L’Âge d’or/Acte II Premier tableau
ACTE II
Ier TABLEAU
Un paysage désert avec rochers. À droite, un amas de rochers plus grands masque une grotte invisible pour le public.
Scène première
Quel chien de temps,
Ah ! mes enfants !
Ça traverse,
Voire transperce.
C’est à dégoûter, vraiment,
Du beau métier de brigand.
Ad libitum
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Ce voyageur qu’on détrousse, Certes ! se la coule douce ! Soumis à son bon plaisir, On n’a pas idée, Nous attendions sous l’ondée Que Monsieur daigne venir. Ce voyageur qu’on détrousse Vraiment se la coule douce ! |
Quel chien de temps !
Etc., etc., etc.
Tous. — Voilà le chef ! Voilà Cartouche !
Cartouche. — C’est bien, mes enfants ! Vous êtes prêts ?…
Tous. — Oui, chef, oui !
Cartouche. — Chut ! Écoutez !… des claquements de fouet ! des grelots de chevaux. C’est la chaise !
Tous. — C’est la chaise !
Cartouche. — Allez ! Tous ! Dans les plis de terrain. Derrière les rochers !… Dissimulez-vous ! Et à mon signal, en avant !
Tous. — En avant !
Follentin, entrant, un mouchoir sur son chapeau haut de forme. — Eh bien ! Ça y est ! C’est la panne ! La panne au beau milieu de la campagne ! Avec des seaux d’eau sur la tête ! C’est un rêve !
Bienencourt, en postillon. — Excusez-moi, Monsieur le voyageur. Je suis désolé de l’accident. Mais les routes sont si mauvaises ! Et la nuit est si noire !
Follentin. — Bah ! Laissez donc, mon brave. Quoi ! Nous avons versé ! Eh ! bien, après ? Cela jette un peu d’imprévu dans le voyage ! Et comme c’est romanesque ! Voyager en chaise de poste, la nuit, avec un bel orage ! un orage Louis XV ! Ah ! Voilà une époque au moins ! J’avoue que j’en avais soupé, moi, de Charles IX ! Allez, mon ami, allez relever votre voiture et quand ce sera fait, vous viendrez me prévenir.
Bienencourt, sortant. — Oui, va toujours ! Va toujours !
Follentin. — Ah ! je crois que cette fois je le tiens ; mon âge d’or ! Ce que ma femme va être contente !… Ah ! nom d’un chien !… Ma femme ! Ma fille !… Mon Dieu ! j’ai oublié ma femme sous Charles IX !
Follentin. — Hein ? Qu’est ce que c’est ? Les grelots de la voiture !… (Il remonte au fond.) Mon Dieu ! Mais il a l’air de s’en aller ! Eh bien ! postillon ! postillon !…
Voix de Bienencourt. — Oui, mon vieux, cours après !…
Follentin. — Cette voix ! Bienencourt ! Bienencourt !
Follentin. — Hein ? Qu’est-ce que c’est que ça ?… (Un autre hullulement répond.) Mais c’est un signal ! Où m’a-t-il mené, mon Dieu ! Où m’a-t-il mené ! (Les brigands paraissent et le cernent.) Ciel !
Cartouche. — Emparez-vous de cet homme !
Follentin. — Au secours ! Au secours !
Cartouche. — Ficelez-le ! Bâillonnez-le !… (Les brigands le ficellent et le bâillonnent. Lutte. Pendant ce tumulte on entend une musique souterraine qui s’échappe de la grotte.) Et maintenant, rentrons !… Finies les affaires !… À mes devoirs de maître de maison ! Justement, c’est le jour de Madame Cartouche… (Il appuie sur un des rochers de droite qui s’ouvre et laisse voir une grotte meublée comme un salon très élégant. Meubles rares. Le tout très brillamment éclairé.)
Toutes les Dames. — Ah ! Monsieur Cartouche !
Cartouche. — Moi-même, Mesdames ! (Embrassant Madame Cartouche.) Bonsoir, ma chérie ! (Apercevant Madame Mandrin.) Ah ! Madame Mandrin ! Quelle charmante surprise ! Votre mari n’est pas venu ?
Madame Mandrin. — Non, il dîne ce soir chez le lieutenant de police. Il doit venir me chercher tout à l’heure
Cartouche. — Ah ! Je le verrai avec plaisir !
