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L’Œuvre de Richard Wagner à Paris et ses interprètes/L’Œuvre de Richard Wagner au concert

La bibliothèque libre.
Maurice Senart et Cie, éditeur (p. 7-31).


L’ŒUVRE DE RICHARD WAGNER AU CONCERT




Avant, toutefois, de rappeler les exécutions de ces œuvres au théâtre, lesquelles n’ont commencé régulièrement qu’en 1891, — c’est une place à part qui est due aux tentatives brusquement arrêtées de Tannhaeuser en 1861 et de Lohengrin en 1887 ; et Rienzi (1869) peut être négligé, — il importe d’esquisser rapidement les auditions, préparatoires en quelque sorte, dont elles ont été l’objet au concert.

Les fragments choisis furent d’abord, et pendant assez longtemps, symphoniques. Aussi bien Wagner lui-même en avait donné l’exemple, dans les trois séances organisées par lui au cours de son séjour à Paris, en janvier-février 1860. Il avait fait exécuter (dans la salle du Théâtre Italien) l’ouverture du Vaisseau fantôme, l’ouverture, les deux marches et une introduction de Tannhaeuser, le prélude, la marche et le chœur des fiançailles de Lohengrin, enfin le prélude de Tristan. Tout au plus avait-il donné place, la seconde fois, à la « romance de l’Étoile » de Tannhaeuser, interprétée par Jules Lefort. Pour être exact, et juste, il importe encore de noter qu’avant même cette date, l’ouverture de Tannhaeuser avait été entendue du public parisien : Seghers, à la Société Sainte-Cécile, l’avait dirigée en 1850, et Arban, aux Concerts de Paris, en 1858. C’est incontestablement la première page wagnérienne qui ait acquis droit de cité à Paris, et celle encore qui, longtemps, ait été la mieux comprise, la mieux reçue.

Au moment où l’Opéra répétait Tannhaeuser, un autre chef d’orchestre, qui commençait sa carrière, s’était mis en tête de faire connaître, et de défendre au besoin, cette musique nouvelle : c’est Pasdeloup. Et comme il devait, pendant une douzaine d’années, régner sans partage, son action a été aussi considérable que son audace méritoire. Quelques réserves qu’une critique sévère puisse faire sur ses exécutions, il n’est pas de plus noble figure et qui commande, autant que la sienne, la gratitude et le respect des musiciens.

Il dirigeait encore « les Jeunes artistes » du Conservatoire, quand il fit entendre, en 1861, le chœur des fiançailles et la marche de Lohengrin. C’était avant l’audition inconsciente de Tannhaeuser à l’Opéra. Après le retrait de cette œuvre par Wagner, il redonna encore ces deux pages. Peu de temps après, il fondait ces « Concerts populaires » qui allaient rendre si célèbre le Cirque d’hier, et exécutait dès lors, successivement, mais encore à de longs intervalles, la marche (1865), puis l’ouverture, de Tannhaeuser, le prélude, la marche et le chœur des fiançailles, la marche religieuse, de Lohengrin, l’ouverture du Vaisseau fantôme et celle de Rienzi, le prélude l’entr’acte, la marche du troisième acte, puis l’ouverture, des Maîtres Chanteurs, le prélude de Tristan, enfin (1876), la marche funèbre du Crépuscule des dieux. Avec quelle fortune, je n’ai pas à le redire : il y eut des séances épiques. On applaudissait assez volontiers, mais on sifflait plus volontiers encore, parfois « par sport », comme des écoliers « conspuent » un maître qui leur déplaît. Une fois, on bissa, d’enthousiasme, par erreur sans doute, le prélude de Lohengrin (en 1867) ; d’autres fois l’orage prit des proportions de scandale (l’ouverture des Maîtres Chanteurs, entre autres, en 1869). Pasdeloup, alors, perdait un peu la tête, mais il allait jusqu’au bout. Bien plus, il remettait l’œuvre au programme de sa séance suivante !

Le vaillant artiste fit plus : ayant, à cette même date, assumé la charge de directeur du Théâtre Lyrique, il monta Rienzi (1869). Et s’il était un peu tard, au point de vue wagnérien, — l’œuvre date de 1842 et ne correspondait plus du tout à l’esthétique actuelle du maître, — il n’était du moins pas trop tôt pour le public parisien, car le chiffre très honorable de trente-huit représentations prouve l’intérêt sérieux qu’il y sut prendre. Les interprètes furent : le vaillant ténor Monjauze, avec Mlle Sternberg dans le personnage d’Irène, Mlle Borghèse dans celui d’Adriano, et Mlle Priola dans le messager de paix.

La Société des Concerts du Conservatoire, — dont le rôle est d’ailleurs plutôt de rendre en perfection les œuvres classiques, connues ou non, que d’en révéler de nouvelles, — ne s’était pas tout à fait abstenue pendant ces quinze années : elle avait offert à ses abonnés la marche et le chœur des pèlerins de Tannhaeuser, ainsi que la marche religieuse de Lohengrin.

On s’étonne davantage qu’Édouard Colonne, fondant les séances de « l’Association artistique » en 1873, ait poussé la prudence jusqu’à attendre huit ans avant d’accorder à Wagner une place sur ses programmes. Il s’efforça du moins de choisir des pages neuves. Telle, la « Chevauchée des Valkyries », qui devait prendre rang parmi ses succès les plus répétés (1881) ; tel le prélude et la finale de Tristan, amalgamés suivant l’usage. Il avait commencé, en 1880, par les ouvertures de Tannhaeuser et du Vaisseau fantôme, sans oublier « Siegfried-idyll ».

