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L’électricité dans la ferme/01

La bibliothèque libre.
Librairie agricole de la Maison Rustique (p. 7-12).

CHAPITRE PREMIER

Notions préliminaires

Pour mieux comprendre les différents phénomènes qui se produisent lors du fonctionnement d’une machine électrique, il est nécessaire de connaître certaines notions préliminaires et l’explication de certains termes propres au langage spécial de la science électrique[1].


Fig. 1. — Générateur d’électricité.
I. Le fluide électrique, lors de ses manifestations, n’est pas immobile : il circule à l’intérieur des corps soumis à son influence, et porte le nom de courant électrique.

Il y a deux sortes d’électricité, et pour les différencier l’une de l’autre, on leur a donné les noms d’électricité positive et d’électricité négative.

Si nous considérons un générateur quelconque d’électricité (pile ou machine électrique) (fig. 1), les deux fluides électriques s’accumulent en deux points et appelés pôles et de là à des plaques et appelées électrodes (ou rhéophores), auxquelles sont fixés des fils et dits conducteurs. L’un des fils, par exemple, reçoit de l’électricité positive que l’on désigne par le signe  ; l’autre, , est électrisé négativement (signe ). Tant qu’il n’y a aucun contact entre les fils et , il n’y a pas de courant (on dit que le circuit est ouvert). Si le contact s’établit, le circuit électrique est fermé ; il s’établit un courant qui, dans les conducteurs, va du pôle positif au pôle négatifs, tandis que dans l’intérieur du générateur, le circuit est dirigé en sens inverse du pôle négatif au pôle positif . On entend donc par courant la recomposition continue des fluides électriques d’un générateur dont les pôles communiquent ensemble.

Pour que le générateur fonctionne, il n’a pas besoin d’être isolé, le courant électrique suivant toujours les corps les plus conducteurs.

II. Chaque fois que deux courants électriques sont en présence, ils exercent l’un sur l’autre une action attractive ou répulsive ; attractive si les courants sont dirigés dans le même sens, et répulsive si les courants vont en sens inverse l’un de l’autre. De telle sorte que si l’un des deux conducteurs est mobile (A, fig. 2), il s’approche ou s’éloigne de l’autre (B) suivant l’influence de la réciprocité des courants. C’est ce qu’on désigne sous le nom de loi d’Ampère ou loi de l’électrodynamie.


Fig. 2. — Représentation des lois de l’électro-dynamie et de l’induction.
III. Supposons que l’un des deux conducteurs précitée (, fig. 2) soit parcouru par des courants électriques (appelés courants inducteurs) et soit animé d’un mouvement, c’est-à-dire qu’il s’éloigne ou se rapproche de l’autre conducteur neutre  ; sous l’influence simultanée des courants et du mouvement, il se manifestera dans le conducteur neutre , de plus faible résistance électrique, un courant appelé courant induit. C’est la loi de Faraday ou loi de l’induction.

IV. Le courant induit est de sens contraire du courant inducteur lorsqu’il y a rapprochement et de même sens lorsqu’il y a éloignement. C’est ce que l’on nomme la loi de Lenz.

Les conducteurs peuvent rester immobiles et la loi de Lenz peut encore se manifester, il faut alors que le courant inducteur soit discontinu : le courant induit est de sens contraire lors de l’arrivée du courant inducteur ; il est de même sens lors de sa disparition. (On trouve une application de ce cas spécial dans la bobine de Rhumkorff.)


Fig. 3. — Électro-aimant.
V. Un des courants électriques peut être remplacé par l’influence d’un aimant (magnétisme) ou mieux, d’un électro-aimant. L’électro-aimant, à égalité de poids, donnant un champ magnétique plus puissant que l’aimant, on fut conduit à l’emploi de ce genre d’induction dans les machines électro-dynamiques. L’électro-aimant est composé en principe d’un axe ou noyau en fer doux (fig. 3) placé à l’intérieur d’une bobine sur laquelle est enroulé un fil de cuivre isolé . Chaque fois qu’un courant électrique traverse le fil , le noyau de fer doux devient magnétique, et joue le rôle d’un aimant naturel ; le magnétisme cesse avec le courant qui traverse le fil de la bobine .

Couplage des récepteurs.


Fig. 4. — Couplage direct.
Toute installation électrique comprend :

1° Un générateur d’électricité , fig. 4, pile électrique ou machine dynamo-électrique qui, dans ce cas, porte le nom de génératrice.

2° Une ligne électrique formée de deux fils conducteurs et  ; l’un des fils, , dit fil d’aller ou conducteur principal ; l’autre , appelé fil de retour.

