L'Île Ste. Hélène. Passé, présent et avenir/Histoire

La bibliothèque libre.


HISTOIRE.


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.


Comme ses sœurs ainées, les îles Britanniques dans la Manche ; les Açores dans l’Atlantique ; l’Archipel Grec dans la Méditerrannée ; les Phillipines dans l’Océan Indien ; les Sandwich dans le Pacifique ; l’île Ste. Hélène a aussi son Histoire, sa Flore et sa Faune.

Au triple point de vue géologique, zoologique et botanique, c’est un univers minuscule riche de trésors et de merveilles. Au point de vue géographique, une des millionièmes parties du monde, laquelle possède ses chaines de montagnes, sa ligne de partage des eaux, ses caps, ses golfes, ses détroits, ses plaines, ses vallées, ses lacs et ses rivières, tout comme le plus vaste de nos continents.

Si nulle tribu Indigène, nulle peuplade autochtone ne l’habite aujourd’hui, l’on ne peut jurer que certains vestiges ne révèlent un jour l’existence des habitants primitifs de l’île.

En attendant cette découverte, ce sol, qui vit tomber sous la flèche d’un ennemi embusqué dans ses taillis le corps de maints braves guerriers, prête maintenant ses pelouses et ses bosquets aux pacifiques promeneurs de la ville ; et ce bois dont les échos répétèrent souvent le cri de guerre des féroces Iroquois, ligués contre Montréal enfant, retentit aujourd’hui des éclats de la joie bruyante des pics-nic et des rires sonores des bambins roses et joufflus. Accompagnés de leurs mères ou de leurs nourrices, tout ce monde, petits et grands, s’ébattent de compagnie et font la dînette dans l’herbe fraîche et haute.

Au lieu des crânes sanglants qui servirent de coupes pour boire le sang chaud de chefs redoutés, des os à demi-calcinés d’un festin de guerre, on ne trouve dans les buissons que les restes et les ustensiles de repas champêtres : bouteilles, verres brisés, boîtes de conserves éventrées, carcasses de poulets, os de gigot et de jambons.


Son Passé.

L’histoire de l’île Ste. Hélène ne se perd point « dans la nuit des temps, » ainsi que celle de certaines villes mystérieuses de l’Égypte ou de la Chaldée ; elle est, au contraire, contemporaine du berceau de la colonie. En tant que science historique, le fait manque peut-être d’originalité, mais il y gagne en certitude, et quel que soit notre désir de poétiser l’origine de cette île, devenue parc municipal, nous ne pouvons remonter plus haut qu’à la découverte de l’Amérique.

Inutile donc de prévenir le lecteur que l’île Ste. Hélène n’eût jamais rien de commun avec celle de Calypso.

Bien loin qu’un Ulysse moderne ait été retenu là par les charmes d’une Déesse, et ait oublié dans les délices de ce séjour une épouse fidèle, ce fut au contraire à l’amour conjugal que l’Île dût son baptême.

Champlain, l’illustre fondateur de la colonie, devint le premier propriétaire de l’île, qu’il paya en beaux et bons deniers, provenant de la dot de sa femme, Hélène Boulé.

Par une reconnaissance aussi galante que juste, le nouvel acquéreur ne trouva rien de mieux que de donner à sa propriété le nom patronymique de sa compagne : de là le nom d’île Ste. Hélène. Ceci se passait dans les premières années du dix-septième siècle, en 1620, lors du troisième voyage de Champlain au Canada.

Cette Hélène Boulé, qui avait épousé, à l’âge de treize ans, le Sieur de Champlain avait vingt-deux ans lorsqu’elle arriva dans la colonie. À la mort de son mari, elle retourna en France et s’éteignit à Meaux, dans un couvent qu’elle avait fondé. Tel fut le sort de celle à qui l’île Ste. Hélène doit son nom.

Plus tard, en 1688, et après des mutations dont la chronique locale ne mentionne aucune trace, l’île devint partie intégrante de la concession faite par le Roi à Charles Lemoine, qui fut en même temps anobli sous le titre de Sieur de Longueil.

