Aller au contenu

L’Éducation de la Jeune Fille par elle-même/Chapitre 10

La bibliothèque libre.
Société Saint-Augustin (p. 66-72).

Dixième causerie.

comment se préparer au mariage.

Les statisticiens nous apprennent qu’environ 90 % des jeunes filles se marient et que 10 % restent célibataires, parmi lesquelles 2 % adoptent la vie religieuse.

Une jeune fille sérieuse ne se prononce pas définitivement à 15 ou 10 ans pour une vocation déterminée ; ce serait agir à la légère, sans savoir si elle pourra en remplir convenablement tous les devoirs. Mais comme la préparation à un état n’engage en rien pour l’avenir, comme elle est même indispensable pour se prononcer en pleine connaissance de cause au moment requis, il est tout naturel que la jeune fille se prépare au mariage, puisque c’est l’état le plus normalement accepté et que la préparation dans cette voie ne nuit en rien aux deux autres états pour lesquels on pourrait encore se prononcer avantageusement dans la suite.

En général, on ne prépare pas suffisamment la jeunesse au mariage. C’est cependant un sacrement qui exige une préparation au moins aussi sérieuse que les autres, puisqu’il ne concerne pas seulement les époux, mais qu’il exerce en plus une influence souvent décisive sur le bonheur des enfants.

Dans les pensionnats, on en parle parfois, mais trop discrètement, les maîtresses préférant remettre cette importante question au soin des familles. Chez certains parents, il y a parfois trop d’empressement à vouloir établir leurs enfants. Mais on n’envisage souvent la question qu’au point de vue mondain. La prévoyance exige que les jeunes filles reçoivent de bonne heure cette préparation ; car leurs parents peuvent mourir avant qu’elles ne soient établies et les orphelines font souvent de mauvais mariages, parce qu’elles n’ont pas assez d’expérience personnelle pour faire un bon choix.

La condition essentielle du bonheur dans le mariage est une heureuse conformité de goûts et de principes, l’union dans la même foi et la pratique des mêmes vertus. Quelle intimité peut-il exister entre deux personnes que la dissemblance de leur conduite tend à séparer ? Comment prendre pour ami, pour soutien, pour protecteur, pour compagnon de sa vie, pour arbitre de sa conduite, pour dépositaire de sa pensée, pour objet de son affection, un ennemi de sa foi, de sa piété, de ses vertus ? Comment commander à ses enfants le respect pour leur père et en même temps devoir les prémunir contre ses exemples ?

Trop souvent dans le monde, au lieu de s’enquérir des qualités du fiancé, on s’enquiert principalement de sa fortune et de la figure que son union donnera l’occasion de faire dans la société. Certes, il faut de l’argent pour diriger convenablement un ménage, pour conserver sa situation sociale, pour élever et placer honorablement ses enfants. Il convient même que les fortunes s’assortissent, à moins que l’un des jeunes gens n’apporte des mérites exceptionnels, difficiles à contrebalancer par l’autre. L’égalité de fortune est l’indice d’une égalité dans les conditions sociales, donc dans les goûts, dans les besoins, dans l’éducation, dans les relations. D’un autre côté, si l’un des deux époux n’apportait sa part dans une aisance qui va devenir commune, il y aurait lieu de craindre qu’il n’ait souvent l’occasion de se sentir dans une humiliante infériorité. La faute que l’on commet donc, quand on envisage la fortune d’un prétendant, c’est qu’on lui accorde une valeur démesurée au détriment des qualités morales qui devraient avoir l’influence prépondérante sur la décision.

L’étude du cœur humain est bien complexe ; elle réclame une grande perspicacité et beaucoup d’expérience. Ce n’est pas dans la société mondaine qu’il faut pousser ses investigations ; on ne s’y montre pas souvent tel que l’on est en réalité. Ce n’est pas non plus dans les romans, qui nous représentent souvent des personnages artificiels, créés selon la seule fantaisie de l’auteur. Dans le monde des œuvres, dans les réunions de familles, on a certainement plus de chance de réussir. Formons-nous une opinion sans précipitation et avant de nous prononcer, observons beaucoup sans qu’il y paraisse.

Mais l’étude du caractère, des qualités morales, des principes religieux ne suffit pas. Une santé débile chez l’un des époux, outre qu’elle nuit à la prospérité et au bonheur du ménage, peut avoir une répercussion fatale sur la constitution physique des enfants. Et ce n’est pas seulement sur la santé du prétendant qu’il faut porter son attention, mais aussi sur celle de ses ascendants, afin de s’assurer s’il n’y a pas dans sa famille de ces prédispositions héréditaires qui se transmettent de père en fils, ou qui éclatent après être restées latentes pendant quelques générations.

