L’Affaire Lerouge/7

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Dentu (p. 191-219).


VII


M. Daburon ne rentra pas chez lui en sortant de l’hôtel d’Arlange. Toute la nuit il erra au hasard, cherchant un peu de fraîcheur pour sa tête brûlante, demandant un peu de calme à une lassitude excessive.

— Fou que je suis ! se disait-il, mille fois fou d’avoir espéré, d’avoir cru qu’elle m’aimerait jamais. Insensé ! comment ai-je osé rêver la possession de tant de grâces, de noblesse et de beauté ! Combien elle était belle, ce soir, le visage inondé de larmes ! Peut-on imaginer rien de plus angélique ! Quelle expression sublime avaient ses yeux en parlant de lui ! C’est qu’elle l’aime. Et moi elle me chérit comme un père, elle me l’a dit, comme un père ! En pouvait-il être autrement, n’est-ce pas justice ? Devait-elle voir un amant en ce juge sombre et sévère, toujours triste comme son costume noir. N’était-il pas honteux de songer à unir tant de virginale candeur à ma détestable science du monde ! Pour elle, l’avenir est encore le pays des riantes chimères, et depuis longtemps l’expérience a flétri toutes mes illusions. Elle est jeune comme l’innocence, et je suis vieux comme le vice.

L’infortuné magistrat se faisait véritablement horreur. Il comprenait Claire et l’excusait. Il s’en voulait de l’excès de douleur qu’il lui avait montré. Il se reprochait d’avoir troublé sa vie. Il ne se pardonnait pas d’avoir parlé de son amour.

Ne devait-il pas prévoir ce qui était arrivé, qu’elle le repousserait, et qu’ainsi il allait se priver de cette félicité céleste de la voir, de l’entendre, de l’adorer silencieusement.

— Il faut, poursuivit-il, qu’une jeune fille puisse rêver à son amant. En lui, elle doit caresser un idéal. Elle se plaît à le parer de toutes les qualités brillantes, à l’imaginer plein de noblesse, de bravoure, d’héroïsme. Qu’advenait-il, si en mon absence elle songeait à moi ? Son imagination me représentait drapé d’une robe funèbre, au fond d’un lugubre cachot, aux prises avec quelque scélérat immonde. N’est-ce pas mon métier de descendre dans tous les cloaques, de remuer la fange de tous les crimes ? Ne suis-je pas condamné à laver dans l’ombre le linge sale de la plus corrompue des sociétés ? Ah ! il est des professions fatales ! Est-ce que le juge comme le prêtre ne devrait pas se condamner à la solitude et au célibat ? L’un et l’autre ils savent tout, ils ont tout entendu. Leur costume est presque le même. Mais pendant que le prêtre dans les plis de sa robe noire apporte la consolation, le juge apporte l’effroi. L’un est la miséricorde, l’autre le châtiment. Voilà quelles images éveillait mon souvenir, tandis que l’autre… l’autre…

Cet homme infortuné continuait sa course folle le long des quais déserts.

Il allait, la tête nue, les yeux hagards. Pour respirer plus librement, il avait arraché sa cravate et l’avait jetée au vent.

Parfois, il croisait, sans le voir, quelque rare passant. Le passant s’arrêtait, touché de pitié, et se détournait pour regarder s’éloigner ce malheureux qu’il supposait privé de raison.

Dans un chemin perdu, près de Grenelle, des sergents de ville s’approchèrent de lui et essayèrent de l’interroger. Il les repoussa, mais machinalement, et leur tendit une de ses cartes de visite.

Ils lurent et le laissèrent passer, convaincus qu’il était ivre.

La colère, une colère furibonde, avait remplacé sa résignation première. Dans son cœur, une haine s’élevait plus forte et plus violente que son amour pour Claire.

Cet autre, ce préféré, ce noble vicomte qui ne savait pas triompher des obstacles, que ne le tenait-il là sous son genou !

En ce moment, cet homme noble et fier, ce magistrat si sévère pour lui-même, s’expliqua les délices irrésistibles de la vengeance. Il comprit la haine qui s’arme d’un poignard, qui s’embusque lâchement dans les recoins sombres, qui frappe dans les ténèbres, en face ou dans le dos, peu importe, mais qui frappe, qui tue, qui veut du sang pour son assouvissement !…

En ce moment, précisément, il était chargé d’instruire l’affaire d’une pauvre fille publique, accusée d’avoir donné un coup de couteau à une de ses tristes compagnes.

Elle était jalouse de cette femme, qui avait cherché à lui enlever son amant, un soldat ivrogne et grossier.

M. Daburon se sentait saisi de pitié pour cette misérable créature qu’il avait commencé d’interroger la veille.

Elle était très-laide et vraiment repoussante, mais l’expression de ses yeux, quand elle parlait de son soldat, revenait à la mémoire du juge.