C’est du reste une étape nouvelle que marquent ces années-là, dans cette chronique de Wagner au concert, mais bien moins parce que Colonne avait enfin pris son parti, que parce que Charles Lamoureux entrait à son tour dans l’arène, en fondant, au théâtre du Château-d’eau, ses « Nouveaux Concerts ». Certes, le Cirque d’hiver continua, et avec plus de zèle que jamais, de vibrer aux accents d’importantes pages symphoniques ou lyriques, anciennes ou nouvelles ; et le vaste théâtre du Châtelet n’en attira pas moins la foule croissante des dilettantes à ses exécutions très vivantes, très chaleureuses. Mais au Château-d’eau et plus tard à l’Eden, puis au Cirque d’été, il y avait vraiment quelque chose d’à part. Sous l’inspiration d’un chef sévère, exigeant, mais essentiellement imprégné de l’esprit wagnérien, et qui inspirait, par son autorité même, une confiance toute particulière à ses auditeurs comme à ses musiciens, les œuvres qu’on croyait le mieux connaître apparaissaient sous un jour nouveau, évoquaient des impressions plus émouvantes, faisaient comprendre aux indécis de bonne foi, avec la pensée du maître, la raison d’être et la beauté de ce qu’elle apportait de neuf.

On sent très bien ce revirement d’opinion dans les articles du temps, ceux du moins que dictait une vraie conscience. On n’avait eu trop souvent, jusqu’alors, avec Pasdeloup, qu’une esquisse, un à peu près de L’œuvre, et L’on goûtait enfin à son extraordinaire source de vie.

On y goûtait seulement, car, après tout, c’était encore faute de mieux. Wagner le déclarait un jour à Louis de Fourcaud, qui me l’a répété : ces succès de concert, dont on lui faisait remarquer l’enthousiasme croissant, il ne les appréciait qu’assez peu. Il allait jusqu’à dire qu’ils trahissaient son œuvre et en évoquaient à faux l’esprit véritable.

C’est sans doute dans la même pensée qu’il formulait, devant le même auditeur, la boutade suivante : En France, trois sortes de personnes s’occupent de moi, si je ne me trompe : celles qui connaissent ma musique, et qui sont rares ; celles qui ne la connaissent pas et qui l’aiment ; et celles qui la détestent sans la connaître.

Il exprimait ainsi, en termes sobres, une observation des plus justes. Mais, pour être tout à fait exact, il eût pu distinguer encore deux autres classes d’auditeurs. D’une part, ceux qui, sans connaître sa musique, ne se contentaient pas de la détester, mais mettaient tout en œuvre pour lui susciter des adversaires et la dénigraient par principe ; de l’autre, ceux qui, croyant la connaître, faisaient litière, à son profit, de toutes les autres, et par un autre principe, pensaient l’exalter en lui donnant des allures d’intransigeance et de domination.

Et l’on peut se demander par qui des deux la cause de Wagner a été le plus trahie ? Comme dit le fabuliste :

Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami
Mieux vaudrait un sage ennemi.

Mais, pour aimer la musique de Wagner sans réellement la connaître, combien d’entre nous en étaient ! Moi, du moins. Je l’admirais, je l’aimais, certes, comme ébloui par ce flot lumineux de vie et de poésie que j’y entrevoyais. Mais je n’en ai vraiment été épris, et ému, que lorsque je l’ai entendue au théâtre, dans son ambiance spéciale, dans son action vibrante, telle qu’elle a été conçue. Et encore, peu à peu, à mesure que je la connaissais mieux. Tant il est vrai qu’admirer et comprendre, aimer et connaître, ne vont pas toujours ensemble. Par exemple une conséquence originale de cette évolution, c’est qu’on se trouve plus foncièrement « wagnérien » à mesure que la mode de l’être décroît et disparaît. Il n’y a, du reste, pas de mal à cela : on a conscience de n’avoir, à aucun moment, pris parti sans savoir, et cessé d’écouter afin de mieux connaître : et cette satisfaction n’est pas méprisable.

Oh ! nos belles années de passion musicale désintéressée, de lutte pour le beau sans étiquette, pour l’art tout court…, quand les retrouverons-nous ? Oh ! les temps héroïques où les concerts dominicaux vibraient de toute la fièvre d’attente, de satisfaction et de joie apportée par l’exécution des chefs-d’œuvre, nouveaux pour le public, et qu’il s’agissait de lui faire comprendre, de Bach à Berlioz, de Beethoven à Wagner !… Avec quelle religion nous nous y préparions, avec quelle foi nous les suivions, avec quelle exigence nous en réclamions la parfaite mise en valeur !

Chez Colonne, dans la trop grande salle du Châtelet, l’admiration était bruyante et combative : l’air était comme chargé d’électricité… Chez Lamoureux, on concentrait ses impressions : dans les enceintes du Château-d’eau, de l’Eden, du Cirque d’été, depuis longtemps disparues…, comme notre jeunesse…, il semblait qu’on entrât dans un sanctuaire. Malheur aux frivoles et aux distraits qui croyaient permis de causer ou de quitter sa place ! Charles Lamoureux les foudroyait du regard. Et que de fois il a tout arrangé, tout fait recommencer… Les coupables eussent voulu rentrer sous terre ! Mais aussi quels enthousiasmes après ces magistrales exécutions ! De quel feu sacré ne nous pénétrait-il pas, cet orchestre chaleureux et vivant ! On sortait de là comme tonifié pour la semaine.

Notez qu’à cette époque heureuse il n’y avait pour ainsi dire plus de lutte à soutenir : l’audacieux Pasdeloup avait aplani la route. Ou plutôt, entre les différents concerts, on luttait de perfection dans le rendu. La lutte n’est revenue, et encore pas bien longtemps, que lorsque le concert a fait place au théâtre, les fragments aux œuvres intégrales, — et que des gens qui, d’ailleurs, n’allaient pas plus au théâtre qu’au concert, ont prétendu empêcher le public d’entendre ce que bon lui semblait. — Fermeront-ils aussi nos musées, de peur que nous n’admirions telle école dont la nationalité les choque ?