Ce fut lui qui construisit sur l’île une maison avec dépendances qu’on décora du titre de manoir.

Ce Charles Lemoine, homme de talent et d’exécution, à ce que disent les récits du temps, était arrivé dans le pays en qualité d’interprète ; il s’établit à Montréal en 1650, et s’y maria en 1654. Il eut quatorze enfants, dont sept, du plus haut mérite, ont été surnommés les Machabées Canadiens. Voici les noms de ces héros qui, à des titres divers, illustrèrent leur famille : d’Iberville, de Longueil, Ste. Hélène, de Maricourt, François de Bienville, Sérigny, Louis de Châteauguay, Jean-Baptiste de Bienville.

Sainte-Hélène, né en 1659, celui dont le surnom suffirait, à défaut de prénom de la femme de Champlain, à baptiser glorieusement notre petite île, prit une part active aux expéditions de son frère d’Iberville. La prise des forts Monsipi, Rupert, Kichichouane, divers combats sur mer, ont associé sa renommée à celle de son frère, d’Iberville, dont les exploits à la Baie d’Hudson sont demeurés légendaires.

Ce brave Ste. Hélène est le même qui, au siège de Québec par l’amiral Phipps, en 1690, abattit du premier coup de canon tiré de la citadelle, le pavillon du vaisseau amiral. Quelques jours après, Ste. Hélène tombait frappé à mort, dans une sortie poussée jusqu’à la Canardière.

Le titre du deuxième propriétaire de l’île se transmit à sa descendance, et finalement au colonel Grant de Blairfindie, qui épousa la dernière Baronne de Longueil.

Celle-ci vivait encore, il y a quelque trente ans, et habitait là une sorte de résidence quasi-seigneuriale dont on n’aperçoit plus aujourd’hui, à la partie orientale de l’île et dominant la vallée St. Jean-Baptiste, que les murs en ruines. Les jardins de l’habitation étaient magnifiques, pour le temps, et jouissaient d’une grande réputation.

Le mari de la noble dame, le Baron Grant, à qui elle survécut, avait construit de son vivant, près de la pointe nord, nommée alors l’Éperon, des moulins que les anciens du pays se rappellent encore.

Il a fallu que de profonds changements se soient opérés dans le lit du fleuve, car le rapide écumeux qui faisait mouvoir les grandes roues hydrauliques, n’existe plus.

À propos de cette baronne de Longueil, dernière du nom, une anecdote.

Malgré ses deux ou trois quartiers de noblesse, la bonne dame, qui avait toujours pratiqué une des vertus les plus chères à la bourgeoisie, l’économie, était devenue, en vieillissant, quelque peu bizarre. Ainsi pour ne point laisser perdre l’herbe et les baies des arbustes qui couvraient alors l’îlot situé vis-à-vis l’île Sainte-Hélène, elle y plaça des porcs en si grand nombre que les deux propriétés en furent bientôt infestées, et que l’îlot prit à cette époque le nom, qu’il n’a cessé de porter depuis, d’île aux gorets !

En ville, le cheval de la Baronne fut durant quelque temps aussi célébre que le Bucéphale d’Alexandre. Voici comment advint cette réputation. Obéissant à ses idées d’économie, la dame de Longueil avait attelé à sa voiture aux formes préhistoriques, un vieux cheval d’allures plus que tranquilles, et qui, pendant plus de quinze ans, avait été au service d’un boulanger.

Les gamins d’alors, à seule fin de rire un peu et de faire endiabler la Baronne, ne manquaient jamais en rencontrant l’attelage de le faire arrêter dix ou douze fois dans la même rue. Il leur suffisait pour cela de crier Bread ! À ce mot magique, l’animal, fidèle à ses anciennes habitudes, s’arrêtait court, et ni le fouet, ni les hue ! ne l’eussent fait avancer. Madame la Baronne se trouvait obligée de descendre, et ce n’était qu’une fois remontée que le quadrupède se remettait en marche. À quelques pas plus loin, les enfants — cet âge est sans pitié — criaient de nouveau Bread ! et la scène se renouvelait au milieu des éclats de rire des passants et des voisins.