« Elle l’aime véritablement, pensait-il. Si chacun des jurés avait souffert ce que je souffre, elle serait acquittée. Mais combien d’hommes ont eu dans leur vie une passion ? Peut-être pas un sur vingt. »

Il se promit de recommander cette fille à l’indulgence du tribunal et d’atténuer autant qu’il le pourrait le crime dont elle s’était rendue coupable.

Lui-même venait de se décider à commettre un crime.

Il était résolu à tuer M. Albert de Commarin.

Pendant le reste de la nuit il ne fit que s’affermir dans cette résolution, se démontrant par mille raisons folles, qu’il trouvait solides et indiscutables, la nécessité et la légitimité de cette vengeance.

Sur les sept heures du matin il se trouvait dans une allée du bois de Boulogne, non loin du lac. Il gagna la porte Maillot, prit une voiture et se fit conduire chez lui.

Le délire de la nuit continuait, mais sans souffrance. Il ne sentait aucune fatigue. Calme et froid, il agissait sous l’empire d’une hallucination, à peu près comme un somnambule.

Il réfléchissait et raisonnait, mais ce n’était pas avec sa raison.

Chez lui, il se fit habiller avec soin, comme autrefois lorsqu’il devait aller chez la marquise d’Arlange, et sortit.

Il passa d’abord chez un armurier et acheta un petit revolver qu’il fit charger avec soin sous ses yeux et qu’il mit dans sa poche. Il se rendit ensuite chez les personnes qu’il supposait capables de lui apprendre de quel club était le vicomte. Nulle part on ne s’aperçut de l’étrange situation de son esprit, tant sa conversation et ses manières étaient naturelles.

Dans l’après-midi seulement, un jeune homme de ses amis lui nomma le cercle de M. de Commarin fils et lui proposa de l’y conduire, en faisant partie lui-même.

M. Daburon accepta avec empressement et suivit son ami.

Le long de la route, il serrait avec frénésie le bois du revolver qu’il tenait caché. Il ne pensait qu’au meurtre qu’il voulait commettre, et au moyen de ne pas manquer son coup.

— « Cela va faire, se disait-il froidement, un scandale affreux, surtout si je ne réussis pas à me brûler la cervelle aussitôt. On m’arrêtera, on me mettra en prison, je passerai en cour d’assises. Voilà mon nom déshonoré. Bast ! que m’importe ! Je ne suis pas aimé de Claire, que me fait le reste ! Mon père mourra sans doute de douleur, mais il faut que je me venge !… »

Arrivés au club, son ami lui montra un jeune homme très-brun, à l’air hautain à ce qu’il lui parut, qui, accoudé à une table, lisait une revue.

C’était le vicomte.

M. Daburon marcha sur lui sans sortir son revolver. Mais, arrivé à deux pas, le cœur lui manqua. Il tourna brusquement les talons et s’enfuit, laissant son ami stupéfié d’une scène dont il lui était impossible de se rendre compte.

M. Albert de Commarin ne verra jamais la mort d’aussi près qu’une fois.

Arrivé dans la rue, M. Daburon sentit que la terre fuyait sous ses pas. Tout tournait autour de lui. Il voulut crier et ne le put. Il battit l’air de ses mains, chancela un instant et enfin tomba comme une masse sur le trottoir.

Des passants accoururent et aidèrent les sergents de ville à le relever. Dans une de ses poches, on trouva son adresse, on le porta à son domicile.

Quand il reprit ses sens, il était couché, et il aperçut son père au pied de son lit.

— Que s’était-il donc passé ?

On lui apprit avec bien des ménagements, que pendant six semaines il avait flotté entre la vie et la mort. Les médecins le déclaraient sauvé ; maintenant il était remis, il allait bien.

Cinq minutes de conversation l’avaient épuisé. Il ferma les yeux et chercha à recueillir ses idées, qui s’étaient éparpillées comme les feuilles d’un arbre en automne par une tempête. Le passé lui semblait noyé dans un brouillard opaque ; mais au milieu de ces ténèbres, tout ce qui concernait mademoiselle d’Arlange se détachait précis et lumineux. Toutes ses actions, à partir du moment où il avait embrassé Claire, il les revoyait comme un tableau fortement éclairé. Il frémit, et ses cheveux en un moment furent trempés de sueur.

Il avait failli devenir assassin !

Et la preuve qu’il était vraiment remis et qu’il avait repris la pleine possession de ses facultés, c’est qu’une question de droit criminel traversa son cerveau.

— Le crime commis, se dit-il, aurais-je été condamné ? Oui ; étais-je responsable ? Non. Le crime serait-il une forme de l’aliénation mentale ? Étais-je fou, étais-je dans l’état particulier qui doit précéder un attentat ? Qui saura me répondre ? Pourquoi tous les juges n’ont-ils pas traversé une incompréhensible crise comme la mienne ? Mais qui me croirait, si je racontais ce qui m’est arrivé ?

