Kazan/14

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Traduction par Paul Gruyer et Louis Postif.
G. Crès (p. 117-128).


XIV

LA MORT ROUGE[1]

Kazan et Louve Grise coururent longtemps dans la direction du nord et arrivèrent à la région appelée le Fond-du-Lac.[2] C’est là qu’ils se trouvaient lorsque Jacques[3], messager de la Compagnie de la Baie d’Hudson[4] vint apporter aux postes de la contrée les premières nouvelles authentiques de l’effroyable fléau : une épidémie de petite vérole, qui sévissait sur le Wild.

Depuis plusieurs semaines, des rumeurs en étaient arrivées, de différents côtés. Puis ces rumeurs s’étaient amplifiées. De l’est, du sud et de l’ouest, elles s’étaient à ce point multipliées que partout, dans les vastes solitudes, les voyageurs annonçaient que la Mort Rouge, la Red Terror[5] était à leurs trousses. Et le frisson d’un immense effroi passait, comme un vent violent, des dernières régions civilisées aux extrémités les plus lointaines du Grand Désert Blanc.

Dix-neuf ans plus tôt, ces mêmes rumeurs avaient déjà couru et la Terreur Rouge avait suivi. L’horreur en subsistait encore parmi tous les gens du Wild, car des milliers de tombes sans croix, qu’on fuyait comme une pestilence, et qui se disséminaient de James Bay au Lac Athabasca, témoignaient du droit de péage qu’exigeait sur son passage le fléau.[6]

Souvent, dans leurs courses vagabondes, Kazan et Louve Grise avaient rencontré de ces petits tertres funèbres, et un mystérieux instinct, qui dépassait l’entendement humain, leur disait, sans le secours d’aucun sens, que la mort était là-dessous. Peut-être aussi, surtout Louve Grise, que sa cécité rendait plus sensible aux effluves de l’air et du sol, percevaient-ils directement ce que des yeux ne pouvaient voir.

Toujours est-il que ce fut Louve Grise qui discerna la première, la présence de la Terreur Rouge.

En sa compagnie, Kazan explorait une ligne de trappes, qu’il venait de découvrir. La piste qui l’y avait amené était ancienne. Personne, depuis un assez grand nombre de jours, n’était passé là. Dans une première trappe, abritée par d’épais sapins, ils trouvèrent un lapin à demi putréfié. Dans une autre était une carcasse de renard, récurée à fond par un hibou, qui avait laissé quelques plumes derrière lui. La majeure partie des pièges étaient détendus. D’autres étaient recouverts de neige. Vainement Kazan furetait de trappe en trappe, afin de trouver un gibier vivant à dévorer.

À côté de lui, la louve aveugle sentait la Mort présente. Elle la sentait frissonner dans l’air, au-dessus d’elle, sur les faîtes des sapins. Elle la découvrait dans chacune des trappes qu’elle et Kazan rencontraient La Mort, celle de l’homme, était partout. Et, à mesure qu’ils allaient, elle gémissait davantage, en mordillant le flanc de Kazan, qui trottait toujours de l’avant.

Tous deux arrivèrent ainsi à une clairière, où s’élevait une cabane. Cette cabane était celle d’Otto, le chasseur de fourrures.

Louve Grise s’arrêta devant et, s’asseyant sur son derrière, leva vers le ciel gris sa face aveugle. Puis elle jeta une longue plainte. Alors les poils de Kazan commencèrent à se hérisser tout le long de son échine. Il s’assit à son tour et joignit à celui de Louve Grise sa hurle à la Mort.

La Mort était en effet dans la cabane. Au sommet de celle-ci se dressait une perche, faite d’un jeune sapin, au bout de laquelle flottait une bande de cotonnade rouge. C’était le drapeau avertisseur de la Mort Rouge, dont, de James Bay au Lac Athabasca, tout le monde connaissait bien la signification.

Le trappeur Otto, comme des centaines d’autres héros du Northland, avant de se coucher pour mourir, avait arboré le funeste signal.

Cette même nuit, sous la froide clarté de la lune, Kazan et Louve Grise reprirent leur course et s’éloignèrent de la cabane.

