sept mille hommes de pié quy me restoint, bien lestes, et sans bagage, au dessous du col de la Lossa et a la veue de La Melleraye, en une petite vallée nommée Olacheray. On me vint avant partir donner aussy avis que Le Plessis et Vignoles avec les hommes que je leur avois donnés avoint gaigné le pas de la Balme, mais qu’il estoit de telle sorte qu'ils ne croyoint pas que l'on y peut passer, tant il estoit rude et fascheux. Je poursuyvis donc mon premier dessein et vinmes camper a Olacheray. Nous eumes quelque allarme des ennemis quy estoint encor sur le col de Cormette a nostre veue ; mais ils ne demeurerent gueres là : car des que le prince Tomas sceut que le col de la Lossa avoit esté surpris, craignant d’estre enfermé entre l'avant garde et la battaille du roy, comme il eut esté sy je fusse passé, quitta son retranchement de Conflans cette nuit mesme[308], et avec la diligence qu’il peut, vint gaigner Moustiers et le pas du Ciel ou il se pensoit retranché, comme trente ans auparavant le duc son pere avoit fait contre le feu roy.

Le dimanche deuxieme, a la pointe du jour, je fis monter les trouppes, ce quy ne se pouvoit faire qu’un a un, et je me mis a pié a leur teste avec Mr le marquis de Nesle, laissant Mrs du Hallier et commandeur de Valançay au millieu et a la queue pour les faire mieux avancer. Nous allasmes gayement jusques a neuf heures du matin, quoyque avesques grand peine, dans la neige ; mais passé cela, et que le soleil eut commencé a la fondre, nous eumes de terribles peines que nous surmontasmes en fin, et eusmes monté et descendu le col de la Lossa sur les onse heures. Puis nous marchames environ une lieue, apres quoy nous rencontrames un autre col sans neige plus aspre que celuy de la Lossa et plein de pierres aiguües quy nous couppoint les piés : il s’appelloit le col de Nave qu’ayans monté et descendu avesques des peines incroyables nous nous trouvasmes dans un assés bon village nommé Nave[309] ou nous trouvasmes quelque vin quy servit bien a donner cœur a nos soldats pour passer outre, plusieurs estans tout a fait recreus. Apres qu'ils se furent un peu resfraichis, nous passames outre et montames encor deux cols, non tels[310] que les deux premiers, nommés le grand Cœur et le petit Cœur[311], et puis nous nous trouvasmes a Aigueblanche[312] ou de bonne fortune me vindrent rencontrer deux cens chevaux que le roy m’avoit envoyés, croyant que le prince Tomas avoit tourné teste contre moy quy n’avois aucune cavalerie. Je montay lors a cheval et me mis a leur teste, croyant que nous pourrions rencontrer les ennemis a leur retraitte et faire quelque effet. Mais ils avoint desja passé Moustiers quy se rendit a moy a mon arrivée et une compagnie de carabins aussy quy s’estoit arrestée derriere, que je fis desmonter et desarmer, et suyvis les ennemis de sy pres qu'ils ne peurent conserver le pas du Ciel que j’occupay sans resistance et fis avancer la compagnie de Casteljaloux[313] que j'y mis en garde. Puis je revins loger a Moustiers, tellement las que je ne pouvois mettre un pié devant l’autre : aussy avois je fait ce jour là a pié plus de douse lieues françoises toujours montant et descendant, ou dans les neiges et le froid, ou dans une excessive chaleur.

Je passay le lendemain lundy 3me de juin avesques neuf cornettes de cavalerie le pas du Ciel et les fis loger a Esme[314], et comme mon infanterie arrivoit, je receus par Constenan une lettre du roy quy me commandoit de l’attendre a Moustiers ou il devoit arriver le lendemain, et resinner son avant garde a Mr le mareschal de Chastillon quy estoit entré en sa semaine de commander ; ce quy m'offensa extremement, ne pensant pas que puis que les mesmes trouppes demeuroint avant garde, que ma seule personne deut estre destronée, et qu'ayant levé le lievre et poursuyvant l’ennemy, un autre vint proffiter de mes peines et de mon travail.

Ainsy Mr de Chastillon arriva le mesme soir, auquel je resinnay mes trouppes, et attendis le roy quy arriva le lendemain mardy 4me a Moustiers avec monsieur le cardinal ausquels je fis mes plaintes de l’outrage que l'on m’avoit faitte, dont je n’eus autre satisfaction sinon que l’on avoit creu que, ma semaine estant finie, le mareschal de Chastillon devoit commander la sienne.

Le roy sejourna le lendemain a Moustiers et en partit le jeudy 6me pour venir loger a Esme ou il eut nouvelle de l’entiere retraitte de Mr le prince Tomas. dans la Valdoste[315] par le petit Saint Bernard, quy peut estre, sy j'eusse continué ma routte, ne luy eut pas esté sy aysée qu’elle fut.

Le vendredy 7me il vint loger a Saint Maurice du Bourg[316], et le jour mesme s’avança jusques au pont de Saint-Germain[317] ou commence le petit Saint Bernard, ou l’on conclut de faire un fort. Je fus reconnestre le passage de Rosellan, et luy en fis mon rapport.

Le samedy 8me le roy sejourna a Saint Maurice et tint conseil auquel il ordonna Le Hallier pour faire faire le fort, et demeurer en ce passage.

Le dimanche 9me le roy partit de Saint Maurice, vint disner a Esme, et coucher a Moustiers, le lundy a Conflans, et le mardy a Saint Pierre d’Albigny[318], ou nous y sejournames le mercredy et le jeudy ; et le vendredy 14me le roy en partit et vint disner a Chamberi, ou il sejourna le lendemain, attendant le retour de Beringuen qu'il avoit envoyé a Lion trouver la reine, quy revint le soir, et le roy se resolut d’y aller. Il me commanda de demeurer a Chamberi avec le pouvoir sur son armée. Il ordonna Mr de Chasteauneuf pour intendant de justice et des finances pres de moy, et Constenan et Vignoles pour mareschaux de camp.

Le dimanche le roy partit et me laissa ordre de faire marcher son armée vers la Morienne. Mais le lundy 17me l'Isere desborda de telle sorte qu’elle emporta les ponts de Conflans, quy sont celuy de l’Hospital et celuy des Chevres.

Le mardy 18me la ville de Montmelian[319] se rendit, et nous commençames a attaquer le chasteau par mines.

Le mercredy 19me le chasteau de Charbonnieres[320] se rendit a Mr le mareschal de Crequy.

On me manda que nostre cavalerie ne pouvoit passer a Conflans pour n’y avoir plus de ponts.

Le jeudy 20me le roy m’escrivit pour faire passer ses gardes françoises et suisses au port de la Gache.

Le vendredy 21me juin je fis avancer les Suisses a Chappareillan[321] pour passer le lendemain.

J'establis quattre compagnies nouvelles pour tenir garnison dans Chamberi ou y ayant laissé l’ordre necessaire, comme aussy pour faire refaire les ponts de Conflans pour le passage de nostre cavalerie, je partis le samedy 22me de Chamberi avec Mr de Chasteauneuf, et passant par Chappareillan ou les gardes vindrent loger, puis par Barraut, nous vinmes coucher a la Terrasse[322], et le dimanche 23me disner a Grenoble ou monsieur le cardinal estoit desja arrivé, et le roy peu apres nous.

Mr de Crequy y fut toujours mon hoste tant que le roy y sejourna, quy fut jusques au samedy 29me juin que le roy en partit et vint coucher a Gonsolles[323].

Le dimanche, dernier de juin, il vint coucher a la Roquette[324].

Juillet. — Le lundy, premier jour de juillet, il vint coucher a Ayguebelle sous Charbonnieres[325], ou monsieur le cardinal arriva.

Le mardy 2me le roy tint conseil le matin ou il resolut que monsieur le cardinal passeroit en Italie avec Mrs de Chomberg et d’Effiat, et que le roy arresteroit quelques jours dans la Morienne retenant pres de luy pour commander son armée Mr le miareschal de Crequy et moy.

Monsieur le cardinal partit le jour mesme pour aller a Suse, et le roy, a cause de la peste quy estoit forte a Ayguebelle, en partit aussy et vint coucher a Argentine[326].

Je demeuray ce soir là, et le mercredy 3me je fus loger au quartier du roy a Argentine.

Il eut des nouvelles de monsieur le cardinal quy le firent le lendemain 4me partir, et venir disner a la Chambre[327], puis passer par le pont Amafré[328], et venir coucher a Saint Jean de Morienne, ou estoit arresté monsieur le cardinal pour la venue de Julio Massariny quy arriva le mesme soir.

Le vendredy 5me Mr de Montmorency arriva, de quy on n’estoit pas content. Mrs d’Effiat et de Chomberg partirent.

On despescha Massariny, et le roy quy ne se portoit pas bien se fit saigner.

J'en fis de mesme le lendemain samedy 6me, que Mr de Montmorency se rabienna un peu, et on le renvoya en Italie luy donnant Mrs de Cramail et du Fargis pour mareschaux de camp.

Mr de Crequy arriva a Saint Jean de Morienne.

Le sergent major de Nice arriva desguisé ; je le fis par ordre du roy parler a monsieur le cardinal.

Le dimanche le conseil se tint, et le lundy aussy. Le roy se trouva mal, mais pour cela ne laissa pas de faire faire l'exercice, et moy la nuit[329].

Le mardy 9me Mr de Chomberg revint, a quy monsieur le cardinal commit le traitté de Nice et l’osta de mes mains[330].

Le vendredy 12me la nouvelle vint que Mr de Montmorency avoit bravement fait en un combat a Veillane[331] ou le prince Doria[332] avoit esté pris.

Le samedy 13me le roy se porta mal et prit medecine. Mon bon amy Frangipany arriva.

Le dimanche 14me on apporta une cornette et seise drappeaux pris au combat de Veillane.

Le lundy 15me Chomberg fit festin a disner, et Mr de Longueville a souper.

Le lendemain mardy 16me je leur fis festin. Mr de Crequy s’en retourna a Grenoble.

Le vendredy 19me le roy eut bien fort la fievre, et disoit que sy l’on le faisoit demeurer davantage a Saint Jean de Morienne, que l’on le feroit mourir.

Le samedy 20me une femme apporta des lettres des assiegés de Casal.

Le mercredy 24me le roy resolut de se retirer de Saint Jean de Morienne, et l’executa le lendemain jeudy 25me, y laissant monsieur le cardinal et Chomberg, et vint coucher a Argentine ou tout estoit plein de peste : on fut contraint de coucher dans les prés.

Le vendredy 26me le roy vint coucher a la Rochette, ou Mrs de Guyse, de Chastillon, et l’evesque d’Orleans[333] arriverent.

Le samedy 27me le roy alla coucher au fort de Barraut, et permit a Mr le Comte, Mr de Longueville, et a moy, d'aller a Grenoble.

Nous vinmes coucher a Domene[334], et le lendemain dimanche 28me nous vinmes a Grenoble souper cheux Mr de Crequy. Nous y trouvasmes le garde des sceaux que l’on avoit fait venir a Grenoble pour le retirer de Lion d’aupres de la reine[335] qu’il estoit soubçonné d’animer contre monsieur le cardinal, et l’on en voyoit apertement la mauvaise intelligence fomentée par Mr de Bellegarde quy s’estoit desclaré ennemy de monsieur le cardinal pour avoir fait donner la lieutenance de roy de Bourgongne, vacante par la mort du marquis de Mirebeau, a Tavannes qu’il n’aymoit pas. D'autre costé Mr de Guyse a quy monsieur le cardinal vouloit oster l’amirauté de Levant, pretendant qu’elle estoit dependante de celle de Ponant, ne s’oublioit pas a luy rendre les mauvais offices qu’il pouvoit, et d’autant plus maintenant que leurs affaires estoint au pis parce que monsieur le cardinal avoit envoyé un huissier en Provence y faire quelque acte a la marine, et Mr de Guyse l'avoit oultragé et en suitte mis prisonnier. Madame de Combalet aussy, que la reine n’affectionnoit pas, aydoit bien a accroistre l’aigreur de la reine quy se plaignoit qu’elle entretenoit a son service quarante gentilshommes lesquels ne la voyoint point et ne bougeoint d’aupres de monsieur le cardinal ; lequel de son costé avoit a se plaindre de ce que, pendant qu’il estoit occupé aux affaires de l’estat et a l’agrandissement d’iceluy, on machinoit sa ruine en animant la reine mere contre luy ; que deux hommes qu’il avoit eslevés de la terre aux plus hautes dignités, par une ingratitude signalée, avoint tasché a le destruire, assavoir Mr de Berulle que de simple prestre il avoit fait faire cardinal[336] et Mr de Marillac a quy il avoit premierement fait donner en main les finances, et en suitte les sceaux ; qu’il ne pretendoit en l’amirauté de Levant que ce que ceux a quy il avoit succedé a l’amirauté de Ponant y avoint pretendu, et qu’il ne croyoit pas que pour n’estre pas homme d’espée, que Mr de Guyse luy deut usurper de force ce qu’il ne demandoit qu’en justice, ny que pour cela mesdames la princesse de Conty, d’Elbeuf[337] et d'Onano[338] fussent continuellement a ses oreilles[339] pour mesdire de luy ; qu’il avoit obligé Mr le Grand en ce qu'il avoit peu, mais que c’estoit un homme quy, ayant en sa tendre jeunesse possedé la faveur du roy Henry troisieme, croyoit qu’elle estoit de son patrimoine et ne pouvoit souffrir ceux quy la possedoint ; que le pretexte qu’il prenoit de le haïr estoit injuste, veu que le roy, et non luy, avoit donné la lieutenance de roy a une personne nourrie de jeunesse avec luy, de grande qualité, dont le grand pere estoit mareschal de France, et les pere et oncle avoint possedé en Bourgongne la charge totale dont le roy ne luy en avoit donné qu’une parcelle en reconnoissance des services de ses ancestres et des siens, et particulierement pour l'affection qu’il luy a portée des son enfance ; que le marquis de Tavannes estoit desja mestre de camp de Navarre et avoit plus servy que ceux que Mr le Grand avoit proposés au roy pour la lieutenance de roy de Bourgongne ; qu’au reste le roy n’estoit pas obligé de mettre en cette charge ceux que le gouverneur de la province luy nommoit, ny moins desirer[340] qu’ils fussent trop conjoints d'amitié ou de despendance.

Le lundy 29me Mr le mareschal de Crequy mena disner Mr le Comte, Mr de Longueville, et moy, a sa belle maison de Vigille[341], ou nous y vismes Mr de Canaples bien malade. Ce voyage se fit affin de donner lieu au parlement de resoudre ce qu’ils feroint sur l'arrivée de Mr le Comte leur gouverneur que par devoir ils estoint obligés de visiter. Le fait estoit que le parlement de Grenoble dont le gouverneur est le chef et y preside, les arrets se faisans en son nom quand il n’y a point de dauphin en France, rendoit de tout temps de grands devoirs a leurs gouverneurs et lieutenans de roy, entre autres que, luy arrivant ou s’en allant, la court luy venoit faire la reverence en corps, laquelle il n’alloit conduire que jusques sur le haut de son degré : la mesme chose s’observoit au lieutenant de royMr; dont ils estoint en possession immemoriale et quy n’avoit point esté contestée a Mr le Comte, ny a Mr Desdiguieres, ny a Mr le mareschal de Crequy. Il arriva que, trois ans auparavant, Mr le Prince ayant un pouvoir pour commander aux armées du roy contre les huguenots de Languedoc, son pouvoir fut estendu jusques en Provence et en Dauphiné, et luy s’en retournant en France et passant par Lion, le parlement deputa le premier president et nombre de conseillers pour luy venir faire la reverence. Mr le Prince quy fait plus d’honneur a un chascun que l’on ne luy en demande, les vint recevoir jusques au bas de son degré, les conduisit jusques a leurs carrosses, dont ils firent rapport au parlement, et le mirent sur leurs registres, et en suitte firent un arrest par lequel il fut deffendu d’aller plus saluer le gouverneur de la province ny le lieutenant de roy s'ils ne leur rendoint le mesme honneur, ce que l’un ny l’autre ne voulurent faire. Ainsy Mr le Comte a son arrivée a Grenoble l’année passée comme le roy alloit a Suse, ne fut point visité par le parlement ; mais on luy dit aussy que c’estoit parce que le roy estoit a Grenoble, et que, luy present, la court en corps n’alloit trouver personne. Mais a son retour a Valence ladite cour de parlement ayant envoyé le premier president et nombre de conseillers trouver le roy, ils firent pressentir a Mr le Comte s’il leur voudroit rendre l'honneur qu’ils pretendoint, ce qu’il leur refusa, et eux s’estans addressés au garde des sceaux pour les presenter au roy, Mr le Comte leur fit refuser l’audience sur le pretexte qu’ils venoint d’une ville pestiferée. Sur cela il se traitta des moyens d’accommodement et on fit esperer a Mr le Comte que la court se mettroit en son ancien devoir, le premier president en ayant asseuré Mr de Seneterre. Pour cet effet Mr le Comte vint a Grenoble sans le roy a la sollicitation de Mr le mareschal de Crequy : Mr de Seneterre arriva devant, quy fut traitter de cette affaire avec le premier president, et fit que Mr le Comte n’entra que la nuit dans Grenoble, et qu’il alla le lendemain matin a Vigille pour donner temps a ceux du parlement de se raviser. Mais ce fut en vain ; car ils n’y peurent estre portés. Au retour de Vigille Mr le Comte et Mr de Crequy, piqués de cet affront, consulterent ce qu’ils avoint a faire, et je leur conseillay de tourmenter cette court quy les mesprisoit et de se servir de leur pouvoir pour les mettre a la rayson, les rendant demandeurs ; qu’ils fissent commander que passé sept heures personne n’eut a se promener par la ville, et puis faire courre le bruit que cette deffense ne regardoit que le parlement, et des qu’un conseiller ou president sortiroit, le faire prendre et l'envoyer prisonnier en la citadelle, ou en l’arsenac ; qu’ils avoint les forces pour ce faire et l’autorité en main. Mr de Crequy se porta franchement en cet avis ; mais Seneterre divertit Mr le Comte de le recevoir, et fit qu’il ne voulut voir aucun conseiller en privé puis qu’ils ne l’avoint point veu en public, et qu’il fit sa plainte au roy pour avoir reglement contre ces messieurs.

Le mardy 30me nous disnames cheux Mr le Comte. Apres disner il s’esleva la plus furieuse tempeste que j'aye veue de ma vie.

Aust. — Le jeudy premier jour d’aust Mr le Comte eut tout le jour la fievre, ce quy fit qu’il voulut partir le lendemain 2me dans mon carrosse et venir coucher a Moyran, et moy je l’accompagnay, et Mr de Longueville aussy.

Le samedy 3me nous sceumes a la disnée la prise de Mantoue dont Mr de Longueville fut fort affligé[342], et fusmes coucher a Artas[343] ; et le dimanche 4me nous arrivasmes a Lion ou Mr d’Alaincourt fut mon hoste.

Le 7me le roy y arriva, et ayant pris congé du roy quelques jours apres pour aller donner ordre a mes affaires a Paris, le samedy 17me jour d’aust je partis de Lion et vins coucher a la Bresle[344], puis a la Pallisse, a Nevers, a Montargis ; finalement le mercredy 21me jour d’aust j’arrivay a Paris ou je trouvay Mr d’Espernon. Monsieur, frere du roy, y vint le lendemain, et peu de jours apres Mr le Comte, Mr de Longueville et Mr de Guyse arriverent. Nous ne songeames qu’a y bien passer nostre temps[345]. Je m’amusay a faire bastir Challiot.

Mais a un mois de là (septembre) j’eus nouvelles que le roy avoit la fievre continue, et qu’il n’estoit pas sans danger. Cela me fit prendre la poste et m’en aller en diligence a Lion ou j'arrivay (octobre) le lendemain que le roy avoit pensé mourir et que son abces s’estoit escoulé par bas[346], dont j’eus une excessive joye. Je vins descendre cheux le roy quy fut bien ayse de me voir, et moy ravy de ce qu’il estoit hors de danger. Je vis en suitte les reines, les princesses et monsieur le cardinal, et m’en vins loger a mon accoustumée cheux Mr d’Alaincourt.

Monsieur le cardinal me receut tres bien, me fit fort bonne chere, et parla a moy en grande confidence. Mais le lendemain j'aperceus en luy quelque froideur pour moy, dont demandant la cause a Mr de Chasteauneuf, il me dit en confidence que l’on avoit donné avis a monsieur le cardinal que j'avois porté quelques parolles de la part de Monsieur a la reine mere avec un pouvoir de l’arrester s’il fut mesavenu du roy ; a quoy j'oserois jurer que Monsieur n’avoit pas eu la pensée, parce que, quand je partis, il ne se douttoit pas que le roy fut en peril. Il me dit aussy qu’estant venu descendre au logis de Mr d’Alaincourt ou Mr de Crequy estoit desja logé, Mr de Guyse estant venu une partie du chemin avesques moy, et luy s’estant encores logé porte a porte de Mr d’Alaincourt, cela avoit peu donner quelque ombrage de moy, quy estois tous les soirs cheux madame la princesse de Conty et tout le jour cheux la reine mere. Je luy dis que je n’avois pas veu, le matin que j’estois party, Monsieur frere du roy, et que le soir precedent je n’avois pris congé de luy ; que je n’avois pas encor dit un seul mot a la reine mere, que tout haut ; que c’estoit l'office d’un courrier, et non d’un mareschal de France, d’estre porteur de tels pouvoirs, quy fussent venus trop tard sy Dieu n'eut pas miraculeusement guery le roy ; que depuis dix ans je n’avois pas eu d’autre logis a Lion que celuy de Mr d’Alaincourt mon ancien amy ; que ce n’estoit pas d’astheure que Mr de Crequy et moy vivions comme freres, mais depuis nostre premiere connoissance, et qu’il y avoit pres de trente ans que je hantois cheux madame la princesse de Conty ; que Villeclair[347] et Guillemot[348] quy estoint venus en poste avec moy pourroint tesmoygner que Mr de Guyse estoit party depuis moy de Paris, qu’il m’avoit outrepassé le premier jour que je couchay a la Chappelle la Reine[349], que je l’avois rattrappé le soir suyvant a Poully, et qu’a Moullins ne m’ayant peu suyvre, je l’avois devancé ; et que je luy priois d’asseurer monsieur le cardinal que je n’estois point homme de brigue ny d’intrigue, que je ne m’estois meslé jammais que de bien et fidellement servir le roy premierement, et en suitte mes amis, dont il estoit un des premiers et a quy j'avois voué tout tres humble service : ce qu’il me promit de faire, et moy l'ayant une fois esté voir, je luy dis aussy en sustance les mesmes choses, dont il me tesmoygna d’estre satisfait.

Le roy se fit porter en Bellecourt dans la mayson de madame de Chaponay[350] ou il fut encore bien mallade. Mais Dieu luy ayant rendu sa santé, il partit pour s’en revenir a Paris[351].

Nous le suyvismes un jour apres, Mrs le Comte, cardinal de la Vallette, de Longueville, et moy, et l’ayant rattrappé a Rouanne, nous embarquames devant luy et vinmes jour et nuit a Briarre ou nous trouvasmes mon carrosse quy nous ammena a Paris, ou peu de jours apres les reines se rendirent peu apres la Toussaints, et on ne vit point la reine mere les deux ou trois jours apres son retour, estant logée a Luxembourg.

Novembre. — Le roy la vint voir de Versailles le samedy 9me de novembre, et pour plus grande commodité s’en vint loger a l’hostel des ambassadeurs proche dudit Luxembourg, et monsieur le cardinal quy estoit venu dans le mesme batteau de la reine en grande privauté avec elle, revint aussy quand et le roy a Paris, et logea au petit Luxembourg.

J'ay sceu depuis, et Dieu me punisse sy auparavant j'en avois eu autre connoissance qu’en destail seulement, que quelquefois la reine et monsieur le cardinal estoint brouillés, quelquefois en parfaite intelligence ; j'ay sceu, dis je, depuis, que souvent le roy faisoit ses plaintes a la reine sa mere de monsieur le cardinal, et reciproquement la reine au roy, [qu’en fin deux ou trois fois elle avoit dit au roy][352] qu’elle vouloit ouvertement se brouiller avec luy et sortir de sa tutelle, c’estoint ses termes, et que le roy de temps en temps l'avoit priée de dilayer, ce qu’elle avoit fait, et qu’au retour du roy a Lion, le roy applaudissoit en quelque chose a la reine, quy neammoins l’avoit priée d’attendre encores jusques a leur retour de Paris[353] ; que le roy ayant veu a Rouanne la resolution de monsieur le cardinal d’attendre la reine mere, luy avoit escrit de luy faire fort bonne chere, comme elle avoit fait ; et que le dimanche 10me, veille de la Saint Martin, le roy estant venu le matin voir la reine sa mere, je luy accompagnay : ils s’enfermerent tous deux dans son cabinet, et le roy venoit la prier de superseder encores six semaines ou deux mois d’esclater contre monsieur le cardinal, pour le bien des affaires de l'estat quy estoint allors en leur crise, le roy ayant commandé a ses generaux de dela les monts de hasarder une battaille pour le secours de Casal[354] ; et la reine mere avoit resolu de dilayer encores ce temps là a la priere du roy son fils. Comme ils estoint sur ce discours monsieur le cardinal arriva, quy ayant trouvé la porte de l’antichambre a la chambre fermée, entra dans la gallerie et vint heurter a la porte du cabinet ou personne ne respondit ; en fin impatient et sçachant les estres de la mayson, il entra par la petite chappelle, la porte de laquelle n’ayant pas esté fermée, monsieur le cardinal y entra, dont le roy fut un peu estonné et dit a la reine : « Tout est perdu[355] ; le voycy », croyant bien qu’il esclatteroit : monsieur le cardinal quy s’apperceut de cet estonnement, leur dit : « Je m’asseure que vous parliés de moy. » La reine luy respondit : « Non faisions ; » sur quoy luy ayant repliqué : « Avoués le, Madame », elle luy dit que ouy, et là dessus se porta avec grande aygreur contre luy, luy desclarant qu’elle ne se vouloit plus servir de luy, et plusieurs autres choses ; sur quoy Mr Bouteillier arriva, et elle continua encores jusques a ce que le roy alla disner, et que monsieur le cardinal le suyvit.

Cette brouillerie fut tenue sy secrette de toutes parts, qu'aucun n’en sceut rien et qu’on ne s’en doutta pas. Mesmes Monsieur frere du roy, quy avoit esté au devant du roy jusques a Montargis, le roy luy ayant fort prié de s’accommoder avec monsieur le cardinal a quy il vouloit mal, luy avoit respondu qu’il luy supplioit tres humblement de vouloir entendre les justes raysons qu’il avoit de le hair, apres quoy il feroit tout ce qu’il plairoit a Sa Majesté luy commander, ce que le roy ayant escouté tout au long, pria Monsieur de vouloir oublier ses pretendues offenses et aymer monsieur le cardinal, luy avoit promis[356] ; mais le roy estant arrivé le samedy a Paris, soit que Monsieur fut mallade, ou qu’il feignit de l’estre, n’estoit point encores venu trouver le roy quy le soir mesme[357] envoya Le Plessis Pralain apprendre des nouvelles de sa santé : mais peu apres, Le Plessis Pralain vint dire au roy que monsieur son frere estoit dans le logis, quy le venoit trouver ; sur quoy le roy envoya querir monsieur le cardinal, et ayant un peu parlé a monsieur son frere, luy presenta monsieur le cardinal et le pria de l’aymer et de le tenir pour son serviteur, ce que Monsieur promit assés froidement au roy de faire, pourveu qu'il se comportat envers luy comme il devoit. J’estois present en cet accord apres lequel estant proche de monsieur le cardinal, il me prit et me dit : « Monsieur se plaint de moy, et Dieu sçait s’il en a sujet ; mais les battus payent l’ammende. » Je luy dis : « Monsieur, ne prenés pas garde a ce que dit Monsieur : il ne fait que ce que Puilorens et Le Coygneux luy conseillent, et quand vous voudrés tenir Monsieur, tenés le par eux, et vous l’arresterés. » Il ne me dit en suitte aucune chose de sa brouillerie[358] ; aussy Dieu me confonde sy je m'en douttois seulement. Apres soupper j’allay voir madame la princesse de Conty, ayant veu auparavant coucher le roy quy n’en fit aucun semblant : je luy demanday s’il partiroit le lendemain ; il me dit que non. Je trouvay madame la princesse de Conty en telle ignorance de cette affaire que seulement elle n’en parla pas, et j'oserois bien jurer qu’elle n’en sçavoit rien.

Le lundy 11me, jour de la Saint Martin, je vins de bonne heure cheux le roy quy me dit qu’il s’en retournoit a Versailles. Je ne songeay point a quel dessein. J'en avois fait d'aller disner avec monsieur le cardinal que je n’avois peu voir cheux luy depuis son arrivée, et m'en allay vers midy en son logis : on me dit qu’il n’y estoit pas, et qu’il partoit ce jour là pour aller a Pontoyse. Encores jusques là je ne pensay a rien, ny moins encores quand, estant rentré a Luxembourg monsieur le cardinal y arrivant, je le conduysis jusques a la porte de la chambre de la reine et qu’il me dit : « Vous ne ferés plus de cas d’un desfavorisé comme moy. » Je mm’imaginay qu’il vouloit parler du mauvais visage qu’il avoit receu le jour precedent de Monsieur. Sur cela je le voulus attendre pour aller disner avec luy ; mais Mr de Longueville me desbaucha pour aller disner cheux Mr de Crequy avec Monsieur, comme il m'en avoit prié. Comme nous y fumes, Mr de Puilorens me dit : « Eh bien, c’est tout de bon cette fois icy que nos gens sont brouillés ; car la reine mere dit hier ouvertement a monsieur le cardinal qu’elle ne le vouloit jammais voir. » Je fus tres estonné de cette nouvelle, et Mr de Longueville peu apres me la confirma. J’envoyay sur l'heure a madame la princesse de Conty la supplier tres humblement qu’elle m’en mandat des nouvelles, laquelle jura a mon homme que celle là estoit la premiere qu’elle en avoit sceue, et qu’elle me prioit de luy en mander les particularités. Je n’en sceus autre chose sinon que l'on me dit que madame de Combalet avoit pris congé de la reine mere, et que le roy et monsieur le cardinal estoint partis. Le soir Mr le Comte me mena cheux la reine mere quy ne parla jamais qu’a la reine et aux princesses.

Le mardy 12me je m’en allay tout le jour a Challiot, et en m'en retournant je trouvay Lisle quy me dit que l'on avoit osté les sceaux a Mr de Marillac et envoyé avec des gardes en Touraine.

Le mercredy 13me Mr de Lavrilliere revenant au galop de Versailles me dit que Mr de Chasteauneuf estoit garde des sceaux, et le soir cheux la reine mere je vis Mr de la Ville aux Clercs quy luy vint dire de la part du roy.

Le jeudy 14me Lopes[359] me vint voir le matin et me dit que je ferois bien d’aller a Versailles voir le roy et monsieur le cardinal, ce que j'eusse fait a l’heure mesme sy je n’eusse voulu saluer le nouveau garde des sceaux quy estoit mon particulier amy, lequel venoit ce jour là a Paris saluer les reines. Je le vis donc sur le soir, et luy ayant demandé sy j’estois bien ou mal a la court, il me dit qu'il ne s’estoit point apperceu qu'il y eut rien contre moy, mais que je ferois bien de m'aller presenter[360], ce que je fis le vendredy 15me, et estant entré a la chambre du roy, des qu’il me vit il dit, sy haut que je le peus entendre : « Il est arrivé apres la battaille », et en suitte me fit fort mauvaise chere. Je ne laissay point de faire bonne mine, comme s’il n’y eut rien eu. En fin le roy me dit qu’il seroit le lundy a Saint Germain et que j'y fisse trouver sa garde suisse. J’ouis en mesme temps que Saint Simon, premier escuier, dit a Mr le Comte : « Monsieur, ne le priés point a disner, ny moy aussy, et il s’en retournera comme il est venu. » L’insolence de ce petit punais me mit en colere dans le cœur ; mais je n’en fis pas semblant : car les rieurs n’estoint pas pour moy, et sy je ne sçay pourquoy. Neammoins Mr le Comte me dit : « Sy vous voulés disner, j'ay trois ou quattre plats là haut, que nous mangerons. » Je luy respondis : « Monsieur, je donne aujourdhuy a disner a Challiot a Mr de Crequy, de Saint Luc, et au comte de Saut, quy my attendent : je vous en rends tres humbles graces. » Sur cela monsieur le cardinal arriva quy me fit le froid et me parla assés indifferemment, puis entra dans le cabinet avec le roy. Je me mis a parler avec Mr le Comte, et en mesme temps Armaignac[361] me vint dire de la part de monsieur le cardinal sy je voulois venir disner avec luy. Mais comme j'en avois desja refusé Mr le Comte devant lequel il me parloit, je luy fis la mesme excuse que j'avois faitte auparavant, dont monsieur le cardinal s’offensa, et le dit au roy.

Le lundy 18me le roy arriva a Saint Germain, ou je me trouvay aussy, et il m'y fit le plus mauvais visage du monde.

J'y revins le mercredy 20me ou il ne me fit pas meilleur accueil.

Les reines y vindrent, ausquelles il fit beaucoup d’honneur, peu de privauté.

Je me resolus en fin de demeurer a Saint Germain, et y fus trois semaines durant sans que jammais le roy mie dit un mot, que celuy du guet.

Mr d’Espernon y vint le dimanche 24me[362], quy fut fort bien receu tant du roy que de monsieur le cardinal, mais moy toujours en un mesme estat : monsieur le cardinal me pria de donner a disner a Mr d’Espernon parce qu’il estoit au lit, a quoy je m'estois desja preparé, et il me l’avoit envoyé dire.

Sur ces entrefaites Puilorens et Le Coygneux s’accorderent avec monsieur le cardinal quy leur fit donner par le roy a chascun cent mille escus, au moins a ce dernier[363] la charge de president de la court[364] quy vaut bien cela pour le moins. Cet accord se fit par Mr de Rambouillet quy devoit avoir trente mille escus. Il fut aussy promis a Puilorens que l’on le feroit duc et pair. Sur cela Monsieur vint trouver le roy[365] quy luy fit fort bon visage. Il fut voir monsieur le cardinal, et tout prenoit un assés bon train ; car Mr le cardinal Baigni entreprit l’accommodement de monsieur le cardinal avec la reine mere, qu’il[366] fut voir (decembre) au sortir de cheux Mr le Prince de quy il tint sur les fons le second fils[367] ; mais la reconciliation ne parut pas entiere, joint qu’en ce mesme temps là la reine mere eut nouvelle de la detention du mareschal de Marillac[368], quy arriva peu apres que Casal eut esté secouru par l’armée du roy, et que la paix generale eut esté jurée.

En ce mesme temps Beringuen fut envoyé hors de la court ; Jaquinot[369] eut deffense d'y venir ; Mr Servien[370] fut fait secretaire d’estat ; Mr de Montmorency fait mareschal de France, et Mr de Toiras aussy[371] ; Mr d’Effiat fasché de ne le pas estre, se retira en sa maison de Chilly[372], d’ou peu apres il revint, et fut fait mareschal de France[373].


1631.
Janvier.


Le roy vivoit froidement avec les reines et ne leur parloit quasy point au cercle, quand nous entrames en l’année 1631, au commencement de laquelle on me commanda de licentier le regiment du colonel d’Erlach : (j’avois des le mois de septembre de l’année passée licentié celuy du colonel Affry) ; mais sur la difficulté du payement on retarda cette affaire.

Cependant on chercha (a ce que disent ceux de Monsieur) de desunir Puilorens et Le Coygneux, monsieur le garde des sceaux, parent du premier[374], le persuadant d’abandonner son compagnon, de quoy Le Coygneux averty par madame de Verderonne (quy estoit le depost de leur amitié), et Monsieur en ayant sceu des nouvelles, tous deux en s’accordant ensemble conseillerent a Monsieur de quitter la court au commencement du mois de fevrier, ce qu’il executa le.....[375], ayant premierement esté trouver monsieur le cardinal en son logis et luy ayant dit qu’il renonçoit a son amitié.

Fevrier. — J'estois cheux le president de Chevry quand j'en sceus la nouvelle, et m'en allay a l'heure mesme trouver monsieur le cardinal et sçavoir ce que j'avois a faire (comme au premier ministre, en l’absence du roy). Il me dit que le roy seroit le soir mesme a Paris, et qu'il avoit envoyé au gallop Mr Bouteillier, tant pour l’avertir du partement de Monsieur, que pour le conseiller de venir a Paris.

Il vint descendre cheux monsieur le cardinal, ou tout le monde se trouva, et de là il alla cheux la reine mere. Il me fit mettre dans son carrosse : il me donna un sanglier qu’il avoit pris le jour mesme, et me fit tres bonne chere. Il me dit en allant au Louvre qu’il alloit quereller la reine sa mere d’avoir fait partir de la court monsieur son frere. Je luy dis qu’elle seroit blamable sy elle l’avoit fait, et que je m’estonnois fort qu’elle luy eut conseillé telle chose. Il me respondit : « Sy a asseurement, pour la haine qu’elle porte a monsieur le cardinal. » Sur cela il entra cheux la reine sa mere quy avoit ce jour là pris quelque medecine.

Peu de jours apres le roy se resolut d'aller passer son caresme prenant a Compiegne, et les reines l’y voulurent suyvre. La veille qu’il partit pour y aller il me donna encores une heure de sanglier de sa chasse, me promit qu'a Compiegne il me feroit un don pour raccommoder mes affaires incommodées des extremes despenses que j'avois faites l’année precedente en Savoye.

Le dimanche 16me de fevrier nous primes congé [des reines ; car le roy m’avoit permis de passer le caresme prenant a Paris : je fus en suitte prendre congé][376] de madame la princesse de Conty, quy est la derniere fois que je l’ay veue ; lesquelles partirent le lendemain lundy 17me de fevrier pour s’acheminer a Compiegne, ou elle[377] fut sollicitée par le roy de s’accommoder avec monsieur le cardinal ; mais comme elle est tres entiere et opiniatre et que la playe estoit encores recente, elle n’y peut estre portée.

Le dimanche 23me fevrier je disnay cheux Mr le mareschal de Crequy, et de là m’en allant a la Place Royale cheux Mr de Saint Luc, je m’accrochay avec le chariot quy portoit dans la Bastille le lit de l'abbé de Foix quy y avoit esté mené prisonnier le matin[378], ce quy me fit sçavoir sa prise.

Sur le soir j’attendois l'heure d’aller a la comedie cheux Mr de Saint Geran quy la donnoit ce soir là, et le bal en suitte, quand Mr d’Espernon m’envoya prier de venir jusques cheux madame de Choisy[379], ou il estoit ; et y estant arrivé, il me dit que la reine mere avoit esté arrestée le matin mesme a Compiegne, d’ou le roy estoit party pour venir coucher a Senlis ; que madame la princesse de Conty avoit eu commandement par une lettre du roy que Mr de la Ville aux Clercs luy avoit portée, de s’en aller a Eu[380] ; que le roy avoit fait madame de la Flotte dame d’attour de la reine, et mademoyselle de Hautefort fille de la reine sa femme[381], et que toutes deux estoint venues a Senlis avec elle ; que le premier medecin de la reine[382] Mr Vautier avoit esté ammené prisonnier a la suite du roy, et finalement qu’il sçavoit de bonne part qu’il avoit esté mis sur le tapis de nous arrester, luy, le mareschal de Crequy, et moy ; qu'il n’y avoit encor esté rien conclu contre eux, mais qu'il avoit esté arresté que l’on me feroit prisonnier le mardy a l’arrivée du roy a Paris, dont il m’avoit voulu avertir affin que je songeasse a moy. Je luy demanday ce qu'il me conseilloit de faire, et ce que luy mesme vouloit faire. Il me dit que s'il n’avoit que cinquante ans, qu’il ne seroit pas une heure a Paris et qu’il se mettroit en lieu de seureté d’ou puis apres il pourroit faire sa paix ; mais qu’estant proche de quattre vingts ans il se sentoit bien encor assés fort pour faire une traitte, mais qu’il craindroit de demeurer le lendemain : c’estoit pour quoy, puis qu’il avoit esté sy mal habile de venir encor faire le courtisan a son eage, il estoit bien employé qu’il en pastit, et qu’il tenteroit toutes choses et mettroit toutes pierres en œuvre pour se restablir tellement quellement, et puis de s’en aller finir ses jours en paix dans son gouvernement ; mais pour moy qui estois encores jeune, en estat de servir et d’attendre une meilleure fortune, il me conseilloit de m’eslongner et de conserver ma liberté, et que il m'offroit de me prester cinquante mille escus pour passer deux mauvaises années, que je luy rendrois quand il en viendroit de bonnes.

Je luy rendis premierement tres humbles graces de son bon conseil et en suitte de son offre, et luy dis que ma modestie m'empeschoit d’accepter le dernier et ma conscience d'effectuer l’autre, estant tres innocent de tout crime et n’ayant jammais fait aucune action quy ne merite plustost louange et recompense que punition ; qu'il a paru que j’ay toujours plustost recherché la gloire que le proffit, et que, preferant mon honneur non seulement a ma liberté mais a ma propre vie, je ne le mettrois jammais en compromis par une fuitte quy pourroit faire soubçonner et douter de ma probité ; que depuis trente ans je servois la France et m'y estois attaché pour y faire ma fortune ; que je n’en voulois point maintenant (que j’approche l’eage de cinquante ans)[383] en chercher une nouvelle, et qu'ayant donné au roy mon service et ma vie je luy pouvois bien donner aussy ma liberté, qu’il me rendroit bien tost quand il jetteroit les yeux sur mes services et ma fidellité ; qu’au pis aller j’aimois mieux vieillir et mourir dans une prison, jugé d’un chascun innocent et mon maitre ingrat, que par une fuitte inconsiderée me faire croire coupable et soubçonner mesconnoissant des honneurs et charges que le roy m'a voulu departir ; que je ne me pouvois imaginer que l’on me veuille mettre prisonnier n’ayant rien fait, ny m’y retenir quand on ne trouvera aucune charge contre moy ; mais quand on voudra faire l’un et l’autre, que je le souffriray avesques grande constance et moderation, et qu’au lieu de m’eslongner je me resolvois des demain matin de m’aller presenter a Senlis au roy, ou pour me justifier sy l’on m’accuse, ou pour entrer en prison sy l'on me soubçonne, ou mesmes pour mourir sy on avere les douttes que l’on a peu prendre de moy, et quand on ne trouveroit rien a redire a ma vie ny a ma conduitte, pour mourir aussy, et genereusement et constamment, sy ma mauvaise fortune ou la rage de mes ennemis me pousse jusques a cette extremité.

Comme j'achevay ce discours Mr d’Espernon, les larmes aux yeux, m’embrassa et me dit : « Je ne sçay ce quy vous arrivera, et je prie Dieu de tout mon cœur que ce soit tout bien ; mais je n’ay jammais connu gentilhomme mieux né que vous, ny quy merite mieux toute bonne fortune : vous l’avés eue jusques icy ; Dieu vous la conserve, et bien que j’apprehende la resolution que vous avés prise, je l'approuve neammoins et vous conseille de la suyvre, ayant ouy et pesé vos raisons. »

Il me pria en suitte de n’esventer point cette nouvelle quy bien tost seroit publique, et me pria qu’au sortir de la comedie il me donnat a soupper cheux madame de Choisy ou il l’avoit fait apprester, et sur cela nous allames a la feste cheux Mr de Saint-Geran ou je trouvay Mr le mareschal de Crequy a quy Mr d’Espernon le dit devant moy et ce que je voulois faire, quy l’approuva, et dit que pour luy, il feroit ce qu’il pourroit pour destourner l'orage, mais qu’il l'attendroit.

Peu apres madame la Comtesse divulgua l’arrest de la reine mere, et nous ouismes la comedie, vismes le bal, et a minuit vinmes souper cheux madame de Choisy ou Mr de Chevreuse vint, quy ne fut gueres touché de l’eslongnement de sa bonne sœur de la court, et fut aussy gay que de coustume. Comme nous nous retirions, Mr du Plessis Pralain arriva, quy dit a Mr de Chevreuse de la part du roy que non par haine qu'il portat a sa maison, mais que pour le bien de son service il avoit eslongné madame sa sœur d’aupres de la reine sa mere.

Le lendemain lundy 24me jour de fevrier je me levay devant le jour et bruslay plus de six mille lettres d’amour que j'avois autrefois receues de diverses femmes, apprehendant que, sy l’on me prenoit prisonnier, on ne vint chercher dans ma maison, et que l’on n’y trouvât quelque chose quy peut nuire, estans les seuls papiers que j'avois, quy eussent peu prejudicier a quelqu'un. Puis je manday a Mr le comte de Gramont que je m’en allois trouver le roy a Senlis, et que, s’il y vouloit venir, je l'y menerois, ce qu’il fit volontiers, et l’estant venu prendre a son logis, il monta en mon carrosse, et nous allames jusques a Louvre[384] ou nous trouvasmes Mr le Comte, Mr le cardinal de la Vallette, et Mr de Boullon[385] quy montoint en carrosse, apres s’estre chauffés, pour passer a Senlis. Il voulut[386] que Mr de Gramont et moy nous missions en son carrosse pour y aller de compagnie, et me dit que je me vinsse chauffer : puis en montant quand et moy dans la chambre, il me dit : « Je sçay asseurement que l’on vous veut arrester ; sy vous m’en croyés vous vous retirerés, et sy vous voulés voylà deux coureurs quy vous meneront bravement a dix lieues d’icy. » Je le remerciay tres humblement et luy dis que n’ayant rien sur ma conscience de sinistre, je ne craignois rien aussy, et que j’aurois l'honneur de l’accompagner a Senlis, ou nous arrivasmes peu après et trouvasmes le roy avec la reine sa femme dans sa chambre et mesdames la Princesse et de Guymené[387]. Il vint a nous et nous dit : « Voylà la bonne compagnie » ; puis ayant un peu parlé a Mr le Comte et a M. le cardinal de la Vallette, il m’entretint assés longtemps, me disant qu’il avoit fait ce qu’il avoit peu pour porter la reine sa mere a se raccommoder avec monsieur le cardinal, mais qu’il n’y avoit sceu rien gaigner, ne me dit jammais rien de madame la princesse de Conty : puis je luy dis que l’on m’avoit donné avis qu’il me vouloit faire arrester et que j'estois venu le trouver affin que l’on n’eut point de peine a me chercher, et que, sy je sçavois ou c’est, je m'y en irois moy mesme sans que l’on m’y menat. Il me dit là dessus ces mesmes mots : « Comment, Betstein, aurois tu la pensée que je le voulusse faire ? Tu sçais bien que je t’ayme » ; et je crois certes qu'a cette heure là il le disoit comme il le pensoit. Sur cela on luy vint dire que monsieur le cardinal estoit en sa chambre, et lors il prit congé de la compagnie, et me dit que je fisse avancer le lendemain matin de bonne heure la compagnie quy estoit en garde affin qu’elle la peut faire a Paris, puis me donna le mot.

Nous demeurames quelque temps cheux la reine, et puis nous vinmes tous soupper cheux Mr de Longueville, et de là nous retournames cheux la reine ou estoit venu le roy apres soupper. Je vis bien qu’il y avoit quelque chose contre moy ; car le roy baissoit toujours la teste, jouant de la guittare sans me regarder et en toute la soirée ne me dit jammais un mot. Je le dis a Mr de Gramont, nous allant coucher ensemble en un logis que l’on nous avoit appresté.

Le lendemain mardy 25me jour de fevrier, je me levay a six heures du matin, et comme j’estois devant le feu avec ma robbe, le sieur de Launay lieutenant des gardes du corps entra en ma chambre et me dit : « Monsieur, c’est avec la larme a l’œil, et le cœur quy me saigne, que moy quy depuis vingt ans suis vostre soldat, et ay tousjours esté sous vous, sois obligé de vous dire que le roy m’a commandé de vous arrester. » Je ne ressentis aucune emotion particuliere a ce discours et luy dis : « Monsieur, vous n’y aurés pas grand peine, estant venu expres a ce sujet comme l’on m’en avoit averty. J'ay toute ma vie esté sommis aux volontés du roy quy peut disposer de moy et de ma liberté a sa volonté : » sur quoy je luy demanday s’il vouloit que mes gens se retirassent ; mais il me dit que non, et qu’il n’avoit autre charge que de m’arrester et puis de l'envoyer dire au roy, et que je pouvois parler a mes gens, escrire et mander tout ce qu’il me plairoit, et que tout m’estoit permis. Mr de Gramont allors se leva du lit et vint pleurant a moy, dont je me mis a rire, et luy dis que, s’il ne s’affligeoit de ma prison non plus que moy, il n’en auroit aucun ressentiment, comme de vray je ne m’en mis pas beaucoup en peine, ne croyant pas y demeurer longtemps[388]. Launay ne voulut jammais qu'aucun des gardes quy estoint avec luy entrassent dans ma chambre, et peu apres arriverent devant mon logis un carrosse du roy, ses mousquetaires a cheval, et trente de ses chevaux legers. Je me mis en carrosse avec Launay seul, et rencontray en sortant madame la Princesse quy montra estre touchée de ma disgrace ; puis marchames toujours deux cens pas devant le roy jusques a la porte de Saint Martin que je tournay a gauche, et passant par la Place Royale on me mena dans la Bastille, ou je mangeay avec le gouverneur Mr du Tramblay[389], et puis il me mena dans la chambre ou estoit autrefois Mr le Prince, dans laquelle on m’enferma avec un seul vallet.

Le mercredy 26me Mr du Tramblay me vint voir le soir, et me dit de la part du roy qu’il ne m'avoit point fait arrester pour aucune faute que j'aye faitte, et qu’il me tenoit son bon serviteur, mais de peur que l’on ne me portat a mal faire ; et que je n’y demeurerois pas longtemps : dont j’eus beaucoup de consolation. Il me dit de plus que le roy luy avoit commandé de me laisser toute liberté hormis celle de sortir ; que je pouvois prendre avec moy tels de mes gens que je voudrois, [parler a quy je voudrois][390], et me promener par toute la Bastille. Il adjouta encor a mon logement une autre chambre aupres de la mienne pour mes gens. Je ne pris que deux vallets et un cuisinier, et fus plus de deux mois sans vouloir sortir de ma chambre et n’en fusse point du tout sorty sy le ventre ne m’eut enflé de telle sorte que je creus mourir.

Deux jours apres mon emprisonnement je fis voir sy le roy auroit aggreable que mon neveu de Bassompierre le vit, quy me fit respondre que non seulement il l'aggreoit, mais mesmes qu’il le desiroit, et qu'il aymoit mon neveu pour l'amour de luy mesme, aussy bien qu’a ma consideration.

Mars. — Le roy partit incontinent apres le caresme prenant[391] pour aller a Orleans forcer monsieur son frere de le venir trouver. Mon neveu fit demander encores au roy ce qu’il luy plaisoit qu’il devint, et le roy luy fit dire qu’il seroit bien ayse qu'il vint a ce voyage avec luy ; sur quoy je le fis mettre en tres bon esquipage et l’envoyay a sa suitte. Monsieur frere du roy, sentant le roy s'approcher de luy, ne le voulut attendre et s’en alla par la Bourgongne a Besanson avec Mrs d’Elbeuf et de Bellegarde. Le roy le suivit jusques a Disjon, et en s’en retournant a Chanseaux[392] on fit dire a mon neveu que le roy n’aggreoit pas qu’il le suyvit ny mesmes qu’il demeurat en France, mais qu’il trouvoit bon qu’il vint prendre congé de luy, ce qu'il fit et se retira aupres de son pere en Lorraine.

Le roy revint aux contours de Paris, et je fis solliciter ma liberté ; mais ce fut en vain. Je tombay malade dans la Bastille d’une enfleure bien dangereuse provenue peut estre de n’avoir pas pris d'air : aussy des que j’eus esté prommener sur la terrasse, je commençay a desenfler[393].

Avril. — Je sceus en mesme temps la mort de madame la princesse de Conty, dont j’eus l’affliction que meritoit l’honneur que depuis mon arrivée a la court j’avois receu de cette princesse quy, outre tant d’autres perfections quy l’ont rendue admirable, avoit celle d’estre tres bonne amie et tres obligeante : j’honoreray sa memoire, et la regretteray le reste de mes jours. Elle fut tellement outrée de douleur de se voir separée de la reine mere avec quy elle avoit demeuré depuis qu’elle vint en France, sy affligée de voir sa maison persecutée, et ses amis et serviteurs en disgrace, qu’elle n’y voulut, ny sceut pas survivre, et mourut a Eu, un lundy dernier jour d’avril[394] de cette malheureuse année de 1631.

Pendant cela on fit quelques propositions a la reine mere de se aller tenir a Moulins, ou a Chasteautierry : mais elle se resolut de sortir de France[395], et ayant fait traitter avesques Vardes[396] pour la recevoir a la Capelle[397], le pere quy estoit l’ancien gouverneur ayant esté adverty de quelques pratiques quy se faisoint dans sa place, y courut jour et nuit, et y arriva le soir dont la reine s’y devoit rendre le lendemain, et y estant entré au desceu de son fils, parla aux soldats quy estoint ses creatures, quy le reconnurent pour gouverneur, et en chassa son fils, la comtesse de Moret, et Besanson[398] quy y estoint. Ils s’en allerent au devant de la reine mere qu'ils trouverent a une lieue de là, luy dirent l’accident quy les empeschoit de la servir selon son desir, et l’accompagnerent jusques a Avenes[399], ou de là elle alla a Brusselles où elle s'est tenue depuis ; ce quy fut cause de faire saisir son bien et son douaire.

Mr le comte de Saint-Paul mourut peu apres[400], ce quy fit rentrer Chasteautierry en la possession du roy.

La duchesse d’Onane quy avec madame d'Elbeuf avoint eu ordre de se retirer quand la reine mere fut laissée a Compiegne, estoit venue trouver madame la princesse de Conty a Eu, apres la mort de laquelle ayant sceu que la reine mere estoit sortie de France, s'embarqua a Eu, et l’alla trouver en Flandres.

Le roy de Suede quy l'année precedente estoit entré dans l’Allemaigne et y avoit fait de signalés progres qu’il continuoit encores en la presente s'avança de telle sorte qu'il vint joindre l’eslecteur de Saxe[401] quy avoit pris les armes contre l'empereur, quy envoya le comte de Tilly grand et heureux capitaine pour luy faire teste, lequel aupres de Leipsic estant venu donner la battaille au duc de Saxe, laquelle il gaigna, le roy de Suede averty que le comte de Tilly marchoit contre l’eslecteur alla toute la nuit avec quattre mille chevaux a son secours ; mais il le trouva en desroutte et sy a propos qu’il y mit et deffit a platte couture le comte de Tilly victorieux du Saxon[402] et le poursuivit sy vivement qu’il ne luy donna loysir de se reconnestre jusques a Erdfort quy est a pres de cent lieues françoises de là[403], tuant tout ce quy demeura par les chemins des restes de l’armée du Tilly, ce quy apporta une telle consternation aux affaires de l’empereur que sy le duc de Bavieres avec une puissante armée ne se fut opposé au Suedois, il n'eut rien trouvé en toute l'Allemaigne quy luy eut fait resistance.

Mr de Lorraine quy en ce temps là avoit quelques trouppes sur pié en leva encores en toute diligence, et avec huit mille hommes de pié et deux mille chevaux passa en Allemaigne au secours du duc de Bavieres son oncle : mon frere et mon neveu le suivirent en ce voyage, et mon neveu s’y signala. Mon cousin le comte de Pappenheim[404] vint aussy (septembre) et s’opposa au roy de Suede quy tourna teste vers la Franconie, prit Virtsbourg, Mayense et Francfort quy n’estoint fortifiés ny pourveus, et mit la terreur et l’effroy de telle sorte dans l’Allemaigne que tout se rendoit.

Octobre. — Pendant que Mr de Lorraine estoit en Allemaigne, et Monsieur frere du roy a Nancy ou il estoit venu se tenir peu apres s’estre retiré a Besanson, le roy s’en vint a Mets, et son armée a la frontiere de Lorraine[405], et Mr de Lorraine, estant averty qu’un sy puissant prince estoit avesques de telles forces sur ses confins, ayant en diligence rammené les siennes en son païs (novembre) ; et Monsieur s’estant de rechef retiré a Besanson, il fut fait quelque traitté entre le roy et Mr de Lorraine, par lequel Moyenvic luy fut rendu[406] et la ville de Marsal mise en ses mains pour quattre ans[407].

Comme le roy estoit a Mets, la court de parlement (quy pour avoir donné quelque arrest quy n’avoit pas pleu au roy l’esté precedent[408], avoit esté commandée de venir a pié trouver en corps le roy au Louvre, et luy porter ses registres ausquels Elle dechira de sa propre main lesdits arrets et y en fit enregistrer un de son conseil quy n’estoit pas a leur avantage), donna encores depuis quelques autres arrests quy ne pleurent pas a Sa Majesté[409], quy fit (decembre) qu’elle interdit cinq de la court, conseillers ou presidens[410], et manda que le premier et second presidens, accompagnés de nombre de conseillers, le vinssent trouver a Mets[411] ou Elle leur fit une forte reprimande.

De là le roy ayant envoyé le marquis de Bresé son ambassadeur vers le roy de Suede[412], il s’en revint aux contours de Paris achever l’année 1631[413].


1632.
Janvier.


Au commencement de l’année 1632, peu apres le retour du roy de son voyage de Mets, on me donna quelque esperance de ma liberté : mais je crois que ce fut plustost pour redoubler mes peines par cette esperance trompée que pour alleger mes maux par une meilleure condition ; car peu apres je vis bien que l’on ne me vouloit point eslargir. J’eus pour comble de mes peines la mort de mon frere quy survint bientost apres, causée par les travaux soufferts en l’armée d’Allemaigne l’année precedente, et par les desplaisirs de ma longue detention.

Monsieur le cardinal en suitte fut fait gouverneur de Bretaigne[414] et le mareschal de Marillac ayant esté longuement tenu a Sainte Menehou prisonnier, ou l’on luy instruisoit son proces, fut en fin ammené prisonnier a Ruel, et des juges nouveaux establis pour luy faire et parfaire son dit proces, luy ayant esté permis de choisir du conseil ; il fut jugé le.... jour de....[415], et executé en Greve le lendemain.