Certains esprits, sérieux pourtant, soutenaient que nous faisions le jeu de l’Allemagne ! Oui, nous en savons qui traitaient de « victoire » allemande l’arrivée (si tardive !) de Wagner à l’Opéra. Comment ne voyaient-ils pas que c’est eux-mêmes qui le faisaient, ce jeu, en prenant au sérieux le bluff coutumier et lourdement naïf de nos ennemis ? Ne savent-ils pas bien que ce bluff est partout, même là où il est le plus inutile du monde ? — Car enfin, il s’agit ici de tels chefs-d’œuvre que la moindre « réclame » est presque une insulte au goût. — Si les opulents espions qu’hébergeait notre courtoisie trouvaient spirituel de souligner à leur façon, c’est-à-dire avec le manque de tact de leur race, la supériorité du génie de Wagner, que nous importe ? Une « victoire allemande » parce qu’on jouait du Wagner ?

… Lorsque Samson et Dalila (créé sur la scène de Weimar, en 1877, grâce à Liszt) a été solennellement représenté à l’Opéra de Berlin, en 1913, et officiellement acclamé sous la propre direction de M. Camille Saint-Saëns, quelqu’un s’est-il donné le ridicule de parler de « victoire française » ?

Revenons à nos concerts et aux exécutions fragmentaires des drames wagnériens.

Avant cette date de 1881, que nous marquions tout à l’heure comme celle de l’essor définitif de grandes pages de Wagner dans les concerts, les seuls fragments lyriques avaient été empruntés à Tannhaeuser. Un souvenir spécial doit s’attacher à la soirée que le ténor Roger avait tenu à organiser à l’Opéra-comique, le 17 septembre 1861, avant une série de représentations régulières qui fut la dernière de sa belle carrière. Il y chanta le grand récit du pèlerinage à Rome, avec un art d’autant plus méritoire qu’il resta plus incompris et le baryton Troy la romance de l’Étoile. L’ouverture avait été exécutée d’abord. Pasdeloup, de son côté, n’avait pas tardé à songer à Lohengrin. À ses concerts, Victor Capoul, en 1867, avait chanté le récit du Graal, de Lohengrin, et surtout, le Vendredi Saint de 1868, Faure et Christine Nilsson avaient évoqué d’inoubliables impressions de grandeur et de poésie dans les premières scènes du troisième acte de Tannhaeuser : romance de l’Étoile et prière d’Élisabeth. La mémoire en doit être conservée, ne fût-ce que pour remarquer, — avec un regret dont on ne peut se défendre, — que, sans la guerre de 1870, ces chefs-d’œuvre, auraient pu dès lors nous être offerts avec de tels interprètes !… La même année, la Société des Concerts du Conservatoire faisait entendre le chœur des pèlerins, de ce même Tannhaeuser.

Lorsque, quelques années après cette date fatale, Pasdeloup reprit les pages d’orchestre de son précédent répertoire, il y joignit un jour la prière de Rienzi, avec Bosquin, et le récit de Lohengrin, avec Vergnet, lequel était encore au Conservatoire (1871). Mais ce qui compte surtout, pendant cette période, c’est l’audace qu’il eut, en 1879, d’exécuter en entier le premier acte de Lohengrin, avec le ténor Prunet, les barytons Auguez, Seguin, Piccaluga, et Mlle Juliette Rey.

La saison de 1881, je l’ai dit, fait preuve d’une émulation, qui est désormais générale. Les trois concerts populaires rivalisent d’auditions sensationnelles. Abandonnons donc leur succession rigoureuse pour les grouper, jusqu’à la fin de ce cycle de trente-trois ans, selon les œuvres elles-mêmes.

On pourrait croire inutile de faire entrer Rienzi en ligne de compte. Il n’a pourtant jamais été abandonné, et non seulement pour la prière du héros du drame, dont le ténor Bosquin s’était fait comme une spécialité (1874-1883), et que chantèrent plus tard Vergnet (1890 et 1898), Van Dyck (1894), Cazeneuve (1899)…, mais pour l’air d’Adriano, que Mme Materna mettait sur son programme chaque fois qu’elle venait à Paris (1889, 1890, 1894), et que chanta également Mme Schumann-Heink (en 1903). Colonne fit même entendre, en 1882, toute une partie du troisième acte, avec Stéphane et Mmes Dihau, Marie Battu et Brun. Je ne parle pas de l’ouverture, qui est classique en quelque sorte et par qui Lamoureux débuta en 1881.


Avec le Vaisseau Fantôme, nous entamons la série des œuvres dont la représentation a été comme préparée au concert. On ne trouve guère, avant son entrée au répertoire de l’Opéra-Comique en 1897, que la fulgurante ouverture et le délicieux chœur des fileuses. Pasdeloup, cependant, toujours initiateur, avait fait chanter, en cette année 1881, la scène du Hollandais et de Senta (par Lauwers et Mme Brunet-Lafleur) et Lamoureux l’air du Hollandais (par Guiot) ; puis, en 1886, Colonne donnait à son tour le duo du deuxième acte (avec Victor Maurel et Mlle Tanésy). Dans ces dernières années, l’air de Senta fut choisi par quelques cantatrices, telle Mme Kutscherra (1905), et celui du Hollandais par divers barytons, tels Frœlich (1908) et surtout Delmas (1910), Renaud (1911), Van Rooy (1912) et Albers (1913), qui se montrèrent tous quatre très remarquables à des titres divers.


