L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/La beauté ne sert à rien sans la moniche

La bibliothèque libre.
Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 39).

LA BEAUTÉ NE SERT À RIEN SANS LA MONICHE

Un jour se pavanait devant son miroir Isabella,
Disant : « Mon amoureux, je l’excuse,
« S’il me veut du bien et me grimpe dessus,
« Car à dire la vérité, je suis belle. »

Survint aussitôt petite sœur, la Moniche,
Qui lui dit : « Tu crois que c’est ta frimousse
« Qui le rend fou d’amour ? C’est mon pertuis,
« J’entends par là mon cher petit bijou.

« Vois, sur l’heure je m’en vais te quitter ;
« Tu verras, quand viendra ton amoureux,
« S’il te regardera plus qu’une fiche-moi le camp. »

De fait, il arriva plein de désirs,
Mais ne trouvant plus ce qui est décousu,
Il lui tourna le cul, tout en colère.
Cet accident curieux
Fait voir que, pour belle que soit la femme,
Elle ne vaut rien, si elle n’a la Moniche.