L’Éclaireur/07

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Amyot (p. 58-69).
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VII.

Une ténébreuse histoire (suite).


L’ancien Mexico était traversé par des canaux comme Venise, ou pour être plus vrai comme les villes de Hollande, car généralement dans toutes les rues il y avait un chemin latéral entre le canal et les maisons. Aujourd’hui que toutes les rues sont pavées, et qu’excepté dans un quartier de la ville les canaux ont disparu, on a peine à comprendre comment Cervantes, dans une de ses Nouvelles, a pu comparer Venise à Mexico ; cependant si les canaux ne sont plus visibles, ils existent toujours sous le sol, et dans certains bas quartiers où on les a transformés en égouts, ils se révèlent par l’odeur fétide qu’ils exhalent ou bien encore par des amas d’ordures et des eaux stagnantes et croupissantes.

Le sergent, après avoir si lestement réglé ses comptes avec le malheureux évangelista, avait traversé la place dans toute sa largeur et s’était enfoncé dans la calle de la Monterilla.

Il marcha assez longtemps dans les rues, du même pas tranquille qu’il avait adopté en sortant de l’échoppe de l’évangelista. Enfin, après une course de vingt minutes environ à travers des carrefours déserts et des ruelles sombres dont l’apparence misérable devenait à chaque pas plus menaçante, il s’arrêta devant une maison d’apparence plus que suspecte, au-dessus de la porte de laquelle, derrière un retablo de las animas benditas brûlait un candil fumeux ; les fenêtres de cette maison étaient éclairées et sur l’azotea des chiens de garde hurlaient lugubrement à la lune. Le sergent frappa deux coups à la porte de cette sinistre demeure avec le cep de vigne qu’il tenait à la main.

On fut assez longtemps à lui répondre ; les cris et les chants cessèrent subitement dans l’intérieur ; enfin le soldat entendit un pas lourd qui se rapprochait : la porte fut entr’ouverte, car, ainsi que cela se pratique partout à Mexico, une chaîne de fer soutenait les vantaux, et une voix avinée dit d’un ton bourru :

Quien es ? — Qui est-ce ?

Gente de paz, répondit le sergent.

— Hum ! il est bien tard pour courir la tuna et entrer au velorio ! reprit l’autre, qui semblait se consulter.

— Je ne veux pas entrer.

— Que diable demandez-vous alors ?

Pan y sal ! por los cabelleros errantes[1], répondit le soldat d’un ton de commandement, en se plaçant de façon à ce que les rayons de la lune tombassent sur son visage.

L’homme se recula en poussant une exclamation de surprise.

— Valgame Dios ! señor don Torribio, s’écria-t-il avec l’accent d’un profond respect, qui aurait reconnu votre seigneurie sous ce misérable accoutrement ? Entrez, entrez, ils vous attendent avec impatience.

Et cet homme, devenu aussi obséquieux qu’il était insolent quelques minutes auparavant, se hâtait de détacher la chaîne afin d’ouvrir la porte toute grande.

— C’est inutile, Pepito, reprit le soldat ; je te répète que je n’entrerai pas : combien sont-ils ?

— Vingt, seigneurie.

— Armés ?

— Complètement.

— Qu’ils descendent à l’instant, je les attends ici ; va, mon fils, le temps presse.

— Et vous ? seigneurie.

— Moi, tu m’apporteras un chapeau, une esclavina, mon épée et mes pistolets ; allons, dépêche.

Pepito ne se fit pas répéter cet ordre ; laissant la porte ouverte, il s’éloigna en courant.

Quelques minutes plus tard, une vingtaine de bandits armés jusqu’aux dents firent irruption dans la rue en se bousculant les uns les autres. Arrivés auprès du soldat, ils le saluèrent respectueusement, et, sur un signe de lui, ils demeurèrent immobiles et silencieux.

Pépé avait apporté les objets demandés par celui que l’évangelista avait nommé don Annibal, que lui appelait don Torribio et qui, probablement, portait encore d’autres noms, mais auquel nous conserverons provisoirement le dernier.

