L’École des biches/Quatrième entretien

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J. P. Blanche (p. 67-80).

QUATRIÈME ENTRETIEN.

caroline, marie.
caroline.

Sois la bienvenue, mignonne. Aujourd’hui te voilà arrivée de bonne heure. Que fait donc ton M. Adrien ? Je ne l’ai pas encore vu.

marie.

Je suis chargée par lui de te faire de bons remercîments de ta recommandation auprès du comte ; ensuite, de l’excuser du retard qu’il apporte à sa visite. Sa mère l’a enlevé pour le conduire en province auprès d’une tante en danger de mort. Tu comprends, il a dû se soumettre.

caroline.

Bien ! nous attendrons.

marie.

Je crois, bonne cousine, que tu lui as porté bonheur. Avant son départ, il a touché l’argent d’un tableau qu’il venait de terminer pour un amateur, et il me l’a donné. J’ai disposé d’une partie de cette somme pour faire un présent à ma maîtresse d’atelier, qui, flattée de cette prévenance, m’a promis à l’avenir un peu plus de liberté ; et tu le vois, à ma grande satisfaction, aujourd’hui j’ai pu venir plus tôt.

caroline.

Si tu arrives bien disposée, tu tombes à merveille. Le comte dîne chez son ministre, et ne rentrera que tard dans la nuit ; nous sommes donc assurées de ne pas être dérangées.

(Marie est en effet si bien disposée pour ce que Caroline en attend, qu’à peine débarrassée de son châle et de son chapeau, elle attaque sa cousine en passant ses mains sous ses jupes, essayant de prendre des à-comptes sur les plaisirs qu’elle s’est promis en venant lui faire une visite à cette heure.)

Attends un peu, je vais faire défendre ma porte pour plus de précaution. (Elle sort un instant et rentre après avoir donné cet ordre.) Voilà qui est fait… Passons maintenant dans mon cabinet de toilette, et allons faire prendre un bain d’eau froide alcoolisé à nos pays-bas.

marie.

Tiens ! pourquoi cela ?

caroline.

Parce que c’est une excellente préparation à de voluptueux combats. Puis, c’est mon habitude.

marie.

Ah ! je ne savais pas. C’est une singulière habitude, il me semble.

caroline.

C’est aussi une habitude que tu dois prendre, car un grand soin de propreté de ces parties délicates est de première nécessité ; cela entretient leur fraîcheur, donne à la peau une fermeté et une élasticité qui ajoutent aux charmes du toucher, de la vue et de l’odorat, et maintient leur sensibilité.

(Les jeunes filles passent dans le cabinet. Caroline met en évidence bidet, serviettes, savon, eaux de senteur, enfin, tous les objets nécessaires à la toilette secrète de la femme la plus recherchée. Marie, placée Sur le bidet, s’apprête à commencer l’opération.)

caroline.

Non, chère belle, laisse-moi faire ; je veux moi-même t’enseigner comment on doit procéder.

(Ceci dit, Caroline s’empare du conin de sa cousine, le savonne, y introduit délicatement les doigts d’une main, ce qui ne l’empêche pas avec l’index de l’autre, de polissonner dans le trou voisin. Ce genre d’ablution ne déplaît pas à notre néophyte. Aussi, à peine levée, veut-elle rendre à Caroline les mêmes soins qu’elle vient d’en recevoir.)

Voilà qui est fait. Viens. Maintenant, je veux te faire goûter le nouveau plaisir promis, et que, par prudence pour ta santé, j’ai dû retarder jusqu’à présent.

(Rentrées dans la chambre, les deux cousines s’arrachent réciproquement leurs chemises ; arrivées près du lit, Marie est la première à s’y élancer ; Caroline ne tarde pas à la suivre, et à se précipiter sur elle en la mangeant de caresses. Après quelques instants de ce jeu, qui allume le feu dans leurs sens, Caroline veut ramener Marie à l’action principale.)

Voyons, un peu de sagesse ! Écoute mes instructions et suis-les exactement. Étends-toi sur le lit, la tête soutenue par l’oreiller… Bien, t’y voilà… Moi, je vais maintenant me mettre à cheval sur ta gorge, le derrière très-élevé et tourné du côté de ta figure… Je ne te gêne en rien ? es-tu à ton aise ?

marie.

