L’Âme qui vibre/La Chanson du cœur

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E. Sansot et Cie (p. 34-35).

LA CHANSON DU CŒUR

C’est faux ! c’est faux comme un Judas !
Je ne me suis pas pris au piège !
Mon cœur est un bouchon de liège
Qui flotte et ne s’embourbe pas.

Je me sens si maître de moi,
Qu’en rêvant à ta beauté blonde,
Je n’entends rien en moi qui gronde.
Mon cœur est un cadavre froid.

J’ai commis de bien vilains coups,
Par plaisir j’ai perdu des femmes
Et sali d’ignorantes âmes.
Mon cœur est un cynique époux.

Mais quand il est besoin pourtant
De prendre une vierge à mon piège,
Tout en étant bouchon de liège
Mon cœur a l’air d’un cygne blanc.

Qu’un corps, par l’amour, amaigri
S’en vienne à moi pour me le dire,
Je n’aurai qu’un éclat de rire.
Mon cœur est un sceptique aigri.

S’il vient me plaindre sa douleur
Ce maigre corps de femme tendre,
J’en profiterai pour le prendre :
Mon cœur est un tyran sans cœur.

je fais mieux le mal que le bien,
Ma conscience est de large étoffe,
Mon cœur est un vieux philosophe
Qui prend le chagrin comme il vient.