— Les chevaux sont-ils prêts ? demanda don Torribio, en recouvrant son uniforme avec l’esclavina et en passant à sa ceinture une longue rapière et une paire de pistolets doubles.

— Oui, seigneurie, répondit Pepito, le chapeau à la main.

— Bien ! mon fils ; tu les apporteras où je t’ai dit ; seulement, comme la nuit il est défendu de parcourir les rues à cheval, tu feras attention aux celadores et aux serenos.

Tous les bandits éclatèrent de rire à cette singulière recommandation.

— Là, reprit don Torribio, en se coiffant d’un chapeau à larges bords que Pepito lui avait apporté avec le reste, voilà qui est fait ; maintenant nous pouvons partir ; écoutez-moi attentivement, caballeros.

Les leperos et les autres coquins qui composaient l’assistance, flattés d’être traités de caballeros, se rapprochèrent de don Torribio afin de mieux entendre ses instructions.

Celui-ci continua.

— Vingt hommes marchant en troupe dans les rues de la ville éveilleraient, sans aucun doute, la susceptibilité et les soupçons des agents de la police ; nous avons besoin d’user de la plus grande prudence, et surtout du plus grand mystère, pour réussir dans l’expédition pour laquelle je vous ai convoqués ; vous allez donc vous séparer et vous rendre chacun isolément sous les murs du couvent des Bernardines ; arrivés là, vous vous dissimulerez le mieux qu’il vous sera possible et vous ne bougerez pas avant mon ordre. Surtout pas de rixe, pas de querelle ; vous m’avez bien compris ?

— Oui, seigneurie, répondirent les bandits tous d’une voix.

— Très-bien ; partez alors, il faut que vous soyez au couvent dans un quart d’heure.

Les bandits se dispersèrent dans toutes les directions avec la rapidité d’une volée d’oiseaux de proie ; deux minutes plus tard ils avaient disparu aux angles des rues les plus rapprochées,

Pepito seul était resté.

— Et moi, demanda-t-il respectueusement à don Torribio, ne voulez-vous pas, Seigneurie, que je vous accompagne ? je m’ennuirai bien si je restais seul ici.

— Je ne demanderais pas mieux que de t’emmener, mais qui nous préparera les chevaux si tu m’accompagnes.

— C’est vrai, je n’y songeais pas.

— Mais sois tranquille, muchacho, si je réussis, comme je l’espère, tu viendras avec moi bientôt.

Pepito, complètement rassuré par cette promesse, salua respectueusement l’homme mystérieux qui semblait être son chef, et rentra dans sa maison, dont il renferma soigneusement la porte sur lui.

Don Torribio, demeuré seul, resta quelques instants plongé dans de profondes réflexions ; enfin il releva la tête, enfonça son chapeau sur les yeux, s’enveloppa avec soin dans son esclavina et s’éloigna à grands pas en murmurant à voix basse :

— Réussirai-je ?

Question à laquelle personne, pas même lui, n’aurait pu répondre.

Le couvent des Bernardines s’élève dans un des plus beaux quartiers de Mexico, non loin du Paseo de Bucarelli, la promenade à la mode ; c’est un vaste édifice construit entièrement en pierres de taille, qui date de la reconstruction de la ville après la conquête et qui fut fondé par Fernando Cortez lui-même. Son ensemble est imposant et majestueux comme tous les couvents espagnols : c’est presque une petite ville dans la grande, car il renferme tout ce qui peut être agréable et utile à la vie ; une église, un hôpital, une buanderie, un vaste potager, un jardin touffu et bien dessiné qui offre de doux ombrages réservés pour la promenade des religieuses ; de larges cloîtres garnis de grands tableaux de bons maîtres, représentant des scènes de la vie de la Vierge et de celle de saint Bernard à qui le couvent est consacré ; ces cloîtres, bordés de galeries circulaires sous lesquelles ouvrent les cellules des religieuses, encadrent des cours sablées ornées de pièces d’eau dont les gerbes élancées rafraîchissent l’air à l’heure si chaude de midi. Les cellules sont des charmantes retraites où rien de ce qui compose le confortable ne fait défaut ; une couchette, deux butaccas couvertes en cuir tanné de Cordoue, un prie-Dieu, une petite table de toilette dans le tiroir de laquelle on est certain de trouver un miroir, quelques tableaux de sainteté occupent la place principale. Dans un angle de la pièce on voit, entre une guitare et une discipline, une statue de la Vierge en bois ou en albâtre, portant une couronne de roses blanches sur la tête et ayant devant elle une lampe qui brûle constamment. Tel est l’ameublement qu’à peu d’exceptions près on est sûr de rencontrer dans toutes les cellules des religieuses.

