L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/L’auteur ne se soucie pas d’honneurs après la mort

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 235-236).

L’AUTEUR NE SE SOUCIE PAS D’HONNEURS APRÈS LA MORT

J’ai passé ma vie à faire allègrement des sonnets,
Et j’y ai pris grand plaisir en ce monde ;

De la sorte, j’ai fait des enfants avec ma tête,
Ne pouvant pas en faire avec mon cas.

En eux je revivrai de longues années,
Me dit ce mauvais plaisant de grand monde,
Mais comme je n’ai idée que du présent,
Je ne donne pas un fétu de l’avenir.

Bien mieux, la rage me vient de songer
Que s’en amusera plus d’une femme,
Et que je serai allé me faire foutre.

À quoi sert qu’après ma mort on me couronne,
Qu’on me fasse même élever une statue,
Si je ne sais plus ce que c’est que Moniche ?