L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo/Songe

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Traduction par Guillaume Apollinaire d’après la traduction d’Alcide Bonneau de Raccolta universale delle opere di Giorgio Baffo, éd. 1789.
L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, Texte établi par Guillaume ApollinaireBibliothèque des curieux, collection Les Maîtres de l’amour (p. 47).

SONGE

J’ai vu en songe Amour, qui se plaignait
De ce que les femmes lui cherchaient noise,
De ce qu’elles le traitaient comme un chien,
Et lui donnaient gifles et coups de poings.

Le cœur de compassion m’en tressaillait,
De le voir de partout endommagé ;
Il avait un bras cassé, une main aussi,
Et cheminait comme un boiteux, un estropié.

Je jetai sur lui un regard attentif
Et je vis que de tout à fait intact
Il n’avait dans tous ses membres que l’oiseau.

Alors je me dis : « C’est signe évident
« Que les femmes n’en veulent pas à celui-là.
J’en suis resté stupéfait,
Ayant toujours entendu dire, dès l’enfance,
Que l’amour sans enfiler ne vaut pas un zest.