Mars. — Forces pratiques se firent de tous costés en France en faveur de Monsieur, mais principalement dans le Languedoc ou Mr de Montmorency se revolta[416], attirant avesques luy plusieurs villes, evesques, seigneurs, et autres partisans. D'autre costé le roy estoit en doubte du roy d'Angleterre, peu asseuré de Mr de Savoye[417] quy souffroit impatiemment que la ville et citadelle de Pignerol demeurat entre les mains du roy, bien que par traitté particulier il l’eut delaissée au roy[418], quy avoit aussy quelque ombrage du mareschal de Toiras, pour l’estroitte intelligence qu’il avoit avec Mr le duc de Savoye, pour avoir mis dans la citadelle de Casal le regiment de son neveu[419] et s’y estre rendu le plus fort, pour la mauvaise intelligence ou il estoit avec Mr Servien ambassadeur du roy pres de Mr de Savoye, et finalement pour les brigues et menées que Sa Majesté sçavoit que ses freres[420], (quy despendoint absolument de luy), faisoint dans le Languedoc (avril). Du costé de Roussillon il estoit venu par mer huit mille Italiens : on levoit aussy des Espagnols. Mr de Lorraine armoit puissamment de son costé, sous pretexte des Suedois quy avoysinoint son païs ; mais le roy se douttoit que ce fut en faveur de Monsieur, dont on luy avoit donné avis que le mariage se brassoit avec la princesse Margueritte sœur dudit duc. Monsieur de son costé avoit deux mille chevaux sur pié, et quelque infanterie ; de sorte que tout cela donnoit bien a penser au roy, quy ne peut estre persuadé de se saisir de la personne de Mr de Montmorency bien qu’il en eut eu des avis bien certains, mais l’envoya en son gouvernement pour y faire tenir les estats, et pour se preparer contre les forces quy estoint au comté de Roussillon ; cependant que Sa Majesté s’achemina (may) avec une forte armée en la Lorraine[421], au temps que l’armée hollandoise ayant pris Linguen[422], Ruremonde et quelques autres places sur les Espagnols, estoit venue attaquer Mastric et s’estoit tellement retranchée devant, que l’armée espagnole assistée de celle du comte de Pappenheim (quy s’en approcha), ne la peurent secourir, ny l’empescher d’estre prise sur la fin de l’automne[423], et en suitte le duché de Limbourg ; cependant qu’en Allemaigne le roy de Suede s’estoit mis en campaigne au renouveau et avoit mis la Schaube[424] sous sa puissance avec le marquisat de Bourgau[425], restably le Palatin dans ses païs usurpés, delivré le duc de Wirtemberg du joug de ses ennemis, et pris Tonnevert[426] et tout le duché de Bavieres a Ingolstat près, quand le Walestein avec une tres puissante armée s’avança à Nuremberg qu’il eut prise sy le roy de Suede n’y fut promptement accouru et ne se fut retranché entre la ville et luy : le duc de Bavieres se joygnit au Walestein et tenant le roy de Suede sur cul jusques a l'hiver, arresterent le cours de ses victoires pour cette année là ; et en suitte[427] le Walestein estant allé en Boheme et de là vers la Saxe pour chastier l’eslecteur, le roy de Suede y accourut et le Pappenheim le suyvit, et s’estans rencontrés ledit roy et le Walestein a Lutsen[428], ils se donnerent la battaille[429], que le roy de Suede gaigna ; mais il y fut tué, et aussy le Pappenheim quy y arriva comme la battaille se donnoit. Le duc Bernard de Weimarc[430] prit le soin de l’armée apres la mort du roy de Suede.

Le roy s’en vint avec une puissante armée fondre dans la Lorraine[431], prit le duché de Bar, a la Motte près, sans resistance[432], vint se saisir de Saint Miel, de Nomeni et du Pont a Mousson[433]. Mr de Lorraine joint avesques Monsieur avoint bien une armée suffisante pour luy resister ; mais comme Monsieur estoit appellé en Languedoc, il se separa de luy, quy en mesme temps traitta avec le roy[434] et luy donna pour asseurance trois places en despost pour trois ans, quy furent Stenay, Jamais, et Clermont en Argonne[435], puis estant venu trouver le roy quand il s’en retournoit, l’asseura de son service, en mesme temps que Monsieur avec plus de deux mille chevaux entra dans le duché de Bourgongne : le roy envoya Mr de la Force apres, puis encor Mr le mareschal de Chomberg avesques des forces suffisantes.

Il envoya en ce mesme temps en Alsasse Mr le mareschal d’Effiat avec une armée, et luy avec le reste de ses trouppes suyvit la piste de monsieur son frere[436] quy alla dans l'Auvergne pour passer de là en Languedoc ; et lors Mr le mareschal de la Force entra vers Beaucaire dans le Languedoc, tandis que Mr de Chomberg passa du costé d'Albi. Mr de Montmorency se joygnit lors a Monsieur avesques forces trouppes de pié et de cheval, et Monsieur envoya vers Beaucaire Mr d’Elbeuf pour s'opposer au mareschal de la Force, tandis qu’il vint pour attaquer Mr de Chomberg quy avoit assiegé Saint Felix de Carmain qu’il print et se voulant retirer a Castelnau Dary se trouva Monsieur en teste avec des forces beaucoup plus grandes que les siennes ; mais Mr de Moret ayant voulu aller voir de trop pres les ennemis fut rapporté mort[437], et Mr de Montmorency pensant estre suyvy du reste de l’armée quy ne bougea, chargea avec cinquante ou soissante chevaux, fit des merveilles ; mais en fin son cheval fut tué, et luy blessé de vingt coups, pris prisonnier, mené a Castelnau Dary, et l'armée de Monsieur, estonnée de ces deux grandes pertes, se retira sans combattre et se desbanda peu après (septembre). Le Fargis quy estoit allé chercher les Espagnols quy devoint venir au secours de Monsieur, s’avança pour luy en dire la nouvelle, qu’il trouva ayant desja envoyé vers le roy pour en obtenir quelque forme de paix, ce qu’il fit et fut renvoyé se tenir a Tours ou aux environs (octobre). Le roy receut les nouvelles a Lion de cet heureux succes, envoya de son costé Aiguebonne[438] trouver monsieur son frere et luy offrir ce qu’il accepta. Puis Sa Majesté passa a Beaucaire, a Montpelier, a Pesenas et Besiers ou il fit faire quelques executions, puis estant arrivé a Toulouse traitta un peu mal ceux de la ville quy avoint tesmoygné par trop leur affection a Mr de Montmorency lequel avoit esté transporté a Leitoure[439] pour le faire guerir, d’ou le roy le fit ammener a Toulouse, et la veille de la Toussaints dernier jour d'octobre, luy fit trancher la teste dans l’hostel de ville de Toulouse[440], d'ou il partit le lendemain (novembre) apres avoir fait Mr de Bresé mareschal de France[441], pour s’en revenir vers Paris par Limoges, la reine et monsieur le cardinal s'en retournans par Bordeaux et par la Rochelle.

Mr le mareschal d’Effiat estant entré dans l’Alsasse estoit pour y faire de grands progres ; car il avoit de belles forces et bien payées, y s’y comportoit fort bien, et tous les princes, seigneurs, et villes, se venoint mettre sous la protection du roy, redoutans ses armes, et apprehendans celles de Suede quy les avoysinoint : mais une soudaine maladie le fit mourir[442], et trancha le fil de tant de belles esperances.

Monsieur frere du roy quy n’avoit traitté (a ce qu’il disoit), que sous l’espoir de la delivrance de Mr de Montmorency, ayant sceu qu’il avoit eu la teste tranchée, se retira a grandes journées au comté de Bourgongne, et de là s’achemina en Flandres.

La reine avec monsieur le cardinal, monsieur le garde des sceaux et Mr de Chomberg, s’embarqua sur la Garonne a Toulouse et vint descendant jusques a Cadillac ou Mr le duc d’Espernon les receut superbement ; puis en suitte arriva a Bordeaux ou monsieur le cardinal tomba en une extreme maladie. La reine passa a Blayes avec le garde des sceaux[443], et Mr de Chomberg mourut en mesme temps d’apoplexie a Bordeaux[444], ou il y vint une sy grande quantité de noblesse de toutes parts mandée par Mr d'Espernon pour faire honneur a la reine, qu’elle mit en ombrage monsieur le cardinal, lequel se fit inopinement porter dans une barque et conduire a Blayes. Cependant la reine s’achemina a la Rochelle ou monsieur le cardinal la fit superbement recevoir, et luy a petites journées se fit porter a Richelieu, et vers la fin de l’année 1632 vint trouver le roy a Dourdan[445] ou toute la court fut au devant de luy.


1633.
Janvier.


Au commencement de l’année 1633 j’eus une grande esperance de liberté. Mr de Chomberg m’avoit fait dire qu'a ce retour du roy on me sortiroit de la Bastille, monsieur le cardinal l'ayant tesmoygné a plusieurs, et le roy s’en estant ouvert a quelques personnes ; et tous mes amis s’en resjouissoint avec moy, quand on fit servir le partement de Monsieur frere du roy de pretexte pour ma detention, et au mesme temps au lieu de me delivrer, on m’osta cette partie de mes appointemens quy m’avoit esté payée les deux années precedentes, bien que je fusse prisonnier, quy montoit au tiers de ce que j'avois accoustumé de tirer par an. Cela me fit bien voir que l’on me vouloit eterniser a la Bastille : aussy des lors cesse je d’esperer qu’en Dieu.

Fevrier. — Au mois de fevrier monsieur le garde des sceaux commença a sentir le revers de fortune, et recevoir moins bon visage du roy et de monsieur le cardinal qu’il n’avoit accoustumé ; ce quy continua de sorte que le 25me de fevrier, a pareil jour que j’avois esté arresté deux ans justement auparavant, il fut mis prisonnier a Saint Germain en Laye, et le lendemain en bonne et seure garde conduit au chasteau d’Angoulesme, ou il est demeuré. On prit en mesme temps son neveu de Leuville[446], le chevalier de Jars son confident, son secretaire Menessier, Mignon, et Joly[447]. On delivra peu apres ces deux derniers : on mit en liberté Menessier quy avoit perdu le sens. Le chevalier de Jars fut mené dans la Bastille quand et Leuville ; mais il en fut retiré au bout de deux mois, mené a Troyes ou son proces luy ayant esté fait et parfait, il fut condamné a avoir la teste tranchée, mené sur l'eschafaut et puis on luy cria grace[448] : mais en effet ce fut commutation de peine ; car il fut rammené en la Bastille où il a demeuré depuis. Quant au marquis de Leuville, il y a toujours demeuré ; et le roy donna les sceaux au president Siguier[449].

Peu de temps apres les Suedois vindrent prendre sur le duc de Lorraine une ville nommée Bouquenom[450], dont le duc s’estant plaint au roy quy luy avoit promis d’empescher qu’ils ne touchassent a ses estats, il n’en eut point de raddresse ; ce quy le porta a lever des trouppes, et contre le desir du roy, d’entrer en Alsasse : dont le roy indigné, quy desja avoit eu quelque nouvelle du mariage de monsieur son frere avec la princesse Margueritte sœur dudit duc, (bien que les uns et les autres luy eussent toujours nié), s’avança vers Chasteautierry en mesme temps que la petite armée du duc fut deffaitte par les Suedois en Alsasse[451] : ce quy fit que le roy s’avança promptement a Chalons ou le cardinal de Lorraine le vint trouver, et fut tres bien veu et receu de luy : mais comme, le lendemain, il estoit au conseil avec le roy pour traitter des affaires du duc son frere, le roy luy dit qu’il avoit divers avis que depuis un an, sans son sceu, Monsieur son frere s’estoit marié avec la princesse Margueritte sœur du duc, et la sienne, et qu’il desiroit sçavoir ce quy en estoit. Le cardinal respondit que sy l’on luy eut demandé, il en eut dit la verité, ne sçachant point jamais mentir, et qu’il estoit vray que le mariage avoit esté fait et consummé des l’année precedente. Allors le roy luy dit qu'il ne vouloit aucun traitté, et fit avancer ses trouppes jusques contre Nancy. Le duc se retira avec les siennes dans la Vosge tandis que le cardinal faisoit des allées et venues (septembre) pour quelque paix ; et en mesme temps bien que Nancy fut investie, la princesse Marguerite en sortit desguisée[452] et vint a Thionville ou Monsieur luy envoya avec Puilorens ses carrosses et officiers pour l’ammener a Brusselles. Allors le roy vint assieger Nancy et y faire une forte circonvallation ; mais le cardinal de Lorraine moyenna une paix[453] par laquelle le duc mit Nancy entre les mains du roy, outre les autres places qu’il luy avoit données, et ce pour la tenir en depost trois années durant, et le duc vint trouver le roy. Puis Sa Majesté entra dans Nancy la neuve, ou apres y avoir mis une forte garnison et a la vielle ville aussy en laquelle le duc demeuroit, il s’en revint aux environs de Paris ou il finit l’année 1633.


1634.
Janvier.


Au commencement de l’année 1634 on me fit dire de l’espargne que mes appointemens des Suisses, de deux mille livres par mois (quy en l’année precedente avoint esté suspendus), estoint encores en fonds entre les mains du tresorier de l’espargne, et que, sy j'en voulois faire dire un mot, on croyoit qu’ils me seroint delivrés. J'avois gardé par modestie le silence sur cette affaire là, sans me plaindre du retranchement que l’on m’en avoit fait, ny sans en poursuivre le restablissement ; mais puis que l’on me donnoit cet avis quy peut estre venoit de plus loing, j'eus crainte que mon silence ne fut attribué a gloire, ou a despit. Cela fut cause que je priay le gouverneur de la Bastille de dire de ma part a monsieur le cardinal que je le tenois sy genereux qu’il n'auroit pas voulu me donner cette petite mortification de me faire oster mes appointemens avesques ma liberté, et que je le suppliois tres humblement de me procurer cette grace aupres du roy qu’Elle me donnat ce moyen de pouvoir payer les arrerages des rentes que j'ay constituées en le servant. Monsieur le cardinal me manda (fevrier) qu’il me vouloit obliger en cette occasion, qu’il me promettoit d'en parler avec efficace, et se promettoit de l'obtenir du roy, [et de fait peu de jours apres il me manda qu’il l'avoit obtenu du roy][454], mesmes m'en fit delivrer l'ordonnance. Mais comme on la presenta devant monsieur le cardinal a Mr de Bulion pour la faire payer, il[455] dit que le roy luy avoit expressement deffendu de ne la payer ; sur quoy monsieur le cardinal, sans contester, rompit l'ordonnance ; ce que l'on me fit sçavoir, et je n’y pensay plus. Et en ce mesme temps (avril) fut donné un rude arrest au conseil contre Mr d’Espernon sur quelque exces commis par luy en la personne de l’archevesque de Bordeaux ; neammoins le roy voulut et opiniatra que monsieur le cardinal eslongnat ledit archevesque d’aupres de luy, ce qu’il fit[456].

Le prince Tomas de Savoye se retira en ce temps là d’aupres de son frere, et quitta la pension de France pour se retirer en Flandres.

Mr de Lorraine, apres la paix qu’il avoit obtenue du roy, envoya ce qu’il avoit de trouppes avesques celles de l’empereur commandées par Mr le marquis de Baden, Edouart[457], et par le comte de Salm[458] ; desquelles trouppes Mr de Lorraine donna le commandement a mon neveu de Bassompierre. Et voyant ledit duc que le roy ne se pouvoit satisfaire de ses actions, et que ses ennemis luy rendoint de perpetuels mauvais offices aupres de luy, il envoya premierement son frere le cardinal en France pour se justifier, et voyant qu'il ne le pouvoit faire, se resolut de quitter son estat et de le renoncer a son dit frere, ce qu'il fit par acte authentique[459] ; et puis ayant mis son dit frere en possession, il se retira a Besançon. Et en ce mesme temps les troupes imperiales de l’Alsasse estans venues aux mains avec les Suedoises[460], elles furent deffaittes sans resistance par le reingraf Otto, suedois ; et mon neveu quy ne voulut pas fuir comme les autres, allant bravement avec peu de gens charger les ennemis, fut en fin blessé en deux endroits, et son cheval tué sous lequel il fut pris prisonnier[461]. Les ennemis le traitterent bien, comme parent et amy du comte Otto, et le firent panser. Il est demeuré estropié du bras droit, mais en fin sorty a petite rançon, et alla retrouver son maitre en Tirol ou il estoit retiré aupres du cardinal infant[462] quy estant des l’année precedente passé en Italie, s’estoit allors acheminé en Tirol pour de là passer en Flandres.

Apres que le nouveau duc cardinal de Lorraine eut par resignation entré en possession du duché, il envoya au roy pour luy faire sçavoir, lequel ne le voulut pas reconnestre tel, a cause que, n’admettant cette loy salique que l’on avoit voulu establir en Lorraine, il disoit cet estat appartenir aux deux filles du feu duc, et que le duc Charles n’y avoit droit qu’a cause de sa femme, laquelle, bien qu’elle eut fait quelque renontiation a son proffit, n’en pouvoit pas frustrer sa jeune sœur ; outre qu’elle avoit fait quelque protestation en renonçant, et qu’elle estoit en intelligence secrette avec le roy. Lors ledit cardinal pour se plus asseurer en son nouvel estat, se resolut d’espouser la jeune princesse sœur de la duchesse[463], dont les ministres du roy en Lorraine ayant eu le vent, se mirent en estat de l’empescher, envoyerent prier le nouveau duc quy estoit a Luneville de venir a Nancy avec les princesses. Le mesme jour[464] le duc se maria a la princesse, et vint coucher a Saint Nicolas[465] ou le lendemain matin se trouverent vingt compagnies de cavalerie françoises pour les arrester tous ; mais ils trouverent le duc dans le lit couché avec sa femme. On les ammena tous au chasteau de Nancy avec seure garde. La princesse de Pfalsbourg se sauva a quelques jours de là, et s’en alla a Besanson trouver le duc Charles son frere, et peu apres alla en Flandres aupres de madame sa sœur. Cependant les autres princesses, et le duc, estoint a Nancy avec grande garde au chasteau outre celle quy estoit aux deux villes[466]. Neammoins le duc et sa femme trouverent moyen d’eschapper premierement du chasteau le soir du dernier jour de mars, et le lendemain matin, premier d'avril, de sortir de la ville. Un carrosse l’attendoit hors de la porte, ou ils se mirent, et allans en diligence a Mirecourt sortirent de la Lorraine et se sauverent a Besanson.

Cependant, en Allemaigne, le Walestein quy depuis son restablissement a l’estat de general des armes de l'empire, avoit toujours eu dessein de se revolter contre son empereur, et quy l’année precedente n’avoit voulu faire aucun effet avec la grande armée qu’il avoit, retenu par les intelligences qu’il avoit avec les Suedois, et autres princes, et par une ambition de se faire roy de Boheme, en fin se declara ouvertement contre l’empereur, fit prester a l’armée le serment en son nom, et donna aux soldats deux montres de son argent. Mais sur ces entrefaittes estant venu a Egra[467], l’empereur ayant donné charge a ses fidelles serviteurs d’exterminer ce rebelle, et tous souffrans impatiemment de l’estre comme luy, et de devenir sujets de cet homme, de soy insupportable, de mayson mediocre, et que la pluspart avoint veu leur esgal et compagnon, ils firent une entreprise pour le tuer, ce qu’ils executerent dans Egra le ... jour de ...[468], et avec luy massacrerent le colonel Tertski, Quinski, et un autre, son secretaire[469], et un page quy se voulut mettre en deffense. En suitte on jetta les corps par la fenestre, quy furent quelque temps en spectacle sur le pavé, puis mis en quartiers en divers endroits pour y estre veus et remarqués. L'armée en suitte fit nouveau serment a l’empereur quy donna la lieutenance generale de ses armées a son fils ayné l’esleu roy de Hongrie[470], lequel vint assieger Ratisbonne prise l'année precedente sur l’empereur, ou le duc de Lorraine, quy avoit cedé son estat a son frere, s’en alla avec la charge de l’armée sous ledit roy, et mon neveu estant sorty de prison s’y en alla le trouver. Le roy de Hongrie prit en fin Ratisbonne (juillet), y ayant perdu beaucoup de gens devant[471], et de là s’en alla reprendre Tonauwert que le roy de Suede deux ans auparavant avoit prise, puis vint mettre le siege devant Nortlinguen[472]. Cela ay je voulu dire de suitte pour ne le point entremesler avec d’autres choses.

Apres que Mr le nouveau duc de Lorraine se fut sauvé avec sa nouvelle femme comme il a esté dit cy dessus, le roy quy ne vouloit pas qu’il en arrivat de mesme a la duchesse de Lorraine (femme du duc Charles), la fit emmener avec bonne et seure garde a Paris ou elle demeura en toute liberté, et la receut a Fontainebleau[473], ou elle luy vint faire la reverence, avec beaucoup d'honneur ; et en mesme temps se saisit de tout le duché de Lorraine sans resistance qu’a la Motte et a Bitsch[474] lesquels il fit assieger : ce dernier dura peu a se rendre[475] ; mais la Motte s’est conservée tant que son gouverneur nommé Iche a vescu et encores six semaines apres sa mort sous son lieutenant nommé Vatteville, suisse, et le frere du mort quy est capucin[476].

Comme le roy estoit a Fontainebleau, monsieur le cardinal quy est soigneux d’observer les parolles qu’il donne, parla au roy sur le restablissement de mes appointemens de colonel general des Suisses et fit que le roy ordonna qu’ils me seroint payés : et en ce mesme temps je fis offrir de me deffaire de ma ditte charge en prenant quelque recompense pour ayder a payer mes dettes, et fis tres humblement supplier monsieur le cardinal par Mr du Tramblay de le faire aggreer au roy ; et parce que ledit sieur du Tramblay estoit tres parfait amy de Rochefort[477] quy est beau fils de Montmort et que je jugeay la bourse de Montmort capable de me bien payer cette charge, je proposay audit sieur du Tramblay de faire office pour Rochefort a ce qu’il peut avoir permission de la recompenser, ce qu’il fit, et obtint l’un et l’autre (aust). Mais ce villain de Rochefort, pour esperer d’avoir quelque meilleur marché, apres m’en avoir offert quattre cent mil francs d’une chose dont autrefois j’en avois refusé huit cent mille, vint pratiquer villainement monsieur le cardinal pour faire ordonner que je luy laisserois a ce prix, et en suitte vint trouver ceux quy traittoint avec moy pour d’autres de la mesme charge affin de les <ref follow=p168>Choiseul, seigneur d’Ische, et de Jeanne de Lavaux, gouverneur de la Mothe, et bailli de Bassigny, fut tué le 21 juin. — Louis, baron de Watteville, marié à Jeanne de Choiseul, sœur du seigneur d’Ische. — Christophe de Choiseul, capucin appelé frère Eustache, frère du seigneur d’Ische. — La Mothe capitula le 26 juillet, après un long siége. destourner de m’en rien offrir. Ils firent aussy en sorte que mes dits appointemens deux fois promis furent pour la seconde fois refusés : et moy je continuay ma miserable prison dans la Bastille avec grande incommodité dans mes affaires domestiques.

Peu apres[478] il fut convenu entre les Suedois et les commissaires du roy estans a l’assemblée de Francfort que Philipsbourg seroit mis entre ses mains aux conditions quy furent stipulées entre eux ; et le roy quy avoit pres de six vingt mille hommes sur pié envoya une forte armée en Allemaigne sous Mr le mareschal de la Force quy neammoins ne passa pas sy tost le Rein.

Le roy de Hongrie assiegeoit cependant Nortlinguen avec l’armée imperiale et celle de la ligue catholique dont le duc de Bavieres avoit resinné la generalité au duc de Lorraine son neveu[479], et l'infant cardinal d'Espaigne s'avançoit pour se joindre a eux ; mais les armées suedoises s’assemblerent tant pour les empescher de se mettre en un corps, que pour secourir Nortlinguen, et en faire lever le siege : mais l’armée de l’infant estant jointe aux autres, ce que les Suedois ignoroint, et ne voulans attendre le reingraf quy leur ammenoit de belles trouppes de secours, vindrent presenter la battaille aux Imperiaux, laquelle, apres une longue contestation et un grand carnage, les Imperiaux gaignerent[480] et prindrent le general Horn[481] prisonnier et en suitte la ville de Nortlinguen ; ou mon neveu se trouva a la suitte du duc de Lorraine, et s’y signala[482].

Octobre. — Le dimanche 8me jour d'octobre, Monsieur frere du roy quitta la Flandre et vint sur des coureux le mesme jour a la Capelle. Il vint trouver le roy a Saint Germain le samedy 2me du mesme mois, quy le receut tres bien. Il vint le lendemain a Ruel cheux monsieur le cardinal quy le festina, puis revint a Saint Germain et en partit le lundy 23me pour aller a Limours, ou mademoyselle sa fille l’attendoit.

Le dimanche ...[483] de novembre les fiançailles furent faites au Louvre de Mr de la Vallette[484] avec la fille ainée de Mr de Pontchasteau cousin germain de monsieur le cardinal de Richelieu[485], et en mesme temps de Mr de Puilorens avec la seconde fille dudit Pontchasteau[486], et en suitte de Mr le comte de Guiche avec la fille de Mr du Plessis de Chivray quy est aussy cousin germain de monsieur le cardinal[487].

Le mardy[488] quy fut le jour des noces madame de Combalet fit festin a disner aux fiancés et aux fiancées et a quelques uns des parens. Puis la reine se rendit sur les quattre heures a l’Arsenac ou monsieur le cardinal la receut avec forces canonnades et feux d’artifices ; puis elle fut a une tres belle comedie, et de là a un superbe festin ; puis apres forces musiques et le bal, les mariés allerent consummer leurs mariages.

Le ...[489] de decembre M de Puilorens presta serment et fut receu en parlement duc et pair d’Esguillon ; et le lundy 11me ensuivant, Monsieur frere du roy arriva en poste a Paris pour voir Puilorens quy s’estoit blessé tombant dans un carrosse.

Le jeudy 14me Mr du Tramblay gouverneur de la Bastille me vint reparler de la vendition de ma charge, et que sy j'y voulois entendre, qu’en suitte il voyoit ma liberté asseurée, [mais qu’il n’avoit charge de m’en offrir que quattre cent mille livres, et que c’estoit pour des personnes puissantes et quy pouvoint extremement servir a ma liberté][490]. Je luy respondis que j’avois toujours offert de la laisser et resigner a un des proches de monsieur le cardinal pour le prix que mon dit seigneur le cardinal y voudroit ordonner, et que pour un autre ce seroit a plus haut prix que j’en pourrois tirer[491]. Il me respondit qu'il ne me pouvoit pas dire pour quy c’estoit, mais qu’il y avoit grande apparence qu’une telle charge ne tomberoit pas qu’en bonnes mains, et me fit bien comprendre que ce seroit pour un de ses parens[492]. Allors je consentis aux quattre cent mille livres offertes pourveu que l’on me fit quand et quand payer de mes appointemens de ladite charge, quy m’estoint deus depuis ma captivité ; ce qu’il me promit de representer, et que des le lendemain matin il iroit porter ma response au pere Josef son frere, quy estoit venu de Ruel expres pour cette affaire. Mais comme le vendredy 15me[493] ledit pere eut esté mandé de grand matin par monsieur le cardinal pour l'aller trouver a Ruel, Mr du Tramblay s’y en alla le lendemain samedy 16me luy porter ma response et quand et quand la demande que je faisois des appointemens escheus de ma ditte charge ; ce que le pere Josef et Mrs Bouteillier pere et fils[494] trouverent raysonnable, et me manderent par Mr du Tramblay qu'ils estoint tres ayses que je me fusse franchement porté a ce que l’on desiroit de moy ; qu’ils feroint entendre ma response a monsieur le cardinal quy en seroit asseurement bien satisfait ; qu’ils mesnageroint mes pretentions de mes appointemens en sorte que j’en aurois contentement, et que j'eusse bonne esperance de ma prochaine liberté, et que tous trois entreprenoint mes affaires, et s’en vouloint charger, partant que je les laissasse faire. Mr du Tramblay me dit de plus, de luy mesme, qu’il ne pensoit pas que je deusse estre a Nouel dans la Bastille. Il me fit aussy soubçonner que ma dite charge tomberoit entre les mains de Mr de Pontchasteau, et en survivance au marquis de Coualin son fils[495].

Le roy des lors commença son ballet et le recorda a Saint Germain jusques vers Nouel qu’il s’en revint a Paris avec toute la court, ou l'on luy fit aggreer la personne du marquis de Coualin pour me succeder en la charge de colonel general des Suisses ; et Mr le garde des sceaux de Siguier luy en fut rendre graces[496] deux jours avant le premier jour de l’année 1635 : et lors il fut divulgué que ledit marquis de Coualin seroit colonel general, et monsieur le garde des sceaux m’en fit faire quelques complimens par Mr du Tramblay : et lors le bruit quy avoit six semaines auparavant esté fort grand de ma sortie, s’augmenta sy fort que quantité de personnes venoint tous les jours voir a la Bastille sy j'y estois encores, et l’on tenoit pour asseuré que je sortirois aux Rois.


1635.
Janvier.


Neammoins cela retarda tout le mois de janvier, ou a cause de la multitude des affaires quy ne permirent pas au pere Josef de prendre l’ordre de monsieur le cardinal pour me venir parler jusques au samedy 27me de janvier qu’il en receut le commandement : mais le lundy 29me arriva la nouvelle de la prise de Philipsbourg sur le Rein par les trouppes imperiales commandées par le colonel Bamberg quy en avoit autrefois esté gouverneur[497], ce quy l'occupa de telle sorte qu’il remit a me venir parler au jour de la Chandeleur. Mais par malheur la veille, quy fut le jeudy premier jour de fevrier, il tomba en allant voir les filles benedictines des marais du Temple, et se blessa de telle sorte qu’il en fut plusieurs jours au lit.

Cependant Mr le premier escuier de Saint Simon fut par le roy en ce temps là honoré de la dignité de duc et pair de France[498] : et en suitte le mercredy 14me, sur quelque connoissance que le roy eut que le duc de Puilorens traittoit et pratiquoit avesques les estrangers et autres ennemis de l’estat, contre les asseurances qu’il avoit données a Sa Majesté depuis sa derniere abolition, Elle le fit arrester prisonnier par Gordes, capitaine des gardes, dans son cabinet, quy le mena de là en la chambre de Mr de Chevreuse au Louvre ; et en mesme temps Charros, aussy capitaine des gardes, arresta dans la court du Louvre Le Fargis ; et Le Coudray Montpensier le fut cheux monsieur le garde des sceaux, et peu apres mené a la Bastille. L'on prit aussy en mesme temps Charnisay[499], Saint Quentin[500], les deux freres Senantes, et .....[501] secretaire du duc de Puilorens, quy furent menés cheux le chevalier du guet. Le roy parla a Monsieur, et le satisfit.

Le jeudy 15me au matin on mena avec grande escorte le duc de Puilorens, et Le Fargis, dans le bois de Vincennes au donjeon. Monsieur frere du roy fut voir monsieur le cardinal, et sortirent bien ensemble. On mit Brion[502] a la place de Puilorens au ballet du roy. On mena les deux Senantes a la Bastille, et on fit tout saysir cheux le duc de Puilorens. Madame de Verderonne et ses deux fils (dont l’ainé estoit chancelier de Monsieur)[503], eurent ordre de se retirer en leur maison de Stors.

Le vendredy 16me Mr Bouteillier me fit dire qu’il me viendroit trouver de la part du roy, a sept heures du matin. Mais luy estant arrivé un courrier quy luy apporta nouvelle que Mr de Lorraine estoit entré dans la Lorraine et estoit a Luneville, comme aussy de la deffaitte des compagnies des barons de la Fresseliere[504] et de sue[505] par les Imperiaux, il en fut le matin porter la despesche au roy et a monsieur le cardinal, et remit la partie au soir ; a quoy il ne manqua pas sur les neuf a dix heures du soir, et m’asseura des bonnes graces du roy, et de l'affection de monsieur le cardinal, comme aussy de ma sortie sans m'en specifier le temps. Il me dit de plus que le roy me nommoit le marquis de Coualin pour estre en ma place colonel general des Suisses, lequel me donneroit, (moyennant ce), quattre cent mille livres comptant, et que pour ce quy concernoit les gages et appointemens quy m’estoint deus de la ditte charge, que mes amis, sçavoir son pere, luy, et le pere Josef, n’en avoint voulu faire ouverture, remettans a moy mesme d’en traitter apres ma sortie ; a quoy je n’eus autre chose a faire qu'a y acquiescer.

Le dimanche 18me le roy dansa un grand ballet au Louvre avec la reine : et le lundy 19me Mr Thuder, doyen de Nostre Dame et conseiller de la grand chambre, me vint trouver de la part de monsieur le garde des sceaux son neveu[506], pour conclure nostre traitté de ma charge de colonel general des Suisses pour le marquis de Coualin fils de Mr de Pontchasteau, neveu de monsieur le cardinal, et gendre dudit garde des sceaux ; lequel apres avoir assés longtemps conferé avec moy, remit a parler a monsieur le garde des sceaux sur toutes les difficultés quy se presenterent en l'affaire, et ne vint point le mardy 20me, jour de caresme prenant, ny le jour des Cendres suyvant, que l’on ammena encor en la Bastille un des gentilshommes de Monsieur frere du roy, nommé Saint Quentin, prisonnier.

Mais le jeudy 22me ledit Thuder revint en compagnie de Mr des Noyers intendant des finances[507] avec lesquels je passay compromis de ma dite charge en faveur dudit marquis de Coualin pour la somme de quattre cent mille livres payable dans quinse jours suyvans.

Ce mesme jour les sceaux de Monsieur frere du roy[508] furent ostés a Verderonne quy peu de jours auparavant en avoit esté pourveu, et furent donnés a Mr Bouteillier le fils.

Le dimanche 25me de fevrier, jour auquel, quattre ans auparavant, j'avois esté ammené prisonnier a la Bastille, on dansa un ballet a l’Arsenac, ou le roy, la reine, et Monsieur se trouverent, au sortir duquel Monsieur print congé du roy, et s’en alla avec six chevaux de poste a Blois.

Le roy s’en alla le mesme jour a Senlis, et ce mesme lundy 26me monsieur le garde des sceaux dit a mon intendant qu’il me feroit donner deux cent mille livres comptant de ma charge de colonel general des Suisses pour son beau fils de Coualin, et qu'il entendoit qu’en suitte je luy misse en main ma demission, et qu'a loysir apres estre receu[509] il me feroit donner les autres deux cent mille livres ; ce quy me mit en colere, et luy manday que je ne donnerois point ma demission que je ne fusse entierement payé.

Le mardy 27me Mr des Noyers intendant me vint voir, et je luy dis franchement ma resolution pour la faire entendre a monsieur le garde des sceaux.

Le mercredy 28me il m’envoya le sieur Lopes avec lequel je m’accorday qu’il m’envoyeroit toute la somme dans la Bastille, que Mr du Tramblay gouverneur recevroit en depost pour me la donner lors que je donnerois ma demission.

Mars. — Le jeudy premier de mars monsieur le garde des sceaux m’envoya visiter par son secretaire, et me prier de luy envoyer copie de mes provisions, ce que je fis.

Le dimanche 4me je rentray en nouvelles difficultés avec monsieur le garde des sceaux quy me fit dire qu’il entendoit de me donner des pistolles, ce quy estoit contraire a ce que j'avois convenu avec Mr des Noyers et Thuder : je luy manday que je n’en ferois rien.

Le lundy 5me il m’envoya Lopes auquel j’accorday que je prendrois quattre milles pistolles seulement.

Le mardy 6me un nommé Pepin, intendant de monsieur le garde des sceaux, me vint prier de sa part de prendre jusques a cinq mille pistolles ; ce que je luy accorday, et le mesme jour il commença a m'apporter 33,000 livres. Ce jour mesme j’eus asseurance de ma prochaine liberté, et que Mr Bouteillier le fils estoit allé a Senlis pour prendre du roy la forme de l’executer.

Le mercredy 7me Pepin m’apporta 53,353[510] livres.

Le jeudy 8me le mesme Pepin m’apporta encores 200,000 livres.

Le samedy 10me Pepin m’apporta 40,000 livres.

Le dimanche 11me monsieur le cardinal arriva a Paris parce que Mademoyselle[511] voulut danser son ballet cheux luy ; et monsieur le garde des sceaux, quy desiroit que son gendre allat le lendemain trouver le roy avesques luy, pour prester son serment de colonel general des Suisses, me fit prier d’anticiper le temps porté pour luy donner ma demission sur l’asseurance qu’il me donnoit de m'envoyer le lendemain le reste de mon argent, ce que je luy accorday : mais il se ravisa et ne la voulut point.

Le lundy 12me jour de mars Pepin et Lopes me vindrent apporter le reste des quattre cent mille livres convenues, assavoir 73,665 livres, et moy je leur donnay quittance generale, et ma demission ; ce quy se passa en mesme mois, jour, et heure, que vingt et un ans auparavant j'avois presté serment entre les mains du roy de la mesme charge de colonel general des Suisses.

Le dimanche 18me ensuyvant, Mr Bouteillier le fils me vint trouver a la Bastille, et apres m'avoir fait des recommandations de Mr le cardinal de Richelieu, il me dit que mondit sieur le cardinal avoit parlé au roy de ma liberté, laquelle il avoit accordée, et qu’au premier jour je sortirois. Neammoins je le pressay fort de me dire a quel jour precisement je sortirois ; ce qu’il ne voulut faire, bien me dit il que sy dans huit jours je n’estois en pleine liberté, que je luy en escrivisse a Blois, (ou il alloit faire sa charge de chancelier de Monsieur), une lettre de reproche.

Avril. — Le dimanche des Rameaux arriva, quy fut le premier jour d’avril, sans que j’eusse aucune nouvelle de ma sortie, et celles quy vindrent de la prise de Treves et de l’eslecteur[512] servirent de pretexte a ceux quy m’asseuroint de ma liberté de me dire que cette prise et l’arrivée de l’Oxenstern[513] quy se retiroit d’Allemaigne, donnoint tant d'affaires a monsieur le cardinal qu’il ne pouvoit penser aux miennes.

Ainsy je passay mes Pasques et mesmes Quasimodo sans sçavoir aucune nouvelle, hormis le lundy 16me que Mr le Prince, (lequel ayant esté mandé pour l'envoyer commander en Lorraine, estoit venu a la court deux jours auparavant), me manda que monsieur le cardinal luy avoit dit que l’on m’alloit faire sortir, et ce avec honneur, et les bonnes graces du roy.

Ce mesme jour monsieur le cardinal arriva a Paris, et Monsieur frere du roy, que l’on avoit aussy envoyé querir et quy estoit arrivé le jeudy auparavant, fut a la comedie, et a soupper cheux monsieur le cardinal, quy dit a ceux quy luy parlerent de ma part, que le lendemain il en parleroit au roy. Mais Sa Majesté partit le lendemain mardy 17me pour aller a Compiegne, et deux jours apres monsieur le cardinal s’y achemina.

[Le roy eut le 18me une assés grande sincope en partant de Senlis ; mais par la grace de Dieu elle se passa, et le roy se rendit ce jour là mesme a Compiegne, ou monsieur le cardinal vint deux jours apres][514], comme aussy fit peu apres le chancelier de Suede Oxenstern, quy s’en retournoit en Suede[515] ; le roy le deffraya et receut tres bien : il vint aussy un ambassadeur de Hollande ; toutes lesquelles choses servirent encores de pretexte a retarder l'effet de ma liberté tant de fois promise, de sorte que ceux que j’avois envoyés la solliciter s’en retournerent comme ils estoint venus, ayans veu partir le dimanche 22me monsieur le cardinal[516], et le roy le lundy 30me et dernier jour d'avril, pour aller a Peronne. Mais le soir mesme le pere Josef escrivit a son frere du Tramblay gouverneur de la Bastille qu’il me pouvoit asseurer que je recevrois mon entiere liberté par le retour a Paris du jeune Bouteillier quy me la devoit porter, lequel arriva le samedy 5me de may a Paris ; et ma niece de Beuvron[517] l’ayant esté voir, il luy dit qu’il avoit eu entre ses mains la despesche de ma liberté, mais que la nouvelle quy estoit venue au roy que Monsieur son frere estoit party de Blois luy sixieme, et s’en estoit allé en Bretaigne peut estre pour s’aller embarquer pour passer en Angleterre, avoit esté cause que l’on avoit retiré laditte despesche, et que, s’il estoit vray que Monsieur fut sorty de France, je n’estois pas pour sortir sy tost ; sy aussy, comme il l'esperoit, cela n’estoit point, que ma liberté estoit indubitable des qu’il auroit mandé qu’il seroit pres de luy, où il s’en alloit en toute diligence ; et de fait partit en mesme instant, bien en peine de cet accident dont il ne fut esclaircy qu’en arrivant a Saumur qu’il trouva heureusement Monsieur en la mesme hostellerie ou il venoit coucher, et despescha aussy tost a la court pour y faire sçavoir ces bonnes nouvelles, et que Monsieur estant allé voir le comte du Lude, ils s’en estoint de là allés a Machecou voir Mr de Rets. Mais pour cela ma liberté n’en fut pas avancée.

Peu apres l’armée du roy quy s’assembloit aux environs de Mesieres sous la charge des mareschaux de Chastillon et de Bresé, entra dans les païs du roy d’Espaigne par le païs de Liege, et le prince Tomas de Savoye s’estant avancé avec une armée inegale pour s'opposer a leur passage leur presenta la battaille a Avain[518] ou il fut deffait le 20me de may ; et en suitte nostre armée se joignit a celle des Estats de Hollande commandée par le prince d’Orenge[519], prindrent Diest et Tierlemont[520], en laquelle ville, prise d’assaut, furent commises des cruautés et meschancetés effroyables : les François disent que ce furent les Hollandois, et eux, sans s’en excuser, disent que les François n’en firent pas moins qu’eux. Ils perdirent beaucoup de temps inutilement, et donnerent loisir aux Espagnols de se reconnestre et se mettre en estat de s'opposer a eux. Ils se rencontrerent encores en un lieu avantageux pour les Espagnols quy mirent une petite riviere devant eux ; mais nos armées l’ayant passée pour les aller attaquer, ils se retirerent et mirent la leur dans les villes de Brusselles, de Malines, et de Louvain. Les armées françoise et hollandoise vindrent assieger cette derniere quy soustint leur furie[521], les incommoda par de grandes et frequentes sorties ; mais elles le furent bien plus du manquement de vivres quy les contraignit de se retirer a Ruremonde, ayans esté incessamment suivies et harcelées par l’armée espagnole, fortifiée de celle que l’empereur avoit envoyée a son secours sous la charge de Picolomini[522]. De Ruremonde elles se retirerent vers Venlo, et peu de temps apres les Espagnols surprindrent le fort de Schench[523], quy fut une perte indicible aux Hollandois, quy les obligea de l'aller investir en diligence avesques nos deux armées, pensant le reprendre ; mais ayant trouvé l'effet impossible, ils mirent des le mois d’aust suivant leur armée et la nostre en garnison sans espoir de rien entreprendre le reste de l'année, et nostre armée extremement diminuée et desperie, n'ayant moyen de retourner en France que par mer. J'ay mis tout a la fois ce quy s’est passé en Flandres tout l’esté, affin de n’avoir point a en parler sy souvent.

Cependant le roy alla visiter sa frontiere de Picardie et donna ordre de faire fortifier Peronne d’un costé ou il estoit necessaire de travailler, et ayant passé en suitte par Saint Quantin et la Fere, s’en alla en pelerinage a Nostre Dame de Liesse et puis s’en revint a Chasteautierry[524].

Ma belle sœur de Removille desesperée de sa santé et les medecins n’y trouvant aucun remede, estant hydropique formée, et ayant oultre cela une hydropisie de poulmon, elle desira d’aller mourir entre les bras de ses pere et mere, et en son païs natal. Pour cet effet elle partit de Challiot le mardy 22me de may pour s’en retourner en Lorraine, et aucun des medecins ny de ceux quy la voyoint ne se pouvoint persuader qu’elle y peut aller en vie : neammoins Dieu luy fit cette grace d’y arriver. Le jour mesme qu’elle partit, je m’avisay qu’un minime quy par bref du pape avoit eu permission de demeurer avec moy, et lequel avoit miraculeusement guery autrefois d’une hydropisie feu ma tante de Chantelou[525], excellent medecin nommé pere Nicolas d'Ormançay, luy pourroit apporter quelque remede s’il pouvoit arriver pres d’elle avant qu’elle mourut : j’envoyay en mesme temps au couvent de la Place Royale sçavoir ou il demeuroit allors ; et m’ayant esté mandé qu’il estoit a Lion, j’envoyay par la voye de la poste le querir, et il arriva a Nancy deux jours apres ma belle sœur, sy heureusement pour elle, quy n’attendoit plus de vivre trois jours, qu'il luy rendit une entiere santé.

Le mercredy 23me may le marquis de Coualin me vint dire adieu et me fit quelque compliment de la part de monsieur le cardinal, quy l’en avoit chargé. Il s’en alloit trouver le roy a Chasteautierry, et emmena avesques luy mon mestre d’hostel Du Bois[526], commissaire du regiment des gardes françoises et encores de celuy des Suisses, pour leur faire faire la montre.

Le vendredy 25me, comme ledit Du Bois entra dans la chambre du roy, comme Sa Majesté le vit, il dit a Mr de Bouteillier le pere, a quy il parloit : « Voyla Du Bois, monsieur le mestre : ainsy le nommions nous devant la Rochelle a la difference de son frere que l'on appelloit Du Bois le gendarme[527] ; c’est le mestre d’hostel du mareschal de Bassompierre. Il nous a fait souvent bonne chere. » Et ayant dit cela tout haut, [il luy parla assés long temps en secret, en suitte de quoy][528] Mr Bouteillier sortant de la chambre, tira Du Bois par le manteau et luy dit qu’il le suivit, ce qu'ayant fait jusques a son logis, il luy demanda s’il s’en retournoit bientost a Paris : et Du Bois luy ayant respondu que ce seroit des demain apres qu’il auroit fait faire la montre, il luy dit : « Attendés encores et ne partés qu’apres la feste de la Pentecoste[529], et je vous donneray la despesche de la liberté de Mr le mareschal de Bassompierre, que j’expedieray lundy apres avoir parlé a monsieur le cardinal. » Du Bois arresta sur cette bonne nouvelle et me despescha en poste pour m’en avertir.

Le lundy 28me Mr Bouteillier alla trouver monsieur le cardinal a Condé[530] ou il logeoit, et dit en partant a Du Bois qu’a son retour il luy donneroit asseurement cette despesche, et qu’il se tint prest pour partir le lendemain matin. Du Bois le fut trouver le soir pour avoir la despesche ; mais il luy dit qu’il n’avoit peu parler de mon affaire a monsieur le cardinal quy avoit toujours conferé avec le nonce Massariny et luy pour des affaires importantes, et que monsieur le cardinal luy avoit dit qu’il allat accompagner en sortant ledit Massariny, avec lequel il estoit revenu, mais que monsieur le cardinal viendroit mercredy a Chasteautierry trouver le roy, et que là l’affaire se resoudroit.

Monsieur le cardinal ne revint point le mercredy a la court, comme il avoit dit a Du Bois, mais bien le vendredy premier jour de juin. Mais apres qu’il fut party, Du Bois ayant esté trouver Mr Bouteillier, il luy dit qu’il y avoit eu tant d’affaires sur le tapis que l’on n’y avoit sceu mettre celle de ma liberté, mais que je m’asseurasse qu’a la premiere occasion il n’y manqueroit pas ; que je la tinsse asseurée, et qu’il estoit mon serviteur ; que luy, Du Bois, pourroit, s’il vouloit, aller faire un tour a Paris, et puis s’en revenir ; ce qu’il fit, et bien honteux de m’avoir donné de sy fortes esperances pour m’apporter en fin de sy foibles effets.

Le samedy 2me Mr le Comte me fit dire qu'il sçavoit de tres bonne part que ma liberté estoit resolue, et que dans vingt et quattre heures je sortirois sans faute.

Mais le lundy 4me je vis Du Bois, quy me fit voir que ce n’estoit que pure tromperie ; et bien que monsieur le premier president m’eut fait dire le mesme jour qu’il sçavoit de bon lieu que je sortirois avant la fin de la semaine, je ne creus rien de ma liberté.

Le mercredy 6me Mr Bouteillier le jeune, revenant de Blois, fut veu par ma niece de Beuvron a quy il dit que ma liberté avoit desja esté cinq ou six fois resolue, et puis retardée ; qu’il s’en alloit a la court, et que, sy je ne sortois a son retour, je ne m'y devois plus attendre, veu que la cause du dilayement n’avoit esté fondée que sur le subit partement de Blois de Monsieur.

Je n’eus aucunes nouvelles jusques au jeudy 21me que Mr du Tramblay me vint dire de la part de Mrs Bouteillier, pere et fils, que je ne les tinsse jamais pour gens de bien sy j'estois encores quinse jours prisonnier ; et le vendredy 29me Mr du Tramblay me dit encores de la part de Mr Bouteillier le fils que monsieur le cardinal luy avoit encores donné parole de ma liberté, et luy avoit permis de me l'envoyer donner.

Le samedy dernier de juin Mr le Prince arriva a Paris, retournant de son employ de lieutenant general de l’armée du roy en Lorraine, et avoit laissé l'ordre en partant pour desmolir mon chasteau de Bassompierre[531], ce quy a depuis esté executé.

Juillet. — Le dimanche premier jour de juillet, mourut au bois de Vincennes Mr le duc de Puilorens, a deux heures apres minuit, quy y estoit prisonnier.

Le mercredy 4me Mr le cardinal de la Vallette est party pour aller succeder a Mr le Prince en la lieutenance de l’armée du roy en Lorraine.

Ma maison de Bassompierre fut rasée le 6me, un vendredy.

Le mercredy 11me les prelats de l’assemblée du clergé sinnerent leur avis sur la nullité du mariage de Monsieur, frere du roy.

Le jeudy 19me Mr du Tramblay me vint dire de la part de Mrs Bouteillier que ma liberté avoit esté ce jour là tout a fait resolue, et qu’ils m’en respondoint.

Le vendredy 20me ma niece de Beuvron me manda que les mesmes personnes luy avoint envoyé dire la mesme chose, et des gens de leur logis m'en firent dire autant.

Ma niece fut trouver le lendemain samedy 21me Mr Bouteillier le pere quy luy reconfirma la mesme chose avec des asseurances tres grandes, la pria de me les donner de sa part, et me fit dire encor le mesme jour la mesme chose par Mr du Tramblay, lequel me fit aussy voir une lettre que le pere Josef son frere luy escrivit le mardy 24me, par laquelle il l’asseuroit que Mr Bouteillier le fils me devoit apporter dans deux jours les despesches de ma liberté, lequel vint le lendemain mercredy 25me, et ne m’apporta aucune nouvelle, ou m’en dit une quy ne m’aggrea gueres, que le roy partoit le jour mesme pour aller coucher a Chantilly et de là passer en Lorraine ; car je me douttay bien que pendant son absence je n’estois pas sorty d’un lieu ou j'estois retenu depuis quattre ans et demy : aussy Mr du Tramblay quy fut le lundy 29me[532] a Ruel voir monsieur le cardinal, ne me rapporta rien de bon, et depuis ce temps là je n’ay eu aucune esperance de ma sortie ; et mesmes ma niece de Beuvron quy a esté vingt fois aux lieux ou se tenoit monsieur le cardinal, pour luy parler, n’a jamais sceu avoir acces aupres de luy, ny mesmes faire en sorte que l’on luy dit qu’elle estoit là.

Aust. — Cependant l'arriere ban de Normandie, composé de pres de deux mille chevaux, fut ammené par Mr le duc de Longueville, et le samedy 14me d’aust fit montre pres de Saint Denis, et en suitte s’achemina a Chalons ou estoit leur rendés vous.

Le roy aussy demanda aux cantons une levée de douse mille Suisses quy luy fut accordée ; et le 16me d’aust monsieur le garde des sceaux m’escrivit par l’ordre de monsieur le cardinal pour avoir mon avis sur la façon que l’on devoit tenir pour l’acheminement de cette levée, dont je luy en envoyay des amples memoires quy n’ont pas esté suyvis.

Le roy peu apres donna la lieutenance generale de son armée a Mr le Comte, et Sa Majesté s’achemina a Chalons[533].

Des le mois d'avril auparavant Mr le mareschal de Crequy avoit esté desclaré par le roy son lieutenant general en son armée d'Italie, laquelle il preparoit pour attaquer le duché de Milan et attaquer les Espagnols de ce costé là, ayant ligué avec luy[534] la republique de Venise, les ducs de Savoye, de Mantoue, de Parme, et de Modene[535], et le pape ne luy estant pas contraire. Le mareschal de Crequy entra en Italie en juillet, et assiegea Valence sur le Po, despendante du duché de Milan. Les Espagnols mirent quattre mille hommes de pié et deux cens chevaux dedans, quy font[536] tous les jours des grandes et furieuses sorties. Le duc de Parme y arriva en ce mois, et le duc de Savoye peu apres, quy a le principal commandement en l’armée du roy[537].

Mon neveu de Bassompierre fut fait au commencement de cette année sergent major general de l’armée de l’empereur, et n’ay eu de luy aucunes nouvelles que par des prisonniers quy se sont sauvés des mains des gens de l’empereur, de quy les affaires ont grandement prosperé, quasy tous les princes d’Allemaigne, (au moins les principaux), s’estans accommodés avec luy[538], ne restant plus que le landgrave de Hessen[539] lequel mesmes on tient quy traittera. Le duc de Virtemberg[540] spolié de ses estats, est retiré a Strasbourg, et les palatins des Deux Ponts[541], de Birchefeld[542], de la Petite Pierre[543], les marquis de Baden[544], comtes de Hannau[545], Nassau[546], Sulms[547], et quantité d’autres, refugiés a Mets ; Haydelberg, Vormes[548], et autres places, rendues a Galas[549], un de ses lieutenans generaux.

Mr de Lorraine en ce mois estoit rentré en Lorraine, et y faisoit quelque progres.

Mr de Rohan que le roy, des le commencement du printemps, avoit envoyé avesques d’assés grandes forces en la Valteline, l’avoit occupée sans resistance : mais les troupes imperiales y estans survenues, elles avoint passé malgré luy, et puis luy en avoint laissé la jouissance jusques a ce qu’il leur prit fantaisie d'en faire autant.

Le duc Bernard de Saxe Waimarch s’estoit retiré de dela le Rein qu’il avoit repassé, et estoit venu assés viste jusques a Sarbruch[550], lors que Mr le cardinal de la Vallette s'approcha pour le soustenir[551] avec l’armée que nouvellement il commandoit, et lors ils furent considerables aux Imperiaux ; car le duc Bernard avoit bien ammené sept a huit mille chevaux ; de sorte que le Galas ayant assiegé les Deux Ponts[552], et ayant desja capitulé[553], oyant que les nostres arrivoint au secours, il se retira la nuit et repassa le Rein.

En ce temps là la ville de Francfort se voyant abandonnée de secours, n’y ayant plus d'armée dela le Rein que celle du landgraf de Hessen, bien empesché de garder ses propres païs, envoya des deputés au roy de Hongrie pour se mettre en la protection de l’empereur, lors que le landgraf et le duc Bernard jugeans de quelle importance pour le party estoit la conservation de cette puissante ville, manderent au cardinal de la Vallette de passer le Rein a Mayence, et que le landgraf se joindroit au duc Bernard et a luy pour tascher de secourir Francfort, et que peut estre il y auroit moyen de s’en saisir ; quy seroit un grand avantage pour leur party et un moyen de faire hiverner leurs armées dela le Rein, ce qu’il ne croyoit pas du tout impossible puis que nous avions encores une forte garnison a Saxehause quy est un faubourg fortifié dela le Mein[554]. Mais comme, au commencement de septembre, Mr le duc de Waimarch et Mr le cardinal de la Vallette eurent passé le Rein a Mayence pour se joindre au landgraf quy s’estoit approché a une journée d’eux, ceux de Francfort avertis ou se douttans du dessein que nous avions de nous saisir de leur ville, se resolurent de chasser la garnison de Saxehause et de traitter avec le roy de Hongrie. Ils firent le premier sans resistance de cette garnison, et le second aux conditions qu’ils voulurent ; dont le landgraf estant averty se retira en son païs, et nos armées se campèrent proche de Mayence, et celle de Galas a une lieue d’elles, les unes et les autres s’estans retranchées ; la nostre en extreme necessité de vivres, et celle de Galas se grossissant des garnisons voysines et des trouppes quy avoint bloqué Manhem, (quy se rendit en ce mesme temps)[555]. Galas fit dessein de couper le retour et le chemin des vivres a nostre armée : pour cet effet il fit passer le Rein a trois mille Cravates[556] le 20me de septembre, et avec le reste se prepara pour les suyvre ; dont le duc de Waimarch et le cardinal ayans eu avis, et se jugeans perdus sy Galas se mettoit entre la France et eux, laisserent leurs malades a Mayence, et ayans troussé bagage repasserent le Rein pour s’en retourner. Ils firent a peu de là rencontre de ces Cravates ja passés, les chargerent, et eux selon leur coustume ordinaire lascherent le pié et s’esvanouirent devant eux. Nos gens ravis pensoint avoir deffait l’armée de Galas, ayans mesmes trouvé treise petites pieces de campaigne qu’un cheval peut trainer, de sorte qu'ils croyoint leur retour asseuré, quand a quattre heures de là ces mesmes Cravates retournèrent a les harceller et ne les ont quittés qu'a six lieues de Mets, tuans ce quy demeuroit derriere ou quy ne gardoit pas bien son ordre. Nous y perdimes huit pieces de canon et presque tout le bagage de nostre armée, et ceux quy ne peurent suyvre trente six heures durant que la retraitte dura sans loger ny repaitre avec mille peines et incommodités ; et Galas quy suyvoit, les faillit de six heures, sans quoy cette armée eut esté tout a fait perdue.

Le roy estoit lors a Chalons avesques quantité de trouppes et de gentilshommes des arriere bans, quy s’avança pour soustenir ses armées et pour assieger Saint Mihel que Lesmon[557] avoit pris pour Mr le duc de Lorraine.

Le duc d’Angoulesme demeuroit, sans rien faire, campé proche de Luneville, laissant perdre son bagage a Saint Nicolas ; et peu apres encores au mesme lieu les ennemis prindrent un convoy de cinq cens charrettes de farines quy alloit a Luneville ; et laissoit payer la contribution a la pluspart de la Lorraine au duc de Lorraine sans y remedier[558]. Le roy luy envoya commander de s’avancer a Baccara proche de Rambervillers[559].