Quelques jours plus tard, le mieux se soutenant, il le conta à son père, qui haussa les épaules et lui assura que c’était là une mauvaise réminiscence de délire.

Ce père, qui était bon, fut ému au récit des amours si tristes de son fils, sans y voir cependant un malheur irréparable. Il lui conseilla la distraction, mit à sa disposition toute sa fortune et l’engagea fort à épouser une bonne grosse héritière poitevine, gaie et bien portante, qui lui ferait des enfants superbes. Puis, comme ses terres souffraient de son absence, il repartit pour sa province.

Deux mois plus tard, le juge d’instruction avait repris sa vie et ses travaux habituels. Mais, il avait beau faire, il agissait comme un corps sans âme ; au dedans de lui, il le sentait, quelque chose était brisé.

Une fois, il voulut aller voir sa vieille amie la marquise. En l’apercevant, elle poussa un cri de terreur. Elle l’avait pris pour un spectre, tant il était différent de celui qu’elle avait connu.

Comme elle redoutait les figures funèbres, elle le consigna à sa porte.

Claire fut malade une semaine à sa vue.

— Comme il m’aimait ! se disait-elle ; il a failli mourir. Albert m’aime-t-il autant ?

Elle n’osait se répondre. Elle aurait voulu le consoler, lui parler, tenter quelque chose… Il ne se montra plus.

M. Daburon n’était cependant pas homme à se laisser abattre sans lutter. Il voulut, comme disait son père, se distraire. Il chercha le plaisir et trouva le dégoût, mais non l’oubli. Souvent il alla jusqu’au seuil de la débauche, toujours une céleste figure, Claire vêtue de blanc, lui barra la porte.

Alors il se réfugia dans le travail ainsi que dans un sanctuaire. Il se condamna aux plus rudes labeurs, se défendant de penser à Claire, pareil au poitrinaire qui s’interdit de songer à son mal. Son âpreté à la besogne, sa fiévreuse activité lui valurent la réputation d’un ambitieux qui devait aller loin. Il ne se souciait de rien au monde.

À la longue, il trouva non le repos, mais cet engourdissement exempt de douleurs qui suit les grandes catastrophes. La convalescence de l’oubli commençait pour lui.

Voilà quels événements ce nom de Commarin prononcé par le père Tabaret rappelait à M. Daburon. Il les croyait ensevelis sous la cendre du temps et voilà qu’ils surgissaient comme ces caractères qu’on trace avec une encre sympathique et qui apparaissent si l’on vient à approcher le papier du feu. En un instant, ils se déroulèrent devant ses yeux, avec cette merveilleuse instantanéité du songe qui supprime le temps et l’espace.

Pendant quelques minutes, grâce à un phénomène admirable de dédoublement, il assista, pour ainsi dire, à la représentation de sa propre vie. Acteur et spectateur ensemble, il était là, assis dans son fauteuil, et il paraissait sur le théâtre, il agissait et il se jugeait.

Sa première pensée, il faut l’avouer, fut une pensée de haine, suivie d’un détestable sentiment de satisfaction. Le hasard lui livrait cet homme préféré par Claire. Ce n’était plus un hautain gentilhomme illustré par sa fortune et par ses aïeux, c’était un bâtard, le fils d’une femme galante. Pour garder un nom volé, il avait commis le plus lâche des assassinats. Et lui, le juge, il allait éprouver cette volupté infinie de frapper son ennemi avec le glaive de la loi.

Mais ce ne fut qu’un éclair. La conscience de l’honnête homme se révolta et fit entendre sa voix toute-puissante.

Est-il rien de plus monstrueux que l’association de ces deux idées : la haine et la justice ! Un juge peut-il, sans se mépriser plus que les êtres vils qu’il condamne, se souvenir qu’un coupable dont le sort est entre ses mains a été son ennemi ? Un juge d’instruction a-t-il le droit d’user de ses exorbitants pouvoirs contre un prévenu, tant qu’au fond de son cœur il reste une goutte de fiel ?

M. Daburon se répéta ce que tant de fois depuis un an il s’était dit en commençant une instruction :

Et moi aussi, j’ai failli me souiller d’un meurtre abominable.

Et voilà que, précisément, il allait avoir à faire arrêter, à interroger, à livrer à la cour d’assises celui qu’il avait eu la ferme volonté de tuer.

Tout le monde, certes, ignorait ce crime de pensée et d’intention, mais pouvait-il, lui, l’oublier ? N’était-ce pas ou jamais le cas de se récuser, de donner sa démission ! Ne devait-il pas se retirer, se laver les mains du sang répandu, laissant à un autre le soin de le venger au nom de la société.

— Non ! prononça-t-il, ce serait une lâcheté indigne de moi.

Un projet de générosité folle lui vint.