3° D’un ou plusieurs récepteurs (lampes ou moteurs électriques appelés dans ce cas réceptrices).

Lorsqu’il n’y a qu’un récepteur, comme dans la figure 4, ce dernier est en relation avec la génératrice par les deux fils et .
Fig. 5. — Couplage en tension.

Lorsqu’il y a plusieurs récepteurs, leur couplage peut s’effectuer :

1° En tension ou en série lorsque les récepteurs a, b, e (fig. 5), sont intercalés à la suite les uns des autres dans le circuit f g. Ce système rend tous les récepteurs solidaires.


Fig. 6. — Couplage en dérivation.
2° En dérivation (ou en quantité, surface ou arc multiple), lorsque chacun des récepteurs d, h, k, n (fig. 6) est relié d’une part avec le conducteur (f) et d’autre part avec le fil de retour (g) ; ce genre de montage rend les récepteurs indépendants les uns des autres.

Les unités électriques.

Il est absolument impossible d’indiquer, de discuter les résultats d’expériences électriques (lumière, transport dela puissance, etc.) et de déterminer les diverses conditions d’applications, si l’on n’est pas au courant de certaines unités employées par les électriciens.

Certes, il sortirait du cadre de cette étude, d’expliquer en détail en quoi consistent ces différentes unités, aussi je tâcherai de les présenter sous une forme peut-être peu scientifique, mais qui, pouvant être comprise par le plus grand nombre, aura pour avantage de vulgariser ces notions.

Autrefois, dans chaque pays, les physiciens et les électriciens se servaient d’unités arbitraires spéciales, aussi est-ce avec un réel intérêt pratique que le congrès international des électriciens, réuni à Paris à l’occasion de l’Exposition universelle d’électricité en 1881, a arrêté les bases des unités électriques. — La sanction de ces unités a été donnée par le congrès international, réuni l’année suivante par le gouvernement français, auquel ont répondu toutes les puissances, depuis l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie, la Norwège, jusqu’aux plus petites républiques de l’Amérique du Sud (vingt-huit États y étaient représentés [2]).

Le système adopté par le congrès international, ayant comme unités fondamentales : le centimètre (unité de longueur), le gramme (unité de poids), et la seconde (unité de temps), a pris le nom spécial de système centimètre-gramme-seconde, ou en abrégé système CGS, afin de le différencier des autres.

Il est intéressant de noter ici que, même dans les congrès de 1889, les électriciens ont tenu à conserver leurs unités CGS sans chercher à les faire concorder avec celles des mécaniciens qui sont : le mètre (unité de longueur), le kilogramme (unité de poids), et la seconde (unité de temps). — Sans insister sur les discussions qui ont eu lieu à ce sujet, tout en constatant que les différences entre les unités des électriciens et les unités des mécaniciens ont pour résultat de compliquer les choses au lieu de les simplifier et de rendre plus obscure, pour certaines personnes, la comparaison des deux systèmes, nous sommes obligés d’employer ici le système CGS.

Considérons un fil électrique ou circuit traversé par un courant, et cherchons les différents rapports qui peuvent exister entre le courant, son énergie et ses différentes manifestations :

1° Le potentiel est la pression électrique sur un point du circuit. Pour qu’il y ait courant, il faut que le potentiel à chaque point du circuit soit différent d’une quantité quelconque : c’est ce qu’on nomme la différence des potentiels. C’est en définitive comme pour une conduite d’eau sous pression : si la pression (potentiel ) est la même aux deux extrémités de la conduite, il n’y a pas d’écoulement et le fluide est en repos ; pour que ce dernier se mette en mouvement, il faut qu’à une extrémité de la conduite, la pression (finale) soit plus faible qu’à l’autre (pression initiale) : l’eau s’écoulera d’autant plus vite que la différence des pressions (différence des potentiels) sera plus grande : il en sera de même du fluide électrique circulant dans un conducteur.

2° La différence des potentiels dans un circuit correspond à une certaine force dite force électro-motrice[3]. (En pratique, l’unité de force électro-motrice (volt) est à peu près celle qui est fournie par une pile Daniell.)

3° Le conducteur ou circuit traversé par le courant, présente au fluide électrique une certaine résistance : si le circuit est bon conducteur, sa résistance est faible ; s’il est mauvais conducteur, sa résistance est élevée, c’est-à-dire qu’il faudra un courant plus intense pour le traverser ; c’est ce qu’on nomme la résistance du corps ou du circuit[4]. (L’unité pratique de résistance (ohm) est représentée par un fil de fer de 1, 000 mètres de longueur et de 4 millim. de diamètre).

