L’Éducation de la Jeune Fille par elle-même/Chapitre 9

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Société Saint-Augustin (p. 60-66).

Neuvième causerie.

comment se reposer et charmer ses loisirs

L’esprit et le corps ont besoin de disposer en temps opportun d’un repos réparateur qui relâche les organes et leur permet d’acquérir de nouvelles forces.

Parmi les indices du surmenage, il convient de citer l’absence d’appétit, la diminution de poids du corps, la lourdeur de la tête non seulement à la fin de la journée mais même le matin au lever. Lorsque ces symptômes se présentent, il faut délaisser tout travail fatigant, prendre du repos, prolonger son sommeil, accepter un régime alimentaire plus fortifiant, rechercher des occupations qui distraient, reposent et corrigent le manque d’équilibre entre les différentes fonctions de l’organisme ; des promenades, des exercices physiques, des voyages produisent toujours du bien.

Mais mieux vaut prévenir que guérir. Rendons nos occupations le moins fatigantes tout en leur faisant produire leur maximum de rendement. Travaillons avec méthode, d’après un plan bien défini, un horaire bien établi, des principes rationnels. L’absence de méthode est souvent cause que bien des personnes, tout en se démenant du matin au soir, en déployant une activité fiévreuse, n’arrivent pas à des résultats proportionnés aux efforts qu’elles produisent. En second lieu, varions nos occupations. Si un travail est long et peu attrayant, répartissons-le en plusieurs séances ; il nous paraîtra plus agréable et nous ferons meilleure besogne. En établissant le plan de notre journée, disposons nos occupations de telle sorte que le même organe ne soit pas trop longtemps occupé ; à un travail où l’esprit joue le rôle prépondérant, faisons succéder un travail réclamant avant tout un effort corporel ; nous utiliserons ainsi mieux nos énergies. Enfin, tâchons d’avoir un sommeil paisible et réparateur, pas trop long, ce qui disposerait à la mollesse, mais suffisant pour permettre à l’organisme de se reposer des fatigues de la journée. Pour la jeunesse, un sommeil de neuf heures environ est nécessaire et suffisant.

Fuyons les distractions vaines ; en matière d’éducation, il faut toujours joindre l’utile à l’agréable. Les récréations réunissant ces deux qualités ne manquent d’ailleurs pas.

Les arts appliqués, par exemple, sont un excellent moyen de se délasser d’une manière intelligente, utile et très attrayante. Dans le vêtement, comme dans le mobilier et l’habitation, se révèlent la personnalité, l’esprit inventif et le bon goût. Quoi de plus seyant qu’un vêtement dont nous avons tracé le modèle nous-mêmes, dont nous avons inventé les broderies, peut-être composé les dentelles ? Quoi de plus agréable qu’un chapeau simple, sensé, harmonieusement en rapport avec tout ce qui est nous ? Et le mobilier, et l’ameublement, et l’habitation, réalisés suivant nos indications, en rapport avec nos besoins, nos habitudes particulières et révélant le sens esthétique le plus averti ! Quel cachet de bien-être, d’intimité on peut leur donner ; comme on peut y faire vivre son âme, sa pensée ! La sculpture, la peinture, le travail du bois où l’on se perfectionne librement aux heures de loisir ne contribuent pas moins à l’ornementation du home !

Mais pour bien réussir en tout cela, formons sérieusement notre sens esthétique. Faisons fi des lois de la mode dictées par des tailleuses et des modistes fantaisistes, moins intelligentes et moins cultivées que nous. Adoptons pour principe qu’un vêtement doit être fait pour nous accommoder et non pour nous incommoder, qu’il doit satisfaire aux exigences de l’hygiène et des saines convenances et puiser sa beauté non dans l’originalité et la fantaisie, mais dans le goût sobre et délicat. Ne tentons pas d’acquérir le sens du beau d’après les seuls principes recueillis dans des livres, entreprise inutile, d’ailleurs. Consultons la raison, le bon sens ; visitons les musées de peinture, de sculpture, les expositions d’arts décoratifs, d’ameublement, etc., faisons-nous accompagner par des personnes compétentes qui rectifieront et compléteront nos idées personnelles ; suivons les conférences artistiques et les excursions qui en sont le complément indispensable. Que nos travaux de jardinage, nos promenades ne soient pas seulement pour nous un pur délassement, un simple exercice physique ; profitons-en pour former nos goûts. Le Créateur est le plus grand artiste, celui dont l’œuvre est la mieux ordonnée et inspire les idées les plus élevées. Profitons aussi de nos voyages pour apprécier les paysages, les beautés naturelles, les monuments, les richesses artistiques des villes et des pays que nous visitons ; nous en rapporterons des impressions précieuses et durables.