Ma maison de Harouel fut prise par les trouppes de Mr de Lorraine[560], commandées par un nommé Du Parc, quy y mit garnison, ayant precedemment bruslé Crantenoy[561], un de mes villages proche de ladite maison, et pris les chevaux et le bestail de quinse autres villages de la mesme terre, faisant payer les contributions a mes sujets et enlevant les bleds qu'il fait porter a Rambervillers ou le duc est campé. Ainsy sans aucune resistance ses trouppes font contribuer jusques a une lieue de Nancy.

Toutes ces choses convierent le roy de partir de Chalons avec toutes les forces qu’il y avoit, et ayant fait son lieutenant general Mr le comte de Soissons, il l'envoya au commencement du mois d'octobre[562] investir Saint Mihel ou commandoit Lenoncourt de Serre[563], que Mr de Lorraine y avoit jetté avec quelques trouppes, mais quy se rendit a discretion, ne pouvant tenir dans cette meschante place devant le roy quy s’estoit avancé a Cœur[564].

Apres la prise de Saint Mihel, le roy donna une partie de son armée au cardinal de la Vallette pour joindre au reste de celle qu'il avoit et aux trouppes de Waimarch, affin que, toutes jointes ensemble, ils peussent repousser Galas dela le Rein, et Sa Majesté envoya le reste de ses trouppes a Mr d’Angoulesme, (lequel, a l'arrivée de Galas, craignant d’estre enfermé entre son armée et celle du duc de Lorraine, s’estoit retiré a Saint Nicolas, et le duc de Lorraine s’estoit avancé au Pont a Saint Vincent)[565] ; et le roy luy manda qu’il se perdit ou qu’il fit repasser ledit duc de Lorraine en son ancien retranchement de Rambervillers.

Apres ces ordres donnés, Sa Majesté tourna teste vers Paris et arriva a Saint Germain le lundy 22me d'octobre, et ce mesme jour on ammena prisonniers a la Bastille les sieurs de Lenoncourt, de Salins et de Maugean[566], quy avoint esté pris dans Saint Mihel.

Le mardy 23me, Mr le comte de Carmain fut aussy ammené dans la Bastille[567], et ce mesme jour ma liberté fut remise sur le tapis, monsieur le cardinal ayant dit au gouverneur de la Bastille que l'on m'en alloit faire sortir.

Le jeudy 25me ledit gouverneur estant allé trouver le roy a Saint Germain, le nonce Massariny luy dit que le mardy precedent, en soupant avec monsieur le cardinal, il luy avoit dit qu’il m’alloit faire sortir, et qu’il me le pouvoit dire de sa part. Cela m'obligea d’envoyer ma niece de Beuvron trouver monsieur le cardinal a Ruel le mardy 30me, pour le solliciter de ma part. Elle le vit, et luy avec un visage rude luy demanda a quy elle en vouloit. Elle luy respondit qu’elle le venoit, en toute humilité, supplier de moyenner ma liberté de laquelle depuis cinq années j’estois privé. Elle ne peut jamais tirer de luy autre chose sinon qu’il en parleroit au roy, ce qu’il luy reitera par quattre fois, puis la quitta. Elle me vit le lendemain et me dit le peu d'apparence qu’elle trouvoit de ma sortie, a quoy je ne m’attendis plus.

Novembre. — Ma cousine d’Espinal, abbesse[568], a quy j'avois fait donner par feu ma tante ladite abbaïe, mourut le premier jour de novembre, ce quy fit resveiller les anciennes pretentions que ceux de Bourbonne avoint sur cette piece, dont ma niece estoit coadjutrice, et envoyerent au roy luy demander le brevet[569].

Peu de jours apres, le pere Josef estant venu rendre les derniers devoirs à la presidente le Clerc sa niece[570], quy mourut le jeudy 8me dans la Bastille, le dit pere me fit dire que dans deux jours s’en retournant, il parleroit de moy a monsieur le cardinal, et qu’il se promettoit que ce ne seroit sans fruit ; mais reconnoissant combien de fois j'avois esté vainement repeu de ces vaines esperances, je n’y adjoutay aucune foy. Aussy n’en vis je aucun effet : au contraire le mardy 18me decembre, ma niece de Beuvron estant allée a Ruel pour parler a monsieur le cardinal, ledit pere ne luy voulut jammais donner une minute d’audience, bien qu'en s’en revenant a Paris a l'heure mesme il fut passé contre son carrosse.

Le roy arriva le lendemain 19me, fit prester le jour mesme serment de chancelier de France au garde des sceaux Siguier[571], et fut le lendemain 20me en son parlement pour y faire verifier quantité d’édits[572].

J'eus en ce temps là nouvelles comme, le penultieme du mois precedent, la garnison mise par les gens du due Charles de Lorraine [a Harouel] en estoit sortie, et que le marquis de Sourdis[573] y en avoit remis une autre pour le roy le samedy premier de decembre.


1636.
Janvier.


L'année 1636 commença par quelque desordre quy arriva en parlement sur ce que les enquestes se voulurent assembler pour voir les edits verifiés le 20me du mois passé le roy estant en son lit de justice, et pour voir de tirer quelque meilleur party de ce surcroit que l’on avoit fait de vingt quattre conseillers et un president au mortier. Le premier president dit aux enquestes qu'il avoit une lettre du roy a son parlement, quy leur interdisoit l’assemblée. Eux insisterent de voir la lettre, et luy ne le voulant, ils revindrent prendre place le mercredy 2me ; et le vendredy 4me estant revenus a la grand chambre prendre place, ils receurent une lettre du roy quy leur commandoit une deputation vers luy de trente du corps pour le lendemain. En ce mesme temps le conseiller Lainé[574] accusa le premier president. Le lundy suyvant on envoya en diverses demeures le president Barillon, les conseillers Lainé, Foucaut, Sevin, et Eaubonne[575].

J'eus en ce temps avis de l’extremité de maladie de ma niece la secrette[576], du peu d'apparence de vie plus longue a ma belle sœur, et que de mon revenu de l’année passée[577] je n’en devois rien attendre. Toutes ces choses, avec le peu d’esperance de liberté, me mirent en une tres forte melancolie.

En fin le 12me je receus la triste nouvelle de la mort de ma niece la segrette de Remiremont ; et peu de jours apres on me manda comme les commissaires des vivres du roy avoint enlevé les bleds de ma maison de Harouel quy est mon principal revenu, et ce, non seulement sans payer, mais encores sans en avoir voulu donner de certificat de l'avoir pris.

Fevrier. — Le mois de fevrier arriva, au commencement duquel on me manda de Lorraine qu'un nommé le sieur de Villarseaux[578] avoit commission du roy de raser ma maison de Harouel, ce quy me fut bien cruel, et fis faire instance a monsieur le cardinal pour destourner cet orage.

Le vendredy 8me Mr le Prince fut en parlement y faire commandement par le roy d’y recevoir Colombel conseiller, ce quy fut fait avec grand opprobre pour ledit Colombel[579].

Le mardy 12me Bulion y fut receu president au mortier, et le mesme jour le roy dansa son ballet[580].

Le samedy 16me le duc de Parme arriva a Paris, et le mardy 19me Mr le cardinal de Richelieu fit un superbe festin audit duc.

Mars. — Le 5me de mars, un mercredy, un nommé La Riviere[581] quy estoit lors le premier aux bonnes graces de Monsieur, frere du roy, fut mené prisonnier a la Bastille, et le lendemain jeudy 6me quattre des siens furent eslongnés d’aupres de sa personne, quy estoint le viscomte d’Autels, le chevalier de Bueil, L’Espinay[582] et son premier vallet de chambre nommé Le Grand.

Le samedy 8me le duc Bernard de Waimarch arriva a Paris, et le mercredy 12me Monsieur, frere du roy, en partit ; et le mardy ensuivant, 18me du mesme mois, le duc de Parme s’en alla.

Le jeudy saint 20me, le nonce Massariny quy s’en alloit le lendemain en sa vice legation d’Avignon et quy se disoit fort mon amy, me voulut venir dire adieu, et me dit forces choses sur le sujet de ma liberté ; mais le connoissant comme je fais, [et l’estat present des affaires][583], je n’eus gueres de peine a reconnestre que ce n’estoint que chansons.

Le 24me, quy estoit le lundy de Pasques, Mr l’evesque de Lisieux[584] desira de me voir, quy ne me dit pas davantage que ce que m’avoit dit Massariny.

Je passay depuis tout le mois d'avril sans aucune apparence de liberté et avec une tristesse infinie.

May. — Le mois de may ne me fut pas moins douloureux ; car je sceus que le mestre des requestes Gobelin[585] avoit fait prendre dans ma maison de Harouel les bleds quy y estoint au nombre de 1500 resaux[586] ; et ayant eu une ordonnance du roy pour les ravoir, ce meschant homme quy durant ma bonne fortune estoit mon intime amy, ne voulut jamais en donner la main levée, ains s’y opposa formellement et mesmes vint expres a la court pour en parler au conseil ou Bulion fit resoudre que le roy garderoit lesdits bleds, et que l’on les feroit payer sur l’espargne, quy est a dire rien : et en suitte comme on en parla a Mr Je cardinal de Richelieu, on me dit qu’il avoit trouvé bien estrange que je demandasse l'argent de mes bleds au roy, veu que j'estois sy riche que je bastissois un somptueux edifice a Challiot, que je faisois faire des sy riches meubles que le roy n’en avoit pas de pareils, et que je gardois un grand train depuis six ans que l'on m’avoit mis prisonnier, et que l’on ne me pouvoit matter.

Peu de jours apres au mesme mois, le duc de Waimarch eut departement du roy pour resfraischir son armée au comté de Vaudemont[587] et dans mon marquisat de Harouel quy luy fut donné au pillage ; ce qu’il fit sy bien executer que toutes les pilleries, cruautés et inhumanités y furent exercées, et ma terre entierement destruitte, au chasteau pres, quy ne peut estre pris par cette armée quy n’avoit point de canon.

En ce temps je pensay perdre ma niece l’abbesse d’Espinal quy eut le pourpre. Je sceus aussy que mon neveu de Bassompierre s’estoit retiré d’avec Mr le duc de Lorraine, avec lequel il estoit tres mal ; et pour la fin dudit mois de may les trouppes dudit duc Bernard de Waimarch attaquerent nostre chasteau de Removille où cinq ou six cens païsans de tous ages et sexe s’estoint retirés, lequel ils forcerent en fin le mercredy 28me de may, et tuerent les hommes et les vieilles femmes quy y estoint, emmenerent les jeunes apres les avoir violées, et bruslerent les enfans avesques le chasteau apres l'avoir pillé.

Ce mesme mois Mr le prince de Condé, general de l'armée du roy, se jetta dans le comté de Bourgongne et vint mettre le siege devant Dole qu’il trouva mieux muny d'hommes et plus en deffense qu’il ne se l’estoit imaginé, et force noblesse du païs s’estant jettée dans la ville faisoint de continuelles sorties sur les nostres quy y receurent tous les jours quelque eschec ; et le duc de Waimarch avec Mr le cardinal de la Vallette s’acheminerent vers la frontiere d’Allemaigne avec leurs armées, (que l’on avoit grossies de la plus grande partie de celle que Mr le Comte avoit en Champaigne), pour faire quelque progres dans l’Alsasse, ce qu'ils firent au commencement du mois de juin[588], allant assieger Saverne quy se voulut d’abbord rendre a composition : mais le duc de Waimarch, (outré de colere contre celuy quy commandoit dedans la ville[589], quy avoit auparavant rendu le chasteau de Languestel aux Imperiaux), ne les y voulut point recevoir ; dont il ne fut pas a se repentir : car les assiegés se voyans hors d’esperance de grace, tascherent de vendre cherement leurs vies et par diverses sorties incommoderent extremement les trouppes dudit duc, lequel fut aussy bien battu en divers assauts qu'il fit donner a la ville, qu’il avoit attaquée sans canon : il perdit un doigt a ce siege, d’une mousquetade : le colonel Ebron[590], brave et vaillant soldat, quy estoit un de ses mareschaux de camp, y fut tué, et le viscomte de Turennes[591] blessé au bras d'une mousquetade.

Pendant ce mois aussy le siege de Dole continua peu heureusement pour nous par les frequentes sorties de ceux de dedans quy firent entre autres choses un grand eschec sur le regiment de Picardie en une d’icelles[592] : et les Hollandois quy avoint le mois auparavant repris le fort de Schench[593], voyans les deux rois, (selon ce qu'ils avoint toujours desiré), embarqués dans une forte guerre l’un contre l’autre, les laisserent vuider par ensemble leurs differens et mirent leur armée en garnison pour tout l’esté, ce quy donna courage au cardinal infant de tourner ses desseins contre la France ; pour cet effet ayant joint a ses forces celles du duc de Lorraine, de Jean de Ver[594], et du prince François evesque de Verdun[595], entra ce mesme mois avec une armée de vingt mille chevaux et dix mille hommes de pié dans la France, mit le siege devant la Capelle qu’il prit le septieme jour[596], et se vint camper pres de Guyse[597].

Le roy quy prenoit des eaux a Fontainebleau ou il avoit demeuré depuis le commencement du printemps, ayant sceu cette nouvelle, s’en revint a Paris le mardy 15me de juillet, comme fit aussy monsieur le cardinal, et il y eut le mesme jour conseil au Louvre, et le lendemain aussy : puis l’un et l’autre en partirent, le roy pour Versailles, et monsieur le cardinal s’en revint a Charronne, m’ayant en passant envoyé demander en prest ma maison de Challiot pour y aller loger pendant le temps que le roy iroit demeurer a Madrid[598]. Je jugeay a propos de luy escrire une lettre tant pour le faire souvenir de moy que pour m’offrir aux occasions presentes de porter ma vie ou le service du roy me la voudroit destiner[599], et luy envoyay par le gouverneur de la Bastille le jeudy 17me, quy luy donna comme il sortoit de Charronne pour venir a Paris tenir sur les fons Mademoyselle, fille unique de Monsieur, dont la reine fut la commere quy la nomma Anne Marie[600], et fut baptisée dans la chambre de la reine au Louvre ; puis il s’en revint a Charronne.

On n’estoit pas lors sans affaires : car il y avoit vingt mille chevaux des ennemis dans la France, lesquels apres avoir pris la Capelle avec dix mille hommes de pié quy s’estoint joints a eux, s’estoint separés, sçavoir, la grosse cavalerie alla devers Guyse avec l'infanterie, le duc Charles et le prince François tirerent devers Vittry, et Jean de Ver battoit la campagne en Picardie, Isle de France, et Champaigne. Ils firent semblant d’assieger Guyse ; mais ils trouverent six a sept mille hommes que l'on y avoit jettés, composés de seise compagnies des gardes, du regiment de Champaigne, de celuy de Saint Luc, et de ceux de Vervins[601] et Langeron[602], quy firent une forte sortie sur eux lors qu’ils s’en voulurent approcher, de sorte qu'ils ne sy opiniatrerent pas. Le cardinal infant vint disner a la Capelle le lundy 25me[603] de ce mesme mois et y tint conseil de guerre ; et Mr le comte de Soissons en mesme temps ayant ramassé toutes les trouppes qu’il avoit peu de Champaigne et Picardie, s’estoit venu camper devant la Fere avec trois mille chevaux et dix mille hommes de pié, auquel tous les jours nouvelles trouppes arrivoint pour faire teste aux Espagnols.

D'autre costé le siege de Dole alloit lentement : celuy de Saverne continuoit encores bien que ce ne fut qu’un pouillier[604], ou l’on avoit perdu plus [de] douse cens hommes et davantage de blessés ; et entre autres le duc de Waimarch y avoit perdu un doigt d’une mousquetade et en suitte avoit eu une autre blesseure a la cuisse : le colonel Ebron y fut tué d’une mousquetade dans la gorge, quy fut grande perte, car il estoit brave homme ; le jeune comte de Hannau[605] aussy, et plusieurs gens de marque : et sur la mer les vents contraires avoint fait escarter nostre armée navale et destourné sa routte.

Dans l'Italie Mr le mareschal de Crequy fut attaqué sur le bord du Tesin ou il fit merveilles de se bien deffendre, et fut bien secouru par Mr de Savoye, et a propos, car il estoit pressé. En fin ils eurent avantage sur les Espagnols; mais ce ne fut pas sans perte des nostres[606].

Finalement le colonel de Mercy[607] gouverneur de Lonnguis[608] voyant que Mr le Comte avoit quitté son gouvernement pour aller en Picardie s'opposer aux Espagnols, se mit en campagne avec deux regimens de cavalerie ennemie joints au sien, et se vint jetter en Barrois qu’il trouva desgarny.

Les croquans et païsans mutinés de Saintonges, Angoulmois, Limousin, et Poitou, s’avancerent jusques a Blanc en Berry[609].

Aust. — Le mois d’aust arriva, auquel les Espagnols assiegerent et prindrent en deux jours le Catelet[610] et vindrent sur le bord de la riviere de Somme pour la passer. Mr le Comte vint sur l’autre rive pour s’y opposer, mais en vain, car le.....[611] les ennemis passerent, ayans taillé en pieces le regiment de Piemont[612], ce quy fit retirer Mr le Comte en diligence a Noyon.

Ces nouvelles firent aussy tost venir a Paris le roy et monsieur le cardinal, quy firent appeller tous les ordres et estats et leur demander ayde sur ce nouvel accident. Chascun s’efforça de contribuer noblement ce qu'il peut, et aucun ne refusa, selon sa portée, de fournir hommes, chevaux, armes et argent.

Le dimanche 10me ma niece de Beuvron fut trouver monsieur le cardinal pour luy parler de ma liberté, auquel elle parla en sortant de sa chambre : mais luy en se moquant luy respondit que je n’avois encores esté que trois ans a la Bastille, et que Mr d’Angoulesme y avoit esté quatorse ans ; qu’a propos il estoit revenu, affin qu’il luy peut donner un bon avis sur le sujet de ma liberté, et qu’il en consulteroit avesques luy. J'oubliois a dire qu'a l’allarme du passage de la Somme, Mr d’Angoulesme, Mr de la Rochefoucaut, Mr de Valançay, et autres exilés, furent rappelés[613] : mais la colere et la haine continua contre moy de telle sorte que non seulement on n’eut pas consideration ny compassion de mes longues miseres, qu’au contraire on les voulut accroistre par cette derision et moquerie. Ce n’estoit pas que le peuple et tous les ordres de Paris ne parlassent hautement de ma liberté et ne la demandassent avec instance.

Ce mesme jour 10me monsieur le cardinal alla voir proche de Saint Denis les trouppes qu’a la haste ceux de Paris avoint levées pour opposer aux ennemis. Ce jour le roy se trouva un peu mal, quy l’empescha d’aller voir ces trouppes.

Le lundy 11me le parlement quy avoit le jour precedent promis au roy d’entretenir pour deux mois a ses despens deux mille six cens hommes de pié, s’estant assemblé pour aviser ou il prendroit l’argent pour cet effet, et en quelle forme, il fut proposé d’envoyer douse conseillers dudit parlement a l’hostel de ville, tant pour donner l’ordre necessaire a la garde de Paris, comme aussy pour avoir l’œil a ce que l'argent que chascun donnoit lors au roy pour lever et entretenir de grandes forces, fut bien employé : a quoy le premier president s’opposa, disant qu’ils n’estoint point assemblés pour cette affaire : mais le president de Mesme[614], par une longue harangue, fit resoudre que l’on en parleroit. Lors le premier president sortit, et Mr le president de Bellievre[615] l'ayant voulu suyvre fut arresté pour tenir le parlement comme second president, lequel en fin, apres avoir promis de rammener le premier president, comme il fit, on laissa sortir ; et estant revenus, l'heure de sortir ayant tost apres sonné, on remit les deliberations au lendemain. Mais des l’apres disner le roy ayant envoyé querir les grands presidens, et premiers presidens et doyens de chaque chambre, il leur fit une rude reprimande et leur deffendit de parler ny se mesler a l’avenir d’autre chose que des proces.

Le mardy 12me on fit commandement par Paris d’abattre les auvens des boutiques, et de boucher tous les soupirails des caves ; mais cette ordonnance fut aussy tost revoquée.

Le mercredy 13me il y eust arrest du conseil pour faire cesser les atteliers, et faire oster tous les serviteurs et apprentifs, hormis un en chasque bouttique ; et le samedy 16me le roy partit pour aller a Senlis ou estoit le rendés vous de l’armée.

Le dimanche 17me le bruit fut commun de la prise de Corbie[616] ou commandoit le sieur de Saucour[617], et en mesme temps on sceut le levement du siege de Dole[618].

Le mardy 19me Monsieur arriva en poste, et apres avoir esté voir monsieur le cardinal, s’en alla trouver le roy a Senlis.

Le lundy premier jour de septembre, le roy et monsieur le cardinal partirent pour aller a l’armée : et en ce mesme temps le coche de Nancy quy m’apportoit plusieurs hardes que je faisois venir et de l'argent pour mon entretenement, fut volé : et comme je pressois encores le payement de mes grains enlevés, on me fit dire que je n’en pouvois rien esperer ny attendre ; aussy n’y pensay je plus et fis mon jubilé le dimanche 21me de ce mesme mois, pour me mettre entre les mains de Dieu, puis que je ne pouvois rien esperer des hommes.

Je sceus quasy en mesme temps que le roy avoit fait raser puis brusler le chasteau de Dommartin[619] appartenant a mon neveu de Bassompierre, que l’on me manda aussy estre hydropique formé, et en grand danger, dans Vesou[620].

En ce mois le roy donna sa lieutenance generale a Monsieur son frere quy en vint prendre possession, et l’armée passa la riviere de Somme apres avoir failly de deffaire l'arriere garde de celle des ennemis quy la repasserent en mesme temps et se retirerent en Flandres apres avoir muny les trois places qu'ils avoint prises, autant que le peu de temps que l'on leur en donna leur peut permettre, et avoir enlevé et deffait le colonel Eichfeld avesques son quartier[621].

En ce temps il arrivoit de tous costés des trouppes et de la noblesse, de sorte que l’armée du roy estoit de plus de cinquante mille hommes, lesquels s’occuperent a faire la circonvallation de Corbie, munie de plusieurs grands forts, capables de tenir huit ou dix mille hommes huttés dans le costé seulement de delà la Somme, affin de les affamer l'hiver prochain, attendu qu’ils manquoint de moulins pour moudre leur bled dont ils avoint a foyson.

Ainsy se passa le mois de septembre, et vers le commencement d'octobre le duc Charles de Lorraine ayant remis ses trouppes sur pié, et le comte de Galas s’estant joint a luy, ils entrerent en la duché de Bourgongne. Ayant passé la Saone, Galas prit Mirebeau et pilla Cisteaux[622]. Le duc de Lorraine assiegea Saint Jean de Laune quy se deffendit sy bien que le duc de Waimarch quy avoit en fin pris Saverne, et le cardinal de la Vallette, eurent loysir de le venir secourir[623].

On fit cependant par commissaires le proces au sieur de Saucour quy fut condamné a estre tiré a quatre chevaux, et son arrest executé en effigie a Amiens.

Les cardinaux de Savoye et Aldobrandin[624] quitterent en ce mesme temps le party de France a Rome, et ce premier ayant remis la protection de France qu'il avoit, prit celle d’Allemaigne.

L'armée navale du roy ayant heureusement passé le destroit, s’en alla vers les costes de Provence en dessein de reprendre les isles de Saint Honorat de Lerins, et de Sainte Margueritte[625] sur les ennemis : mais le mauvais ordre qu'avoit donné l’evesque de Nantes, (auparavant nommé l'abbé de Beauveau), de tenir prestes touttes choses necessaires pour ce passage, en empescha lors l’execution, dont il fut disgratié, comme le furent aussy les Saint Simons[626], et le jeune, quy estoit un fantosme de favorit, commandé de se retirer a Blayes[627].

Mr de la Vallette eut aussy commandement d’aller trouver Mr d'Espernon en Guyenne.

Le roy s’en retourna vers la fin du mois[628] a Chantilly, laissant l’armée occupée a la construction et huttes des forts de la circonvallation de Corbie.

Les Espagnols cependant entrerent en France par le costé de Fontarabie[629], prindrent et pillerent les bourgs de Saint Jean de Lus et de Sinbourre et se saisirent du Soccoua[630] qu’ils fortifierent : et ayans en ce mesme temps fait une descente par mer en la coste de Bretaigne desnuée de vaisseaux par le partement de la flotte du roy, ils vindrent attaquer l’abbaïe de la Priere, proche de Vennes[631], d'ou ils furent repoussés, ce quy les fit rembarquer.

Le marquis de Sourdis fut en ce temps là rappellé de la Lorraine ou l’on l’avoit envoyé pour y commander, et le grand provost de Hoquaincour[632] envoyé en sa place.

On fit commandement a ma belle sœur, a ses pere, mere, et enfans, de sortir de Nancy[633], quy se vindrent tous retirer en ma maison de Harouel.

Vignoles mourut a Peronne[634], et on en tira par recompense Mr de Blerancour, quy en estoit gouverneur[635], pour y mettre le jeune Hoquaincour[636].

Monsieur le cardinal fut à Abbeville[637] et porta les habitans de donner vingt et cinq mille escus pour travailler a leurs fortifications, lesquels on a depuis convertis a la construction d’une citadelle.

On tira aussy Comeny de Corbie, et on mit en son lieu le chevalier de Comieres[638], et Montcavrel[639] remit Ardres au roy par recompense, quy en donna le gouvernement a Saint Preuil[640].

En ce mesme temps Mr de Longueville ammena de grandes trouppes au roy, lequel luy commanda de les mener en Bourgongne, pour, avesques celles quy y estoint desja, faire une forte armée pour en chasser Galas.

Novembre. — Au mois de novembre il y eut quelque traitté joint a Corbie pour la remettre es mains du roy[641], ce quy fit que l'on commença au commencement du mois a l'attaquer de force. Ils capitulerent le 8me[642] et les trouppes du roy y entrerent le 14me, dont on chanta le Te Deum le 17me a Paris, ou Monsieur frere du roy [estoit passé quelques jours auparavant pour s’en retourner a Blois[643] ; et le roy estant arrivé le 18me a Versailles, Mr le Comte quy avoit veu en passant Sa Majesté a Escouan arriva le mesme jour a Paris, et Monsieur frere du roy][644] y estant venu en poste la nuit du 19 au 20me, luy, Mr le Comte, et Mr de Rets[645], en partirent a onse heures du soir ce mesme jour, Monsieur pour se retirer a Blois, Mr le Comte a Sdan, et le duc de Rets a Machecou.

Le 21me on fit renfermer les serviteurs de Monsieur, desja prisonniers, a la Bastille.

Le roy revint a Paris le 22me, et monsieur le cardinal quy estoit demeuré en Picardie, en fut de retour a Ruel le 24me.

Le 28me il y eut une revocation des gages du parlement ; mais comme cela se faisoit en un temps mal propre, on leva cette revocation peu de jours apres : et en ce mesme temps vint la nouvelle de l’exces que Mr le mareschal de Vittry avoit fait en la personne de Mr de Bordeaux, a Cannes en Provence[646].

Decembre. — Le mois de decembre arriva, et le 4me duquel un certain charlatan quy disoit avoir trouvé la pierre philosophale et duquel on se promettoit forces millions d’or, fut descouvert pour un affronteur et mené prisonnier au bois de Vincennes ou ceux quy l'ont proposé font encor esperer qu’il la fera reussir. Cet affronteur s’appelloit Du Bois, estoit de Coulomiers en Brie ou il avoit esté capucin, puis s’estant fait apostat, s’estoit marié[647].

On fit aussy commandement aux deux freres de Baradat de sortir du royaume dans six jours : et Mr de Chavigny partit le 6me pour aller trouver Monsieur a Blois de la part du roy, où Bautru l’ainé avoit desja esté envoyé[648], quy y avoit esté tres mal receu : on envoya aussi Mr de Liancour vers Mr le Comte a Sdan. Mr de Chavigny en revint[649] le 16me et y fut renvoyé aussy tost apres[650] : et le cardinal de la Vallette estant venu faire hiverner son armée en Lorraine, assiegea deux chasteaux appartenans a mon neveu, quy avoint auparavant esté desmolis et ou des voleurs estoint retournés s’y nicher, et apres quelques volées de canon les reprit et brusla ; ils se nomment le Chastelet et Dommartin.

Les nouvelles vindrent aussy que le roy de Hongrie avoit esté esleu roy des Romains le 22me de ce mois, et que l’on n’avoit peu rien entreprendre sur les isles de Saint Honorat de Lerins, et de Sainte Margueritte, comme nostre armée navale en avoit eu commandement de la court.

Le 19me decembre la grand duchesse Chrestienne[651] est morte agée de 74 ans : elle estoit petite fille de la reine Caterine de Medicis, fille du duc Charles de Lorraine : et le 22me de ce mesme mois Ferdinand 3me, roi de Hongrie et de Boheme, a esté nommé roy des Romains a la diette de Ratisbonne[652].


1637.
Janvier.



Au commencement de l’année 1637 l’eslongnement de Monsieur et de Mr le Comte, et les accidens que l'on craignoit quy en pouvoint arriver, ne me permirent pas seulement de penser a faire parler de ma liberté, sçachant bien que mes peines et mes soins en cette sollicitation y seroint inutiles : a quoy aussy je n’estois gueres porté, quoyque mes amis me fissent instance de la faire poursuyvre ; car la mauvaise et indigne response que monsieur le cardinal avoit faite a ma niece de Beuvron apres que, luy ayant escrit une sy humble et summise lettre, je l’avois envoyée faire une tentative, lors que les ennemis passerent la Somme l’année precedente, m’avoit fait resoudre a ne l'importuner de ma vie, et de mourir plustost dans ma captivité que de me mettre encores en estat de souffrir de nouveaux affronts, mettant ma seule esperance en Dieu, et aux accidens quy me pourroint causer mon eslargissement. Mr le Prince neammoins, (lequel m'a fait durant ma prison beaucoup de graces par les tesmoygnages de sa bonne volonté, et du desplaisir qu’il avoit de mes longues souffrances, avec les asseurances qu’il m’a de temps en temps données que s’il voyoit lieu d’ayder a ma liberté par ses conseils et instances, qu’il le feroit avec soin et passion), me fit dire qu’il voyoit du jour a ma liberté, et que sy les affaires de Monsieur s’accommodoint, et qu’elles fussent suyvies d’une tresve generale comme l’on la pratiquoit avec espoir qu’elle pourroit reussir, que ma liberté (en ce cas) estoit asseurée, et qu’il m'en pouvoit respondre. Mais comme je ne me suis jamais imaginé que les Espagnols acceptassent une longue tresve, ny que le roy en accordat une courte, veu leurs differens interets, je n’ay point creu ma liberté par ce moyen, dont je voyois les causes sy eslongnées.

On me manda de Lorraine la continuation de la desolation de mon bien ; la retraitte de presque tous les habitans de la terre de Harouel dans le bourg et dans la mayson, lesquels la remplissoint de maladies et d'infections ; et la diminution a veue d'œil de la santé et de la vie de ma belle sœur avec laquelle je n’estois pas en fort bonne intelligence parce qu’elle ne vouloit pas que ma niece d’Espinal se mariat selon mon intention, et pour m’en empescher comme je luy eus trouvé un sortable party, elle ne voulut jamais me dire ny declarer ce qu’elle luy pourroit donner, dont je fus fort affligé.

Fevrier. — Le mois de fevrier me fut extremement infortuné, non seulement par la continuation de ma captivité, mais encores par la perte que je fis de ma belle sœur, laquelle avoit un soin particulier de ses enfans, et de conserver autant qu’elle pouvoit la maison de feu mon frere dans les malheurs presens. Elle deceda a Harouel le .... du courant, laissant ses deux derniers fils mineurs[653], sous la tutelle de Mr le comte de Tornielle son pere, qu’elle fit aussy executeur de son testament. Sa mort m’a laissé depuis en une perpetuelle inquietude de cette pauvre famille, seul reste de nostre maison.

Je perdis aussy le 22me du mesme mois, le dimanche de caresme prenant, le sieur d’Almeras, cy devant general des postes, et lors prestre simple, mais tres grand homme de bien, tant envers Dieu qu’envers les hommes, lequel je regretteray tant que je vivray, pour la parfaicte amitié que je luy portois depuis pres de quarante ans sans intermission, et quy m’a toujours cherement aymé : Dieu mette son ame en son paradis.

L'empereur Ferdinand 2me mourut aussy ce mesme mois, le 15me, quy estoit un tres bon prince, lequel j'avois connu a Ingolstat lors qu’il y estudioit, et moy aussy. Il me faisoit l'honneur de me vouloir du bien, et a ma consideration en a fait a mon neveu de Bassompierre, qu’il avoit honoré de la charge de sergent de battaille general de ses armées, et en suitte de celle de lieutenant de mareschal de camp, quy est une grande charge en Allemaigne.

Depuis le partement inopiné de Monsieur frere du roy et de Mr le Comte, on avoit continuellement travaillé a les[654] faire revenir a la court, tantost par l’envoy du pere Gondran, son confesseur, vers luy[655], puis par ceux des comtes de Guiche[656] et de Chavigny : et en suitte on mit l'abbé de la Riviere (prisonnier depuis longtemps a la Bastille) en liberté, sur l’asseurance qu’il donna d’y servir le roy pres de Monsieur selon les intentions de Sa Majesté. Finalement le roy (quy s’estoit desja acheminé a Fontainebleau), s’en vint a Orleans[657] en intention de pousser Monsieur jusques a ce qu’il l’eut fait rentrer en son devoir ; a quoy il se disposa : et ayant conclu avec les susdits, et le sieur de Leon, (quy y fut aussy envoyé)[658], les points de son accord, il revint trouver Sa Majesté le 8me de ce mois de fevrier a Orleans, ou il fut fort bien receu du roy, quy s’en estant aussy tost retourné a Paris, fut suyvy de Monsieur peu de jours apres.

Ce mesme mois le comte de Harcourt[659], general de la flotte du roy aux mers de Levant, n’ayant peu executer le dessein que le roy luy avoit ordonné, de reconquerir sur les Espagnols les isles de Saint Honorat et Sainte Margueritte, se remit en mer et vint avec laditte flotte faire descente en l’isle de Sardaigne ; mais ayant esté vivement repoussé par ceux de l’isle, il fut contraint de se rembarquer sans y avoir rien fait[660].

Finalement le duc de Parme quy des l’année 1635 s’estoit mis en guerre contre le roy d’Espaigne pour se conserver la forteresse de Saviannette[661] qu'il pretendoit luy appartenir, apres avoir veu ruiner tout son plat païs, et prendre toutes ses places (a Plaisance et Parme pres), se voyant hors d’esperance d’estre secouru du costé de la France, parce que l’on n’avoit aucun moyen de passer a luy, fut contraint d’accepter les conditions que le grand duc son beau frere[662] luy peut moyenner, pour se remettre bien avec ledit roy d’Espaigne, et de recevoir pour quelque temps les gens de guerre dudit grand duc dans les citadelles de ces deux villes, quy luy furent desposées par le duc de Parme pour le temps quy fut convenu par son traitté.

Mars. — Le roy s’achemina au commencement du mois de mars vers Rouan avec quelques forces de pié et de cheval, sur le mescontentement qu’il eut du parlement et de la ville, de ce que le premier avoit absolument refusé la verification de tous les esdits quy luy avoint esté presentés, affin de recouvrer de l'argent pour entretenir les grandes guerres ou le roy estoit embarqué, et la ville avoit refusé de payer emprunt que le roy luy avoit demandé comme a toutes les autres villes de son royaume. Mais comme il y avoit des differens partis tant dans la ville que dans le parlement, et que plusieurs n’estoint point d'avis de ces divers refus, ceux là quy estoint encores dans la bonne grace du roy furent les entremetteurs tant pour appaiser le roy, que pour faire condescendre les autres a obeir a ses commandements, de sorte que le roy ne passa point Dangu[663] : mais il envoya monsieur le chancelier a Rouan pour faire passer ces esdits, et faire payer a la ville laditte contribution ; lequel chancelier fut precedé par les gardes françoises et suisses, et quelques autres regimens que l'on fit entrer dans la ville, et y loger, tant que ledit chancelier y fut ; et aussy on y fit loger douse ou quinse compagnies de cavalerie, apres quoy le roy revint a Paris.

Avril. — Le mois d'avril me fut assés infortuné, outre mes malheurs ordinaires ; car j'eus nouvelles que mon neveu de Bassompierre (quy, outre l’affection naturelle que je luy dois porter, estant ce qu’il m’est, et la particuliere tendresse et amour que j'ay pour luy, semble estre maintenant le seul espoir de nostre maison, et celuy quy apparemment, s’il vit, et continue comme il a bien commencé, la doit remettre en son ancienne splendeur), estoit retombé malade de la premiere maladie qu’il avoit eue, quy le menaçoit d'hydropisie ; dont je ressentis un violent desplaisir. Et outre cela, ce mesme mois, je commençay une affaire[664] de laquelle j'ay eu, depuis, mille sujets de me repentir, et Dieu veuille que je n’en aye point de plus grands a l’avenir.

May. — Il arriva au mois de may deux importantes affaires, l’une fort prejudiciable a la France, et l’autre a sa perpetuelle gloire et reputation.

La premiere fut la retraitte de nos trouppes des Grisons (pour ne dire qu'elles en furent chassées), dont les commencemens estoint venus sur ce que le roy ayant envoyé des l’année 1632 Mr de Rohan avesques une petite armée au secours des Grisons (ausquels les Espagnols troubloint la souveraineté de la Valteline), ou il reussit sy heureusement qu’il les en chassa premierement, et puis en suitte la deffendit contre eux lors qu’ils firent dessein de la venir reconquerir, et puis songea a s’y establir par des forts qu'il y fit construire, et en suitte dans les avenues des Grisons, au Steig et au pont du Rein, lesquels il fit garder par les trouppes qu’il avoit ammenées, et avec des Suriquains[665] qu’il leva pour le roy, asseurant neammoins les Grisons que ce qu’il en faisoit estoit pour leur asseurer la Valteline, et que pour ces deux forts du Steig et du Rein, ce n’estoit a autre intention que pour empescher les ennemis d’entrer en leur païs auquel le roy son maitre ne pretendoit autre chose que la gloire de l'avoir conservé contre ceux quy le vouloint envahir ; ce que les Grisons creurent, ou feignirent de croire pour quelque temps : mais voyant que Mr de Rohan s’y establissoit et qu’il ne faisoit point d’estat d’en sortir, ils commencerent a murmurer, disans qu’il n’y avoit plus rien a craindre, et que sy le roy vouloit les remettre dans la Valteline en leur consignant les forts qu'il y avoit, ils les sçauroint bien garder eux mesmes, comme aussy empescher que leurs ennemis entrassent par le Rein ou le Steig, sans que les trouppes françoises y demeurassent perpetuellement ; et qu’ils demandoint que le roy selon sa promesse leur ayant restitué leur païs, leur en laissat la libre et entiere jouissance. Mr de Rohan jugea bien qu'ils avoint rayson ; mais n'ayant point ordre allors de la leur faire, s’advisa d’une ruse quy depuis neammoins fut cause de sa ruine : il leur respondit donc que le roy quy n’avoit aucun dessein ny intention de s'approprier aucunes de leurs terres, n’estoit pas sans crainte que les ennemis n’y eussent leur visée, et que rien ne les retardoit d’en entreprendre l'execution que l'impossibilité qu’ils y rencontroint par la puissante opposition des armes de Sa Majesté, desquelles ils en attendoint la retraitte pour parvenir a leurs fins ; et que la perte des Grisons estant conjointe a son notable interest, il ne pouvoit aucunement consentir de mettre les choses a l’abandon pendant la guerre, mais bien faire voir aux Grisons la candeur de son ame, et la sincerité de ses intentions, en mettant dans ces forts les Grisons mesmes pour les garder ; qu’a cet effet il feroit lever quattre ou six regimens de mille hommes chascun, de leurs compatriottes, tant pour s’en servir s’il estoit attaqué par les Espagnols, que pour leur confier la garde d’une partie de ces forts jusques a ce que les choses peussent estre en estat de ne plus rien apprehender. Cette proposition contenta les Grisons, et Mr de Rohan creut que ce luy estoit un plus grand affermissement parce qu’il choysit les plus affidés des Grisons au service du roy, tant aux charges de colonels que de capitaines, lesquels il engageoit encores davantage par ce nouveau bienfait, et qu’il ne les establiroit point es lieux les plus importans s’il ne vouloit, ce quy luy reussit pour lors. Mais comme cette levée requeroit, pour sa substance et sa solde, une grande somme d’argent outre celle que le roy employoit a l'entretien des autres forces qu’il avoit audit païs, et qu’en ce mesme temps le roy faisoit de prodigieuses despenses en beaucoup d’autres endroits, les payemens n’en furent pas sy ajustés et sy certains qu’il eut esté a desirer ; de sorte que ceux quy estoint mis sur pié a dessein de faire taire les autres, furent ceux quy avec le temps crierent le plus haut, et quy donnerent le plus de peine a Mr de Rohan. Les années cependant escouloint, et les Grisons estoint opprimés de nos trouppes et mal payés de leurs gages, ce quy leur causoit beaucoup de fascheries et mescontentemens, et quy fit resveiller les partisans des Espagnols, quy commencerent a semer sous main divers discours au desavantage de la France pour esmouvoir leurs compatriottes, leur faisant remarquer le long sejour des armes françoises dans leurs païs, les forts quy les tenoint comme en servitude, les mauvaises payes de leurs regimens, et finalement qu'ils estoint en pire estat que lors que les Espagnols occupoint la Valteline, puis que les païs grisons estoint aussy bien summis aux armes françoises que le reste, par la construction des forts du Steig et du Rein ; et que ce seroit bien le meilleur s’ils pouvoint vivre libres et jouissans de tous leurs païs en une bonne neutralité, ce qu’ils s’asseuroint que les Espagnols feroint de leur costé sy les François en vouloint faire de mesme. Cette proposition fut approuvée de tous les Grisons, et ces partisans espagnols eurent permission d’en faire la tentative vers les Espagnols. Mr de Rohan ne tarda gueres a estre averty de cette pratique, ny d’en donner avis au roy, auquel il manda que le seul moyen de l’empescher estoit d’envoyer de l'argent tant pour le payement de ce quy estoit deu a ces regimens de Grisons qu’il avoit levés, que pour leur subsistance a l'avenir, moyennant quoy il promettoit de contenir les Grisons, et de rembarrer les ennemis. Le roy avoit quelques jours auparavant envoyé le sieur Lanier son ambassadeur ordinaire aux Ligues, auquel il avoit donné l’intendance de la justice et des finances en l’armée de Mr de Rohan, et sur l’advis qu’il receut dudit duc, il fit acheminer une voiture de soissante et dix mille escus aux Grisons. Mais avant qu’elle fut arrivée, estant survenu une grande maladie audit duc en la Valteline, les mesmes factionnaires d’Espaigne ayant reschauffé leurs brigues, et mesmes gaigné quelques uns des six colonels quy commandoint les regimens que le roy avoit levés aux Grisons, ils eurent la puissance de faire envoyer des desputés des Ligues au Milanois pour traitter ; ce quy ayant obligé Mr de Rohan, dans l’extremité de sa maladie, d’envoyer le sieur Lanier (quy estoit lors pres de luy), a Coyre pour reprimer ces colonels desbauchés, et fortifier la faction françoise, ledit Lanier parla aux colonels plus aygrement qu'il ne devoit, les menaçant de les chastier, et de leur faire et parfaire leur proces, et mesmes avec des injures, ce quy acheva de descrediter le party, et de jetter les affectionnés pour la France dans le desespoir. La voiture estant cependant arrivée, et le duc de Rohan guery s’estant acheminé a Coyre, il creut estre expedient pour le service du roy d’improuver les violentes actions de Lanier : c’est pourquoy il luy fit quelques reprimandes devant les mesmes colonels, lesquelles ne pouvant souffrir, il y repartit en sorte qu'il se mit tout a fait mal avec ledit sieur de Rohan, quy ayant donné quelques ordonnances aux colonels pour recevoir de l'argent, Lanier ne le voulut distribuer ; dont le duc de Rohan se sentant offensé, envoya enlever la voiture de cheux Lanier et fit payer les colonels ; et Lanier qui prevoyoit l'orage quy depuis est avenue, fut bien ayse de prendre ce sujet de mescontentement pour s’en retourner [en France. Cette distribution contint en quelque sorte les Grisons : mais les causes continuant par le peu d'apparence qu'ils voyoint de restitution de leurs païs par les François, ils commencerent peu apres de faire nouvelles brigues pour les en chasser, et][666] un jour Mr de Rohan estant sorty de Coyre pour aller au fort de France, les Grisons prindrent les armes et vindrent au devant de luy comme il s’en revenoit ; ce quy l’ayant fait rebrousser dans ledit fort, quy n’estoit gueres muny de vivres, et les Suriquains quy estoint les plus forts dedans, peu resolus de se deffendre ; voyant aussy toutes les Ligues en armes, les Imperiaux et Espagnols sur leurs frontieres pour les secourir, le peu d'assistance qu’il pouvoit esperer tant des François que de leurs alliés, il fit un traitté avesques les Grisons de sortir de la Valteline et de leurs autres terres, pourveu que l’on asseurat le retour aux gens de guerre françois quy estoint dans leurs païs.

Sy la perte de la Valteline et des Grisons fut prejudiciable a la France, celle des isles de Saint Honorat et de Sainte Margueritte (que les Espagnols laisserent reconquerir aux François), leur sera une gloire immortelle. Car apres que l’on eut, l’année precedente, mis une flotte tres grande en mer, quy avoit heureusement passé le destroit, et abbordé aux costes de Provence, ou le roy avoit plusieurs regimens sur pié, au dessein de reconquerir ces deux isles ou les Espagnols s’estoint nichés et puis en suitte fortifiés avec tout le soin et l’industrie imaginable, la mauvaise intelligence des chefs de la marine (quy estoint le comte de Harcourt en apparence, mais l’archevesque de Bordeaux avoit le chiffre de la court, et on se reposoit sur luy de cette entreprise), et du mareschal de Vittry gouverneur de Provence, lequel mesmes vint des paroles aux coups avec l’archevesque, furent cause que ce grand appareil ne produisit aucun effet ; et la flotte ne sçachant a quoy s'occuper, estant allée faire une descente en Sardaigne, en avoit esté deslogée avesques les seules forces de l'isle ; estant revenue harassée et diminuée, sans aucun secours de terre, se resolut d’attaquer les isles de Saint Honorat, et apres plusieurs combats tant a la descente qu’a l'attaque des forts, elle remit ces deux isles au pouvoir du roy, en ayant bravement chassé les Espagnols le 13me de may[667].

Je n'avois que faire de m’estendre sur ces deux diverses actions ; mais m'estant embarqué dans l'affaire des Grisons ou je garde toujours quelque affection apres avoir esté 21 années colonel general de cette nation, j'ay pensé devoir aussy dire cette brave action en l’honneur de la France, n’ayant rien a dire de moy quy croupis dans cette miserable prison.

Juin. — Le mois de juin ne nous apporta rien de nouveau que la justice que l’on fit d’un imposteur quy se nommoit Du Bois, quy se disoit avoir le secret de faire de l'or, et l’avoit persuadé a plusieurs ; mais en fin sa fourbe fut descouverte, et luy pendu[668].

Je pris ce mois là des eaux de Forge selon ma coustume.

Juillet. — Au commencement du mois de juillet monsieur le cardinal m’envoya prier de luy prester ma maison de Challiot, ce quy m'obligea d'envoyer supplier madame de Nemours[669] que j'y avois logée, de luy quitter, ce qu’elle fit aussy tost, et il y vint le 5me, et n’en partit que le 23me du mois suyvant.

Nous primes, sur la fin de ce mois, la ville de Landrecy sur les Espagnols, et le 5me du mois d’aust la ville de Maubeuge[670], comme aussy, d’autre costé, le mareschal de Chastillon prit Yvoy en Lussembourg[671] le 14me, et le 24me l’empereur remit l’eslecteur de Treves detenu prisonnier depuis un long temps, en pleine liberté.

Le duc de la Mirande[672] mourut en ce mesme mois, et le mois de septembre ensuyvant mourut aussy Mr le duc de Mantoue[673].

Les Espagnols se remuerent un peu ce mois là, ayans pris les villes de Venlo et de Ruremonde sur la Meuse, et repris Yvoy par l'intelligence des habitans, le cardinal infant ayant tourné teste vers ces deux autres villes[674] apres avoir vainement tenté de secourir Breda assiegé par les Hollandois[675]. Mais tandis qu’il assiegeoit ces places, nous reprimes la Capelle[676] que nous avions perdue l'année precedente, et fismes ce memorable exploit de secourir Laucate[677] en deffaisant l’armée quy l’assiegeoit, ce quy fut executé le 28me de ce mesme mois[678].

Madame de Longueville[679] mourut le 9me : et monsieur le cardinal vers ce temps là m’envoya visiter de sa part par Lopes, et me prier de ne me point ennuyer, m’asseurant que s’il se faisoit paix ou treve, ou que l'on se peut un peu desbarrasser des affaires presentes, que l’on me mettroit en liberté pleine et entiere, et mesmes avec des marques particulieres de la bonté et des bienfaits de Sa Majesté ; dont je luy fis peu de jours apres rendre tres humbles graces par ma niece de Beuvron, a quy il reconfirma les mesmes asseurances.

Octobre. — Le mois d'octobre[680] fut funeste a la France par la mort de deux grands princes alliés a cette couronne et tres utiles aux presentes affaires : l’un fut le landgrave de Hessen Cassel, nommé Guilhaume, quy estoit le principal soustien de nos affaires en Allemaigne, quy mourut le premier jour de ce mois[681] ; et l’autre, Mr le duc de Savoye, prince doué de toutes les bonnes qualités quy peuvent orner un prince, quy estoit grand ennemy de la maison d’Espaigne et tres affectionné a la France, decedé le 8me du mesme mois[682]. Mais en recompense Mr le mareschal de Chastillon prit sur les ennemis Damvilliers[683] le mardy 27me octobre, jour remarquable par cette prise, et par celle de Mr [le] mareschal de Vittry quy fut arresté prisonnier a [Saint Germain et mené le mesme jour dans][684] la Bastille, comme aussy ce mesme jour le duc d’Aluin fut fait mareschal de France[685], et le lendemain Mr le comte d’Alais fut proveu du gouvernement de Provence, que l’on osta a Mr le mareschal de Vittry.

Il arriva aussy ce mesme mois deux bonnes fortunes a la France : l’une fut la retraitte que les Espagnols firent[686], abandonnans d’eux mesmes, sans y estre forcés ny contraints, les forts et lieux qu'ils avoint occupés ou construits sur la frontiere de Bayonne vers Saint Jean de Lus ; et la conjonction quy se fit le 10me octobre de l’armée du roy, quy (je ne sçay pour quel sujet), s’estoit divisée, en estant demeuré une partie a Maubeuge quy avoit esté prise par les nostres, et l’autre estant venue assieger la Capelle pendant que le prince cardinal infant revenu des prises de Venlo et Ruremonde s’estoit venu loger entre l’une et l’autre ; ce que j’attribue a la grande bonne fortune du roy : car probablement une des deux dittes armées françoises devoit estre taillée en pieces.

Ce mesme mois aussy, le 8me, se rendit la ville de Breda aux Hollandois apres six semaines de siege. Et comme ce mois fut heureux a la France, il fut malheureux pour mon particulier. Sur le commencement un maraud (que je ne veux nommer parce qu’il ne merite pas de l’estre), tint au roy un discours contre moy pour l’animer, et luy oster les racines de bonne volonté qu’il avoit pour moy dans son cœur (s’il luy en estoit encores resté). Je ne puis croire que l’on luy eut porté d’ailleurs, et moy je ne luy en avois jamais donné d'occasion ; au contraire il m’estoit obligé.

En suitte de cela un autre coquin, faux historiographe s’il en fut jamais, nommé Duplex[687], quy a fait l'histoire de nos rois, pleine de faussetés et de sottises, les ayant mises en lumiere cinq ans auparavant[688], me furent apportées dans la Bastille : et comme je prattique en lisant les livres, pour y profiter, d’en tirer extraits des choses rares, aussy quand je trouve des livres impertinens ou menteurs evidens, j’escris en marge les fautes que j'y remarque : j’escrivis en marges les choses que je trouvois indignes de cette histoire, ou ouvertement contraires a la verité quy la doit accompagner. Il arriva un an apres qu’un minime, nommé le pere Renaud, venant confesser l’abbé de Foix dans la Bastille, estant tombé puis apres en divers discours avesques luy, luy dit finalement que quelques uns de leurs peres travailloint a refuter les faussetés de ce Duplex, et ledit abbé de Foix luy dit que j'en avois fait quelques remarques aux marges des livres, lesquels livres ils me vindrent prier de leur prester pour un jour ou deux, ce que je fis ; et ce moyne en tira ce qu’il jugea a propos, puis me rendit les livres : et quelque temps apres, ledit moyne fit copier tant ces dites remarques que celles qu’il y voulut adjouter ; et en suitte d’autres en en faisant faire des copies y adjouterent forces choses, tant contre des particuliers que contre cet auteur ; et parce que ce moyne avoit pris tous ses premiers memoires de moy, il fut bien ayse, pour cacher son nom, de dire sourdement le mien, de sorte que l'on creut ces memoires, quy avoint esté faits en partie par moy, mais aux choses vrayes et modestes, estre entierement venus de moy : et cinq ans apres cet auteur Duplex, suscité a mon avis par d’autres, vint montrer a forces particuliers, et la plus part mes amis, des medisances et calomnies quy faussement avoint esté inserées contre eux, leur voulant persuader que c’estoit moy quy les avois escrittes et publiées ; de sorte que plusieurs diverses personnes m'en firent parler, ausquelles ayant fait voir les originaux que j'avois apostillés, ils en demeurerent satisfaits. Mais comme l’on est bien ayse de trouver des pretextes apparens quand les veritables manquent pour colorer et autoriser les choses que l’on fait, ce pendard de Duplex fut escouté lors qu’il fit voir aux ministres ces memoires que faussement il m'attribuoit, et fut aysement creu quand il eut dit qu’il y avoit plusieurs choses ou je tesmoygnois que je n’approuvois pas le gouvernement present, bien qu’il n'y en eut aucune, mesmes aux remarques supposées, quy en parlat ; et on ne manqua pas de le rapporter au roy, et de luy dire qu’il apparoissoit evidemment par ces memoires que j’avois de l’aversion a sa personne, et a l’estat : mesmes plusieurs quy dans ma bonne fortune m’estoint obligés, s’efforcerent de luy faire croyre, et le roy y adjouta foy d'autant plus tost qu’il sçavoit qu'ils estoint mes amis, et l'affaire en passa sy avant que l’on permit a ce pendard d’escrire contre moy un livre sur ce sujet, et obtint des lettres pour le faire imprimer[689].

En ce mesme temps il y eut un chevaux leger prisonnier pour avoir recité un sonnet quy commençoit par ces mots : Mettre Bassompierre en prison[690], et quy continuoit par des medisances contre monsieur le cardinal ; et comme l’on le fit estroittement garder, et soigneusement interroger, on eut d’autant plus de curiosité de sçavoir la cause de sa detention ; et comme un des prisonniers eut trouvé moyen de luy parler un instant, il luy dit que c’estoit pour des vers quy parloint de moy. Cela me mit en allarme, quy me fut augmentée par le gouverneur de la Bastille quy me dit inconsiderement (ou bien expres), que ce prisonnier avoit esté arresté pour des choses quy me regardoint : en suitte de quoy on me manda de la ville, de bonne part, que je prisse garde a moy, et qu’il se machinoit quelque chose d'importance contre moy, dont ils tascheroint d’en apprendre davantage, ne m'en pouvant pour l’heure dire autre chose sinon de m’advertir de brusler tous les papiers que je pourrois avoir capables de me nuyre, parce qu’asseurement on me feroit fouiller. J'avoue que ce dernier avis quy suyvoit tant de precedentes circonstances et d’autres mauvaises rencontres, fut presque capable de me faire tourner l'esprit. Ce fut le 9me octobre que je le receus : je fus six nuits sans fermer l'œil, et quasy toujours dans une agonie quy me fut pire que la mort mesme. En fin ce prisonnier, quy se nommoit Valbois, apres avoir esté sept ou huit fois interrogé, et qu’il eut fait voir que ce sonnet avoit esté fait sept ans auparavant[691], cette affaire se ralentit, et je commençay a reprendre mes esprits quy certes avoint esté estrangement agités.

J'eus aussy encores plusieurs desplaisirs domestiques de la Bastille, tant causés par un maraud de medecin Vaultier[692], que par une cabale (quy se fit contre moy par son induction) de quattre ou cinq personnes de son humeur, quy, bien qu'ils fussent impuissans a me nuire, estoint capables de m’animer par leurs deportemens, et moy, quy (pour mille raysons), ne devois faire dans la prison (et moins en ce temps là, ou j'avois tant de diverses et fascheuses rencontres), aucune chose quy peut faire parler de moy, ne me voulant compromettre ny venger, recevois de grands et violents desplaisirs par cette contrainte. Il arriva de plus que la gouvernante de la Bastille que j'avois toujours creue une de mes meilleures amies, et que j'avois toujours tasché (par tout ce que j'avois imaginé luy pouvoir plaire), d’acquerir sa bienveillance, se jetta inconsiderement dans cette cabale contre moy, sans aucune cause, ny occasion que je luy en eusse donnée, et mesmes estans ceux quy plus ouvertement et injurieusement avoint medit d'elle ; et elle a depuis continué a faire sous main tout ce qu’elle a pensé me pouvoir desplaire, autant qu’elle a peu.

Novembre. — Ainsy se passa le mois d’octobre, et celuy de novembre quy le suyvit commença par une autre disgrace quy me fut sensible : quy fut que sous main, par l'entremise de ma sœur de Tillieres, nous avions traitté et presque conclu le mariage de ma niece d’Espinal avec Mr de la Mailleraye, riche seigneur, chevalier du Saint Esprit, et lieutenant general de Normandie[693], lequel (comme nous estions sur le point de terminer cette affaire), mourut le 2me du mois de novembre ; et par ainsy ce dessein, quy estoit comme conclu, quy m'estoit tres agreable, et avantageux a ma niece, alla en fumée.