Madame Cartouche. — Mais comme tu viens tard, mon ami !
Cartouche. — Pardonne-moi, ma chère femme aimée, mais nous avons été retenus par une opération importante, et même je vous amène un invité.
Les Dames. — Ah ! vraiment !
Les Dames. — Comment donc !… Comment donc !…
Cartouche. — Entrez donc, mon cher hôte !
Madame Mandrin. — Mais si vous gardez ce foulard, vous attraperez froid en sortant.
Cartouche. — C’est juste ! Enlevez donc le foulard de Monsieur !
Follentin. — Où suis-je ?
Cartouche. — Mais chez nous !… Vous êtes notre hôte, l’hôte de Cartouche.
Follentin. — Cartouche !
Cartouche, présentant sa femme. — Madame Cartouche, ma femme !
Follentin. — Madame !… Enchanté !… (À part.) Qu’est-ce qu’ils vont me faire ?
Cartouche. — Je ne vous fais pas enlever ces cordes tout de suite, parce que ce serait imprudent d’enlever tout à la fois. Vous pourriez vous enrhumer.
Follentin. — Vous êtes bien aimable !
Cartouche, à Madame Mandrin. — Mais, chère Madame, vous étiez en train de chanter quand nous sommes entrés. J’espère que ce n’est qu’un plaisir interrompu et que nous aurons la bonne fortune…
Toutes les Dames. — Oh ! oui ! Oh ! oui ! chère Madame !
Madame Mandrin. — C’est que ce soir, je suis un peu enrouée.
Madame Cartouche. — Oh ! vous êtes trop modeste.
Une Dame. — Vous n’avez jamais été plus en voix.
Toutes les Dames. — Oh ! oui ! Certes ! Jamais plus !
Cartouche. — Allons ! un fauteuil !
Follentin. — Vous me comblez.
Une Dame. — Un programme, Monsieur !
Tous, applaudissant. — Bravo ! Charmant !
Cartouche, à Follentin. — Eh ! bien, vous n’applaudissez pas ?
Follentin, ficelé et ne pouvant bouger les bras. — Si ! Si ! Bravo ! Bravo !
Cartouche. — de qui est donc cet air charmant ?
Madame Mandrin. — Mais de Lulli !
Cartouche. — Ah ! ce Lulli !… plein de talent… (À Follentin.) Vous le connaissez ?
Follentin. — Lulli !… Oui !… Comment donc ! Mounet-Lully !
Cartouche. — C’est possible !… Je ne sais pas son petit nom !
Le Valet. — Le souper est servi !
Madame Cartouche. — Mesdames, choisissez vos cavaliers !… Si vous voulez passer dans la salle à manger, le souper est servi ! (À Follentin.) Voulez-vous m’offrir votre bras, monsieur ?…
Follentin. — Comment donc !… (Il offre son coude.) Seulement, Madame, ne marchons pas trop vite, parce que j’ai un peu de peine à avancer.
Cartouche, très aimable. — Un peu d’ankylose, peut-être ?
Follentin. — Un peu d’ankylose !
Le Brigand, qui monte la garde. — C’est bien. Attendez ! Je vais porter la carte au chef !
Cartouche. — Qu’est ce que c’est ?
Le Brigand. — C’est un gentilhomme qui vous demande audience.
Cartouche. — Quel gentilhomme ?
Le Brigand. — Voici sa carte !
Cartouche, lisant. — « Le Prince Gabriel de Morteval de Villemar, lieutenant de brigands du XXe siècle ! » Un confrère !… Faites entrer !
Le Brigand, faisant le factionnaire. — Par ici !… (Il introduit Gabriel dans la grotte.)
Scène II
Follentin. — Mon Dieu !… Qu’est-ce que c’est encore que celui-là ?
Cartouche, à Gabriel. — C’est vous qui m’avez fait passer votre carte ? Prince Gabriel de Morteval de Villemar, lieutenant de brigands du XXe siècle !…
Gabriel. — C’est moi, mon cher Maître !
Cartouche. — Et que demandez-vous ?
Gabriel. — Je suis envoyé par notre bande qui s’inquiète de l’absence prolongée de notre chef, le célèbre brigand Adolphe Follentin !…
Tous. — Hein !