Ces voyages sont une distraction très à la mode de nos jours. Entreprenons-les non par pure vanité, mais dans l’intention de nous instruire. Commençons d’abord par bien connaître notre ville natale, notre pays, avant de nous porter ailleurs. Ne les visitons pas en curieux, mais avec le vif désir de nous instruire sur les grands faits du passé, sur les richesses artistiques, sur la situation économique et sociale, sur les institutions de bienfaisance, de prévoyance, etc. Veillons aussi à ce que ce goût des déplacements soit maintenu dans de justes limites ; car s’il devenait excessif, il diminuerait en nous l’amour du foyer.

Il y a aussi un grand nombre de récréations que l’on peut se payer à peu de frais chez soi. Préférons les jeux d’adresse et les jeux en plein air qui développent notre initiative et fortifient notre santé ; évitons ceux qui exigent trop d’attention et qui sont une étude, non une distraction.

Livrons-nous à la conversation avec des personnes sérieuses, intelligentes et instruites, mais préparons soigneusement ces entretiens afin d’en retirer le plus grand fruit possible.

Adonnons-nous à la lecture, mais faisons un choix sérieux des livres à lire ; évitons les romans d’un sentimentalisme outré qui donnent de fausses idées sur la vie et sur le cœur humain. Recherchons les ouvrages instructifs dont nous retirerons des conseils utiles pour notre perfectionnement.

Étudions la musique. Ne nous contentons pas d’un répertoire invariable que nous exécuterions comme un perroquet devant le monde parce que la mode veut qu’une jeune fille de bonne famille sache en faire autant. Efforçons-nous d’acquérir une culture musicale sérieuse qui développe en nous le goût du beau, élève l’âme et ennoblit ses sentiments. N’abusons cependant pas de la musique instrumentale, surtout si nous avons un tempérament quelque peu nerveux.

Les soirées familiales doivent avoir nos préférences. Quant au théâtre, si le spectacle est bien choisi et respecte les lois de la modestie chrétienne, il peut stimuler notre volonté et réveiller en nous des énergies latentes. Plutôt que de rechercher les pièces à la mode, accordons toutes nos préférences à celles qui ont un but moralisateur, mais n’y allons jamais pour être vues…

Le monde ne se trouve pas dans les salons, le vrai monde est celui où l’on rencontre les réalités de la vie, ceux qui souffrent, ceux qui sont dans la misère, ceux qui peinent. C’est le monde des œuvres qui sollicitent les dévoûments. Adonnons-nous aux œuvres éducatrices, crèches, consultations des nourrissons, œuvres de la goutte de lait, etc.

Employons une large part de nos loisirs à visiter les pauvres, surtout les familles nombreuses et celles qui n’osent tendre la main. Allons nous asseoir au chevet des malades, rendons leurs souffrances moins pénibles par nos aumônes et nos paroles réconfortantes. Faisons partie des sociétés pour la protection des jeunes filles, des jeunes ouvrières, etc. ; que rien ne soit négligé de ce qui, tout en charmant nos loisirs, nous permet de nous rendre utiles dans le présent et nous prépare à bien remplir le rôle que l’avenir nous réserve.

Livres à lire :

Lalieu (Chne). Mode et piété. — Lille, Paris, Bruxelles, Desclée, De Brouwer et Cie, 0,30 fr.

Dauzat. Pour qu’on voyage. — Paris, Didier, 3,50 fr.

Becaut. L’art. — Paris, Larousse, 2 fr.

Dutry. L’art à la ferme. — Mont St-Amand. De Scheemaecker.

Dutry. L’art à la maison. — Mont St-Amand. De Scheemaecker.