L’Émigré/Lettre 137
LETTRE CXXXVII.
au
Marquis de St. Alban.
Moniieur le Marquis,
J’apprends que votre projet est de
venir ce soir ici, et je m’empresse
de vous éviter un affreux spectacle.
Le pauvre comte de Loewenstein,
après avoir déjeuné ce matin avec nous,
sans aucune apparence d’incommodité,
nous a quittés pour aller chez lui ;
mais à peine a-t-il eu fait quelques
pas que nous l’avons vu tomber auprès
de la porte du sallon ; nous sommes
accourus, il était déjà expiré. Il n’a pas fait un mouvement, donné un signe
de vie, quelques moyens qu’on ait
employés pour le ranimer. C’est un
coup de sang, qui aura vraisemblablement
fait périr cet honnête gentilhomme.
Vous jugez, monsieur le Marquis,
de la désolation de tout le château.
La mère de la Comtesse dont
vous connaissez l’excellent cœur, m’a
chargé de vous écrire pour vous prévenir
de l’affreux accident qui ne lui
permettra pas de vous recevoir. J’ai
l’honneur d’être avec la plus haute
considération,
obéissant serviteur,
le Baron de Warberg.