De factorerie en factorerie passaient les funèbres messagers de mort. L’un d’eux, qui venait du Lac du Renne et avait longé le Lac Wollaston[7] arriva, en traversant sur la glace le Lac Athabasca, au Poste du Fond-du-Lac.

— La Mort Rouge, disait-il, a contaminé les Indiens, eux aussi, depuis les riverains de la Baie d’Hudson jusqu’aux Crées et aux Chippewas, entre les Forts Albany et Churchill. Mais, je vais plus loin, vers l’ouest, porter la nouvelle.

Trois jours plus tard, un second messager arriva du Fort Churchill, porteur d’une lettre officielle de l’agent principal, avertissant les gens du Poste du Fond-du-Lac qu’ils eussent à se préparer sans retard, pour la Mort Rouge.

L’homme qui reçut la lettre devint, en la lisant, plus blême que le papier qu’il tenait entre ses doigts.

— Ceci, dit-il, signifie que nous devons creuser des tombes ! Ce sont les seuls préparatifs utiles qu’il y ait à faire !

Il lut la lettre à haute voix et tous les hommes valides furent désignés pour aller prévenir, sur le territoire du Poste, tous les camarades épars dans les forêts.

On se hâta de harnacher les chiens. Sur chaque traîneau qui partait, on déposait outre les médicaments usuels, un rouleau de cotonnade rouge, dont seraient faits les lugubres signaux de pestilence et d’horreur, et qui mettait de violents frissons aux mains des hommes qui le chargeaient.

Louve Grise et Kazan rencontrèrent la piste d’un de ces traîneaux, sur la glace du Fleuve du Castor-Gris, et tous deux la suivirent durant un demi-mille. Le lendemain, ils tombèrent sur une seconde piste, et, le surlendemain, sur une troisième.

Celle-ci était toute récente et Louve Grise gronda plus fort, les crocs découverts, comme si un objet invisible l’avait piquée. En même temps, le vent apportait au couple une âcre odeur de fumée.

Kazan et Louve Grise grimpèrent sur un monticule voisin. Ils aperçurent de là, au-dessous d’eux, une cabane qui brûlait, tandis qu’un traîneau attelé de chiens disparaissait parmi les sapins, avec l’homme qui le conduisait. Dans la cabane il y avait un autre homme, mort du terrible fléau, et qui flambait avec elle. Telle était la loi du Nord.

Devant le bûcher funèbre Louve Grise demeurait plus rigide qu’un roc, tandis qu’un gémissement roulait dans la gorge de Kazan, Puis, soudain, ils prirent, la fuite, comme s’ils avaient eu eux-mêmes le feu au derrière, et ne s’arrêtèrent que dix milles au delà, sur un marécage glacé, où ils s’enfouirent dans la végétation drue et touffue qui le recouvrait.

Les jours et les semaines qui suivirent achevèrent de marquer l’hiver de 1910 comme un des plus terribles de toute l’histoire du Northland. La Terreur Rouge, le froid et la famine firent à ce point pencher la balance de la mort, tant pour Les bêtes sauvages que pour les humains, que ce chapitre ne sera jamais oublié, même des générations à venir.

Kazan et Louve Grise avaient, parmi le marais, trouvé une demeure confortable dans le tronc creux d’un arbre tombé. C’était un petit nid fait à souhait, et bien abrité de la neige et du vent. Louve Grise, qui l’avait découvert, en prit possession la première et s’y étala sur son ventre, en haletant de satisfaction. Kazan y entra après elle.

Ils continuèrent à vivre sur les lapins blancs et sur les perdrix de sapins. Kazan surprenait les perdrix lorsque ces oiseaux se posaient sur le sol. Il bondissait sur eux avant qu’ils l’eussent entendu s’approcher.

Louve Grise avait cessé de s’affliger de sa cécité, de se frotter les yeux avec ses pattes et de pleurnicher pour la lumière du soleil, pour celle de la lune dorée et des étoiles. Son ouïe et son odorat s’affinaient de plus en plus. Elle pouvait sentir, dans le vent, un caribou à deux milles de distance et, à une distance supérieure, deviner la présence d’un homme. Par une nuit calme, elle percevait le clapotis d’une truite dans un torrent, à un demi-mille. Son aide était, à la chasse, devenue précieuse pour son compagnon. C’était elle qui flairait le gibier et indiquait sa présence à Kazan qui, sur ce point, s’en reposait, maintenant, entièrement sur elle. Elle avait bien essayé aussi de prendre, malgré sa cécité, la poursuite des bêtes qu’elle faisait lever. Mais toujours elle avait échoué.