Follentin, à part. — Qu’est-ce qu’il dit ?… (Haut.) Moi ! chef de brigands !… Mais jamais de la vie !
Gabriel. — Ah ! le voilà ! J’entends sa voix. C’est bien lui. Bonjour, chef !…
Follentin. — Mais non !… Mais non !… Mais il est fou !… Qu’est-ce que c’est que ce bonhomme-là !
Cartouche. — Qu’est-ce que ça veut dire ? (Au brigand.) Retirez le bandeau !
Follentin, à part. — Gabriel ! C’est Gabriel !
Gabriel, s’inclinant. — Ah ! chef !
Cartouche. — Vous connaissez notre prisonnier ?
Gabriel. — Prisonnier !… Croyez-vous bien qu’il le soit ?… Et s’il est ici, ne vous êtes-vous pas dit que lorsqu’on tient un homme comme le célèbre Follentin, c’est que lui-même veut bien qu’on le tienne.
Cartouche. — Qu’est-ce que vous dites ?
Follentin, à part. — Où veut-il en venir ?…
Gabriel. — Vous le croyez bien ligoté, bien ficelé, mais seigneur Cartouche, regardez comme il est ficelé !… Une, deux, trois !… tombez cordes et liens !…
Tous. — Oh !
Cartouche. — Mais c’est de la sorcellerie !
Tous. — De la sorcellerie !
Follentin. — Il est étonnant !
Gabriel. — Sorcellerie ?… Progrès ! Ah ! Cartouche ! Saluez votre maître qui a bien voulu remonter le cours des siècles pour vous apporter les résultats de deux cents ans d’expérience !
Cartouche. — Eh ! quoi ! se peut-il qu’il y ait tant de progrès dans mon industrie ?
Gabriel. — Mais vous êtes dans l’enfance de l’art ! N’est-ce pas, Capitaine Follentin ?
Follentin. — Dans l’enfance ! Dans l’enfance !
Gabriel. — Ainsi, tenez ! Qu’est-ce que ce trousseau d’objets ridicules et embarrassants que je vois pendu à la ceinture de cet homme ? (Il indique un trousseau de rossignols et de fausses clés à la ceinture du brigand.)
Cartouche. — Mais ce sont mes outils de travail !… Un trousseau de fausses clefs !
Gabriel. — Allons donc !… Est-ce qu’on se sert de cela aujourd’hui !… (À Follentin.) Capitaine !… Montrez votre trousseau !
Follentin. — Mais je n’en ai pas.
Gabriel. — Mais si !… Mais si !… Il n’y a pas à faire de mystère avec le seigneur Cartouche ! Nous savons bien tous où vous avez coutume de cacher votre trousseau !
Follentin. — Moi !…
Gabriel. — Mais oui !… dans la fosse nasale de votre narine gauche.
Follentin. — Dans la…
Gabriel. — Mais oui !… Tenez. !
Tous. — Oh !
Cartouche. — C’est admirable !
Follentin, à part. — Comment, j’avais tout ça dans le nez ?…
Cartouche. — Oh ! Messieurs !… Mesdames !… Vous qui vous y connaissez ! Regardez tous ces objets comme c’est fait !… (Il passe le trousseau de clefs à tous les invités.)
Gabriel. — Et grâce à cet attirail !… Voulez-vous voir le butin de sa journée ?
Follentin. — Le butin de ma journée !…
Tous. — Oui, oui ! Le butin !
Follentin, à part. — Qu’il est fort, ce Gabriel, qu’il est fort !
Cartouche. — Oh ! Monsieur Follentin !… Je suis vraiment heureux d’avoir fait votre connaissance. Désormais, vous êtes des nôtres. Follentin !… Capitaine Follentin, faites-moi l’honneur de devenir mon associé !
Tous. — Oh !
Follentin. — Mais ce n’est pas possible !… Je ne peux pas !… J’ai ma bande !
Cartouche. — Eh ! bien, elle fusionnera avec la nôtre. Allons, Follentin, mon ami…
Tous. — Follentin !… Voyons ?
Follentin. — Mais…
Gabriel, bas à Follentin. — Acceptez, pour gagner du temps !
Follentin. — Eh ! bien, soit !
Tous. — Vive Follentin !.. Vive notre nouveau chef !