Tu es très-bien ainsi. Sais-tu que cette posture est charmante ! Je vois ton cul, tes poils touchent mes lèvres, et je sens la chaleur de ton con.

caroline.

Eh bien ! introduis dedans ton doigt ; remue-le de haut en bas ; et pour le reste, tu imiteras ce que je ferai.

(Caroline aussitôt courbe sa tête vers les cuisses de son élève, et, les lui faisant écarter, elle entr’ouvre avec précaution les lèvres de son conin ; et bien que, pour y introduire son doigt, elle s’y prenne avec une grande délicatesse, un cri douloureux échappe à la patiente à la première tentative d’introduction. Pensant alors qu’un agréable dérivatif peut seul neutraliser cette souffrance, tout en continuant son essai, elle applique ses lèvres brûlantes sur le clitoris de Marie, et commence avec sa langue un chatouillement que ne désavouerait pas la plus experte Lesbienne ; et pour en compléter la jouissance, de sa main restée libre elle sodomise son joli cul. Le moyen réussit à merveille.)

marie (s’arrêtant un instant).

Ah ! quel plaisir ; que ce nouveau divertissement est agréable !

caroline (qui commence aussi à ressentir
les atteintes du plaisir).

Fichtre ! tu t’arrêtes ! Va donc toujours ! Répète bien sur moi ce que je vais te faire.

(L’exécution de cet ordre est compris. Le jeu continue, et l’on n’entend bientôt plus que des soupirs… Les sensations que nos deux amies éprouvent, augmentent par degrés et parviennent à un tel état d’intensité que, sans se quitter un instant, sans que leurs attitudes se dérangent, malgré leurs violents soubresauts, elles éprouvent par deux fois, coup sur coup, la volupté suprême.)

caroline et marie (ensemble).

Ah ! quel plaisir !… c’est à mourir !

(Ce frottement dans des parties si sensibles, cette contraction violente des nerfs et surtout ces deux décharges successives ont épuisé nos Lesbiennes ; elles sont dans un état d’anéantissement qui les force à un repos absolu. Cette léthargie voluptueuse un peu passée, c’est Caroline qui retrouve la première la parole.)

caroline.

Eh bien ! mignonne, que dis-tu de ma leçon ?

marie.

Ah ! chère cousine ! toi qui dis qu’on ne doit jamais abuser, même des choses qu’on aime le mieux, voilà un passe-temps qui, si on l’employait souvent, pourrait bien en effet nous attirer les maux dont tu m’as parlé.

caroline.

Aussi n’est-ce que très-rarement et par exception que je me permets ces écarts de régime. Il a fallu la promesse que je t’avais faite de préparer les voies à la prise prochaine de ton pucelage, pour faire de telles folies. Maintenant que l’entrée de ton bijou a été un peu forcée, nous nous abstiendrons pendant quelque temps de toute fatigue, pour laisser le temps à la nature de reprendre les forces dont nous avons un peu abusé. Tu es jeune ; à ton âge et avec ta bonne constitution, ta santé ne doit pas en souffrir. Pour le moment, réparons un peu nos forces. Il y a là sur ma table de nuit un encas de Malaga et de quelques biscuits. Prends… Passe-moi maintenant ton verre… Tiens ! je vais connaître ta pensée.

marie.

Alors, tu vas voir si je t’aime.

caroline.

Est-ce que j’en doute ? Viens, friponne, que je t’embrasse encore ! Je crois que si j’écoutais mon goût, je deviendrais réellement amoureuse de toi.

marie.

Est-ce vrai qu’il y a des femmes amoureuses d’autres femmes ?

caroline.

N’en sois pas surprise, oui, il y en a qui ont cette passion.

marie.

Je te crois, mais cela ne doit pas être bien répandu.

caroline.

