L’Âme bretonne série 4/Une cellule de l’organisme breton V Les mariages collectifs

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Édouard Champion (série 4 (1924)p. 30-41).


V

LES MARIAGES COLLECTIFS.


C’est dans les mariages que se déploie surtout la pompe des costumes plougastélois. Mariages collectifs et qui dépassent le cercle d’une cérémonie de famille. D’où l’importance qu’on leur accorde, le soin qu’on prend d’y paraître à son avantage, si personne ne désire éclipser son voisin, personne non plus ne se souciant de lui rester inférieur.

Les mariages collectifs de Plougastel se célèbrent trois fois l’an : le mardi qui suit le dimanche des Rois, le mardi des Gras et le mardi de Pâques. Trente, quarante couples, quelquefois, sont unis à la même heure, dans la même église, par le même officiant.

Pourquoi les mariages collectifs de Plougastel ont-ils lieu à ces trois dates ? — C’est, m’a-t-on répondu, que les travaux agricoles chôment presque complètement de janvier à fin mars : les nouveaux épousés ont ainsi toute licence de se livrer à l’amoureux déduit…

Cependant, il ne faudrait pas croire que Plougastel ait le monopole des mariages collectifs. Ces sortes de mariages sont connus aussi à Languidic et à Pluvigner, dans le Morbihan, à Sizun, dans le Finistère. Je ne sais quels sont les jours qui leur sont affectés dans les deux premières de ces localités : à Sizun, ce jour est le Mardi-Gras, qui a pris de là le nom de Grand-Mardi. Il paraît que la cérémonie se déroule hors ville, non dans l’église paroissiale, mais dans la chapelle Saint-Cadou, à 7 kilomètres de Sizun, sur la route de Braspartz. Enfin, il est bon de remarquer qu’on ne célèbre pas à Plougastel que des mariages collectifs : on y célèbre aussi des mariages particuliers, surtout chez les marins au service qui se marient entre deux campagnes et dont les congés ne concordent pas toujours avec les dates affectées aux mariages collectifs.

Les rites du mariage sont encore les mêmes à Plougastel qu’il y a cinq cents ans. Si le breutaer (avocat ou porte-parole de la jeune fille) n’y joue plus qu’un rôle effacé, en revanche le rôle du bazvalan (ainsi nommé du bâton de genêt symbolique qui était l’insigne de sa fonction) a gardé toute son importance.

Vous savez ce qu’on entend par bazvalan. Le bazvalan est un entremetteur, un truchement d’amour, le diplomate chargé de rapprocher les cœurs et de négocier les alliances. Rôle parfaitement honorable en Bretagne, car il ne s’agit que d’alliances licites, sanctionnées par la mairie et l’église. Dans les autres localités, le rôle est généralement tenu par un tailleur ou un meunier, personnages à la langue affilée. Ici, le bazvalan est presque toujours cabaretier.

Il y aurait un bien piquant chapitre à écrire sur les cabaretiers de Plougastel. L’influence de ces personnages tient à la situation du bourg au centre d’une presqu’île fort vaste et à la nécessité où sont les cultivateurs d’y venir prendre langue une fois au moins, par semaine pour y régler leurs affaires, transporter leurs denrées, connaître les cours. C’est tout un voyage pour certains d’entre eux. Aussi le programme n’en est-il pas laissé au hasard : le choix du cabaretier chez qui l’on descendra préoccupe avant tout un chef de ménage, un pen-ty. Ce cabaretier ne vend pas seulement à manger et à boire : il est le chargé d’affaires de la famille, qui ne l’adopte qu’après mûres réflexions, ou plutôt son auberge est une agence de renseignements, quelquefois même le siège social d’un syndicat agricole auquel le pen-ty est affilié. Il en résulte, de l’un à l’autre, des relations beaucoup plus étroites que celles qui se nouent d’ordinaire entre un aubergiste et ses clients de passage. Vienne le moment où un jeune homme désire prendre femme, c’est, neuf fois sur dix, le cabaretier qu’il consultera, qui le renseignera sur la situation des parents, sur l’apport dotal de la jeune fille et qui, enfin, tout bien examiné, se chargera de la demande en mariage.