Mon petit neveu de Houailly mourut en ce mesme temps. La fievre quarte arriva a ma niece sa mere[694] peu apres, quy l’a, depuis, longtemps tourmentée ; et j'eus nouvelles que mon neveu de Bassompierre estoit de rechef tourmenté de son hydropisie.

En ce mesme mois les Imperiaux reprindrent les forts que le duc de Weimarch avoit faits sur le Rein pour s’y donner un passage, lequel (estant contraint par la saison d’aller chercher ses quartiers d’hiver), avoit consigné lesdits forts au sieur de Manicamp, quy s’estoit chargé de les garder.

J'eus nouvelles ce mesme mois que mon neveu le chevalier de Bassompierre[695] ne se gouvernoit pas comme il devoit avec son grand pere le comte de Tornielle, auquel j'escrivis pour luy en faire des excuses, et fis menacer mon dit neveu que je le maltraitterois s’il ne donnoit a son grand pere toute sorte de contentement. Mais par la response que je receus dudit comte de Tornielle il me fit sçavoir, au mois de decembre suyvant, que mon dit neveu avoit resolu d’aller trouver son frere ainé quy est au service de l'empereur, et qu’il m'en advertissoit et s’en deschargeoit sur moy, ce quy m'obligea, de peur que l’on ne s’en prit a moy, d'envoyer sa lettre a Mr de Chavigny lequel, le soir auparavant, avoit receu du gouverneur d’Espinal nommé .......[696] des lettres interceptées de mon neveu de Bassompierre a son frere le chevalier, par lesquelles il le convioit de l'aller trouver, ce quy me servit ; car on connut par l’avis que j'en donnois moy mesme, que je n’avois aucune part en cette affaire, et que je me rendis en suitte puissant pour retirer mon dit neveu de la prison ou on resolut de le mettre ; et on executa ce dessein le dernier jour de l'an, que l'on envoya de Nancy soissante mousquetaires a Harouel pour se saisir de luy et l’ammener a Nancy ou il fut mis dans la citadelle.

Je ne dis rien en ce lieu de la brouillerie du roy et de la reine sur la surprise que l’on fit de quelques lettres qu’elle escrivoit au cardinal infant et au marquis de Mirabel, et qu’elle envoyoit par l’entremise de l'agent d'Angleterre que madame de Chevreuse luy avoit adressé, de l’accord du roy et d’elle vers la fin de l’année, fait a Chantilly[697], et du chassement des religieuses du Val de Grace, quy l’avoit precedé ; non plus que du subit et extreordinaire partement et voyage de madame de Chevreuse en Espaigne, ny que le pere Causseins confesseur du roy fut osté de cette charge[698] et envoyé en Basse Bretaigne, ny de ce que dit Mr d’Angoulesme a monsieur le cardinal sur le sujet dudit pere Causseins[699], ny finalement de l'entrée de monsieur le chancelier dans le Val de Grace[700], ou il fit crocheter les cabinets et cassettes de la reine pour prendre les papiers qu’elle y avoit.


1638.
Janvier.


L'année 1638 commença par un bon augure pour la France en ce que la reine se creut grosse par des signes apparents (quy depuis vingt et deux ans qu’elle estoit mariée, ne l’avoit point esté)[701] : cela causa une grande joye au roy, et a tous les François une esperance d'un grand bonheur a venir.

J'ay dit cy dessus comme le duc Bernard de Weimarch, apres avoir resigné a Manicamp les forts qu'il avoit construits sur le Rein, s’estoit retiré en ses quartiers d’hiver, lesquels luy furent sy incertains que, s’il en voulut avoir, il fut contraint de les prendre a la pointe de l’espée ; ce qu’il fit en se venant loger en un petit païs quy est entre le comté de Bourgongne et les Suisses, appartenant a l’evesque de Basle, nommé les Franches Montaignes[702], quy n’avoit encores esté mangé, parce qu'il estoit gardé par les païsans du lieu quy en avoint retranché les avenues ; et ceux des païs voysins y avoint transporté ce qu'ils avoint de plus cher. Il força donc ce retranchement, et ayant tué partie des païsans quy s’opposerent a luy, le reste fit joug. Il trouva là de quoy se loger, et y hiverner, comme aussy forces chevaux pour remonter ses gens, qu’une mortalité quy avoit couru l’année precedente sur les chevaux avoit la pluspart mis a pié. Les Suisses se voulurent formaliser de cette invasion du Waimarch dans les païs quy estoint sous leur protection ; mais en fin on les rapaisa par belles paroles.

Fevrier. — J’avois eu de monsieur le cardinal tant de bonnes paroles l’année precedente lors qu’il me fit asseurer qu’il n’y auroit jamais aucune paix ny tresve que le roy ne me rendit ma liberté avec tant d’avantages et de marques de sa liberalité et bonté, que j’aurois toute sorte de sujets d’en estre satisfait, que je creus estre obligé de luy en resfraischir la memoire, et d’autant plus que, vers le commencement du mois de fevrier, je fus adverty que l'on traittoit sourdement, mais fort chaudement, une tresve pour quelques années entre France et Espaigne : ce quy m’occasionna de prier ma niece de Beuvron de luy aller faire des instances de ma liberté, sy souvent promise, sy ardemment attendue de moy, et quy avoit esté sy mal effectuée. Elle trouva donc moyen, apres plusieurs difficultés, de parler a luy sur ce sujet ; mais contre mon attente elle trouva son esprit sy aigry contre moy, sy fier en ses responses, et sy impitoyable, que je n’en fus pas moins estonné, qu’affligé de me voir, apres de sy longs malheurs, de sy petites esperances de les finir. Je me remis, et ma liberté, en Dieu, quy sçaura bien finir mes maux quand il luy plaira.

Or, a ce que j’appris, les traités de la tresve n’estoint pas sans fruit ; car elle fut en ce temps là sur le point d’estre conclue a ces conditions : qu’elle seroit pour quattre ans entre les deux rois, l’empereur, et la couronne de Suede ; que chascun retiendroit ce qu'il possede, hormis que les François rendroint Landrecy et Damvilliers, et le roy d’Espaigne le Catelet ; que la ville de Pignerol quy avoit esté retenue par le roy [contre le traitté de paix, sous pretexte d’un simulé achat fait par le roy][703] au duc de Savoye, et depuis fortifiée avec une extreme despense, seroit ratifiée par l’Espagnol, sans qu'a l’avenir, par aucun pretexte ou couleur, le roy d'Espaigne en puisse faire instance ou demande, approuvant la vente qu’en avoit faite ledit duc au roy, et que par mesme moyen aussy le roy tres chrestien remettroit es mains de la duchesse de Mantoue[704], au nom de son fils[705], le duché de Montferrat, ses appartenances et despendances, puis que le roy ne le destenoit que sous pretexte de le conserver et garder contre tous pour le duc de Mantoue, et apres cette restitution la duchesse auroit pouvoir d’en traitter ou eschanger avec le roy d’Espaigne, ce quy estoit desja conclu entre elle et luy, par l’entremise du pape, en la forme quy s’en suit : que la duchesse cederoit, tant en son nom qu’en celuy de son fils, le Montferrat a toujours, moyennant quoy et en recompense, le roy d’Espaigne donneroit au petit duc de Mantoue cette partie du Cremonois quy est depuis Mantoue jusques a Cremone exclusivement, comme aussy les quattre pieces enervées par les partages du duché de Mantoue, quy sont Guastalla, Castillone, Bosolo et la Novalara[706], qu’il recompenseroit des proprietaires par d’autres terres qu’il leur donneroit, et de plus la Mirande et la Concorde, Saviannette et Correggio[707], ce quy estoit tres avantageux pour le duc de Mantoue, attendu que cet eschange valoit mieux de plus de cinquante mille escus de rente que le Montferrat, qu’il estoit attenant au duché de Mantoue, et par consequent plus commode, et qu’il delivroit le duc des fortes garnisons qu’il estoit contraint de tenir a Casal, et des continuelles apprehensions ou il estoit avec ses voysins quy y remuoint incessamment quelque chose. Cette tresve se traittoit a Romme, recherchée en apparence par tous les deux partis, grevés des infinies despenses qu’il leur convenoit faire pour cette guerre dont l’un ny l'autre n’esperoit pas retirer grand profit, et l’on estoit desja convenu du temps, quy estoit de quattre années, quand le 3me jour de mars la battaille de Reinfeld fit rompre ce projet, quy arriva en cette sorte[708] :

J’ay dit cy dessus comme le duc de Saxe Bernard de Weimarch (apres avoir consigné les forts du Rein a Manicamp), estoit venu prendre ses quartiers d'hiver aux Franches Montaignes qu'il avoit forcées et pillées, y ayant trouvé de quoy se resfraichir, et remettre en quelque sorte son armée. Mais comme ce pays est petit, il fut bien tost tary de vivres, ce quy contraignit ledit duc de penser a sa nourriture pour l’advenir, et ayant fait tenter le roy de luy donner quartier en Bresse, et en Bourgongne, on luy fit comprendre que l’armée de Mr de Longueville y pouvoit a peine trouver de quoy subsister, et que la sienne estant destinée pour faire teste aux ennemis du costé d’Allemaigne, il feroit mieux de chercher sa subsistance en lieu quy luy fut quand et quand conqueste. Il se trouva qu’en ce mesme temps il luy fut proposé par le colonel d’Erlach Castelen le dessein de se jetter dans les quattre jurisdictions au deça du mont Arberg, que l’on nomme vulgairement les quattre villes forestieres appartenantes a la mayson d’Austriche, quy sont Reinfeld, Sekinguen, Laufenbourg, et Valdshout[709], lesquelles, pour avoir esté prises et reprises pendant ces guerres, estoint comme abandonnées a premier occupant ; que depuis deux ans on y avoit semé, joint aussy qu’il y avoit des ponts sur le Rein, quy estoit ce qu’il devoit desirer, et qu’au delà il auroit foyson de vivres dans l’Alsats delà le Rein quy s’estoit en quelque sorte raccommodé. À cela se presentoit la difficulté de l’entreprendre, veu qu'il y avoit quattre generaux quy se pourroint rassembler, quy joints ensemble, estoint sans comparayson plus forts que luy : mais elle fut surmontée par la facilité de l’entreprise et de l’execution, par l’asseurance du secours que l’on luy promettoit de France, et par la necessité de ne pouvoir où aller ailleurs ; de sorte qu'il s’y resolut, et des la fin de fevrier s'achemina a Laufenbourg qu’il prit avec peu de resistance, comme il fit aussy Valdshout et Sekinguen, puis s’en vint assieger Reinfeld. Cette inopinée invasion resveilla les chefs du party de l’empereur, et se joygnirent pour se venir opposer a luy le duc Savelly, Jean de Vert, Equenfort, et Sperreuter, quy vindrent un matin[710] fondre sur luy comme il estoit occupé a ce siege qu'ils luy firent lever en desordre, ayans jetté mille hommes dans Reinfeld, tandis que par un autre endroit ils vindrent furieusement assaillir le camp dudit duc, a la deffense duquel Mr de Rohan s’opposa avec grande valeur, et y fut fort blessé, pris, et puis rescoux. Le colonel d’Erlach fut pris aussy avec plusieurs autres, et quelque nombre de tués ; le bagage du duc perdu, ses munitions, et quelque artiglerie quy, pour n’estre sy bien attelée que les autres, ne peut suyvre le duc, quy se retira a Laufenbourg, desesperé de voir ses entreprises avortées, et luy reduit a une grande extremité, ne sçachant comment se retirer ny où avoir recours ; ce quy le porta a une determinée et perilleuse entreprise quy luy succeda neammoins avec un extreme bonheur : car les ennemis apres avoir secouru Reinfeld, et fait lever le siege au duc de Weimarch, se devoint probablement retirer de devant cette place, et songer a d’autres desseins, ce qu'ils ne firent neammoins, (soit qu’ils fussent enyvrés de ce premier bon succes, soit qu’ils se confiassent en leurs grandes forces, ou qu’ils eussent en mespris celles du duc de Weimarch, ou ne se pouvant imaginer que celuy quy ne les avoit osé attendre, ayant ses forces entieres, eut l’audace de les attaquer, estans ruinées et desperies par ce dernier eschec), sejournerent deux jours proche de Reinfeld a faire resjouissance de leur heureux succes ; dont le duc Bernard adverty conceut en son esprit de les attaquer au despourveu, et que cela les pourroit mettre en tel desordre qu’il en pourroit tirer quelque advantage, ce qu’il executa aussy tost ; et apres avoir proposé son dessein a ses chefs, et qu’il l’eut fortifié des raysons qu’il jugea plus propres pour les y faire concourir, luy et eux allerent le proposer aux trouppes qu’il avoit fait mettre en battaille, lesquelles le comprindrent sy bien qu’ils demanderent tous qu’il les menat au combat, ce qu’il fit en mesme temps, et ayant cheminé une partie de la nuit du 2 au 3me de mars, il arriva a la pointe du jour au lieu ou ces generaux avesques leurs trouppes estoint logés confusement proche de Reinfeld, quy estans montés a cheval en desordre, furent tout le reste de mesme, de sorte que, les soldats estans fuis, les chefs quy voulurent faire quelque resistance furent tués ou prisonniers, et les quattre generaux pris, avec leurs canons, enseignes, cornettes, et bagage, et la tuerie fut sans resistance aussy longtemps que les trouppes du duc voulurent poursuyvre les Imperiaux.

Cette victoire sy heureuse, sy grande, sy complette, et sy inopinée, mit le duc de Waimarch en une grande reputation, luy donna en proye toute l’Alsasse, et mit en grande consternation le party de l’empereur jusques au Danube, n’y ayant aucune armée, ny chef, ny mesmes de trouppes en son nom plus proches qu’en Hesse où estoit le general Geuts[711] quy n’avoit pas ses trouppes prestes de sortir de leurs quartiers d’hiver, quy est plus aspre et plus long que par deça, de sorte que le Waimarch peut sans resistance se saysir de Fribourg[712] et de plusieurs autres villes, Reinfeld s’estant rendu a luy peu apres sa victoire[713], et commença comme a investir Brisac[714] quy avoit espuisé ses vivres tant a ravitailler Reinfeld qu’a nourrir les trouppes quy s’acheminerent pour le secourir.

Au mesme temps que la battaille de Reinfeld se donna sur le Rein, le marquis de Leganes[715], gouverneur de Milan, luy estant arrivé quelques forces d’Allemaigne, se mit en campaigne, et asseuré du peu de forces que nous avions en Italie, et du peu d'ordre que nous avions mis au fort de Breme[716] que, deux ans auparavant, le duc de Savoye et nous, avions construit sur le Pau du costé du Milanois, le vint assieger ; et Mr de Crequy, lieutenant general pour le roy en Italie, se resolvant de le secourir, estoit venu du costé de deça du Pau pour reconnestre le lieu par ou il le voudroit entreprendre, fut tué d’un canon de 17 livres de balle le mercredy 17me de mars sur les huit heures du matin, quy luy fut tiré du camp des Espagnols : ce fut une tres grande perte a la France ; car c’estoit un des plus grands personnages et des plus experimentés capitaines qu’elle eut, et sy important pour les guerres d'Italie, que je prie a Dieu que nous n’ayons a l'avenir beaucoup plus a regretter. La perte du general fit en suitte perdre le fort de Breme, se voyant hors d’estat d’estre secouru : mais on ne laissa pas de faire quelque temps apres trancher la teste au gouverneur quy l’avoit rendu, nommé Montgaillart, et desgrader de noblesse les capitaines quy estoint sous luy.

Ce mesme mois je descouvris la volerie qu’une personne[717] a quy j'avois fait du bien avant mesmes que de le connestre, de quy la meschanceté et l’ingratitude a esté sy grande que, m’estant fié à luy, et donné ma procuration, tant pour gouverner un peu de bien et d’affaires que j'avois en Normandie, et pour convenir avec une personne a quy je devois, il s’est entendu avec cette personne et m’a trompé de plus de vingt cinq mille livres qu’il s’est appropriées, et ayant receu sept ans durant mon revenu, ne m’en a jamais fait toucher un sol. Dieu me donnera la grace de luy en faire un jour rendre compte[718].

Ce mesme mois les huit et trois millions de rente constituée sur les aydes et gabelles de France ne s’estans payés plusieurs quartiers auparavant, esmeurent les rentiers a faire instance au conseil pour leur payement ; ce qu’ils executerent plus chaudement et avesques plus de bruit que le conseil du roy ne desiroit, et en suitte se retirans de cheux le chancelier, ils rencontrerent Cornuel l'intendant[719] quy entroit cheux le surintendant, lequel ils poursuivirent avec injures, de sorte que, s’il ne fut promptement entré cheux le surintendant, il eut couru fortune. Cela fut cause que l'on mit dans la Bastille trois desdits rentiers, sçavoir Bourges, Chenu, et Selorum[720], et les autres ayant presenté requeste au parlement, il fut dit que les chambres seroint assemblées pour en deliberer. Mais comme elles furent venues a la grand chambre, le premier president leur ayant montré une lettre de cachet portant deffenses de deliberer sur ce sujet, il y eut quelque contestation là dessus, et le lendemain on fit commandement aux presidents Gayan, Chanron[721], et Barrillon, et aux conseillers Salo Beauregart, Tibeuf Bouville[722], et Sevin, les deux premiers de se retirer en leurs maisons, et aux autres quattre d’aller, sçavoir, Barrillon a Tours, Salo Beauregart a Loches, Sevin a Amboise, et Tibeuf Bouville a Caen ; et des qu'ils y furent arrivés, il leur vint un nouvel ordre de demeurer prisonniers dedans les quattre chasteaux de ces villes. Le president Gayan eut peu de jours apres permission de retourner, et de faire sa charge.

Aussy tost apres que la nouvelle fut arrivée de la mort de Mr le duc de Crequy, on jugea tres necessaire d’envoyer promptement quelqu'un pour luy succeder, attendu l’estat du fort de Breme que l’on ne croyoit pas se pouvoir maintenir s’il n’estoit promptement secouru : et comme on estoit en cette consultation, Mr le cardinal de la Vallette s’offrit a cet employ, quy luy fut aussy tost accordé, et pressé de partir ; mais il ne le peut faire qu’au commencement d’avril. Le bruit couroit que l’on n’avoit pas esté trop satisfait de luy de son employ de l’année passée, tant pour avoir opiniastré de conserver Maubeuge, dont il y avoit pensé avoir grand inconvenient, que pour n’avoir voulu entreprendre sur Cambray, ny executer une entreprise que l’on avoit dessus, ainsy qu’il luy avoit esté expressement ordonné. À son malentendu s’adjoutoit celuy de sa maison ; car Mr d’Espernon n’avoit pas fait, a ce que l’on croyoit, [ce] qu’il eut peu faire pour chasser les Espagnols de Fontarabie ; et Mr de la Vallette s’estoit embarrassé dans les affaires de Monsieur et de Mr le Comte, dont il estoit par deça en tres mauvais predicament, non seulement vers le roy et monsieur le cardinal, mais encores vers Monsieur et Mr le Comte. Ce dernier employ de Mr le cardinal de la Vallette accommoda l'affaire de son frere, ou au moins la plastra pour l'heure ; car son frere vint sur sa parole trouver le roy[723], et fut veu de monsieur le cardinal, puis s’en retourna en la charge qu’il avoit de lieutenant general sous Mr le Prince, a quy l’on avoit donné un ample pouvoir pour commander en Languedoc, Guyenne, et Bearn, avec une puissante armée qu’il avoit sur pié.

Ce mesme mois on fit sortir les trouppes du roy de leur quartier d'hiver, ou (pour mieux dire), on les mit en campagne pour former des corps d'armée ; car la pluspart avoint vescu presque a discretion sur le plat païs par la mauvaise execution quy avoit succedé a un tres bon ordre : car on avoit projetté de les faire nourrir par les païs ou elles avoient esté departies, et que les villes se chargeroint de leur subsistance au taux et a la ration quy avoit esté limitée, et que la repartition s’en feroit en suitte sur le païs, quy par ce moyen seroit conservé ; a quoy les peuples s’estoint sy franchement portés que les dittes villes avoint la pluspart avancé deux et trois mois de contribution que de bonne foy ils avoint mises es mains de Besançon (qu'avec un ample pouvoir le roy avoit commis pour effectuer cet ordre) : mais luy premierement, a ce qu’on dit, en remplit ses bougues[724], puis, pour s’accrediter en court, ayant donné avis qu’il avoit de grandes sommes en despost, Bulion quy avoit force argent a distribuer lors, et quy avoit peu de fonds, persuada que l’on prit celuy quy estoit es mains dudit Besançon pour subvenir a l’urgente necessité du duc de Waimarch apres qu’il eut pris Laufenbourg, ce quy fut executé ; et les soldats estans privés des rations ordinaires que l’on leur donnoit, forcerent les villes ou ils estoint de leur fournir leur entretenement, et puis en suitte vindrent impunement piller le plat païs avec un tres grand desordre, ce quy fit que premierement le peuple ruiné fut impossibilité[725] de fournir aux charges ordinaires de l’estat, et que la pluspart deserterent les bourgs et villages, et en suitte que les soldats chargés de pilleries et de butin, considerans que l’on leur vouloit faire passer l’esté sans solde a cause de la subsistance qu’ils avoint eue l'hiver, prefererent le sejour en paix de tout cet esté dans leurs maisons ou celles de leurs amis ou ils pouvoint demeurer, vivans de ce qu'ils avoint amassé, a l’employ d’une guerre pendant l'esté ou ils auroint beaucoup de maux et de fatigues et point de solde ; de sorte que la pluspart des soldats ayans delaissé les compagnies, elles se trouverent sy foibles quand on les voulut mettre en campagne, que l'on n'eut gueres que le tiers des soldats que l’on s’estoit promis : ce quy fut cause de faire acheminer le roy vers la frontiere de Picardie[726], affin de faire par sa presence et mesmes par la rigueur et le chastiement remettre les trouppes en meilleur estat ; a quoy il proceda jusques là de casser la compagnie de Chandenier[727] au regiment des gardes, quy devant estre de deux cens hommes, ne se trouva que de cinquante, et de reduire la pluspart des autres compagnies dudit regiment a 150 hommes. Ces exemples, et le soin que l’on apporta a remplir les compagnies des autres regiments, les renforça quelque peu ; mais neammoins les trouppes d’infanterie ne furent sy belles, ny sy complettes, qu’elles souloint estre les années precedentes.

Un presque pareil inconvenient arriva pour la cavalerie : car, comme l’on les mit en garnison, le roy accorda aux capitaines que, pour les enrichir, et leur donner moyen d'entretenir leurs gens durant l’esté, il ne les obligeoit de tenir leur nombre complet dans les garnisons, et que leurs distributions courroint comme s’il estoit complet, pourveu qu’ils s’obligeassent de les rendre complettes lors qu'elles viendroint a l'armée : ce quy fut cause que les capitaines licencierent tous leurs soldats a huit ou dix pres des anciens et affidés ; et quand il les fallut faire mettre en campagne, les capitaines ne pouvoint trouver de soldats, parce que ceux qu’ils avoint cassés n’ayant rien receu l'hiver, ne voulurent plus retourner. En fin neammoins ils firent du mieux qu’ils peurent et se mirent aux champs.

On commença donc lors a former les corps des armées, et certes on fit un puissant projet pour remedier a tous les inconveniens et attaquer vertement les ennemis de tous costés. Pour cet effet on envoya des grandes sommes de deniers au general Bannier[728] et au party suedois pour divertir leur accord avec l'empereur, qu’ils projettoint, et leur donner moyen de subsister, et de continuer la guerre en Pomeranie et en Michelbourg[729] ou ils s’estoint retirés. On envoya aussy de gros deniers aux Hollandois pour leur faire faire une puissante armée, et attaquer les Espagnols du costé de Flandres. On mit sur pié une grande armée du costé de Hainaut, commandée par le mareschal de Chastillon, lequel on avoit fait obliger de prendre quelque grande ville pourveu que l’on luy donnat les choses necessaires a cet effet. On mit une autre armée entre les mains du mareschal de la Force pour assaillir le Cambraysis et l’Artois. Une autre fut donnée au mareschal de Bresé pour assaillir le duché de Luxembourg. Le duc de Waimarch fut renforcé d'hommes et d’argent pour faire teste sur le Rein, et y faire les progres qu’il pourroit. On laissa une autre armée a Mr de Longueville pour s'opposer au duc de Lorraine dans la comté de Bourgongne. On envoya forces nouvelles trouppes pour joindre a nostre armée d'Italie, commandée par le cardinal de la Vallette quy ne partit que le 20me de ce mois[730] pour s’y en aller, laquelle, jointe a celle de la duchesse de Savoye[731], devoint s'opposer aux Espagnols quy y estoint puissants. Mr le Prince s’estoit desja acheminé en Guyenne avec une tres belle armée. Finalement on mit en mer deux armées navales, l’une en l’Ocean, commandée par l’archevesque de Bordeaux, l’autre en la mer Mediterranée sous la charge du comte de Harcourt. On pressa madame de Savoye de confirmer la ligue offensive et deffensive entre le roy et elle, que son feu mary avoit jurée, et on traitta avec le roy de la Grand Bretaigne d’en faire de mesme pour restablir le palatin[732] dans ses estats : mais ce dernier n’y voulut entendre ; seulement permit il a son neveu le palatin de lever des gens dans ses royaumes pour faire un effort au Palatinat, et l’assista de quelque petite somme d'argent, le roy d’une plus grande, les Hollandois de quelques canons et munitions, et sa mere de l'engagement du reste de ses pierreries ; avec quoy il se preparoit pour cet effet, et avoit mis dans la ville de Mepen[733] ses appareils, et mesmes son argent, laquelle ville l’avant garde de Galas vint surprendre, et la perte de tout ce que le palatin avoit dedans luy fit avorter ses desseins.

Ce mesme mois[734] mourut de ses blesseures Mr le duc de Rohan, quy fut certes une tres grande perte a la France ; car c’estoit un tres grand personnage, et aussy experimenté que personne de nostre temps.

Madame de Chevreuse, ce mesme mois, passa d’Espaigne en Angleterre, ou elle fut tres bien receue : et les jesuistes quy avoint esté receus a Troyes par la violence que Besançon avoit faite deux mois auparavant de les y introduire par force, en furent chassés par les habitans de la ville ce mesme mois d'avril[735], auquel le roy envoya interdire la troisieme chambre des enquestes du parlement de Paris, sur le mauvais traitement qu’ils faisoint a un de leurs confreres, nommé Colombel, quy s’estoit fourré contre leur gré en leur compagnie[736], et qu'ils ne demandoint point l'avis des nouveaux establis ny ne leur distribuoint les proces ; laditte chambre eut aussy commandement de remettre tous leurs proces au greffe du parlement pour estre de nouveau distribués aux conseillers de la chambre de l’esdit ou l’on en avoit attribué le jugement.

Finalement en ce mesme mois, le jeudy 23me[737], la reine sentit bouger l’enfant dont elle estoit grosse.

May. — Au commencement du mois de may une personne quy en pouvoit avoir quelque connoissance, me fit advertir que, sy je voulois faire presser ma liberté, le temps y estoit bon, et qu’il sçavoit que non seulement je serois escouté, mais mesmes avesques efficace. Mais comme j'ay esté sy souvent trompé de ces esperances, et que je connoissois le peu de bonne volonté que l’on avoit pour moy, et les rudes et mauvaises paroles dernieres que monsieur le cardinal avoit dittes a ma niece de Beuvron, je ne fis ny mise, ny recette[738] de cet avis, remettant a Dieu ma liberté quand il luy plairoit de me la donner[739].

Je perdis en mesme temps une de mes cousines germaines portant mon nom, madame de Bourbonne, que j'avois toute ma vie extremement aymée.

La peste tua quattre ou cinq personnes aux escuries de monsieur le chancelier, ce quy le convia de m'envoyer emprunter ma maison de Challiot, que je luy accorday, et luy fis meubler au mieux que je peus.

Le duc de Weimarch, suyvant sa victoire, apres avoir pris toutes les petites places de l’Alsasse, s’advança vers le Virtemberg : mais sentant approcher le general Geuts et Sperreuter (nouvellement sorty de prison), avec des forces considerables, et les voulant empescher d’avitailler Brisac desnué de vivres, il se retira entre Basle et Strasbourg en un poste avantageux.

Le marquis de Leganes se mit en campagne en Italie avec de grandes forces, et vint assieger Vercel[740], place importante pour l’estat de Piemont.

Le mareschal de Chastillon se mit en campagne, et vint entrer en Flandres vers Ardres[741], ou apres avoir pris quelques petits chasteaux, il vint camper devant Saint Omer, et se resolut de l’assieger, commençant sa circonvallation[742].

En ce mesme temps le roy d'Angleterre quy s’enrichit des desordres de ses voysins, et quy tire des signalés proffits du traffic quy se fait par Donquerque[743] avec luy, apprehendant la perte de cette place pour les Espagnols, fit dire par ses ambassadeurs de France et de Hollande que, sy le roy ou les Estats vouloint entreprendre d’attaquer Donquerque, il seroit contraint de la secourir, mesmes de rompre ouvertement avec nous et lesdits Estats.

Le roy deffendit en ce mois tout commerce et pratique de ses sujets avec ceux de Sdan, pour quelque mescontentement que le roy avoit eu de Mr de Boullon quy avoit aydé a faire passer quelques convois de vivres aux villes du duché de Luxembourg, permettant au reste aux gens de Mr le Comte de pouvoir aller et venir a Sdan.

Juin. — Le mois de juin produisit plusieurs choses, sçavoir : le secours jetté de deux mille hommes dans Saint Omer par le prince Tomas, laquelle ville, grande et pleine d’habitans, estoit sur le point de capituler avec le mareschal de Chastillon, sans attendre un plus long siege ; mais ce renfort sy considerable et important les resolut tout a fait a une vigoureuse deffense, et fit en mesme temps rabattre quelque chose de cette premiere ardeur françoise, parce qu’en y entrant le prince Tomas deffit a platte cousture trente compagnies de gens de pié quy estoint mises au poste ou le secours passa, quy estoint les regiments d'Espagny et de Foucsolles. Peu de jours apres nous eumes encores un autre eschec, mais moindre : car les compagnies de cavalerie de Vittenval et de Vattimont furent aussy deffaites en une embuscade ou elles donnerent[744]. Ces divers accidens obligerent le roy de commander au mareschal de la Force (quy avec son armée faisoit le gast[745] au Cambraysis), de se venir joindre au mareschal de Chastillon, lequel[746] se vint loger a deux lieues de Saint-Omer vers Ardres. Mais le prince Tomas se campa avantageusement entre la ville[747] et luy, et le gouverneur d’Ardres ayant fait un petit fort a la teste d’une chaussée pour pouvoir plus facilement aller picorer sur les terres des ennemis, le prince Tomas la vint attaquer le 24me de ce mois, ce quy obligea le mareschal de la Force d’envoyer le viscomte d’Arpajon avec des forces pour tascher d’y jetter du secours ; mais il trouva la redoutte prise et les ennemis campés au devant ; et le lendemain le mareschal de la Force estant allé avec toute son armée pour la reprendre sur l’advis que l’on luy avoit donné que les ennemis s’estoint retirés, il trouva toute l’armée du prince Tomas en armes pour la deffendre, et qu’il falloit passer par une chaussée a descouvert pour y aller, ce qu'ayant commandé de faire, il y perdit plus de 300 hommes, que morts que blessés a l'attaque, et fut contraint de se retirer.

Or comme nous avions fait diverses armées pour attaquer la Flandre, les Espagnols de leur costé en avoint destiné trois pour la deffensive, sçavoir : une, commandée par l’infant en personne, pour s'opposer a celle des Hollandois, qu’il tenoit entre Brusselles et Envers ; une autre, commandée par le prince Tomas, quy devoit costoyer celle du mareschal de Chastillon ; et une troisieme, menée par Picolomini pour faire teste au mareschal de la Force au Cambresis. Mais deux jours apres que cette derniere armée fut arrivée a son rendés vous, sur la venue des Hollandois vers Flessingue[748], le prince cardinal l’appella pour se venir joindre a la sienne ; et l'avant garde des Estats estant venue prendre terre a la digue de Calo[749], prit un des premiers forts par intelligence, et en suitte un autre et une redoutte par force, et de là vint assieger le fort de Saint Phelipe[750], quy se deffendit bravement, et donna loisir au cardinal infant de le venir secourir, et fit telle diligence qu’il trouva les ennemis (qu’un vent contraire avoit empeschés de se rembarquer), et les tailla en pieces, remportant quarante drapeaux, huit cornettes, vingt cinq canons de fonte, et plus de cent de fer, avec douse pontons. Le fils du general[751] quy estoit le comte Guilhaume de Nassau, y fut tué : luy se sauva avec peu d’autres ; tout le reste de cette petite armée de six mille hommes fut tué, pris, ou noyé en se retirant, le 25me de ce mois[752].

Mr le Prince cependant estant arrivé a Bordeaux (ou il trouva Mrs d'Espernon et de la Vallette mettant ordre a tout ce quy pouvoit concerner et faciliter son entreprise pour entrer en Espaigne), donna a Mr d’Espernon une lettre du roy par laquelle le roy mandoit audit duc, qu'il luy avoit precedemment accordé sa retraitte en sa maison de Plassac a l’instante supplication qu’il luy en avoit faitte, et que maintenant il luy ordonnoit par absolu commandement, et de n’en bouger sur peine de contravention a son ordre ; ce qu’il luy donnoit pour chastiement de ce qu’il avoit persecuté et tourmenté des personnes qu'il devoit ayder et assister puis qu’ils avoint le caractere de ses serviteurs, et sa protection : a quoy Mr d’Espernon obeit aussytost.

Il y avoit aussy plusieurs mois qu’il ne s’expedioit rien a Romme pour les benefices consistoriaux ; dont la cause estoit que la protection d’Aragon, Valence, et Cathalogne, ayant vaqué par la mort du cardinal protecteur, elle avoit esté presentée au cardinal Barberin[753] quy l’accepta et en jouit une année, au bout de laquelle, sur quelque plainte quy fut faite par l’ambassadeur du roy au pape de ce que son neveu se partialisoit par trop, en acceptant et exerçant cette protection, et que le roy vouloit que le cardinal Antoine Barberin prit la protection de France, qu’il luy offroit, le pape trouva bon qu’il l’acceptat, mais jugeant qu’il n’estoit pas bienseant que ses neveux se partialisassent sy fort pour l’une et l’autre couronne, deffendit a l’un et a l’autre d’exercer ces protections ; dont le roy d’Espaigne ne se soucia gueres, mais le roy persista a vouloir que le cardinal Antoine exerçat une année cette protection, comme le cardinal Barberin avoit fait celle de Aragon, a quoy le pape ne voulut consentir ; quy fut une des premieres plaintes du roy contre le pape. Estant arrivée ensuitte la conqueste de Lorraine, le roy entreprit de pourvoir aux benefices simples dudit duché et de nommer aux consistoriaux, comme pareillement aux trois eveschés de Mets, Toul et Verdun, et aux benefices en despendants, bien qu’ils ne fussent du concordat[754] : et estant arrivée la vacance de l’abbaïe de Saint Paul de Verdun (bien qu’il y eut un coadjuteur passé en court de Romme), le roy en proveut le fils du procureur general de Paris[755], a quoy le pape s’opposa, et le roy en fit jouir son proveu par echonomat. En suitte l’evesché de Toul estant vaquée lors que le cardinal de Lorraine se maria[756], le pape donna ladite evesché a l’abbé de Bourlemont son parent[757], et le roy y nomma l’evesque de Corinthe[758] quy en estoit suffragant ; et le pape, vaincu par les prieres du roy, accorda pour cette fois seulement que l’evesque de Corinthe fut evesque de Toul, lequel estant mort depuis un an, le roy y nomma l’abbé de Saint Nicolas d’Angers, des Arnauts[759], et le pape lors donna de nouveau a l’abbé de Bourlemont, sans s’en vouloir retracter, l’evesché de Toul. Après cela ce quy faschoit le roy et monsieur le cardinal, fut que le pere Josef, presenté depuis neuf ans au pape pour estre fait cardinal, avoit esté constamment refusé par Sa Sainteté, et offert au roy d’en faire un autre en cas qu’il voulut en avoir, et que le pape le feroit : mais le roy s’y estoit tellement opiniatré qu’il ne s’en voulut jamais desister, et le pape s’obstina aussy de telle sorte qu’il ayma mieux ne faire point de promotion que d’y admettre le pere Josef. Tout cela fit que l’on ne fut pas satisfait du pape par deça. Mais encores plus que tout cela estoit que monsieur le cardinal, quy plusieurs années auparavant s’estoit fait eslire abbé de Clugny[760], en avoit eu ses bulles de Romme ; mais ayant aussy voulu estre chef d’ordre de deux autres reguliers, sçavoir Cisteaux[761] et Premonstré[762], s’estoit fait eslire abbé de l’une et de l’autre de ces abbaïes ; dont la congregation des ordres a Romme se formalisa sur les plaintes que les abbés despendans desdittes abbaïes (quy sont en plus grand nombre estrangeres que françoises), en firent, quy remontrerent qu’ils ne refusoint pas d’obeir et de defferer a ces chefs d’ordre françois, pourveu qu’ils fussent legitimement esleus, et qu’ils eussent des moines pour abbés suyvant l’institution, mais non qu’elles fussent domaine[763] d’un seul homme, comme elles s’y en alloint estre, et qu’elles demandoint (en cas que cela fut), qu’ils peussent eslire des generaux de leurs ordres aux autres royaumes ou il y avoit des monasteres : ce que le pape jugeant estre de perilleuse consequence, ne voulut admettre monsieur le cardinal a ces deux abbaïes ; dont il se piqua. Toutes ces raysons convierent le roy a faire un arrest du conseil par lequel deffenses estoint faites d’aller plus a Romme pour y chercher les expeditions, ny d’y envoyer plus d’argent. Cet arrest fut en suitte mis es mains des gens du roy, quy, apres y avoir mis leurs conclusions conformes, le porterent a la court de parlement pour le verifier, ce quy eut esté unanimement fait (car ceux quy sont affidés eussent suyvy l’intention du conseil, et les autres l’eussent verifié affin de brouiller davantage les cartes) ; mais il se rencontra que c’estoit un arrest, et non une ordonnance, ou un esdit, quy sont les choses que l’on verifie en parlement, lequel fit response qu’il n’avoit point accoustumé de verifier les arrets du conseil, mais d’y acquiescer, et que, sy on leur envoyoit une ordonnance, ils procederoint a la verification : et durant le temps qu’il fallut mettre a changer cela, le nonce ayant eu advis de cette affaire vint trouver monsieur le cardinal le mesme jour qu’il festinoit Jean de Vert et Equenfort que le roy apres les avoir tirés des mains du duc de Weimarch, et mis prisonniers au bois de Vincennes[764], finalement ce jour là les avoit mis sur leur foy, et monsieur le cardinal leur voulut faire festin, ou Monsieur se trouva[765]. Le nonce donc vint trouver monsieur le cardinal a Conflans, et par l’entremise du pere Josef, fit retarder cette procedure jusques a ce qu’il en eut donné avis au pape, lequel il faisoit esperer qu’il donneroit quelque contentement au roy.

Un bruit courut allors que le roy avoit dit a monsieur le cardinal qu’il avoit sur sa conscience de me retenir sy long temps prisonnier, et que, n’y ayant aucune chose a dire contre moy, il ne m’y pouvoit retenir davantage ; a quoy monsieur le cardinal respondit que, depuis le temps que j’estois prisonnier, il luy estoit passé tant de choses par l’esprit, qu’il n’estoit plus memoratif des causes quy avoint porté le roy de m’emprisonner, ny luy de luy conseiller, mais qu’il les avoit parmy ses papiers, et qu’il les chercheroit pour les montrer au roy. Je ne sçay sy cela est vray ; mais le bruit en courut par Paris.

Ce mesme mois la duchesse de Savoye fit jetter un secours de seise cens hommes dans Vercel quy estoit pressé par le marquis de Leganes. Ce furent des forces de Piemont quy y entrerent ; mais ce furent les generaux du roy[766] quy en firent le projet et l'execution.

Il se fit aussy ce mois là un changement de gouverneur en Lorraine, et on y envoya a la place du sieur de Hoquaincour quy y estoit, le sieur de Fontenay Mareuil : et Mr le Prince entra a la fin du mois avec une belle et forte armée dans la Navarre[767], du costé de Fontarabie.

Le roy me fit, le 21me de ce mesme mois, donner une lettre de cachet pour tirer mon neveu le chevalier de Bassompierre hors de la citadelle de Nancy, ou il estoit detenu prisonnier depuis le dernier jour de l’année precedente, et ordonna dans ladite lettre qu’il seroit mis es mains de ceux que j’envoyerois a cet effet ; laquelle j’envoyay avec une autre mienne a Mr de Hoquaincour pour le prier de s’en vouloir charger, et me le vouloir ammener a Paris quand et luy[768]. J’escrivis aussy a Mr le comte de Tornielle et a celuy quy faisoit mes affaires en Lorraine, nommé Losane, pour le faire mettre en esquipage de s’y acheminer, et luy fournir les choses necessaires a cet effet.

Je perdis aussy ce mesme mois [un de mes meilleurs amis, nommé][769] Mr de Tilly, conseiller au parlement de Rouan. Mais la mort du seigneur Pompeo Frangipany, quy arriva audit mois, me fut sensible jusques a tel point que je souhaitay mille fois la mienne, estant un des plus chers, anciens et veritables amis que j'eusse jamais eu.

Juillet. — Le mois de juillet donna commencement au siege de Fontarabie, Mr le Prince ayant passé le 2me la riviere de Bidasso proche d’Iron sans resistance, et apres avoir pillé Iron prit le mesme jour le port du Passage[770], ou il y avoit sept carraques[771] presque achevées et 150 pieces de canon que l’on ammena en France, puis se vint camper devant la ville de Fontarabie avec son armée bien leste et munie de tout l'attirail necessaire pour attaquer cette place, laquelle il pressa durant tout ce mois, les ennemis ayans jetté par deux fois du secours dedans, l’un par terre, et l'autre par la mer, qu’ils avoint encores libre parce que la flotte du roy que Mr de Bordeaux commandoit n’y estoit encores arrivée.

Mais du costé de Picardie les affaires du siege de Saint Omer ne prindrent pas bonne issue, dont je donne la faute et la cause a la deffaitte des Hollandois sur la digue de Calo, parce que, comme j’ay dit cy dessus, l’armée de Picolomini quy estoit destinée pour faire teste a Mr le mareschal de la Force ayant esté par le cardinal infant rappellée pour faire teste avec la sienne aux Hollandois descendus en Flandres et s’opposer a eux, il n’y avoit plus que l’armée du prince Tomas quy peut troubler le siege de Saint Omer : Mr de la Force avec la sienne se vint opposer a luy tandis que Mr de Chastillon faisoit faire la circonvallation de la place et fournir son camp de vivres et autres necessités pour six semaines ; et parce que de l’autre costé d’une riviere[772] quy passe a Saint Omer par un canal que l’on y a fait quy luy mene, la ville estoit aysée a estre secourue, il fit par une chaussée rentrer la riviere en son premier lit, et fit faire trois redouttes sur cette chaussée, et pour empescher que l’on ne les vint attaquer et prendre, il fit faire un grand fort au lieu ou le bac estoit de laditte riviere, quy a cause de cela fut nommé le fort du Bac, et fit estat d’y mettre quatre mille hommes pour le garder, et quantité d’artiglerie : mais avant qu’il fut muny de vivres, ny mesmes entierement en deffense, le comte Guilhaume ayant esté deffait a Calo et l’infant cardinal se voyant par ce moyen delivré pour longtemps de l’armée des Hollandois, fit promptement retourner Picolomini avec son armée au secours de Saint Omer, et envoya quand et quand le comte Jean de Nassau[773] avec quinse cens chevaux, pour se joindre au prince Tomas ; lesquels trois generaux ayant consulté de ce qu’ils auroint a faire, se resolurent de joindre douse cens Cravates aux trouppes du comte Jean, lequel iroit harceller Mr le mareschal de la Force tandis qu’au mesme temps le prince Tomas viendroit attaquer les trois redouttes de la digue, et Picolomini le fort du Bac : ce quy leur reussit ainsy qu’ils l’avoint projetté ; car le comte Jean de Nassau ayant envoyé ces Cravates donner jusques dans le logement de l’armée du mareschal de la Force, sa cavalerie[774] les repoussa vertement jusques dans ces quinse cens chevaux armés qu’il[775] tenoit en battaille pour les soustenir, a la veue inopinée de laquelle nostre cavalerie prit l’espouvante, et en mesme temps estant chargée par celle des ennemis, elle[776] les mena battant[777] jusques a l’infanterie que le mareschal menoit, laquelle fit parfaitement bien, et les ayant arrestés sur cul, nostre canon en suitte leur fit tourner teste, et nostre cavalerie s’estant ralliée les poursuivit a leur tour jusques dans leur campement. Or en mesme temps que le comte Jean parut, le mareschal de la Force en envoya donner avis a celuy de Chastillon quy fit en mesme temps sortir toute sa cavallerie de la circonvallation pour aller au secours dudit mareschal de la Force, et luy mesme oyant les canonnades quy se tiroint, jugeant qu’ils estoint aux mains, mit son infanterie en battaille vers le lieu de la retraitte du mareschal de la Force, pour le recevoir en cas de malheur ; pendant lequel temps le prince Tomas vint attaquer les trois redouttes de la digue qu’il força aysement parce qu’elles ne peurent estre secourues du costé du camp, les trouppes estant diverties ailleurs, ny du costé du fort du Bac quy fut en mesme temps attaqué par Picolomini ; de sorte qu’estans prises et separerent le fort du Bac et le diviserent d’avec le reste de la circonvallation, et eurent moyen d'entrer a leur ayse et sans aucun empeschement dans Saint Omer, et le pourvoir de toutes choses necessaires. Le prince Tomas mesme y alla loger cette nuit là, et Picolomini battant furieusement le fort du Bac, le força dans deux jours de se rendre aux capitulations qu’il luy donna[778]. Tous ces divers accidens obligerent nostre armée a lever le siege de Saint Omer, sy, quy se fit sans desordre ny confusion[779]. Le combat du comte Jean et l'attaque des redouttes et du fort du Bac se fit le 7me juillet[780].

Du costé d'Italie nous n’eumes pas meilleur succes : car, comme on attendoit a la court le levement du siege de Vercel que nos generaux avoint mandé comme infaillible apres que le secours y eut esté jetté, et que les trouppes du roy jointes a celles de la duchesse de Piemont estoint campées proche de la circonvallation que mesmes on avoit mandé avoir esté emportée, il vint nouvelle comme le marquis de Leganes avoit pris Vercel le 8me de ce mois[781] ; ce quy causa une grande consternation à nos affaires d'Italie.

Du costé de la Bourgongne, Mr de Longueville prit quelques chasteaux, bien qu'il eut le duc Charles, plus fort que luy, sur les bras[782].

Vers l’Allemaigne les ennemis avitaillerent Brisac, quelque diligence que le duc Bernhard de Weimarch peut faire pour les en empescher.

Finalement, pour ce quy est de moy, je fus doublement malheureux en ce que ce scelerat de La Roche Bernard escrivit encores contre moy le 19me de ce mois a Mr de Bouteillier le pere ; et le gouverneur de la Bastille a quy je renouvellay mes plaintes, au lieu de l’en chastier, luy permit de venir ouir la messe les dimanches avec les autres prisonniers : et ayant eu la lettre pour la liberté de mon neveu, que j’ay ditte cy dessus, des le 21me de juin, ayant sceu que Mr de Hoquaincour s’en retournoit de Lorraine, je luy escrivis pour le prier de se vouloir charger de luy pour me le rammener a Paris, et escrivis a celuy quy faisoit mes affaires en Lorraine pour luy fournir tout ce quy seroit necessaire pour son voyage, au cas que Mr le comte de Tornielle n’y voulut pourvoir, a quy pareillement jen escrivis, et luy manday que je mettrois mon dit neveu a l’academie sy je voyois qu’il se disposat de faire quelque chose de bien, et que, sy je le voyois porté a mal faire, je le tiendrois aupres de moy a la Bastille, et tascherois d’en faire quelque chose de bon ; et ayant mis toutes les susdittes lettres en un paquet avec celle du roy, addressées a Mr de Hoquaincour, je les envoyay a Mr de Ramefort[783] quy me promit de les faire rendre seurement es mains de Mr de Hoquaincour. Mais il arriva que le sieur de Villarseaux mestre des requestes, arresta pendant les deux ordinaires (je ne sçay par quel ordre) tous les paquets quy venoint pour ledit sieur de Hoquaincour a Nancy ; et moy ayant mandé a celuy quy fait mes affaires, par l’ordinaire suyvant, qu’il ne manquat d’effectuer pour le partement de mon neveu ce que je luy avois ordonné par mes precedentes, estant en peine de ne les avoir receues, arriva le 12me de ce mois a Nancy pour apprendre ce qu’elles estoint devenues, ce qu’il sceut le mesme soir par l’arrivée du sieur de Fontenay Mareuil quy venoit succeder au sieur de Hoquaincour dans le gouvernement de Lorraine. Mais on ne rendit la lettre du roy pour la liberté de mon neveu qu’a l’heure que ledit Hoquaincour voulut partir, et non a luy, mais a mondit neveu a quy elle ne s’addressoit pas ny les autres lettres que j’escrivois, lesquelles ayant ouvertes et veu que je mandois au comte de Tornielle que je le tiendrois a la Bastille, ne luy voulut envoyer, et se prepara avec deux ou trois pareils garnemens que luy, pour s’en aller en Bourgongne, ce quy luy fut facile ; car sans le retenir jusques a quelque ordre du roy, on le laissa sortir de Nancy avec son vallet, et il s’en alla trouver le duc de Lorraine en Bourgongne : dont je ressentis un sanglant desplaisir, me persuadant que l’on l’avoit fait expres evader pour jetter le tout sur moy.

Le mauvais succes du siege de Saint Omer fit que le roy se resolut de s’acheminer en Picardie pour estre sur les lieux et remedier par sa presence aux desordres quy estoint en ses armées[784], et fit advancer le mareschal de Bresé avec la sienne pour se joindre aux autres, ou pour les espauler.

D’autre costé l’armée de mer, commandée par l’archevesque de Bordeaux, partit le 23me de la Rochelle pour aller a la coste de Fontarabie, quy se deffendoit fort bien, et quy vouloit attendre les secours que par mer et par terre on luy promettoit.

Aust. — Pendant le mois d’aust le roy fit attaquer le chasteau de Renty[785] quy au bout de huit jours fut mis en son obeissance ; mais comme il le vouloit faire desmolir et que l’on y travailloit, les ennemis en .....[786] Puis voyant approcher le temps des couches de la reine, il s’en revint de Picardie a Saint Germain en Laye, laissant monsieur le cardinal sur la frontiere, lequel, en son absence, fit attaquer le Catelet[787].

Le mareschal de Bresé, comme j’ay dit cy dessus, avoit le commandement d’une armée quy avoit esté assemblée en Retelois, lequel, sur le levement du siege de Saint Omer, eut ordre de s’avancer, et l’on croyoit mesmes qu’il auroit les premieres et principales commissions, estant beau frere de monsieur le cardinal, et le roy n’ayant pas beaucoup de satisfaction des mareschaux de la Force et de Chastillon. Mais comme, pour luy donner cet employ sans murmure, monsieur le cardinal eut desiré que pour quelque peu de temps on luy mit pour compagnon Mr le mareschal de la Force, a cause que Mr de Bresé n’estoit pas de sy grande experience, il refusa ce compagnon et dit a monsieur le cardinal qu’il n’estoit pas beste de compagnie, et qu’il le laissat faire seul, ce que mondit sieur le cardinal ne luy ayant pas absolument accordé ny refusé lors qu’il le vit a Abbeville, neammoins sur ce que l’on luy dit que l’on parloit derechef de le conjoindre avec Mr le mareschal de la Force, il fit un matin assembler les chefs de l’armée, et leur ayant dit qu’il quittoit sa charge, il la remit avec le commandement qu’il laissa au sieur de Lambert mareschal de camp, et sans prendre congé du roy ny de monsieur le cardinal, il s’en revint a Paris quoy que luy peut persuader et dire Mr de Chavigny quy fut envoyé apres luy pour luy faire changer de dessein ; et ayant demeuré une seule nuit a Paris, s’en retourna en poste en Anjou.

Le 15me de ce mois, jour de l’assomption Nostre Dame, le roy fit faire une procession solennelle a Paris pour la dedicace qu’il fit de sa personne, de son royaume et de ses sujets, a la vierge Marie. Il avint ce jour là un grand trouble et scandale dans l’eglise de Nostre Dame de Paris, causé par ceux mesmes quy devoint l’empescher et le chastier, sy d’autres l’eussent esmeu ; dont la cause fut que le parlement et la chambre des comptes ont accoustumé de marcher aux pourcessions ou ils interviennent, le parlement a la droitte et la chambre des comptes a la gauche, en sorte que les premiers presidens de l’une et de l’autre marchent de front, et quand ils entrent dans le chœur de l’eglise de Nostre Dame, le parlement se met a la droitte et la chambre a la gauche dans les bancs des chanoines ; et quand c’est un Te Deum, les premiers presidens se mettent es chaises plus proches de l’autel, et le reste de leurs corps en suitte jusques aux places plus proches de la porte du chœur ; et sy c’est en une procession generale, les presidens premiers se mettent aux chaises pres de la porte, et les corps en suitte, finissans vers l’autel : or pour l’entrée il n’y a nul ordre, parce que chascun s’assemble au chœur sans ceremonie ; mais quand il faut marcher pour aller a la procession, il faut necessairement que les deux corps se croisent pour reprendre, l’un la main droitte, et l’autre la main gauche : le premier president de la chambre des comptes pretendit de marcher apres celuy du parlement quand ce fut a sortir du chœur, et les autres presidents au mortier ne voulans laisser passer personne, que le gouverneur de Paris, entre leur premier president et eux, l’en empescherent ; sur quoy les deux corps se mirent premierement a se choquer, puis a se frapper, de sorte qu’il y eut un tres grand desordre dans l’eglise, Mr de Montbason[788] et plusieurs archers, et autres, ayans mis l’espée a la main. Ils firent informer de part et d’autre ; mais le roy ayant esté promptement averty de cet inconvenient, attira le tout a soy pour les regler selon qu’il adviseroit bon estre.

Les choses de dehors se contindrent pendant ce mois presque en mesme estat, le duc de Weimarch se tenant devant Geuts campé, le duc de Lorraine en faisant de mesme devant Mr de Longueville quy reprit Chanitte[789] sans effort. Les Hollandois ne tenterent rien, ny les Espagnols aussy. Le siege du Catelet continua, comme aussy celuy de Fontarabie, hormis que sur la mer nostre armée navale eut quelque avantage sur l’ennemie a quy elle coula a fond et brusla quelques vaisseaux.

Ce mesme mois la reine mere, apres presque sept ans et demy de sejour en Flandres, s’en retira[790] et avec un sauf conduit qu’elle envoya chercher des Estats s’en vint a Bos le Duc ou elle fut magnifiquement receue, puis en suitte a la Haye.

Du costé d’Italie les Espagnols apres la prise de Vercel mirent leurs trouppes en garnison pour se resfraischir des travaux qu’ils avoint eus au siege de cette place et a celuy de Breme, et nos trouppes commandées par le cardinal de la Vallette ne se montrerent point en campagne, pour n’estre assés fortes pour le faire.

Le 29me de ce mois, en un dimanche, nous fismes le mariage de mon neveu de Tillieres avec la vefve du feu comte de Mata[791] ; dont je receus beaucoup de contentement, pour estre un riche, noble, et honneste party. Et le 25me de ce mesme mois[792], l’armée navale du roy commandée par Mr de Bordeaux, quy estoit ancrée vis a vis de Fontarabie durant le siege, vint attaquer quatorse grands vaisseaux espagnols quy estoint venus pour jetter du secours dans Fontarabie [et descharger proche de là trois mille hommes de pié pour grossir l’armée de l’admirante d’Arragon[793] quy s’estoit venu camper proche de Fontarabie][794] pour obliger les nostres de lever le siege ; et le bonheur fut sy grand pour nous, que le vent, quy nous estoit contraire, se tourna en un instant, et le devint aux ennemis, de telle sorte que les ayant jettés en une rade d’ou ils ne pouvoint sortir[795], il fut aysé a Mr de Bordeaux de leur envoyer des brusleaux quy les mirent tous en feu avec tout ce qu’ils portoint, a un vaisseau pres, quy se sauva.

Presque en ce mesme temps Manican quy pour la crainte du chastiement, apres avoir perdu les forts que le duc de Weimarch avoit construits sur le Rein et en suitte luy avoit consignés, s’estoit retiré et caché, voyant le siege de Saint Omer commencé, s’estoit venu offrir au mareschal de Chastillon pour y servir et y faire sy bien son devoir qu’il peut meriter d’obtenir grace : il s’estoit en suitte jetté dans le fort du Bac, et avoit capitulé avec les ennemis, quy l’avoint renvoyé avec ce quy estoit dedans, rentrer en France par Verdun ; apres y avoir mis les trouppes s’en vint trouver a Amiens monsieur le cardinal sans autre seureté que celle qu’il prit en son imagination : mais monsieur le cardinal le fit incontinent mettre dans la citadelle d’Amiens, et luy fit commencer son proces.

Le dernier jour de ce mois, le roy estant de retour de son voyage de Picardie a Saint Germain, la fievre tierce luy prit, quy luy a tenu durant neuf acces.

Le prince d’Orange n’ayant pas eu du bonheur au dessein qu’il avoit sur Envers, apres s’estre refait de sa perte, et remis son armée plus forte qu’auparavant, vint assieger la ville de Gueldres[796]. Mais l’archeduc infant cardinal, [quy estoit aux escoustes ou il prendroit sa brisée, des qu’il en eut avis qu’il alloit assieger Gueldres][797], s’y achemina a grandes journées, et y vint avant que les Hollandois fussent retranchés. Il força premierement le quartier du comte Henry de Frise[798] le 27me d’aust ; ce quy obligea le prince d’Orange de lever le siege le dernier de ce mesme mois et de se retirer sans tenter tout le reste de la campagne aucun autre exploit.

Septembre. — Le mois de septembre commença par un grand et signalé combat de quinse galeres françoises contre pareil nombre d’espagnoles, presque a la veue de Gesnes, le combat ayant esté fort opiniatré, lequel en fin se termina a l’advantage de la France, les galeres espagnoles ayans par la fuitte[799] quitté la partie avec perte de cinq des leurs et de deux des nostres.