Follentin, protestant, modestement. — Oh ! Co-chef, Messieurs, co-chef !
Tous. — Vive le co-chef !
Follentin. — Il n’y a pas !… Même dans la bouche de vulgaires fripouilles, une ovation, ça fait plaisir…
Cartouche. — Quant à vous, prince Gabriel de Villemar, de je ne sais pas quoi ! Allez prévenir votre bande que désormais elle est des nôtres !…
Gabriel. — J’y cours, co-chef !… (À part, en sortant.) Je vais quérir la maréchaussée !…
Scène III
Cartouche. — Et maintenant, je vais vous faire donner des armes !…
Follentin. — Des armes ?
Cartouche, aux brigands. — Qu’on apporte une paire de pistolets et un fusil à pierre.
Follentin. — À pierre ?
Cartouche. — À pierre !… mais oui, mon cher collègue, et le dernier modèle ! Capitaine Follentin, il est d’usage dans les chasses à courre, quand on a un invité de marque, de lui faire les honneurs du pied. Nous allons vous faire les honneurs du premier voyageur qui passera !…
Follentin. — Comment ça ?
Cartouche. — Vous avez vos armes, vous allez vous mettre là !… (Il indique l’extérieur.) Et maintenant qu’il passe quelqu’un, c’est à vous qu’appartiendra le détroussage d’honneur.
Follentin. — Comment ! Il faut que je détrousse ?
Cartouche. — Eh ! mon Dieu, oui !… J’espère qu’on vous donne là un témoignage…
Follentin, à part. — Dont je me serais bien passé !…
Cartouche. — Allons, bonne chasse, Capitaine ! Ah ! en cas d’alerte, si vous avez besoin qu’on vous prête main-forte, vous n’avez qu’à presser sur ce bouton. (Il indique le rocher extérieur.)
Madame Cartouche. — Maintenant, si vous désirez un verre d’eau, même, ou autre chose, deux coups !…
Follentin. — Merci bien.
Follentin, seul au dehors. — C’est gai ! Me voilà chef de brigands, moi !… On a beau dire, ça ne doit pas être rose tous les jours, ce métier-là !… C’est curieux, cette manie des brigands d’aller toujours se fourrer dans des endroits pas sûrs !… Brrrou ! regardez-moi ça !… Ces terrains vagues, c’est le désert !… Où sommes-nous, mon Dieu ?…Qu’est-ce que ça peut être au XXe siècle que ce pays perdu ?
Une voix surnaturelle. — Tu veux le savoir, Follentin ! Eh ! bien, regarde.
Follentin. — La Place de la Trinité !… (L’artiste nomme les personnages au passage. Il passe lui-même.) Tiens, moi !… (La vision disparaît et on voit le premier décor de campagne avec la lune.)
Follentin. — Eh ! bien, non, vrai !… Jamais je n’aurais reconnu ici la Place de la Trinité !… Comme tout change !… Mon Dieu !… Qu’est-ce que je vois là ?… On dirait un homme qui se dirige de ce côté ! (Un homme enveloppé dans un grand manteau passe dans les rochers au-dessus de la grotte.) Quel idiot ! Qu’est-ce qu’il vient faire ? Il y a vraiment des gens qui sont d’une imprudence !… Si je lui faisais comprendre sans en avoir l’air, comme si je me parlais à moi-même !… (Haut.) Hum ! Hum ! Il y a des brigands ici !… Il y a des brigands ! Le premier voyageur qui s’y frotte, on le détrousse !…
L’Homme, descendant en scène. — Ah ! quelqu’un !…
Follentin. — Comment ! Il vient !… Mais est-il bête ! Il est donc sourd !
L’Homme. — Ah ! Dites-moi, l’ami !
Follentin. — Ah ! ma foi, tant pis !… C’est lui qui l’aura voulu… (Terrible.) La bourse ou la vie !…
L’Homme. — Qu’est-ce que c’est ?
Follentin. — Il n’y a pas de « qu’est-ce que c’est » !…La bourse ou la vie !
L’Homme. — Oh ! mais, ma parole, c’est un fusil nouveau modèle que vous avez là, le dernier fusil à pierre !
Follentin. — Hein !… Oui,… bien incommode !
L’Homme. — Oh ! mais c’est curieux !… Voulez-vous me permettre ?…
Follentin, donnant son fusil. — Mais je vous en prie !