Cette demande, il la fait toujours de nuit[1]. La précaution se conçoit, le prétendant ne se souciant guère d’ébruiter son échec, s’il arrivait que son mandataire essuyât un refus. De là le caractère clandestin que celui-ci donne à sa mission.

La demande est-elle agréée cependant ? Le fiancé est introduit près de la fiancée. Tous deux s’assoient à une table avec leurs parents. On pose sur la table une miche de pain blanc et un flacon de dourkérès ou de doursivi (liqueurs spéciales faites avec des cerises ou des fraises) : mais il n’y a pour le couple qu’un seul couteau et qu’un seul verre. Quand le jeune homme et la jeune fille ont rompu le pain et bu au même verre, ils sont unis. Ainsi, autrefois, à la cour du roi Nann, Gyptis épousa Protis. Les Ligures ont précédé les Celtes en Bretagne : ces serviteurs de la Terre-Mère qui, suivant le mot de Camille Jullian, gardaient les traditions immobiles du plus ancien culte universel de l’humanité, ont peut-être légué aux Plougastélois un de leurs rites matrimoniaux. Son transparent symbolisme n’a pas besoin d’explication. L’acte n’a rien perdu avec le temps de sa gravité ; il a la valeur d’un engagement solennel, auquel, de mémoire d’homme, les contractants ne se sont jamais dérobés. Le reste n’est plus qu’une simple formalité.

Mais c’est ici que le cabaretier rentre en scène. Il n’avait jusqu’alors que les ennuis de sa charge : il va en connaître les bénéfices. Sans doute, avant la signature du contrat, les parents des futurs se font une visite de cérémonie. N’entendez point par là qu’on s’y prodigue en courbettes et en compliments, comme dans nos salons. On se congratule aussi à Plougastel, mais on y tient surtout à se montrer sous un jour avantageux en étalant aux yeux des visiteurs son plus beau linge, sa plus riche vaisselle, ses bassines les plus reluisantes. Tout le mobilier y passe et cette gweladen, comme on l’appelle, est une véritable inspection domiciliaire : les visiteurs, s’ils sont gens bien éduqués, doivent s’extasier devant l’ampleur et le poli des armoires et des coffres de l’étage, des vaisseliers et des lits-clos du rez-de-chaussée rangés d’affilée le long du mur, à la suite du patafourn. Après la cuisine, c’est le tour du grenier, de la grange, des étables, des écuries, du cellier et des terres. Il n’y faut pas moins d’une après-midi. On s’y entraîne, il est vrai, par une solide réfection indépendante du fricot dimizi ou festin des fiançailles qui précède la gweladen et auquel prennent part seulement les membres les plus proches des deux familles (une vingtaine), sans oublier notre bazvalan.

Le mot dimizi, qui est presque partout aujourd’hui synonyme d’eureuji, a, en effet, gardé là-bas son sens primitif d’accordailles ou fiançailles, attesté dans le vieux proverbe : Nep a ra tri dimizi heb eureuji… (celui qui s’est fiancé trois fois sans se marier, etc.). Tout mariage, à Plougastel, comporte d’ailleurs trois repas, trois festins plutôt, dont un en partie double : le fricot dimizi, dont nous venons de parler ; l’eured, ou festin de noces ; le bragaden ou festin de retour de noces. Et, bien entendu, deux au moins des trois ( un et demi serait plus juste) ont lieu chez le cabaretier qui a fait office de bazvalan. Il arrive même, si ce cabaretier est aussi celui de la famille de la fiancée, que les trois festins se donnent chez lui. Dans le cas contraire, voici comme les choses se pratiquent :

Pour le dimizi, les deux rumms (on appelle ainsi à Plougastel l’assemblage des membres et amis d’une même famille) se réunissent dans l’auberge du cabaretier-bazvalan. Pour l’eured, chacun des deux rumms banquette chez son cabaretier attitré. L’eured durant deux jours pleins, les nouveaux mariés se partagent entre les deux rumms. Quant au bragaden, qui a lieu le dimanche suivant, il se donne toujours chez le cabaretier qui n’a pas fourni le dimizi[2].