En ce mesme temps Mr le mareschal de Chastillon sur la mauvaise satisfaction que l’on avoit de luy pour le succes du siege de Saint Omer, receut commandement de se retirer en sa maison.

Mais le 5me de ce mois, jour de dimanche, a onse heures du matin, naquit Mr le Dauphin, apres avoir tenu la reine en travail pres de cinq heures. Ce fut une resjouissance sy universelle par toute la France qu’il ne s’en estoit precedemment veu une pareille : les feux de joye durerent plus de huit jours continuels.

Il y eut en suitte, pour moderer cette joye, une fascheuse nouvelle du costé de Fontarabie, le siege de laquelle ville ayant desja duré plus de deux mois, on en attendoit tous les jours la prise, quand au contraire. on receut la nouvelle que les Espagnols, le 7me de ce mois, avoint forcé nos retranchemens quy avoint esté assés legerement abandonnés par les nostres avec une telle espouvante que toute l’armée se retira en grand desordre, laissant tout bagage et tous les canons au pouvoir des ennemis, ayant perdu quelque huit cens hommes tués de coups de main et pres de deux mille noyés, et ce a la veille qu’elle devoit estre prise, les assiegés ayans mandé a l’admirante et au marquis de los Veles[800], generaux de l'armée espagnole, quy depuis vingt jours estoint campés devant nos retranchemens pour tascher de les secourir, que, sy dans ce jour là ils ne tentoint de faire un effort quy reussit, ils ne pouvoint plus tenir davantage. On avoit quattre jours auparavant fait jouer une mine sous un bastion, quy l’avoit entrouvert, de sorte que l’on pouvoit facilement y monter, a ce que ceux quy sont revenus de cette desroutte tesmoygnent, et que Mr le duc de la Vallette quy devoit faire donner un furieux assaut, ne le jugea pas a propos ce jour là, mais remit l'affaire au lendemain, et que les ennemis eurent cependant loysir de se retrancher sur laditte bresche et de reprendre leurs esprits quy estoint a l'heure de la mine tous esperdus, et que le lendemain il ne fit donner sy brusquement qu’il convenoit ; ce que ledit duc de la Vallette ne dit pas, et allegue d’autres raysons. Tant y a que Mr le Prince luy osta cette attaque et la donna a Mr de Bordeaux son ennemy mortel, lequel Mr de Bordeaux l’accepta, et se prepara avec tant de soin et de diligence que l’on croit asseurement que le jour de la Nostre Dame de septembre il eut emporté cette place, sy la veille la desroutte ne fut arrivée, quy fut sy grande que mesmes deux jours apres les ennemis vindrent enlever une batterie de deux canons quy estoint de l’autre costé de la riviere de Bidasso vers Saint Jean de Lus. On envoya aussy tost de la court deux commissaires[801] pour sçavoir quy avoit causé cette grande desroutte, et quy en estoit chargé. Chascun s’en deschargea sur Mr le duc de la Vallette, quy fut en mesme temps mandé pour venir rendre compte au roy de ses actions. Mais luy, voyant qu’il n’avoit pas les rieurs de son costé, s’embarqua dans un vaisseau escossois qu’il fit esquipper en guerre, et s’en alla en Angleterre ou il fut le bien receu, ou la reine mere estoit aussy peu de temps auparavant arrivée. Mais comme ils eurent l’un et l’autre de grandes tempestes sur la mer, ils n’y aborderent que le mois suyvant[802].

Il se passe peu de mois qu’il ne m’arrive, outre mon malheur ordinaire, quelque nouvelle disgrace : celuy cy m’en donna une bien amere, quy fut que le duc Charles dont mes predecesseurs avoint rendu tant de signalés services aux siens, et que j’avois soigné tant qu’il estoit en France jeune garson comme sy j’eusse esté son gouverneur, de quy mon neveu de Bassompierre estoit tant passionné qu’outre qu’il a longtemps souffert ses extravagances, a despendu cent mille escus du sien en le servant et y a esté pris prisonnier et estropié d’un bras, et mon neveu le chevalier l’estoit depuis trois mois venu [trouver] contre son bien et ma volonté, envoya le lundy 5me[803] de ce mois le colonel Cliquot avec trois regiments d’infanterie, trois de cavalerie, et deux pieces de canon, prendre ma maison de Harouel, quy ne faisoit point la guerre, et quy n’estoit point importante a ses affaires, affin que par ce moyen ce quy restoit de ce marquisat fut entierement pillé et deserté.

J’eus encores un desplaisir bien violent en mon particulier, mais il me passa[804].

Le jeudy 23me de ce mesme mois (4 H. d. M.)[805] il m’arriva aussy de grands ressentiments du coup de lance que j’avois receu en mars, année 1605, parce que la playe s’ulcera de nouveau et fit crouste par deux fois, et les chirurgiens craignoint que ce ne fut le calus quy s’estoit fait au peritoine quy se voulut relascher. Mais Dieu m’envoya de bonne fortune la connoissance d’une operatrice nommée Giot, belle mere du premier sergent de la Bastille, quy commença le lundy 27me de ce mois a me mettre des emplastres un mois durant, quy ont reduit cette grande et ronde cicatrice a sy petit point que l’on diroit que ce n’a esté qu’un coup d’espée.

Ce mesme mois le roy fit assieger le Catelet, seule place que les ennemis tenoint sur nous, quy se rendit apres avoir par quelques jours soustenu le siege[806].

En ce mesme mois aussy naquit l’infante d’Espaigne[807], ce quy fit remarquer qu’a mesme mois aux deux rois estoint nés fils et fille, comme il avoit fait a leurs peres trente sept ans auparavant, quy avoint esté mariés ensemble[808].

Octobre. — En ce mois d’octobre il y arriva plusieurs accidents divers. Car le roy de Boheme[809] ayant mis une armée assés considerable sur pié et s’estant mis en campagne en cette basse Allemaigne, il fut deffait aussy tost[810] par les trouppes imperiales commandées par Axfeld[811], et son second frere nommé le prince Robert[812], jeune homme de beaucoup d’esperance, y fut fait prisonnier.

Le jeune duc de Savoye mourut aussy ce mois là, laissant son autre frere unique, agé de sept ans, son heritier de ses grands estats[813].

Mr le duc d’Espernon fut interdit de son gouvernement de Guyenne, et eut commandement de s’en venir a Plassac et de n’en bouger jusques a un nouvel ordre. Le gouvernement fut donné par commission a Mr le Prince quy en fut prendre possession. Mr le duc de la Vallette eut aussy commandement expres du roy par un gentilhomme que il luy envoya, de le venir trouver ; a quoy il promit d’obeir, et ayant pris congé de Mr le Prince, pres duquel il estoit, partit pour s’y acheminer ; mais au lieu de venir a la court, il fut trouver son pere a Plassac, et de là estant passé en Medoc s’embarqua dans un vaisseau escossois pour se mettre en seureté hors de France, le 19me de ce mois.

La reine mere aussy, quy avoit sejourné quelque temps en Hollande, apres y avoir visité toutes les belles villes du païs, s’embarqua pour se retirer en Angleterre.

Finalement le duc de Lorraine, ayant voulu tenter de jetter un secours de vivres dans Brisac, fit ses preparatifs pour cet effet en la ville de Tanne, et manquant de cavalerie pour l’executer, en envoya demander au general de la ligue catholique nommé Geuts, lequel luy envoya quinse cens chevaux avec lesquels et trois mille hommes de pié qu’il avoit, il s’achemina avec son convoy ; mais le duc de Weimarch en ayant eu advis, (on doute sy ce fut par Geuts mesme), et Geuts quy devoit en mesme temps faire un effort de l’autre costé du Rein pour tenter la mesme chose, s’estant retiré sans l’entreprendre, ledit duc eut tout loysir d’accourir au duc de Lorraine avec sa cavalerie quy ayant fait seulement semblant d’attaquer celle du duc de Lorraine quy venoit de Geuts, le 13me jour d’octobre[814], laditte cavalerie de Geuts, sans attendre le choc, s’en fuit, laissant l’infanterie avec les charrettes et chariots de convoy a la mercy des ennemis ; laquelle infanterie s’estant remparée des chariots fit sa retraitte sy bien qu’elle rammena ledit convoy sans aucune perte a Tanne, le duc de Weimarch ne l’ayant jamais peu forcer. Mais comme la mauvaise fortune se jette toujours sur ceux qu’elle a commencé de persecuter, mon neveu de Bassompierre qu’avec beaucoup de rayson j’ayme parfaitement, ayant peu de mois auparavant esté honoré par l’empereur de la charge de grand mestre de son artiglerie aux provinces de deça le Danube, en estoit venu prendre possession aux armées imperiales quy despendoint de sa charge ; et ayant premierement passé dans celle d’Axfeld en Hesse, puis en celle de Picolomini, estoit finalement venu se faire reconnestre et recevoir en l’armée commandée par le duc de Lorraine six jours auparavant ce combat, et estoit prest d’en partir quand ledit duc fit resolution de jetter des vivres dans Brisac, ce quy obligea mon neveu (que je puis dire sans flatterie ny adulation quy ne cherche que les occasions d’acquerir de l’honneur), de demeurer pour se trouver en ce rencontre ; et s’estant mis a la teste de la cavalerie quy fuit sy laschement, ne voulut faire comme eux, et avec vingt ou vingt cinq chevaux quy ne le voulurent abandonner chargea les ennemis, et son cheval ayant esté tué sous luy, il fut pris prisonnier et mené a Colmar ou il fut tres bien traitté et avec beaucoup de courtesie par le duc de Weimarch quy, estant retourné a son blocus de Brisac, le laissa dans ledit Colmar en la garde du marquis de Monthausier[815] quy le traitta sy humainement et avec tant de tesmoygnages de son affection que cela fut suspect audit duc quy le transfera a Benfeld ou il fut estroittement gardé[816].

Je perdis ce mesme mois la petite fille de mon cousin de Crequy, fille de mon cousin de Canaples[817].

J’eus nouvelles que mes sujets de Harouel et de tout ce marquisat abandonnoint les villages, leur estant impossible de subsister, ayant les trouppes du duc Charles quy tenoint le chasteau, et celles du roy quy a cette occasion les traittoint comme ennemis, et de telle sorte que le samedy 30me de ce mois le sieur de Bellefonds[818] mareschal de camp vint la nuit surprendre le bourg mesme de Harouel et le pilla entierement.

Finalement je receus encores ce desplaisir qu’un meschant homme, banquier luquois nommé Vanelly, a quy je ne devois aucune chose, fit saisir sous une fausse dette qu’il simula, une belle tapisserie que l’on portoit tendre a la salle de l’evesché de Nostre Dame, ou il se faisoit un acte. Je fus d’autant plus fasché de cette action qu’il ne m’en estoit jamais arrivé de semblable, quelque dette que j’eusse eue, bien que j’en eusse par le passé eu de tres grandes. Ce desplaisir m’arriva le 26me du mois, dont j’eus main levée le 29me ensuyvant.

Novembre. — Le mois de novembre suyvant fut accompagné de tres grandes tempestes sur la mer, quy firent perdre beaucoup de vaisseaux, et principalement en Hollande ou plus de soissante vaisseaux y perirent dans les rades. La reine mere du roy quy s’estoit embarquée le mois auparavant, ne [fut pas] exempte de ces tourmentes ; car elle fut plusieurs jours a roder sur la mer avant que de pouvoir aborder l’Angleterre ou finalement estant arrivée, elle fut tres honorablement receue[819]. Peu de jours apres Mr de la Vallette y arriva aussy, quy s’estoit retiré de France, craignant l’indignation du roy ; et la tempeste de la court fit faire ce mesme mois naufrage a madame la marquise de Seneçay ma cousine[820], quy eut commandement de se retirer avec la perte de sa charge de dame d’honneur de la reine : madame de Brassac[821] fut subrogée a sa place, de quy le mary fut aussy fait surintendant de la maison de la reine. Sanguin aussy quy s’empressoit fort aupres du roy, et a quy Sa Majesté faisoit assés bonne chere, eut commandement de quitter la court.

Decembre. — La mortalité vint dans le peu de famille quy me restoit a Paris, au mois de decembre ; car il m’en mourut trois en dix jours.

J’eus divers desplaisirs dans la Bastille, causés par quelques marauds dont, pour ne point esclater ny me compromettre, ayant prié le gouverneur de faire enfermer pour quelques jours un de ceux là, nommé Tenance[822], quy estoit la seule priere que j’avois faite pour mon particulier audit gouverneur, non seulement il ne le fit pas, et luy dit qu’il s’abstint seulement de se presenter devant moy ; mais mesmes a l’induction de sa femme, il me fit faire par son lieutenant, le dimanche matin 19me, une fort impertinente harangue sur ce sujet, me disant qu’il falloit que ledit Tenance montat sur la terrasse, et qu’il ne pouvoit faire autrement.

En ce mesme mois le pere Josef quy avoit quelque temps auparavant esté attaqué d’une apoplexie, y retomba le 16me de ce mois, dont il ne peut jamais estre garanty que le samedy 18me a onse heures du matin il ne mourut. Et ce mesme jour la ville de Brisac apres un long siege se rendit au duc de Weimarch[823].


1639.
Janvier.


Comme l’hiver suspend toutes les guerres et les voyages, aussy le commencement de cette année et tout le premier mois d’icelle n’a produit aucune nouveauté que la continuation des progres du due Bernhard de Weimarch, lequel, enflé de la grande prosperité de ses affaires et des grands succes de la precedente année ou il avoit par trois ou quattre fois vaincu ses ennemis, et pris Brisac, voulut au commencement de celle cy surmonter encores le froid et la rigoureuse sayson et tenir la campagne quand les autres se tenoint pres du feu, se jettant dans la Bourgongne[824] ou il se rendit maitre de plusieurs chasteaux quy se rendirent sans resistance et de la ville de Pontarly[825] quy luy tint teste dix sept jours.

Les affaires de la France dans le païs du Liege[826] commencerent a descliner, et en suitte a se ruiner tout a fait, jusques au point que l’abbé de Mouson quy y tenoit comme lieu de resident[827], s’en retira tout a fait.

Je perdis encores ce mois là par maladie un gentilhomme de mes domestiques, que j’avois nourry page, nommé Des Erables[828], auquel je me fiois bien fort, et dont j’eus du regret : et la malversation de l’escuyer Chaumontel[829] en mes affaires, qu’il avoit tellement embarrassées pour y picorer que tout en estoit en confusion, et principalement en Normandie, me contraignirent d’en donner ma procuration a ma sœur de Tillieres.

Fevrier. — Au mois de fevrier suyvant, l’affaire de Mr le duc de la Valette, quy n’avoit encores qu’esté esbauchée, fut mise sur le tapis, et le 4me jour du mois le roy tint a Saint Germain sur ce sujet un ample conseil ou furent mandés les princes, ducs et officiers de la couronne, et principaux conseillers, et avec eux les sept presidents au mortier du parlement de Paris et le doyen des conseillers ; lesquels messieurs du parlement ayans esté mandés, non en corps, mais chasque particulier par une differente lettre, vindrent premierement tous ensemble, descendirent au logis du sieur de la Ville aux Clercs, secretaire d’estat, quy obtint du roy que l’on leur apprestat a disner par ses officiers, et en suitte eurent de grandes disputes pour leur rang, pretendans qu’ils representoint la court de parlement ; ce que le roy leur ayant desnié et concedé seulement qu’ils auroint seance comme conseillers d’estat suyvant le rang de leur reception, ils ne le voulurent accepter, et aymerent mieux se tenir tous ensemble au dessous des conseillers d’estat, et par consequent opinerent les premiers ; et le doyen ayant esté commandé par le roy de dire son avis, apres que les informations eurent esté rapportées par le sieur de la Poterie commissaire, il maintint que cette affaire ne se pouvoit juger ailleurs qu’en parlement, attendu la qualité et les privileges du delat[830] ; dont il fut fort rabroué du roy, et en suitte quelques uns des presidens : apres quoy de l’avis mesme de trois ducs et pairs quy estoint en ce conseil, il fut resolu que, suyvant les conclusions des gens du roy, le duc de la Vallette seroit ajourné a trois briefs jours, crié et trompetté par la ville, et qu’a faute de comparoir, son proces luy seroit fait et parfait.

Ce mesme mois le marquis de Ville[831] quy avoit esté fait prisonnier a la prise de Luneville, fut envoyé sur sa foy trouver le duc Charles quy avoit fait dire par deça, par un jesuiste, qu’il desiroit se remettre bien avec le roy et se retirer d’avec l’empereur et le roy d’Espaigne.

Ce mesme mois Mr de Candale, fils ayné de Mr le duc d’Espernon, quy estoit lieutenant general en Italie, est mort a Casal d’une fievre pourprée[832].

Il se fit ce mois là diverses noces, comme celle de Mr le comte de Harcourt avec la vefve de Mr de Puilorens, celle de Mr de Bonelle fils de Mr de Bulion avec la petite fille de madame de Lansac gouvernante de Mr le Dauphin[833], et d’autres. Et comme ce mois fut accompagné de forces noces, il le fut aussy de forces duels, comme de ceux d’Armentieres[834], de Savignac[835], de Boucaut, de Roquelaure[836], de Chatelus, de Cominges[837] et autres. Et pour ce quy est de mon particulier, outre qu’en ce mesme mois me mourut un cousin germain nommé le sieur de Viange[838], et mon bon parent et parfait amy le comte de Ribeaupierre[839], dont j'eus un sensible desplaisir, j'en eus encores un bien grand par mon neveu de Dommartin[840] lequel non content de s’estre retiré vers le duc Charles contre la parole que j’avois donnée pour luy, ayant fait pour ledit duc une telle quelle compagnie de chevaux legers, demanda audit duc pour son quartier d'hiver le marquisat de Harouel quy est a moy et l’abbaïe de Bechamp[841] quy en est proche, et s’y en vint loger avec beaucoup de desordre.

Mars. — Le ballet que fit danser monsieur le cardinal[842] occupa le commencement du mois de mars : il fut premierement dansé le dimanche 6me a Saint Germain devant Leurs Majestés, puis le mardy 8me cheux monsieur le cardinal a Paris, finalement le mardy 13me[843] on le dansa a l’Arsenac et a la Maison de ville.

Les Espagnols, ce mesme mois (tant en leur nom que comme assistant le cardinal de Savoye et le prince Tomas son frere, que l’empereur avoit constitués tuteurs du petit duc de Savoye), se mirent en campagne en Italie, et firent divers exploits en Piemont tandis que nos trouppes estoint pour la plus part venues prendre leurs quartiers d'hiver en France.

Ce mesme mois Mr le duc de Wirtemberg s’accommoda avec l'empereur par le moyen de ses amis, et devoit rentrer en ses estats, a la reserve des biens ecclesiastiques que ses ancestres avoint occupés lors qu’ils avoint quitté la religion catholique ; et pour sa plus grande seureté on avoit mesnagé pour luy qu’il espouseroit une des filles de l’archeduc Leopold d’Inspruc[844] : mais en ces entrefaites estant devenu extremement amoureux d’une mienne cousine, fille du comte Casimir reingraf de Morhing[845], il l’espousa, ce quy retarda en quelque sorte son traitté.

Le 28me du mois fut le combat de Sinchio en Italie ou les Espagnols eurent quelque avantage sur les nostres[846].

Le marquis de Ville estant revenu a Paris, et Mr de Chavigny l’ayant logé cheux luy, attendant qu’il le rammenat au bois de Vincennes, contre sa parole se retira une nuit vers le duc Charles ; et pour mon particulier, en ce mois est mort mon bon amy le baron de Neuvy : je sceus que mon neveu de Bassompierre estoit extremement malade, et que celuy de Dommartin, apres avoir pillé mes meubles, pillé et maltraitté son grand pere, s’estoit en fin retiré de Harouel.

Avril. — On fit au commencement de ce mois toutes les repartitions des armées du roy en cette forme :

Mr de Bordeaux avec une tres puissante armée de mer, eut le pouvoir en la mer Occeane pour le roy. Mr le comte de Harcourt eut le commandement sur la mer de Levant tant sur les vaisseaux ronds que sur les galeres, ausquelles on mit par commission le commandeur de Fourbin[847], le sieur du Pont de Courlay[848] general des galeres ayant esté suspendu de sa charge.

Mr de Longueville fut adjoint a Mr le cardinal de la Vallette pour commander ensemble les forces du roy en Italie, ou le roy despescha aussy Mrs de Guiche et de Chavigny, le premier en qualité de mareschal de camp, et l’autre, quy est amy intime du cardinal de la Vallette, pour le porter a recevoir sans murmurer ce nouveau compagnon que l’on luy avoit donné.

On envoya quelques trouppes françoises, outre celles quy y estoint desja, pour renforcer l’armée du duc de Weimarch.

On donna une puissante armée a commander au sieur de Feuquieres avec ordre d’assieger Thionville. On donna celle du roy a commander au sieur de la Melleraye grand mestre de l’artiglerie avec ordre d’assieger Hedin[849]. On fit general d’une autre armée le mareschal de Chastillon, relegué par ordre du roy en sa mayson, d'ou l’on le tira, quy eut commandement de se camper vers Guyse et vers Cambray, pour accourir a celle des deux armées de La Melleraye et de Feuquieres quy en auroit besoin, et pour tenir les ennemis en eschec.

On envoya une grosse somme d’argent aux Hollandois affin qu’ils se missent promptement en campagne pour faire quelque grande entreprise.

Finalement on donna la generalité de Guyenne et de Languedoc a Mr le Prince avec deux armées : l’une sur la frontiere de Fontarabie, ou Mrs de Gramont et de Sourdis estoint lieutenants ; l’autre en Languedoc, ou le mareschal de Chomberg estoit lieutenant general et sous luy le viscomte de Arpajon. Tous lesquels generaux partirent pour aller recevoir leurs forces et s’apprester de faire quelques grandes actions.

Mais ce quy pressoit le plus estoit l'Italie en laquelle le prince Tomas d’un costé, le prince cardinal de l'autre, et le marquis de Leganes faisoint forces progres dans le Piemont et le Montferrat : et les forces du roy estant retirées en France pour la plus part, celles quy estoint restées n’estoint suffisantes pour sortir en campagne et leur faire teste, de sorte qu’en moins de rien, partie de force, partie par la connivence des Piemontois [quy haïssent naturellement les François][850], a quy le gouvernement de Madame n’agreoit pas, et quy aymoint tendrement ses deux beaux freres, apres avoir pris Villeneufve d’Ast, puis Ast, Montcalier et Pont d’Esture[851], tout le plat païs du Piemont se rendit presque a eux, et ayans diverses intelligences dans Turin, le marquis de Leganes estant venu joindre le prince Tomas, se vindrent camper au commencement de la semaine sainte entre le Po et la ville avec grande esperance de l'emporter, et de fait la firent sommer ; mais les trouppes françoises et le cardinal de la Vallette y estans accourus, les assiegés firent le jeudy saint[852] une tres grande sortie sur les Espagnols, et en ayant tué quantité, peu de jours apres[853] les ennemis leverent le siege pour aller achever de prendre ce quy restoit du Piemont quy ne fut fortement gardé.

Ce mesme mois Bannier fut battu en deux rencontres par Axfeld ; mais cet homme, quy est certes un grand capitaine, sçachant que Gallas, Axfeld et Marassini[854] estoint pour se joindre bientost tous trois avesques grandes forces, se resolut de les combattre separées, et estant a grandes journées venu rencontrer Marassini, luy donna la bataille[855], le deffit et prit prisonnier.

Il arriva ce mesme mois une chose fort extreordinaire, c’est que madame la duchesse de Chaunes estant allée aux Carmelites de Saint Denis dans un carrosse a six chevaux, le mardy saint, ayant avec elle trois femmes et un gentilhomme, deux laquais et ses cochers, fut a son retour attaquée par cinq cavaliers portant fausses barbes, quy firent arrester son carrosse, tuerent un des laquais quy se voulut rescrier, et un d’eux luy vint jetter une bouteille pleine d’eau forte au visage : elle quy vit venir le coup, mit son manchon qu’elle avoit en ses mains, devant son visage, quy fut cause qu’elle ne fut point offensée, et s’escriant qu’elle estoit perdue, ces cavaliers le creurent et se retirerent vers autres cinq hommes a cheval quy les attendoint ; et on n’a peu depuis sçavoir quy a fait ou fait faire cette meschanceté[856].

May. — Ce mois commença la guerre en Flandres, et en Lorraine ou des le commencement un des colonels du duc Charles nommé Cliquot fut deffait proche de ma maison de Harouel par des trouppes du duc de Weimarch quy le suyvirent depuis Tanne.

L'armée de monsieur le grand mestre de l’artiglerie fut la premiere sur pié, entra en Flandres, prit Lilers[857], et quelques chasteaux et eglises fortifiées. Le colonel Gascion[858] eut quelques trouppes deffaites par les Espagnols, et monsieur le grand mestre, apres avoir quelque temps cherché quelle place il devroit attaquer, se resolut en fin de faire investir Hedin, devant laquelle il se vint camper, et fort bien retrancher[859].

Mr de Feuquieres fut plus tardif a assembler son armée : il fut neammoins, le 27me de ce mesme mois, camper devant Thionville avec une armée assés considerable, et aussy tost commença a s’y retrancher et faire ses forts. Il y eut de l’avantage en ce que l’on ne se douttoit point qu’il voulut assieger une sy forte place, de sorte qu’il y avoit peu d’hommes dedans, et mesmes le comte de Voilts[860] quy en est gouverneur, n’y estoit pas quand elle fut investie.

On tint le 24me un autre grand conseil a Saint Germain, ou les mesmes quy avoint esté auparavant, y furent appellés : Mr de la Vallette y fut jugé et condamné d’avoir la teste tranchée.

Le lendemain 25me le roy partit pour aller a Abbeville, et des qu’il y fut arrivé, s’en alla le lendemain au siege de Hedin, puis s’en revint a Abbeville.

Monsieur frere du roy fit ce mois là, pour sa maitresse Louison[861], un grand escarre[862] en sa maison, de laquelle il chassa L’Espinay, puis Brion[863] ; et moy je fis une perte que je regretteray toute ma vie, de ma pauvre niece de Beuvron, quy en l’espace de huit heures fut tuée d’un violent mal de mere, le dimanche 29me de may a midy : Dieu luy donne paix.

Juin. — Le commencement de ce mois fut tres malheureux pour la France en ce que, le 7me, Picolomini avec une forte armée vint donner dans les quartiers non encores bien retranchés, et fort eslongnés les uns des autres, de l’armée du sieur de Feuquieres devant Thionville ; et en ayant forcé un, et entré dans les retranchements du camp, il suyvit sa victoire, deffaisant et rompant les corps des regimens l’un apres l’autre, sans beaucoup de resistance ; et la cavalerie s’estant laschement retirée, il vint finalement donner sur le parc de l’artiglerie, quy estoit retranché, et ou le general Feuquieres avoit rassemblé quelques trouppes quy en fin plierent, et luy, pris et blessé, fut mené prisonnier a Thionville. Les canons, munitions, vivres, et tout le bagage fut pris, plus de six mille hommes tués, et quantité de prisonniers. Picolomini vint de là en Lorraine prendre Sancy[864], Longuy[865] et quelques autres bicoques, puis s’estant venu presenter devant Mouson quy ne vaut rien, il ne la sceut neammoins prendre d'emblée ; et ayant eu advis que le mareschal de Chastillon marchoit droit a luy pour luy faire lever le siege, il ne l’attendit pas, et se retira.

Mr le duc de la Vallette quy avoit esté condamné a mort le mois precedent, fut executé, le mercredy 8me, en effigie, a Paris, a Bordeaux, et a Bayonne. On y fit a Paris cette ceremonie que l’on vint mettre son tableau dans la barriere quy est au dedans du Chasteau, auquel lieu les officiers de justice le prindrent apres quelques formalités.

Ce mesme mois Mr le Prince ayant laissé cinq regiments d’infanterie et quelque cavalerie sous la charge des sieurs de Gramont et de Sourdis pour garder la frontiere de Bayonne, vint avec toutes ses forces assieger Salses[866], et en suitte fourrager tout le comté de Roussillon jusques a Parpignan.

Le siege de Hedin ayant tenu encor tout ce mois, en fin se rendit le .....[867]. Le roy voulut venir voir la place et tout ce quy s’estoit avancé en ce siege, et voulut aussy reconnestre ce service de Mr de la Melleraye, adjoutant a l’office de la couronne qu’il possedoit desja, celuy de mareschal de France, duquel il luy donna le baston le .....[868] du mesme mois.

Quelques trouppes estant arrivées de France a Mrs le cardinal de la Vallette et duc de Longueville, et les ennemis s’estans mis en garnison durant les excessives chaleurs qu’il fait en Piemont durant les mois de juin et de juillet, ils vindrent assieger Chivas[869] quy, apres avoir tenu quelques jours, se rendit.

Je receus ce mesme mois deux desplaisirs domestiques quy me furent bien sensibles : l’un fut que mon neveu de Dommartin envoya dire a Mr du Hallier, quy estoit venu lors gouverneur de Lorraine, qu’il avoit dessein de se conformer desormais a mes volontés et de me venir trouver, s’il luy vouloit envoyer un passeport a cet effet ; Mr du Hallier, quy est mon amy, fut ravy de me pouvoir obliger en cela, et le luy envoya, dont en suitte mon dit neveu se servit pour aller trouver en seureté le duc Charles : l’autre, que l’on avoit accordé que pour Horn et Tubatel[870], prisonniers de l’empereur, on rendroit quattre principaux prisonniers imperiaux[871] ; mais le duc de Weimarch ayant a cet effet envoyé demander Jean de Vert et Equenfort pour les rendre, le roy les refusa, et ainsy ce traitté fut rompu.

Au commencement du mois de juillet, Mr du Hallier ayant ramassé quelques trouppes, vint assieger ma maison de Harouel, et apres l’avoir fait sommer, et que ceux quy estoint dedans de la part du duc Charles eurent fait refus de la rendre, il la battit avec deux pieces de canon qu’il avoit ammenées, et apres avoir enduré[872] soissante et dix coups de canon, ledit sieur du Hallier, a la priere du comte et comtesse de Tornielle quy estoint dedans avec mon neveu Gaston, la receut a composition le mercredy 8me[873], et y laissa garnison de trente soldats a mes depens.

L'armée navale commandée par Mr de Bordeaux s’estant mise en mer, alla donner a la coste d’Espaigne en un port[874] ou estoit la flotte d’Espaigne qu'il y assiegea et fut quelques jours a les attaquer continuellement : mais s’estant elevé une forte tempeste, elle fut contrainte de lever l'ancre et de se mettre en haute mer, ou elle fut tellement battue de l'orage qu’elle revint tres malmenée dans les ports de France.

Le roy, apres la prise de Hedin, alla visiter sa coste de Picardie. Pendant ce voyage il eut nouvelle de la prise de Salses par Mr le Prince[875].

Cependant l’armée des Hollandois, quy avoint promis au roy de faire quelque grand exploit, se tenoit toujours aux Philippines, quy sont des forts sur leur frontiere, sans en partir, quelque instance que le roy leur peut faire.

Mais les princes de Savoye cependant ne s’endormoint pas, et le prince Tomas voyant que les deux generaux de l’armée du roy estoint occupés a reprendre un chasteau a l'entrée des Langues[876], il executa l’entreprise qu’il tramoit sur Turin avec les bourgeois et habitans de la ville quy estoint de sa faction, et ayant fait entrer a la file jusques a six ou sept cents soldats quy disans a l'entrée de la ville qu’ils estoint, quy d’Ivrée, quy de Chivas, ou d’autres lieux du Piemont, on laissa passer a la porte. En fin, la nuit du 27me de ce mois, ayant, pour la forme, fait jouer un petard a une des portes, les autres luy furent ouvertes, par lesquelles la mesme nuit ledit prince et le marquis de Leganes entrerent avesques leurs trouppes. Madame de Savoye ayant eu de long temps tel soubçon des habitans qu’elle avoit fait aller le petit duc se tenir a Suse, eut ce jour là deux ou trois avis de l’entreprise ; mais n’ayant des forces suffisantes pour l’empescher, [le vint dire a ses belles sœurs, leur laissa ses filles et dames avec ce qu’elle avoit de hardes, et][877] prenant ses pierreries avec elle, se retira dans la citadelle de laquelle seulement le lendemain matin on tira dans la ville, les ennemis ayans eu toute la nuit pour se retrancher contre laditte citadelle. Tout ce que peut faire Madame fut de mander en diligence cet accident aux generaux de l’armée françoise, quy leverent le siege de ce chasteau susdit en toute diligence, et s’acheminerent vers Turin : ils arriverent a Millefleur proche de Turin, le dernier de ce mois, ou ils se camperent.

Il nous arriva du costé d’Allemaigne un grand accident de la mort inopinée du duc Bernhard de Weimarch quy print la peste en la ville de Neubourg sur le Rein[878], comme il le vouloit passer avec son armée pour aller faire lever le siege de Hauteveiller[879] que l’armée du duc de Bavieres avoit assiegé : il ne fut malade que trois jours et mourut le .....[880], laissant dans son armée avec un grand dueil une tres grande confusion. Ce fut encores pour mon particulier un tres grand malheur ; car s’il eut encores vescu un mois, mon neveu de Bassompierre sortoit de prison, l’empereur ayant accordé qu’il fut eschangé avec Tubatel lieutenant general dudit duc, quy, quelques mois auparavant, avoit esté pris prisonnier en un combat.

Ce ne fut pas le seul malheur quy m’arriva en ce mois ; car je perdis par mort un de mes plus chers amis, Mr l’evesque de Rennes[881] quy, a ma recommandation, avoit eu precedemment a cet evesché celuy de Lantriguier.

Mr le comte de Tornielle en suitte me fit des plaintes de trois habitans de Harouel quy faisoint des monopoles contre luy, et mesmes un de ceux là avoit perdu le respect en sa presence.

Finalement un tresorier de France, nommé Greffeuille, de Montpelier, m’avoit dix ans auparavant prié de prendre un jeune garçon nommé Ducros, de la mesme ville, pour clerc de mes secretaires, ce que j’avois fait, et mesmes quand je cassay mon train, je l’avois conservé pour escrire et copier les choses que je desirerois. Ce malheureux pour fournir a ses desbauches, se mit a roygner des pistolles et fut pris pour cela le 28me du mois.

Aust. — Le premier jour du mois d’aust, les generaux de l’armée du roy en Italie entrerent avec forces trouppes dans la citadelle de Turin, vindrent saluer Madame et en suitte tenir conseil avec elle de ce qu’ils auroint a faire. Il fut resolu que Madame sortiroit de la place et se retireroit a Veillane, ce qu’elle fit le mesme jour, et eux se preparerent a faire le lendemain une tres grande sortie sur la ville par deux endroits. Mais comme les ennemis avoint eu sept jours de temps pour se retrancher, il leur fut non seulement inutile, mais dommageable de l’executer ; car ils y perdirent quantité de braves hommes sans aucun effet. Ils firent encores une autre attaque a deux jours de là aussy infructueusement, ce quy fit que, perdant l’espoir de reprendre Turin, estans campés en un tres mauvais lieu ou il n’y avoit point d’eau, leurs forces n’estant egales a celles des ennemis et desperissant tous les jours par les maladies, ils quitterent le dessein de Turin pour penser a faire une treve quy leur donnat moyen de secourir Casal quy estoit pressé, quy fut conclue pour deux mois, a commencer le 24me jour de ce mois ; mais, contre l’attente de ceux quy contracterent cette treve de la part du roy, s’apperceurent bientost qu’elle avoit esté faite a leur dommage ; et les ennemis nous voyans foibles en Italie, ne se soucierent point de la bien observer, et les Espagnols, selon leur coustume, n’observent leur foy qu’autant que leur advantage y est meslé avec. Ainsy ils ne voulurent souffrir, selon ce qu’ils avoint accordé, que six cens malades fussent tirés de Casal, et que l’on mit en leur place six cens autres soldats sains, et traitterent sous main avec le commandeur de Sales gouverneur de Nice[882], de rendre la ville et le chasteau au prince cardinal, et ce bon et devotieux chevalier, persuadé qu’il y alloit de sa conscience, la luy rendit, la ville de Villeneufve[883] s’estant revoltée deux jours auparavant contre la duchesse.

Le roy cependant visitoit sa frontiere, demeura autour de Sdan, ou a Donchery[884] ou a Mouson, plusieurs jours, pendant lesquels Mr le comte de Soissons envoya vers luy Sardiny, et le roy luy renvoya un gentilhomme ; mais ledit comte voyant approcher le roy, craignant d’estre assiegé dans Sdan, y fit entrer deux mille hommes, et travailler en diligence a remparer les fortifications de terre quy estoint esboulées. Pendant son sejour il[885] eut premierement nouvelle de la prise de Turin, ce quy le fit resoudre de s’avancer jusques vers Langres[886] ; mais il apprit par les chemins premierement les deux attaques, puis en suitte la tresve qu’il n’attendoit nullement. Il ne marchanda point a l’heure mesme de s’y acheminer le plus promptement qu’il peut, despescha en diligence le comte de Guiche et celuy de Chavigny a la duchesse, et revoqua Mr de Longueville d’Italie pour luy faire prendre l’armée d’Allemaigne que le duc de Weimarch souloit commander.

Cependant le prince d’Orenge avec l’armée de Hollande se vint camper devant Gueldres ; mais ayant eu avis que le cardinal infant venoit luy troubler ce siege, il s’en retourna en ses premiers postes vers les Philippines.

Je fis ce que je peus pour empescher la corde a ce miserable roygneur[887] de Ducros ; mais en fin il fut pendu le jeudy 11me de ce mois ; et me resta ce regret que c’estoit le seul domestique de tant d’autres que j’avois eus, quy aye jamais esté, non repris de justice, mais seulement accusé ou soubçonné.

Ce mesme mois se fit en Flandres le combat de Saint Nicolas et celuy de Saint Venant[888]. Le premier estoit une tres belle entreprise qu’avoit faite le grand mestre de l’artiglerie quy luy eut reussy a grand avantage sans les divers canaux quy sont en ces païs là, quy diviserent son armée, en sorte que, du costé qu’il donna, il renversa ce qu’il rencontra et prit quelque petite piece de canon, mais de l’autre le regiment de la marine et quelques autres n’en sortirent pas sy bien. Celuy de Saint Venant fut moindre ; mais il ne laissa pas d’enlever un quartier de cavalerie, et de prendre quantité de chevaux.

Le roy, continuant son voyage, arriva le 13me a Sainte Menehou, d’ou il escrivit une lettre au gouverneur de la Bastille pour me communiquer, assés estrange, dont je diray le sujet pour faire connestre combien les malheureux sont miserables, mesmes aux choses ou leur malheur devroit finir. Lors que le duc Bernard de Weimarch se fut rendu maitre de Brisac, le roy fit ce qu’il peut affin que cette place, qu’une armée entretenue par ses deniers [avoit conquise], luy fut consinnée ; mais le duc au contraire maintint qué le roy estoit obligé par un traitté qu’il avoit fait avec luy, de luy rendre Colmar et Haguenau avec tout ce quy despendoit du landgraviat d’Alsass dont ledit duc demandoit l’investiture. Et comme ce siege s’estoit commencé, continué, et achevé par le conseil, l’entremise et l’ayde du colonel d’Erlach, il luy en voulut confier la garde. Ce colonel d’Erlach est un brave homme, gentilhomme d’ancienne maison dans le païs de Berne en Suisse, et quy a passé sept ou huit de ses plus belles années aupres du roy de Suede avec tant d’estime de ce prince, que, deux ans devant qu’il se retirat d’aupres de luy, il l’avoit fait colonel du regiment de ses gardes. Mais comme la Suede n’est pas une fort agreable demeure, que son pere et mere estans morts quy l’avoint laissé heritier d’assés grands biens tant au païs de Berne qu’aupres de Basle en une assés belle terre nommée Castelen, le desir de revoir sa patrie et d’y demeurer, et le dessein de se marier, le porterent a quitter ledit roy et revenir en son païs vers la fin de l’année 1625, ou en mesme temps j’allay de la part du roy ambassadeur extreordinaire vers les cantons. Et parce que son frere ayné[889] avoit autrefois esté nourry page de mon pere, et que sa maison estoit fort amie de la mienne, il me vint incontinent voir a Solleure, et je fis une estroitte amitié avesques luy, le reconnoissant personnage de grand merite. Et comme en l’année 1630 je fus envoyé derechef par le roy son ambassadeur extreordinaire en Suisse avec ordre d’entreprendre le restablissement des Grisons en leur liberté opprimée l’année precedente par les forces imperiales commandées par le comte de Merode, estant passé par Berne, allant en Suisse, je luy communiquay premierement mon dessein, comme a une personne en quy je me fiois, quy estoit mon particulier amy, quy estoit tres habile pour me conseiller là dessus, et tres capable pour m’ayder et assister a l’execution d’iceluy : a cela s’adjoustoit que par la mort de l’avoyer de Berne Grafrier, un de ses cousins de son mesme nom d’Erlach avoit esté fait avoyer de Berne[890], et que ledit avoyer l’avoit fait estre du conseil estroit de laditte ville, dont j’avois grand besoin de l’ayde et assistance en cette presente affaire, et eux estoint tout puissans pour me la faire avoir. Mais comme les difficultés de l’execution de mon dessein, causées sur nos manquemens, sur la creue du Rein[891], et sur l’ouverture de la guerre en Italie, l’eussent rendu impossible, je fus obligé par l’ordre que je receus de Mr le cardinal de Richelieu, de faire une prompte levée de six mille hommes en Suisse pour luy ammener, de laquelle levée j’en donnay la moytié a commander, en qualité de colonel, audit sieur d’Erlach de Castelen, quy passa en Italie ou les maladies ruinerent son regiment apres le secours de Casal ou il fut employé, ce quy l’obligea d’en solliciter le licenciement, quy estoit aussy l’intention du roy ; et ayant eu ordre de traitter avesques luy pour ledit licenciement, je fus bien ayse de m’adjoindre le mareschal de Chomberg affin qu’il fit les refus sans qu’il parusse que ce fut moy ; mais ledit mareschal et moy, n’eumes pas beaucoup de peine a disputer avec luy ny a le contrarier ; car il se porta sy noblement en cela qu’il fit tout ce que nous luy proposames, et ainsy nous convinsmes avesques luy. Mais moy ayant esté mis en prison sur ces entrefaites, et le sieur d’Emery[892], quy vouloit faire le bon mesnager pour s’accrediter vers le roy, proposa que l’on pourroit faire ledit licenciement a quattre mille escus moins que nous n’avions traitté avec ledit Erlach, et qu’il luy falloit rabattre cette somme, ce que le conseil et le mareschal d’Effiat surintendant des finances, furent bien ayses de faire pour en payer moins. Mais par ainsy ils mescontenterent et offenserent ce brave homme, de sorte qu’il quitta entierement le service du roy et se retira sans y avoir depuis voulu rentrer, bien que l’on luy aye offert de tres beaux emplois : et s’estant retiré en son chasteau de Castelen, lors que le duc de Weimarch hivernoit dans les Franches Montaignes ou il ne pouvoit plus subsister, ayant tout mangé, il fut visité dudit colonel d’Erlach qu’il connoissoit, lequel luy conseilla de faire dessein sur les quattre villes forestieres, quy sont Laufenbourg, Waldshout, Reinfeld et Sekinguen, ou il trouveroit des ponts sur le Rein, quy luy donneroint moyen d’entreprendre en Schuaube. Il le creut et l’entreprit avec le succes que chascun sçait et en suitte le siege de Brisac, quy luy ayant reussy, l’en fit gouverneur[893]. Or comme l’on sceut la mort du duc de Weimarch a Paris, ceux quy sçavoint l’ardente affection que d’Erlach me portoit, dirent peut estre qu’il me pourroit demander pour commander en la place du duc de Weimarch l’armée qu’il avoit ; et comme je suis pas hay a Paris et que l’on a pitié de ma misere, ce que peu de gens avoint dit par conjecture, beaucoup le dirent comme une chose effective, et mesmes adjouterent que d’Erlach avec quy l’on traittoit pour remettre la ville de Brisac es mains du roy, ne vouloit rien promettre sy l’on n’accordoit precedemment ma liberté. Plusieurs me dirent ce bruit quy couroit, et mesmes le gouverneur de la Bastille : mais moy, jugeant plus sainement des choses, me moquay de tous ces bruits, et fus mesmes marry de ce qu’ils couroint. Je ne sçaurois dire sy ceux quy menoint les affaires a Paris pour le roy, ne trouverent pas ces bruits bons, ou sy, me haïssant, ils voulurent tascher de me faire du mal par là[894], en pratiquant un nommé Scanevelle[895], ou sy ce Scanevelle, meschant homme et fourbe quy avoit l’année precedente esté cause de faire trancher la teste au beau frere de Feuquieres nommé Heucour[896], tacha de s’accrediter en me faisant ce tour, ou mesmes sy on le fit faire d'ailleurs affin de monstrer au roy que je faisois des choses contre son service quy meritoint que l’on me retint encores prisonnier apres un sy long temps : mais en quelque façon que ce soit, il est fort vray que ce Scanevelle quy avoit une compagnie de cavalerie en l’armée du duc de Weimarch sous le sieur de Guebrian[897] se feignit estre un autre Scanevelle quy avoit esté nourry mon page (lequel est mort il y a douse ans), et vint trouver le sieur de l’Espinay tresorier des Menus (quy prend quelque soin de mes affaires), et luy dit qu'ayant receu ma nourriture, il desiroit de me faire un grand service, et que, s’il pouvoit, il pratiqueroit dans l’armée du duc de Weimarch que je fusse demandé pour general. Le sieur de l’Espinay l’escouta et luy respondit qu’il estoit louable d’estre reconnoissant de la bonne nourriture qu’il avoit receue de moy. Scanevelle luy ayant dit qu’il me devoit faire sçavoir sa bonne volonté, l’autre luy dit qu’il estoit destenu d’une paralysie dans le lit, duquel il ne sçauroit sortir d’un mois ny peut estre de deux ; mais que sy Dieu luy faisoit la grace de se remettre sus pié, qu’il me tesmoygneroit la bonne volonté qu’il avoit pour moy ; et ainsy Scanevelle le quitta, quy fut redire non ce qu’il avoit dit a L’Espinay, mais qu’il estoit entré dans la Bastille, qu’il avoit conferé avesques moy, et que je l’avois despesché vers Erlach pour le prier de ne rendre point Brisac au roy que prealablement je ne fusse mis en liberté. Je ne sçay aussy s’il dit cela, ou sy ce fut le pretexte que l’on prit d’escrire cette aspre lettre par laquelle le roy commandoit au sieur du Tramblay de me dire que cette action me rendoit criminel, que j’avouasse ce quy s’estoit traitté entre moy et ledit Scanevelle, et que, sy je manquois a le desclarer veritablement, je me mettois en un estrange estat ; finalement que je devois, pour satisfaire et reparer ma mauvaise conduitte, escrire une lettre de desaveu audit Erlach. Je ne fus point estonné[898] lors que je vis cette lettre, n’ayant jamais veu, connu, ny pratiqué ce Scanevelle et ne sçachant ce que c’estoit. J’escrivis sur ce sujet a Mr des Noyers pour en asseurer le roy et Son Eminence et escrivis aussy a Erlach conformement a ce que la lettre du roy portoit, et quelques jours apres, ayant sceu ce que ce Scanevelle avoit dit a L’Espinay, je l’escrivis encores a Mr des Noyers ; ce que j’ay voulu desduire tout au long affin de faire voir a combien de diverses facheuses rencontres est sujet un homme quy est dans la mauvaise fortune : je ne receus aucune response de mes deux lettres escrittes a Mr des Noyers, non plus que de celle que j’avois envoyée audit Mr des Noyers pour envoyer a Erlach, ne sçachant mesmes sy elle luy a esté rendue, mes premieres lettres ayant esté escrittes le 22me du mois, et cette derniere le 24me[899].

Le roy continua son voyage vers l'Italie, passant a Langres ou il sejourna[900] : de là il vint a Disjon ; puis estant arrivé a Chalons sur la Saone[901], il tomba malade, eut une forte fievre accompagnée d’un grand desvoyement ; mais comme Sa Majesté est d’un fort temperament et que Dieu a un soin tres particulier de sa conservation pour le bien de la chrestienté, il fut assés tost guery et poursuyvit son voyage.

Septembre. — Il m’arriva au mois de septembre un accident quy est ridicule de le dire seulement, et honteux a moy de l’avoir ressenty de la sorte, mais quy m’a esté beaucoup plus insupportable que plusieurs autres plus importans que le cours de ma vie m'a fait recevoir. J'avois un petit levrier quy n’avoit pas plus de demy pied de haut, nommé Medor, de poil isabelle et blanc, le mieux marqué du monde, estant proprement comme ces beaux chevaux hauberes[902], lequel estoit le plus beau, le plus vif, le plus joly et aymable chien que j'aye jamais veu : ma vieille chienne Diane que j’avois fort aymée, l’avoit fait environ un an avant que mourir, comme sy elle m’eut voulu laisser cette consolation dans ma prison, quy m’estoit certes tres grande ; car il me divertissoit beaucoup et me rendoit la prison plus douce. J’avoue que j’y avois trop mis mon affection ; mais en fin je luy avois mise. Il arriva que, le lundy 12me septembre, comme j’estois monté sur la terrasse de la Bastille avec Mrs le comte de Cramail, du Fargis, et madame de Gravelle[903], et le comte d’Estelan[904] quy ce jour là m’estoit venu voir, une grande et vilaine levriere noire de Mr du Coudray, que j’avois toujours tellement apprehendée pour mon chien que je le prenois d’ordinaire entre mes bras quand je sçavois qu’elle estoit en haut, en se voulant jouer avesques luy, luy mit un pié sur son petit corps de telle sorte qu’elle luy creva le cœur en ma presence ; certes cet accident me creva le mien, et m’affligea sy fort que j’en ay esté fort longtemps triste, et que le souvenir mesme de cette pauvre beste me tourmente l’esprit[905].

On me manda ce mois là qu’il y avoit de nouveau quelque esperance de l’eschange de mon neveu de Bassompierre contre quelque prisonnier : mais ce bruit n’a pas continué.

Pendant que la tresve duroit en Italie, le prince cardinal fit revolter contre sa belle sœur premierement la ville de Villefranche, puis en suitte la ville et le chasteau de Nice de Provence, dont le roy receut nouvelles par les chemins, quy le fascherent bien fort pour l'importance de la chose.

Le prince Casimir, frere du roy de Poulongne[906], quy l’année precedente avoit esté arresté et retenu prisonnier a Celon de Craux[907] en Provence fut emmené fort honorablement jusques au bois de Vincennes ou il entra le jeudy 15me de ce mois et y est gardé.

Une personne quy m'est fort proche, nommée La Tour[908], joua et despendit prodigalement force argent, dont je fus averty ce mois là, ce quy me fascha fort.

Le roy quy poursuivoit son voyage a dessein de voir madame de Savoye sa sœur, et de conferer avesques elle sur les presentes affaires, tascha de la faire venir a Vimy[909] pres de Lion et a cet effet envoya Mr de Chavigny vers elle pour l'en convier. Mais elle ne jugea pas a propos d’eslongner la Savoye et le duc son fils d’une sy grande distance, de peur que pendant son absence quelque chose ne s’innovat en ce pais là ; ce quy fit resoudre le roy de s’acheminer jusques a Grenoble, ou madame sa sœur le vint trouver en grand esquipage le 27me de ce mois, Sa Majesté ayant esté bien loin de la ville au devant d’elle ; et le lendemain, quy fut le 28me, mourut a huit heures du matin, a Rivoli en Piemont, Mr le cardinal de la Vallette quy y avoit esté mallade quatorse jours.

Octobre. — Au commencement du mois Mr le grand prieur de Champaigne, oncle de monsieur le cardinal, de la maison de la Porte, devint grand prieur de France par la mort du grand prieur de Bois Boudran[910], quy arriva le 2me d’octobre.

Le roy se separa de madame sa sœur a Grenoble, s’en retournant a Paris avec peu de satisfaction d’elle : car elle ne voulut accorder de mettre le chasteau de Montmelian entre les mains du roy, ny moins de luy donner le petit duc de Savoye son fils pour l’ammener en France.

En ce mesme mois le prince palatin partit de Hollande, inconnu et desguisé avec six chevaux de poste, s’en vint en France, et passa jusques a Saint Pierre le Moustier[911] pour s’acheminer par la Suisse a Brisac, sous l’esperance d’y estre receu et de se faire chef de l’armée precedemment commandée par le duc Bernhard de Saxe Weimarch, attendu qu'elle avoit esté destinée par le roy de Suede et les princes protestans d’Allemaigne pour servir dans les quattre cercles dont les electeurs palatins sont chefs ; et estant reconnu electeur par ledit roy et lesdits princes, il pretendoit de droit cette armée estre sous sa charge et son commandement. Le roy fut averty de son passage et le fit arrester audit Saint Pierre le Moustier, puis en suitte conduire au chasteau de Nevers.

Le roy ordonna Mr le comte de Harcourt son lieutenant general en Italie a la place de Mr de Longueville qu'il en retira pour luy donner le commandement de l’armée que souloit commander Mr de Weimarch en Allemaigne, et de Mrs le cardinal de la Vallette et comte de Candale quy tous deux estoint morts en Italie. Ledit cardinal possedoit soissante et dix mille escus de rente tant en l’archevesché de Bordeaux qu’en quinse abbaïes quy furent lors toutes distribuées a des particuliers. Il estoit pareillement gouverneur de la ville de Mets et du païs Messin : le roy donna ce gouvernement au sieur de Lambert quy a esté longuement mon domestique, et quy estoit lors mareschal de camp dans son armée et gouverneur de la Capelle en Picardie ; ce gouvernement fut donné au sieur de Roquepine[912] quy commandoit a Mets sous le feu cardinal de la Vallette. Ce mesme mois[913] se fit l’accommodement pour Brisac quy reconnut le roy, le colonel d’Erlach en demeurant gouverneur, et l’armée prestant serment a Mr de Longueville pour Sa Majesté[914].

Le siege de Salses continuant toujours[915], et Mr le Prince se preparant pour le faire lever, il mit sur pié vingt et trois mille hommes, ayant pour lieutenant general le mareschal de Chomberg, et se presenta le 24me de ce mois avec son armée sur le tard devant les retranchemens des ennemis, quy de fortune ce jour la estoint sy mal gardés, et sy mal faits, que l’on eut eu gueres de peine a les forcer, et le mareschal proposa que, sans attendre l’arriere garde, que le viscomte d’Arpajon conduisoit par un autre chemin, on tentat l’entreprise quy eut infailliblement reussy. Mais comme la resolution que l’on avoit prise au conseil avant que partir n’estoit conforme a cette proposition, Mr le Prince, avec beaucoup de raison, ne la voulut pas changer, dont l’evenement l’en fit puis apres repentir : car sur la nuit il vint un sy extreordinaire orage quy continua sy vehement toute la nuit que toute son armée se desbanda avec perte de plus de trois mille hommes, ou quy perirent, ou que l’on ne revit plus, et en suitte forces trouppes se desbanderent. Mr le Prince neammoins et ledit mareschal ne perdirent aucun soin ny temps pour la remettre en estat de faire un nouvel effort.

Finalement ce mesme mois le general Ocquendo[916] quy commandoit la flotte d’Espaigne, quy avoit heureusement ammené un grand secours d’hommes et d’argent en Flandres, entreprit de partir des ports d’Angleterre pour s’en retourner en Espaigne : mais l’armée navale des Hollandois, commandée par leur general Tromp[917], ayant attaqué la flotte espagnole[918], elle la mit en desroutte, ayant bruslé plusieurs vaisseaux, pris d’autres, et fait eschouer quelques autres en des costes ennemies.

Novembre. — Au commencement de ce mois de novembre, Mr le comte de Harcourt, nouveau general de l’armée du roy en Italie, quy, des le mois precedent, estoit arrivé a Carignan[919], la tresve estant finie des le 24me d’octobre, se prepara pour jetter quelque secours d’hommes dans Casal, que la peste en avoit despourveu. Il part donc de Carignan avec une fort petite armée, mais fort deliberée de bien faire, et dont la cavalerie est la meilleure de toute celle du roy, et vint assieger Quiers[920], quy luy fit peu de resistance, bien que les ennemis fussent a la veue de la ville pour la venir secourir, et plus forts que l’armée françoise ; apres quoy il fit promptement marcher son armée droit a Casal ou il jetta mille hommes de pié dedans, et puis s’en vint reprendre son logement de Quiers. Le marquis de Leganes et le prince Tomas de Savoye, quy avoint chascun une armée plus forte que celle du comte [de] Harcourt, et quy n’ayant pas creu que ledit comte eut l’audace de se mettre en campagne devant eux et moins de passer jusques a Casal, ne s’estoint pas hastés de venir l'en empescher, [voulurent] se haster lors de luy fermer le passage de son retour, et se camperent entre Quiers et Carignan par ou il devoit passer. Le comte n’ayant pas de forces egales a leur opposer demeura a Quiers äutant qu’il eut de vivres ; mais luy estans faillis, il se resolut de passer ou de mourir glorieusement. A cet effet il partit de Quiers, et sur l’entrée de la nuit, quy estoit lors fort claire, se rencontra l’armée du Leganes a la droitte et celle du prince Tomas a la gauche, quy le vindrent en mesme temps affronter. Mais l’armée françoise, quy voyoit n’avoir que la porte de la valeur par ou s’en retourner, animée par son general et par les sieurs de Turenne, de Plessis Pralain, et la Motte Houdancour[921] mareschaux de camp, par ses chefs particuliers, et par son propre courage, se deffendit courageusement durant quattre heures au bout desquelles elle renversa l’armée du prince Tomas, fit reculer celle du Leganes, et passa a travers des deux malgré eux pour se venir rendre a Carignan ; quy est une des plus hautes et braves actions quy se soif faite de ce siecle[922].

Le roy arriva a Versailles la veille de la Saint Martin, ou Monsieur son frere le vint trouver.

Du costé de Salses Mr le Prince fit une nouvelle attaque contre le camp des ennemis, quy ne luy reussit pas, le 2me de ce mois.

Le dimanche 13me le palatin fut emmené prisonnier au bois de Vincennes, au dessus du prince Casimir de Poulongne.

Le lendemain[923] Mr de Saint Marc favorit nouveau du roy presta serment de grand escuïer.

