L’Évolution Française sous la Troisième République/Chapitre I

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chapitre premier

les premières années de la république.

Le 4 septembre et la Défense nationale. — L’Assemblée de Bordeaux. — L’insurrection communiste : Paris repris par les Français. — Premiers symptômes de relèvement. — La décentralisation : l’esprit de parti.

Dans la série des journées révolutionnaires que renferment les annales de la France moderne, le 4 septembre 1870 occupe une place à part. L’Empire, à cette date, ne fut pas renversé ; il cessa. On a souvent tenté, dans un intérêt de parti, facile à discerner, de représenter le 4 septembre comme l’entreprise réfléchie et combinée d’un groupe de factieux. Une semblable entreprise n’aurait pu se préparer en secret ni s’accomplir sans résistance ; la facilité même avec laquelle s’opéra le changement de régime indique à la fois combien les institutions impériales étaient instables et combien on s’attendait peu à les voir disparaître si rapidement.

Le Corps législatif comptait, il est vrai, des républicains qui n’avaient jamais dissimulé leurs opinions ni cessé de lutter en vue d’orienter l’avenir dans une direction conforme à leurs vœux. Mais le patriotisme et l’intérêt leur commandaient également de ne point hâter un dénouement qui devait être préjudiciable à la cause de la paix comme à celle de la République. « Nous ne voulions pas, a dit l’un d’eux, que le gouvernement qui est l’idéal de notre vie politique fût inauguré dans les aventures. » Néanmoins, dans l’attente du désastre, que prévoyaient dès lors tous les hommes de bon sens, on envisageait, parmi les députés, l’opportunité d’une sorte de « Comité de la Défense nationale ». Les noms de M. Schneider, président du Corps législatif, du général de Palikao, ministre de la guerre[1], et du général Trochu, gouverneur de Paris, semblaient rallier tous les suffrages. Il demeurait entendu que, s’il devenait nécessaire de créer un gouvernement, on le ferait aussi « anonyme » que possible, de façon à « continuer l’ordre légal[2] » sans engager l’avenir ni rompre ouvertement avec le passé. La régence de l’Impératrice ne passait pas pour une solution sérieuse, et l’agitation que les intérêts dynastiques entretenaient autour du trône semblait n’avoir pas d’écho dans le Parlement.

Le désastre vint, et parmi les plus pessimistes nul ne l’avait prévu si tragique et si complet. Quand la nouvelle de la capitulation de Sedan eut été communiquée par l’Impératrice au ministre de la guerre, le général de Palikao en fit part à la Chambre, non sans quelques réticences ; il y eut une séance de nuit, au cours de laquelle Jules Favre déposa, au milieu d’un silence glacial, une proposition de déchéance. La majorité de cette Chambre était dévouée à l’Empire ; la plupart des députés lui devaient leur mandat ; beaucoup l’avaient obtenu à l’aide de la candidature officielle qui, depuis si longtemps, faussait les résultats du suffrage universel. Aucune voix, néanmoins, ne s’éleva dans l’enceinte parlementaire pour défendre la dynastie et son chef. On les sentait condamnés. La fragilité des liens qui unissaient la France à l’Empire apparaissait au grand jour ; un simple contrat était intervenu entre eux ; on ne pouvait se soustraire à l’obligation de le dénoncer.

Ce fut l’indignation populaire qui proclama la République. Une foule considérable, dont l’attitude était à la fois calme et résolue, envahit le Corps législatif, s’y empara en quelque sorte des députés de l’opposition et les entraîna à l’Hôtel de ville, sans que la circulation eût été interrompue dans Paris, sans qu’on se fût opposé au départ de l’Impératrice qui, à cette heure même, quittait les Tuileries, sans une apparence quelconque de résistance de la part des fonctionnaires et des soldats. On rapporte que le préfet de la Seine, M. Alfred Blanche, voyant arriver dans son cabinet M. Gambetta, lui dit : « Je vous attendais », et se retira. Tout le 4 septembre se résume en ce mot. Depuis le matin on « attendait » la République représentée par ces citoyens qui paisiblement s’acheminaient le long des quais vers le palais municipal.

L’embarras de ceux que les circonstances poussaient de la sorte au pouvoir était grand. Ils avaient conscience de leur terrible responsabilité et ne l’acceptaient point le cœur léger. Ils étaient, de plus, dans la nécessité d’opposer une énergique résistance aux « impatients », comme ils les appelaient par euphémisme, à ces hommes de désordre dont ils avaient obtenu les suffrages, mais dont ils ne partageaient pas les passions violentes. À l’Hôtel de ville se trouvaient déjà Millière et Delescluze, pressés d’entreprendre une croisade révolutionnaire. La Commune était en germe dans certains quartiers de Paris ; le 18 mars aurait pu servir de lendemain au 4 septembre ; il n’y avait pas à tergiverser. La députation de Paris se constitua en « gouvernement de la Défense nationale[3] ». En faisaient partie : MM. Emmanuel Arago, Crémieux, Jules Favre, Jules Ferry, Gambetta, Garnier-Pagès, Glais-Bizoin, Pelletan, Ernest Picard, Jules Simon et Henri Rochefort. Le général Trochu fut appelé à la présidence du gouvernement. M. Étienne Arago fut nommé maire de Paris[4].