Les circonstances spéciales où tous deux se trouvaient les avaient accouplés non plus, seulement pour la saison des amours, mais pour toujours. Tandis que Kazan, dans ses chasses, ne pouvait plus se passer de Louve Grise, Louve Grise avait facilement déduit de sa cécité que sans Kazan elle périrait.

Son compagnon, pour elle, signifiait la vie. Aussi ne cessait-elle de le caresser et d’en prendre soin. Si Kazan grondait vers elle, dans un accès d’humeur, elle ne répondait point par un coup de dent, mais baissait humblement la tête. De sa langue tiède, elle faisait fondre la glace qui, lorsqu’il rentrait, s’était formée sous les poils, entre les griffes de Kazan.

Un jour où il s’était enfoncé un éclat de bois dans la plante d’une de ses pattes, elle ne cessa de lécher la blessure, pour la faire saigner et tirer dehors l’écharde douloureuse. Toujours, quand ils étaient au repos, elle posait sa belle tête aveugle sur le dos ou sur le cou de Kazan.

Le petit gibier abondait autour d’eux et il faisait chaud dans le tronc de l’arbre. Rarement ils s’aventuraient, même pour chasser, hors des limites du marais hospitalier. Tout là-bas, parfois, dans les vastes plaines et sur les crêtes lointaines, ils entendaient bien le cri de chasse des loups, sur la piste de la viande. Mais ils ne frissonnaient plus à l’appel de la horde et le désir de les rejoindre n’était plus en eux.

Comme un jour, ils avaient poussé leur course un peu plus loin que d’ordinaire, ils traversèrent une plaine sur laquelle un incendie avait passé, l’été précédent, grimpèrent sur une crête qui se trouvait devant eux, puis redescendirent vers une seconde plaine.

Là, Louve Grise s’arrêta, pour humer l’air. Kazan l’observa, attentif et nerveux, durant quelques instants, comme il en avait coutume. Mais, presque aussitôt, il comprit pourquoi les oreilles dressées de Louve Grise se rabattaient brusquement et lui-même sentit s’affaisser son train d’arrière. Ce n’était point un gibier qui était proche. C’était une autre odeur, celle de l’homme, qui avait frappé leurs narines.

Les deux bêtes parurent hésiter durant quelques minutes. Louve Grise était venue se mettre derrière Kazan, comme sous sa protection, et se plaignait. Kazan ouvrit la marche.

À une distance de moins de trois cents yards, ils arrivèrent à un boqueteau de petits sapins et y trouvèrent un « tepee »[8] enfoui presque entièrement sous la neige.

Il était abandonné. La vie et le feu s’en étaient retirés. C’est de là que venait l’odeur de l’homme.

Les pattes raides et le poil frémissant, Kazan s’approcha de l’ouverture du tepee. Il regarda intérieurement. Au centre de la cabane, sur les cendres carbonisées d’un feu, gisait, enveloppé dans une couverture à demi consumée, le corps d’un petit enfant indien. Kazan pouvait voir les pieds minuscules, chaussés de menus mocassins. Le corps était comme desséché et c’est à peine si l’odorat pouvait en sentir la présence.

Kazan sortit sa tête du tepee et aperçut, derrière lui, la louve aveugle qui promenait son nez autour d’un tertre allongé, dont la forme étrange se dessinait encore sous la neige. Elle en fit trois fois le tour, avec défiance, puis s’assit sur son derrière, à quelque distance.

À son tour, Kazan s’approcha du tas et renifla. Sous cette forme qui bombait dans la neige, tout comme dans le tepee, était la mort. Le fléau rouge était venu jusqu’ici.

La queue basse et les oreilles aplaties, le couple s’éloigna, rampant sur son ventre, jusqu’à ce que le boqueteau de sapins eût disparu. Kazan et Louve Grise ne s’arrêtèrent que dans leur « home » du marais.

Au cours de la nuit suivante, la pleine lune leur apparut sous l’aspect d’un disque blafard, dont le bord était nimbé d’un cercle cramoisi. C’était signe de froid, de froid intense.