— Si je le sauvais ? murmura-t-il. Si, pour Claire, je lui laissais l’honneur et la vie ? Mais comment le sauver ? Je devrais pour cela ne tenir aucun compte des découvertes du père Tabaret et lui imposer la complicité du silence. Il faudra volontairement faire fausse route, courir avec Gévrol après un meurtrier chimérique. Est-ce praticable ? D’ailleurs, épargner Albert, c’est déchirer les titres de Noël ; c’est assurer l’impunité de la plus odieuse des trahisons. Enfin, c’est encore et toujours sacrifier la justice à ma passion.

Le magistrat souffrait.

Comment prendre un parti au milieu de tant de perplexités, tiraillé par des intérêts divers ?

Il flottait indécis entre les déterminations les plus opposées, son esprit oscillait d’un extrême à l’autre.

Que faire ? Sa raison, après un nouveau choc si imprévu, cherchait en vain son équilibre.

— Reculer, se disait-il ; où donc serait mon courage ? Ne dois-je pas rester le représentant de la loi que rien n’émeut et que rien ne touche ? Suis-je si faible qu’en revêtant ma robe je ne sache pas me dépouiller de ma personnalité ? Ne puis-je, pour le présent, faire abstraction du passé ? Mon devoir est de poursuivre l’enquête. Claire elle-même m’ordonnerait d’agir ainsi. Voudrait-elle d’un homme souillé d’un soupçon ? Jamais. S’il est innocent, qu’il soit sauvé ; s’il est coupable, qu’il périsse !

C’était fort bien raisonné, mais, au fond de son cœur mille inquiétudes dardaient leurs épines. Il avait besoin de se rassurer.

— Est-ce que je le hais encore, cet homme ? continua-t-il : non, certes. Si Claire l’a préféré à moi qu’il ne connaît pas, c’est à elle et non à lui que je dois en vouloir. Ma fureur n’a été qu’un accès passager de délire. Je le prouverai. Je veux qu’il trouve en moi autant un conseiller qu’un juge. S’il n’est pas coupable, il disposera, pour établir ses preuves, de tout cet appareil formidable d’agents et de moyens qui est entre les mains du parquet. Oui, je puis être le juge. Dieu, qui lit au fond des consciences, voit que j’aime assez Claire pour souhaiter de toutes mes forces l’innocence de son amant.

Alors seulement, M. Daburon se rendit vaguement compte du temps écoulé.

Il était près de trois heures du matin.

— Ah ! mon Dieu ! fit-il, et le père Tabaret qui m’attend. Je vais le trouver endormi.

Mais le père Tabaret ne dormait pas, et il n’avait guère plus que le juge senti glisser les heures.

Dix minutes lui avaient suffi pour dresser l’inventaire du cabinet de M. Daburon, qui était vaste et d’une magnificence sévère, tout à fait en rapport avec la position et la grande fortune du magistrat. Armé d’un flambeau, il s’approcha des six tableaux de maîtres qui rompaient la nudité de la boiserie et les admira. Il examina curieusement quelques bronzes rares placés sur la cheminée et sur une console, et il donna à la bibliothèque un coup d’œil de connaisseur.

Après quoi, prenant sur la table un journal du soir, il se rapprocha du foyer et se plongea dans une vaste bergère.

Il n’avait pas seulement lu le tiers du premier-Paris, lequel, comme tous les premier-Paris d’alors, s’occupait exclusivement de la question romaine, que, lâchant le journal, il s’absorbait dans ses méditations. L’idée fixe, plus forte que la volonté, bien autrement intéressante pour lui que la politique, le ramenait invinciblement à la Jonchère, près du cadavre de la veuve Lerouge. Comme l’enfant qui mille et mille fois brouille et remet en ordre son jeu de patience, il mêlait et reprenait la série de ses inductions et de ses raisonnements.

Certes, il n’y avait plus rien de douteux pour lui dans cette triste affaire. De A à Z, il croyait connaître tout. Il savait à quoi s’en tenir, et M. Daburon, il l’avait vu, partageait ses opinions. Cependant, que de difficultés encore !

C’est qu’entre le juge d’instruction et le prévenu se trouve un tribunal suprême, institution admirable qui est notre garantie à tous tant que nous sommes, pouvoir essentiellement modérateur, le jury.

Et le jury, Dieu merci ! ne se contente pas d’une conviction morale. Les plus fortes probabilités peuvent l’émouvoir et l’ébranler, elles ne lui arrachent pas un verdict affirmatif. Placé sur un terrain neutre, entre la prévention qui expose sa thèse et la défense qui développe son roman, il demande des preuves matérielles et exige qu’on les lui fasse toucher du doigt. Là où des magistrats condamneraient vingt fois pour une, en toute sécurité de conscience, et justement, qui plus est, il acquitte, parce que l’évidence n’a pas lui.

La déplorable exécution de Lesurques a certainement assuré l’impunité de bien des crimes, et, il faut le dire, elle justifie cette impunité.