Une double tâche s’imposait aux nouveaux gouvernants : organiser à l’intérieur la défense en faisant appel à toutes les bonnes volontés ; solliciter, à l’extérieur, l’intervention des puissances européennes. « Entourez-vous, écrivait Gambetta aux préfets, le 5 septembre, de citoyens animés, comme vous-mêmes, du désir immense de sauver la patrie. Appliquez-vous surtout à gagner le concours de toutes les volontés, afin que, dans un unanime effort, la France doive son salut au patriotisme de ses enfants. » Et, quelques jours plus tard, Jules Favre, adressant une circulaire à nos représentants à l’étranger, les pressait de dégager, aux yeux des souverains près desquels ils étaient accrédités, la responsabilité de la France. « Il n’y a pas un homme sincère en Europe, disait-il[5], qui puisse affirmer que, librement consultée, la France eût fait la guerre à la Prusse. »

La proclamation de la République avait excité, en province, un vif enthousiasme ; un grand nombre de Français, émus par les souvenirs de 1792 et incapables, en cet instant tragique, de mesurer la différence entre les deux époques, en attendirent une sorte de miraculeux réveil et s’imaginèrent que des forces imprévues allaient jaillir du sol pour repousser l’ennemi. Ils sentaient l’âme de la nation sortir de sa léthargie et répétaient avec le Strozzi de Lorenzacchio : « Quand la République ne serait qu’un mot, ce mot est quelque chose, puisque les peuples se lèvent quand il traverse l’air. »

Les événements parurent un instant justifier ce fol espoir. Gambetta s’annonçait comme un second organisateur de la victoire ; à l’appel de sa voix qui, rarement par la suite, trouva de plus nobles accents, la confiance remontait dans les âmes et la haine contre l’envahisseur rapprochait tous les cœurs. « Pas un pouce de notre territoire ! pas une pierre de nos forteresses ! » avait dit Jules Favre, et cette fière réponse, chacun la redisait au fond de soi-même. Un grand courant de patriotisme avait passé sur la France, la solidifiant, comme dans les régions septentrionales, ces vastes étendues maintenues par leur immobilité à l’état liquide et qu’un souffle froid congèle en un instant. Ce fut une lutte héroïque. Tout ce que le sang gaulois contient de noble et généreuse ardeur se réveilla : il n’y eut plu qu’un seul drapeau ; les hommes d’âge, après les jeunes gens, s’enrôlèrent, la joie dans les yeux, heureux de se battre pour une cause si juste et si sainte ; et quand, enfin, la ruine fut consommée, quand Paris assiégé fut près de périr par la faim, quand il fallut mettre bas les armes et avouer la défaite, la France eût la consolation de pouvoir constater, comme au temps de François ier, que tout était perdu, « fors l’honneur » !

On ne s’était pas fait moins d’illusions en ce qui concernait l’attitude des puissances étrangères qu’en ce qui concernait la force de nos bataillons improvisés. L’Europe apprit avec satisfaction les premières victoires prussiennes ; notre conduite exubérante et folle avait mécontenté tous les gouvernements[6] ; la guerre d’Italie même avait laissé des rancunes au cœur des Italiens, et, dans le premier moment, il ne se trouva personne pour plaindre notre sort. Plus tard, l’effort des Français, leur foi indomptable, commandèrent l’estime et l’admiration ; l’Europe n’en manifesta pas moins clairement son intention de s’abstenir. La capitulation de Sedan, pourtant, n’avait pas laissé que d’inquiéter certaines puissances neutres ; elles redoutèrent que l’équilibre, un instant rétabli, ne se rompît de nouveau par une victoire trop complète de l’Allemagne. Mais ces puissances ne voulaient pas intervenir en faveur d’un gouvernement qui ne leur inspirait encore aucune confiance. Telle fut l’impression que M. Thiers rapporta de son douloureux pèlerinage à travers l’Europe, pèlerinage entrepris au lendemain du 4 septembre et au cours duquel il ne recueillit des souverains et de leurs ministres que de vagues condoléances et des promesses sans portée. L’Italie, d’ailleurs, avait profité de nos embarras pour faire de Rome le centre et le couronnement de son unité, et le prince Gortchakow pour dénoncer le traité de 1856, résultat de la malencontreuse guerre de Crimée.

La prolongation de la lutte, qui ne nous attirait que des sympathies privées, — secours à nos blessés et dons en argent envoyés de l’étranger par des associations charitables, — eut pour résultat d’exaspérer le vainqueur. On a longtemps représenté le prince de Bismarck comme ayant été poussé à la guerre par le parti militaire prussien. Lui-même a donné à entendre qu’on l’avait obligé à se montrer exigeant. L’extraordinaire destinée du chancelier de fer lui réservait pour ses vieux jours des amertumes de vaincu, et c’est ainsi que le monde a appris, par un aveu de sa propre bouche, que, pour rendre inévitable un conflit qu’il jugeait nécessaire à la réalisation de ses desseins, le prince de Bismarck n’avait pas reculé devant la falsification d’un télégramme[7].