Toujours la Mort Rouge allait de pair avec les grands froids. Et plus la température s’abaissait, plus les ravages de l’épidémie étaient terribles.

Durant toute la nuit, le froid ne fit qu’augmenter. Il pénétra jusqu’au cœur de l’arbre où gîtaient Kazan et Louve Grise, et les fit se tasser plus étroitement l’un contre l’autre,

À l’aube, qui apparut vers huit heures du matin, les deux bêtes se risquèrent à sortir de leur retraite. Un thermomètre eût marqué cinquante degrés sous zéro. Dans les ramures des sapins, les perdrix étaient recroquevillées sur elles-mêmes, en boules de plumes, et elles n’avaient garde de descendre sur le sol. Les lapins bottés de neige demeuraient enfouis au plus profond de leurs terriers.

Kazan et Louve Grise ne purent relever aucune piste et après une demi-heure d’une chasse stérile, s’en retournèrent vers leur arbre.

Deux ou trois jours avant, Kazan avait enterré sous la neige, comme font souvent les chiens, la moitié d’un lapin inachevé. Il le déterra et partagea avec Louve Grise la chair gelée.

Le thermomètre, durant la journée, continua à baisser. La nuit qui suivit fut claire et sans nuages, avec une lune blanche, pareille à un globe électrique, et des myriades de brillantes étoiles. La température tomba encore de dix autres degrés et, dans la nature, tout acheva de s’immobiliser. Même les bêtes à fourrure, le vison, l’hermine et le lynx lui-même, ne sortaient jamais de leurs refuges durant des nuits semblables, et toujours les trappeurs retrouvaient, le lendemain, tous leurs pièges intacts.

La faim qu’ils éprouvaient était insuffisante encore pour tirer Louve Grise et Kazan de leur retraite. Ils demeurèrent, jusqu’au jour, au chaud dans leur arbre, et firent bien. Car ils n’eussent pas rencontré dehors la moindre bestiole.

Le jour apparut, sans aucun changement dans le redoutable froid qui sévissait. Vers midi, Kazan, laissant Louve Grise dans l’arbre, se décida à aller seul en chasse.

Les trois quarts de chien qu’il avait dans le sang lui rendaient la nourriture plus nécessaire qu’à sa compagne. À celle-ci, au contraire, comme à tous ses frères loups, la prévoyante nature avait donné un estomac susceptible de supporter la famine. En temps normal, elle pouvait facilement demeurer une quinzaine sans manger. Par soixante degrés sous zéro, alors que la déperdition des forces est plus rapide, elle pouvait encore tenir à jeun pendant huit ou dix jours. Or trente heures seulement s’étaient écoulées, depuis qu’elle avait terminé le dernier morceau du lapin gelé, et elle préférait rester dans sa chaude retraite.

Kazan donc, qui avait faim, se mit à battre tous les buissons, à fouiller tous les fourrés. Une neige légère, presque un grésil, en menus grains, était tombée et il ne découvrit qu’une seule piste, celle d’une hermine, qu’il ne put rejoindre.

Sous un arbre mort, à l’ouverture d’un terrier, il flaira la bonne odeur d’un lapin. Mais le lapin était aussi en sûreté au fond de son trou que les perdrix sur les branches des arbres. Après une heure passée à gratter le sol gelé et à tenter vainement de le creuser des griffes, Kazan abandonna la partie.

Lorsqu’il revint vers Louve Grise, après trois heures de chasse, il était à bout de forces. Tandis que sa compagne, avec le sage instinct de conservation du Wild qui était en elle, avait épargné son énergie vitale. Kazan s’était inutilement dépensé et il avait plus faim que jamais.

Lorsque la nuit fut revenue et que la lune remonta au ciel, claire et brillante, Kazan se remit en chasse. Par de petits gémissements et par de faux départs, suivis de retours sur ses pas, il avait tenté encore d’entraîner Louve Grise avec lui. Mais, les oreilles obliquement repliées vers ses yeux aveugles, elle s’obstinait non moins tenacement à ne point bouger.

La température dégringolait toujours. Elle atteignait dans les soixante-cinq à soixante-dix degrés, aggravée par un vent coupant et de plus en plus violent, qui en était le résultat. Un être humain qui aurait essayé de se tenir dehors fût tombé mort

À minuit, Kazan dut renoncer, une fois de plus, et regagner le gîte.