Tannhaeuser, à partir de 1873, n’a pour ainsi dire pas quitté le répertoire des Concerts, et le choix des morceaux élus a toujours été d’autant plus justifié que l’action scénique y est moins sensible. En dehors de l’ouverture, de la marche, du chœur des pèlerins, c’est le troisième acte qui s’offrait de préférence aux exécutions. Nous avons déjà vu la poétique invocation de Wolfram et la prière d’Élisabeth révélés véritablement au public par les deux plus grands artistes de Paris. Ce n’est qu’après treize ans, en 1881, que notre illustre Faure, toujours aux séances de Pasdeloup (auquel il est resté si fidèle) nous fit réentendre ces pages avec son style admirable et voix de velours ; il avait, cette fois, pour Élisabeth, une jeune élève du Conservatoire, dont la carrière devait être particulièrement belle, et à qui, justement, l’avenir destinait ce rôle à l’Opéra, quinze ans plus tard : Mme Rose Caron.

Les mêmes scènes furent encore chantées par celle-ci et Lauwers, chez Colonne (1883). Mais le plus souvent, elles étaient détachées. Faure chanta fréquemment l’invocation à l’Étoile, soit seule, soit après le septuor du premier acte et la phrase : « Salut, salut, ô chanteur magnanime ! » que nul n’a jamais dite comme lui. (Concerts Pasdeloup, Colonne et Lamoureux : 1882, 1883, 1884, 1885, 1887, 1889). On y entendit également Victor Maurel (1881, concerts Delsart), Auguez (1881, Colonne), Heuschling (1882, Lamoureux), Bouhy (1880, Colonne), Delmas (1890, Conservatoire), Van Rooy (1901 et 1905, Colonne), Daraux (1905, Colonne), Renaud (1909, 1910, Lamoureux ; avec l’air de concours du second acte). La prière d’Élisabeth, et aussi son air d’entrée, au second acte, furent très souvent dits : par Mmes Materna (1889, 1890, Lamoureux), Krauss (1890, Colonne), Mottl (1897, 1890, Colonne, Lamoureux), Raunay (1899, Lamoureux), Demougeot et Lormont (1909, Lamoureux), Wittich 1914, Colonne).

Avant la reprise de 1895, la plus belle exécution a été celle de la Société des Concerts, en 1893, qui donna le troisième acte en son entier, avec Mme Bosman, Renaud et Saléza. Ce dernier, en particulier, sut rendre le récit du pèlerinage à Rome avec une ampleur et un mordant, un pathétique, qu’on oublierait difficilement. En 1894 encore, d’importants fragments de cet acte et du précédent furent entendus aux concerts d’Harcourt, avec Vergnet, Auguez et Éléonore Blanc.


Lohengrin n’a pas eu un moindre succès au Concert, et moins répété. Nous l’avons déjà vu fêté, soit par le « récit du Graal », dès 1867, soit même par le premier acte en entier. Ces auditions se répétèrent fréquemment par la suite, jusqu’en 1887, où l’œuvre parut enfin en scène ; on y joignit aussi le duo du troisième acte. Relevons ainsi, comme exécutions du premier acte, celles de Lamoureux, en 1882 et 1883, auxquelles concoururent Lhérie et Bosquin (Lohengrin), Heuschling et Couturier (Telramund), Plançon (Le Roi), Auguez (Le héraut). Mmes Franck-Duvernoy et Brunet-Lafleur (Elsa), — et celles de Pasdeloup, en 1883, avec Bolly, Faure et Lauwers, Claverie, Mmes Rose Caron et Huré. Puis, pour le duo d’amour, Bosquin et Mme Franck-Duvernoy (Lamoureux en 1882), et pour le récit du Graal, Bosquin (Pasdeloup, même année).

Mais ici, la vraie date, la révélation, pour mieux dire, c’est l’apparition d’Ernest Van Dyck, chez Lamoureux, en 1883. Je reviendrai plus à loisir sur ce héros du répertoire wagnérien à Paris, quand j’aborderai les œuvres mêmes, au théâtre. Je rappelle seulement ici quelles impressions nouvelles et attachantes nous apportait cette exceptionnelle nature d’artiste, dont l’action sur le public, au concert comme au théâtre, a toujours en quelque chose de particulièrement direct et comme «  électrisant ». Né à Anvers, élève brillant de l’Université de Louvain, remarqué à Bruxelles par Gounod, dont il avait chanté quelques œuvres dans un salon ami, il était venu à Paris surtout pour satisfaire ses goûts littéraires, et déjà se faisait une place dans le journalisme, lorsque le hasard lui apporta l’occasion de se révéler aussi chanteur : remplaçant au pied levé le principal interprète de la cantate de Paul Vidal au concours du prix de Rome, il eut la double joie de voir le jeune musicien obtenir le prix et d’attirer, pour sa part, l’attention de Charles Lamoureux. Ces deux natures d’artiste étaient faites pour s’entendre. Van Dyck ne possédait pas seulement une voix puissante et colorée de ténor de force éclatante dans le haut, chaude et timbrée dans le grave, il révélait un goût musical très rare, une compréhension approfondie de ce qu’il chantait, une expression ardente et enthousiaste. À l’école sévère de Lamoureux, nous l’avons vu, en quelques années, atteindre une qualité d’interprétation lyrique de tout premier ordre. On se souvient encore de l’effet qu’il produisit, en 1884, dans le récit du Graal, après le duo, chanté avec Mme Brunet-Lafleur. L’émotion était indescriptible. Et que de fois, depuis, la vit-on renaître ! On ne se lassait pas de réclamer cette page fulgurante, (en 1896 encore) et le duo fut d’ailleurs répété quatre ans de suite par les deux artistes. On entendit ensuite Vergnet et Mme Caron (1889 et 1898), et, dans le Graal, le même Vergnet (1888), Engel (1890), Imbart de la Tour (1901, Burgstaller (1907, chez Colonne, cette fois, et en allemand), et Franz (1912, au Trocadéro). On doit citer encore, comme pages plus rares, la scène d’Elsa et d’Ortrude, au second acte, qu’interprétèrent Mmes Brunet-Lafleur et Materna (1891) et le premier air d’Elsa, chanté seul par Mmes Schroeder, (1883), Mottl (1898) et Caron (1901).