Aveuglé par le sentiment de son propre mérite, le chancelier ne sut pas, en cette circonstance, s’élever au-dessus de ses passions. Il n’était pas impossible, cependant, d’entrevoir l’instabilité de la situation qui allait résulter d’une guerre imprudemment prolongée. « La guerre matérielle aura cessé, écrivait M. de Mazade[8], appréciant l’avenir, la guerre morale recommencera pour ne plus finir. Entre la France et l’Allemague, ce ne sera point la paix ; ce sera tout au plus une trêve agitée, pleine d’inimitiés et de ressentiments, au sein de laquelle les intérêts, les relations des deux pays seront perpétuellement en péril… on aura élevé une barrière : le commerce, l’industrie, les communications intellectuelles en souffriront ; l’Europe tout entière se ressentira elle-même de ce grand trouble jeté au centre du continent… même après les démembrements dont on nous menace, la France ne sera jamais assez mutilée pour ne pas rester encore une grande nation : elle se recueillera, elle s’éclairera par ses malheurs, elle retrouvera ses forces et son génie… Qui pourrait dire que l’Allemagne n’aura pas un jour ou l’autre à rendre compte d’un abus de la victoire dont elle ressentira les suites fatales dans les crises de l’avenir, qui, dans tous les cas, peut entraîner sa politique dans toutes les affaires du monde ? » Voilà ce que M. de Bismarck ne vit point ; en revanche, cette attitude de l’Allemagne n’a pas été sans bénéfices pour nous. L’état de paix armée a pu peser lourdement sur nos finances et paralyser même, à diverses reprises, notre vie nationale. Qui oserait prétendre qu’il n’a pas aidé à l’œuvre de reconstruction en maintenant unies toutes les bonnes volontés, en commandant aux représentants du peuple la sagesse et la prudence, en écartant les dangers d’une confiance et d’une sécurité trop complètes ? L’Allemagne a certainement entretenu chez nous une féconde émulation et empêché de s’éteindre l’ardeur des premiers jours.

Les membres du gouvernement de la Défense nationale avaient hâte d’en appeler au suffrage universel et de lui faire approuver les actes que le souci du salut public les avait amenés à accomplir. Mais il était dans leur destinée d’avoir à faire aux circonstances le sacrifice des doctrines qu’ils avaient toujours professées ; ils se virent forcés de gouverner sans contrôle, de maintenir la disçipline militaire dans toute sa rigueur, et même de faire usage de ce plébiscite dont ils condamnaient si énergiquement le principe sous le régime précédent[9]. Dès le 8 septembre 1870, les électeurs avaient été convoqués pour le 16 octobre suivant, à l’effet d’élire une Assemblée constituante : peu de jours après, la convocation fut avancée au 2 octobre[10]. Mais M. de Bismarck avait trop d’intérêt à empêcher la réunion d’une Assemblée qui eût légalisé la situation intérieure de la France et par là même facilité ses rapports avec les autres nations, pour se prêter à une suspension d’armes. Dès le 10 septembre, M. Jules Favre lui avait écrit, demandant une entrevue[11]. Elle eut lieu le 19 septembre et se renouvela le lendemain. Le chancelier a pris soin de confirmer lui-même[12] l’exactitude des impressions emportées de Ferrières par le représentant de la France ; les conditions auxquelles il consentait à un armistice étaient de celles qu’on ne pouvait même discuter. Appuyé par la population parisienne, le gouvernement opposa une fin de non-recevoir et ajourna les élections.

Paris était investi, et une délégation composée de MM. Crémieux, Glais-Bizoin et l’amiral Fourichon siégeait à Tours. Le 7 octobre, Gambetta partit de Paris en ballon, traversa les lignes prussiennes et rejoignit la délégation. Il avait le mandat d’organiser la défense et de ne pas faire les élections[13]. Or l’état d’esprit n’était pas le même en province qu’à Paris, où tout se résumait en ceci : tenir bon jusqu’à ce que la province pût débloquer la capitale, ou qu’une intervention étrangère imposât l’armistice aux Allemands. En province, l’absence d’un gouvernement légal était ressentie plus vivement. L’ajournement des élections y fut considéré comme une faute grave. C’en était une, en effet ; elle permit à M. de Bismarck d’affecter, en présence du caractère provisoire des institutions, une indifférence ironique entre l’Empire et la République, et de se dire prêt à signer la paix avec le plus offrant.

Il n’entre pas dans le cadre de cette étude de refaire, même en résumé, l’histoire des jours sombres pendant lesquels la France disputa pied à pied son territoire aux armées allemandes. D’autres l’ont écrite en détail et avec talent[14]. Le gouvernement de la Défense nationale ne fut, après tout, que le préambule de la République, un préambule écrit avec du sang, dans les ténèbres. Les hommes qui eurent le pesant honneur d’en faire partie ont vu, comme ils devaient s’y attendre, leurs actes et leurs intentions calomniés : il est difficile de prétendre qu’ils n’aient pas justifié en grande partie leur conduite dans leurs dépositions devant la commission d’enquête instituée par l’Assemblée nationale. En tout cas, on doit reconnaître qu’ils sauvèrent l’honneur de la France en organisant la résistance à outrance, qu’ils ne reculèrent devant aucune des responsabilités que leur initiative leur faisait encourir, et qu’ils cherchèrent sincèrement à n’être pas un gouvernement de parti.

Ils le devinrent malgré eux ; à la longue, les questions politiques reprirent le dessus, la solidarité qui, dans la lutte contre l’Empire, les avait unis aux radicaux, les utopies qu’ils avaient admises parfois dans leurs programmes, tout leur passé batailleur entravaient leurs mouvements, et quand éclata l’insurrection communiste, qui ajouta aux horreurs de la guerre étrangère celles de la guerre civile, on voulut les en rendre responsables ; on oubliait qu’ils avaient tenu en respect pendant six mois les éléments de désordre ; on leur reprochait de n’avoir pas su les anéantir. Il y eut contre eux un mouvement de réaction injuste qui les écarta du pouvoir ; les uns, comme Gambetta, Jules Ferry, Jules Simon, devaient y revenir et y faire preuve des plus hautes qualités politiques : les autres, comme MM. Crémieux, Garnier-Pagès, Glais-Bizoin, ne reparurent plus au premier rang[15].