L’Homme. — Merci !… Et maintenant, à votre tour ! La bourse ou la vie !
Follentin. — Hein !
L’Homme. — Allons, allons ! Dépêchons !
Follentin. — Oui, monsieur !… Oui, monsieur !…
L’Homme. — Vos pistolets d’abord.
Follentin. — Voilà, Monsieur, voilà !…
L’Homme. — Et la bourse maintenant !
Follentin. — Voilà, Monsieur !
L’Homme. — Enfin tous les menus objets que vous pouvez avoir sur vous !
Follentin. — Bien, Monsieur ! (Il donne tout ce qu’il a.)
L’Homme. — Allons, mon ami, je vois que vous êtes encore jeune dans le métier. Et maintenant, annoncez à votre Capitaine Cartouche, son collègue et ami, le Capitaine Mandrin !
Follentin. — Mandrin !… C’est Mandrin !
L’Homme. — Allez !
Follentin. — Oui, Mandrin !… (Il appuie sur le bouton, les rochers se rouvrent et laissent voir l’intérieur de la grotte. Tous les personnages dansent un menuet, accompagnés au clavecin par Madame Mandrin).
Tous. — Qu’est-ce qu’il y a ?
Cartouche. — Comment, vous ?… Eh bien ! et le détroussage ?
Follentin. — Çà y est !… Il m’a pris tout ce que j’avais sur moi.
Cartouche. — Qui ?
Follentin. — Lui !
Cartouche. — Monsieur !
Tous. — Mandrin !
Mandrin. — Mon Dieu, oui !… Il faut bien s’amuser un brin, n’est-ce pas, Monsieur ?… Il a besoin d’apprendre son métier, le jeune homme.
Cartouche. — Lui !… Mais c’est le premier chef de brigands du XXe siècle !…
Mandrin. — Non !… Eh bien ! il n’est pas fort !
Madame Cartouche. — Une coupe de champagne, Monsieur Mandrin ?
Mandrin. — Tout de même !… À votre santé, mesdames ! À vous, Cartouche ! À vous, le brigand du XXe siècle !
Tous. — À la santé du Capitaine Mandrin !
Scène IV
LA MARÉCHAUSSÉE
Un Brigand (accourant). — Capitaine !… Capitaine !
Cartouche. — Pardon !… Les affaires !…
Le Brigand. — La Maréchaussée se dirige de ce côté.
Tous. — La Maréchaussée !
Cartouche. — La Maréchaussée !
Follentin. — La Maréchaussée !… Sauvons-nous…
Mandrin. — Pas par là ! Pas par là ! Chacun pour soi ! À la caverne !
Follentin, revenant du fond, affolé. — Ah ! mon Dieu !… Ils arrivent par là !… Ils arrivent par là !… Eh bien, quoi ? C’est fermé ! Ils ont fermé la grotte !
Tous les Brigands (à l’intérieur). — Mais fermez donc ! Fermez donc !
Follentin. — La Maréchaussée !… C’est la Maréchaussée !
Cartouche. — Mais allez-vous fermer, malepeste !
Gabriel, paraissant à la tête de la Maréchaussée en uniforme de lieutenant. — À la grotte ! En avant !…
Follentin. — Mais fermez donc, nom d’un chien !…
Gabriel. — En joue ! Rendez-vous ou vous êtes morts !
Mandrin. — Nous sommes pris !
Cartouche. — Ah ! vous êtes encore un malin, vous !
Gabriel. — Allez ! arrêtez-moi tous ces gens-là !
Follentin. — Dieu !… C’est Gabriel.
Gabriel (en montrant Follentin). — À celui-là, seul, la liberté !
Follentin. — Sauvé !… Merci, mon Dieu !
Bienencourt (apparaissant en uniforme archi-galonné de Maréchal de France). — Pas encore !
Tous. — Hein ?…
Bienencourt. — Soldats, pas de passe-droit !… Et empoignez-moi tout le monde !
Gabriel. — Mais…
Bienencourt. — Obéissez, lieutenant, je suis Maréchal de France !
Follentin. — Bienencourt !
Gabriel. — Malédiction !
Bienencourt. — Et maintenant, à la Bastille !
Follentin. — Ah ! zut !