Voilà, n’est-il pas vrai, de bien plaisantes coutumes ; attendez, nous ne sommes pas au bout. Si le fricot dimizi ne comprend qu’une vingtaine de personnes, il n’en est pas de même de l’eured où l’on invite le plus de monde qu’on peut. Les eureds de trois et quatre cents personnes ne sont pas rares à Plougastel. Les invitations sont faites à domicile par le fiancé et la fiancée : c’est une véritable tournée et qui commence aussitôt qu’on s’est assuré le concours d’un certain nombre de garçons et de filles d’honneur : quatre garçons au moins et autant de filles d’honneur, quelquefois cinq ; mais seuls les deux premiers comptent. Et les autres, irrespectueusement, sont qualifiés de « torchons » ; gens d’esprit, ils prennent la plaisanterie en bonne part et, pour mériter leur sobriquet, on les voit souvent, un torchon sous le bras ou à la main, faisant le geste de garçons de café. L’eured, vous ai-je dit, dure deux jours. On se met à table assez tard dans l’après-midi, vers trois heures et demie, mais on n’en sort qu’à dix. Et le second eured se termine par le partage d’un grand gâteau béni à l’église, ar c’houign, dont les invités n’absorbent les morceaux qu’après s’en être signés dévotement au front, à la poitrine et aux épaules. Entre les deux repas de l’eured, le lendemain de la cérémonie religieuse, les mariés et leurs invités, en costumes bleus, assistent à un service funèbre pour les défunts des deux familles. Quant au bragaden ou festin de retour de noces, qui a lieu le dimanche suivant, il n’est que la répétition en petit de l’eured et il ne dure qu’un jour.

Êtes-vous curieux de connaître le menu d’un repas de noces à Plougastel ? En voici un, copié chez le principal restaurateur de la localité :

Soupe grasse
Tripes à la mode de Plougastel
Ragoût de veau
Bœuf nature au gros sel
Rôti
Fars de blé noir et de froment
Vins divers et liqueurs

C’est là le menu-type, si l’on peut dire, mais il comporte des variantes[3]. On m’assure, d’ailleurs, que les tripes, qui figuraient autrefois dans tous les menus l’eured, sont de moins en moins en faveur. Le seul mets proprement indigène du repas est le fars (fars dû ou fars sac’h), sorte de pudding breton, fait avec de la farine, des prunes et des rogatons de lard pétris ensemble dans un sac et mis à cuire dans la soupe.

Mais qui donc prend à sa charge le règlement de ces festins pantagruéliques ? Les deux familles pour une part ; les garçons et filles d’honneur pour une autre. Les invités eux-mêmes, sans être taxés pour une somme déterminée, contribuent à la dépense. Le deuxième jour de l’eured, la nouvelle mariée et sa fille d’honneur se postent chacune d’un côté de l’escalier qui mène à la salle du banquet : elles tiennent à la main une bouteille de vin et un verre et régalent les invités à mesure qu’ils arrivent. En échange, ceux-ci remettent à la mariée un cadeau de noce dont l’importance varie avec chacun, mais qui est toujours en argent : 2 francs, 5 francs et davantage.