L’un des plus dignes fut aussi l’un des plus calomniés, Jules Favre. Sa popularité était grande au 4 septembre ; il la paya bien cher. La destinée le condamna à mettre son nom au bas du fatal traité de paix qui démembrait son pays, et son pays était ce qu’il aimait le plus au monde. Ses ennemis, trouvant dans sa vie privée une plaie mal fermée, la rouvrirent et la fouillèrent avec une cruauté barbare. On tourna en ridicule les élans de sa sensibilité en présence du vainqueur, et les délicatesses de sa modestie demeurèrent incomprises[16]. La fin de sa carrière fut une montée de calvaire, et pourtant dans sa correspondance on ne relève qu’une seule plainte — bien douce — arrachée à son courage par ses souffrances[17].

Il fut, en somme, la première victime de ces courants de calomnie populaire qui, habilement exploités par des hommes influents et haineux, terrassèrent plus d’un bon serviteur de la France sous la troisième République. Plus d’un aussi, parmi ceux-là, a déjà trouvé, par un retour de l’opinion, la réhabilitation que méritait sa mémoire.

Gambetta, que la France avait acclamé, n’était pas encore l’homme politique avisé et réfléchi qui présida plus tard la Chambre des députés. Les grandes idées qui hantaient son cerveau ne pouvaient lui tenir lieu de cette expérience, de cette « notion des difficultés » que les hommes acquièrent plus ou moins rapidement, selon leur degré d’intelligence et de savoir-faire, mais qui jamais ne sont innées chez eux. Six mois d’un pouvoir dictatorial l’avaient grisé : quand vinrent les élections, il voulut rendre inéligibles tous ceux qui avaient servi l’Empire ; il fallut la résistance de ses collègues pour l’empêcher d’entrer dans cette voie ; de dépit il se retira.

Son heure n’était pas venue. L’homme sur qui maintenant se concentraient tous les regards avait le double privilège d’avoir un passé politique et cependant de n’être en rien compromis par le régime déchu. Il avait été un grand ministre, ou du moins bien des gens le jugeaient tel ; il était devenu un grand écrivain ; son attitude à la veille de la déclaration de guerre et son voyage à travers l’Europe, à la recherche des sympathies étrangères, faisaient de lui un grand citoyen. Il avait au front l’auréole de la sagesse, et la France sentit qu’elle avait là une autorité morale qui forcerait le respect. M. Thiers fut élu vingt-huit fois, et le retentissement de ce plébiscite hors de nos frontières fut d’autant plus considérable qu’on ne pouvait en méconnaître la spontanéité[18].

Les élections eurent lieu, en effet, dans une sorte de crépuscule. Les partis n’avaient guère en le temps de se reconstituer ; l’entente entre les citoyens n’avait pas été possible ; comment se mettre d’accord sur les noms des candidats et rédiger des programmes précis ? Chacun, en briguant les sulfrages, ne pouvait que donner sa propre opinion et promettre son bon vouloir. Les communications mal rétablies et la présence de l’ennemi devaient nécessairement tenir la politique écartée de cette grande consultation électorale, et on put croire, au premier moment, qu’il en résulterait un bien pour le pays. Un heureux éclectisme était en effet la note dominante des élections. Lyon envoyait en même temps Jules Favre, le général Trochu, MM. de Mortemart et de Laprade ; Bordeaux, M. Thiers, le duc Decazes, les généraux Changarnier et d’Aurelle de Paladines. Ceux-là n’avaient en vue que de liquider le mieux possible une situation désastreuse et d’entourer ensuite de tous leurs soins la convalescence de la patrie. Une fois la paix signée et les premières difficultés financières qui en résulteraient résolues, n’était-il pas bien simple le programme qui s’offrirait aux hommes de bonne volonté ? Pour tous, abstraction faite de leurs préférences, le devoir ne serait-il pas de « mettre la main à ce travail commun qui devait embrasser notre reconstitution militaire, notre réorganisation intérieure et l’énergique réforme de l’éducation publique[19] » ? Ne fallait-il pas « s’accoutumer à faire modestement, simplement des choses utiles, afin d’apprendre à faire virilement de grandes choses, lorsque l’heure arriverait[20] » ?

Cependant, quelque simple que fût le programme, l’Assemblée de Bordeaux ne l’adopta pas unanimement. On put bientôt s’apercevoir qu’elle renfermait des minorités inquiètes et turbulentes qui semaient dans son sein des « malentendus orageux ». Tout d’abord, la responsabilité de la paix ne fut pas assez loyalement acceptée. On eût aimé voir, en cette douloureuse circonstance, l’Assemblée en deuil voter silencieusement : ce deuil et ce silence, quelle plus éloquente protestation devant l’univers ! Or il semble que, dans certains groupes, on ait cherché à réserver en quelque sorte la responsabilité de cette paix qui s’imposait, comme avec l’arrière-pensée de s’en servir plus tard dans un intérêt de parti. La nation devait déjouer d’elle-même ces calculs perfides. Le traité de 1871 n’a jamais subi le sort des traités de 1815. On le savait inévitable : le peuple eut la conviction que tout avait été tenté pour en rendre les conditions moins dures, et qu’à moins d’abaisser la dignité nationale ses représentants n’auraient pu faire davantage.