Plus que tu ne crois, surtout dans certains pays. Ainsi, les femmes du Midi s’y livrent plus que celles du Nord ; le climat et la chaleur de leur tempérament les y portent. Dans l’antiquité, ce goût était très-commun ; il était même en honneur dans certaines villes de l’Italie et de la Grèce ; les dames les plus distinguées de Rome et d’Athènes ne s’en faisaient pas faute ; cela était tellement dans les mœurs payennes, qu’il n’altérait en rien l’attachement des amants pour leurs maîtresses, et réciproquement des maîtresses pour leurs amants. Car tu sauras qu’il y a aussi des femmes qui associent leurs amants à ce genre de plaisirs.

marie.

Je ne trouve point ce goût déraisonnable, car le plaisir que l’on y trouve vaut bien que l’on se passe cette fantaisie.

caroline.

Je vois que je n’aurai pas grande peine à te former aux plaisirs de tous genres, et que tu seras bientôt capable de me donner des leçons.

marie.

Moque-toi de moi si tu veux, je te dis ce que je pense. Mais, dis-moi donc, toi-même, n’as-tu pas un peu ce goût ?

caroline.

Je ne m’en défendrai pas. Sans en faire mon genre de prédilection, je t’avouerai que quand l’occasion s’en présente, je ne la fuis pas, et si j’avais quelqu’un de sûr à y associer…

marie.

Eh bien ! ne peux-tu pas compter sur moi ?

caroline.

Je saurai profiter de ton offre ; mais je ne puis pas toujours t’avoir près de moi.

marie.

Eh bien ! n’as-tu pas M. de Sarsalle ?

caroline.

Quant à cela, je ne sais s’il y voudrait consentir.

marie.

Tu ne l’as donc jamais engagé à s’y livrer avec toi ?

caroline.

J’en ai bien eu l’idée ; car cela apporterait dans nos réunions une variété et un piquant qui ne pourrait qu’augmenter nos plaisirs.

marie.

Laisse donc ; il doit t’aimer assez pour ne pas se refuser à ce caprice ; à ta place, j’essaierais, je lui ferais des avances, je le provoquerais. Je t’assure que si je le connaissais un peu plus, je saurais bientôt ce qu’il en pense.

caroline.

Avec ton air endiablé, tu serais bien capable de le faire. Tu vas me faire craindre ton voisinage ; tu es aussi jolie que moi, M. de Sarsalle t’a déjà remarquée, et que serait-ce donc s’il avait vu tout ce que je connais de ta jolie personne !

marie.

Fi ! la vilaine jalouse ! Je ne te ressemble pas, moi ! Si cela te convenait et qu’il y consentît, je laisserais bien venir Adrien. J’ai confiance en toi, et ne crains rien, quoique tes charmes égalent les miens.

caroline.

Petite folle ! peux-tu avoir de pareilles idées ! Un garçon que tu connais à peine et que je n’ai pas encore vu, quelle imprudence ! Voilà de la vraie démence !

marie.

Bah ! quand tu l’auras vu, tu le trouveras charmant. Tu l’aimeras même un peu, — pas trop, cependant, car je veux me réserver la meilleure part, — et dans quelque temps ma proposition ne te paraîtra peut-être pas si déraisonnable.

caroline.

Si tu y tiens tant, nous verrons ; je n’ai point de parti pris à ce sujet. Mais occupons-nous d’abord de toi. Si ton Adrien, dans la visite qu’il me fera, tient tout ce que tu promets en sa faveur, je me ferai la protectrice de vos amours ; je veux m’occuper de vous procurer mutuellement les plus doux plaisirs, et si tu es toujours dans les mêmes dispositions, tu ne tarderas pas à voir tes vœux accomplis. Je désire même que le sacrifice se fasse ici, chez moi : j’en ferai une petite fête. Nous attendrons pour cela une absence du comte : je crois qu’elle sera prochaine. Jusque-là, tu me promets de ne pas accorder à Adrien plus que par le passé, et surtout de ne lui confier rien avant que je ne t’y ai autorisée.

marie.

Je te le promets. Mais il se fait tard ; il faut que je te quitte afin de ne pas éveiller les soupçons de ma mère. Je suis cependant si bien auprès de toi !… Approche donc, que je t’embrasse encore… Adieu, cher ange !