Le jeudy 17me madame de Hautefort quy estoit maitresse desclarée de Sa Majesté, eut ordre de luy, porté par Mr de Lomenie[924], de se retirer de la court ; on en dit de mesme a une autre des filles de la reine, nommée Chemeraut[925], et a un vallet de chambre du roy, nommé Lespine. Et le lendemain fut fait le descry des pistoles legeres, dont la permission de les desbiter avoit porté un notable interest[926] a la France.

En ce mois fut tué l’escuier du mareschal d’Estrées[927], et sa teste mise sur le pont Saint Ange a Romme, banny pour avoir retiré par force un homme condamné aux galeres. Cette mort mit mal le pape et le roy, de sorte que le mareschal d’Estrées n’eut plus d’audience du pape, et que l’on la refusa en France a son nonce : on deffendit mesmes aux evesques de le visiter ny d’avoir aucune intelligence ny commerce avec luy.

Il s’estoit fait l’esté precedent quelque desordre en la ville de Rouan contre les fermiers du roy, en suitte de quoy il s’en commit aussy a Caen et en la basse Normandie ou quelques croquants s’esleverent, ce quy fut cause qu’apres que les armées d’une part et d’autre se furent retirées de la campagne, le roy envoya le colonel Gascion avesques mille chevaux et quattre mille hommes de pié en Normandie pour chastier ces mutins, lequel s’achemina premierement a Caen et y logea, puis en suitte ayant eu advis que les croquants estoint vers Avranches et Villedieu[928], il les y fut tailler en pieces avec perte du baron de Courtaumer, quy fut tué a l’attaque du faubourg d’Avranches.

Le fils de Mr le comte d’Alais[929] mourut ce mesme mois, quy fut perte pour cette maison. Mais comme l’enfant estoit petit, la perte ne fut pas egale a celle que receut la maison de Guyse par la mort de Mr le <ref follow=p331>des mains des sbires son valet Giulio Bianconi, condamné aux galères pour avoir tenu un brelan. prince de Jainville, que l’on estimoit le plus accomply prince de son temps : Dieu le tienne parmy ses esleus.

Ce mesme mois mourut aussy Mr de Valançay, mon bon et cher amy, et quy avoit autrefois esté mon compagnon en charge lors que j’estois mareschal de camp.

Madame la duchesse de Crouy, quy avoit espousé mon cousin remué de germain, mourut aussy d’une apoplexie la nuit du lundy au mardy 15me de ce mois ; et ma niece, abbesse d’Espinal, se maria avec le marquis de Haraucour[930] le ...[931].

Estant detenu prisonnier depuis tant d’années dans le chasteau de la Bastille ou je n’ay autre chose a faire qu’a prier Dieu qu’il termine bientost mes longues miseres par ma liberté ou par ma mort, que puis je escrire de moy ny de ma vie, puis que je la passe toujours d’une mesme façon, sy ce n’est qu’il m’y arrive de temps en temps quelques sinistres accidents ; car je suis privé des bons depuis que je l’ay esté de ma liberté. C’est pourquoy, n’ayant rien a dire de moy, j’emplis le papier de ce quy se passe tous les mois dans le monde, de ce quy vient a ma connoissance. Et comme, en l’hiver, toutes choses se reposent, ou se preparent pour agir au printemps, ce mois de decembre est fort maigre et sterile de nouvelles, ne s’estant passé autre chose sinon qu’estant venue celle de la seconde tentative du levement du siege de Salses, quy n’avoit point reussy, le roy resolut d’en faire faire une troisieme, et pour cet effet despescha le marquis de Coualin vers Mr le Prince pour luy ordonner[932] ; a quoy il se prepara pour le jour de l’an suyvant. Cependant Espenan[933] capitula que, s’il n’estoit secouru dans le jour des Rois, qu’il rendroit la place aux Espagnols.

Monsieur le chancelier fut ordonné par le roy pour aller a Rouan et en basse Normandie pour faire faire une exemplaire justice des mutins et rebelles de cette province, et partit de Paris le mardy 20me de ce mois.

Madame de Hautefort et Madlle de Chemeraut, quy estoint venues a Paris, quittant la court, eurent ordre d’en partir le lundy 26me ; a quoy je termineray cette année.


1640.
Janvier.


Je n’espere pas que cette nouvelle année me doive estre fort heureuse, la commençant par une mauvaise nouvelle que je receus le premier janvier, que mon nouveau neveu de Haraucour avoit un secret dessein de se retirer vers le duc de Lorraine ; ce quy m’eut causé un sensible desplaisir qu’une personne sy proche se retirat du service du roy aussytost apres estre entré en mon alliance, et d’autant plus qu’infailliblement on eut soubçonné ma niece sa femme de l’avoir porté a ce dessein, veu la mauvaise opinion que l’on a desja d’elle sur ce sujet : Dieu m’a fait la grace d’avoir appris depuis, que ce bruit est faux, et qu’il n’a eu aucune pensée de cela.

Monsieur le chancelier arriva a Rouan le 4me de ce mois, le colonel Gascion y estant entré avec ses forces cinq jours auparavant. Le lendemain de l’entrée de monsieur le chancelier, il envoya une interdiction a la court de parlement, a la court des aydes, au bailliage, et aux tresoriers de France ; en suitte de quoy il fit faire plusieurs executions de ceux qu’il creut avoir trempé au trouble de l’esté precedent.

Salses avoit capitulé de se rendre la veille des Rois s’il n’estoit secouru. Mr le Prince se presenta le mesme matin pour tenter le secours : mais il fut jugé du tout impossible de le faire ; ce quy fut cause qu’Espenan en sortit avec la garnison le 7me de ce mois, quy fut neammoins heureux a la France en ce que la reine se trouva grosse de nouveau.

L’on chercha ce mesme mois divers moyens pour trouver de l’argent pour subvenir aux grands frais qu’il convenoit faire pour la guerre, entre lesquels celuy d’une nouvelle creation de seise maitres des requestes fut accepté et presenté au parlement pour le verifier et enregistrer. Mais les maitres des requestes ayans fait de fortes brigues, et le parlement ayant odieuse cette nouvelle creation, il fut refusé ; dont le roy se sentant offensé exila deux conseillers, Lainé et Scaron[934], et envoya a la Bastille le maitre des requestes Gamin le dernier jour de ce mois.

Celuy de fevrier commença par l’entrée magnifique de l’ambassadeur de Poulongne venu pour moyenner la liberté du prince Casimir frere du roy de Poulongne, detenu prisonnier dans le bois de Vincennes, lequel arriva a Paris le jour de la Chandeleur.

Monsieur le chancelier, apres avoir achevé le chastiement de Rouan, s’en alla en faire de mesme a Caen.

Mademoyselle, fille de Monsieur, dansa le 17me un ballet de vingt quattre filles, tres beau et superbe, cheux monsieur le cardinal. Le 23me elle le dansa a l’Arsenac, et le 26me a la maison de ville.

J’eus nouvelle le dimanche 5me, a midy, d’une chose quy me fut tres agreable[935], et en suitte encores d’une autre, que ma niece de Haraucour, nouvellement mariée, estoit grosse. Mais pour n’avoir pas une longue joye, j’eus en mesme temps nouvelles que l’on estoit mal satisfait a la court de quelques discours que mon neveu, le marquis de Bassompierre, avoit tenus de la France dans sa prison, que l’on a depuis averés estre faux.

Ma petite niece, fille ainée de Mr et de madame de Houailli, quy estoit tres jolie et bien faite, mourut le 23me a neuf heures du matin ; et trois jours auparavant, sçavoir le 20me, mourut dans ma maison de Harouel en Lorraine madame la comtesse de Tornielle grand mere de mes neveux, que j’aymois bien fort.

Mars. — Le mois de mars fut remarquable par la mort du Grand Turc lors regnant[936], causée par une apoplexie, et parce aussy qu’il laissa pour heritier le seul quy restoit de la maison ottomane.

On delivra ce mesme mois le prince palatin prisonnier au bois de Vincennes, a condition qu’il demeureroit six mois en France.

Monsieur le chancelier, apres avoir achevé les executions contre les mutins et croquants, s’en revint a Paris. Et a la court, le 19me de ce mois, La Chainée[937] premier vallet de chambre du roy et fort en ses bonnes graces fut chassé avec le Peré[938], frere de Mr le president de Baillieul, et quelques autres de leur cabale.

On demeura d’accord de la liberté de Mr de Feuquieres en eschangeant pour luy Equenfort prisonnier au bois de Vincennes, et vingt mille escus. On mit mesmes Equenfort en liberté, quy me vint voir le 15me : mais le samedy 17me la nouvelle estant venue de la mort de Feuquieres le 13me, on le remit en prison.

Avril. — Je commençay le mois d’avril par une mauvaise nouvelle que l’on me manda de la mesintelligence quy estoit entre Mr le comte de Tornielle grand pere et tuteur de mes neveux, et ma niece de Haraucour sa petite fille, laquelle fit saysir tout le bien de mes autres neveux et y a fait un grand desordre.

J’envoyay en Hollande, le 8me, mon neveu de Dommartin, second fils de feu mon frere, quy estoit un desbauché quy m’avoit offensé : neammoins je luy ay voulu entretenir, n’ayant rien vaillant a present[939].

Je perdis le 22me de ce mois Mr de Puisieux, mon bon et affidé amy, quy mourut d’une assés longue maladie.

Voyla pour ce quy regarde mon particulier : et pour les affaires publiques, Casal fut assiegé par le marquis de Leganes des le 9me de ce mois, et Mr le comte de Harcourt ayant eu ordre du roy de hasarder le tout pour le secourir, alla avec quelque neuf mille hommes tant de pié que de cheval contre ledit Leganes quy en avoit vingt et deux mille dans ses retranchements tres forts et parachevés, qu’il attaqua le 29me de ce mesme mois sy vertement et avec tant de courage et de perseverance qu’apres avoir esté repoussé par quattre diverses fois, il les força en fin la cinquieme, mettant en routte l’armée du Leganes de laquelle il prit le canon, les munitions et tout le bagage. Il perdit quelques gens en ces diverses attaques, et entre autres le plus jeune des enfans du sieur du Tramblay gouverneur de la Bastille, nommé Villeblavin, jeune homme quy promettoit extremement de luy, et que j’aymois particulierement.

D’autre costé le Bannier ayant perdu une ville par surprise, ou il avoit retiré son bagage et ses munitions, fut contraint de quitter le poste avantageux ou il estoit, et de se retirer devers Erdfort quy estoit demeuré du party suedois, ou il fut promptement suyvy par l’armée imperiale commandée par l’archeduc Leopold[940] et par Picolomini sous luy.

Le 20me l’edit des creations nouvelles des maitres des requestes fut en fin verifié au parlement, et le nombre restreint a douse. Ce mesme jour fut restablie la troisieme chambre des enquestes, quy avoit esté sy longtemps interditte, avec ordre aux conseillers Bitaut[941] et Sevin de se deffaire de leurs charges, avec interdiction au president Perrot de Saint Dié[942] d’entrer en laditte chambre pour y exercer la sienne, jusques a nouvel ordre du roy.

La reine sentit bouger son enfant le vendredy 20me.

May. — Le grand succes de Casal animoit nos autres generaux de se mettre promptement en campagne pour faire de leur costé quelque exploit signalé, et des le 22me du mois passé le mareschal de la Melleraye estoit party de Paris avec un grand esquipage d’artiglerie, tirant vers Mesieres ou se devoit faire l’assemblée d’une puissante armée qu’il commandoit. Monsieur le cardinal, pour faire quitter Paris a tous les braves, en partit le 2me de ce mois, et le roy s’estoit desja avancé du costé de Picardie[943] ou le mareschal de Chastillon devoit aussy avoir une armée sur pié pour deffendre la frontiere et tenir les ennemis en eschec tandis que le mareschal de la Melleraye commenceroit quelque siege d’importance ; lequel, en assemblant ses trouppes, receut un petit eschec de quelque cavalerie quy luy fut deffaite, et nombre de chevaux d’artiglerie enlevés ; ce quy ne l’empescha pas neammoins de venir promptement investir Charlemont[944] ville tres forte sur la riviere de Meuse, laquelle apparemment il eut prise sy le ciel ne s’y fut opposé par des continuelles pluies quy l’empescherent de s’y arrester, et quy luy firent changer son dessein en celuy de Mariembourg[945], ou pareillement les ennemis ayans rompu une escluse, inonderent le païs de telle sorte que force luy fut de lever le siege : sur quoy le roy luy manda de rammener son armée fatiguée et desperie par le mauvais temps, pour la joindre a celle de Mr le mareschal de Chastillon, et toutes deux entreprendre de forcer quelque grande place en Artois.

Ce mesme mois madame la duchesse de Chevreuse, quy, l’année precedente[946], avoit fait retraitte de France et passé en Espaigne, puis d’Espaigne en Angleterre, finalement d’Angleterre a passé en Flandres, ou peu apres arriva le bastard du roy de Dannemarc[947] avec quattre mille hommes de renfort a l’infant cardinal.

Le comte de Harcourt apres la victoire de Casal ayant renforcé son armée de quelques regiments quy luy estoint arrivés de France, vint mettre le siege devant Turin[948] bien que le prince Tomas de Savoye se fut peu de jours avant jetté dedans avec cinq mille hommes de pié et quinse cens chevaux, et que le marquis de Leganes quy avec ce qu’il avoit sauvé de sa desroutte de Casal estoit plus fort que ledit comte, attendit encores des grandes forces du duché de Milan, que le cardinal Trivulse[949] luy ammenoit : toutes ces choses quy devoint estonner un autre, animant cet homme victorieux d’entreprendre ce grand siege, qu’il commença a presser vertement, et se rendit maitre d’abbord d’un faubourg fortifié d’ou il chassa les ennemis ; ce quy ayant fait haster le marquis de Leganes de venir en diligence secourir Turin et le renvitailler, il attaqua le camp du comte de Harcourt[950], mal fortifié encores, pour le peu de temps qu’il avoit eu de le faire. Neammoins il se deffendit sy genereusement que le marquis fut contraint de se retirer avec perte de pres de trois mille hommes : mais de nostre costé le viscomte de Turenne y fut blessé, et plusieurs tués[951].

Les Hollandois aussy, ayans mis pié a terre en Flandres, voulans passer un canal pres de Bruges, le comte de Fonteines[952] s’opposa a leur passage, et apres en avoir tué plus de huit cens, et quelques officiers, les contraignit de se retirer.

J’eus ce mois là nouvelles comme l’empereur avoit favorablement traitté mon neveu de Bassompierre prisonnier a Benfeld, ayant accordé le sergent de battaille Javelitsky pour eschanger contre luy et l’a envoyé en despost a Strasbourg.

La Tour[953] est party pour aller avec Gascion le 30me.

Juin. — Le siege d’Arras assiegé le 13me de ce mois de juin, donna de la crainte aux deux partis : a l’un, qu’il ne fut pris, et aux autres de faillir de le prendre. C’est pourquoy chascun se prepara, sçavoir, ceux de dedans a se bien deffendre, nous a l’attaquer fermement, et les Espagnols a le secourir. Le premier des chefs ennemis quy vint pour troubler nos travaux, fut Lamboy[954], lequel Mr le mareschal de la Melleraye ayant voulu taster[955], vint avec quelque cavalerie proche de ses retranchements et mesmes poussa quelques trouppes quy estoint sorties pour escarmoucher ; mais les nostres inconsiderement poursuyvant les fuyards, vindrent donner sy proche du camp de Lamboy, que nous y perdimes quantité de volontaires et de gens de principal commandement : le marquis de Gesvres[956] mareschal de camp y fut pris, et Breauté[957], sergent de battaille, et mestre de camp du regiment de Picardie, tué, quy fut certes un tres grand dommage ; car c’estoit un homme a parvenir un jour aux plus grandes charges.

Juillet. — En ce mois de juillet le siege d’Arras continua avesques grande aspreté de part et d’autre, et les circomvallations parachevées, on alla par tranchées droit a la ville par deux divers endroits[958]. Mais le cardinal infant ayant assemblé toutes ses forces, se vint camper sy pres d’Arras, qu’il estoit bien difficile d’y faire passer des vivres ny des munitions de guerre dont l’on manquoit au camp, ce quy fut cause de faire tenter divers convois : entre autres le colonel de l’Eschelle entreprit d’en mener un par Peronne, et ayant donné avis de son dessein, le mareschal de la Melleraye partit avec trois mille chevaux pour le venir rencontrer au lieu concerté entre eux[959] ; mais comme il s’y acheminoit, il rencontra la banniere de Hainaut que le comte de Buquoy[960] et plusieurs seigneurs avesques luy conduisoint, laquelle le mareschal attaqua, et la rompit, non sans grand peine et perte d’hommes ; neammoins elle se retira, et [le mareschal ne la voulut poursuivre pour la deffaire entierement][961], sur le bruit que toute l’armée ennemie s’advançoit : il prit quelques prisonniers de condition et se retira au camp sans le convoy que l’on y attendoit impatiemment, lequel fut rencontré par cette banniere de Hainaut quy le deffit et emmena les denrées qu’il portoit. Cela mit le camp en grande confusion ; car il n’y avoit plus de vivres ny de munitions de guerre : mais deux jours apres[962], Saint Preuil en fit heureusement arriver un, quy fut cause que le siege ne se leva point, et que la ville fut pressée vertement.

Le marquis de Leganes d’autre costé fit encor une tentative[963] sur le camp du comte d’Alais devant Turin ; mais il n’y reussit pas mieux que la premiere fois, et se retira avec perte.

Aust. — Le mois d’aust fut notable par le mauvais succes des Hollandois, encores battus a une attaque nouvelle qu’ils voulurent entreprendre pour passer un canal dans la Flandre, ce quy les fit desesperer de pouvoir rien faire du costé de Flandres, et les porta au siege de Gueldres. Mais les continuelles pluyes quy survindrent, et quelques escluses que les ennemis rompirent, avec la survenue de don Philippe de Silvas, de Andrea Cantelme[964] et de Fonteines, avec dix mille hommes, les fit pareillement lever ce siege et se retirer vers Guenep.

J’eus ce mois là nouvelle comme l’empereur avoit desclaré nostre maison descendue de droitte ligne masculine d’Ulrich comte [de] Ravensperg, cadet de la maison de Cleves, et qu’il nous reconnoissoit pour princes de cette maison, et que le college des electeurs y avoit pareillement donné son approbation[965].

Il me vint aussy nouvelles comme mon neveu de Bassompierre devoit estre mis dans peu de jours en liberté, attendu que Javelitsky pour lequel il estoit eschangé, estoit desja en despost a Strasbourg. Mon dit neveu me fit escrire pour avoir mon consentement d’espouser la sœur de la princesse de Cantecroix[966].

Mais le premier jour d’aust, les travaux ayans esté avancés a Arras jusques a estre attachés aux bastions de la ville, la famine neammoins estoit sy grande dans nostre camp, et la difficulté telle d’y ammener des vivres, le roy ayant esté obligé pour cet effet d’envoyer querir en diligence l’armée commandée par Mr du Hallier au siege de Sancy en Lorraine qu’en fin il avoit pris[967], et d’envoyer tirer les forces des garnisons de Picardie, ayant assemblé une armée de vingt et cinq mille hommes et mis sur pié un convoy de six mille charrettes ; Mr le mareschal de Chastillon estant demeuré au siege, Mr le mareschal de la Melleraye partit dudit camp avec douse mille hommes le mercredy premier dudit mois, pour venir rencontrer le secours, ce qu’il fit a point nommé : et comme l’on estoit aux embrassades de cet heureux succes, arriva nouvelles comme les ennemis estoint venus attaquer nostre circomvallation, de laquelle ils avoint pris le fort de Ransau[968] et taillé en pieces le regiment de Roncerolles[969] quy estoit dedans. Allors Gascion vint avec mille chevaux a toute bride vers nostre camp, quy fut suyvy de Mr de la Melleraye avec ce qu’il avoit ammené au devant du convoy. Mais Mr le mareschal de Chastillon luy ayant mandé que ce n’estoit rien et que les ennemis, ayans vainement tenté l’attaque des lignes, en avoint esté repoussés et se retiroint sur la main gauche, quy estoit vers l’avenue du convoy, il retourna en pareille diligence audit convoy. Les ennemis lors continuerent leur attaque, ou ils repousserent plusieurs de nos trouppes. Mrs de Vandosme[970] firent ce jour là des merveilles, estans toujours a la mercy de mille coups parmy les ennemis, tuans tout ce qu’ils rencontroint, et animans nos gens l’espace de quattre heures que l’attaque dura, en laquelle Mr le mareschal de Chastillon fit ce qu’humainement se pouvoit faire, et eut un cheval tué sous luy. Mais en fin le convoy estant arrivé au Camp sans rencontre, avec l’armée de Mr du Hallier et celle qu’avoit rammenée Mr de la Melleraye, la partie ne fut plus tenable aux ennemis quy quitterent volontairement le fort de Ransau, et se retirerent en bel ordre, voyans arriver les regiments de Champaigne et Navarre en bel ordre vers eux pour les en chasser. Allors on pressa les ennemis de sorte qu’une mine que l’on fit jouer en l’attaque de La Melleraye ouvrit plus de soissante pas de bresche, ce quy fit capituler les ennemis qu’ils rendroint la place au roy s’ils n’estoint secourus dans le 8me du mois. Les ennemis ne manquerent de se presenter encores pour faire quelque effort : mais ayant trouvé la chose impossible, ils se retirerent, et les trouppes du roy prindrent, le jeudy 9me d’aust, possession de la ville d’Arras.

Je receus un petit desplaisir ce mesme mois par le refus que Mr le comte de Tornielle, grand pere de mes neveux, me fit de me donner le plus jeune de mes dits neveux nommé Gaston, pour le nourrir pres de moy. Mais en recompense j’eus le contentement de sçavoir ma niece de Houailli heureusement accouchée d’une fille le 30me de ce mesme mois.

Septembre. — Le roy revint vers Paris au commencement du mois de septembre[971], ayant laissé monsieur le cardinal vers la frontiere, quy s’alla tenir a Chaunes[972].

Nous eumes en ce mois deux heureux succes, l’un de la naissance d’un second fils de France, la reine en estant accouchée le ....[973] ; et la prise de Turin arrivée le ... de ce mois[974].

La revolte des Catalans se peut aussy mettre parmy les heurs de la France, puisque c’est au desavantage de ses ennemis.

Octobre. — En ce mois d’octobre est mort un des plus gentils, des plus braves et des meilleurs princes que j’aye jamais connu[975], et quy me faisoit l’honneur de m’aymer cherement : aussy ay je ressenty sa perte aussy vivement dans mon cœur, que de chose quy me soit arrivée de longtemps. Il avoit souffert durant neuf années beaucoup de tourment et de persecution de la mauvaise fortune : exilé de France, ayant perdu son gouvernement ; ses biens ruinés ; et ce qu’il a pasty dans sa famille par la perte de ses deux enfans dont l’ainé[976] estoit le plus accomply prince de son temps, et par la mauvaise conduitte du troisieme[977], quy ne vivoit pas selon sa profession[978].





fin du tome quatrième et des mémoires.

  1. Gonsalez de Cordova, troisième fils d’Antoine-Ferdinand Folch de Cardona et Cordova, IVe duc de Soma, Ve duc de Sessa, et de Jeanne de Cordova, mourut en 1645.
  2. Il, le cardinal.
  3. Le 15me janvier, ayant le jour precedent esté en parlement.
    (Addition de l’auteur.).

    Les précédentes éditions portaient : le 4 janvier. — Ce fut le 15, jour de son départ, que le roi tint ce lit de justice : il y déclara la reine-mère régente dans les provinces en deçà de la Loire, fit vérifier une déclaration d’amnistie en faveur des protestants qui rentreraient dans le devoir, et ordonna l'enregistrement du recueil d'ordonnances connu sous le nom de Code Michau, contre lequel le parlement prolongea néanmoins sa résistance.

  4. Montargis, chef-lieu d'arrondissement du département du Loiret, était une seigneurie du duc d'Orléans.
  5. La Bussière, bourg du canton de Briare, arrondissement de Gien, département du Loiret.
  6. Voir t. III, p. 162, note 3.
  7. Château-Morand est situé près de Saint-Martin-d'Estreaux, canton de la Pacaudière, arrondissement de Roanne. — Saint-Haon-le-Châtel, chef-lieu de canton du même arrondissement.
  8. La principauté de Dombes, située entre la Saône et l'Ain, est aujourd’hui comprise pour la plus grande partie dans l’arrondissement de Trévoux, département de l'Ain. La jeune Mademoiselle était souveraine de Dombes du chef de sa mère.
  9. Voir t. III, p. 162, note 1.
  10. Mions, dans le canton de Saint-Symphorien-d’Ozon, arrondissement de Vienne, département de l'Isère.
  11. Virieu, chef-lieu de canton de l'arrondissement de la Tour-du-Pin, département de l'Isère.
  12. Moirans, ville du canton de Rives, arrondissement de Saint-Marcellin, département de l'Isère.
  13. Chaumont, aujourd’hui ville de la province de Suse en Piémont, faisait alors partie du Dauphiné, quoique situé au delà des sommets des monts. Ces sommets ont depuis été reconnus par le traité d’Utrecht comme la limite des deux États.
  14. Laffrey est situé à peu de distance au sud de Vizille, non loin d’un lac qui porte le même nom. — La Mure, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Grenoble, sur la route de Gap.
  15. On atteint le Pont-Haut à une petite distance de la Mure, en se dirigeant vers l’est. — Les Diguières, château voisin de Beaufin, canton de Corps, arrondissement de Grenoble, à l'extrémité du département de l'Isère.
  16. C'est-à-dire le Drac, rivière qui coule vers le nord, et va se réunir à l’Isère un peu au-dessous de Grenoble.
  17. Chorges, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Embrun, département des Hautes-Alpes, à moitié chemin de Gap à Embrun.
  18. Voir à l’Appendice. I.
  19. Saint-Crépin, village du canton de Guillestre, arrondissement d'Embrun.
  20. Vallouise, canton de l’Argentière, arrondissement de Briançon, département des Hautes-Alpes.
  21. Le mont Genèvre, dans le département des Hautes-Alpes, est aujourd'hui à l'extrême frontière de la France et du Piémont. — La Doire Ripaire (Dora Riparia) coule vers l’est et se joint au Pô au-dessous de Turin, tandis que la Durance coule au sud-ouest vers le Rhône.
  22. Cézanne, bourg du Piémont qui était alors compris dans le Briançonnois en Dauphiné.
  23. Oulx, bourg du Dauphiné, aujourd’hui en Piémont, sur la rive droite de la Doire et au-dessus de Chaumont.
  24. Etienne de Bonne, seigneur d’Auriac, vicomte de Tallard, fils aîné de Charles de Bonne, seigneur d’Auriac, et de Jeanne de Varey, parent éloigné du connétable de Lesdiguières, avait été fait maréchal de camp en 1620.
  25. Le fort que les Français appelaient fort de Gelasse, du nom d’un petit cours d’eau qu'il dominait, était appelé par les Piémontais Saint-François des Gravières.
  26. N. Scaglia, comte de Verue, ministre du duc de Savoie.
  27. Inédit.
  28. C'est-à-dire : jusqu’à ce qu’ils eussent gagné.
  29. François de Bonne de Créquy d'Agoult, comte de Sault, et depuis duc de Lesdiguières, fils ainé de Charles, sire de Créquy, duc de Lesdiguières, et de Madeleine de Bonne, sa première femme, mort le 1er janvier 1677, à l’âge de soixante-dix-sept ans. Son aïeule, Chrétienne d'Aguerre, comtesse de Sault, héritière de son fils Louis d'Agoult, comte de Sault, l'avait substitué aux nom et armes de cette maison ; et le connétable de Lesdiguières, son aïeul maternel et en même temps son beau-père, le substitua aux nom et armes de Bonne.
  30. Par des chemins détournés.
  31. Antoine de Bourbon, comte de Moret, fils naturel du roi Henri IV et de Jacqueline de Bueil, né en 1607, légitimé par lettres du mois de janvier 1608.
  32. Sampeyre, ville de la province de Coni, sur la Varaita. — L'année précédente le marquis d’Uxelles avait rassemblé une armée pour aller au secours du duc de Mantoue ; mais comme il essayait de forcer la frontière du marquisat de Saluces, cette armée fut défaite, et se dispersa : « ses troupes, dit Le cardinal de Richelieu dans ses mémoires, ne joignirent pas sitôt les frontières de l’ennemi, qu’elles ne fussent défaites comme la neige qui seroit touchée du feu. »
  33. Il y avait aux précédentes éditions : les ennemis.
  34. « Le marquis de Ville, général de la cavalerie du duc, et l’un de ses meilleurs hommes, reçut en cette occasion une mousquetade qui lui cassa le bras et l'épaule. » (Mémoires du cardinal de Richelieu.) — Gui Ville, marquis de Ville, servit depuis dans les armées de la France en Italie. Maréchal de camp en 1636, lieutenant général en 1643, il fut tué au siége de Crémone en 1648. Il avait obtenu des lettres de naturalité.
  35. Ce capitaine espagnol, qui lutta contre Tréville, et fut blessé et pris, se nommait Serbellon, suivant Levassor : l'historien de Toiras l'appelle Mercader, et raconte que sur la demande de la princesse de Piémont, le roi lui fit rendre la liberté au prix d’une enseigne de diamants qu’il donna à Tréville.
  36. Suse, ville du Piémont, située au pied du mont Cenis et du mont Genèvre, à l’issue de ce fameux passage appelé le pas de Suse.
  37. Saint-Simon.
  38. Pierre du Val, seigneur de Massiot, fils de Jacques du Val, seigneur de Cussey, et de Madeleine de Contay, fut attaché au maréchal de Bassompierre jusqu’à sa disgrâce. Il avait été aide de camp du roi et gentilhomme ordinaire de sa chambre.
  39. Marc-Antoine Belon commandait un régiment de Milanais.
  40. Le château était le fort de Jallon. (Memorie recondite, t. VI, p. 607.)
  41. Charles de Lameth, seigneur de Bussy. — Jean de Pompadour, baron de Laurière, fils puiné de Louis, vicomte de Pompadour, baron de Treignac, et de Peyronne de la Guiche. — André de Boissat, enseigne des chevau-légers.
  42. Bussolengo, bourg du Piémont situé à deux lieues au-dessous de Suse, sur les deux rives de la Doire.
  43. Sur la rive gauche.
  44. Il y avait aux précédentes éditions : Je voulus.
  45. Veillane ou Avigliana, sur la rive droite de la Doire, à quatre lieues de Turin.
  46. San-Giorio, village sur la rive droite de la Doire, à peu de distance et au-dessous de Bussolengo.
  47. Le cardinal Bagni.
  48. La charge de veador général avait été créée en 1565 par le duc Emmanuel-Philibert. Celui qui en était investi ordonnait le paiement et les fournitures des troupes : il cumulait quelquefois la charge du contador général, qui dirigeait l’administration militaire.
  49. Par l’autre côté de la rivière.
  50. Voir à l’Appendice. II.
  51. L'auteur a ajouté au manuscrit un s à la fin du mot, sans doute parce que le château, qui s'était rendu en même temps que la ville, fut inventorié en même temps que la citadelle et le fort de Gelasse.
  52. Maurice de Savoie, quatrième fils de Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie, et de Catherine d'Autriche, né en 1593, créé cardinal en 1607, quitta le chapeau en 1642 pour épouser sa nièce Louise-Marie-Christine de Savoie. Il mourut le 3 octobre 1657.
  53. Renvoyée.
  54. Lui, le cardinal.
  55. Charles-Étienne de la Grange, seigneur de Villedonné, fils de Charles de la Grange, seigneur de Montigny, et d’Anne de Brichanteau, sa seconde femme, fut mestre de camp d’un régiment d'infanterie.
  56. Qu'il avait défendu contre les Espagnols.
  57. Guron avait aussi pour mission d’aller trouver le duc de Mantoue et de se plaindre à lui de la continuation des intrigues qui avaient pour objet le mariage de Monsieur avec la princesse Marie.
  58. Ce régiment appartenait alors à Jacques-Louis d’Aydie, comte de Riberac, second fils d’Armand d'Aydie, comte de Riberac, et de Marguerite de Foix, qui fut tué l’année suivante au second siége de Casal.
  59. Antoine de Montchal, fils ainé de Mondon de Montchal et de Perrette de Broé, était gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Il fut père de l’archevèque de Toulouse qui a laissé des mémoires.
  60. Philippe de Beaufort-Canillac-Montboissier, fils puiné de Jean-Claude de Beaufort-Montboissier, vicomte de la Motte-Canillac, et de Gabrielle, dame de Dienne.
  61. Louis de Maugiron, baron du Morlat, fils puiné de Scipion de Maugiron, baron du Morlat, et de Madeleine de Lugoli.
  62. Charles des Essars, seigneur de Meigneux. Voir t. II, p. 307, note 2.
  63. C'est encore de San-Giorio que parle ici l’auteur.
  64. Charles de Besançon, seigneur de Souligné, fils aîné de Charles de Besançon, seigneur de Bouchemont et de Souligné, et de Madeleine Orrye, fut commissaire général des guerres en 1643, maréchal de camp en 1649, lieutenant général en 1653. Il mourut le 7 juillet 1669. — Le maréchal d’Estrées ramenait contre les protestants du Midi des troupes qu’il avait commandées en Provence. Le duc de Guise, gouverneur de cette province, devait envahir les états du duc de Savoie du côté de Nice ; mais il n'avait pas rempli sa mission. Il en rejetait la faute sur Besançon, qui était chargé des subsistances. C'était peut-être à cette occasion que le maréchal d’Estrées avait formé une plainte contre cet officier.
  65. L’ambassadeur ordinaire Zorzo Zorzi.
  66. Bruzolo, dans la plaine de Bussolengo, un peu au-dessous de cette ville, sur la rive gauche de la Doire.
  67. Alphonse-Louis du Plessis-Richelieu, récemment transféré du siége d'Aix au siége de Lyon.
  68. Le marquis de Canossa, gouverneur du Montferrat, et le comte Guiscardi, chancelier de cet état.
  69. Antoine de Gramont, comte de Guiche, depuis duc et maréchal de Gramont, fils aîné d'Antoine, comte de Gramont, et de Louise de Roquelaure, sa première femme, né en 1604, mort le 12 juillet 1678.
  70. Le comte de Guiche avait été obligé de quitter la France pour s'être battu en duel : il était alors au service du duc de Mantoue.
  71. Le marquis Alexandre Striggio, principal ministre du duc de Mantoue. Suivant un mémoire imprimé dans les Lettres du cardinal de Richelieu (t. III, p. 278), le marquis Striggio était arrivé avant le 21 avril.
  72. Inédit.
  73. Sa Seigneurie illustrissime. — Il y avait aux précédentes éditions : Sa Sainteté.
  74. Exprès.
  75. Il y avait aux précédentes éditions : de pierres.
  76. Aigre de cèdre, boisson faite avec du jus de cédrat. — Voir à l’Appendice. III.
  77. Inédit.
  78. Ce fut le 11 mars que la reine-mère fit prendre à Coulommiers la duchesse de Longueville et sa nièce, qui furent conduites le même jour au château de Vincennes.
  79. Charles de Gondran, fils de Thomas Galant, sieur de Gondran, fameux avocat, et de Marie de l'Orme, fut le second général de la congrégation de l’Oratoire. Il était le confesseur de Monsieur.
  80. Le 4 mai.
  81. Exilles, bourg du Piémont, autrefois du Dauphiné, avec un fort sur la rive gauche de la Doire. — Salbertrand, bourg situé sur la même rive, entre Exilles et Oulx.
  82. Les articles de la paix avaient été résolus à Suse le 24 avril : les ambassadeurs de Venise, qui avaient servi d’intermédiaires, faisaient parvenir au cardinal de Richelieu la nouvelle de l'échange des signatures. La paix fut publiée le 20 mai au camp du roi.
  83. L'éditeur des Lettres du cardinal de Richelieu assigne la date du 9 mai à deux lettres relatives à cette mise en liberté. Si le maréchal de Bassompierre ne s’est pas trompé, ces lettres n'ont pu être écrites avant le 11 mai.
  84. Guillaume d’Hugues.
  85. Le nom est en blanc. Peut-être Veyne, ou Aspres-lez-Veyne, dans le département des Hautes-Alpes.
  86. Le col de Cabre sépare la vallée de la Drôme de la vallée du Buech, affluent de la Durance.
  87. Die, chef-lieu d'arrondissement du département de la Drôme. — L'évèque de Valence et de Die était alors Charles-Jacques de Gelas de Léberon.
  88. Loriol, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Valence, rive gauche de la Drôme.
  89. Baix, bourg du canton de Chomerac, arrondissement de Privas, sur la rive droite du Rhône.
  90. Le roi était depuis le 14 au camp devant Privas.
  91. Il y avait aux précédentes éditions : de Chabaut. — Le prince de Phalsbourg avait un régiment au siége de Privas.
  92. Louis de Clermont d’Amboise, marquis de Resnel, fils de Louis de Clermont d'Amboise, marquis de Resnel, et d'Anne l’Allemant, était mestre de camp d’un régiment.
  93. Le lieu encore appelé le logis du roi est à quelque distance au sud de la ville.
  94. Il y avait aux précédentes éditions : au même Chabaut.
  95. Le travail du Maine-Chabans.
  96. Veyras, village à une demi-lieue à l’ouest de Privas.
  97. Ce régiment avait pour mestre de camp Charles de Levis, marquis d’Annonay, et depuis duc de Ventadour, troisième fils d'Anne de Levis, duc de Ventadour, et de Marguerite de Montmorency.
  98. Les Boutières sont une région montagneuse du Vivarais, qui s'étend au nord et au nord-ouest de Privas.
  99. Inédit.
  100. Audard de Fromentières, baron de Meslay, premier capitaine au régiment de Normandie.
  101. Manicamp était colonel du régiment de Normandie. — Roussel, dans son Essai sur les régiments d'infanterie, dit que ce fut Charles Gigault de Bellefonds, lieutenant-colonel, qui commanda le régiment en l’absence de Manicamp.
  102. Au nord de la ville.
  103. Le mont Toulon est au sud-ouest de la ville.
  104. Ce régiment appartenait à Claude de Hautefort, vicomte de Lestrange, fils aîné de René de Hautefort, seigneur du Teil, et de Marie, vicomtesse de Lestrange. Le vicomte de Lestrange était aussi vicomte de Privas du chef de sa femme Marie de Chambaud. ll fut décapité à Toulouse en 1632 pour avoir pris les armes en faveur du duc d'Orléans.
  105. Alexandre du Puy, marquis de Saint-André de Montbrun, troisième fils de Jean du Puy, seigneur de Montbrun, et petit-fils du brave Montbrun, fut depuis lieutenant-général en France et généralissime de Venise en Candie. Le duc de Rohan l'avait jeté dans Privas avec cinq cents hommes de pied et douze maitres. Il prétend, dans ses mémoires, que Saint-André était sorti de la place avec assurance de la vie sauve pour ses soldats, et qu’il fut retenu prisonnier par surprise.
  106. Comme il avait été mis à la ville. Le duc de Rohan prétend que le feu fut mis au fort par les soldats du roi. — Voir à l’Appendice. IV.
  107. Vallon, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Largentière, département de l'Ardèche. — La Gorce, village du canton de Vallon. — Barjac, chef-lieu de canton de l'arrondissement d’Alais, département du Gard.
  108. Antoine de Beaumont, de la maison de Grimoard de Beauvoir du Roure, seigneur de Chevrilles, frère puiné du brave Brison. Le duc de Rohan dit que Chevrilles avait fait avec le garde des sceaux, moyennant 20,000 écus, un traité qu’il appelle « le traitté de Vivaretz. »
  109. La région des Boutières contenait un certain nombre de petites places, parmi lesquelles les principales étaient le Chaylard, sur la Dorne, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Tournon, département de l'Ardèche, et Chalançon, sur l’Érieux, village du canton de Vernoux, même arrondissement. — Plusieurs lieux dans ce pays portent le nom de Cros ; il s’agit peut-être ici d’un château voisin d’Estables, à la limite du département de la Haute-Loire. — La Chèze est sur la rive droite de la Dorne, près de Dornas, village du canton du Chaylard. — Donan, peut-être Dounon, lieu voisin de Sainte-Apollinaire-de-Rias, canton de Vernoux.
  110. Jean, comte de Mérode, un des lieutenants de Wallenstein et des généraux célèbres de la guerre de Trente ans, tué à Hameln le 8 juillet 1633. Il commandait un corps de troupes impériales qui menaçait Mantoue, tandis que les Espagnols, avec la connivence du duc de Savoie, se préparaient à envahir de nouveau le Montferrat.
  111. Les provisions sont datées du 1er juin.
  112. Le Coiron, région montagneuse sur la route de Privas à Villeneuve-de-Berg.
  113. Villeneuve-de-Berg, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Privas. — Mirabel-des-Granges, bourg du canton de Villeneuve-de-Berg.
  114. L’Ardèche. — Salavas, bourg du canton de Vallon, sur la rive droite de l'Ardèche.
  115. Saint-Ambroix, sur la Cèze, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Alais, département du Gard.
  116. Paul-Antoine du Fay, fils de Jean du Fay, baron de Pérault, et de Marie, fille bâtarde du connétable Henri de Montmorency.
  117. Probablement Saint-Étienne.
  118. Saint-Victor-de-Malcap, bourg du canton de Saint-Ambroix.
  119. Salindres, bourg du canton de Saint-Martin, arrondissement d'Alais, à mi-chemin de Saint-Victor à Alais.
  120. Le Gardon d’Alais. La ville est sur la rive gauche : le maréchal passa sur la rive droite.
  121. Il y avait aux précédentes éditions : du baron de Saint-Franc. — N. de Neuchèze, baron des Francs, fils de Jean-Jacques de Neuchèze, baron des Francs, et de Marguerite Frémiot, sœur de sainte Chantal.
  122. Peut-être le Mas-Miraut.
  123. Lussan, Bagnols, chefs-lieux de canton de l'arrondissement d'Uzès.
  124. Emmanuel de Crussol, duc d'Uzès, fils de Jacques de Crussol, duc d'Uzès, et de Françoise de Clermont-Tallard, mort le 19 juillet 1657 ; et sa première femme, Claude d'Ebrard, dame de Saint-Sulpice, fille de Bertrand d’Ebrard, seigneur de Saint-Sulpice, et de Marguerite de Balaguier.
  125. Ce fut la « résolution de la paix, » et non la paix, qui fut « conclue » le 23 dans l'assemblée des protestants.
  126. Lédignan, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Alais, à trois lieues au sud de cette ville.
  127. Saint-Chaptes, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Uzès.
  128. Pour sûreté de la démolition des fortifications des places.
  129. Ces deux « excellentes beautés » étaient sans doute filles d’Hector de la Forest de Mirabel, seigneur de Blacons, et de Françoise du Puy-Rochefort, cousine de Saint-André-Montbrun. Mirabel avait été mis dans Alais par le duc de Rohan à la place du jeune baron d’Alais, Jacques de Cambis, qui, sur les instances de sa mère catholique, avait promis de livrer la ville au roi.
  130. Montpezat-de-Coillas, bourg du canton de Remoulins, arrondissement d'Uzès, sur la rive gauche du Gard.
  131. Saint-Privat, château sur la rive droite du Gard, au-dessous de Montpezat.
  132. Le pont du Gard, au-dessous de Saint-Privat.
  133. Bezouce, bourg du canton de Marguerittes, arrondissement de Nimes.
  134. Saint-Gervasy, village situé en avant de Bezouce sur la route de Nimes.
  135. Tarascon est situé précisément en face de Beaucaire, sur la rive opposée du Rhône : le fleuve sépare la Provence du Languedoc.
  136. Inédit.
  137. La sentence ne fut point exécutée : mais Besançon demeura en prison. Il s’échappa du For-l’Evesque, et l’on verra plus loin comment il chercha à se venger du maréchal d'Estrées.
  138. Il y avait aux précédentes éditions : la bourrasque. — Le jeu de la tarasque, institué par le roi René, consistait à promener tumultueusement par les rues l'effigie d’un monstre qui avait autrefois désolé la ville.
  139. Marius Filonardi, archevêque d’Avignon, prolégat, et général des armes pour le pape.
  140. Montfrin, petite ville du cant. d’Aramon, arrond. de Nimes.
  141. Pierre de Greffeuille, fils d’un autre Pierre de Greffeuille qui avait été président de la chambre des comptes de Montpellier, fut en 1627 correcteur à cette même chambre, et en 1636 conseiller.
  142. Le Jardin du roi, situé aux portes de la ville, avait été rétabli après le siége.
  143. Par lettres patentes données à Nimes, le roi avait réuni la cour des aides et la chambre des comptes de Montpellier : l’édit fut vérifié à Montpellier le 21 juillet devant les deux cours assemblées.
  144. Gabriel de la Vallée-Fossez, marquis d’Everly, fils de Guy de Fossez, seigneur d’Épone, et d'Hélène de Fontaines, alors gouverneur de la ville et citadelle de Montpellier, depuis sénéchal de Montpellier, mort le 10 juillet 1636. — C’est le même dont il est parlé au tome II, p. 87.
  145. Le cardinal, pour éviter de trop grands frais, décida qu’au lieu de donner suite au projet de construire une nouvelle église à la Canourgue, on réparerait l’ancienne église cathédrale de Saint-Pierre.
  146. Les travaux de l’Esplanade consistaient en ouvrages extérieurs qu’on devait faire à la citadelle du côté de la ville, dont les murs devaient être entièrement démolis dans cette partie.
  147. Cet édit substituait, pour l'imposition des tailles, les élus aux états de la province.
  148. Pierre Fenouillet, évêque de Montpellier de 1608 à 1652.
  149. L'église Notre-Dame-des-Tables, dont les voûtes avaient été enfoncées en 1567 par les huguenots de Montpellier.
  150. Les états, qui se tenaient à Pezenas, restèrent néanmoins assemblés jusqu’au 10 août.
  151. La maison de ville était située derrière l’église Notre-Dame-des-Tables.
  152. Loupian, bourg du canton de Mèze, arrondissement de Montpellier.
  153. La Grange-des-Prés, à une demi-lieue de Pezenas, non loin de la rive droite de l'Hérault.
  154. De la fièvre tierce.
  155. Trèbes, bourg du canton de Capendu, arrondissement de Carcassonne, sur la rive gauche de l'Aude.
  156. Saint-Papoul, petite ville du canton de Castelnaudary.
  157. Il y avait aux précédentes éditions : son intérêt. — Le prince de Condé avait commandé en Languedoc pendant la campagne de 1628 ; il venait de faire le dégât autour de Montauban.
  158. Claude du Vergier, évêque de Lavaur de 1606 à 1636.
  159. Verfeil, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Toulouse.
  160. Voir t. III, p. 80, note 4.
  161. Buzet, bourg du canton de Montastruc, arrondissement de Toulouse, sur le Tarn.
  162. Henri de Levis, duc de Ventadour, fils aîné d’Anne de Levis, duc de Ventadour, et de Marguerite de Montmorency. Il était lieutenant-général de Languedoc, et venait de faire le dégât autour de Castres. — Il abandonna en 1631 sa dignité à son frère le marquis d’Annonay, pour embrasser l’état ecclésiastique, et mourut le 14 octobre 1689, âgé de quatre-vingt-quatre ans.
  163. Charles de Levis, comte de Charlus, fils de Jean-Louis de Levis, comte de Charlus, et de Diane de Daillon du Lude, mort en 1662.
  164. Fronton, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Toulouse.
  165. Voir t. II, p. 345, note 1.
  166. Louis de Béthune, comte, et depuis duc de Charost, quatrième fils de Philippe de Béthune-Rosny, et de Catherine le Bouteillier de Senlis, mort le 20 mars 1681, à l’âge de soixante-dix-sept ans.
  167. César de Choiseul, comte du Plessis-Praslin, et depuis duc de Choiseul, fils ainé de Ferry de Choiseul, comte du Plessis, et de Madeleine Barthelemy, mort le 23 décembre 1675, à l’âge de soixante-dix-huit ans.
  168. Ils, les députés de Montauban.
  169. Il y avait aux précédentes éditions : Mr de Montauban. — Le duc d’Épernon avait fait le dégât autour de Montauban avec le prince de Condé.
  170. Gabriel Foucault, seigneur de Saint-Germain-Beaupré, vicomte du Dognon, fils aîné de Gaspard Foucault, seigneur de Saint-Germain-Beaupré, et de Gabrielle Rance, sa première femme, mourut en 1633.
  171. De Montauban.
  172. Guillaume de Vipart, marquis de Sainte-Croix.
  173. Caussade, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montauban, est situé à cinq lieues au nord de cette ville.
  174. Suivant le Mercure françois, l’édit d’abolition aurait été vérifié seulement le 18, mais à la pointe du jour, de sorte qu'à midi la vérification était arrivée à Montauban. Il paraît que cette délibération précipitée eut Lieu le 17.
  175. Saint-Gery, sur le Tarn, à peu de distance de Rabastens.
  176. S'il fallait en croire le Mercure françois, le maréchal de Bassompierre ne serait entré à Montauban que le 20 août, et le cardinal de Richelieu le 21, ce qui remettrait au 23 le départ de ce dernier. Le récit circonstancié du maréchal rectifie toutes ces dates. Il fixe également au 22 la date d’une lettre écrite par le cardinal à M. de Nogent (Lettres du cardinal de Richelieu, t. III, p. 415).
  177. Philippe de Bertier, seigneur de Montrabe, président au parlement de Toulouse. Son fils, Jean de Bertier, seigneur de Montrabe, fut premier président au même parlement.
  178. Suzanne de Bassabat, fille de Beraud de Bassabat, baron de Pordeac, et de Catherine d’Hebrail, dame de Capendu, était veuve depuis 1625 du maréchal de Roquelaure, dont elle était la seconde femme.
  179. Inédit. — Montech, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Castel-Sarrasin, département de Tarn-et-Garonne.
  180. Donatien de Maillé, marquis de Kerman, comte de Maillé, fils aîné de Charles de Maillé, marquis de Kerman, comte de Maillé, et de Charlotte d'Escoubleau, fut tué en duel en 1652.
  181. Armand-Jean de Rochechouart, qui fut seigneur de Montclar, était le cinquième fils de Pierre-Beraud de Rochechouart, baron de Faudoas, et d’Henriette de Foix-Rabat. Le baron avait pour aïeul un frère de Françoise de Rochechouart, épouse de Louis du Plessis, seigneur de Richelieu, et aïeule paternelle du cardinal.
  182. Il y avait aux anciennes éditions : et l’on avoit osté le fossé.
  183. Combefa, lieu voisin de Monestiès, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Alby.
  184. Alby, depuis érigé en archevêché, avait alors pour évêque Alphonse d’Elbene.
  185. Naucelle, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Rodez. L’abbaye de Bonnecombe, voisine de Naucelle, était alors possédée par Charles-Jacques de Gelas de Léberon, évêque de Valence et de Die.
  186. François de Noailles, comte d’Ayen, appelé M. de Noailles depuis la mort de son père, avait le gouvernement de Rouergue.
  187. Bernardin de Corneillan fut évêque de Rodez de 1614 à 1636.
  188. Espalion, chef-lieu d’arrondissement du département de l’Aveyron.
  189. La Guiolle, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Espalion.
  190. Chaudesaigues, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Saint-Flour, département du Cantal.
  191. Coren ou Corein, village à une lieue au nord de Saint-Flour. — Pierre de Beauverger, baron de Montgon et de Coren, fils ainé de François de Cordebeuf, seigneur de Beauverger, à qui Jacques de Léotoing, son oncle, avait donné les baronnies de Montgon et de Coren, et de Marguerite de Monnestai, était gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Il avait épousé Charlotte de Chabannes, fille du comte de Curton.
  192. Brioude, chef-lieu d'arrondissement du département de la Haute-Loire.
  193. Vieille-Brioude, sur l'Allier, à une lieue de Brioude.
  194. Issoire, chef-lieu d'arrondissement du département du Puy-de-Dôme.
  195. Joachim d'Estaing, fils de Jean, vicomte d'Estaing, et de Gilberte de la Rochefoucauld, fut évêque de Clermont de 1614 à 1650.
  196. Montferrand, à une lieue de Clermont sur la route d’Issoire à Riom. — Riom, chef-lieu d'arrondissement du département du Puy-de-Dôme.
  197. François de Murat, seigneur de Varillettes, fils de Tristan de Murat, seigneur de Rochemaure, et de Jeanne de la Volpilière.
  198. Effiat, bourg du canton d’Aigueperse, arrondissement de Riom.
  199. Saint-Pourçain, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Gannat, département de l'Allier.
  200. Pouilly-sur-Loire, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Cosne, département de la Nièvre.
  201. Philippe de Cospéan, évêque de Nantes de 1621 à 1635, précédemment évêque d’Aire, et depuis évêque de Lisieux. — Gilles de Souvré, évêque d'Auxerre de 1626 à 1631.
  202. Nemours, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Fontainebleau.
  203. Et luy, c'est-à-dire : et le cardinal.
  204. Marie-Madeleine de Vignerot, fille de René de Vignerot, seigneur du Pont-Courlay, et de Françoise du Plessis-Richelieu, veuve d'Antoine de Grimoard de Beauvoir du Roure, seigneur de Combalet, et depuis duchesse d’Aiguillon, était dame d’atour de la reine-mère.
  205. La Meilleraye était capitaine des gardes de la reine-mère.
  206. On pourrait croire, d’après la rédaction de ce passage, que le duc d'Orléans revint immédiatement en France. Il ne rentra cependant que le 9 février 1630, après que le roi lui eut accordé, à la suite de longues négociations, le duché de Valois comme supplément d’apanage, la lieutenance générale en Orléanais, et une forte somme d’argent.
  207. Raimbaud, comte de Collalto, fils d’Antonio, comte de Collalto, et de Julia Torella, marquise de Casetti, sa première femme, né en 1579, mort en 1630.
  208. Madame de Longueville mourut le 1er décembre.
  209. Anne de Caumont, marquise de Fronsac, fille de Geoffroy, baron de Caumont, et de Marguerite de Lustrac, marquise de Fronsac, fut mariée, 1o à Henri d’Escars, prince de Carency, 2o à François d'Orléans, comte de Saint-Paul, duc de Fronsac. Elle mourut le 2 juin 1642, à l’âge de quarante-huit ans. — Le comte de Saint-Paul était frère du feu duc de Longueville, et par conséquent sa femme était belle-sœur de la duchesse de Longueville qui venait de mourir.
  210. Voir t. I, p. 354, note 1.
  211. Voir à l’Appendice. V.
  212. Vertault, relais de poste entre la Chapelle-la-Reine et Château-Landon, sur la route de Montargis.
  213. Tarare, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Villefranche-sur-Saône, département du Rhône.
  214. Pont-de-Beauvoisin, chef-lieu de canton de l'arrondissement de la Tour-du-Pin, département de l'Isère, à l’extrème frontière de Savoie.
  215. De Piémont en Savoie.
  216. Maison avec des jardins, à la jonction du Rhône et de la Saône.
  217. Inédit.
  218. Il, le cardinal de Richelieu.
  219. Inédit.
  220. Charles-Emmanuel, par son mariage avec Catherine d’Autriche, était oncle du roi Philippe IV.
  221. C'est à l’occasion de ces négociations que le nom de Jules Mazarin fait apparition dans l’histoire de France : dès la première entrevue le cardinal de Richelieu conçut une haute idée du futur premier ministre.
  222. Jean-Jacques Pancirolo, alors nonce du pape, fut patriarche de Constantinople et cardinal. Il mourut le 3 septembre 1651.
  223. Il, le cardinal de Richelieu.
  224. La Boisse, village du canton de Montluel, arrondissement de Trévoux, département de l'Ain.
  225. Jujurieux, village du canton de Pontcin, arrondissement de Nantua, département de l'Ain.
  226. Passage du mont Jura. Le grand Credo domine Collonge.
  227. Collonge, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Gex, département de l’Ain.
  228. Georges-Frédéric, margrave de Bade-Durlach, mis au ban de l'Empire par suite de son accession à l’Union protestante, vivait en exil à Genève. Voir sur lui la note 1, t. I, p. 230.
  229. Nyon, Morges, chefs-lieux de district du canton de Vaud, sur le lac de Genève. — Echallens, ville du canton de Vaud, à 3 lieues N. de Lausanne.
  230. Petermann d’Erlach, seigneur de Bioley et de Chanas, fils de Jean d'Erlach, et de Vérène de Haltweil, sa troisième femme, né en 1579, mort en 1635. — Bioley est le château que Bassompierre appelle Pieulé.
  231. Payerne, chef-lieu de district du canton de Vaud, à 4 lieues O. de Fribourg.
  232. Charles Brulart, fils puîné de Pierre Brulart, seigneur de Genlis, et de Madeleine Chevalier, était prieur de Léon en Bretagne, d’où il se faisait appeler M. de Léon. Il fut ambassadeur extraordinaire à Venise, en Suisse, et à la diète de Ratisbonne, et mourut doyen des conseils du roi, le 25 juillet 1649.
  233. Mesmin, précédemment secrétaire du marquis de Cœuvres, alors ambassadeur du roi près des ligues Grises, avait été, contre le droit des gens, retenu quelque temps prisonnier par le comte de Mérode qui s'était saisi de Coire.
  234. Sébastien de Beroldingen ou Berlingen, du canton d’Ury, fils du landamman Josué de Beroldingen, avait été colonel d’un régiment suisse au service de la Ligue. Son fils appartenait aussi au parti espagnol.
  235. L'auteur anticipe de quelques jours sur les événements. Le roi partit de Paris seulement le 21 février : le duc d'Orléans vint à Paris le 26 et en repartit le 27 au soir (Memorie recondite, t. VII, p. 58-59). — Le roi revint de Nogent-sur-Seine seulement jusqu’à Fontainebleau. Le 3 mars la reine-mère retint la princesse Marie au Louvre ; elle l’emmena avec elle lorsqu’elle partit le 8 pour aller rejoindre le roi. La princesse fut conduite dans un couvent, et le 17 avril le duc d'Orléans vint à Troyes faire sa réconciliation avec le roi (Memorie recondite, t. VII, p. 61 et suiv.).
  236. Jean-Henri de Hostein, évêque de Bâle de 1628 à 1646.
  237. Jean Stricker, du canton d’Ury, avait levé en 1614, avec N. Troger, du même canton, une compagnie au régiment de Fegelin. Le régiment ayant été congédié, le roi avait néanmoins conservé la demi-compagnie de Stricker. — Jean-Jacques Troger, du canton d'Ury, avait été, en 1625, capitaine au régiment de Walter Am-Rhin, au service de France. — Megnet était sans doute fils de Barthélemy Megnet, qui avait été, sous Henri IV, capitaine d’une compagnie du régiment de Gallaty.
  238. Voir t. III, p. 219, note 4.
  239. Baden, chef-lieu de district du canton d’Argovie.
  240. Sans doute un fils de Gaspard Lussy, du canton d’Unterwald, qui était en 1593 colonel au service d'Espagne.
  241. Antonio Barberini, cardinal, frère du cardinal François Barberini, fut plus tard grand aumônier de France et archevêque de Reims.
  242. Mesocco, au pays des Grisons, sur la rive droite de la Moësa, affluent du Tessin avant son passage dans Le lac Majeur.
  243. D’arrher, d'engager avec des arrhes.
  244. Henri de Fleckenstein, du canton de Lucerne, avait été jusqu’en 1627 colonel d'un régiment au service d'Espagne dans le Milanais.
  245. Le colonel d’Affry fut gouverneur de Neuchâtel pour le duc de Longueville de 1628 à 1646.
  246. Le cardinal de Richelieu était parti de Suse avec l'armée le 13 mars.
  247. Pignerol, ville du Piémont, sur la rive gauche du Clusone, affluent du Po.
  248. Jean-Louis d’Erlach, seigneur de Castelen et de Gauwestein, du canton de Berne, fils de Rodolphe d’Erlach, seigneur de Castelen, et de Catherine de Muhlinen, fut depuis général major de l'armée du duc de Saxe-Weymar, gouverneur de Brisach, lieutenant général des armées du roi. Né le 30 octobre 1595, il mourut le 26 janvier 1650.
  249. Christophe-Frédéric, baron de Hohen-Sax, en latin de Alto Saxo, mort en 1633, fut le dernier descendant d’une ancienne famille du pays des Grisons. Son cousin Frédéric-Louis avait vendu à la ville de Zurich sa seigneurie de Hohen-Sax.
  250. L'auteur a écrit par erreur : Salis. — Les anciennes éditions portaient : Le bailli d'Altesax me vint voir avec l'acceptation que Salis avoit fait de la charge de colonel.
  251. Le capitaine Ulrich, du canton de Schwitz. — Fridolin Pfendler , du canton de Glaris, fut en 1635 capitaine au régiment de Wolfgang Greder sous le duc de Rohan. — Jodoc Meiss et Jean-Jacques Schmid, du canton de Zurich, avaient été en 1624 capitaines au régiment de Gaspard Schmid sous le marquis de Cœuvres.
  252. La réunion de ces deux noms indique sans doute que Travers et Salis commandaient deux demi-compagnies couplées ensemble. — Le baron de Travers d’Ortenstein et Ulrich-François de Salis étaient du pays des Grisons.
  253. Nom illisible. — Les précédentes éditions portaient : Vatteville.
  254. Bilstein ou Bildstein, et Gaspard Mertz, du canton d’Appenzell.
  255. Caælius Curio, d’abord pasteur, avait été en 1614 capitaine au régiment de Gallaty.
  256. La ville de Pignerol capitula le 22 mars : la citadelle se rendit le 29. Cominges fut tué aux premières attaques contre la citadelle.
  257. Il y avait aux précédentes éditions : Diesperg.
  258. Montenach, du canton de Fribourg.
  259. Sans doute Albert d'Erlach, baron de Spietz, un des nombreux fils de François-Louis d'Erlach, baron de Spietz et d'Oberhoffen, avoyer de Berne, dont le capitaine Michel était gendre.
  260. Pithon, du canton de Fribourg.
  261. Jacques Haudanger de Guy, de Neuchâtel, fut depuis colonel d’un régiment suisse, capitaine au régiment des gardes suisses, et maréchal de camp. Il mourut en 1676.
  262. Jean-Antoine d’Erlach, seigneur de Kiesen, fils ainé d’Antoine d’Erlach, seigneur de Kiesen, et d'Agathe de Diesbach, né en 1590, mort en 1664, était cousin germain du colonel Jean-Louis d’Erlach.
  263. Le capitaine Urner ou d'Ury, du canton de Schwitz.
  264. Jean-Victor de Wallier, du canton de Soleure, eut en 1648 la compagnie de Wallier au régiment des gardes suisses.
  265. Il faut lire : Troyes. Le roi, arrivé à Troyes vers la fin de mars, y demeura jusqu’au 23 avril, et ce fut là que son frère vint le trouver le 17 avril seulement (Voir p. 80, note 2. — Il y avait aux précédentes éditions : Lyon.
  266. N. de Rosmadec, comte de Crozon.
  267. Il y avait aux précédentes éditions : Pech. — Gex, aujourd’hui chef-lieu d'arrondissement du département de l'Ain, était alors la ville principale d’un petit pays presque indépendant.
  268. Le nom de cette famille du canton de Lucerne est : An der Allmend.
  269. Jean-Renward Gœldling de Tieffenau, du canton de Lucerne, avait levé en 1625 une demi-compagnie au régiment du colonel Am-Rhin. Il eut en 1631 une compagnie au régiment des gardes suisses, et mourut la même année.
  270. Il y avait aux anciennes éditions : Le lundi 8 le fils du colonel arriva, comme aussi le capitaine Goley et Liverode se vinrent offrir, et leurs trois compagnies de leur canton. Les derniers éditeurs avaient très-imparfaitement corrigé la phrase.
  271. Inédit. — Gédéon Stricker, du canton d’Uri, avait été capitaine en 1625 dans le régiment de Jean-Henri Zum-Brunnen. — Jacques de Reding avait été en 1625 capitaine au régiment d’Am-Rhin.
  272. Il y avait aux précédentes éditions : les capitaines Ouf et Remurs se vinrent offrir. — Voir t. III, p. 219, note 4, sur Offtermür (Auf der Maur).
  273. Laurent de Naberat était intendant des maison et affaires de M. de Bassompierre au moins depuis l’année 1607. Le maréchal donna quittance et décharge à ses héritiers seulement par acte du 13 juillet 1646, reconnaissant que le défunt « luy a rendu bons et fideles comptes de tous les maniemens qu’il a faits des deniers tant ordinaires que extraordinaires de ses biens et revenus. » (Inventaire fait apres le deceds de Mr le mareschal de Bassompierre.)
  274. Marie de Hautefort, fille de Charles, marquis de Hautefort, comte de Montignac, et de Renée du Bellay, mariée le 24 septembre 1646 à Charles de Schomberg, duc de Hallwin. Née le 5 février 1616, elle était alors âgée de quatorze ans. — Les précédentes éditions portaient : Mlle de la Fayette. L’historien Levassor, trompé par cette fausse indication, fait commencer à ce moment l’inclination du roi pour Mlle de la Fayette, qui ne prit naissance qu’en 1635, et fit seulement diversion jusqu’en 1637 à sa platonique amitié pour Mlle de Hautefort.
  275. Il y avait aux précédentes éditions : le lendemain.
  276. Il y avait une famille Surlaulin dans la ville de Baden. — Les précédentes éditions portaient : Zurlauben.
  277. Par une lettre du 11 février 1626, le roi avait donné commission au maréchal de Bassompierre, alors ambassadeur en Suisse, de remettre le collier de Saint-Michel au landamman Reding : le maréchal prétexta son départ précipité pour ne pas exécuter cet ordre, et dans une lettre à M. d’Herbault du 6 mars 1626, il critiqua la faveur accordée par le roi à Reding. Il paraît toutefois qu’à sa seconde ambassade il dut revêtir le landamman des insignes de l'ordre.
  278. Voir à l’Appendice. VI.
  279. Arberg, chef-lieu de district du canton de Berne, sur l’Aar.
  280. Avenches, chef-lieu d’un district du canton de Vaud, enclave du canton de Fribourg.
  281. Il y avait aux précédentes éditions : Payscind.
  282. Jean de Lenzburg, d’une des plus anciennes familles du canton de Fribourg.
  283. Aubonne, ville du canton de Vaud, située non loin du lac de Genève.
  284. Il y avait aux précédentes éditions : M. du Sallier d'Estissac.
  285. Il y avait aux précédentes éditions : J'écrivis à M. du Hallier.
  286. Il y avait aux précédentes éditions : Montchaste.
  287. La république de Genève était alliée des Suisses et protégée de la France.
  288. Inédit. — La ville de Bienne, en allemand Biel, sur le lac du même nom, aujourd'hui comprise dans le canton de Berne, était alors alliée des Suisses.
  289. Voir t. III, à la page 200, et aux Additions et Corrections.
  290. Châtillon-de-Michaille, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nantua.
  291. Le fort de l’Écluse, sur la rive droite du Rhône, appartenait à la France depuis 1604.
  292. Cerdon, bourg du canton de Poncin, arrondissement de Nantua.
  293. Bourgoin, chef-lieu de canton de l'arrondissement de la Tour-du-Pin, département de l'Isère.
  294. Voiron, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Grenoble.
  295. Barraux, village du canton du Touvet, arrondissement de Grenoble, avec un fort construit en 1597 par le duc de Savoie sur les terres de France.
  296. Il y avait aux précédentes éditions : fut blessé encore.
  297. Alby, à moitié chemin d’Aix à Annecy, est aujourd’hui un chef-lieu de canton de l’arrondissement d'Annecy, département de la Haute-Savoie.
  298. Rumilly, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Annecy.
  299. Sallagine, grand et petit, est dans une plaine au sud de Rumilly, à une lieue environ de cette ville.
  300. Annecy.
  301. Conflans, dans le département de la Savoie, est situé au confluent de l’Arly et de l'Isère, rive droite de l'Isère.
  302. La Maurienne et la Tarentaise sont deux vallées arrosées, l'une par Arc, affluent de l'Isère, rive gauche, l’autre par l'Isère. Leurs villes principales, Saint-Jean-de-Maurienne et Moutiers, sont aujourd’hui deux chefs-lieux d'arrondissement du département de la Savoie.
  303. Au bout du lac d'Annecy.
  304. Faverges, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Annecy, au sud du lac.
  305. Ugine, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Albertville, département de la Savoie, au confluent de la Chèze et de l'Arly.
  306. La Fourclaz, entre l’Arly et le torrent du Doron de Beaufort. — Beaufort, chef-lieu de canton de l'arrondissement d’Albertville, est situé sur la rive droite du Doron.
  307. Les cols de la Louzaz, de Cormet, du Coin (sans doute le quatrième, dont l’auteur a oublié le nom), et de la Balma ou de Bresson, sont situés à peu près sur une même ligne allant de l’ouest à l'est.
  308. Le cardinal de Richelieu, dans une lettre datée du 29 mai, annonçait à la reine-mère que le prince Thomas avait quitté Conflans dès la veille (Lettres du cardinal de Richelieu, t. III, p. 679). Mais dans ses mémoires le cardinal dit que le prince fit une pause au pas de Briançon, sur le cours supérieur de l'Isère. C’était donc de ce dernier poste que, pour couvrir sa retraite sur Moutiers, le prince Thomas faisait occuper les passages des montagnes.
  309. Naves, grand et petit, est dans un vallon dont le torrent vient se jeter dans l'Isère, rive droite.
  310. Il y avait aux précédentes éditions : aussi fâcheux.
  311. Le grand Cœur et le petit Cœur sont au sud de Naves, assez près de Isère.
  312. Aigueblanche, dans la Tarentaise, sur la rive droite de l'Isère.
  313. Scipion de Brion, seigneur de Castel-Jaloux, avait une compagnie de gendarmerie.
  314. Aime, en Tarentaise, sur la rive gauche de l'Isère, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Moutiers.
  315. Dans le val d'Aoste. Aoste est en Piémont, sur la Doire Baltée.
  316. Saint-Maurice-du-Bourg, ou Bourg-Saint-Maurice, en Tarentaise, sur la rive droite de l'Isère, aujourd’hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Moutiers.
  317. Le pont de Saint-Germain est sur un torrent qui descend du petit Saint-Bernard et vient affluer dans l'Isère vers Saint-Maurice-du-Bourg.
  318. Saint-Pierre-d’Albigny, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Chambéry.
  319. Montmeillan, sur la rive droite de l'Isère, aujourd’hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Chambéry.
  320. Le fort de Charbonnières en Tarentaise était sur un rocher qui domine Aiguebelle.
  321. Chapareillan, village du canton du Touvet, situé à la frontière de la Savoie et du Dauphiné.
  322. La Terrasse, village du canton du Touvet, sur la route de Grenoble. — Il y avait aux précédentes éditions : Caterrasse.
  323. Sans doute Goncelin, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Grenoble, sur la rive gauche de l'Isère.
  324. La Rochette, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Chambéry.
  325. Aiguebelle, sur la rive gauche de l’Arc, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saint-Jean-de-Maurienne.
  326. Argentine, bourg du canton d’Aiguebelle, situé plus haut sur le cours de l'Arc.
  327. La Chambre, sur la rive droite de l'Arc, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saint-Jean-de-Maurienne.
  328. Pontamafrey, sur l'Arc, au-dessus de la Chambre.
  329. C'est-à-dire : et moi je me trouvai mal la nuit.
  330. Icy se rapporte tout ce traitté de Nice, et ce quy s’y passa.
    (Addition marginale de l’auteur)
    .