Arrivons maintenant à la cérémonie nuptiale proprement dite. Cette cérémonie est toute religieuse. Le mariage à la mairie compte si peu, est si bien une pure formalité administrative, qu’il a lieu huit, dix, quelquefois douze jours avant le mariage religieux. C’est toujours une déception, cependant, pour les curieux qui affluent par milliers de Paris et des villes environnantes afin d’assister aux « mariages collectifs », de ne voir aucun cortège à l’entrée ni à la sortie de l’église. Est-ce un effet de la pudeur bretonne ? Toujours est-il qu’hommes et femmes se rendent à l’église séparément et comme en se dissimulant ; ils se débandent pareillement à la sortie et gagnent le plus tôt possible leurs auberges respectives. Aussi bien ne sont-ils pas venus directement de chez eux à l’église. Dès le lundi soir, ils ont débarqué au bourg en carriole et dans leur petite tenue ; leurs costumes de cérémonie, convenablement empaquetés, ont été déposés chez des parents, des amis ou chez le cabaretier même. Ceux qui sont venus à pied frètent des breaks en ville. Et, à la prime aube du lendemain, toute cette carrosserie s’ébranle vers le domicile des fiancés. Mais, remarquez-le, personne n’est encore en costume de cérémonie. La fiancée, ce matin-là, s’est rendue dans les fermes voisines pour distribuer des tartines de pain et de confitures aux enfants. Un roulement de tonnerre sur la route, et les barrières sont à peine ouvertes que les carrioles et les breaks des invités se précipitent dans la cour au grand trot. On descend, on trinque puis on remonte en voiture, avec le fiancé et la fiancée.[4] Une pétarade de coups de fusil salue le départ du cortège qui reprend le chemin du bourg. C’est alors seulement (après l’arrivée au bourg) que les invités revêtent leur costume de cérémonie. La bénédiction nuptiale se donne à neuf heures. Chacun se rend de son côté ; les couples que le prêtre doit unir se placent sur deux ou trois rangs devant la balustrade de l’autel. Quant aux invités, ils s’entassent comme ils peuvent dans la nef, les hommes à droite, les femmes à gauche. Exception n’est faite que pour le renad et la reneurez, l’un qui conduit la fiancée à l’autel ; l’autre qui remplit le même office près du jeune homme : le renad est généralement le parrain de la fiancée ; la reneurez la marraine de la fiancée. Ils occupent la place d’honneur non seulement à l’église, mais à table ; ce sont eux qui distribuent le gâteau bénit ou kouign : eux encore qui font la quête au milieu du repas. Petite quête indépendante du cadeau de noces ; mais il n’y a pas de petits profils, et c’est ainsi que s’étoffe peu à peu le budget d’un jeune ménage.

Une noce bretonne, fût-ce dans ce pays de cocagne qu’est Plougastel, ne saurait se passer exclusivement en bombances. Les morts n’y sont point oubliés, nous l’avons vu. On boit et on mange, mais on chante aussi, non point seulement au dessert, comme à Paris, dans le peuple, mais entre tous les services, pendant le repas ; chansons bretonnes et chansons françaises alternées. Vaille que vaille, vers dix heures du soir, après le partage du kouign, on se décide à lever la séance et les nouveaux mariés sont reconduits en voiture à leur domicile. Y vont-ils trouver enfin la douce intimité à laquelle ils aspirent ?

Hélas ! le logis est déjà plein d’autres invités des deux sexes, que la garde du ménage, les travaux des champs ou quelque infirmité ont empêché d’assister à l’eured. À tout ce monde-là et aux personnes du cortège, il faut bien offrir une tasse de café et quelques tournées de dourkérès ou de doursivi. Un rite essentiel, d’ailleurs, reste à accomplir : la cérémonie de la soupe au lait et déjà, pour préparer cette soupe symbolique, les deux premières filles d’honneur et leurs garçons se sont éclipsés dans une pièce voisine.

La coutume de la soupe au lait, qui tend à disparaître des autres parties de la Bretagne, a conservé ici toute sa vogue, mais en perdant son caractère primitif et en tournant à la grosse farce populaire. On coupe dans un saladier des croûtons de pain et des rondelles de carottes qu’on assemble en chapelet par un fil ; on les trempe dans du lait abondamment baptisé ; on y ajoute du sel, du poivre, et toutes sortes d’ingrédients bizarres, tels que du tabac à priser, qui, en nageant à la surface de la soupe, ressemble vaguement à du beurre roussi ; enfin, dans un navet ou une betterave, on taille deux cuillers dont on perce le fond à la manière d’une écumoire. Quand tous ces préparatifs sont terminés et que la soupe a reçu le degré de cuisson voulu, les deux premiers garçons et leurs filles d’honneur l’apportent sur une civière aux mariés en chantant la Sône de la Soupe au lait. Les mariés, assis sur le banc du lit-clos, doivent alors s’attabler devant elle, et leurs grimaces, leurs efforts pour attraper, avec des cuillers percées, quelques gouttes du méchant breuvage, mettent toute l’assemblée en liesse pendant plusieurs minutes. Je glisse sur certains détails moins ragoûtants, tels que la bataille des invités à coups de rondelles de carottes. Une plaisanterie d’un caractère moins équivoque est la promenade des poupées qui suit la cérémonie de la soupe au lait : la première et la deuxième fille d’honneur, précédées chacune de leur cavalier, un flambeau neuf au poing, circulent de groupe en groupe, en commençant par les mariés, et leur offrent de petites poupées qu’elles ont façonnées elles-mêmes grossièrement. Ces poupées-là ne sont-elles pas bien parentes des pupuli qu’on accrochait à Rome sur le passage des nouvelles épousées ?

