L’Écho foutromane/00

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Aux dépens des fouteurs démagogues (Gay et Doucé) (p. 5-9).

L’Écho foutromane, 1880, Bandeau de début de chapitre
L’Écho foutromane, 1880, Bandeau de début de chapitre

INTRODUCTION


Il existe deux sortes de Vénus, dont le culte mène également au plaisir et à la volupté, qui en est, pour ainsi dire, l’essence. L’une est cette divinité idéale qui, sous diverses formes humaines, se reproduit sans cesse aux yeux des mortels, dans les promenades, sur les places, aux spectacles, à l’issue des carrefours les plus fréquentés où elle, est stationnaire, et surtout au petit clair de lune.

On la reconnoît extérieurement à une mine effrontée, à des gestes lascifs qui s’étendent jusqu’au bouton de la culotte, lorsqu’on paroît condescendre à sa lubricité, en l’approchant ou en s’arrêtant devant elle. Alors vous prenant le vit, le mot de : « Bandes-tu ? » est le premier accent qui sort de sa bouche ; une grosse paire de tétons bien blancs, bien à découvert, et, ce qu’on n’aura pas de peine à croire, le plus souvent moins fermes qu’ils ne paroissent au coup d’œil, la désigne encore.

Si vous arrivez jusqu’à sa cellule, votre dévotion se portera tout de suite sur un con propre en apparence, et peut-être en réalité : vos mains patineront un énorme extérieur qui vous agacera, en dépit de votre circonspection. Deux fesses dodues vous donneront envie d’enfiler un con surmonté d’une motte artistement frisée, à moins que vous ne soyez, si toutefois vous n’êtes pas, Bougre ; une main habile et fine, agissant par le ressort agile d’un poignet exercé vous aura provoqué à toute outrance, et, au signal d’un « Mets-le-moi, » ou « Fous-moi sur l’heure, » par une sympathie forcée, à laquelle vous ne manquerez pas de répondre, elle aura porté le vit au con, et la décharge s’en sera suivie.

Ceci appartient à la première Vénus, c’est celle du grand ordre des libertins qui, avec des sens émoussés, ne cherchent que le matérialisme du plaisir, tandis que l’autre, qui comprend moins d’individus avec des organes plus chatouilleux, veut le quintessencier et en extraire la volupté. Il est moins nombreux, dis-je, plus sensuel, plus délicat, et c’est aussi une autre Vénus, une beauté tout aussi céleste, et non moins humaine qu’il lui faut.

Celle-ci, avec plus d’art dans les colifichets, d’un costume élégant qui la reproduit diversement parmi des citoyennes, plus indépendante des circonstances, étale souvent plus de charmes réels, quoique moins ostensibles ; elle n’est point dévergondée dans ses manières, elle est sensible par tempérament et même par sentiment ; un sourire, un coup d’œil, sont les mots du guet qui portent en substance que l’on peut aspirer à elle, pourvu qu’on observe de très grands ménagemens ; et ces ménagemens demandent que vous osiez, pour ainsi dire, à son insu.

Il faut, à cet effet, que le hasard ou quelque prétexte adroitement amené, vous ait conduit chez elle ; il faut, s’il se peut, que vous la trouviez mollement étendue sur un sopha, vêtue à la légère, la gorge recouverte d’une simple gaze ; il seroit mieux que, dans cet état ou à peu près, elle vous eût donné un rendez-vous dans son boudoir, et qu’elle eût l’air de l’avoir oublié.

Vous y pénétrez en quelque sorte furtivement ; et pour sauver à sa pudeur la honte d’une défaite, elle sommeillera précisément à l’instant où vous arriverez. Cependant votre main enhardie par une attitude avantageuse se portera sur-le-champ avec une extrême précaution au manoir du plaisir, et s’il se trouve que, pour comble de dextérité et de souplesse, vous y portiez autre chose sans qu’elle s’en soit aperçu ou plutôt sans qu’elle ait paru y participer ; s’il arrive que, sortant tout à coup d’un sommeil fictif, elle vous gronde, laisse tomber quelques pleurs, soupire, vous presse, vous embrasse, baisse les yeux, vous défend de la revoir jamais, d’oser même la regarder en face, et vous redemande l’instant d’après, votre triomphe est complet, et sans blesser son oreille par aucun mot obscène, vos actions n’en sont pas moins l’obcénité la plus caractéristique.

C’est par ces deux classes d’électeurs et de fouteurs qui les réunissent tous, que l’on s’est proposé de tracer ces tableaux. Les uns et les autres y trouveront dans les différentes modifications de l’art de s’exprimer sur cette matière aussi instructive qu’agréable aux deux sexes, leurs jouissances respectives et leurs goûts particuliers. On fera paroître sur la scène, tantôt une ribaude qui s’énoncera et agira selon le caractère qu’on aura eu la précaution de lui dessiner, tantôt ce sera une ci-devant… qui fera sa petite bouche, et la prude dans la manière de rendre sa pensée concupiscive, et n’en croquera pas moins une grosse andouille dans sa partie passablement ouverte.

Nous aurons soin d’admettre aussi, pour varier les tableaux, un choix de vits à calottes qui ne rougiront pas quelquefois de se prendre en traîtres. Leur assaisonnement ne laisse pas d’être d’une certaine friandise.

Enfin ce premier recueil sera le précurseur de quelques autres qu’on se promet de donner successivement, si le public daigne accueillir cet essai en bon patriote : car nous n’ambitionnons aucune approbation sous le masque de l’aristocratie.