    Voir à l’Appendice. VII.

  331. Le combat de Veillane fut livré le 10 juillet. On peut en lire les détails dans le Recit veritable des particularitez et circonstances plus remarquables du combat de Villane sous la conduite de mess. de Montmorency et marquis d'Esfiat le 10 juillet 1630, nommée par le Roy la journée S. Ambroise, Paris, Denys Houssaye, 1630 ; dans le Mercure françois, t. XVI, année 1630, p. 636 et suivantes ; dans les Memorie recondite, t. VII, p. 196 ; etc.
  332. Fabrizio Doria, duc de Vagliana, fils puiné d'André Doria, prince de Melfi, et de Jeanne Colonna, commandait un corps de cavalerie espagnole dans l’armée du duc de Savoie. Il fut blessé dans le combat par le duc de Montmorency.
  333. Gabriel de l’Aubespine, fils de Guillaume de l'Aubespine, baron de Chäteauneuf, et de Marie de la Châtre, frère aîné du marquis de Châteauneuf, était évêque d'Orléans depuis 1604. Il mourut à Grenoble le 15 août de la présente année.
  334. Domène, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Grenoble.
  335. Ici et plus loin c’est de la reine-mère qu’il s’agit.
  336. Ce reproche, quant au premier de ces deux personnages, était rétrospectif : le P. de Bérulle, créé cardinal en 1627, était mort en octobre 1629.
  337. Il s’agit ici et dans la suite de la seconde duchesse d’Elbeuf, fille d'Henri IV et de Gabrielle d’Estrées.
  338. Voir t. I, p. 212, note 2, et t. II, p. 283, note 3.
  339. Aux oreilles de la reine-mère.
  340. Et devait moins encore désirer.
  341. Vizille, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Grenoble.
  342. Mantoue avait été prise par Les Impériaux le 18 juillet.
  343. Artas, village du canton de Saint-Jean-de-Bournay, arrondissement de Vienne, département de l'Isère.
  344. Voir t. III, p. 162, note 1.
  345. Voir à l’Appendice. VIII.
  346. Le roi était tombé malade le 22 septembre : l’abcès qui avait mis sa vie en danger s’ouvrit le 30.
  347. Peut-être La Ville-aux-Clercs.
  348. Charles Guillemeau, médecin ordinaire du roi.
  349. La Chapelle-la-Reine, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Fontainebleau.
  350. Éléonore de Villars, fille de Balthazar de Villars, seigneur du Val, et de Louise de Langes, avait épousé Humbert de Chaponay, seigneur de l’Islemean, qui fut successivement lieutenant-général en la sénéchaussée de Lyon, et intendant ès provinces de Lyonnois, Bourbonnois et Berry.
  351. Le roi partit de Lyon le 19 octobre, et de Roanne le 22.
  352. Inédit.
  353. Il faut lire : à Paris.
  354. Cette bataille avait été empêchée le 26 octobre par Mazarin qui s’était jeté entre les combattants avec des paroles de paix : mais quelques troubles survinrent dans l’exécution des conventions, et les généraux furent obligés de renouveler le 27 novembre le traité qui stipulait l’évacuation du Montferrat par les Espagnols, et la retraite de l’armée française.
  355. Il y avait aux précédentes éditions : et dit à la reine, tout éperdu.
  356. C'est-à-dire : Monsieur le lui avait promis.
  357. Le soir même du dimanche 10 novembre.
  358. Avec la reine-mère.
  359. Alphonse Lopez était au nombre des agents secrets du cardinal de Richelieu.
  360. Ce jour-là le president le Jay fut fait premier president.
    (Addition de l’auteur)
  361. Jean d'Armaignac, un des premiers valets de chambre du roi.
  362. Il y a au manuscrit : 23e ; et plus haut : le mercredy 19e ; erreurs corrigées dans toutes les éditions.
  363. Il y avait aux précédentes éditions : cent mille écus au moins, et à ce dernier.
  364. De président au mortier en la cour de parlement.
  365. Le 6 décembre.
  366. Il, le cardinal de Richelieu.
  367. Armand de Bourbon, prince de Conti, fils puiné d'Henri de Bourbon, prince de Condé, et de Charlotte-Marguerite de Montmorency, né le 11 octobre 1629, fut baptisé à Saint-Sulpice le 23 décembre 1630, ayant le cardinal de Richelieu pour parrain.
  368. Le maréchal de Marillac avait été arrêté le 21 novembre à l'armée d'Italie ; mais il ne fut ramené en France que dans le courant de décembre.
  369. Henri Jacquinot, fils de Nicolas Jacquinot, était, ainsi que Beringhen, premier valet de chambre du roi. Tous les deux avaient été mêlés dans les intrigues ourdies contre le cardinal de Richelieu.
  370. Abel Servien, marquis de Sablé, fils d'Antoine Servien, conseiller au parlement de Grenoble, et de Diane Bailly, fut pourvu le 11 décembre 1630 de la charge de secrétaire d’État, laissée vacante par la mort de Charles le Beauclerc. Il fut fait surintendant des finances en 1653, et mourut le 19 février 1659, à l’âge de soixante-cinq ans.
  371. Les provisions de M. de Montmorency sont datées du 11 décembre ; celles de M. de Toiras du 13.
  372. Chilly, village du canton de Longjumeau, arrondissement de Corbeil, Le marquis d’Effiat avait été institué héritier par son grand-oncle, Martin Ruzé, seigneur de Beaulieu, Chilly et Longjumeau, secrétaire d’État, à la condition de prendre son nom.
  373. Les provisions sont datées du 1er janvier 1631.
  374. Jacqueline de la Châtre, épouse de Guillaume Pot, seigneur de Rhodes, et aïeule maternelle de Puylaurens, était sœur de Marie de la Châtre, mère de Châteauneuf.
  375. Le 1er février, suivant Levassor : mais le cardinal de Richelieu dans ses mémoires, et Vittorio Siri dans les Memorie recondite, donnent au départ du duc d'Orléans la date du 30 janvier.
  376. Inédit.
  377. Elle, la reine-mère.
  378. « L'abbé de Foix, dit le cardinal de Richelieu dans ses mémoires, faisoit métier d’être dans toutes les intrigues de la cour. »
  379. Renée de Beauvau, fille de Jacques de Beauvau, baron de Rivau, et de Françoise le Picart, avait épousé Charles de l'Hôpital, marquis de Choisy.
  380. Le duc de Guise, frère de la princesse de Conti, était comte d’Eu du chef de sa mère Catherine de Clèves.
  381. Catherine le Voyer de Lignerolles, épouse de René du Bellay, baron de la Flotte-Hauterive, était l’aïeule maternelle de Mlle de Hautefort. Elle fut nommée dame d’atour de la reine à la place de Mme du Fargis, mise en disgrâce ; et Mlle de Hautefort, qui était venue à la cour en 1628 comme fille d'honneur de la reine-mère, lui fut enlevée pour entrer au même titre dans la maison de la reine.
  382. De la reine-mère. — François Vautier, premier médecin de la reine-mère depuis 1626, et auparavant un de ses médecins ordinaires, était, au dire du cardinal de Richelieu, « le principal et le plus dangereux instrument de toute la faction. »
  383. Il l'avait même dépassé.
  384. Plusieurs éditions précédentes, mais non les premières, portaient : jusqu’au Louvre.
  385. Frédéric-Maurice de la Tour, duc de Bouillon, alors prince de Sedan, et depuis, par échange avec le roi, duc d’Albret et de Château-Thierry, fils aîné d'Henri de la Tour, vicomte de Turenne et duc de Bouillon, et d’Élisabeth de Nassau, sa seconde femme, né le 22 octobre 1605, mort le 9 août 1652.
  386. Il, le comte de Soissons.
  387. Il y avait aux précédentes éditions : et madame la princesse de Guymené. — Voir t. II, p. 147, note 1.
  388. « Le lendemain M. le mareschal de Bassompierre qui estoit venu a Senlis au devant du Roy fut arresté des le matin par de Launay lieutenant des gardes du corps et amené le mesme jour par les mousquetaires et chevau-legers du Roy en la Bastille. Il fut fort regretté dans Paris a cause de la candeur de son bon naturel. Il en fut le moins affligé de tous et prit tout son malheur par raillerie. Il fut mis dedans non pas tant pour ce qu'il avoit faict que pour ce qu’il pouvoit faire. » (Copie d’un journal de la cour conservée dans la collection Godefroy, portefeuille CCLXXXV.)
  389. Charles le Clerc, seigneur du Tremblay, fils de Jean le Clerc, seigneur du Tremblay, et de Marie de la Fayette, était frère cadet du fameux père Joseph.
  390. Inédit.
  391. Le mardi-gras était le 4 mars : le roi partit le 11.
  392. Le roi, arrivé le 26 mars à Dijon, en était reparti le 2 avril.
  393. Voir à l’Appendice. IX.
  394. Le 30 avril était un mercredi.
  395. On peut voir dans les Mémoires pour l’histoire du cardinal de Richelieu, recueillis par le sieur Aubery (t. II) les correspondances échangées à ce sujet, les lenteurs calculées de la reine-mère, et enfin son départ, qui s’effectua le soir du 18 juillet.
  396. René du Bec, marquis de Vardes, fils de René du Bec, marquis de Vardes, et d’Hélène d’O. Il avait épousé la comtesse de Moret.
  397. La Capelle, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Vervins, département de l’Aisne, était alors une place voisine de la frontière.
  398. Voir à l’Appendice. X.
  399. Avesnes, aujourd’hui chef-lieu d'arrondissement du département du Nord, dépendait alors des Pays-Bas espagnols.
  400. Seulement le 7 octobre.
  401. Jean-Georges Ier, fils de Christian Ier et de Sophie de Brandebourg, fut électeur de Saxe après son frère Christian II, de 1611 à 1656.
  402. Ce fut le 7 septembre (28 août, vieux style) qu’eut lieu cette journée de Leipzig où le roi de Suède répara par une grande victoire la défaite de l'électeur de Saxe.
  403. Erfurt, ville de Thuringe, moins éloignée de Leipzig que ne le pense l'auteur. — Il y avait aux précédentes éditions : qui est auprès de là.
  404. Godefroy-Henri, comte de Pappenheim, fils de Vitus, comte de Pappenheim, et de Marie-Salomé de Preising, sa seconde femme, né le 29 mai 1594, tué à Lutzen le 6 novembre 1632.
  405. Le roi s'établit à Château-Thierry le 18 octobre, tandis que ses troupes s’avançaient dans les Trois-Évêchés ; mais il ne vint à Metz que le 21 décembre.
  406. Fut rendu au roi.
  407. Le traité de Vic, par lequel le duc de Lorraine remettait la ville forte de Marsal aux mains du roi pour sûreté de ses engagements, ne fut signé que le 6 janvier 1632. — Moyenvic, ville de l'évêché de Metz occupée par l'Empereur pendant que les forces de la France étaient employées en Italie, avait capitulé le 21 décembre 1631. — Si le duc d'Orléans s’éloigna encore une fois de Nancy, ce ne fut qu'après avoir secrètement épousé la princesse Marguerite de Lorraine, le 3 janvier 1632.
  408. Par un arrêt de partage du 23 avril 1631 le parlement de Paris s'était refusé à enregistrer la déclaration du crime de lèze-majesté lancée contre ceux qui avaient suivi Monsieur. L'arrêt fut lacéré par le roi le 25 mai.
  409. Le parlement faisait opposition aux procédures de la chambre de justice extraordinaire de l’Arsenal.
  410. Gayan, Barillon, Thelis, Tudert et Laisné.
  411. Le parlement arriva à Metz le 10 janvier 1632.
  412. Le marquis de Brézé partit de Metz le 8 janvier 1632.
  413. Le roi quitta Metz seulement au commencement de février 1632 : il partit de Verdun le 12 pour se rendre à Versailles.
  414. Le cardinal avait obtenu en 1631 le gouvernement de Bretagne.
  415. Le samedi 8 mai. L’exécution n’eut lieu que le surlendemain.
  416. Non encore ouvertement.
  417. Le duc de Savoie était alors Victor-Amédée Ier, beau-frère du roi : il avait succédé à son père Charles-Emmanuel Ier, mort le 26 juillet 1630.
  418. Par le traité de Cherasco, en français Quérasque, signé le 6 avril 1631, il avait été convenu que le duc de Mantoue et le duc de Savoie seraient rétablis dans leurs états respectifs : Pignerol, d’abord laissé en gage au roi de France, puis rendu au duc de Savoie le 20 septembre, avait été, sous le prétexte de quelques inquiétudes causées par les Espagnols de Milan, remis en dépôt entre les mains des Suisses en vertu d’un traité particulier signé à Millefleurs le 19 octobre ; enfin dans le courant de mai 1632 le duc de Savoie fit abandon définitif de cette place à la France. En réalité ce dernier traité ne faisait que confirmer et rendre publique la cession de Pignerol, déjà accordée par un traité secret et particulier du 31 mars 1631.
  419. Henri Bourcier de Barry, seigneur de Saint-Aunez, avait épousé en 1623 Claire de Lesignan, fille de Pierre, seigneur de Lesignan, et d'une sœur de Toiras, Isabelle de Saint-Bonnet.
  420. Restinclières l’ainé, et Claude de Saint-Bonnet de Toiras, évêque de Nîmes.
  421. Le roi partit le 10 mai pour Calais, et de là se dirigea vers la Lorraine.
  422. Lingen, ville située en Westphalie sur l'Ems, ne dépendait pas des Pays-Bas espagnols. Les anciens éditeurs ont écrit, non sans raison : Venlo. Venlo et Ruremonde, places sur la rive droite de la Meuse, furent prises en ce temps par les Hollandais.
  423. Maëstricht, assiégé depuis le 10 juin, se rendit le 22 août.
  424. La Souabe.
  425. Le margraviat de Burgau, entre Ulm et Augsbourg, appartenait à la maison d'Autriche.
  426. Donauwerth.
  427. Tout ce passage, depuis les mots : le Walestein, jusqu'aux mots : la mort du roy de Suede, a été ajouté en marge par l’auteur.
  428. A Lützen, en Saxe.
  429. Le 16 novembre (6 novembre, vieux style).
  430. Bernard, fils cadet de Jean, duc de Saxe-Weymar, et de Dorothée-Marie d’Anbalt, né le 16 août 1604, mort le 18 juillet 1639.
  431. Le roi, qui avait déjà envoyé devant lui les maréchaux de la Force et d'Effiat, partait lui-même de Sainte-Menehould le 18 juin pour entrer en Lorraine.
  432. La Mothe, place célèbre par les deux siéges qu’elle soutint en 1634 et en 1645 contre les Français.
  433. Saint-Mihiel, sur la Meuse, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Commercy, département de la Meuse. — Nomeny sur la Seille, Pont-à-Mousson sur la Moselle, chefs-lieux de canton de l'arrondissement de Nancy.
  434. Dès le 26 juin, à Liverdun.
  435. Stenay, sur la Meuse, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montmédy, département de la Meuse. — Jametz, ville du canton de Montmédy. — Clermont-en-Argonne, aujourd’hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Verdun, était définitivement cédé au roi.
  436. Le roi partit le 12 août de Paris où il était venu tenir un lit de justice.
  437. On connait la légende du comte de Moret disparaissant du monde après cette affaire où on le crut mort, et finissant ses jours dans un ermitage.
  438. Rostain-Antoine d’Eurre du Puy-Saint-Martin, seigneur d’Aiguebonne, fils aîné d'Antoine d’Eurre, seigneur du Puy-Saint-Martin, et de Baptistine de Simiane, mort le 9 mai 1656. Tandis que le roi envoyait Aiguebonne à Monsieur, Monsieur envoyait au roi Chaudebonne, frère d'Aiguebonne.
  439. Lectoure, chef-lieu d'arrondissement du département du Gers.
  440. Le duc de Montmorency fut décapité le samedi 30 octobre, et non le dernier jour du mois. Le roi partit de Toulouse le 31.
  441. Le marquis de Brézé fut élevé à la dignité de maréchal le 28 octobre.
  442. Le maréchal d’Effiat mourut le 27 juillet.
  443. Le cardinal sut mauvais gré au garde des sceaux de n'être pas resté auprès de lui. Voir Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 410-411.
  444. Le 17 novembre.
  445. Dourdan, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Rambouillet. — Une lettre du cardinal (Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 418), datée de Beaugency, le dernier décembre 1632, fait supposer qu'il ne rejoignit le roi qu'aux premiers jours de l'année 1633.
  446. Louis Olivier, seigneur, puis marquis de Leuville, fils aîné de Jean Olivier, seigneur de Leuville, et de Madeleine de l'Aubespine, sœur du garde des sceaux. Né en 1601, il mourut le 5 août 1663.
  447. Dans l'ordre d’arrestation Mignon est désigné nommément parmi les secrétaires et autres domestiques du garde des sceaux. Il paraît aussi, par une lettre postérieure de Laffemas à Séguier, que Mignon avait « grande cognoissance » des secrets du chevalier de Jars. — Joly était sans doute au nombre des serviteurs du garde des sceaux.
  448. Le 14 novembre 1633.
  449. Pierre Séguier, seigneur d’Autry, comte de Gien, fils aîné de Jean Séguier, seigneur d’Autry, et de Marie Tudert, était alors président au parlement de Paris. Né le 28 mai 1588, il mourut le 28 janvier 1672.
  450. Boucquenom, petite ville de la Lorraine, sur la Sarre, était le siége d’une prévôté ressortissant au bailliage de Sarreguemines.
  451. L'armée du duc de Lorraine fut défaite à Pfaffenhofen près de Haguenau, le 10 août : le roi était le 18 à Château-Thierry.
  452. Le dimanche 4 septembre.
  453. Le traité fut signé le 6 septembre ; mais le duc de Lorraine fit refuser au roi l’entrée de la ville de Nancy : il traita de nouveau le 20 à Charmes avec le cardinal de Richelieu, et le 21 il vint au quartier du roi qui le retint par ruse auprès de lui. L'entrée du roi dans Nancy eut lieu le 25 septembre, et son départ le 1er octobre.
  454. Inédit.
  455. Il, M. de Bullion, alors surintendant des finances.
  456. L’archevêque de Bordeaux fut éloigné de la cour seulement après l’absolution donnée par lui le 20 septembre au duc d'Épernon, pour s’être servi dans cet acte de termes qui n’étaient point autorisés. — On peut lire, sur le long démêlé de ces deux personnages, les détails donnés par le P. Griffet, dans son Histoire du règne de Louis XIII, t. II, p. 497-531.
  457. Guillaume, marquis de Baden, fils aîné d'Édouard-Fortuné, et de Marie de Eicken, né en 1593, mort le 22 mai 1677. C’est par erreur que Bassompierre, ici et au tome I, p. 36, l'appelle Édouard.
  458. Otto-Ludovic, fils de Frédéric, rheingraf de la ligne de Dauhna, comte de Salm-Neufville, et de Sybille-Julienne d’Isenburg-Birstein, sa troisième femme, était doyen de Strasbourg. Le frère aîné d’Otto-Ludovic, Philippe-Otto, avait été élevé en 1623 à la dignité de prince de Salm.
  459. Du 19 janvier 1634.
  460. La rencontre eut lieu le 12 mars 1634, entre Thann et Cermay, en Alsace.
  461. Voir à l’Appendice. XI.
  462. Ferdinand d’Autriche, cardinal-archevêque de Tolède, fils puiné de Philipe III, roi d’Espagne, et de Marguerite d’Autriche, né le 17 mai 1609, mort en 1641.
  463. La princesse Claude, sœur de la duchesse Nicole.
  464. Le 18 février 1634.
  465. Saint-Nicolas-de-Port, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nancy, à deux lieues de cette ville.
  466. La vieille ville et la ville neuve de Nancy.
  467. Egra ou Eger, en Bohème, sur les confins de la Franconie.
  468. Le 25 février (15 février, vieux style). — La date, laissée en blanc par l’auteur, a été remplie dans les plus anciennes éditions conformément au vieux style.
  469. Adam, comte de Tertsky, était beau-frère de Wallenstein, ayant épousé Maximilienne d’Harrach, sœur de Marie-Isabelle d’Harrach, duchesse de Friedland. — Sur Kinsky, voir t. I, p. 138, note 3. — Illo, mestre de camp général, et Neumann, confident de Wallenstein, furent assassinés en même temps que Tertsky et Kinsky.
  470. Ferdinand d'Autriche, fils de l’empereur Ferdinand II et de Marie-Anne de Bavière, roi de Hongrie le 8 décembre 1625, proclamé roi de Bohême le 25 novembre 1627, élu roi des Romains le 22 décembre 1636, empereur sous le nom de Ferdinand III en 1637. Né le 13 juillet 1608, il mourut le 2 avril 1657.
  471. Ratisbonne, investie le 13 mai, capitula le 26 juillet, après avoir repoussé plusieurs assauts meurtriers.
  472. Nordlingen, en Bavière, alors ville libre et impériale, fut à quelques années d'intervalle dans ce siècle le théâtre de deux grandes batailles (1634 et 1645).
  473. La duchesse arriva le 7 mai à Paris ; elle fut reçue le 20 à Fontainebleau.
  474. La Mothe, dans le Bassigny lorrain ; Bitche, place forte de la Lorraine allemande.
  475. Bitche capitula le 18 mai.
  476. Antoine de Choiseul, seigneur d’Ische, fils ainé d'Antoine de
  477. Louis d’Aloigny, marquis de Rochefort, fils aîné d’Antoine d’Aloigny, seigneur de Rochefort, et de Lucrèce de Perion, avait épousé Marie Habert, fille puinée de Jean Habert, seigneur de Montmort, trésorier de l’extraordinaire des guerres.
  478. Le 26 août. Philippsbourg, place importante sur la rive droite du Rhin, avait été prise par les Suédois en 1633.
  479. Élisabeth de Lorraine, femme de Maximilien Ier, duc de Bavière, était sœur de François, comte de Vaudemont, père de Charles IV, duc de Lorraine.
  480. Le 6 septembre.
  481. Gustave Horn, illustre général suédois, avait épousé Christine, fille du chancelier Oxenstiern. Né en 1592, il mourut en 1657.
  482. Le marquis de Bassompierre a écrit un récit de la bataille de Nordlingen, que l'on peut lire dans les Mémoires de monsieur de Montrésor (t. II, p. 130, éd. de Leyde. m.dc.lxv).
  483. La date en blanc. C'était le 26 novembre.
  484. Le duc de la Valette était veuf depuis 1627 de Marie-Angélique, légitimée de France, Mlle de Verneuil.
  485. Marie du Cambout, fille aînée de Charles du Cambout, marquis de Coislin, baron de Pontchâteau, et de Philippe de Beurges, dame de Seury, sa première femme. Elle n’eut pas d'enfants, et mourut le 12 février 1691.
    Le baron de Pontchâteau avait pour mère Louise du Plessis, sœur de François du Plessis, seigneur de Richelieu, père du cardinal ; c’est ainsi qu’il était cousin germain de ce dernier.
  486. Marguerite-Philippe du Cambout, veuve en 1635 de M. de Puylaurens, épousa en secondes noces, en 1639, Henri de Lorraine-Elbeuf, comte d’Harcourt, et mourut le 9 décembre 1674.
  487. Françoise-Marguerite de Chivré, fille d’Hector de Chivré, seigneur du Plessis, et de Marie de Conan.
    Hector de Chivré avait pour mère Léonor de la Porte, sœur consanguine de Suzanne de la Porte, mère du cardinal de Richelieu ; c’est par là qu’il était aussi cousin germain du cardinal.
  488. Les mariages furent célébrés au Petit-Luxembourg le mardi 28 novembre.
  489. Le 7 décembre. La date, qui est en blanc dans le manuscrit original, est remplie dans les anciennes éditions.
    Les lettres d’érection furent données en décembre ; mais la promesse d’une duché-pairie avait été faite le 1er octobre, en même temps que le traité d'accord avec Monsieur.
  490. Inédit.
  491. Voir à l’Appendice. Lettres inédites. I.
  492. Pour un des parents du cardinal.
  493. Il y a au manuscrit : le jeudi 15e, et plus loin : le lendemain vendredy 16e ; c’est une erreur.
  494. Léon Bouthillier, comte de Chavigny, fils de Claude Bouthillier et de Marie de Bragelogne, secrétaire d'État en 1632 avec le département des affaires étrangères, à la place de son père, qui était devenu surintendant des finances, privé de sa charge en 1643, était un disciple et un ami du cardinal de Richelieu. Né en 1608, il mourut le 11 octobre 1652.
  495. César du Cambout, marquis de Coislin, fils aîné de Charles du Cambout, marquis de Coislin, baron de Pontchâteau, et de Philippe de Beurges, mourut en 1641, à l’âge de 28 ans, des blessures qu’il avait reçues au siége d’Aire.
  496. Le marquis de Coislin avait épousé, par contrat du 22 janvier 1634, Marie Séguier, fille ainée de Pierre Séguier, alors garde des sceaux, et de Madeleine Fabry.
  497. Ce fut le 24 janvier que les Impériaux, sous la conduite du colonel Gaspard Baumberger, s'emparèrent par surprise de Philippsbourg.
  498. Les lettres d’érection sont du mois de janvier : le nouveau duc prit séance le 1er février.
  499. Charnizé, parent de M. de Puylaurens, était attaché au duc d'Orléans. — N. de Carnazet de Saint-Vrin, lieutenant des gardes du prince, est signalé parmi ceux qui furent arrêtés au même moment. La ressemblance des deux noms de Charnizé et Carnazet permet de supposer que ces deux personnages n’en font peut-être qu’un seul.
  500. Saint-Quentin, gentilhomme de Monsieur, fut arrêté quelques jours plus tard. L'auteur avait d’abord laissé le nom en blanc. — L'édition de 1665 porte, au lieu de ce nom, ceux de Bezars et Guerinet, qui furent en effet au nombre des personnes arrêtées.
  501. Le nom est en blanc au manuscrit. Les plus anciennes éditions portent : Du Plessis, gentilhomme du duc de Puy-Laurens. On arrêta en effet un gentilhomme de M. de Puylaurens qui s’appelait de ce nom ; mais son secrétaire était Bezars.
  502. François-Christophe de Levis, comte de Brion, fils puiné d'Anne de Levis, duc de Ventadour, et de Marguerite de Montmorency, devint duc de Damville en novembre 1648, par érection nouvelle de la seigneurie de Damville qui était échue en partage à sa mère lorsque le roi avait fait don aux sœurs du duc de Montmorency de la plus grande partie des biens confisqués sur lui. Il mourut le 9 septembre 1661.
  503. Charles de l'Aubespine, seigneur de Verderonne, et Claude de l’Aubespine, baron de Noirat, tous deux fils de Claude de l'Aubespine, seigneur de Verderonne, et de Louise Pot, sa seconde femme. Ils étaient, l’un chancelier, et l’autre chambellan de Monsieur.
  504. Isaac Frézeau, marquis de la Frézelière, fils de Jacques Frézeau, seigneur de la Frézelière, et de Suzanne Berruyer, était capitaine d’une compagnie d'ordonnance. Il fut tué en 1639 au siége d’Hesdin.
  505. Le nom est en blanc.
  506. Nicolas Tudert, fils de Claude Tudert, seigneur de la Bournalière, conseiller au parlement de Paris, et de Nicole Hennequin, était frère de Marie Tudert, épouse de Jean Séguier, et mère du garde des sceaux.
  507. François Sublet, sieur des Noyers, baron de Dangu, alors intendant des finances, pourvu d’une charge de secrétaire d'État en 1636, mort le 10 octobre 1645.
  508. Ici commence le feuillet 667 du manuscrit, dernier feuillet numéroté.
  509. Peut-être faudrait-il lire : receue, c’est-à-dire : après que ma démission aurait été reçue.
  510. Il faut lire 53,335, pour parfaire le compte avec les autres sommes énoncées plus loin.
  511. Anne-Marie-Louise d'Orléans, appelée d’abord Mademoiselle, et plus tard Mlle d'Orléans, duchesse de Montpensier. Elle raconte, au commencement de ses mémoires, ce ballet d’enfants où figurait Mlle de Brézé, nièce du cardinal, depuis princesse de Condé.
  512. L’archevêque-électeur de Trèves, Philippe-Christophe de Sottern, s'était mis sous la protection de la France. Ce fut le 26 mars que les Espagnols, d'accord avec les Impériaux, s’emparèrent par surprise de la ville de Trèves, occupée par une garnison française, et enlevèrent l'archevêque, qu’ils retinrent prisonnier.
  513. Axel Oxenstiern, fils de Gustave Oxenstiern, baron, et de Barbara Bielcke, chancelier de Suède, né en 1583, mort en 1654.
  514. Inédit.
  515. Le chancelier Oxenstiern, arrivé à Compiègne le 26 avril, y reçut son audience de congé le 29.
  516. Suivant les Lettres et papiers d'État, le cardinal de Richelieu, arrivé à Compiègne le 21 avril au plus tôt, n’en partit que le 28 ou le 29.
  517. Voir t. I, p. 37.
  518. Avein, village du Luxembourg, situé à deux lieues de Rochefort.
  519. Henri-Frédéric de Nassau, prince d'Orange, fils de Guillaume, comte de Nassau, prince d'Orange, et de Louise de Coligny, sa quatrième femme. Né le 24 février 1584, il mourut le 14 mai 1647.
  520. Diest, Tirlemont, villes du Brabant méridional. Diest capitula le 14 juin, après la prise et le sac de Tirlemont.
  521. Le siége de Louvain fut entrepris le 24 juin : il fut levé le 4 juillet.
  522. Octave Piccolomini, troisième fils de Sylvius Piccolomini et de Violenta Gerini, depuis prince d’Empire et duc d’Amalfi, fut un des plus illustres généraux de la guerre de Trente ans. Né en 1599, il mourut le 16 août 1656.
  523. Le fort de Skenck, situé à la pointe de l’île de Batavie, que forme le Rhin avec le Whaal, fut pris le 28 juillet.
  524. Le roi partit le 7 mai de Péronne pour Saint-Quentin : il demeura à Château-Thierry jusqu’au 8 juin, jour où il partit de cette ville pour se rendre à Monceaux.
  525. Voir t. I, p. 39, note 3.
  526. Sans doute le même que Bois d’Arcy, qui est nommé dans l’Inventaire fait apres le deceds de Mr le mareschal de Bassompierre.
  527. Voir t. III, p. 337.
  528. Inédit.
  529. La Pentecôte était le 27 mai.
  530. Condé, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Château-Thierry, département de l’Aisne.
  531. Le château de Bassompierre était situé dans la Lorraine allemande, au bailliage de Briey, dans la partie dépendante du diocèse de Trèves.
    Le cardinal de Richelieu donnait des ordres réitérés pour la destruction des petites places de la Lorraine. Dans une lettre au prince de Condé, du 31 mai 1635, il écrivait :
    « Mr du Hallier avec ses trouppes nettoyera, le plus promptement qu’il se pourra, la Loraine...., faisant razer Les petites places qui ne devront pas estre gardées..... »
    Et dans une lettre à Servien, du 3 juillet 1635 :
    « J’escris à Mr le Prince pour qu'il-envoie deux gentilshommes par toutes les places qui doivent estre desmolies en Lorraine, pour en faire haster le razement. »
    Enfin dans un mémoire de Servien on trouve cette mention :
    « Depesches données aux deux gentilshommes de Mr le Prince qui vont en Lorraine pour le rasement des places. »
    (Lettres et papiers d’État du cardinal de Richelieu, t. V, pp. 39, 88 et 89.)
  532. Il faut lire : 30me.
  533. Le roi ne partit pour Châlons que vers le milieu du mois de septembre.
  534. Par un traité du 11 juillet 1635.
  535. Odoard Farnese, duc de Parme, fils de Ranuce Ier, duc de Parme, et de Marguerite Aldobrandini, avait succédé à son père en 1622. Il mourut le 12 septembre 1646. — François Ier d'Este, duc de Modène, fils aîné d’Alphonse III, duc de Modène, et d’Isabelle de Savoie, avait succédé à son père en 1629. Né le 5 septembre 1610, il mourut le 14 octobre 1658.
  536. L'emploi du présent dans cette phrase, et quelques lignes plus loin, fait supposer que l’auteur rédigeait cette partie des mémoires au moment où les événements se passaient.
  537. Le maréchal de Créquy s'était mis en campagne seulement le 15 août : il mit le siége devant Valenza le 9 septembre après avoir fait sa jonction avec le duc de Parme. Les premières troupes du duc de Savoie arrivèrent le 24 septembre ; lui-même ne se rendit au camp que le 19 octobre. Le siége fut levé le 29 octobre.
  538. Par un traité signé à Prague le 30 mai, l'électeur de Saxe avait fait sa paix avec l’empereur. L’électeur de Brandebourg, plusieurs des princes et les villes les plus considérables de la confédération protestante avaient adhéré à ce traité.
  539. Guillaume V, landgrave de Hesse-Cassel, fils du landgrave Maurice et d’Agnès de Solms, sa première femme, avait succédé à son père en 1627. Né en 1602, il mourut en 1637.
  540. Eberhard III, duc de Wurtemberg, fils de Jean-Frédéric, duc de Wurtemberg, et de Barbara-Sophia de Brandebourg, avait succédé à son père en 1633. Né le 16 décembre 1614, il mourut le 2 juillet 1674.
  541. Jean II, comte palatin de Deux-Ponts, fils aîné de Jean Ier, comte palatin de Deux-Ponts, et de Madeleine, fille du duc Guillaume de Juliers, mourut peu après, le 30 juillet 1635.
  542. Georges-Guillaume, comte palatin de Birkenfeld, fils de Charles, comte palatin de Birkenfeld, et de Dorothée de Lunebourg, né le 6 août 1591, mort le 25 décembre 1669.
  543. Georges-Jean, comte palatin de Lützelstein ou la Petite-Pierre, fils puiné de Georges-Jean, comte palatin de Veldentz, et d'Anne-Marie, fille du roi de Suède, né en 1586, mort en 1654.
  544. Frédéric V, fils aîné de Georges-Frédéric, margrave de Bade-Durlach, et de Julienne-Ursule, fille du rheingraf Frédéric, sa première femme, avait le gouvernement des états de son père, depuis que celui-ci avait été mis au ban de l'empire. Né le 6 juillet 1594, il mourut le 8 septembre 1659.
  545. Philippe-Maurice, comte de Hanau, fils de Philippe-Louis, comte de Hanau, et de Catherine-Belgique, fille du prince d'Orange, né en 1605, mort en 1638.
  546. Guillaume-Louis, comte de Nassau-Saarbrück, fils aîné de Louis, comte de Nassau-Weilburg, et d’Anne-Marie, fille du landgrave Guillaume IV de Hesse-Cassel, avait épousé une fille du margrave Georges-Frédéric de Bade-Durlach. Né le 18 décembre 1590, il mourut le 22 août 1640.
  547. Un des nombreux comtes de Solms alors existants ; peut-être Jean-Albert, comte de Solms-Braunfels, fils de Jean-Albert, comte de Solms-Braunfels, et d'Agnès de Sayn-Witgenstein, sa première femme ; ou Frédéric, comte de Solms-Lich, oncle maternel du landgrave de Hesse.
  548. Heidelberg, sur le Neckar, résidence de l'électeur palatin. — Worms, ville libre et impériale de la Hesse, sur la rive gauche du Rhin.
  549. Mathias Gallas, un des principaux généraux de l'empire pendant la guerre de Trente ans. Né en 1589, il mourut en 1647.
  550. Saarbrück, sur la rive gauche de la Sarre.
  551. Sur l'ordre donné par une lettre du roi du 20 juillet.
  552. Deux-Ponts, en allemand Zweibrücken, sur la rive gauche de l’Erlbach, affluent de la Sarre.
  553. Et Deux-Ponts ayant déjà capitulé.
  554. Francfort est sur la rive droite, et Sachsenhaus sur la rive gauche du Mein.
  555. Manheim, au confluent du Neckar et du Rhin.
  556. Il s’agit sans doute ici de Croates, troupes légères employées par Gallas. Mais le duc de Lorraine entretenait aussi des soldats que l’on appelait Cravates, bien qu’ils fussent lorrains ou de toute autre nation, et qui surpassèrent les Croates par leurs excès de tout genre.
  557. François de Saligny, seigneur de Leymont, fils de Wary de Saligny, seigneur de Leymont, et d’Antoinette de Florainville, bailli de Clermont, maréchal de camp du duc de Lorraine. Il mourut en 1636.
  558. Il est juste de dire que le duc d’Angoulême, placé à la tête de l’arrière-ban de la noblesse, était assez embarrassé de faire agir cette force indisciplinée.
  559. Bacarat, sur la rive gauche de la Meurthe, à trois lieues environ de Rambervilliers. — Rambervilliers ou Remberviller, sur la Mortagne, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Épinal, était le quartier-général du duc de Lorraine.
  560. Le maréchal reçut « nouvelle de la prise d'Haroüé » par lettre de Malcuyt, tabellion, du 6 septembre 1635. (Inventaire fait apres le deceds de Mr le mareschal de Bassompierre.)
  561. Crantenoy est situé sur un ruisseau qui joignait le Madon dans les fossés du château d’Harouel.
  562. Le roi, arrivé le 20 septembre à Saint-Dizier, avait fait partir le comte de Soissons dès le 23. Les batteries commencèrent à tirer contre Saint-Mihiel le 29. La ville se rendit le 3 octobre.
  563. Charles de Lenoncourt, seigneur de Serres, fils de Louis-Jean de Lenoncourt, seigneur de Serres, et de Claude de Fresneau, capitaine des gardes du duc de Lorraine, bailli de Saint-Mihiel. Il mourut en 1644.
  564. Kœur-la-Grande, village situé sur la rive gauche de la Meuse, à une lieue de Saint-Mihiel. Le roi était arrivé à Kœur le 30 septembre.
  565. Pont-Saint-Vincent, sur la rive gauche de la Moselle, est situé à trois lieues environ de Nancy.
  566. Salins était un colonel lorrain, d’une famille originaire de Champagne ; François de Mauljean était un brave capitaine, enfant de Saint-Mihiel, qui y avait fait les fonctions de sergent-major. — Lenoncourt demeura quatre ans à la Bastille.
  567. Le comte de Cramail, après être resté quelques années en défaveur à cause de ses relations avec Mme du Fargis, venait d’accompagner le roi dans sa courte campagne ; il avait profité de cette occasion pour lui parler contre le cardinal de Richelieu : celui-ci, averti par le roi lui-même, résolut de faire subir au comte de Cramail le même traitement qu'au maréchal de Bassompierre. Dans un mémoire adressé au roi pour justifier cette arrestation, le cardinal accuse le comte de Cramail d’être un esprit fort, et il ajoute que « le premier président de Toulouze, Mazuyer, luy vouloit faire son procez comme compagnon de Lucile. » (Lettres du cardinal de Richelieu, t. V, p. 333.) Ce Lucile était, non pas le duc de Montmorency, comme le suppose M. Avenel, mais bien Lucilio Vanini, l’ancien aumônier de Bassompierre, brûlé vif à Toulouse pour avoir professé des doctrines d’impiété.
  568. Claude de Cussigny, cousine germaine du maréchal de Bassompierre. Voir t. I, p. 18, note 3, et p. 146, note 3.
  569. Néanmoins Marguerite-Anne de Bassompierre, nièce du maréchal, fut abbesse jusqu’en 1639. — Voir à l’Appendice. XII.
  570. Ne faudrait-il pas plutôt lire : sa mère ? Marie de La Fayette, mère du capucin et du gouverneur de la Bastille, était veuve de Jean le Clerc, seigneur du Tremblay, président ès requêtes du Palais au parlement de Paris.
  571. Le chancelier d’Aligre était mort le 11 décembre.
  572. Quarante-deux édits portant création de charges et d’offices.
  573. Charles d'Escoubleau, marquis de Sourdis et d’Alluye, fils puiné de François d’Escoubleau, comte de la Chapelle-Bellouin, et d’Isabeau Babou, dame d’Alluye, était frère de l’archevêque de Bordeaux. Il mourut le 21 décembre 1666, à l’âge de 78 ans.
  574. Jean Laisné, reçu conseiller le 20 août 1613. — Ce fut dans cette séance du 4 janvier que Laisné prit à partie le premier président, qu’il accusait de l'avoir dénoncé au surintendant Bullion comme l’un des plus ardents parmi les opposants.
  575. Jean-Jacques Barillon, seigneur de Châtillon-sur-Marne, second fils de Jean Barillon, conseiller au parlement, et de Judith de Mesmes, sa seconde femme, fut conseiller et président ès enquêtes au parlement de Paris. — Claude Foucault avait été reçu conseiller le 30 juillet 1627. — Jean Sevin, sieur de la Grange, fils de Michel Sevin, conseiller au parlement, et de Madeleine de Fortia, reçu conseiller le 19 avril 1619. — André le Fèvre, seigneur d'Eaubonne, fils d'Olivier le Fèvre, seigneur d'Eaubonne et d'Ormesson, président en la chambre des comptes, et de Marie Hennequin, reçu conseiller au parlement le 23 mars 1624.
  576. Nicole-Henriette de Bassompierre. Voir t. I, p. 34, note 3.
  577. Il y avait aux précédentes éditions : et que de mon neveu revenu de l’année passée.
  578. Anne Mangot, seigneur de Villarceau, fils puiné de Claude Mangot, garde des sceaux, et de Marguerite le Beau, dame de Villarceau, était intendant de justice et de finances dans les Trois-Évêchés. Il mourut doyen des maîtres des requêtes, le 10 juin 1655.
  579. Claude Colombel, savant jurisconsulte, nommé conseiller en vertu des édits, subit devant le parlement un examen défavorable, et ne fut reçu que sur les injonctions réitérées du prince de Condé.
  580. Le ballet des Improvistes.
  581. Louis Barbier, dit l'abbé de la Rivière, qui ambitionnait alors la charge de premier aumônier de Monsieur, parvint depuis à de grands honneurs par la protection de ce prince, dont, au dire de Mademoiselle, il connaissait la valeur pour l'avoir vendu bien des fois. Il devint évêque et duc de Langres en 1656, et mourut le 30 janvier 1670, à l’âge de 76 ans.
  582. Le vicomte d'Auteuil, peut-être Charles Combaud, baron d'Auteuil, fils de Charles Combaud, et de Marie Pajot, dame d’Auteuil. — Claude de Bueil, seigneur de Trescourt, fils cadet de Claude de Bueil, seigneur de Courcillon, et de Catherine de Montecler, et frère de la comtesse de Moret, fut premier chambellan de Monsieur. Il mourut en 1644. — Pierre, marquis d'Espinay et de Boisgueroust, fils de René, marquis d’Espinay et de Boisgueroust, et de Claude de Roncherolles, sa seconde femme.
  583. Inédit.
  584. Philippe de Cospéan.
  585. Gobelin était intendant de justice et de finances pour le roi en Lorraine.
  586. Le rezal était une mesure de capacité usitée en Lorraine.
  587. Le comté de Vaudémont était voisin du marquisat d’Harouel : peut-être même le marquisat était-il compris dans le comté, qui eut pour lieu principal Vézelize après la ruine de Vaudémont, accomplie en 1639.
  588. L’armée arriva le 11 juin devant Saverne.
  589. Le P. Griffet (Histoire de Louis XIII) appelle ce gouverneur Georges-Frédéric Mulheim. Mais dans la capitulation de Saverne le colonel de Mulheim s’intitule commandant pour l’empereur et le roi de Hongrie en la basse Alsace. Le gouverneur devait être plutôt Eberhard de Sickingen qui, l’année précédente, avait effectivement livré à Gallas le château de Landstuhl (Languestel, suivant l'orthographe de Bassompierre), et avait ainsi favorisé la retraite de ce général après la levée du siége de Deux-Ponts.
  590. Jean Hepburn, gentilhomme écossais, avait levé dans son pays, en 1633, un régiment qui fut entretenu au service du roi. Ce brave officier, connu sous le nom de colonel Hebron, avait été créé maréchal de camp dans la même année 1633. Il fut tué le 8 juillet.
  591. Henri de la Tour, vicomte de Turenne, second fils d'Henri de la Tour, vicomte de Turenne et duc de Bouillon, et d’Élisabeth de Nassau, sa seconde femme, né le 11 septembre 1611, tué d'un coup de canon le 27 juillet 1675. — Turenne fut blessé le 9 juillet.
  592. Le régiment de Picardie repoussa plusieurs sorties dans les mois de juin et juillet : il fut en outre engagé dans deux affaires assez chaudes le 14 juin et le 5 juillet.
  593. Les Hollandais avaient repris le fort de Skenk vers la fin du mois d'avril.
  594. Jean de Wert, célèbre partisan, né en Brabant en 1594, mort dans ses terres en Bohème le 6 septembre 1652.
  595. François de Lorraine, second fils d'Henri de Lorraine-Mercœur, comte de Chaligny, et de Claude de Mouy, évêque non sacré de Verdun de 1623 à 1661.
  596. Le siége fut mis devant la Capelle le 2 juillet ; la place se rendit le 9.
  597. Guise, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Vervins, département de l’Aisne.
  598. Au château de Madrid, près du bois de Boulogne.
  599. Voir à l’Appendice. Lettres inédites. II.
  600. Le baptême fut fait par Dominique Séguier, évêque d'Auxerre, frère du chancelier.
  601. Claude-Roger de Cominges, marquis de Vervins, fils de Roger de Cominges, seigneur de Saubole, et d'Isabelle de Coucy, dame de Vervins, était mestre de camp d’un régiment d’infanterie.
  602. Le colonel de ce régiment était sans doute Hector de Langeron, marquis de Maulevrier, qui épousa une fille du baron du Bourg-l’Espinasse.
  603. Le 25 juillet était un vendredi.
  604. Jacob-Jean de Hanau, quatrième fils de Philippe-Louis, comte de Hanau, et de Catherine-Belgique, fille du prince d'Orange.
  605. Jacob-Jean de Hanau, quatrième fils de Philippe-Louis, comte de Hanau, et de Catherine-Belgique, fille du prince d'Orange.
  606. A Buffalora sur le Tesin, le 22 juin, le duc de Savoie secourut utilement le maréchal de Créquy, engagé contre les Espagnols ; mais sa mauvaise volonté empêcha ensuite les deux armées de profiter de leur avantage pour faire jonction en Milanais avec le duc de Rohan.
  607. Pierre-Ernest de Mercy, un des grands capitaines de la guerre de Trente ans, blessé mortellement, le 3 août 1645, à la bataille de Nordlingen qu'il perdit contre le prince de Condé, servait alors comme colonel sous le duc de Lorraine.
  608. Longwy, place enclavée dans le Barrois non-mouvant, sur la frontière du Luxembourg.
  609. Le Blanc, chef-lieu d'arrondissement du département de l'Indre.
  610. Le Catelet, petite place, aujourd’hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saint-Quentin, département de l’Aisne, capitula le 25 juillet.
  611. Le 4 août.
  612. A Cerisy, entre Corbie et Bray.
  613. Le duc d'Angoulême avait été privé de son commandement l’année précédente : M. de la Rochefoucauld était retiré dans son gouvernement de Poitou : M. de Valençay avait été, en 1632, dépossédé du gouvernement de Calais et renvoyé en sa maison, comme suspect d’inclination pour le parti de Monsieur.
  614. Henri de Mesmes, seigneur de Roissy, fils ainé de Jean-Jacques de Mesmes, seigneur de Roissy, conseiller d’État, et d’Antoinette Grossaine. — Cette note, insérée par erreur à la page 71, doit y être remplacée par celle qui se trouve aux Additions et corrections.
  615. Nicolas de Bellièvre, seigneur de Grignon, fils de Pomponne de Bellièvre, chancelier de France, et de Marie Prunier, était président au parlement de Paris depuis 1614. Né le 21 août 1583, il mourut le 8 juillet 1650.
  616. Corbie, sur la rive droite de la Somme, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement d'Amiens, avait capitulé le 15 août.
  617. Maximilien de Belleforière, seigneur de Soyecourt et de Tilloloy, fils de Ponthus, seigneur de Belleforière, et de Françoise, dame de Soyecourt et de Tilloloy, signa la capitulation de Corbie, non comme gouverneur de cette place, mais comme lieutenant-général au gouvernement de Picardie. Le gouverneur de Corbie était le marquis de Mailly.
  618. Le siége de Dôle fut levé le 15 août sur l’ordre du roi. — Il y avait aux précédentes éditions : l'événement du siége de Dôle.
  619. Dommartin-sur-Vraine, aujourd’hui bourg du canton de Chatenoy, arrondissement de Neufchâteau, département des Vosges, était alors le siége d’une baronnie que Marguerite de Dommartin, aïeule du maréchal, avait apportée en partie dans la maison de Bassompierre.
  620. Vesoul, en Franche-Comté.
  621. Le quartier du colonel allemand Eggenfeld, qui venait joindre l’armée française, fut enlevé à Montigny, entre Corbie et Doullens, par un parti que commandait Jean de Wert. Parmi les prisonniers se trouva un jeune Roderic de Wurtemberg, fils de Jules-Frédéric de Wurtemberg et d’Anne-Sabine de Holstein.
  622. Mirebeau, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Dijon, fut pris le 23 octobre. — L'abbaye de Citeaux, dans le canton de Nuits, arrondissement de Beaune.
  623. Saint-Jean-de-Losne, sur la rive gauche de la Saône, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Beaune. Cette petite ville, presque sans garnison, soutint héroïquement l'attaque de l'ennemi et mérita le surnom de Belle-Défense qui lui fut donné. Le siége dura depuis le 25 octobre jusqu’au 3 novembre.
  624. Hippolyte Aldobrandini, cardinal de la promotion de 1621, mourut en 1638.
  625. Ces deux îles, les principales du groupe des iles de Lérins, en face de la côte de Provence, avaient été occupées l'année précédente par les Espagnols.
  626. Cette désignation comprend le duc de Saint-Simon et ses parents, entre autres Charles, dit le marquis de Saint-Simon, son frère aîné. Le duc fut disgracié en apparence pour avoir pris la défense de son oncle Étienne de Saint-Simon, seigneur de Saint-Léger, gouverneur du Catelet, poursuivi et condamné au sujet de la reddition de cette place : en réalité l’on peut croire qu’il commençait à faire ombrage au cardinal de Richelieu.
  627. Le duc de Saint-Simon était gouverneur de Blaye.
  628. Le 28 octobre.
  629. Vers le commencement de novembre.
  630. Voir t. II, p. 233, notes 5 et 3.
  631. L'abbaye de Prières (B. Maria de Precibus), au lieu dit Belliers, non loin de l'embouchure de la Vilaine, entre Vannes et la Roche-Bernard, fut défendue par les plus jeunes des religieux.
  632. Georges de Monchy, seigneur d’Hocquincourt, second fils d'Antoine de Monchy, seigneur de Montcavrel, et d’Anne de Balsac, était prévôt de l'hôtel, grand prévôt de France, depuis le 25 février 1630.
  633. Le cardinal de Richelieu tenait beaucoup à l’exécution de cet ordre, et la lenteur que M. de Sourdis mettait à s’y conformer fut peut-être une des causes de sa disgrâce. Le 10 octobre, le cardinal lui écrivait :
    « Vous vous perdés en retenant madame de Bassompierre à Nancy, je vous l’ay desjà escrit plusieurs fois ; c’est trop faire de la sourde aureille, et prendre des excuses vaines et frivoles, sur des maladies imaginaires, qui ne doivent point empescher son esloignement puisque vous en avés un commandement absolu. »
    (Lettres et papiers d'État, t. V, p. 624.)
  634. Le 5 octobre. — Il exerçait à Péronne une autorité supérieure à celle du gouverneur.