Le couvent des Bernardines renfermait, à l’époque où se passe cette histoire, cent cinquante religieuses et environ une soixantaine de novices. Dans ce pays de tolérance, il est rare de voir des religions cloîtrées ; les sœurs peuvent sortir en ville, faire et recevoir des visites ; la règle est excessivement douce, et, à part les offices auxquels elles sont tenues d’assister avec une grande ponctualité, les religieuses, une fois rentrées dans leurs cellules, sont à peu près libres de faire ce que bon leur semble sans que personne y prenne garde ou semble s’en apercevoir.

Nous avons décrit les cellules du couvent, qui se ressemblent toutes ; mais celle de la mère supérieure mérite une description particulière. Rien de plus luxueux, de plus religieux et de plus mondain que son ensemble. C’était une immense salle carrée, percée de deux larges fenêtres en ogives, à petits carreaux enchâssés dans du plomb sur lesquels étaient peints des sujets de sainteté d’un fini et d’une sûreté de touche admirable. Les murs étaient recouverts de longues tentures en cuir de Cordoue gauffré et doré, des tableaux de prix représentant les principaux traits de la vie du saint patron du couvent étaient groupés avec cette symétrie et ce goût que l’on ne rencontre que chez les gens d’église. Entre les deux fenêtres était placée une magnifique Vierge de Raphaël devant laquelle se trouvait un autel. Une lampe d’argent, pleine d’huile odoriférante, descendait du plafond et brûlait nuit et jour devant l’autel, que d’épais rideaux de damas cachaient à volonté. Les meubles se composaient d’un grand paravent chinois derrière lequel se dérobait le lit de l’abbesse, simple couchette en bois de chêne sculpté, entourée d’une moustiquaire de gaze blanche. Une table carrée, aussi en chêne, supportant quelques livres et un pupitre, était au milieu de la chambre ; dans un angle une vaste bibliothèque garnie de livres traitant de matières religieuses, laissant apercevoir à travers les glaces qui la fermaient les riches reliures d’ouvrages rares et précieux, quelques butaccas et des siéges à pieds torses étaient adossés à la muraille. Enfin, un brasero en argent, rempli de noyaux d’olives, faisait face à un superbe meuble-bahut, dont les fines cannelures étaient un chef-d’œuvre de la Renaissance.

Pendant le jour, la lumière, tamisée par les vitraux coloriés des fenêtres, ne répandait qu’une clarté douce et mystique qui faisait éprouver au visiteur un sentiment de respect et de recueillement, en donnant à cette vaste pièce un aspect sévère et presque lugubre.

Au moment où nous introduisons le lecteur dans cette cellule, c’est-à-dire peu d’instants avant la scène que nous avons précédemment rapportée, l’abbesse était assise dans un grand fauteuil à dossier droit surmonté de la couronne abbatiale, et dont le siège en cuir doré était garni d’une double frange de soie et d’or.

Cette abbesse était une petite femme replette, grassouillette, d’une soixantaine d’années, dont les traits auraient paru sans expression sans le regard clair et perçant qui s’échappait comme un jet de lave de ses yeux gris lorsqu’un sentiment violent l’agitait. Elle tenait à la main un livre ouvert et semblait plongée dans une profonde méditation.

