L’Âme nue/Marée basse

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G. Charpentier et Cie, éditeurs (p. 107-108).
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MARÉE BASSE


à eugène d’argence




La mer est toute violette
Sous les cieux roux et violets ;
Le flot sans écume halette
Et mouille sourdement le sable et les galets.


Le vent du nord rase les landes ;
L’eau lourde s’endort dans leurs bras,
Et les rocs bruns font des guirlandes
Qu’ils descendent au large en bombant leurs dos gras…

 
Dans une rythmique indolence,
Comme des pendules lassés,
Les barques bercent en silence
Leur mât unique et noir qui fend les cieux glacés.


Un cormoran fuit sous la brume,
Jette au jour mort son dernier cri,
Et le phare lointain s’allume,
Astre rouge, trouant le brouillard assombri.


Sèche et longue, au vent de la grève
Qui tord sa jupe comme un ver,
Une vieille passe et relève
Des goémons visqueux pour ses foyers d’hiver.