Baissons le rideau : nous voici au dénouement de cette grande pièce farcie en plusieurs actes et je ne sais combien de tableaux qu’est une noce plougastéloise. Les mariés sont seuls. Puissent-ils goûter en paix la douceur d’aimer ! Rien de moins sûr au demeurant, et de nouvelles surprises pourraient les attendre au cours de leurs épanchements : lits truqués dont le sommier s’effondre brusquement, collections de poupées glissées sous le traversin, crins grillés et coupés menu dont on a saupoudré les draps… Pendant ce temps, sur l’aire ou dans la grange voisine, aux lueurs d’une demi-douzaine de lanternes vénitiennes, les invités se livrent à d’interminables gavottes. La polka et le quadrille, encore moins le tango et la matchiche, n’ont supplanté là-bas les vieux passe-pieds populaires, mais ces passe-pieds ne se dansent plus au son du biniou, comme dans le reste de la Cornouaille ; les « olifants » même ont disparu : Plougastel ne connaît que l’accordéon !

  1. Et de ceci, comme de ce qui précède, résulte que le bazvalan plougastélois n’a en rien le caractère poétique de ses confrères des autres cantons : il n’est nullement, comme ils le furent du moins aux âges antiques (v. le Barzaz-Breiz et se rappeler aussi le délicieux troisième acte du Roi d’Ys de Lalo, où, du reste, l’emploi du bazvalan, et du breutaer est tenu par les chœurs alternés des jeunes garçons et des jeunes filles), un improvisateur, un discoureur en vers. Ces « discoureurs » n’ont cependant pas perdu tout crédit à Plougastel ; mais, indépendants du bazvalan, ils n’exercent généralement leur subtil métier que dans les banquets. On cite parmi les langues les plus affilées de la corporation le charpentier Goulard et le cultivateur François Kerdraon. Beaucoup de ces discoureurs plougastélois d’ailleurs, s’aident de répertoires imprimés tels que les Rimou, Discoursiou ha Goulennou évit en Eurenjou publiés à Morlaix et qui ne sont pas à leur usage exclusif.
  2. Prenons un exemple pour rendre la chose plus claire. Supposons qu’une famille Le Gall, dont le fils se marie à la fille Kervella, ait pour restaurateur attitré Cozien et que la famille Kervella ait pour restaurateur attitré Raoul. Les deux familles s’entendront pour que le fricot dimizi soit donné chez l’un ou chez l’autre restaurateur, soit chez Cozien, par exemple. Quant au repas de noces (eured), qui dure deux jours, il aura lieu, pour les invités de la famille Le Gall, chez son restaurateur attitré Cozien, et, pour la famille Kervella, chez son restaurateur attitré Raoul. Fiancé et fiancée seront donc séparés durant tout l’eured. Non ; car, ainsi que leurs garçons d’honneur, ils mangeront un jour chez Cozien, un jour chez Raoul. Cozien, cependant, a fourni un dîner de plus que Raoul : aussi, par compensation, le bragaden se fera-t-il chez celui-ci. De cette façon l’équilibre sera rétabli.
  3. Par contraste, voici le menu des jours ouvriers pour le commun des fermes plougasteloises : à 5 heures en été, à 6 h. 1/2 en hiver, soupe aux légumes ; à 11 h., bouillie de blé noir (ou d’avoine) ou pommes de terre et lard ; à 15 h. (mern bihan), pain et beurre ; à 19 h. en hiver, à 21 h. en été, soupe ou bouillie. — Comme boisson, de l’eau (sauf avec la bouillie qui s’accompagne de laitage.) Viande et vin seulement le dimanche. Par ci, par là des crêpes, du café, un petit verre de dourkérès ou de doursivi, dont on a toujours un flacon dans l’armoire. — (La guerre, bien entendu, a changé tout cela).
  4. Ceux-ci seuls sont à jeun pour pouvoir communier.