Tristan et Isolde a débuté devant le public parisien par sa dernière scène, qui est restée depuis la page la plus fréquemment interprétée, avec ou sans le prélude de l’œuvre en manière d’introduction. C’est Mme Panchioni qui la fit entendre tout d’abord, sous la direction de Pasdeloup, en 1882. Après elle, il faut attendre jusqu’en 1888, chez Lamoureux, pour Mme Montalba et surtout Mme Materna (1889, 1890, 1892, 1893, 1894), souveraine de caractère, souveraine de style. Amalia Materna est cette héroïne de l’art lyrique, dont Liszt disait qu’elle « donnait toute son humanité aux choses surhumaines », c’est-à-dire vraiment son être et son sang ; dont Louis de Fourcaud écrivait plus tard : « Il semblait que le sentiment des personnifications colossales que Wagner lui demandait d’incarner en sa chair lui fût inné ! » — Viennent ensuite Mmes Fursch-Madier (Colonne, 1891), Emma Langlois, Lilli Lehmann, Alba Chrétien, Pacary, Chrétien-Vaguet, (Lamoureux, 1892, 1893, 1896, 1899), Kutscherra, Mottl, Adiny (Colonne, 1896, 1897, 1898, 1900, 1901, 1905)… ; Et voici Félia Litvinne, cette voix de flamme, si pure et si lumineuse, qui rayonna chaque année depuis 1902 dans chacune de nos salles de concerts et même au Conservatoire (1905) ; enfin Mmes Kachowska (Lamoureux, 1904, 1907, 1910), Grandjean (Colonne et Conseraloire, 1908, 1909), Borgo (Colonne, 1909), et Leffler-Burckhardt (Colonne, 1912, 1914, en allemand).

Mais il y a mieux. Tristan, de bonne heure, a été l’objet d’exécutions intégrales, qui ont fait sensation et dont le souvenir bienfaisant n’a pas été effacé même par les représentations scéniques. L’acte I a été donné par Lamoureux en 1884, pour les débuts wagnériens de Van Dyck, avec Mme Montalba, très dramatique, très puissante dans Isolde, où elle faisait apprécier une voix d’un timbre vibrant, avec Mme Boidin-Puisais dans Brangaine, le vigoureux Blauwaert dans Kurwenal et Mauguière, tout jeune encore, dans le pilote. Et combien de fois le succès força-t-il de répéter la séance ! En 1885, après une nouvelle série de ce premier acte, Lamoureux y joignit le second, avec les mêmes interprètes. En 1887, le premier les retrouva encore, sauf Mme Montalba, remplacée par Mlle Leroux, et en 1891, le second acte fut réentendu, mais en allemand, avec le ténor Kalish et sa femme, l’admirable Lilli Lehmann, à l’enthousiasme si émouvant et avec Mlle Mangin dans Brangaine. En allemand encore, mais en scène, on citera le premier acte joué, sur le petit Théâtre Mondain, le 12 mai 1896, par Mme Hellman, débordante de passion, avec Bagès, Damad et Mme Gramaccini-Soubre, sous la direction de Pierre de Bréville, l’orchestre remplacé par deux pianos (transcription Luzzato), que jouaient Camille Chevillard et Mlle Hellman. — Enfin, à la veille des représentations de l’Éden, Lamoureux donna encore les deux premiers actes successivement, l’un avec Félia Litvinne et Cossira, Bartet et Mme Marty, l’autre avec Mme Chrétien, Cossira et Éléonore Blanc.

Entre cette date et celle de l’entrée de l’œuvre au répertoire de l’Opéra, en 1902, M. Chevillard dirigeait à son tour une exécution du premier acte avec Mme Adiny, très valeureuse, et Féodorow, Daraux et Mme Gaëtane Vicq. Puis, ce sont diverses auditions du duo du second acte, qui tendait à prendre, dans les programmes, une place aussi normale que la scène finale : en 1911 (Lamoureux) Agnès Borgo avec le ténor allemand Hans Tænzler : en 1912 et 1913 (Colonne) Mme Leffler-Burckhardt ou Mme Alvi, avec Knote ou Hensel (en allemand également) enfin Mlle Borgo avec Franz ou Laffitte.