« J’appelle expressément bon citoyen, a dit Prévost-Paradol[21], le Français qui ne repousse aucune des formes du gouvernement libre, qui ne souffre point l’idée de troubler le repos de la patrie par ses ambitions et ses préférences personnelles, qui n’est ni enivré, ni révolté par les mots de république ou de monarchie, et qui borne à un seul vœu ses exigences : que le pays règle lui-même sa destinée par le moyen d’assemblées librement élues et de ministères responsables. » Il est parfaitement certain que tel était, parmi les électeurs de l’Assemblée nationale, l’état d’esprit dominant ; il n’était pas le même parmi les élus : un certain nombre de députés, nouveaux venus dans la politique, appartenaient à cette catégorie de hobereaux provinciaux qui avaient boudé l’Empire et jalousé les Parisiens, et passaient une part de leur existence à chasser, l’autre à regretter l’ancien régime. À côté d’eux siégeaient quelques républicains exaltés qui ne pardonnaient point au 4 septembre de s’être fait sans eux et prétendaient renchérir sur les doctrines des hommes les plus en vue de leur parti. Les premiers devaient leur mandat à l’influence que leur assuraient, dans les provinces, leurs propriétés territoriales ; les seconds, à l’action qu’exerçaient dans certains milieux leurs déclamations violentes et leurs promesses fallacieuses. Les uns et les autres étaient « enivrés ou révoltés par les mots de république ou de monarchie ». Ainsi, dès le principe, la situation se dessinait, telle qu’elle devait se maintenir pendant vingt ans ; cet équilibre, qui allait être la condition d’existence de la République, elle se trouvait appelée, dès le premier jour, à le réaliser, en cherchant dans l’appui des partis modérés une sauvegarde contre les exagérations des partis extrêmes, contre l’opposition irréconciliable des monarchistes et contre les intransigeances de ce radicalisme dont Ernest Picard avait dit si justement, dès 1869, qu’il n’était « pas une politique, mais une attitude ».

L’Assemblée allait entrer dans le vif de son œuvre lorsque l’insurrection communiste éclata à Paris ; elle comblait la mesure de nos infortunes. Malgré les tentatives qui ont été faites depuis pour donner à ce mouvement un caractère socialiste et humanitaire qu’il n’eut jamais, le temps, qui atténue tant de choses, n’a rien enlevé de leur horreur aux sombres souvenirs de 1871. L’assassinat des généraux Lecomte et Clément Thomas, le second siège de Paris, les orgies et les bouffonneries de la Commune, le massacre des derniers jours et cette fin immonde et bestiale dans le sang et dans le pétrole, passèrent sur la France comme un cauchemar. Des mains françaises arrachèrent de son piédestal la colonne Vendôme, ce monument fait d’un bronze péniblement conquis pour la gloire de la patrie par de simples soldats, héros obscurs dont nous ne savons pas les noms ; le drapeau tricolore, sous les plis duquel ils avaient combattu, s’abîma avec la colonne sur le sol de Paris, et les Prussiens, sous les regards desquels ces choses avaient lieu, se réjouirent, car la défaite dépassait leur attente, puisque l’ignomiuie la couronnait. La population parisienne souffrit de la Commune plus qu’elle n’y participa ; elle était tembée du « sommet des illusions les plus immenses que jamais population assiégée ait conçues dans une réalité qu’il avait été malheureusement impossible de lui révéler à l’avance[22] ». Énervée par les souffrances et les angoisses, elle ne sut pas se soustraire à l’action d’un état-major de désœuvrés cosmopolites, criminels ou déséquilibrés qui cherchaient à exploiter une situation sans précédent dans l’histoire moderne. Une défaillance de l’autorité[23] leur avait livré Paris ; il fallut cerner la capitale et s’en emparer par la force.

Le pays, retrempé et fortifié par ses récents malheurs, se groupait résolument autour de M. Thiers. L’armée remplit sans hésitation[24] sa pénible mission. Quelques députés et conseillers municipaux voulurent provoquer la réunion à Bordeaux d’une sorte de congrès des municipalités urbaines qui eût exercé un arbitrage entre Paris et Versailles. Mais le gouvernement repoussa cette dangereuse proposition et interdit la manifestation. Elle n’était pas née uniquement du désir de certains radicaux de s’appuyer sur les villes pour contre-balancer l’influence de ceux qu’on appelait les « Versaillais » et qu’ils trouvaient, eux, trop « ruraux ». Beaucoup de gens, que la chute de la Commune devait éclairer sur ses origines et ses tendances, se méprenaient sur sa portée. Cette lutte entre citoyens d’une même nation leur semblait devoir causer une première fissure dans l’unité de la France ; après le choc, ils se demandaient si le pays allait demeurer compact et redoutaient de voir apparaître à sa surface des lézardes profondes, symptômes d’un désagrégement. Aujourd’hui, la guerre de 1870 et les événements qui l’ont suivie ne nous apparaissent plus que comme une crise violente, mais passagère, et non la plus violente ni la plus dangereuse que la France ait subie : il faut se reporter par la pensée à cette époque troublée pour comprendre l’état d’esprit de ceux qui venaient de la traverser et l’ébranlement terrible qu’ils en conservaient.

Cette seconde partie de la crise avait signalé des ruines morales, venant s’ajouter aux ruines matérielles et rendant plus difficile encore l’œuvre de reconstruction. On vit clairement qu’il manquait à la France « la première condition de tout État libre, le plus simple sentiment de la loi ». Il y avait chez tous « un véritable déchaînement de fantaisies individuelles, un besoin effréné de faire ce qu’on n’a pas le droit de faire[25] », produit de cet isolement systématique entre citoyens, de ces théories individualistes, établis et propagés par l’Empire, lequel y trouvait son avantage. À un autre point de vue, la guerre civile mettait tragiquement à nu « ce travail de démoralisation qui s’accomplissait au sein de la société. On le soupçonnait à peine. La France vivait en haut de luxe, de bien-être et de plaisirs équivoques, pendant que se développaient, en bas, ces idées d’un matérialisme abject, ces convoitises et ces haines confuses qui ont affaibli le sens de la patrie autant que le sens moral[26]. » On en rendait responsable l’Internationale, sur laquelle Jules Favre attirait l’attention de nos représentants à l’étranger dans une circulaire diplomatique qui parut au moment précis où « les frères » de Belgique, d’Angleterre et de Suisse s’associaient à l’œuvre destructrice de la Commune, en glorifiant ses forfaits.

