Kama Soutra (trad. Lamairesse)/Titre III/Chapitre 7

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Kama Soutra, règles de l’amour de Vatsyayana.
Traduction par Pierre-Eugène Lamairesse.
(p. 62-66).

CHAPITRE VII
Des goûts sexuels des femmes des diverses régions de l’Inde.


L’auteur donne sur les femmes des différentes contrées de l’Inde des renseignements qu’il destine aux hommes pour qu’au besoin ils sachent en faire usage.

Les femmes du centre, entre le Gange et la Jumma, ont des sentiments élevés et ne se laissent point faire de marques avec les ongles ni avec les dents.

Les femmes d’Avantika ont le goût des plaisirs bas et des manières grossières.

Les femmes du Maharashtra aiment les soixante-quatre sortes de voluptés. Elles se plaisent aux propos obscènes et sont ardentes au plaisir.

Les femmes de Patalipoutra (aujourd’hui Pathna) ont les mêmes ardeurs que les précédentes, mais ne les manifestent point publiquement.

Les femmes Dravidiennes, malgré les caresses de toutes sortes, s’échauffent difficilement et n’arrivent que lentement au spasme génésique.

Les femmes de Vanavasi sont assez froides et peu sensibles aux caresses et aux attouchements et ne souffrent point de propos obscènes.

Les femmes d’Avanti aiment l’union sous toutes ses formes, mais à l’exclusion des caresses accessoires.

Les femmes de Malva aiment les baisers, les embrassements et surtout les coups, mais non les égratignures et les morsures.

Les femmes de Punjab sont folles de l’auparishtaka (caresses avec la langue, plaisir lesbien)[1].

Les femmes d’Aparatika et de Lat sont très passionnées et poussent doucement le cri : Sit !

Les femmes de l’Oude ont les désirs les plus impétueux, leur semence coule avec abondance et elles y aident par des médicaments.

Les femmes du pays d’Audhra ont des membres délicats et sont très voluptueuses.

Les femmes de Ganda sont douces de corps et de langage.




APPENDICE AU CHAPITRE VII


Note I. — Les femmes du centre et du nord-ouest de l’Inde sont grandes et fortes, mais beaucoup moins délicates que celles du sud.

Ces dernières, d’une taille plutôt au-dessous qu’au-dessus de la moyenne, ont les membres très délicats et les attaches très fines. Elles ont toutes de belles dents, de beaux yeux et de beaux cheveux très noirs et très lisses, qu’elles ont soin d’oindre fréquemment d’huile ; elles les roulent par derrière, en un chignon fixé à côté de l’oreille droite ; elles les ornent de fleurs jaunes, et, quand elles le peuvent, elles y ajoutent des bijoux d’or placés au sommet de la tête ou à l’extrémité du chignon.

Les indiennes recherchées dans leur toilette se jaunissent, avec du safran, toutes les parties du corps qui se laissent voir, et se noircissent, avec une solution d’antimoine, le bord des paupières.

Selon leurs moyens, elles se parent de bracelets d’or, d’argent ou de cuivre. Celles qui sont riches se couvrent de bijoux.

La parure d’argent se porte aux jambes et aux pieds, quelquefois aux bras.

Chaque doigt de pied a son anneau particulier.

Enfin, elles portent au nez un anneau en or très mince, d’un décimètre de diamètre, de la même manière que nos femmes portent des boucles d’oreilles.

Les bijoux étant les seuls ornements des femmes indiennes, elles les gardent constamment, même lorsqu’elles vaquent aux soins domestiques dont aucune n’est dispensée, pas même les brahmanes. Dans l’Inde, toutes les femmes se font épiler tout le corps.

Les femmes de l’Inde sont naturellement d’une très grande douceur.

Note 2. — Goûts sexuels des dames romaines sous les Césars.

Citons comme toujours les poètes :

Juvénal, Satire VI, Les femmes.

« Quelle femme peux-tu épouser sans crainte ? à voir l’acteur Bathyle danse mollement la Léda, Tuccia se pâme ; Appulla, comme aux bras d’un amant, roucoule de petits cris. Telle est folle d’un comédien qui la ruine ; telle a tué la voix d’un ténor. Hispulla adore un tragédien.

Épouse donc et tes enfants naîtront d’une lyre, d’une flûte, d’Echion, de Glaphyre, d’Embroise.

Hippia, femme d’un sénateur, suit en Égypte un gladiateur.

Agrippine quitte la couche de Claude et court au lupanar chaud d’une vapeur fétide, où l’attend sa loge vide ; nue ; une résille d’or sur les seins, sous le nom de Lycisca, elle montre à qui veut s’en repaître les flancs qui ont porté Britannicus.

Elle attire ceux qui entrent, perçoit l’argent, assouvit la passion d’un grand nombre d’hommes qui se succèdent sans relâche. Quand le patron renvoie ses nymphes, elle sort, mais la dernière et malgré elle. Dévorée d’ardents prurits, les sens et les organes en feu, palpitante, rompue par les assauts soutenus, mais non rassasiée, elle porte au chevet des Césars l’âcre parfum du lupanar. »

Le lupanar où se rendait Messaline ne gardait, on le voit, les femmes que la nuit ; c’était sans doute le cas général.

Le lupanar de Pompéï se compose de petites cellules disposées autour d’une cour rectangulaire. Sur la clef de voute en relief de la porte d’entrée sur la rue, et comme pour servir d’enseigne, sont sculptés des organes virils de dimensions colossales.