Les Maitres Chanteurs sont encore moins faits pour le concert que les autres drames de Richard Wagner. Cependant, en dehors des morceaux d’orchestre, dont l’effet reste si évocateur, quelques pages lyriques ont toujours plu infiniment, toutes détachées qu’elles fussent. Pasdeloup, qui, dès 1868. c’est-à-dire l’année même de la création de l’œuvre à Munich, avait donné la primeur de ces morceaux d’orchestre, fit entendre presque tout le troisième acte, en 1881, avec Bolly, Lauwers. Mmes Panchioni et Rose Caron, et les troisième et quatrième, en 1882, avec Mme Laron encore, mais Escalaïs, Labis et Hettich. Le même quatrième acte reparaît en 1890, au Conservatoire, avec Engel (excellent Walter), Auguez (Hans Sachs) et Soulacroix (Beckmesser) et chez Lamoureux, en 1895, avec Delmas et Muratet. En 1894, Eugène d’Harcourt avait donné, de son côté, à ses concerts, une sélection d’autant plus intéressante qu’elle employait la version encore inédite d’Alfred Ernst ; Éléonore Blanc, Gibert (Walter) et Auguez y prenaient part. Pour « l’air de concours » nous l’avons entendu chanter par Vergnet (Colonne, 1889), puis Kalis, Engel, Gibert, Kirchhof (Lamoureux, 1891, 1892, 1894, 1902, 1910). Le premier chant de Walther, si poétique, ou se souvient que Van Dyck l’avait mis au nombre des pages choisies qu’il disait le plus volontiers : nul n’a évoqué comme lui la grâce discrète et parfumée de cet écho du moyen âge (Lamoureux et Colonne, 1894-1912). Quant aux barytons, ils avaient pour eux les deux monologues de Hans Sachs, la « rêverie » surtout : on y entendit Frœlich et Daraux (Colonne, 1903, 1905), Delmas et Van Rooy (Lamoureux, 1004, 1912). Les phrases, moins saillantes, de Pogner, furent même choisies à l’occasion ; par Froelich (Lamoureux, 1902 et 1913).


L’Or du Rhin qui, plus que tout autre, a besoin de la scène, est la dernière partition dont le nom ait figuré sur les programmes des concerts. Colonne, en 1800, s’avisa d’exécuter tout le début, si expressif, pour peu qu’on ait la moindre imagination. Auguez fut Alberich, Mmes de Montalant, Delorn et de Clercq les Filles du Rhin. Chez Lamoureux, en 1893, on applaudit l’air narquois de Loge, qui resta depuis (— 1912) au répertoire de Van Dyck ; puis, en 1894, deux exécutions différentes du premier tableau, l’une avec Fournets et Mmes Marcy, Vauthier, Héglon, l’autre avec Noté et Mmes Leroux-Corso, Tarquini d’or et Héglon. Mais c’est aussi cette même année que l’Opéra, comme prologue à la Valkyrie, prit le parti économique et un peu ridicule, de faire entendre au concert, et avec deux pianos (tenus par Puguo et Debussy, mais qu’importe ?), une importante sélection de l’ouvrage entier : Renaud y fut un excellent Alberich, Fournets un Wotan sonore et de grande allure ; Vaguet était Loge, Mmes Richard, Bosman et Marcy les Filles du Rhin…, et Catulle Mendès conférenciait.

Après quoi, Colonne exécuta deux nouveaux fragments, avec Fournets, Auguez, Challet, Lorrain, Ballard (Albérich et Wotan), Gaudubert, Gibert Cazeneuve (Loge) et Mmes Éléonore Blanc, Pregi, Planès (les Filles du Rhin, en 1895, 1897, 1898 et 1900) ; et encore la première scène, Fournets étant Albérich. — On notera aussi, comme curiosité, la scène d’Erda, en 1903 et 1906, chantée par Mme Schumann-Heink. — Mais surtout, à partir de 1901, Camille Chevillard inaugura cette belle série d’exécutions intégrale qui ont si bien préparé l’auditeur aux représentations enfin consenties par l’Opéra. Et il est impossible de ne pas rappeler les principales. En 1901, Henri Albers se tailla le plus vif succès dans Albérich, avec Bagès et Challet dans Loge et Wotan, Mmes Lormont, Vicq et Melno dans les Filles du Rhin. En 1902, Frœlich interprétait Wotan et Challet Albérich. En 1903, Dufriche était Loge… En 1909, enfin, Van Dyck nous apportait son incomparable personnification de Loge, déjà célèbre, entre Nivette (Wotan), Carbelly et Vilmos Beck, Mmes Lormont et Croiza…


De La Valkyrie, la scène essentielle, détachée d’abord, c’est la dernière : les adieux de Wotan et l’incantation du feu. Elle a été magistralement présentée au public, dès 1881, sous la direction de Pasdeloup (à son festival du Trocadéro), puis encore en 1883, par Faure en personne. Le noble artiste lui donna un caractère grandiose et tendre à la fois qui était de toute beauté. Le jeune baryton Labis l’interpréta aussi cette année et la suivante. Puis viennent Lauwers (Colonne, 1883}, Gaston Reyle (Pasdeloup, 1887}, Auguez (Colonne et Lamoureux, 1889, 1893), Van Rooy, superbe d’ampleur (Lamoureux et Colonne, 1897, 1901, 1905, 1912), Lorrain (Colonne, 1897), Frœlich (Lamoureux, 1902, 1909), Delmas (Lamoureux et Colonne, 1904, 1912), Renaud (Lamoureux, 1911), Journet (Sechiari, 1912), Thomas Denys (Colonne, 1914), Albers (Lamoureux, 1914).

Le chant d’amour du Printemps, de Siegmund, est aussi couramment choisi par les ténors. On l’entend avec Bosquin et Soum (Colonne, 1885), Vergnet (un vrai charme, Colonne, 1889), Van Dyck (Lamoureux et Colonne, 1893-1896, 1902-1912), Imbart de la Tour (Lamoureux, 1901), Cazeneuve et Burgstaller (Colonne, 1905). Mais surtout, les scènes de Siegmund et Sieglinde, au premier acte, et de Wotan et Brunnhilde, au dernier. On oubliera difficilement la révélation des premières et leur éclat jeune et vibrant, chez Lamoureux, en 1886, 1887, 1888 (jusqu’à dix auditions !) entre Van Dyck et Mme Brunet-Lafleur. On entendit ensuite Engel, avec Mme Brunet-Lafleur (1889) puis Mme Chrétien-Vaguet (1896, version inédite d’Ernst) ; Imbart de la Tour et Mme Raunay (1909), et, chez Colonne, Cazeneuve avec Mme Mottl (1897) ou Mme Caron (1898) et Martinelli avec Mlle Daumas (1911). Les dernières ont été mises en valeur par Mmes Lilli Lehmann, Bréma et Litvinne, trois Brunnhilde très diverses et pourtant également émouvantes par leur style pur et leur voix pénétrante, avec Reichmann, Francis Braun et surtout Van Rooy (1900, 1903, 1905).