Les résultats immédiats de la Commune furent un accroissement des dépenses auxquelles nous allions avoir à faire face, et une aggravation dans les dispositions hostiles de M. de Bismarck. Le chancelier ne pouvait laisser échapper l’occasion qui lui était offerte de souligner encore l’état de désorganisation et de démoralisation apparentes de la France : il s’empressa de déclarer que les Prussiens continueraient d’occuper le territoire français jusqu’à ce que le gouvernement allemand jugeait « l’ordre suffisamment rétabli, tant en France que dans Paris, pour assurer l’exécution des engagements contractés[27] ».

Il était à prévoir que la centralisation excessive du second Empire provoquerait, dès les premiers temps du régime nouveau, un mouvement de réaction se manifestant par le dépôt de quelque proposition législative. En effet, une des lois fondamentales de la troisième République, une de celles peut-être qui ont le plus influé sur son avenir, vint en discussion, à peine le calme rétabli : la loi dite des Conseils généraux, dont M. Waddington fut rapporteur. Le mouvement de décentralisation, d’ailleurs, ne provenait pas uniquement d’une réaction : il datait de loin. Il datait de la Restauration, de l’époque où MM. de Serre, de Martignac, Royer-Collard s’étaient prononcés en faveur des libertés locales. En 1861, Odilon Barrot les avait de nouveau préconisées[28]. En 1863, M. Béchard avait livré au public, sur ce sujet, des études importantes. Dans une lettre célèbre adressée à M. Rouher[29], Napoléon iii avait lui-même reconnu la nécessité d’une réforme, mais il avait donné aussitôt un correctif à sa pensée, en paraissant vouloir transférer simplement aux préfets quelques-unes des attributions du ministre de l’intérieur. Il accordait néanmoins son patronage à l’œuvre de Frédéric Le Play, œuvre dont la décentralisation était en quelque sorte l’alpha et l’oméga.

C’est alors qu’un groupe de Lorrains élaborèrent le fameux Programme de Nancy : parmi eux se trouvaient des hommes d’opinions très diverses, républicains, membres de l’Union libérale, royalistes[30] ; ces hommes procédèrent à une sorte de consultation générale de l’opinion. Une croisade semblait à la veille d’être déclarée contre « l’État, cette fiction accréditée par une bureaucratie infatuée d’elle-même et propagée par la naïveté de tous les docteurs ès sciences administratives[31] ». Tous ceux auxquels on voulait faire croire « qu’il y a quelque part, à Paris et dans les préfectures, des gens mieux informés des affaires communales et plus compétents pour les juger que les intéressés eux-mêmes[32] », allaient s’insurger contre un état de choses dont ils avaient senti tous les inconvénients.

Chose curieuse, la loi qui réorganisait les conseils généraux fut vivement attaquée à l’extrême gauche, ce qui fit dire que « rien n’aime la centralisation comme un radical, à condition qu’il puisse s’en servir ». À gauche même elle sema des inquiétudes : M. Ernest Picard prévit des cataclysmes ; M. Thiers ne sembla pas favorable à ces hardiesses. Néanmoins la loi fut votée avec quelques amendements, tant on avait conscience de la justesse de ce mot de M. Ernoul : « Ne sentez-vous pas qu’en France les extrémités sont froides ? » M. de Tréveneuc, qui se souvenait du 2 décembre, proposa que les conseils généraux pussent suppléer, en s’unissant, la représentation nationale, au cas où celle-ci viendrait à être dissoute par un coup de force ; la question fut réservée[33].

Les premiers signes de notre relèvement n’avaient pas tardé à se manifester. Les questions qui d’abord s’étaient posées devant l’Assemblée avaient été des questions financières. D’un peu plus de dix milliards, la dette française allait monter d’un bond à vingt milliards. Quelles économies eussent pu combler un pareil gouffre ? M. Pouyer-Quertier proposa un premier emprunt de deux milliards. Paris il lui seul dépassa de cinq cent millions et la France entière d’un milliard et demi la souscription nécessaire. Avec les souscriptions de l’étranger on atteignit, et au delà, les 5 milliards de la contribution de guerre. L’année suivante (1872), le ministre des finances se rendit à Berlin pour y négocier la libération anticipée du territoire : le 29 juin 1872, un second traité, signé à Versailles, en régla les détails. En même temps était décidé un second emprunt de 3 milliards et demi qui fut couvert quinze fois. Paris souscrivit 14 milliards ; la province, 10 ; l’Angleterre, 334 millions ; la Hollande, 170 ; Strasbourg, 44, et Mulhouse, 22. Cet événement excita un vif enthousiasme. « Sans doute, écrivait M. de Mazade[34], l’emprunt tel qu’il est, au prix où il a été émis, c’est-à-dire à 6 pour 100 à peu près, reste toujours une bonne affaire… mais enfin, quels que soient les avantages, l’argent ne se précipite pas avec cet entrain sur une opération de finances, un phénomène qui se produit dans de telles proportions n’est plus un simple événement financier. »

Déjà, par malheur, l’esprit public se détournait de ces sérieuses questions pour en chercher d’autres plus sensationnelles et plus attrayantes. L’entrée de Victor-Emmanuel à Rome, un manifeste du comte de Chambord[35], un discours de Gambetta à Bordeaux, et un livre du général Chanzy sur la deuxième armée de la Loire, l’entrée de Littré à l’Académie française suivie de la démission bruyante de Mgr Dupanloup, l’élection du duc d’Aumale dans l’Oise, du prince de Joinville dans la Haute-Marne et la question de avoir s’ils occuperaient leurs sièges de députés ou s’ils renonceraient à paraître à l’Assemblée, tous ces petits événements pasionnaient l’opinion.