Durant tout le cours du 17ième siècle, aucun ouvrage fortifié ne fut élevé sur l’île. Les récits du temps nous apprennent bien que Montréal s’entoura plusieurs fois de murailles et de forts, afin de se défendre contre les attaques des Iroquois, mais il n’est jamais fait mention de points fortifiés sur l’île Ste. Hélène.

Dans les archives, cartes, plans, qui ont été consultés en France jusqu’à ce jour, il ne se trouve rien non plus indiquant même l’existence d’un simple ouvrage de terre.

Le seul document que l’on possède pour éclairer ce point obscur de l’histoire de l’île, c’est un vieux plan déposé à Ottawa, que l’on regarde comme datant de 1759 ou 1760, et où se voit une espèce de fortin. Cette redoute située à la partie méridionale de l’île, ne pouvait commander que la ville et le bassin en amont.

Comme entre les années 1755 et 1760, Montréal avait été plusieurs fois menacé de se voir assiégé par des forces venant du côté de la Prairie, peut-être cet ouvrage est-il un reste d’anciennes fortifications passagères établies durant l’une de ces époques critiques.

Quoi qu’il en soit la version la plus accréditée est celle attribuant ces travaux au chevalier de Lévis qui, dans des circonstances à jamais mémorables, passa là plusieurs semaines.

On apperçoit encore les ruines de ces ouvrages à l’extrémité de l’allée de Lévis, sur une terrasse où une batterie d’obusiers brille au grand soleil, comme ennuyée de sa solitude et de son inaction.

Notre hypothèse demeure non seulement la plus vraisemblable, car une batterie établie sur l’île, en face de la baie d’Hochelaga, pouvait causer de sérieux dommages à la flotte anglaise qui aurait tenté de remonter le courant, mais elle a pour elle le souvenir d’un des épisodes les plus dramatiques qui termina, sur ce modeste îlot, les désastres d’une campagne où la défaite fut, de l’avis de tous, aussi glorieuse que la victoire.

Voici comment les choses se passèrent. Le vainqueur de la bataille de Ste. Foye, le chevalier de Lévis, ayant été forcé d’abandonner le siège de Québec, à la suite de secours arrivés d’Angleterre, venait d’atteindre Montréal avec le reste de ses troupes.

Le surlendemain de son arrivée, trois corps d’armée anglais opéraient leur jonction à quelques lieues de Montréal. Devant la supériorité de ces forces, plus de 20,000 hommes, M. de Vaudreuil, le commandant en chef, réunit un conseil de guerre, et après une longue délibération, on se résolut à capituler, la lutte devenant une suprême folie.

Les termes de la capitulation furent acceptés ; moins un pourtant : les honneurs de la guerre pour les troupes françaises.

À ce refus, le chevalier de Lévis, saisi d’une noble indignation, ne voulut rien entendre, et suivi de ses braves compagnons, environ deux mille hommes, se retira sur l’île Ste. Hélène, disposé à faire payer cher au vainqueur ses exigences. En son nom et au nom de sa petite armée, il protesta contre un refus injurieux pour l’honneur militaire.

Les conseils de son chef M. de Vaudreuil réussirent à la fin et le décidèrent à une obéissance qui, dans les circonstances, devenait une malheureuse mais fatale nécessité. La reddition des armes devant s’opérer le lendemain, le chevalier de Lévis convoqua ses troupes pour une heure assez avancée de la soirée.

C’était par une nuit humide et froide de la fin de septembre ; de gros nuages gris, fouettés par la bise d’automne, ondulaient comme une houle sur le ciel, dont on apercevait parfois un pan étoilé à travers les déchirures des nuées ; de blanches vapeurs commençaient à monter du fleuve. Au loin, vers St. Lambert et Montréal, l’éclat de certaines lueurs piquaient le voile de brume de taches jaunâtres : c’étaient les feux des Grands Gardes des camps anglais.