4° Le courant qui traverse le circuit est plus ou moins intense et cette intensité[5] dépend de la force électro-motrice et de la résistance du circuit. (L’unité pratique (Ampère) est représentée par un courant d’un volt traversant un circuit d’une résistance d’un ohm.)

5° Un courant d’une certaine intensité produit une certaine quantité d’électricité[6]. (L’unité pratique (Coulomb) est la quantité d’électricité débitée par seconde par un courant d’un ampère.)

6° Lorsque l’électricité se condense ou s’accumule dans un corps, la quantité d’électricité emmagasinée dépend du corps considéré, c’est-à-dire de sa capacité[7]. (La quantité d’électricité emmagasinée est fonction de la pression électrique (force électro-motrice) comme la quantité de gaz contenue dans un récipient dépend du volume du récipient et de la pression du gaz ; l’unité pratique est le farad.)

Les cinq grandeurs fondamentales sont donc : l’intensité, la quantité, la force électro-motrice, la résistance et la capacité. Pour abréger, en même temps que pour honorer la mémoire des savants qui se sont occupés de la science électrique, on leur a donné les noms suivants, tout en les désignant par un symbole :

Grandeurs. Symboles. Nom des
unités pratiques.
Intensité. I Ampère.
Quantité. Q Coulomb.
Force électro-motr. E Volt.
Résistance R Ohm.
Capacité. C Farad.

La célèbre loi de Gabriel-Samuel Ohm, physicien d’Erlangen (Bavière), établit, ainsi qu’il suit, la relation entre les trois grandeurs d’intensité (I), de force électromotrice (E) et de résistance (R) :

d’où l’on titre :

 ;

Nous avons vu que la loi de Ohm donne

 ;

dans un autre cas on aurait pu avoir :

 ;

en divisant membre à membre ces deux égalités on aura

 ;

si dans cette relation on fait :

1° , on a

 ;

ou en d’autres termes la résistance du circuit étant constante, l’intensité du courant est directement proportionnelle à la force électro-motrice.

2° , on a

 ;

Pour une même force électro-motrice, l’intensité est inversement proportionnelle à la résistance du circuit.

C’est donc en diminuant la résistance du circuit, qu’on arrive à augmenter le rendement en intensité sans faire varier la force électro-motrice.

3° Si , on a

Dans deux circuits de même intensité, les forces électro-motrices sont proportionnelles aux résistances.

En dehors des cinq unités précitées, on fait couramment usage de quelques autres dérivées des précédentes et parmi lesquelles il est indispensable de connaître :

Puissance électrique : l’unité est le watt ou le volt-ampère, puissance due à un courant d’un ampère sous une différence de potentiel égale à un volt.

Ainsi 1 cheval-vapeur (75 kilogrammètres par seconde) représente 736 watts[8]. (Nous verrons plus loin qu’une machine dynamo-électrique produit, en pratique, 650 watts par cheval-vapeur, par suite des différentes déperditions du travail mécanique.)

[9].

c’est-à-dire, d’après la nouvelle nomenclature adoptée par le congrès international des mécaniciens (1889) :

[10]

La loi de Joule établit ainsi les relations entre la quantité de travail ou de chaleur , l’intensité du courant, la résistance du circuit et le temps  :

Si on remplace par sa valeur tirée de la loi de Ohm, la loi de Joule se réduit en :

ou la quantité de travail développé dans un circuit électrique est proportionnelle à l’intensité du courant, à sa force électromotrice et au temps.

Telles sont les principales mesures électriques dont nous aurons occasion de parler dans la suite de ce travail. — Ces unités étant aujourd’hui admises et employées dans tous les pays, je ne parlerai pas des anciennes mesures, qui compliqueraient l’étude sans aucun profit.

Les unités mécaniques.

Nous rappellerons en peu de mots les principales unités mécaniques dont nous aurons occasion de nous servir dans la suite de cette étude.

L’unité de force ou d’effort est le kilogramme.

Il y a un travail mécanique dépensé ou produit lorsque l’effort (la force ou la pression) se déplace et parcourt un certain chemin.

L’unité de chemin parcouru est le mètre.

L’unité de travail mécanique est le kilogrammètre qui correspond au travail produit par une force égale à 1 kilogr. se déplaçant suivant un chemin égal à 1 mètre.

Donc si est l’intensité de l’effort (en kilogrammes) dans la direction du chemin parcouru (en mètres), le travail mécanique a pour expression

Ainsi un cheval qui exerce un effort de traction de 75 kilogr., se déplaçant suivant un chemin dont la longueur est de 100 mètres, produit dans ce cas un travail mécanique de

La puissance est la quantité de travail mécanique que peut fournir un moteur pendant l’unité de temps, qui est la seconde.