Le 31 août 1871, sur la proposition de M. Rivet, le titre de Président de la République avait été conféré à M. Thiers pour une période de trois ans. Il ne s’agissait que de régulariser sa situation vis-à-vis des pays étrangers et de la France qu’il représentait auprès d’eux. La proposition Rivet avait réuni quatre cent quatre-vingts voix contre quatre-vingt-treize ; mais que de légèretés d’esprit trahissaient les discussions orageuses dont cette proposition anodine fut le prétexte ! Tandis qu’avaient lieu, au milieu d’une indifférence générale, les premières élections aux conseils généraux[36], remarquables surtout par le nombre des abstentions, bonapartistes et radicaux commençaient une vigoureuse campagne en faveur de la dissolution de l’Assemblée. Le relèvement ne semblait donner de force qu’aux partis pour mieux lutter les uns contre les autres. À droite, on ne songeait qu’à tenir une monarchie « toute prête ». Les royalistes, dans leurs revendications, associaient le rétablissement du pouvoir temporel du Pape et la restauration carliste en Espagne à la rentrée de Henri v. Ils multipliaient les pèlerinages tant à Lourdes et à la Salette qu’à Anvers, sur le passage du comte de Chambord. Les bonapartistes relevaient audacieusement la tête ; on entendit, un jour, M. Rouher se livrer, en pleine Chambre, à un panégyrique du second Empire, auquel d’ailleurs le duc d’Audiffret-Pasquier répondit avec l’accent d’une éloquence indignée. Les uns et les autres semblaient anxieux, avant tout, « de travailler à déshonorer la Défense nationale[37] ».

Les républicains avancés manquaient aussi de sagesse. On dut leur interdire de célébrer, par des réjouissances, l’anniversaire du 4 septembre, et les faire souvenir que « si le 4 septembre rappelle la chute de l’Empire, il rappelle aussi la chute de la France à Sedan ». Gambetta faisait son tour de France. Angers, le Havre, Saint-Étienne, Grenoble et Annecy l’entendirent successivement. Il n’était pas toujours parfaitement inspiré. Son discours de Grenoble, notamment, produisit un effet tel que M. Thiers déclara que notre libération en serait entravée. « On peut représenter par des chiffres énormes, dit-il, le mal que le discours de Grenoble a fait à l’industrie et aux affaires[38]. » Quelques officiers qui avaient assisté à la manifestation furent punis ; on suspendit en même temps des agents municipaux sortis de leur rôle. Enfin, par mesure de haute police, le prince Napoléon fut invité à quitter la France, où sa présence attisait les haines politiques. Cela ne satisfaisait personne. On faisait un crime au gouvernement de garder ici des fonctionnaires du 4 septembre, et là on lui reprochait de maintenir ou de replacer des fonctionnaires de l’Empire.

À ce jeu, le crédit de M. Thiers s’usait rapidement, et son autorité déclinait.