Le fait est que, sauf les cas de flagrant délit ou d’aveu, il n’y a pas d’affaire sûre pour le ministère public. Parfois il est aussi anxieux que l’accusé lui-même. Presque tous les crimes ont même pour la justice et pour la police un côté mystérieux et en quelque sorte impénétrable. Le génie de l’avocat est de deviner cet endroit faible et d’y concentrer ses efforts. Par là, il insinue le doute. Un incident habilement soulevé à l’audience, au dernier moment, peut changer la face d’un procès. Cette incertitude d’un résultat explique le caractère de passion que revêtent souvent les débats.

Et à mesure que monte le niveau de la civilisation, les jurés, dans les causes graves, deviennent plus timides et plus hésitants. C’est avec une inquiétude croissante qu’ils portent le fardeau de leur responsabilité. Déjà bon nombre d’entre eux reculent devant l’idée de la peine de mort. S’il se trouve qu’elle est appliquée, ils demandent à se laver du sang du condamné. On en a vu signer un recours en grâce, et pour qui ? Pour un parricide. Chaque juré, au moment d’entrer dans la salle de délibérations, songe infiniment moins à ce qu’il vient d’entendre, qu’au risque qu’il court de préparer à ses nuits d’éternels remords. Il n’en est pas un qui, plutôt que de s’exposer à retenir un innocent, ne soit résolu à lâcher trente scélérats.

L’accusation doit donc arriver devant le jury armée de toutes pièces et les mains pleines de preuves. C’est au juge d’instruction à forger ces armes et à condenser ces preuves. Tâche délicate hérissée de difficultés, souvent très-longue. Il arrive que le prévenu a du sang-froid, qu’il est certain de n’avoir pas laissé de traces, alors, du fond de son cachot, au secret, il défie tous les assauts de la justice. C’est une lutte terrible, et qui fait frémir si l’on vient à songer qu’après tout cet homme, enfermé sans conseil et sans défense, peut être innocent. Le juge saura-t-il résister aux entraînements de sa conviction intime ?

Bien souvent la justice est réduite à s’avouer vaincue. Elle est persuadée qu’elle a trouvé le coupable ; la logique le lui montre, le bon sens le lui indique, et cependant elle doit renoncer aux poursuites faute de témoignages suffisants.

Il est malheureusement des crimes impunis. Un ancien avocat général avouait un jour qu’il connaissait jusqu’à trois assassins riches, heureux, honorés, qui, à moins de circonstances improbables, finiraient dans leur lit, entourés de leur famille, et auraient un bel enterrement avec une magnifique épitaphe sur leur tombe.

À cette idée qu’un meurtrier peut éviter l’action de la justice, se dérober à la cour d’assises, le sang du père Tabaret bouillait dans ses veines, comme au souvenir d’une cruelle injure personnelle.

Une telle monstruosité, à son avis, ne pouvait provenir que de l’ineptie des magistrats chargés de l’enquête sommaire, de la maladresse des agents de la police ou de l’incapacité et de la mollesse du juge d’instruction.

— Ce n’est pas moi, marmottait-il avec la vaniteuse satisfaction du succès, qui lâcherais jamais ma proie. Il n’est pas de crime bien constaté dont l’auteur ne soit trouvable, à moins pourtant que cet auteur ne soit un fou, dont le mobile échappe au raisonnement. Je passerais ma vie à la recherche d’un coupable, et je périrais avant de m’avouer vaincu, comme cela est arrivé tant de fois à Gévrol.

Cette fois encore le père Tabaret, le hasard aidant, avait réussi, il se le répétait. Mais quelles preuves fournir à la prévention, à ce maudit jury si méticuleux, si formaliste et si poltron ? Qu’imaginer pour forcer à se découvrir un homme fort, parfaitement sur ses gardes, couvert par sa position et sans doute par ses précautions prises ? Quel traquenard préparer, à quel stratagème neuf et infaillible avoir recours ?

Le volontaire de la police s’épuisait en combinaisons subtiles mais impraticables, toujours arrêté par cette fatale légalité si nuisible aux emplois des chevaliers de la rue de Jérusalem.

Il s’appliquait si fort à ses conceptions, tantôt ingénieuses et tantôt grossières, qu’il n’entendit pas ouvrir la porte du cabinet et ne s’aperçut nullement de la présence du juge d’instruction.

Il fallut, pour l’arracher à ses problèmes, la voix de M. Daburon, qui disait avec un accent encore ému :

— Vous m’excuserez, monsieur Tabaret, de vous avoir laissé si longtemps seul.

Le bonhomme se leva pour dessiner un respectueux salut de 45 au degré.

— Ma foi ! monsieur, répondit-il, je n’ai pas eu le loisir de m’apercevoir de ma solitude.

M. Daburon avait traversé la pièce et était allé s’asseoir en face de son agent, devant un guéridon encombré des papiers et des documents se rattachant au crime. Il paraissait très-fatigué.