Siegfried, plus déplacé au concert, n’apparaît sur les programmes qu’en 1889. Colonne choisit alors, pour en donner quelque idée, la scène qui suit les « murmures de la forêt ». Engel fut Siegfried et Mme Auguez de Montalant l’Oiseau. Il faut ensuite arriver à 1897 et 1898, pour entendre une sélection, mais alors importante, du troisième acte, avec Cazeneuve (Siegfried), Auguez (Wotan), Mme Kutscherra (Brunnhilde) et Planès (Erda). Elle reparaît en 1900, avec Cazeneuve encore et Ballard, Mmes Adiny et Dhumon. Enfin Chevillard la donne à son tour, en 1901, avec Imbart de la Tour et Challet ; Mmes Chrétien et Gerville-Réache.

Mais dès lors, c’est à la grande scène finale entre Siegfried et Brunnhilde que se bornent les exécutions. Déjà Lamoureux l’avait fait entendre avec Rousselière et Mme Chrétien (1901). Colonne la donne avec Cazeneuve et Mme  Kutscherra (1905), Burgstaller et Mme Litvinne (1905 et 1906) ou Mme  Kaschowska (1907), Hensel ou Knote et Mme Leffler-Burckhardt (1911 et 1912), toutes ces dernières auditions en allemand, ce qui ne laisse pas que d’en accentuer la longueur. Chevillard l’exécute de son côté avec Imbart de la Tour et Agnès Borgo (1910). Mais, somme toute, c’est l’ « air de la forge » qui retentit le plus souvent dans l’une et l’autre salle de concerts. Il est vrai que Van Dyck s’en est fait comme une spécialité, de 1902 à 1912 (après une première exécution, en 1896, chez Colonne, par le vaillant ténor Lafarge), et qu’il lui donne, soit en français, soit en allemand, une couleur vibrante, une sorte de joie de vie, extraordinairement évocatrice.


Le Crépuscule de Dieux a paru sur l’affiche de Pasdeloup dès 1876, mais pour la seule marche funèbre de Siegfried, cette splendeur, radicalement incomprise alors. Nous ne le retrouvons ensuite qu’en 1884, pour la même page, rendue, par Lamoureux, avec une ampleur qui, cette fois, fit grand effet. C’est Mme Materna, qui, dès sa première apparition à Paris, à ces mêmes concerts, en 1889, nous révéla la scène finale de Brunnhilde, dès lors si souvent chantée. Son fier et puissant style en a fait quelque chose de vraiment à elle, d’inoubliable, ou sa marque restera toujours attachée : une majesté farouche, un enthousiasme de la fatalité accomplie… Après elle, — mais elle en donna chaque année une nouvelle audition jusqu’en 1894 : — on entendit Lilli Lehmann, si belle d’une autre façon (1895), Mmes Jane Marcy (1895 et 1896), Chrétien (1897 et 1899), Pacary (1898, 1899) Litvinne (1898, 1899), Bréma (1902), Kaschowska (1903, 1904, 1908, 1910), Borgo (1908, 1913), Grandjean (1910), Bréval (1912, 1914) : tout ceci aux concerts Lamoureux. Chez Colonne, la série ne commence qu’en 1896, mais avec toute la fin de l’œuvre, depuis la mort de Siegfried : celui-ci étant interprété par Cazeneuve et Brunnhilde par Mme Kutscherra, qui redit seule aussi la scène finale (1897). Viennent après eux, Lilli Lehmann (1900, 1911), Mmes Adiny (1901), Litvinne (1902, 1906, 1908), Ellen Gulbranson (1903), Borgo (1909), Leffler-Burckhardt (1912, 1914), Kaschowska (1912), Marie Wittich (1913, 1914), Enfin Mlle Hatto s’y fit encore entendre la dernière année, aux concerts Sechiari.

La sélection choisie au troisième acte en 1896 (les Filles du Rhin étaient Mmes Auguez de Montalant, Texier et Planès), et qui fournit alors jusqu’à 6 exécutions, fut donnée par Chevillard, à son tour, en 1900, avec Engel, puis Bagès et Mme Chrétien : en 1901, avec Cazeneuve et la même ; en 1901, 1903 et 1904, avec Van Dyck et Félia Litvinne, puis Mme Kaschowska, les Filles du Rhin étant personnalisées, chaque fois, par Mlles Lormont, Vicq et Melno. Le récit de Siegfried fut une fois chanté seul, par Burgstaller (Colonne, 1907).

Mais c’est dans le prologue qu’on avait puisé tout d’abord. La vibrante scène de Siegfried et Brunnhilde avait été exécutée dès 1894 par Lamoureux, avec Gibert et Jane Marcy, Klafsky et Mme Materna. Il la redonna en 1898, avec Gogny et Lina Pacary. Colonne en fit entendre une éclatante exécution, en 1904, avec Van Dyck et Fédia Litvinne, et plus tard, en allemand, avec Hensel et Mme Leffler-Burckhardt (1912). Enfin Chevillard donna le prologue intégral en 1907, avec Cazeneuve et Mme Kutscherra, Mmes Cauchy, Grégoire et Mellot-Joubert étant les trois Nornes ; et avec Van Dyck et Marcelle Demougeot, en 1909, sans les Nornes.

À part, on citera le récit de Waltraute, au second acte, chanté par Mme Schumann-Heink (Colonne, 1906).


