L’Âme des saisons/Le bon dimanche

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Veuve Fred. Larcier, Editeur (p. 152-154).
III


LE BON DIMANCHE


Le parfum d’un lointain dimanche me poursuit
Et ranime en mon cœur la bonne flamme blanche,
Le parfum d’un très pur et très lointain dimanche,
Odeur de cire, odeur de tilleul et de buis...
 
Mon Dieu, mon Dieu, j’ai retrouvé le bon dimanche.
Voici que je m’arrête et que je me souviens...
Mais silence, silence, ô vous, les jours infâmes !
Le bon dimanche étend ses ailes sur mon âme.


Les gazons furent blancs de rosée au matin,
Les fronts furent joyeux au sortir de la messe,
Les cœurs communies simples comme des fleurs,
Et la petite ville eut de douces rumeurs...

Puis ce fut une fête exquise, une allégresse
De jardins, d’azur tiède et de bonnes odeurs,
Et mille cloches carillonnant sur la ville
Dimanche et gai dîner pour toute la famille !

Mais, surtout, j’ai gardé souvenir d’un salut
Où mon cœur frissonna comme une colombe ivre,
Ah ! surtout, j’ai gardé souvenir d’un salut
Où je fus visité par le Seigneur Jésus.

Sur un vitrail de neige aurorale et de givre
Les hauts cierges vibraient comme des guêpes d’or,
L’orgue épandait un grêle ruisselet de flûtes,
Et l’encens bleuissait en soudaines volutes.

Alors, ayant pleuré, j’eus le front fier ; alors
Je jurai, d’un grand cri de mon âme ravie,
De dédier au Christ étincelant ma vie
Comme une épée et comme un bouclier d’airain !


Seigneur, les jours sont loin ! qu’ai-je fait et que suis-je ?
Et quelle est cette peur, ce trouble, ce vertige,
Et ce néant, qui est le mien, ces pauvres mains
Vides, ces pauvres yeux battus, et ce cœur vain ?...

Mon âme est un rosier fatigué qui se penche.
Le ciel est gris. Le vent hurle dans les jardins.
Seigneur, Seigneur, accordez-moi le bon dimanche,
Et permettez la floraison des roses blanches !...