La porte de la cellule s’ouvrit doucement : une jeune fille, revêtu du costume de novice, s’avança timidement en effleurant à peine le parquet de son pas léger et craintif Cette jeune fille alla se placer devant le fauteuil et attendit silencieusement que l’abbesse levât les yeux sur elle.

— Ah ! vous voici, mon enfant, dit enfin la supérieure en s’aperçevant de la présence de la novice, approchez !

Celle-ci s’avança de quelques pas encore.

— Pourquoi êtes-vous sortie ce matin sans m’en avoir demandé la permission ?

En entendant cette parole à laquelle cependant la jeune fille devait s’attendre, elle se troubla, pâlit et balbutia quelques mots inintelligibles.

L’abbesse reprit d’une voix sévère :

— Prenez garde, niña, quoique vous ne soyez encore que novice et que vous ne deviez prendre le voile que dans quelques mois, comme toutes vos compagnes, vous ne dépendez que de moi, de moi seule.

Ces mots furent prononcés avec un accent et une intonation qui firent frémir la jeune fille.

— Ma sainte mère ! murmura-t-elle.

— Vous étiez l’amie intime, presque la sœur de cette jeune folle que sa résistance contre notre volonté souveraine a brisée comme un faible roseau et qui est morte ce matin.

— Croyez-vous donc qu’elle soit morte, ma mère ? répondit la jeune fille timidement et d’une voix entre-coupée par la douleur.

— Qui en doute ? s’écria l’abbesse avec éclat, en se levant à demi sur son fauteuil et en fixant un regard de vipère sur la pauvre enfant.

— Personne ! madame, personne ! s’écria-t-elle en se reculant avec terreur.

— N’avez-vous pas, comme les autres membres de la communauté, continua l’abbesse avec un accent terrible, assisté à son convoi ? N’avez-vous pas entendu les prières prononcées sur son cercueil ?

— C’est vrai ! ma mère.

— N’avez-vous pas vu descendre son corps dans les caveaux du couvent et sceller au-dessus la pierre tumulaire que l’ange de la justice divine doit seul soulever au jugement dernier ? Dites, n’avez-vous pas assisté à cette cérémonie triste et terrible ! Oseriez-vous soutenir que tout ne s’est pas passé ainsi et qu’elle est vivante, encore, cette misérable créature que Dieu a subitement frappée dans sa colère, pour qu’elle servit d’exemple à ceux que Satan pousse à la révolte.

— Pardon ! ma sainte mère, pardon, j’ai vu ce que vous dites, j’ai assisté à l’enterrement de doña Laura ; hélas ! le doute n’est point possible, elle est bien morte.

En prononçant ces dernières paroles, la jeune fille ne put retenir ses larmes, qui coulèrent abondamment.

L’abbesse la regarda d’un air soupçonneux :

— C’est bien, reprit-elle, retirez-vous ; mais, je vous le répète, prenez garde ; je sais que, vous aussi, un esprit de révolte s’est emparé de votre cœur, je vous surveillerai.

La jeune fille salua humblement la supérieure et fit un mouvement pour obéir à l’ordre qu’elle avait reçu.

Tout à coup un bruit terrible se fit entendre ; des cris d’effroi, des menaces résonnèrent dans les corridors et on entendit se rapprocher rapidement les pas pressés d’une foule en tumulte.

— Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria l’abbesse avec effroi, quelle est cette rumeur ?

Elle se leva avec agitation et se dirigea d’un pas incertain vers la porte de la cellule contre laquelle on frappait en ce moment à coups répétés.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! murmura la novice en jetant un regard suppliant à la statue de la Vierge dont le doux visage sembla lui sourire, sont-ce enfin des libérateurs !

Nous retournerons auprès de don Torribio, que nous avons laissé marchant avec ses compagnons dans la direction du couvent.

Ainsi que cela avait été convenu entre lui et ses complices, don Torribio trouva toute la troupe réunie sous les murs du couvent.

