L'Île Ste. Hélène. Passé, présent et avenir/Poésie

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À L’ÎLE STE. HÉLÈNE.


I


Séduisante naïade assise au seuil de l’onde,
Tu naquis en ces jours où Cybèle féconde,
Aux caresses du ciel livrant son large sein,
D’un nouvel univers concevait le dessein.
Comme un joyau de prix l’opulente Nature
Jeta sur tes attraits une verte ceinture ;
Et, depuis, fière, chaste, en ces atours nouveaux,
Tu mires ta beauté dans le cristal des eaux.


II


Aux premières rumeurs que le jour fait éclore,
Quand l’horizon s’empourpre aux baisers de l’Aurore,
Que sur chaque brin d’herbe un rubis tremblotant
Réfléchit la splendeur de l’azur éclatant.
Par un matin de Mai quelles grâces sauvages,
Quels agrestes parfums exhalent tes rivages !
Et comme ivre d’orgueil, à ton réveil jaloux,
Le St. Laurent t’étreint de ses bras forts et doux !

III


Vienne la canicule, aimable enchanteresse,
Vers tes sentiers fleuris tout Montréal s’empresse,
À l’heure où du zénith le brutal Messidor
Aux blonds épis des blés lance ses flèches d’or.
En tes halliers discrets où chuchote la brise,
Sur ta grève pierreuse où le flot vert se brise,
À de bruyants pic-nics, aux couples amoureux,
Tu verses la fraîcheur de tes massifs ombreux.


IV


Mais l’Automne est venue, émérite coquette,
Maquiller champs et bois des tons de sa palette :
Améthiste, topaze, émeraude, saphir,
C’est l’arc-en-ciel mobile au souffle du zéphir.
Sous tes bois sans écho, plus d’enfants frais et roses.
Plus de joyeux ébats, seuls des rêveurs moroses ;
Tes arbres frissonnants, sur tes gazons jaunis.
Voient leurs feuilles tomber : les beaux jours sont finis !

A. Achintre.


Montréal, 15 Mai 1876.