L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/Aux dames vénitiennes

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 87-88).

AUX DAMES VÉNITIENNES

Toutes ces dames d’ici, qui ont du brio
De la jeunesse, de la beauté, de la prestance,
Coquettent avec le Duc, en public et en cachette,
Pour lui montrer leurs moniches et leurs derrières.

Elles tâchent d’éveiller chez lui le grand désir
D’une douce et lascive conjonction,
Parce que c’est un Duc valeureux et bon,
Qui veut avoir toujours l’oiseau dans le nid.

Partout elles le cherchent et l’adorent,
Comme une fameuse et illustre Altesse,
Et parce qu’il sème partout des diamants.

Comme les autres, cette dame chargée de brillants,
Je l’excuse, car moi qui suis dans la misère,
J’accepterais une brillante bulgarade.

AUX MÊMES

Arrivé à Venise, le Duc a mis ces Dames,
Toutes tant qu’elles sont, en allégresse ;

Pour mieux paraître elles ont dépensé ;
Des livres sterling tant et tant.

Elles se sont efforcées de la tête aux semelles,
De s’embellir avec luxe et bizarrerie,
Pour échauffer chez lui la fantaisie,
Et le voir tomber à leurs pieds.

Toute la ville, curieuse de savoir,
Parmi celles dont se compose le consistoire,
Laquelle à ce Héros paraîtrait la plus belle,

L’a vu enfin tourner en cercle dans le chœur
Des Déesses, et comme à une Vénus nouvelle,
Donner à la Zaguri la pomme d’or.