Juvénal, Mystères de la bonne déesse.

Les membres rougis de vin, elles luttent aux joûtes de Vénus. La tribade Lanfulla défie les filles des lupanars. Insatiable et infatigable, elle les force à demander merci sous ses caresses. Puis elle se livre elle-même à la tribade Mesuffine qu’elle adore et qui s’attache à ses flancs.

De toutes les parties de l’antre s’élève un même cri :

« Des hommes ! des hommes ! » c’est le moment. Chaque matrone fait courir après son amant. S’il est au lit, qu’il se couvre seulement d’un manteau et qu’il vole !

Si les amants sont absents, qu’on prenne pour les suppléer les esclaves de la maison. Si ceux-ci ont fui, redoutant les mystères, qu’on loue à tout prix des porteurs d’eau. Faute d’homme, la femme non pourvue accepte un âne.

On sait que les dames romaines se rendaient, sous un déguisement, aux lieux où les gladiateurs s’exerçaient nus par des combats préparatoires. Cachées dans une loge, elles assistaient à leurs luttes, faisaient leur choix et ensuite se faisaient amener ceux qui pouvaient le mieux les satisfaire.

Juvénal, Sat. VI. — « Il est des femmes qui aiment les timides, eunuques, leurs baisers sans fougue, leurs figures imberbes. Avec eux, elles n’auront pas besoin de recourir à l’avortement, et malgré cela elles jouiront à souhait. Car elles prendront soin que leur futur gardien ne soit fait eunuque qu’après le développement complet de sa virilité. Pour les dimensions, son pieu ferait envie à Priape. Il est remarqué et universellement connu dans les bains publics. Qu’il dorme donc près de la femme de son maître ; mais, ô Posthume, garde-toi de lui donner ton mignon à raser ou à épiler. »

N° 3. — Cruauté des dames Romaines, comparée à la douceur des Indiennes. Ovide, Art d’aimer, livre III.

« J’aime à assister à votre toilette, à voir vos cheveux dénoués sur vos blanches épaules. Mais je ne puis souffrir que vous déchiriez avec vos ongles le visage de votre femme de chambre ou que vous lui meurtrissiez le bras[2], et qu’elle mouille votre chevelure de ses pleurs et de son sang. »

Martial, dans son épigramme 46, maudit Lalegée qui a maltraité cruellement sa femme de chambre pour une maladresse en la coiffant. Mais rien n’égale les traits de Juvénal, toujours dans la Satyre VI.

« Si la nuit le mari a tourné le dos à sa moitié, l’intendante est perdue ; on dépouille nue la coiffeuse. Si le lituanien s’est fait attendre, on le punira du sommeil de son maître.

« Les férules celaient par la violence des coups, le sang jaillit sous les fouets et les verges.

« On a des bourreaux à l’année. Ils frappent ; l’illustre épouse se farde le visage. Ils frappent ; elle tient cercle avec ses amies, elle admire les dessins d’une robe brochée d’or. Ils continuent ; elle parcourt les longues colonnes d’un journal. Enfin, las de frapper, les bourreaux demandent trêve. — Sortez, crie-t-elle alors, justice est faite.

« — En croix l’esclave ! — Mais quel crime a-t-il commis ? demande le mari, où sont le délateur et les témoins ? Qu’on entende la cause ! Il n’est jamais trop tard pour faire mourir un homme.

« — Imbécile ! un esclave est-il un homme ? Coupable ou non, il mourra, je le veux. »

Lorsqu’un gladiateur vaincu dans l’arène attendait son sort de la décision des spectateurs, on sait que les femmes étaient toujours les plus impitoyables.

N° 4. — Ce qui, en Europe, plaît aux femmes selon leur nationalité.

En Europe, la conduite à tenir avec les femmes pour leur plaire dépend de leur caractère.

On admet généralement qu’il faut, pour les Françaises, la jovialité ; avec les Anglaises, l’originalité ; avec les Allemandes, le sentiment ou la sentimentalité ; avec les Italiennes, la tendresse ; avec les Espagnoles, la passion.

On cite les Viennoises pour leur amabilité. L’aventure de deux grandes dames de la cour, une princesse polonaise et la femme du ministre de la guerre, a couru toute l’Allemagne, il y a un demi-siècle.

Dans un pari, comme deux déesses, elles se disputèrent le prix de la beauté et prirent pour juge le public.

Fut reconnue la plus belle celle qui, dans un nombre d’heures déterminé, se fit suivre dans un lieu intime, par le plus grand nombre de jeunes gens racollés sur le trottoir du boulevard.

Lord Byron et avec lui tous les voyageurs ne tarissent pas d’admiration pour la jeune fille de Cadix. Martial dit d’elle, livre XIV, 203 : « Elle a des mouvements si brusques, elle est si lascive et si voluptueuse qu’elle eût fait se masturber Hippolyte lui-même. »

  1. Plaisir les bien ou saphisme, titillation ou succion du clitoris ou de la vulve ou de tous les deux avec la langue. Aujourd’hui le saphisme a remplacé généralement la tribadie.
  2. On voit dans les musées d’antiquités une sorte de pinces qui servaient aux dames Romaines pour stimuler ou punir leurs esclaves ; très acérées, elles déchiraient la chair et faisaient venir le sang.