Légendes chrétiennes/Le bon Dieu, saint Pierre et saint Jean

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François-Marie Luzel
Légendes chrétiennes
Le Bon Dieu, Jésus-Christ et les Apôtres voyageant en Basse-Bretagne.



II


le bon dieu, saint pierre
et saint jean.


Un autre jour, ils voyageaient encore tous les trois ensemble. Il était environ deux heures de l’après-midi, et, comme ils n’avaient rien mangé depuis le matin, ils commençaient à avoir faim. Comme ils passaient devant une maison, au bord de la route, ils virent, près de la porte, une servante qui préparait de la pâte pour faire des crêpes.

— Entrons dans cette maison, et nous aurons des crêpes chaudes, dit saint Pierre.

Ils entrent dans la maison.

— Bonjour à vous tous, dans cette maison, bonnes gens, disent-ils.

— Et à vous pareillement, seigneurs.

— Nous sommes trois voyageurs qui marchons depuis le matin de bonne heure, et nous sommes fatigués, et nous avons faim ; seriez-vous assez bons pour nous donner quelque chose à mettre sous la dent ?

— Oui, de bon cœur, répondit la maîtresse de la maison ; asseyez-vous un instant ; la servante est à préparer la pâte pour faire des crêpes, et tout à l’heure, vous aurez de bonnes crêpes chaudes.

Si c’est la volonté de Dieu, serait bon à ajouter, je pense, dit notre Sauveur.

— Oh ! la pâte est prête, et il y aura bien certainement des crêpes, tout à l’heure, dit la servante.

— C’est bien, répondit notre Sauveur.

Et ils s’assirent tous les trois.

La servante mit alors deux trépieds sur la pierre du foyer, posa dessus deux poêles à crêpes et fit du feu dessous. Puis, elle prit le baquet qui contenait la pâte, pour l’approcher du foyer. Mais voilà que le baquet se défonce, et tout le contenu se répand par terre. Et la servante de s’exclamer, et la maîtresse de gronder !

— À présent, mes braves gens, dit celle-ci aux trois voyageurs, vous pouvez aller ailleurs chercher des crêpes, car pour ici, il n’y en aura pas, aujourd’hui.

— Si ! si ! il y en aura, grâce à Dieu, répondit notre Sauveur.

Et, du bout de son bâton, il toucha les morceaux du baquet épars sur l’aire de la maison, et aussitôt ils se rejoignirent, et le baquet se réconstitua comme devant, avec la pâte dedans, et cela au grand étonnement des assistants.

La servante put alors faire ses crêpes, et nos trois voyageurs en mangèrent de bon appétit, puis ils se remirent en route. Mais, avant de partir, notre Sauveur dit à la servante : — Et rappelez-vous, ma fille, qu’il est toujours bon de dire : S’il plaît à Dieu[1].





  1. Les paysans bretons ont sans cesse cette phrase à la bouche, quand ils expriment un désir ou un espoir.