De grandes masses noires, coupées par intervalle d’éclairs intermittents, se meuvent dans l’ombre et déroulent leurs longs anneaux dans les fourrés du bois, pour marcher ensuite d’un pas lent et cadencé sur la route principale de l’île : ce sont les régiments qui défilent par compagnie, et les épées nues des chefs dont la lame brille sous un rayon de lune.

Tout à coup un roulement de tambour, roulement prolongé, retentit dans les ténèbres ; un autre lui succède, suivi de sons mats, secs et sourds ; chaque coup de baguette ressemble à un sanglot ; cela frappe l’oreille mais tombe sur le cœur.

Le dernier peloton vient de se former à la gauche de l’armée. Les troupes sont rangées en ordre de bataille. En avant de leur front, un vaste brasier où flambent des troncs d’arbres, éclaire les mâles figures d’un groupe d’officiers, au milieu desquelles se détache pâle et crispé le visage du chevalier de Lévis.

Au mouvement décrit par l’épée du commandant en chef, les tambours de toutes les compagnies éclatent à la fois, comme un coup de tonnerre ; puis les roulements diminuent, s’affaiblissent, pour moduler ces gémissements lugubres et sourds au milieu desquels les fifres jettent, semblables à des cris plaintifs, des notes entrecoupées et stridentes.

À ce moment, trois hommes sortent des profondeurs des rangs et se dirigent vers le brasier ; ce sont les porte-étendards de chacun des régiments. Tous trois tiennent d’une main ferme, mais le front incliné, la hampe du drapeau dont les plis, déchiquetés par la mitraille, retombent en lambeaux.

À un second signal de l’épée du chevalier de Lévis les officiers abaissent vers le feu, qui fait son œuvre, l’image de la France militaire.

Pendant que s’accomplit cet holocauste de l’honneur, les tambours battent aux champs, les troupes présentent les armes, les officiers saluent de l’épée ; on dirait l’éclat d’une parade à St. Germain, sous les regards du roi. Puis, lorsque la dernière fleur de lys eût crépité, lançant vers le ciel, sous forme de larmes de feu, une suprême protestation, un cri, un seul, formidable rumeur, jaillit à la fois de toutes ces poitrines : Vive la France !! Et les échos du rivage voisin répétèrent : Vive la France !!

Le chevalier de Lévis venait de brûler ses drapeaux plutôt que de les rendre à l’ennemi.

Tout était perdu pour la France au Canada, tout, « ſors l’honneur, » comme l’avait écrit jadis de Pavie le plus chevaleresque des Valois.

Vers 1807, la guerre menaçant d’éclater entre les États-Unis et l’Angleterre, celle-ci acheta de la famille de Longueil l’île Ste. Hélène, et y établit des ouvrages de défense, dont deux blockaus ou redoutes en bois, avec une couverture susceptible de porter de forts canons. Ces constructions, aux murs percés de meurtrières, commandent la baie d’Hochelaga.

Un de ces fortins, qui existe encore sur le mont Wolf, ayant servi de poste d’observation durant la première invasion fénienne, est connu sous le nom de Fenian Post.

À la même époque, on éleva aussi aux lieux où ils existent encore une caserne, une poudrière, un magasin militaire, des ateliers, quelques cottages destinés aux logements des officiers, le tout à grands frais.

Un peu plus tard, on construisit une prison militaire qui fut détruite par l’incendie en 1848.

Au moment de la catastrophe, qui survint au mois de décembre, alors que le fleuve charriait d’énormes glaçons, un nommé Médar Dufresne, aujourd’hui pensionné du gouvernement, qu’il a servi trente-quatre ans en qualité de convoyeur à l’île, reçut l’ordre de faire traverser le fleuve à quarante prisonniers militaires chassés par l’incendie.