— J’ai beaucoup réfléchi, commença-t-il, à toute cette affaire.

— Et moi donc ! interrompit le père Tabaret. Je m’inquiétais, monsieur, lorsque vous êtes entré, de l’attitude probable du vicomte de Commarin au moment de son arrestation. Rien de plus important, selon moi. S’emportera-t-il ? essayera-t-il d’intimider les agents ? les menacera-t-il de les jeter dehors ? C’est assez la tactique des criminels huppés. Je crois pourtant qu’il restera calme et froid. C’est dans la logique du caractère que se relève la perpétration du crime. Il fera montre, vous le verrez, d’une assurance superbe. Il jugera qu’il est sans doute victime de quelque malentendu. Il insistera pour voir immédiatement le juge d’instruction, afin de tout éclaircir au plus vite.

Le bonhomme parlait si bien de ses suppositions comme d’une réalité, il avait un tel ton d’assurance que M. Daburon ne put s’empêcher de sourire.

— Nous n’en sommes pas encore là, dit-il.

— Mais nous y serons dans quelques heures, reprit vivement le père Tabaret. Je suppose que, dès qu’il fera jour, monsieur le juge d’instruction donnera des ordres pour que M. de Commarin fils soit arrêté ?

Le juge tressaillit comme le malade qui voit son chirurgien déposer, en entrant, sa trousse sur un meuble.

Le moment d’agir arrivait. Il mesurait la distance incommensurable qui sépare l’idée du fait, la décision de l’acte.

— Vous êtes prompt, monsieur Tabaret, fit-il, vous ne connaissez pas d’obstacles.

— Puisqu’il est coupable ! Je le demanderai à monsieur le juge, qui aurait commis ce crime sinon lui ? Qui avait intérêt à supprimer la veuve Lerouge, son témoignage, ses papiers, ses lettres ? Lui, uniquement lui. Mon Noël, qui est bête comme un honnête homme, l’a prévenu : il a agi. Que sa culpabilité ne soit pas établie, il reste plus Commarin que jamais, et mon avocat est Gerdy jusqu’au cimetière.

— Oui, mais…

Le bonhomme fixa sur le juge un regard stupéfait.

— Monsieur le juge voit donc des difficultés ? demanda-t-il.

— Eh ! sans doute ! répondit M. Daburon ; cette affaire est de celles qui commandent la plus grande circonspection. Dans des cas pareils à celui-ci, on ne doit frapper qu’à coup sûr, et nous n’avons que des présomptions… les plus concluantes, je le sais, mais enfin des présomptions. Si nous nous trompions ! La justice, malheureusement, ne peut jamais réparer complètement ses erreurs. Sa main posée injustement sur un homme laisse une empreinte qui ne s’efface plus. Elle reconnaît qu’elle s’est trompée, elle l’avoue hautement, elle le proclame, en vain ! L’opinion absurde, idiote, ne pardonne pas à un homme d’avoir pu être soupçonné.

C’est en poussant de gros soupirs que le père Tabaret écoutait ces réflexions. Ce n’est pas lui qui eût été retenu par de si mesquines considérations.

— Nos soupçons sont fondés, continua le juge, j’en suis persuadé. Mais s’ils étaient faux ? Notre précipitation serait pour ce jeune homme un affreux malheur. Et encore, quel éclat, quel scandale ! Y avez-vous songé ! Vous ne savez pas tout ce qu’une démarche risquée peut coûter à l’autorité, à la dignité de la justice, au respect qui constitue sa force. L’erreur appelle la discussion, provoque l’examen, enfin éveille la méfiance à une époque où tous les esprits ne sont que trop disposés à se défier des pouvoirs constitués.

Il s’appuya sur le guéridon et parut réfléchir profondément.

— Pas de chance, pensait le père Tabaret, j’ai affaire à un trembleur. Il faudrait agir, il parle ; signer des mandats, il pousse des théories. Il est étourdi de ma découverte et il a peur. Je supposais en accourant ici qu’il serait ravi, point. Il donnerait bien un louis de sa poche pour ne m’avoir pas fait appeler ; il ne saurait rien et dormirait du sommeil épais de l’ignorance. Ah ! voilà ! On voudrait bien avoir dans son filet des tas de petits poissons, mais on ne se soucie pas des gros. Les gros sont dangereux, on les lâcherait volontiers…

— Peut-être, dit à haute voix M. Daburon, peut-être suffirait-il d’un mandat de perquisition et d’un autre de comparution.

— Alors tout est perdu ! s’écria le père Tabaret.

— En quoi, s’il vous plaît ?

— Hélas ! monsieur le juge le sait mieux que moi, qui ne suis qu’un pauvre vieux. Nous sommes en face de la préméditation la plus habile et la plus raffinée. Un hasard miraculeux nous a mis sur la trace de l’ennemi. Si nous lui laissons le temps de respirer, il nous échappe.