Sur leur chemin, les bandits, afin de ne pas être dérangés par les serenos, les avaient garottés, bâillonnés et menés avec eux au fur et à mesure qu’ils les rencontraient disséminés dans les rues qu’ils parcouraient. Grâce à cette habile manœuvre, ils étaient arrivés sans encombre au but de leur course. Douze serenos avaient été capturés pendant le trajet.

Une fois parvenu au couvent, don Torribio fit poser les serenos à terre et donna l’ordre de les coucher les uns sur les autres, au pied même de la muraille.

Puis, sortant un loup de velours de l’une de ses poches, il s’en couvrit le visage, précaution imitée par ses compagnons, et s’approchant d’une misérable masure, qui s’élevait à peu de distance, il enfonça la porte d’un coup d’épaule. Le maître de la bicoque arriva effaré et à moitié vêtu pour s’informer de ce que signifiait cette manière insolite de frapper à sa porte ; le pauvre diable recula avec un cri de terreur en apercevant les bommes masqués qui étaient groupés à l’entrée de la maison.

Don Torrîbio était pressé, il entama la conversation en allant de suite droit au but ;

— Buenas noches, Tio Salado ; je suis charmé de vous voir en bonne santé, lui dit-il.

L’autre répondit sans trop savoir ce qu’il disait :

— Je vous remercie, caballero, vous êtes trop bon.

— Allons, dépêchez-vous, prenez votre manteau et venez avez nous.

— Moi ! fit Salado avec un geste d’effroi.

— Vous-même.

— Mais en quoi puis-je vous être utile ?

— Je vais vous le dire : je sais que vous êtes fort considéré au couvent des Bernadines, comme pulquero d’abord et ensuite comme hombre de bien y religioso.

— Oh ! oh ! jusqu’à un certain point, répondit évasivement le pulquero.

— Pas de fausse modestie, je sais que vous avez le pouvoir de vous faire ouvrir les portes de cette maison quand bon vous semble ; c’est pour cette raison que je vous invite à nous accompagner.

— Jésus Maria ! y pensez-vous, caballero, s’écria le pauvre diable avec effroi.

— Pas d’observations, dépêchons, ou de par Nuestra-Señora del Carmen, je brûle votre bicoque !

Un sourd gémissement sortit de la poitrine de Salado, qui après avoir jeté un regard désespéré sur les masques noirs qui l’entouraient, se mit en devoir d’obéir.

De la maison du pulquero au couvent il n’y avait que quelques pas ; ils furent bientôt franchis : don Torribio se tourna vers son prisonnier plus mort que vif :

— Ah ça, compadre, lui dit-il nettement, nous voici arrivés, à vous maintenant de nous ouvrir les portes.

— Mais, au nom du Ciel, s’écria le pulquero, en faisant un dernier effort pour résister ; comment voulez-vous que je m’y prenne ? Vous ne songez donc pas que je n’ai aucun moyen de…

— Écoutez ! fit impérieusement don Torribio, vous comprenez que je n’ai pas le loisir de discuter avec vous : ou vous nous introduisez dans le couvent, et cette bourse qui contient cinquante onces est à vous, ou vous refusez, et alors, ajouta-t-il froidement en sortant un pistolet de sa ceinture, je vous brûle la cervelle avec ceci !

Une sueur froide baigna les tempes du pulquero ; il connaissait trop bien les bandits de son pays pour leur faire l’injure de douter de leurs paroles.

— Eh bien ! lui demanda l’autre en armant le pistolet, avez-vous réfléchi ?

— Caspita ! caballero, ne jouez pas avec cela, je vais essayer.

— Pour mieux réussir, voici la bourse, fit don Torribio.

Le pulquero s’en empara avec un mouvement de joie dont il est impossible de donner une idée ; puis, il se dirigea lentement vers la porte du couvent, tout en cherchant dans sa tête comment il pourrait s’y prendre pour gagner honnêtement la forte somme qu’il venait de recevoir sans courir le moindre risque, problème, nous l’avouons, dont la solution n’était pas facile à trouver.


  1. Mot à mot : Pain et sel pour les cavaliers errants.