L’Étourdi, 1784/Seconde partie/Postface

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, ou attribué au chevalier de Neufville-Montador.
(p. 2-4).

POSTFACE

de l’Éditeur.


MAlgré ce que notre héros dit dans ſa derniere lettre, je ne crois pas qu’il perſévere à renoncer aux agrémens que le monde procure ; je m’attends à le voir ſe replier ſur lui-même, & s’élancer derechef dans la ſociété. Alors il ne manquera pas de m’inſtruire de tout ce qui s’y paſſera ; & moi je vous promets, cher lecteur, de vous en faire confidence. En attendant occupez-vous à lire deux de ſes pièces de vers, car vous avez vu[1] qu’il s’amuſait quelquefois à ce genre de plaiſir.

Madame de ... ayant oublié à ... des ceintures à la levite, elle le chargea de les lui envoyer. Il y joignit ces vers.


Je voudrais… quoi… je voudrais être
Où ces rubans vont ſe placer ;
Avec orgueil on m’y verrait paraître,
Rien ne ſaurait m’en détacher ;
Je jouirais des biens dont je ſerais le maître,
Sans ceſſe autour de vous, j’apprendrais à penſer.

Eſt-ce donc là tout l’avantage
Qui flatterait & mes yeux & mon goût ?
Non !… Je voudrais encore davantage,
Je ſerais près du cœur, & le cœur mene à tout.


Une femme charmante, avec laquelle il était à la campagne, lui ayant demandé ſon portrait en vers.


Voici comme il le fit.


Amour, ſois mon Apelle,
Viens guider mon pinceau,
D’Iris dont tu fis le modele
Je dois crayonner le tableau.

Des cheveux cueillis ſur ſa tête
Les graces font des bracelets,
Pour mieux aſſurer ta conquête
Amour treſſes en des filets !

Peins ſa bouche divine,
Son teint de lys, ſon ſourire enchanteur,
Peins ſa taille élégante & fine
Sa voix qui frappe, & l’oreille & le cœur.

Ses yeux où l’eſprit étincelle,
Son front où regne la pudeur,
Et ſa gorge dont la fraîcheur
Égale la roſe nouvelle.

Sur ſes levres eſt la décence,
La modeſtie eſt dans ſon cœur,
Dans ſon ame eſt la bienfaiſance,
L’affabilité, la candeur.


De ce qui ſuit ſes traces
Peins le cortege ſémillant.
Peins les jeux, les ris & les graces,
La fidélité, l’enjouement.

En aſſignant la place
À chaque groupe varié,
Amour ! je t’implore, de grace.
Que la mienne ſoit à ſes pieds.



  1. Voyez pag. 67 de cette ſeconde partie.