Ainsi dans l’exemple précédent, le cheval parcourant les 100 mètres en 125 secondes, ou ayant une vitesse de 0m,80 par seconde, sa puissance sera de ;

L’unité de puissance mécanique est donc le kilogrammètre par seconde (effort chemin parcouru par seconde par cet effort et suivant sa direction).

L’unité industrielle de puissance était autrefois le cheval-vapeur qui est égal à 75 kilogrammètres par seconde.

Le congrès international des mécaniciens en 1889 a fixé la nouvelle unité industrielle de puissance mécanique à 100 kilogrammètres par seconde en lui donnant le nom du célèbre ingénieur Poncelet[11].

En Angleterre, l’unité industrielle qui est le cheval-vapeur (horse-power) ne correspond pas à notre ancienne unité française :

1 horse-power = 75,9 kilogrammèt. par seconde.
1 horse-power = 1,0139 cheval-vapeur.

On emploie souvent l’unité dite cheval-heure pour exprimer la quantité de travail mécanique fournie par un moteur quelconque :

.

Dans cet ordre d’idées on aurait :

.

La puissance d’un moteur (hydraulique, à vapeur, etc.) se mesure en multipliant l’effort F tangentiel sur le volant ou la poulie par le chemin parcouru par seconde à la circonférence.

Si est le rayon du volant ou de la poulie, son nombre de tours par minute

représente la vitesse à la circonférence par seconde, et

est la puissance fournie par la machine en kilogrammètres, par seconde.

Ainsi, par exemple, soit un moteur dont la poulie d’un rayon de 0m,30, fait 120 tours par minute et exerce un effort tangentiel sur la courroie de 30 kilogrammes.

La puissance en kilogrammètres, par seconde, est

La puissance de ce moteur est :

113,10 kilogrammètres par seconde.

cheval-vapeur.

poncelet.

La transformation des unités mécaniques industrielles en unités électriques s’indique en watts :

1 kilogrammètre = 9,81 watts.
1 cheval-vapeur = 736,00 watts.
1 horse-power = 746,00 watts.
1 poncelet = 981,33 watts.

Le tableau suivant résume les rapports qui existent entre les différentes unités mécaniques et électriques précédentes :


UNITÉS KILOGRAMMÈTRE CHEVAL-VAPEUR PONCELET WATT
Kilogrammètre 1,0000 0,0133 0,010000 9,81
Cheval-vapeur 75,0000 1,0000 0,750000 736,00
Poncelet 100,0000 1,3300 1,000000 981,33
Watt 0,1019 0,0013 0,001019 1,00
  1. Il est bien entendu que nous ne nous occupons ici que d’électricité dynamique.
  2. Le congrès s’est constitué an ministère des affaires étrangères le 16 octobre 1882, sous la présidence de M. Cochery, ministre des postes et télégraphes.
  3. L’unité de force électro-motrice CGS est celle qui pour l’unité de quantité développe l’unité de travail (dite erg), c’est-à-dire le travail de la force d’une dyne (1 gramme à 1 centimètre).
  4. Le conducteur a une unité de résistance CGS lorsqu’une force d’une unité électro-motrice entre ses extrémités (ou plus exactement une différence de potentiel) y fait circuler un courant d’une unité d’intensité.
  5. L’unité d’intensité CGS est celle d’un courant qui, traversant un circuit de 0m, 01 de longueur roulé en arc de 0m01 de rayon, exerce une force de 1 gramme par seconde (force dite dyne) sur un pôle magnétique d’une unité d’intensité placé à son centre.
  6. L’unité de quantité CGS est la quantité d’électricité qui traverse par seconde le circuit précédent.
  7. Un condensateur a une capacité d’une unité lorsque chargé au potentiel d’une unité, il renferme une unité de quantité électrique.
  8. Le cheval-vapeur anglais (horse-power) est égal à 746 watts.
  9. Ce chiffre montre le peu de relation qui existe entre les unités des électriciens et des mécaniciens.
  10. Le Poncelet = 100 kilogrammètres par seconde.
  11. Je rappellerai ici que les électriciens emploient comme unité C. G. S. de travail, l’erg — travail produit par une force de 1 dyne agissant sur un chemin égal à 1 centimètre.
    La dyne est la force qui, agissant sur la masse de 1 gramme pendant une seconde lui imprime une vitesse égale à 1 centimètre par seconde.
    Une force de 1 gramme = 981 dynes ;
    de grammes.
    1 meg-erg = 1.000.000 ergs.
    1 kilogrammètre = 98.100.000 ergs = 98, 1 meg-ergs.
    1 cheval-vapeur =7,360 meg-ergs =7.360.000 ergs.