L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/L’auteur fait l’éloge de certaine beauté

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 168-169).

L’AUTEUR FAIT L’ÉLOGE DE CERTAINE BEAUTÉ

Je voudrais faire l’éloge d’une beauté,
De celle qu’on peut appeler du plus beau blond,
Mais je ne sais par quel bout commencer,
Par le nez, par le corsage, ou par les fesses.

Dire qu’elle semble une autre Hélène,
Que Vénus auprès d’elle n’a que le second rang,
Ce sont des idées antiques, comme de chier :
J’aimerais mieux me taire ou me cacher.

Je voudrais dire quelque chose de beau,
Pour en faire l’éloge qu’elle mérite,
Et que mon idée enfin fût nouvelle.

Je dirais donc qu’elle a tant de charmes,
Qu’à la regarder elle fait dresser l’oiseau :
Par cela seul jugez de sa beauté ;
Si elle fait tant

D’impression sur les corps, rien qu’à la regarder,
Combien en ferait-elle si on la pelotait,
Ou encore si on l’enfilait ?
Ah ! oui, elle vous a une poitrine, un col, un visage,
Qui sont autant de morceaux du Paradis ;
Si bien que j’en suis sûr,
Si elle se fût trouvée là au moment
Que sur la terre descendit, tout guilleret,
Jupiter pour tirer un bon coup,
Il se serait jeté sur elle
Et l’aurait enclouée à ne plus pouvoir.