En général, les jeunes filles non averties, non mises en garde, sont trop crédules, trop naïves même, et se laissent prendre au premier compliment qu’on leur adresse. Qu’elles apprennent donc à maîtriser leur cœur, à contenir leurs sentiments. Qu’elles acceptent poliment toutes les avances qu’on leur fait, mais qu’elles ne prennent jamais de décision sur-le-champ, qu’elles se réservent et se donnent le temps de réfléchir, de demander conseil, afin de se prononcer en pleine connaissance de cause.

Il serait illusoire de prétendre rencontrer un jeune homme répondant en tous points à l’idéal que l’on se propose ; il n’existe pas deux personnalités entièrement semblables. Mais si les âmes ne vibrent pas tout d’abord à l’unisson, il est possible de les rapprocher beaucoup. C’est, pourquoi il convient, que les jeunes gens, se sentant attirés l’un vers l’autre en vue du mariage, se parlent franchement, se montrent tels qu’ils sont, échangent leurs vues sur les questions matrimoniales. L’amour fait faire des concessions réciproques et corrige les légères imperfections. Mais si l’on constatait des divergences de vues, des incompatibilités de caractère que l’on ne pourrait avantageusement modifier, mieux vaut cesser toute relation que de s’engager définitivement dans un état qui ne pourrait, qu’être malheureux. Ces concessions possibles, on réussira d’autant, mieux à les faire qu’on s’y sera préparée de bonne heure, en observant, les ménages que l’on a l’occasion de voir de près, en recherchant les causes, les effets des malentendus qui s’y produisent et en appréciant les moyens que l’on y emploie pour les prévenir ou y remédier.

Tout en songeant à être bonne épouse, il faut aussi se préparer à être bonne mère et bonne ménagère. On cherchera donc à se perfectionner en dirigeant le ménage de ses parents sous le contrôle de sa mère ; on approfondira ses connaissances en matière d’économie domestique en y ajoutant des notions de pédagogie, pour connaître les soins à donner aux enfants tant au point de vue de l’âme que du corps. On pourra se préparer très avantageusement à l’examen d’éducatrice institué par la Ligue de l’Éducation familiale, on visitera utilement les crèches, les consultations de nourrissons, etc.

Il y aura lieu également de penser au contrat de mariage. Plusieurs systèmes méritent l’attention ; le système de la communauté réduite aux acquêts semble à conseiller ; il permet de verser les revenus de sa fortune dans la communauté, tout en se réservant la propriété de ses biens meubles et immeubles.

Apportera-t-on une dot ou une pension ? Les deux systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients sur lesquels il convient de réfléchir. Pour beaucoup de jeunes filles, il serait prudent de contracter une assurance sur la vie ou simplement de s’assurer une pension à un âge déterminé.

Enfin, si après avoir mûrement réfléchi et après avoir pris conseil de ses parents et de son guide spirituel, on renonce au mariage, on envisagera alors la deuxième hypothèse. En restant célibataire on peut aussi jouer un rôle très utile : soigner ses vieux parents, égayer leurs vieux jours, se dévouer à toutes les bonnes œuvres, etc. À moins que l’on ne se sente appelée vers une vocation supérieure et que l’on ne se consacre à Dieu.

Livres à lire.

Abbé Hoppenot. Le catéchisme du mariage. — Paris, 5, rue Bayard.

Nysten. Voulez-vous être heureux en mariage ? — Liège, Dessain, 2,25 fr.

Dupanloup. Le mariage. — Paris, Téqui, 4 fr.

Rouzic. Avant le mariage. — Paris, Lethielleux, 1 fr.

Revue de l’Éducation familiale : Moyens de faire régner la paix dans les ménages. Année 1903, p. 473 et 1904, p. 155.

Alban Stolz. L’art de l’éducation. — Lierre. Van In, 3 fr.

Desœr. Les lois usuelles. — Liège, Desœr.

Delcuve. Le catéchisme de la mère de famille. — Bruxelles, Lamertin, 1 fr.

Wéber. L’art d’être infirmière. — Bruxelles, Lamertin, 5 fr.

Mme B. de L. Les Grandeurs de la maternité chrétienne. — Lille. Paris, Bruxelles, Desclée, De Brouwer et Cie, 3,50 fr.

Lalieu (Chne). La vie dévote et la sainteté du mariage, d’après saint François de Sales. — Lille, Paris, Bruxelles, Desclée, De Brouwer et Cie. 0,30 fr.