Les tourbillons du vent se faisaient plus brutaux et, grimpé sur son arbre mort, Kazan éclata en gémissements funèbres, en salves, alternées de silences, d’un chant perçant et farouche, qui retentissait au loin. C’était le signe précurseur de l’ouragan du Nord qui, depuis l’Arctique, accourait sur les grands Barrens.


Avec l’aube, il se déchaîna dans toute sa furie. Kazan et Louve Grise serrés l’un contre l’autre, en frissonnaient, dans l’infernal vacarme. Kazan, un moment, tenta de hasarder dehors sa tête et ses épaules, il fut repoussé en arrière.

Tous les animaux du Wild, tout ce qui y possédait vie, se tapit davantage encore dans ses refuges. Les bêtes à fourrures étaient celles qui avaient le moins à redouter de la violence et de la durée de ce cataclysme atmosphérique. Car au fond de leurs tanières elles entassent précautionneusement des vivres, durant la belle saison.

Les loups et les renards étaient blottis sous les arbres renversés ou dans les antres des rochers. Les choses ailées s’abritaient tant bien que mal dans les ramures de sapins ou se creusaient de petits silos dans les dunes de neige, du côté opposé au vent. Les hiboux, qui sont tout en plumes, de tous les oiseaux étaient ceux qui souffraient le moins du froid. Mais c’était pour les grosses bêtes à cornes et à sabots que l’ouragan du Nord était le plus calamiteux.

Le renne, le caribou et l’élan ne pouvaient, étant donné leur taille, se glisser aux fentes des rochers. Le mieux qu’ils pussent faire, quand ils étaient surpris en rase plaine, était de se coucher sous le vent de quelque dune neigeuse, et de se laisser couvrir entièrement par les blancs flocons et par leur carapace protectrice. Mais encore ne pouvaient-ils demeurer longtemps dans l’abri de cet ensevelissement volontaire. Car il leur fallait manger, Dix-huit heures durant, sur vingt-quatre, les mâchoires de l’élan doivent fonctionner, pendant l’hiver, pour qu’il ne meure point de faim. Son vaste estomac exige la quantité et doit engloutir sans trêve ; c’est deux ou trois boisseaux de nourriture journalière qu’il lui faut. Et le travail est long de grignoter au faîte des buissons, un pareil cube de brindilles et de pousses encore tendres. Le caribou exige presque autant. Le renne est, des trois, le moins difficile à satisfaire.

Trois jours et trois nuits durant, l’ouragan fit rage. Pendant la troisième nuit, le vent s’accompagna d’une grosse neige drue, qui recouvrit le sol d’une épaisseur de deux pieds et s’amoncela en énormes dunes. C’était ce que les Indiens appellent « la neige lourde », c’est-à-dire la neige qui, sur la création, s’étend comme une chape de plomb, et sous laquelle lapins et menues bestioles suffoquent par milliers. Le quatrième jour, Kazan et Louve Grise se risquèrent à sortir de leur gîte. Le vent avait cessé et la neige ne tombait plus. Un blanc linceul, immense, infini, recouvrait le monde entier du Northland. Le froid était toujours intense.

Comme la Mort Rouge avait accompli ses ravages sur les hommes, les jours de famine, qui allaient les décimer, étaient maintenant arrivés pour les bêtes sauvages.

  1. En français dans le texte.
  2. En français dans le texte.
  3. En français dans le texte.
  4. La Compagnie de la Baie d’Hudson (Hudson’s Bay Company) entretient dans tout le Northland, et jusque dans les régions arctiques, des postes et des factoreries.
  5. La Terreur Rouge.
  6. James Bay, ou la Baie James, forme le creux le plus méridional de la Baie d’Hudson. Le Lac Athabasca est situé à un millier de kilomètres nord-ouest, entre le 60e degré et le Cercle Arctique. C’est sur la rive nord de l’Athabasca que se trouve la région dénommée le Fond-du-Lac.
  7. Le Lac du Renne et le Lac Wollaston sont situés au sud du Lac Athabasca, ainsi que les Forts Albany et Churchill.
  8. Case indienne.