Le juge, pour toute réponse, inclina la tête, peut-être en signe d’assentiment.

— Il est évident, continua le père Tabaret, que notre adversaire est un homme de première force, d’un sang-froid surprenant, d’une habileté consommée. Ce gaillard-là doit avoir tout prévu, tout absolument, jusqu’à la possibilité improbable d’un soupçon s’élevant jusqu’à lui. Oh ! ses précautions sont prises. Si monsieur le juge se contente d’un mandat de comparution, le gredin est sauvé. Il comparaîtra tranquille comme Baptiste, absolument comme s’il s’agissait d’un duel. Il nous arrivera nanti du plus magnifique alibi qui se puisse voir, d’un alibi irrécusable. Il va prouver qu’il a passé la soirée et la nuit de mardi et de mercredi avec les personnages les plus considérables. Il aura dîné avec le comte Machin, joué avec le marquis Chose, soupé avec le duc Untel ; la baronne de Ci et la vicomtesse de Là ne l’auront pas perdu de vue une minute… Enfin, le coup sera si bien monté, tous les trucs joueront si bien, qu’il faudra lui ouvrir la porte, et encore lui présenter des excuses sur l’escalier. Il n’est qu’un moyen de le convaincre, c’est de le surprendre par une rapidité contre laquelle il est impossible qu’il soit en garde. On doit tomber chez lui comme la foudre, l’arrêter au réveil, l’entraîner encore tout abasourdi, et l’interroger là, sur-le-champ, hic et nunc, tout chaud encore de son lit. C’est la seule chance qu’il soit de surprendre quelque chose. Ah ! que ne suis-je, pour un jour, juge d’instruction !

Le père Tabaret s’arrêta court, saisi de la crainte de manquer de respect au magistrat. Mais M. Daburon n’avait nullement l’air choqué.

— Poursuivez, dit-il d’un ton encourageant, poursuivez.

— Donc, reprit le bonhomme, je suis juge d’instruction. Je fais arrêter mon bonhomme, et vingt minutes plus tard il est dans mon cabinet. Je ne m’amuse point à lui poser des questions plus ou moins captieuses. Non. Je vais droit au but. Je l’accable tout d’abord du poids de ma certitude. Quel pavé ! Je lui prouve que je sais tout, si évidemment, si clairement, si péremptoirement qu’il se rend, ne pouvant agir autrement. Non, je ne l’interroge pas. Je ne lui laisse pas ouvrir la bouche, je parle le premier. Et voici mon discours : Mon bonhomme, vous m’apportez un alibi ! C’est fort bien. Mais nous connaissons ce moyen, l’ayant pratiqué. Il est usé. On est fixé sur les pendules qui retardent ou avancent. Donc, cent personnes ne vous ont pas perdu de vue, c’est admis.

Cependant voici ce que vous avez fait : À huit heures vingt minutes, vous avez filé adroitement. À huit heures trente-cinq minutes, vous preniez le chemin de fer, rue Saint-Lazare. À neuf heures, vous descendiez à la gare de Rueil et vous vous élanciez sur la route de La Jonchère. À neuf heures un quart, vous frappiez au volet de la veuve Lerouge, qui vous ouvrait et à qui vous demandiez à manger un morceau et surtout à boire un coup. À neuf heures vingt-cinq, vous lui plantiez un morceau de fleuret bien aiguisé entre les épaules, vous bouleversiez tout dans la maison et vous brûliez certains papiers, vous savez. Après quoi, enveloppant dans une serviette tous les objets précieux pour faire croire à un vol, vous sortiez en fermant la porte à double tour.

Arrivé à la Seine, vous avez jeté votre paquet dans l’eau, vous avez regagné la station du chemin de fer à pied, et à onze heures vous reparaissiez frais et dispos. C’est bien joué. Seulement vous avez compté sans deux adversaires, un agent de police assez madré, surnommé Tirauclair, et un autre plus capable encore, qui a nom le hasard. À eux deux, ils vous font perdre la partie. D’ailleurs, vous avez eu le tort de porter des bottes trop fines, de conserver vos gants gris-perle, et de vous embarrasser d’un chapeau de soie et d’un parapluie. Maintenant, avouez, ce sera plus court et je vous donnerai la permission de fumer dans votre prison de ces excellents trabucos que vous aimez et que vous brûlez toujours avec un bout d’ambre.

Le père Tabaret avait grandi de deux pouces tant était grand son enthousiasme. Il regarda le magistrat comme pour quêter un sourire approbateur.

— Oui, continua-t-il après avoir repris haleine, je lui dirais cela et non autre chose. Et, à moins que cet homme ne soit mille fois plus fort que je ne le suppose, à moins qu’il ne soit de bronze, de marbre, d’acier, je le verrais à mes pieds et j’obtiendrais un aveu…

— Et s’il était de bronze, en effet, dit M. Daburon, s’il ne tombait pas à vos pieds ! Que feriez-vous ?

