L’Abîme (Rollinat)/L’Épée de Damoclès

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L’Abîme. PoésiesG. Charpentier et Cie, éditeurs. (p. 269-270).


L’ÉPÉE DE DAMOCLÈS


Tel raffiné pervers qui joue à l’assassin
Domine sa cervelle et gouverne sa fibre
Jusqu’à pouvoir pencher, en gardant l’équilibre,
Son vertige savant sur un mauvais dessein.

Mais il se peut qu’au fond d’un cauchemar de crime
Qui le réveillera livide sur son drap,
Il se voie opérant un projet scélérat
Et consommant sa chute au plus creux de l’abîme.


Dès lors, sa conscience aura peur de sa main.
Innocent aujourd’hui, le sera-t-il demain ?
Si ce qu’il a pensé s’incarnait dans un acte ?

Et toujours son destin surgira plus fatal,
Son doute plus visqueux, sa crainte plus compacte :
— Horrible châtiment d’avoir couvé le mal !