L’émancipation de la femme/23

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Texte établi par Alphonse Constantau bureau de la direction de La Vérité (p. 107-111).

XXIII

Les progrès religieux.


Il y a des gens qui sont encore catholiques à la manière des vieux inquisiteurs qui condamnèrent Galilée.

Il y a des prêtres qui ne désavouent ni les auto-da-fé ni la Saint-Barthélemy, et qui veulent rendre la religion seule responsable de ces affreuses calamités politiques.

Il y a des hommes que le nom seul de liberté fait pâlir, et qui sourient dédaigneusement au mot de progrès ;

Des hommes à qui deux révolutions n’ont pu rien apprendre ni rien faire oublier, et qui protestent de toute leur faible force contre l’émancipation de la pensée humaine.

Troupeau impuissant et malade, dangereux seulement par les miasmes putrides qu’il exhale et que nos enfants respirent, car ils élèvent la jeunesse.

Conspirateurs peureux et hypocrites qui paralysent tout par leur masse d’inertie, et qui rampent sous les égoûts du budget d’un gouvernement dont ils sont les éternels ennemis.

Servitude d’esprit, petitesse et dureté de cœur, scrupule judaïque dans la multiplicité des vaines observances, estime démesurée de soi-même et de la coterie dont on fait partie, mépris profond pour tout le reste, y compris l’honneur, le patriotisme, l’amour de la famille, et surtout l’amour de l’humanité. Voilà le caractère de ces hommes et de leurs adeptes.

À l’ombre de ce pharisaïsme peuvent se cacher et grandir les désordres les plus honteux ; les confrères sont assurés du secret, et disposent à leur gré du trésor des indulgences plénières.

Ils ne savent pas ce que c’est qu’un procédé honnête. Aussi sont-ils fort étonnés de s’entendre reprocher les moyens qu’ils emploient pour parvenir à leurs fins si pieuses et si méritoires.

Voilà les hommes qui perdent le catholicisme et fomentent encore, à notre époque, des guerres de religion !

Ce sont eux qui croient retenir la vérité captive, et qui pensent avoir éternisé la durée de leur dogme parce qu’ils l’ont décharné comme un squelette et endurci comme un fossile.

Ils ne savent pas, ces conservateurs de momies, que, pour être immortelle, une religion doit d’abord être vivante !

Aussi le Verbe de Dieu s’est retiré de ces hommes comme la parole s’en va de ceux qui meurent. Ils ont toutes les ressources, toutes les tribunes, toutes les voies de publicité : que disent-ils ?

Ils n’osent employer que les insinuations sourdes, les persécutions occultes, les murmures secrets du confessionnal, et les sollicitations féminines dans les mystères de l’alcôve.

Ce sont eux qui ont navré le cœur du noble Lamennais, ce prêtre qui fut un instant le pilote du vaisseau de Pierre, et qui tomba dans les flots, comme Palinure, avec son gouvernail brisé.

Ce sont eux qui enveloppent encore, dans une même réprobation jalouse, les deux grands régénérateurs de l’unité catholique en France : Napoléon et Chateaubriand.

Car ils sentent la religion prête à leur échapper ; ils se cramponnent à sa remorque avec des cris d’effroi, en sentant qu’elle marche et que déjà elle tiraille leurs bras perclus et entraîne leurs pieds goutteux !

Sœurs et frères, tant que le clergé aura des doctrines occultes, tant que sa morale ne sera pas publique et universelle, tant qu’il sera l’ennemi du progrès et de la saine philosophie, tant qu’il mettra l’esprit de caste à la place de l’esprit évangélique, ne communiez pas avec lui.

Protestez en union avec la vraie Église universelle contre ces faux pasteurs, et ne leur donnez pas vos enfants à instruire.

Quand nous serons tous parvenus à cet âge de virilité dont parle saint Paul ; au temps de la plénitude du Christ, nous n’aurons plus besoin de prêtres, car tous les chrétiens seront prêtres et rois, selon la promesse des Écritures.

Et cette parole du grand apôtre devrait fort inquiéter ceux qui refusent de croire au progrès.

Toutefois, en attendant cette glorieuse époque, considérons l’Église enseignante comme une école, et demandons-lui compte de ses doctrines morales et politiques avant de lui confier nos enfants !

Je ne m’adresse pas ici aux parias. Je sais que les enfants des parias n’ont pour précepteur que la misère et pour école que le malheur. Pour ceux-là il n’y a point d’Église, comme il n’y a point de société ni d’avenir !

Et maintenant moi, la paria, j’ose ajouter qu’une Église dont la porte se ferme à celui qui souffre est un temple de l’enfer.

Je dis que le Christ, paria comme moi s’il revenait au monde, ne trouverait peut-être pas un prêtre pour l’absoudre de sa pauvreté et de ses vertus !

Cherchons donc des symboles d’avenir dans enseignement catholique, mais fuyons les faux pasteurs comme des pestiférés.

Car ce sont les enfants de ceux qui ont crucifié Jésus, et ils sont plus inintelligents, plus impitoyables et plus avares que leurs pères !