  635. Bernard Potier, seigneur de Blerancourt, second fils de Louis Potier, baron de Gesvres, puis comte de Tresmes, secrétaire d’Etat, et de Charlotte Baillet, mort en 1662.
  636. Charles de Monchy, marquis d'Hocquincourt, maréchal de France en 1651, fils de Georges de Monchy, seigneur d'Hocquincourt, et de Claude de Monchy, dame d’Aussennes et d’Inquessen, sa première femme, fut tué dans les rangs de l’armée espagnole le 13 juin 1658.
  637. Du 29 octobre au 4 novembre.
  638. Il paraît par les lettres du cardinal de Richelieu que le gouvernement de Corbie fut donné au baron de Nanteuil, mais seulement après la reddition de cette place.
  639. Jean de Monchy, seigneur de Montcavrel, fils aîné d'Antoine de Monchy, seigneur de Montcavrel, et d'Anne de Balsac, mourut en octobre 1638, à l’âge de 62 ans.
  640. Voir t. III, p. 361, note 1.
  641. Suivant le cardinal de Richelieu (Lettres et papiers d'État, t. V, p. 678), le comte de Soissons, « très estrange homme », ayant souvent « des imaginations hétéroclites », avait faussement fait courir le bruit que l’on avait donné au commandant ennemi dans Corbie une forte somme pour l’engager à se rendre : le cardinal dément énergiquement ce bruit, qu’il regarde comme injurieux aux armes du roi.
  642. Les ennemis demandèrent à capituler le 9 : la capitulation fut signée le 11.
  643. Monsieur avait quitté l’armée dès le 20 octobre, après avoir formé avec le comte de Soissons quelques complots contre le cardinal de Richelieu, que son irrésolution avait fait échouer.
  644. Inédit.
  645. Pierre de Gondi, fils aîné de Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joigny, et de Françoise-Marguerite de Silly, dame de Commercy, devenu duc de Retz par la démission d'Henri de Gondi, duc de Retz, dont il avait épousé la fille, et par lettres nouvelles de février 1634, avait été général des galères de France. Né en 1602, il mourut le 29 avril 1676.
  646. L’archevêque de Bordeaux, chef des conseils de l’armée navale, accusait le maréchal de Vitry, gouverneur de Provence, d’avoir fait échouer l’entreprise des îles de Lérins : le maréchal lui répondit par des coups de canne.
  647. Cet imposteur, dont le vrai nom était Girard, se faisait appeler Du Bois Maillé ou Mailly. Il paya cher la déception du cardinal de Richelieu, qui semble avoir cru un instant à ses promesses.
  648. Le 26 novembre.
  649. Revint de Blois.
  650. Chavigny revint le 12 et repartit le 16.
  651. Christine de Lorraine, fille de Charles III, duc de Lorraine, et de Claude de France, mariée le 30 avril 1589 à Ferdinand Ier, grand-duc de Toscane.
  652. C'est ce qui a déjà été dit plus haut.
  653. Charles de Bassompierre, baron de Dommartin, second fils de Georges-African de Bassompierre, marquis de Removille, et d'Henriette de Tornielle ; Gaston-Jean-Baptiste, depuis marquis de Bassompierre, leur troisième fils, auteur de la branche qui a subsisté jusqu’à nos jours.
  654. Il faudrait peut-être lire : le ; dans la suite de ce récit l'auteur parle seulement de Monsieur. Toutefois les négociations se poursuivaient avec le comte de Soissons, et le duc d'Orléans stipulait aussi pour lui.
  655. Le P. de Gondran fut envoyé à Blois le 24 décembre 1636, puis encore en janvier 1637.
  656. L'envoi du comte de Guiche avait précédé le premier voyage de Chavigny, et suivi celui de Bautru. Chavigny reçut postérieurement de nouvelles missions auprès de Monsieur.
  657. Le roi écrivait à son frère de Fontainebleau le 25 janvier, d'Orléans le 30 janvier.
  658. M. de Léon avait reçu ses instructions le 17 janvier.
  659. Voir t. II, p. 166, note 2.
  660. Le comte d'Harcourt fit sa descente le 22 février : il se rembarqua le 23.
  661. Sabbionetta, ville située à 7 lieues sud-ouest de Mantoue, était le chef-lieu d’une principauté.
  662. On a déjà vu que le duc de Parme avait épousé Marguerite de Médicis, sœur de Ferdinand II, grand-duc de Toscane.
  663. Dangu, village du canton de Gisors, arrondissement des Andelys, département de l'Eure.
  664. J'ignore quelle est cette affaire.
  665. Des gens de Zurich.
  666. Inédit.
  667. La descente dans l'île Sainte-Marguerite eut lieu le 28 mars ; le dernier fort de l’île fut remis par capitulation le 12 mai. L'île Saint-Honorat, attaquée le 13, se rendit le 14.
  668. Le 25 juin.
  669. Anne de Lorraine, duchesse d'Aumale, fille unique et héritière de Charles de Lorraine, duc d’Aumale, et de Marie de Lorraine-Elbeuf, mariée le 14 avril 1618 à Henri de Savoie, duc de Nemours, morte le 10 février 1638.
  670. Landrecies, Maubeuge, aujourd’hui chefs-lieux de canton de l'arrondissement d’Avesnes, département du Nord, étaient alors comprises dans les Pays-Bas espagnols. Landrecies capitula le 23 juillet après un siége d’un mois : Maubeuge se rendit sans résistance. Ces deux places furent prises par le cardinal de la Valette.
  671. Yvoy, aujourd’hui appelé Carignan, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Sedan, département des Ardennes, sur la rive droite du Chiers.
  672. Alexandre Pico, premier duc de la Mirandole, fils de Ludovic Pico, premier comte de Concordia, et de Fulvia de Correggio, époux de Laure d’Este-Modène, et arrière-neveu du célèbre Pic de la Mirandole.
  673. Le duc de Mantoue mourut le 15 septembre.
  674. Venloo et Ruremonde.
  675. Breda, ville du Brabant septentrional, dans le royaume actuel de Hollande.
  676. La Capelle, investie le 31 août par le cardinal de la Valette, capitula le 20 septembre.
  677. Leucate, bourg du canton de Sijean, arrondissement de Narbonne, département de l'Aude, sur l'étang de même nom. Cette petite place soutenait bravement le siége depuis le 2 septembre, lorsque le duc d’Hallwyn la délivra par une attaque victorieuse des retranchements espagnols.
  678. Les précédentes éditions terminaient la phrase par ces mots qui ne se trouvent pas au manuscrit original : par M. de Schomberg, gouverneur du Languedoc.
  679. Louise de Bourbon, fille de Charles de Bourbon, comte de Soissons, et d’Anne, comtesse de Montafié, était la première femme d'Henri d'Orléans, duc de Longueville.
  680. Le manuscrit original porte : novembre ; il faut lire : octobre.
  681. Suivant Hübner (Genealogische Tabellen), le landgrave de Hesse-Cassel était mort le 21 septembre.
  682. Le duc de Savoie mourut le 7 octobre.
  683. Damvillers, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montmédy, département de la Meuse, investi le 18 août, se défendit vigoureusement pendant plus de deux mois.
  684. Inédit. — L’emprisonnement du maréchal de Vitry eut pour cause le mécontentement causé par sa conduite dans les affaires militaires de la Provence. Le maréchal resta prisonnier à la Bastille jusqu’après la mort du cardinal de Richelieu, et n’en sortit que le 19 janvier 1643, le même jour que le maréchal de Bassompierre.
  685. Les provisions, motivées sur l'exploit de Leucate, sont du 26 octobre ; la lettre d’envoi, écrite par le roi, est du 28.
  686. Le 25 octobre.
  687. Scipion Dupleix, historiographe de France, auteur d’une histoire générale des rois de France, et de plusieurs autres ouvrages. Issu d’une famille noble de Gascogne, il naquit à Condom en 1569, et mourut dans cette même ville en 1661.
  688. Les remarques attribuées au maréchal de Bassompierre portent sur les règnes d'Henri IV et de Louis XIII. L'histoire d'Henri IV par Scipion Dupleix avait paru en effet en 1632 ; mais l'histoire de Louis XIII (première partie) avait été imprimée seulement en 1635.
  689. Voir à l’Appendice. XIII.
  690. Voir à l’Appendice. XIV.
  691. L'auteur se trompe : il n’y avait pas encore sept ans qu’il était en prison.
  692. Vautier était depuis 1631 prisonnier à la Bastille.
  693. Louis de Moy, seigneur de la Mailleraye, fils aîné de Jacques de Moy, seigneur de Pierrecourt, et de Françoise, dame de Betheville, mourut d’apoplexie.
  694. Voir t. I, p. 34, note 1.
  695. Charles de Bassompierre. Voir p. 218, note 1.
  696. Le nom en blanc.
  697. Les aveux de la reine et la déclaration d’oubli de la part du roi furent signés à Chantilly le 17 août ; mais les informations sur cette affaire se poursuivirent encore pendant quelque temps.
  698. Le 10 décembre. — Le P. Caussin, jésuite, confesseur du roi, avait cherché à influencer l'esprit de ce prince dans un sens contraire à la politique du cardinal de Richelieu. Il fut relégué d’abord à Rennes, et deux mois après à Quimper-Corentin. Revenu à Paris seulement après la mort de Louis XIII, il mourut le 2 juillet 1651, à l’âge de 68 ans.
  699. Le duc d'Angoulème dénonça le P. Caussin au cardinal, et prétendit avoir été sollicité par lui d'accepter la charge de premier ministre.
  700. Le 13 août.
  701. L'auteur oublie qu’il a parlé d’une grossesse de la reine en 1622, qui à la vérité avait eu une issue malheureuse. Voir t. III, p. 15.
  702. Les Franches-Montagnes, en allemand Freybergen, région du Jura aujourd’hui comprise dans le canton de Neuchâtel, avaient pour lieu principal Franquemont sur le Doubs.
  703. Inédit.
  704. Marie de Gonzague, fille unique de François de Gonzague, duc de Mantoue, et de Marguerite de Savoie, avait épousé son cousin Charles de Gonzague-Clèves, duc de Rethelois ; ce prince étant mort en 1631, avant son père (le duc de Nevers devenu duc de Mantoue), le fils issu de ce mariage avait succédé directement en 1637 à son aïeul, et Marie de Gonzague était princesse, plutôt que duchesse, de Mantoue.
  705. Charles de Gonzague-Clèves, fils de Charles de Gonzague-Clèves, duc de Rhetelois, et de Marie de Gonzague, devenu duc de Mantoue sous la tutelle de sa mère. Né en 1629, il mourut le 14 août 1665.
  706. Guastalla, Castiglione, Bozzolo, la Novellara, étaient des seigneuries appartenant à diverses branches de la maison de Gonzague.
  707. La Mirandola, la Concordia, seigneuries appartenant à la maison Pico. La principauté de Sabbionetta, alors aux mains des Espagnols, disputée par le prince de Bozzolo à une héritière de Stigliano, issue de la même branche de la maison de Gonzague. Correggio appartenait à une famille alliée à la maison Pico.
  708. Le lundy 2me (1er) j’ay esté accusé de plusieurs choses par un pendard nommé la Roche Bernard, fils d’un jardinier de Saint Germain, prisonnier a la Bastille, par une lettre qu’il a escritte contre moy a Mr de Chavigny.
    (Addition de l'auteur.)
  709. Rheinfeld et Laufenburg sur la rive gauche du Rhin, Seckingen et Waldshut sur la rive droite ; ces quatre villes entre Schaffhouse et Bâle.
  710. Le 28 février.
  711. Gœtz ou Gotz, général de l'Empire.
  712. Fribourg en Brisgau. Le Brisgau, aujourd’hui compris dans le grand-duché de Bade, appartenait alors à la maison d’Autriche.
  713. Rheinfeld capitula le 23 mars.
  714. Brisach, sur la rive droite du Rhin, appelé depuis Vieux-Brisach, par opposition à Neuf-Brisach, situé sur la rive gauche, qui fut fortifié par Louis XIV, et qui était naguère un chef-lieu de canton de l'arrondissement de Colmar. Brisach, autrefois ville libre et impériale, était la capitale du Brisgau.
  715. Jacques-Philippe de Guzman, marquis de Leganez.
  716. Brema, dans la Lomellina, près du confluent du Pô et de la Sesia.
  717. Il faudrait : d'une personne ; la phrase, telle qu'elle est écrite, n’est pas terminée.
  718. Il doit être question ici d'un sieur de Chaumontel, dont l’auteur parle encore une fois dans la suite de ses mémoires. Ce personnage est appelé dans l'inventaire du maréchal : « Pierre de l'Escuyer, escuyer, sieur de Chaumontel », et dans une pièce relatée par le même inventaire, le maréchal dit : « J’ay en Normandie des petites terres, a sçavoir Chantelou, le Plancher, Livarot, et le grand herbage du Thil en Bray quy sont enfermez quelque 4000 l. et l'Escuyer a soing de ce petit bien la et m'en rendra compte. »
  719. Claude Cornuel, intendant de finances, fut contrôleur général et président de La chambre des comptes.
  720. Les précédentes éditions portaient : Clervois. — Guy Patin écrivait à la date du 7 avril : « Les trois rentiers se nomment de Bourges, Chenu et Celoron, et sont tous trois boni viri optimeque mihi noti. » Ce fut le 25 mars que ces trois rentiers furent mis à la Bastille. Suivant Tallemant des Réaux, le président Pascal, père de Blaise Pascal, avait aussi pris part à cette manifestation tumultueuse ; mais il ne put être arrêté.
  721. Pierre Gayan, reçu conseiller au parlement le 17 janvier 1603, avait été recu président ès enquêtes le 21 juin 1614. — Michel de Champrond, seigneur d’Auche, fils ainé de Jean de Champrond, conseiller au parlement et président ès enquêtes, et de Madeleine de Montmirail, reçu conseiller en 1600, fut longtemps président ès enquêtes. Il mourut en 1647.
  722. Jacques Sallo était conseiller au parlement du 12 juillet 1619, et Pierre Thibœuf du 3 février 1624.
  723. Le 30 avril.
  724. Il faudrait plutôt lire : bouges, c’est-à-dire, en vieux français : bourse (Littré). On disait : il a bien rempli ses bouges, pour dire : il a fait un gros gain (Ménage).
  725. Mis dans l'impossibilité.
  726. Le roi partit pour Chantilly le 26 avril ; il revint de Compiègne le 21 mai.
  727. Francois de Rochechouart, marquis de Chandenier, fils de Jean-Louis de Rochechouart, baron de Chandenier, et de Louise de Montberon, fut depuis capitaine des gardes du corps du roi. Il mourut le 14 août 1696, à l’âge de 85 ans.
  728. Jean Banier ou Banner, feld-maréchal suédois, compagnon d'armes de Gustave-Adolphe, et l’un de ses meilleurs généraux. Né en 1596, il mourut en 1641.
  729. Mecklembourg.
  730. Le 17, suivant la Gazette de France.
  731. La duchesse de Savoie était tutrice de son fils François-Hyacinthe, duc de Savoie, alors âgé de cinq ans.
  732. Charles-Louis, électeur palatin du Rhin, fils ainé de Frédéric V, électeur palatin du Rhin, et d’Élisabeth d'Angleterre, sœur de Charles Ier. Né le 20 décembre 1617, il mourut le 28 août 1680.
  733. Meppen, ville du Hanovre, sur l'Ems.
  734. Le 13 avril.
  735. Les habitants de Troyes et une partie du clergé luttaient depuis un grand nombre d’années pour empêcher l'établissement d’un collége de jésuites dans leur ville.
  736. Voir p. 197.
  737. Le jeudi était le 22.
  738. Ni dépense, ni recette, c’est-à-dire : je n’en tins aucun compte.
  739. Le maréchal de Bassompierre fut averti en ce même mois qu'il était encore une fois question de faire raser son château d’Harouel : il écrivit à ce sujet à un personnage considérable, peut-être à M. de Chavigny, une lettre dans laquelle il laissait encore percer quelque espérance de liberté. Voir à l’Appendice. Lettres inédites et autographes. III.
  740. Verceil, ville de la province de Novare, sur la rive droite de la Sesia.
  741. Ardres, aujourd’hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Saint-Omer, département du Pas-de-Calais, et Saint-Omer, étaient, non en Flandre, mais en Artois, aux confins des deux provinces. L’Artois, comme la Flandre, appartenait alors à l'Espagne ; mais Ardres était occupé par les Français, et avait alors le sieur de Lermont pour gouverneur.
  742. Le maréchal de Châtillon parut devant la place le 25 mai.
  743. Dunkerque, aujourd’hui chef-lieu d'arrondissement du département du Nord, alors ville espagnole.
  744. Suivant la Gazette de France, ce fut le 7 juin que « le sieur de Vitenval, capitaine de cavallerie, qui estoit allé battre l’estrade avec 20 maistres, fut blessé à mort et fait prisonnier ; » et ce fut le 8 que « les régiments d’Espagny et de Fouquesolles furent obligés de se rendre au prince Thomas. » Dans cette dernière rencontre Fouquesolles fut tué, et un fils de d'Espagny fut blessé et fait prisonnier.
  745. Le dégât.
  746. Le maréchal de la Force.
  747. La ville d'Ardres.
  748. Flessingue, ville de la province de Zélande, en Hollande, située dans l’île de Walcheren, sur l'embouchure de l’Escaut occidental.
  749. Gallo, ville de la Flandre orientale, en Belgique, sur la rive gauche de l’Escaut.
  750. Le fort Saint-Philippe, sur la rive droite de l’Escaut, à une lieue environ d'Anvers.
  751. Maurice de Nassau, fils de Guillaume de Nassau et de Chrétienne de Erpach. — Guillaume de Nassau, fils de Jean, comte de Nassau-Siegen, et de Madeleine de Waldeck, sa première femme, né le 12 août 1592, mort le 18 juillet 1642.
  752. Cette date, ajoutée en interligne par l’auteur, paraît se rapporter au fait précédent. Toutefois, suivant le Mercure françois, elle ne serait pas tout à fait exacte, la défaite des Hollandais ayant eu lieu le 21 juin, et le jeune comte de Nassau ayant été tué dès le 18 à la tête de la cavalerie.
  753. François Barberini, qui avait pour frère le cardinal Antoine Barberini.
  754. Du concordat de 1517, antérieur à l’annexion des Trois-Évéchés.
  755. Édouard Molé, fils aîné de Mathieu Molé, alors procureur général au parlement de Paris, et de Renée Nicolaï, nommé en 1637 abbé de Saint-Paul de Verdun, évinça François d’Escayeul de la Bretonnière qui avait été institué en 1625 cessionnaire de son oncle, le précédent abbé.
  756. En 1634.
  757. Charles-François d’Anglure de Bourlemont, qui fut successivement évêque d’Aire en 1650, évêque de Castres en 1657, archevêque de Toulouse en 1662, était fils de Claude d’Anglure, baron de Bourlemont, et d’Angélique Ajacetti, fille de Ludovic Ajacetti, comte de Chasteauvillain, et d’Anna d’Aquaviva d’Aragon, laquelle était fille de Jean-François d’Aquaviva d’Aragon, duc d’Atri, et de Camilla Caraccioli. C’est sans doute par ces alliances italiennes que l’abbé de Bourlemont était parent des Barberini.
  758. Charles-Chrétien de Gournay, fils de Reginald de Gournay, seigneur de Villers, et d’Aloïsia d’Apremont, dame de Marcheville, sacré évêque, non de Corinthe, mais de Sittia en Crète (Gallia Christiana), suffragant du cardinal évêque de Toul, et chargé de l’administration spirituelle du diocèse, fut nommé évêque de Toul en 1634, sur la démission du cardinal ; mais le pape ne lui accorda ses bulles qu’en octobre 1636. Ce prélat mourut le 14 septembre 1637.
  759. Henri Arnauld, second fils d’Antoine Arnauld, le célèbre avocat, et de Catherine Marion, dame d’Andilly, abbé de Saint-Nicolas d’Angers après Rucellaï, doyen du chapitre de Toul, devint évêque d’Angers en 1650. Né le 30 octobre 1597, il mourut le 8 juin 1692.
  760. Cluny, abbaye de bénédictins, chef d’ordre, au diocèse de Mâcon. Le cardinal de Richelieu, institué en 1627 coadjuteur du précédent abbé, Jacques de Veny d’Arbouze, avait obtenu l’abbaye en 1629 par résignation de son prédécesseur.
  761. Citeaux, chef d’ordre des cisterciens ou bernardins, au diocèse de Châlon-sur-Saône. Le cardinal de Richelieu, qui avait obtenu cette abbaye par cession du précédent abbé en 1635, en prit possession le 15 janvier 1636 ; mais il ne fut jamais confirmé par le saint-siége.
  762. Prémontré, au diocèse de Laon, chef d’ordre des prémontrés. Le cardinal de Richelieu s’était fait élire abbé en 1635 par une faction contraire à celle qui élisait en même temps Pierre Desbans. Le pape ne reconnut ni l’une ni l’autre élection ; le cardinal perçut toutefois les revenus de l’abbaye jusqu’à sa mort : mais à ce moment il en ordonna la restitution. Le siége resta vacant jusqu’en 1647.
  763. Il y avait aux précédentes éditions : qu’ils fussent émanés.
  764. Les deux généraux étaient arrivés à Vincennes le 27 mai.
  765. Le 17 juin.
  766. Le cardinal de la Valette, le duc de Candale, et le comte de Guiche. Le secours entra dans Verceil le soir du 19 juin et dans la nuit suivante, sous la conduite de Saint-André.
  767. Ou plutôt dans le Guipuscoa : Fontarabie est située à l’embouchure de la Bidassoa, rive gauche. — Le 30 juin l’armée fut seulement réunie à Saint-Jean-de-Luz.
  768. Voir à l’Appendice. XV.
  769. Inédit.
  770. Suivant le Mercure françois ce fut le 1er juillet qu’eurent lieu le passage de la Bidassoa et la prise d’Irun : le Passage, petit port sur le golfe de Gascogne, entre Fontarabie et Saint-Sébastien, fut pris le 2 juillet.
  771. Caraques, grands vaisseaux ronds et propres au combat.
  772. La rivière d’Aa.
  773. Jean, comte de Nassau-Siegen, frère aîné de Guillaume de Nassau, avait embrassé la religion catholique, et s’était mis au service d’Espagne. Né le 29 septembre 1583, il mourut le 27 juillet de cette même année 1638.
  774. La cavalerie du maréchal de la Force.
  775. Il, le comte Jean de Nassau.
  776. La cavalerie des ennemis.
  777. Il y avait aux précédentes éditions : tambour battant.
  778. La garnison, commandée par Manicamp, sortit du fort le 13 juillet.
  779. Le 15 juillet.
  780. Le 8, suivant la Gazette de France et le Mercure françois.
  781. Verceil capitula le 4 juillet, après un assaut donné le 2 ; la garnison sortit le 5.
  782. Le duc de Longueville prit Chaussin le 2 juin, Raon le 4, Poligny le 28, Arbois le 9 juillet. Plusieurs autres petites places furent prises dans cette campagne.
  783. Charles d’Espagne, seigneur de Ramefort.
  784. Le roi partit de Saint-Germain-en-Laye le 19 juillet, et arriva le 21 à Amiens.
  785. Renty, aujourd’hui bourg du canton de Fauquemberg, arrondissement de Saint-Omer. L’armée se logea le 1er août devant Renty ; la place capitula le 9.
  786. La phrase n’est pas terminée. L’auteur voulait sans doute raconter une alarme de peu d’importance que les ennemis vinrent donner aux troupes campées devant le château, pendant qu’on le démolissait lentement et avec peine.
  787. Le Catelet, seule place restée aux mains des Espagnols depuis l’invasion de 1636.
  788. Le duc de Montbazon était gouverneur de Paris.
  789. Champlitte, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Gray, département de la Haute-Saône : cette place se rendit le 25 août. Autrey, aujourd’hui chef-lieu de canton du même arrondissement, capitula le 27.
  790. La reine-mère partit inopinément de Bruxelles le 10 août.
  791. Henri le Veneur, comte de Tillières, seigneur de Carouge, fils ainé de Tanneguy le Veneur, comte de Tillières, seigneur de Carouge, et de Catherine de Bassompierre, épousa, le 29 août 1638, Claude Rouhault, fille d'Aloph Rouhault, seigneur de Thiembrune, et de Claude Chabot de Jarnac, sa première femme, et veuve d'Henri-Sicaire de Bourdeille, comte de Mastas.
  792. Le 22, suivant le Mercure françois.
  793. Ou plutôt l’amirante de Castille, Jean-Alphonse Henriquez, Ve duc de Riosecco, IXe amirante héréditaire de Castille, fils de Louis Henriquez, IVe duc de Riosecco, VIIIe amirante héréditaire de Castille, et de Victoria Colonna, mort le 25 janvier 1647. — Voir t. II, p. 280, note 1, et t. IV. Additions et corrections.
  794. Inédit.
  795. La rade de Gattari (Guetaria), sur la côte du Guipuscoa.
  796. Gueldres, sur la Niers, avec une partie du duché de Gueldres, appartenait alors à l’Espagne.
  797. Inédit.
  798. Henri-Casimir, comte de Nassau-Dietz, fils ainé d’Ernest-Casimir, comte de Nassau-Dietz, et de Sophie-Hedwige de Brunswick, gouverneur, après son père, de la Frise occidentale, né en 1611, mort le 13 juin 1640.
  799. Il y avait aux précédentes éditions : par la suite.
  800. Don Pedro Faxardo, Ve marquis de los Velez, fils de don Luis Faxardo, IVe marquis de los Velez, et de dona Maria Pimentel, était vice-roi de Navarre.
  801. La Poterie et Machault, conseillers d’État.
  802. La reine-mère, et après elle le duc de la Valette, n’arrivèrent en Angleterre qu’au mois de novembre. L’auteur parle plus loin de ces deux faits à leur date exacte.
  803. Le lundi était le 6.
  804. Sans le mot : aussy, qui se trouve dans la phrase suivante, on pourrait penser que ce qui précède se rapporte au ressentiment du coup de lance, J’ignore si le maréchal de Bassompierre eut à ce moment un autre déplaisir particulier.
  805. Les copies et les éditions précédentes ont traduit cette abréviation par ces mots : quatre heures du matin.
  806. Le Catelet, investi le 22 août par M. du Hallier, qui avait remplacé le maréchal de Brézé, fut pris d’assaut le 14 septembre.
  807. Cette infante, née le 20 septembre, était la future épouse de Louis XIV, Marie-Thérèse d’Autriche, fille de Philippe IV et d’Élisabeth de France.
  808. C’est-à-dire : dont le fils et la fille avaient été mariés ensemble. Louis XIII était né le 27 septembre 1601, et Anne d’Autriche le 20 du même mois.
  809. C’est-à-dire Charles-Louis, électeur palatin du Rhin.
  810. A Lemgo, dans la principauté de Lippe-Detmold.
  811. Melchior, premier comte de Hatzfeld et Gleichen, fils de Sébastien de Hatzfeld, et de Marie, fille de Georges de Hatzfeld, sa seconde femme, fut un des généraux de la guerre de Trente ans. Né le 20 novembre 1593, il mourut le 9 janvier 1658.
  812. Robert, plus connu sous le nom de prince Rupert, devint un des principaux généraux de Charles Ier, roi d’Angleterre, son oncle. Il mourut en 1682.
  813. François-Hyacinthe, duc de Savoie, mourut le 4 octobre 1638, à l’âge de six ans. Charles-Emmanuel II, son frère, lui succéda : né le 20 juin 1634, il n’était âgé que de quatre ans.
  814. La Gazette de France et le Mercure françois assignent à cette affaire la date du 15 octobre.
  815. Charles de Sainte-Maure, baron, puis marquis, puis duc de Montausier, second fils de Léon de Sainte-Maure, baron de Montausier, et de Marguerite de Châteaubriant, devint en 1645 l’époux de Julie d’Angennes. Il mourut le 17 mai 1690, à l’âge de 80 ans.
  816. Voir à l’Appendice. XVI.
  817. Madeleine de Créquy, fille de Charles de Créquy, sire de Canaples, et d’Anne de Grimoard de Beauvoir du Roure, mourut jeune.
  818. Henri-Robert Gigault, seigneur de Bellefonds, fils de Bernardin Gigault, seigneur de Bellefonds, et de Jeanne aux Espaules, dame de l’Isle-Marie, fut père du maréchal de Bellefonds.
  819. La reine-mère, embarquée à la Haye, entra à Londres le 5 novembre, après avoir été sept jours en mer.
  820. Marie-Catherine de la Rochefoucauld, fille unique et héritière de Jean-Louis de la Rochefoucauld, comte de Randan, et d’Isabelle de la Rochefoucauld, veuve depuis 1622 du marquis de Senecey, cousin du maréchal de Bassompierre, dame d’honneur de la reine depuis 1626, avait été mêlée à quelqu’une des intrigues qui se reformaient sans cesse contre le cardinal, et celui-ci avait exigé son éloignement. Elle fut réintégrée dans ses fonctions en 1644, et devint gouvernante du jeune roi Louis XIV.
  821. Les anciennes éditions portaient : Brisac, et les plus récentes : Brissac. — Catherine de Sainte-Maure, fille de François de Sainte-Maure, baron de Montausier, et de Louise Gillier, dame de Salles et de Fougeray, avait épousé Jean de Galard de Béarn, comte de Brassac.
  822. La Porte, arrêté en 1637 pour les services rendus par lui à la reine dans l’affaire des correspondances étrangères, nomme dans ses mémoires le baron de Tenence parmi les prisonniers qui étaient en même temps que lui à la Bastille.
  823. La capitulation avait été signée le 16 décembre : la garnison sortit le 18.
  824. Dans la Franche-Comté.
  825. Pontarlier, chef-lieu d’arrondissement du département du Doubs. — Cette place capitula le 25 janvier.
  826. L’évêché de Liége était un pays souverain de l’empire d’Allemagne, compris dans le cercle de Westphalie.
  827. Ce résident était vraisemblablement René-Ludovic de Fiquelmont, qui fut abbé de Notre-Dame de Mouzon, au diocèse de Reims, de 1610 à 1654.
  828. Sans doute un fils de celui qui fut tué en 1621 au siége de Saint-Jean-d’Angély. Voir t. II, p. 285.
  829. Voir p. 248, note 2.
  830. Delat, delatus, déféré à la justice.
  831. Henri de Livron, marquis de Ville, fils d’Erard de Livron, baron de Bourbonne, et de Gabrielle de Bassompierre, dame de Ville-sur-Illon. En octobre 1638, il avait occupé Lunéville pour le duc de Lorraine ; bientôt assiégé dans cette place par le duc de Longueville, et obligé de se rendre, il avait été retenu prisonnier.
  832. Le duc de Candale mourut le 11 février.
  833. Noël de Bullion, seigneur de Bonnelles, fils aîné de Claude de Bullion, seigneur de Bonnelles, surintendant des finances, et d’Angélique Faure, épousa, le 27 février 1639, Charlotte de Prie, fille de Louis de Prie, marquis de Toucy, et de Françoise de Saint-Gelais, laquelle était fille d’Artus de Saint-Gelais-Lusignan, seigneur de Lansac, et de Françoise de Souvré. Voir t. II, p. 48, note 4, et t. IV. Additions et corrections.
  834. Henri de Conflans, dit le marquis d’Armentières, fils aîné d'Henri de Conflans, vicomte d'Ouchy, seigneur d’Armentières, et de Charlotte Pinart, mourut, dit le P. Anselme, le dernier février 1639.
  835. Peut-être Jean-Louis de Pardaillan, fils d’Antoine-Arnaud de Pardaillan, seigneur de Gondrin, marquis d’Antin et de Montespan, et de Paule de Saint-Lary de Bellegarde, sa seconde femme, dit le marquis de Savignac par suite de son mariage avec Jeanne-Angélique de Lambez, dame de Savignac, qui eut lieu en 1639.
  836. Armand de Roquelaure, baron de Biran, septième fils du maréchal de Roquelaure et de Susanne de Bassabat, sa seconde femme, fut tué en duel.
  837. Gaston-Jean-Baptiste de Cominges, dit le comte de Cominges, second fils de Charles de Cominges, seigneur de Fléac, et de Marie de Guip, mort le 25 mars 1670, à l’âge de 57 ans.
  838. Voir t. I, p. 18.
  839. Eberhard, comte de Ribeaupierre ou Rappolstein, en Alsace, fils d'Egenholf, comte de Rappolstein, et de Marie de Erpach, sa seconde femme, né le 12 mars 1570, avait épousé en premières noces Anne, sœur du rheingraf Otto (Voir t. I, p. 36, note 3, et t. IV. Additions et corrections). Suivant les Genealogische Tabellen, le comte de Ribeaupierre serait mort le 27 août 1637. — Voir à l’Appendice. XVII.
  840. Celui que l’auteur a appelé jusqu'ici : le chevalier de Bassompierre. Voir p. 218, note 1.
  841. Bechamp ou Belchamp, abbaye de chanoines réguliers de Saint-Augustin.
  842. Le ballet de la Félicité, sur le sujet de l’heureuse naissance de Mgr le Dauphin.
  843. Il y a erreur de jour : le mardi était le 15. Le ballet fut dansé à l'hôtel de ville le vendredi 18.
  844. Léopold d’Autriche, archiduc en Tyrol, mort en 1632, était fils de Charles d’Autriche, archiduc en Styrie, et par conséquent frère de l’empereur Ferdinand II.
  845. Anne-Dorothée, fille de Jean-Casimir, rheingraf, de la branche de Kyrburg et Mœrchingen ou Morhange, et de Dorothée de Solms, sa première femme. Née en 1614, elle mourut le 27 juin 1655. Suivant les Genealogische Tabellen, elle avait épousé le duc de Wurtemberg en 1637.
  846. Les Espagnols assiégeaient Cencio en Piémont, que les Français tentèrent inutilement de secourir.
  847. Louis de Forbin, dit le commandeur de Gardane, fils cadet d'Antoine de Forbin, seigneur de Gardane, et de Lucrèce Adhémar de Castellane, sa seconde femme.
  848. François de Vignerot, marquis du Pont-Courlay, fils de René de Vignerot, seigneur du Pont-Courlay, et de Françoise du Plessis-Richelieu, avait été pourvu de la charge de général des galères en 1635, sur la démission du duc de Retz. Il mourut le 26 janvier 1646, à l’âge de 37 ans.
  849. Hesdin, en Artois, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Montreuil, département du Pas-de-Calais.
  850. Inédit.
  851. Villa Nuova d’Asti, Asti, Ponte di Stura, dans la province d'Alexandrie ; Moncaglieri, dans la province de Turin.
  852. Le 21 avril.
  853. Le 25 avril, lundi de Pâques.
  854. Maracini commandait les Saxons dans l’armée impériale.
  855. Près de Chemnitz, en Saxe, le 14 avril.
  856. On peut voir dans Tallemant des Réaux (Historiette de madame d’Aiguillon) le récit de cette aventure, et la rumeur plus ou moins fondée dont il se fait l'écho.
  857. Lillers, en Artois, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Béthune, département du Pas-de-Calais.
  858. Jean de Gassion, quatrième fils de Jacques de Gassion, qui avait été président au conseil souverain de Navarre et Béarn, et de Marie d’Esclaux, colonel d’un régiment de cavalerie, maréchal de France en 1643. Né le 20 août 1609, il mourut le 2 octobre 1647 d’une blessure à la tête.
  859. Le siége commença le 19 mai.
  860. Sans doute un comte de Weltz.
  861. Louison Roger, fille d'un magistrat de Tours, eut un fils que Mademoiselle prit plus tard sous sa protection, et qu’elle fit appeler le chevalier de Charny. Louison entra par la suite à la Visitation, où elle fut connue sous le nom de la mère Louise.
  862. Ouverture faite avec violence, avec fracas (Littré).
  863. On peut voir dans Tallemant des Réaux (Historiette de M. d'Orléans) les détails de cette révolution de palais.
  864. Sancy, bourg du Barrois non-mouvant, au bailliage de Briey.
  865. Il ne s’agit pas ici de Longwy, qui était aux mains des ennemis, mais de quelque petite place, peut-être de Longuyon, chef-lieu de bailliage du Barrois non-mouvant.
  866. Salces, place forte du Roussillon, sur l’étang de Leucate, aujourd’hui bourg du canton de Rivesaltes, arrondissement de Perpignan. Le siége fut mis devant Salces le 14 juin (Lettres et papiers d’État, t. VI, p. 402).
  867. La capitulation fut signée le 29 juin : la garnison sortit le 30.
  868. Le 30 juin. On peut voir dans les mémoires de Puységur de quelle manière le roi remit le bâton de maréchal à M. de la Meilleraye. Les provisions furent signées le même jour.
  869. Chivasso, dans la province de Turin, rive gauche du Pô, fut investi le 17 juin, et capitula le 28.
  870. Georges-Christophe de Taupadel, général suédois, souvent appelé dans les histoires du temps Dubatel, Taubalde, ou même Tubal, était prisonnier depuis quelques mois.
  871. Le neveu du maréchal de Bassompierre aurait été un de ces quatre principaux prisonniers.
  872. Après qu’elle eut enduré.
  873. Le mercredi était le 6.
  874. La Corogne.
  875. Salces fut pris le 19 juillet.
  876. Ou plutôt des lagunes, des marais.
  877. Inédit.
  878. Neuenburg, sur la rive droite du Rhin, en Brisgau.
  879. Hohentwiel, forteresse située à quatre lieues N.-E. de Schaffhouse, aujourd’hui dans le grand-duché de Bade.
  880. Le 18 juillet.
  881. Pierre de Cornulier, évêque de Tréguier en 1616, transféré à Rennes en 1619, mourut le 21 juillet 1639, à l’âge de soixante-six ans.
  882. Un frère de saint François de Sales.
  883. Ou plutôt Villefranche, aujourd’hui ville et port français dans le voisinage de Nice. L’auteur redit quelques pages plus loin (p. 318) le même fait, en son lieu véritable et avec le nom exact.
  884. Donchery, petite ville de l’arrondissement et canton de Sedan.
  885. Il, le roi.
  886. Pour se diriger vers l’Italie.
  887. Il y avait aux précédentes éditions : voyageur.
  888. L’affaire de Saint-Nicolas eut lieu le 5 août, et celle de Saint-Venant le 24. — Saint-Nicolas est voisin de Sainte-Marie-Kerque, dans le canton d’Audruick, arrondissement de Saint-Omer. — Saint-Venant est dans le canton de Lillers, arrondissement de Béthune.
  889. Frédéric d’Erlach, fils ainé de Rodolphe d’Erlach, seigneur de Castelen, et de Catherine de Muhlinen, mort en 1615.
  890. Voir t. III, p. 218, note 2.
  891. Il y avait aux précédentes éditions : sur la retraite de la reine.
  892. Il y avait aux précédentes éditions : le sieur de Mery. — Michel Particelli, sieur d’Hémery, intendant des finances, fut plus tard surintendant. Il mourut le 25 mai 1650.
  893. C’est-à-dire : il en fit M. d’Erlach gouverneur.
  894. Tout ce passage, depuis les mots : en pratiquant, jusqu’aux mots : avec le marquis de Haraucour le… (p. 326), qui remplit cinq feuillets du manuscrit original, est entièrement inédit. Il existe dans les manuscrits Fr. 4066 et Fr. 10316 ; mais il manque au manuscrit Fr. 17477 : il se trouve aussi dans le manuscrit de la bibliothèque de l’Arsenal, mais sur deux feuillets intercalés.
  895. Capitaine d’une compagnie de carabins qui, en 1635, avait passé de l’armée du maréchal de la Force dans l’armée commandée par les maréchaux de Châtillon et de Brézé.
  896. Heucourt, gentilhomme picard, avait épousé une fille d’Isaac Arnauld, sœur de Mme de Feuquières. L'année précédente il avait été arrêté sous l’inculpation de trahison et d'intelligence avec le prince Thomas de Savoie, et au mois de septembre il avait eu la tête tranchée à Amiens. Son procès, écrivait le cardinal de Richelieu, était « plein de saleté pour l’Estat. » (Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 157.) Son accusateur était « un cappitaine nommé Scanavel. » (Ibid. p. 96.)
  897. Jean-Baptiste Budes, comte de Guébriant, fils puîné de Charles Budes, seigneur du Hirel et de Guébriant, baron de Sacé, et d'Anne Budes de Quatrevaux, devint maréchal de France en 1642. Né le 2 février 1602, il mourut d’une blessure le 24 novembre 1643.
  898. Effrayé.
  899. Voir à l’Appendice. Lettres inédites et autographes. IV.
  900. Du 25 au 29 août.
  901. Le 4 septembre.
  902. Cheval aubère, cheval dont le corps est recouvert d’un mélange de poils rouges et de poils blancs, la crinière et la queue étant de même couleur ou de nuance plus claire (Littré).
  903. Marie Creton d’Estourmel, dame de Gravelle, fille d’Antoine Creton d’Estourmel, seigneur de Surville, et de Madeleine de Blanchefort, tante du maréchal de Créquy. Elle avait eu du marquis de Rosny une fille naturelle, qui était mariée à M. de Contenan. Tallemant des Réaux prétend qu’elle eut à la Bastille, où elle demeura plusieurs années, une amourette avec le maréchal de Bassompierre (Historiette de Bassompierre). Elle était née en 1598.
  904. Fils du maréchal de Saint-Luc et d’Henriette de Bassompierre.
  905. Voir à l’Appendice. XVIII.
  906. Jean-Casimir, frère cadet de Wladislas VII, roi de Pologne, tous deux fils de Sigismond III, roi de Pologne, et d'Anne, fille de Charles d'Autriche, archiduc en Styrie. Jean-Casimir fut successivement jésuite, cardinal, roi de Pologne après son frère, et enfin abbé de Saint-Germain-des-Prés. Né le 22 mai 1609, il mourut le 15 décembre 1672.
    Le prince Casimir passait en France pour aller prendre possession de la vice-royauté de Portugal, que le roi d'Espagne lui avait conférée.
  907. Salon, dans la Crau, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Aix, département des Bouches-du-Rhône.
  908. François de la Tour était un fils du maréchal de Bassompierre et de la princesse de Conti, que l’on croit avoir été secrètement mariés. Le maréchal garde sur ce sujet la plus discrète réserve. — Voir à l’Appendice. XIX.
  909. Vimy était un château appartenant au marquis d’Alincourt. Le roi y arriva le 13 septembre.
  910. N. de Meaulx de Bois-Boudran.
  911. Saint-Pierre-le-Moutier, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Nevers.
  912. N. du Bouzet, marquis de Roquepine.
  913. Le 9 octobre.
  914. L’accommodement fut signé le 9 octobre.
  915. Les Espagnols avaient mis le siége le 20 septembre devant la forteresse de Salces, récemment conquise par l’armée du prince de Condé.
  916. Don Antonio d’Oquendo, amiral d’Espagne.
  917. Martin Herperts Tromp, célèbre marin hollandais, fut père de Corneille Tromp. Né en 1597, il fut tué en 1653.
  918. Le 21 octobre.
  919. Carignan, ville de la province de Turin, sur la rive gauche du Pô.
  920. Chieri, ville voisine de Turin, à droite du Pô.
  921. Cette glorieuse affaire eut lieu le 20 novembre.
  922. Philippe de la Mothe-Houdencourt, fils puîné de Philippe de la Mothe, seigneur d’Houdencourt, et de Louise Charles, sa troisième femme, fut fait maréchal de France en 1642. Né en 1605, il mourut le 24 mars 1657.
  923. Ou seulement le 15, suivant le P. Anselme. — Henri Coeffier, dit Ruzé d’Effiat, marquis de Cing-Mars, second fils d’Antoine Coeffier, dit Ruzé, marquis d’Effiat, maréchal de France, et de Marie de Fourcy, décapité à Lyon, le 12 septembre 1642, à l’âge de 22 ans. Le roi racheta la charge de grand écuyer du duc de Bellegarde pour la donner à Cinq-Mars.
  924. Charles de Loménie, seigneur de la Faye, fils de François de Loménie, seigneur de la Faye, était secrétaire du cabinet du roi.
  925. Françoise de Barbezières, demoiselle de Chemerault, épousa depuis Macé Bertrand, sieur de la Basinière. Elle correspondait secrètement avec le cardinal de Richelieu, qui l’enveloppa dans la disgrâce de l’amie du roi, soit pour éloigner les soupçons sur le rôle qu’elle avait joué, soit parce qu’il craignait son influence sur Cinq-Mars.
  926. Un notable préjudice.
  927. Le sieur de Souvray, écuyer du maréchal d’Estrées, qui était ambassadeur à Rome, fut assassiné le 28 octobre. Il avait arraché
  928. Villedieu, chef-lieu de canton de l’arrondissement d’Avranches, département de la Manche.
  929. Armand de Valois, comte d’Auvergne, second fils de Louis de Valois, comte d’Alais, et d’Henriette de Guiche, né le 14 juillet 1635, mourut le 16 novembre 1639.
  930. Charles, marquis d’Haraucourt et de Faulquemont, fut maréchal de Lorraine, général de la cavalerie de l’électeur de Bavière, et gouverneur de Marsal.
  931. La date en blanc. — Ici finit le passage inédit.
  932. Le marquis de Coislin fut dépêché le 1er décembre (Lettres et papiers d’État, t. VI, p. 630).
  933. Roger de Bossost, comte d’Espenan, était gouverneur de Salces.
  934. Jean Scarron, reçu conseiller au parlement le 10 février 1600, fut le père du poète Scarron. Ce dernier adressa des vers au roi au sujet de la disgrâce de son père.
  935. L’auteur a ajouté ici quelques signes dont je ne connais pas le sens.
  936. Amurath IV, fils du sultan Achmet, mourut le 7 février 1640, suivant l’Art de vérifier les dates. Son frère Ibrahim lui succéda.
  937. Charles d’Esmé, seigneur de la Chesnaye, avait remplacé en 1636 Jean d’Armaignac comme premier valet de chambre du roi.
  938. Charles de Bailleul, seigneur du Perray, second fils de Nicolas de Bailleul, seigneur de Vattetot, et de Marie Habert, était, depuis 1630, maître d’hôtel ordinaire du roi. Son frère aîné, Nicolas de Bailleul, baron de Château-Gonthier, seigneur de Vattetot, était président au parlement de Paris depuis le 25 septembre 1627 : il fut plus tard surintendant des finances.
  939. C’est-à-dire : parce qu’il n’a rien vaillant à présent.
  940. Léopold-Guillaume, archiduc d’Autriche, fils puîné de Ferdinand II, empereur, et de Marie-Anne de Bavière, fut évêque de Strasbourg, de Passau, etc. Né le 6 janvier 1614, il mourut le 20 novembre 1662.
  941. François Bitault, reçu conseiller au parlement le 24 mars 1623.
  942. Jean Perrot, reçu conseiller au parlement le 11 avril 1625.
  943. Le roi était parti de Saint-Germain-en-Laye pour Chantilly le 30 avril.
  944. Charlemont, alors forteresse espagnole, rive gauche de la Meuse, dépend de Givet, situé sur la rive droite, aujourd’hui chef-lieu de canton de l’arrondissement de Rocroy, département des Ardennes.
  945. Mariembourg, place forte de la province de Namur, en Belgique.
  946. Non l’année précédente, mais en 1637.
  947. Christian-Ulrich, fils naturel de Christian IV, roi de Danemark, et de la première de ses maitresses. Né en 1611, il mourut cette même année 1640.
  948. Le comte d’Harcourt se présenta devant Turin le 11 mai.
  949. Jean-Jacques-Théodore Trivulce, fils aîné de Charles-Emmanuel-Théodore Trivulce, comte de Melzi, et de Catherine de Gonzague, veuf depuis 1620 de Jeanne Grimaldi, cardinal-diacre depuis 1629. Né en 1597, il mourut le 3 août 1657.
  950. Il y avait aux précédentes éditions : du côté d’Harcourt.
  951. Ce combat fut livré le 2 juin.
  952. Le comte de Fuentes, ce « valeureux comte de Fontaines » dont l’âme guerrière resta jusqu’à la fin maîtresse du corps qu’elle animait, et qui fut tué à Rocroy en 1643, à l’âge de 82 ans.
  953. Les précédentes éditions portaient ici : fils d’une princesse et d’une personne illustre ; mais l’auteur n’a pas écrit ces mots.
  954. Guillaume de Lamboy, feld-maréchal d’empire.
  955. Le 24 juin.
  956. Louis Potier, marquis de Gesvres, fils ainé de René Potier, comte, puis duc de Tresmes, et de Marguerite de Luxembourg, mort au siége de Thionville, le 4 août 1645, à l’âge de 33 ans.
  957. Pierre, marquis de Bréauté, avait épousé Marie de Fiesque.
  958. La tranchée fut ouverte devant Arras le 4 juillet.
  959. Le 19 juillet.
  960. Charles-Albert de Longueval, comte de Buquoy, fils de Charles de Longueval, comte de Buquoy, et de Madeleine de Biglia, gouverneur de Hainaut, général de la cavalerie espagnole aux Pays-Bas, chevalier de la Toison d’or. Il mourut en 1663.
  961. Inédit.
  962. Le 23 juillet.
  963. La seconde attaque du marquis de Leganez eut lieu le 11 juillet. Il renouvela ses tentatives le 24 juillet et le 1er août, toujours sans succès.
  964. Andrea Cantelmi, fils de Fabrice Cantelmi, due de Popoli, et de Laure d’Evoli, sa seconde femme. Il mourut le 5 novembre 1645.
  965. Voir à l’Appendice. XX.
  966. Une fille de Claude-François de Cusance, baron de Beauvoir, colonel des Bourguignons aux Pays-Bas, et d’Ernestine de Berghes. — Béatrix de Cusance, veuve en 1636 d’Eugène-Léopold d’Oiselet de Granvelle, prince de Cantecroix, était devenue, le 2 avril 1637, la « femme de campagne » du duc Charles de Lorraine.
  967. Sancy fut pris le 14 juillet.
  968. Le fort de Rantzau était occupé par ce Josias, comte de Rantzau, colonel suédois passé au service de France, maréchal de France en 1645, mort en 1650, sur qui fut fait ce quatrain :

    Il dispersa partout ses membres et sa gloire ;
    Son sang fut en cent lieux le prix de la victoire :
    Tout abattu qu’il fut, il demeura vainqueur,
    Et Mars ne lui laissa rien d’entier que le cœur.

    Au siège d’Arras il perdit une jambe, et fut estropié d’une main.

  969. Robert, baron de Roncherolles, fils de Robert, seigneur de Roncherolles, et d’Anne de Mailly, était mestre de camp d’un régiment d’infanterie.
  970. Louis de Vendôme, duc de Mercœur, depuis duc de Vendôme, fils aîné de César, duc de Vendôme, et de Françoise de Lorraine, duchesse de Mercœur, né en 1612, marié en 1651 à Laure Mancini, veuf en 1657, cardinal en 1667, mort le 6 août 1669. — François de Vendôme, duc de Beaufort, son frère, né en janvier 1616, tué à la défense de Candie en 1669.
  971. Il arriva à Saint-Germain-en-Laye le 7 septembre.
  972. Chaulnes, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Péronne, département de la Somme.
  973. Le 21 septembre.
  974. Turin devait ouvrir ses portes le 22 septembre ; mais le comte d’Harcourt n’y entra que le 24 à cause du mauvais temps.
  975. Le duc de Guise, mort en Italie le 30 septembre 1640.
  976. Le prince de Joinville. — Le second fils que le duc de Guise avait perdu en exil était Charles-Louis de Lorraine, duc de Joyeuse, né le 15 juillet 1618, mort à Florence le 15 mars 1637.
  977. Ce troisième fils du duc de Guise, qui ne vivait pas selon sa profession, était Henri de Lorraine, depuis duc de Guise, alors archevêque de Reims non ordonné, qui plus tard se rendit célèbre par ses galanteries et par son aventure au royaume de Naples. Né le 4 avril 1614, il mourut le 2 juin 1664.
  978. Ici se termine le manuscrit du maréchal de Bassompierre. Les diverses éditions ajoutent la phrase suivante : Ce fut le duc de Guise qui s’étoit retiré à Florence, au même temps que je fus mis à la Bastille, où je plains sa mort et ma liberté. Ces lignes n’ont pas été écrites par l’auteur ; du moins elles ne se trouvent pas dans sa copie autographe.