Parsifal date d’une époque où le public parisien commençait à se bien familiariser avec l’œuvre wagnérienne. Les trois concerts symphoniques existant en 1882 exécutèrent en même temps le Prélude, et Pasdeloup y joignit, en 1883, l’ « Enchantement du Vendredi Saint ». Mais Colonne fit mieux dès 1884 : il exécuta des fragments du premier acte, avec les chœurs, et du troisième, Faure interprétant Gurnemanz et Mazalbert Parsifal. Et cette audition reste encore digne du souvenir : ce n’est pas un petit honneur pour le grand artiste qui résume en quelque sorte en lui tout l’art du chant d’avoir ainsi successivement prouvé, au service des principales œuvres de Wagner, quelles beautés réellement mélodiques recèle cette musique que tant de critiques sommaires prétendaient inchantable et bonne pour casser les voix. Colonne s’est d’ailleurs réservé en quelque sorte Parsifal, et nul n’en a exécuté plus de pages. En 1887, voici la scène des Filles-fleurs (déjà donnée, toutefois, par la société Concordia), où Cornubert, encore élève au Conservatoire, chante Parsifal ; et elle reparaît, en 1894, avec Engel. La scène religieuse du premier acte (chœurs) est redonnée en 1887, 1889, 1894, 1899 et 1900. Enfin le duo de Parsifal et Kundry, au second acte, est révélé, en 1906, par Van Dyck et Mme Kachowska, et chanté depuis par Burgstaller et Félia Litvinne (même année), en allemand, ainsi que par Hensel et Mme Leffler-Burckhardt (1911) ; puis, cette fois précédée de l’ensemble des Filles-fleurs, par Van Dyck et Mme Litvinne (la plus belle exécution de l’ensemble que nous ayons jamais eue) ; enfin, par Schmedes et Marie Wittich et par Haynes et Félia Litvinne (1913).

La Société des concerts donna aussi, dès 1892, une magistrale audition de la scène religieuse, avec la partie d’Amfortas (tenue par Dufriche). Lamoureux prit pour lui, en 1894, l’Enchantement du Vendredi Saint et la scène finale, Engel étant Parsifal, Fournets Gurnemanz et Auguez Amfortas. Mais ce n’est ensuite qu’en 1907 que ces fragments reparaissent ici, avec Lemaire, Nivette et Gilly. Enfin, en 1912, Vilmos Beck esquisse Amfortas, et, en 1913, Van Dyck interprète, splendidement, le duo du second acte, avec Agnès Borgo, et la scène du Vendredi Saint, avec Marvini.

On a remarqué que, depuis une dizaine d’années déjà, sans résistance apparente du public, l’usage s’était établi de faire entendre, non plus seulement un air ou un lied par hasard, mais des scènes entières de l’œuvre wagnérienne, en allemand et par des artistes allemands. Sauf pour les quelques pages qui nous ont été vraiment révélées ainsi, — par Amalia Materna spécialement, et encore Lilli Lehmann, — on ne peut dire que ces auditions aient notablement servi la cause de Wagner à Paris. La plupart étaient même inutiles. Il fallait du moins pour être complet les signaler ici. On en pensera de même, au moment de la dernière année de la période qui nous intéresse (1914) des représentations données par la Compagnie anglaise de Covent-Garden et New-York, au théâtre des Champs-Élysées. Malgré quelques artistes vraiment intéressants, et les directions de Weingærtner ou de Nikisch, elles ne nous ont rien appris. Il suffira donc de noter que Tristan et Isolde a été chanté par Peter Cornelius et Kiess, avec Mmes Van der Osten et Claussen, et, ce qui valait mieux (en fin de saison) par Urlus et Mme Matzenauer ; que les Maîtres chanteurs ont eu pour interprètes Bender ou Van Rooy, dans Sachs, Sembach, dans Walter, Leonhardt et Schwarz, dans Beckmesser et David, avec Mme Lucile Weingærtner ; qu’enfin Parsifal, (dans une mise en scène ridicule) a été défendu par Sembach, Fenten (Gurnemanz) et Van Hulst (Anfortas), avec Mme Matzenauer.

Abordons maintenant les exécutions complètes, au théâtre. Comme pour les concerts, et puisque nous évoquons ici tout l’ensemble du cycle wagnérien, il semble préférable de maintenir chaque ouvrage à son rang chronologique. Rappelons simplement, avant de commencer, que les convenances ou les préférences directoriales les ont fait défiler, à Paris, dans l’ordre suivant :

Lohengrin (Eden, 1887, Opéra, 1891) ; — La Valkyrie (Opéra, 1893) ; — Tannhaeuser (Opéra, 1895) ; — Le Vaisseau fantôme (Opéra-Comique, 1897) ; — Les Maîtres Chanteurs (Opéra, 1897) ; — Tristan et Isolde (Nouveau-Théâtre, 1899, Opéra, 1904) ; — Siegfried (Opéra, 1902) ; — Le Crépuscule des Dieux (Château-d’Eau, 1902, Opéra, 1908) ; — L’Or du Rhin (Opéra, 1909) ; — Parsifal (Opéra, 1914).



 
Pasdeloup (1861-1887).


 
Ed. Colonne. (1880-1909).


Cliché Martinotta
Ch. Lamoureux. (1881-1899).

Pl. I. — CHEFS D’ORCHESTRE




 
J. Faure (1868-1887).


Cliché Neurdein.
Bosquin (1874-1885).


Cliché Benque.
Vergnet. (1874-1898).

Pl. II. — CONCERTS




Cliché Benque.
Paul Taffanel (1892-1908).


Cliché Benque.
André Messager.


 
Camille Chevillard.

Pl. III. — CHEFS D’ORCHESTRE