Échapper aux flammes pour tomber au milieu des banquises, c’était vraiment purger sa détention, quelque méritée qu’elle fût. Le brave homme nous a raconté que, plusieurs fois, pendant cette périlleuse traversée, il dût son salut au dévouement des prisonniers qu’il transportait, car les glaces faillirent faire chavirer l’embarcation. Ainsi ce furent les détenus qui sauvèrent leur gardien.

Le surveillant en chef de cette prison était un nommé W. Nigth, que l’on décorait du titre pompeux de Gouverneur.

Son château réduit en cendres, le même personnage resta logé dans l’île jusqu’à ces années dernières, en qualité de gardien général des magasins militaires.

À partir de cette prise de possession, l’île devint une espèce d’apanage de la couronne, de fief militaire ; les pique-niques, les parties de pêche et de chasse, les promenades au clair de la lune furent interdits ; on éleva sous le nom de magasins militaires, de casernes, ces constructions massives sous les voûtes desquelles s’entassaient les poudres, le matériel de l’artillerie : affûts, canons, boulets, obus, etc., etc.

Une petite garnison composée d’un état-major fixe et d’un détachement d’un des corps stationnés à Montréal, veillait nuit et jour sur les trésors confiés à sa garde.

Chaque année, depuis cette époque et jusqu’en 1870, le régiment anglais en garnison à Montréal, envoyait successivement chacune de ses compagnies camper dans l’île. Elles s’exerçaient là au tir à la carabine ; et, par ce changement d’air et de régime, se refaisaient une vigueur nouvelle.

L’île Ste. Hélène a vu jusqu’à deux régiments étendre les blancs pavillons de leurs tentes sur ses tertres reverdis.

S. A. R. le Prince Arthur, durant son stage d’officier, y a passé quinze jours avec sa compagnie. Une petite flottille d’embarcations, appartenant au Commissariat anglais, servait au transport des troupes et des approvisionnements de toute espèce. Quant au service des postes, c’est notre chaloupier et sauveteur bien connu de Montréal, Joe Vincent, qui, entrepreneur du contrat, remplissait les fonctions de facteur quotidien, et cela quelque temps qu’il fit.

À la suite du retrait des troupes anglaises



du Canada, l’île fit retour au gouvernement canadien et continua à servir de principal dépôt d’armes, etc., pour l’usage de la milice volontaire des districts Nos. 5 et 6, dont les quartiers-généraux réunis sont établis à Montréal.

À la fin de l’été de 1870, les deux compagnies de dépôt organisées, au printemps, pour le service de l’expédition de la Rivière-Rouge, n’étant plus requises pour cet objet, furent envoyées tenir garnison l’une à Kingston, l’autre à l’île Sainte-Hélène.

L’année suivante, un détachement des artilleurs volontaires de la Batterie « B », de Québec, prenait possession de la partie de l’île que le gouvernement militaire de la Puissance s’est réservée, partie qu’entoure une palissade assez haute, et derrière laquelle croissent les plus belles futaies du parc.

Le départ des troupes anglaises du pays lui fit perdre sa physionomie belliqueuse ; une partie du matériel fut transportée en Angleterre, l’autre vendue à l’encan ; les soldats s’embarquèrent, et sauf quelques vénérables canons préposés aux salves des fêtes officielles, ou aux saluts réglementaires accordés aux personnages, l’île n’a plus l’aspect d’un camp ou d’une forteresse, mais celui d’un bois tranquille et frais.

Jalouse de ses prérogatives, et redoutant pour Montréal nous ne savons trop quel siège fantastique dans l’avenir, l’administration militaire fit longtemps la sourde oreille aux demandes que notre conseil municipal ne cessait de lui adresser au sujet de cette localité, qu’il voulait transformer en jardin public. Les négociations aboutirent enfin, et le gouvernement fédéral consentit à donner à la ville l’usufruit de cet immeuble, quitte à réclamer son bien à la première alerte d’une invasion indo-chinoise.

Espérons que ce désastre, bien que possible, ne se réalisera point, et que Montréal deviendra, par droit de prescription, propriétaire d’une île aussi inutile à sa défense stratégique, qu’avantageuse aux plaisirs et à la santé de sa population.