L’Âme qui vibre/Discrétion

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E. Sansot et Cie (p. 44-45).

DISCRÉTION

Ce n’est pas que je vous connaisse
Plus que cela,
Mais je vous rencontre à la messe,
À l’opéra.

Je n’ai pas besoin pour ma joie
De vous causer.
Mais il suffit que je vous voie
Rire et jaser.

Lorsque parfois je vous regarde,
Je fais si bien,
Que la personne qui vous garde
N’en croirait rien.

Quand je reviendrai dans ma ville,
Au bout d’un an,
Peut-être aurez-vous fui l’asile
De la maman.

Alors de vos yeux, économe
Vous deviendrez.
Car, fière et grave, au bras d’un homme
Vous passerez.

Moi, je serai toujours le même,
Aigre et meurtri.
Rien ne doit empêcher qu’on aime,
Mère ou mari.

Je continuerai mon manège
Auprès de vous.
Que peut m’importer, me dirai-je,
Qu’ils soient époux !

Et je vous suivrai, sans malice,
D’un pas discret.
Puissiez-vous être la complice
De mon secret !