La question, évidemment, embarrassa le bonhomme.

— Dame ! balbutia-t-il, je ne sais, je verrais, je chercherais… mais il avouerait.

Après un assez long silence, M. Daburon prit une plume et écrivit quelques lignes à la hâte.

— Je me rends, dit-il. M. Albert de Commarin va être arrêté, c’est maintenant décidé. Mais les formalités et les perquisitions prendront un certain temps qui, d’un autre côté, m’est nécessaire. Je veux interroger, avant le prévenu, son père, le comte de Commarin, et encore ce jeune avocat, votre ami, M. Noël Gerdy. Les lettres qu’il possède me sont indispensables.

À ce nom de Gerdy, la figure du père Tabaret s’assombrit et exprima la plus comique inquiétude.

— Sapristi ! exclama-t-il, voilà ce que je redoutais.

— Quoi ? demanda M. Daburon.

— Eh ! la nécessité des lettres de Noël. Naturellement, il va savoir qui a mis la justice sur les traces du crime. Me voilà dans de beaux draps. C’est à moi qu’il devra la reconnaissance de ses droits, n’est-ce pas ? Pensez-vous qu’il m’en sera reconnaissant ! Point, il me méprisera. Il me fuira quand il saura que Tabaret, rentier, et Tirauclair, l’agent, se coiffent dans le même bonnet de coton. Pauvre humanité ! Avant huit jours mes plus vieux amis me refuseront la main. Comme si ce n’était pas un honneur de servir la justice !… Je vais être réduit à changer de quartier, à prendre un faux nom…

Il pleurait presque, tant sa peine était grande. Le magistrat en fut touché.

— Rassurez-vous, cher monsieur Tabaret, lui dit-il, je ne mentirai pas mais je m’arrangerai de telle sorte que votre fils d’adoption, votre Benjamin, ne saura rien. Je lui laisserai entrevoir que je suis arrivé jusqu’à lui par des papiers trouvés chez la veuve Lerouge.

Le bonhomme, transporté, saisit la main du juge et la porta à ses lèvres.

— Oh ! merci, monsieur, s’écria-t-il, merci mille fois ! Vous êtes grand, vous êtes… Et moi qui tout à l’heure… mais, suffit ! je me trouverai, si vous le permettez, à l’arrestation ; je serais très-satisfait d’assister aux perquisitions.

— Je comptais vous le demander, monsieur Tabaret, répondit le juge.

Les lampes pâlissaient et devenaient fumeuses, le toit des maisons blanchissait, le jour se levait. Déjà, dans le lointain, on entendait le roulement des voitures matinales ; Paris s’éveillait.

— Je n’ai pas de temps à perdre, poursuivit M. Daburon, si je veux que toutes mes mesures soient bien prises. Je tiens absolument à voir le procureur impérial ; je le ferai réveiller s’il le faut. Je me rendrai de chez lui directement au Palais, j’y serai avant huit heures. Je désire, monsieur Tabaret, vous y trouver à mes ordres.

Le bonhomme remerciait et s’inclinait, quand le domestique du magistrat parut.

— Voici, monsieur, dit-il à son maître, un pli que vient d’apporter un gendarme de Bougival. Il attend la réponse dans l’antichambre.

— Très-bien ! répondit M. Daburon ; demandez à cet homme s’il n’a besoin de rien, et dans tous les cas offrez-lui un verre de vin.

En même temps il brisait l’enveloppe de la dépêche.

— Tiens ! fit-il, une lettre de Gévrol ? Et il lut :

« Monsieur le juge d’instruction,

J’ai l’honneur de vous faire savoir que je suis sur la trace de l’homme aux boucles d’oreilles. Je viens d’apprendre de ses nouvelles chez un marchand de vin, où des ivrognes étaient attardés. Notre homme est rentré chez le marchand de vin dimanche matin en sortant de chez la veuve Lerouge. Il a commencé par acheter et payer deux litres de vin. Puis il s’est frappé le front et a dit : Vieille bête ! j’oubliais que c’est demain la fête du bateau. Il a aussitôt demandé trois autres litres. J’ai consulté l’almanach, le bateau doit s’appeler Saint-Marin. J’ai appris aussi qu’il était chargé de blé. J’écris à la préfecture en même temps qu’à vous, pour que des perquisitions soient faites à Paris et à Rouen. Il est impossible qu’elles n’aboutissent pas.

Je suis en attendant, monsieur… »

— Ce pauvre Gévrol ! s’écria le père Tabaret en éclatant de rire, il aiguise son sabre et la bataille est gagnée. Est-ce que M. le juge ne va pas arrêter ses recherches ?

— Non, certes ! répondit M. Daburon, négliger la moindre chose est souvent une faute irréparable. Et qui sait quelles lumières nous peut fournir cet inconnu ?