  1. Le ministère que présidait le général de Palikao avait succédé le 9 août au ministère Ollivier. Il comprenait MM. Henri Chevreau, le prince de la Tour d’Auvergne (affaires étrangères), l’amiral Rigault de Genouilly, Magne, Grandperret, Brame, Clément Duvernois et Jérôme David.
  2. Déposition de M. Jules Ferry devant la commission d’enquête sur les actes du gouvernement de la Défense nationale, instituée en 1872 par l’Assemblée nationale.
  3. Journal officiel de la République française du 5 septembre 1870
  4. La présence de Rochefort, que l’on avait été chercher dans sa prison, n’impliquait pas de la part de ses collègues des tendances radicales. Rochefort était député de Paris, et ce titre donnait une apparence de légalité au gouvernement formé par la réunion de ceux qui le portaient. Plusieurs des modérés, d’ailleurs, qui craignaient le talent et l’influence de Rochefort, estimaient préférable de l’avoir « dedans que dehors ».
  5. Circulaire du 17 septembre 1870.
  6. Les manifestations antifrançaises furent assez nombreuses. Il y eut, au cours de la guerre, des défaillances qui retentirent douloureusement au cœur de la nation, entre autres, la visite à Versailles du cardinal Ledochowski et l’inqualifiable message du général Grant, président des États-Unis, adressé au Sénat fédéral, et dans lequel il exaltait l’Empire allemand ; le président s’était oublié jusqu’à adresser à Versailles un télégramme de félicitations à l’empereur Guillaume, au lendemain de la proclamation de l’Empire.
  7. Cette révélation tardive, presque posthume, a causé moins d’émotion en France que dans les autres pays ; la presse anglaise notamment s’est montrée très sévère dans l’appréciation d’un acte que rien d’ailleurs ne saurait légitimer.
  8. Revue des Deux Mondes, Chronique, février 1871.
  9. Dès que la reddition de Metz fut connue, une émeute éclata à Paris ; ce fut la journée du 31 octobre : le gouvernement en triompha ; mais, se sentant ébranlé et ne voulant pas convoquer un conseil municipal qui eût amené l’établissement de la Commune, il eut recours au plébiscite ; 550,000 votes favorables contre 60,000 consolidèrent sa situation et l’aidèrent à se faire obéir.
  10. Décret du 16 septembre 1870.
  11. Rapport de M. Jules Favre sur les entrevues de la Haute-Maison et de Ferrières, à l’Officiel du 23 septembre 1870.
  12. Dans une réponse au rapport de M. Jules Favre, qu’il écrivit le 27 septembre et fit insérer dans un journal allemand. Elle fut reproduite à l’Officiel du 18 octobre.
  13. À Tours on n’avait pas attendu l’arrivée de Gambetta pour prendre une décision analogue. Au reçu de la nouvelle des conditions exigées par M. de Bismarck. M. Crémieux avait ajourné les élections.
  14. Voir notamment le remarquable ouvrage de M. Albert Sorel sur l’Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande.
  15. M. Jules Ferry, nommé préfet de la Seine par M. Thiers le 26 mai 1871, fut remplacé le 5 juin 1871 par M. Léon Say et nommé, l’année suivante, ministre de France à Athènes, d’où il revint prendre son poste de député à la chute de M. Thiers. M. Ernest Picard fut ministre à Bruxelles. M. Emmanuel Arago occupa pendant des années le poste d’ambassadeur à Berne. Le général Trochu se retira et, depuis lors, vécut dans la retraite.
  16. Jules Favre, par E. de Pressensé, Journal des Débats, août 1880.
  17. « Rabattre quelque chose de la bonne opinion qu’on est tenté d’avoir de soi-même est un réel avantage. J’en jouis et je n’ai point attendu la défaite pour cela… Je ne souhaiterais rien si je ne me prenais quelquefois à penser que l’acharnement qui m’honore m’enlève la force d’être utile. » Jules Favre, Conférences et Mélanges.
  18. En 1830, M. Royer-Collard avait été élu sept fois, et neuf fois M. de Lamartine, en 1848. Les électeurs de 1795 avaient donné à M. Pelet, de la Lozère, l’élection dans trente-sept collèges, et dans trente-deux à M. Thibaudeau.
  19. Ch. de Mazade, Revue des Deux Mondes, Chronique.
  20. Id.
  21. La France nouvelle, par Prévost-Paradol.
  22. Dépositions de M. Jules Ferry sur le 18 mars, devant la commission d’enquête.
  23. Voir les dépêches échangées pendant la journée du 18 mars entre M. Jules Ferry, maire de Paris, le général Velentin, préfet de police, et les ministres. Malgré Jules Ferry qui tenait énergiquement dans l’Hôtel de ville et en sortit le dernier, les casernes, la préfecture de police et enfin l’Hôtel de ville lui-même furent successivement évacués sur l’ordre incompréhensible donné et plusieurs fois répété par le général Vinoy.
  24. Les troupes avaient, au 18 mars, fraternisé sur plusieurs points avec les insurgés.
  25. Ch. de Mazade, Revue des Deux Mondes, Chronique.
  26. Id.
  27. Documents officiels.
  28. Études contemporaines.
  29. En date du 24 juin 1863.
  30. MM. Volland, Larcher, Cournault, de l’Espée (mort tragiquement préfet de la Loire), le comte de Lambel.
  31. Lettre de M. Jules Ferry aux auteurs du Programme de Nancy.
  32. « La commune n’est qu’un paysan collectif, végétant dans la pauvreté et la dépendance. Ceux qui, voulant briser d’anciennes résistances, ont émietté le pays, oublièrent qu’aux êtres moraux comme aux corps animés, il faut de l’air pour respirer, de la place pour vivre. Les petites communes (et elles sont innombrables) sont demeurées de vrais enfants : grande ou petite, d’ailleurs, aux yeux de la loi, toute commune est une mineure. Procès, travaux, revenus, voirie, vaine pâture, tout se rèqle au chef-lieu, voir même au ministère. » Jules Ferry, La lutte électorale en 1863.
  33. Elle fut résolue un peu plus tard dans le sens de l’affirmative. Il est peu probable cependant que l’occasion se présente jamais d’utiliser cette disposition, car elle suppose un coup de force s’opérant directement contre le gré de la nation. Aux environs du 16 mai, quelques conseils généraux envisagèrent officieusement, et très vaguement d’ailleurs, la possibilité de faire usage de la prérogative que leur donnait la loi Tréveneuc. Mais on ne paraît pas s’en être préoccupé plus tard lors de l’aventure boulangiste.

    Quant à la politique, on était fermement résolu à la tenir écartée des délibérations. Dès la session d’août 1872, quelques vœux politiques furent exprimés, mais en dehors des séances. Les débuts des conseils généraux furent, en somme, très modestes, pratiques et rassurants.

  34. Revue des Deux Mondes, Chronique.
  35. Ce manifeste, en date du 5 juillet 1871, fut qualifié « d’abdication naïve » ; il excita un grand enthousiasme dans certains milieux.
  36. Le 8 octobre 1871.
  37. E. de Pressensé. Variétés morales et politiques. Paris, 1886.
  38. Quelques jours plus tard, il déclarait devant la commission de permanence de l’Assemblée que ce discours « avait fait plus rétrograder la République qu’elle ne pouvait rétrograder par la main de tous ses ennemis ». Il y avait dans ces propos une évidente exagération.