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L’Air et la Vitesse/01

La bibliothèque libre.
Librairie aéronautique (p. 7-10).

L’AIR ET LA VITESSE
VUES NOUVELLES SUR L’AVIATION

I
CLASSIFICATION DE LA LOCOMOTION MÉCANIQUE
Définition. — Points d’appui de sustentation et de propulsion. — Leurs combinaisons. — L’air parasite. — L’appui-air condition nécessaire de la vitesse.

Il peut paraître oiseux de définir la locomotion dont la notion est familière, et, cependant, l’analyse des buts à atteindre ainsi que des moyens à employer dans chaque cas particulier, incite à préciser les conditions générales de la question. Nous définirons donc la locomotion : l’étude et la réalisation des divers moyens naturels ou mécaniques propres à assurer aux êtres ou aux choses leur déplacement à la surface du globe terrestre, en attachant au mot surface, non pas son sens géométrique étroit, mais un sens plus large qui embrasse l’atmosphère, le sol et le sous-sol immédiat, avec ses nappes liquides, autrement dit, les trois éléments : air, terre, eau.

Il s’agit de déplacer des masses pesantes : il faut donc les soutenir et les mouvoir ; d’où la considération de deux points d’appui nécessaires : point d’appui de sustentation, point d’appui de propulsion.

Les trois éléments air, terre, eau, peuvent être alternativement considérés comme des points d’appui, soit de sustentation, soit de propulsion et leurs combinaisons deux à deux, avec répétitions, conduisent chacune à la conception d’un mode de locomotion différent, et chacune, d’ailleurs, il faut le remarquer, a donné lieu, dans le domaine de la locomotion mécanique, à des réalisations plus ou moins pratiques.

Ces considérations conduisent à une classification des modes de locomotion mécanique, d’après la spécification des points d’appui. Cette classification est résumée dans le tableau ci-contre :


De tous les modes de locomotion présentés dans ce tableau, les uns ont des applications nombreuses et d’usage courant, les autres sont plus ou moins pratiques et répondent à des besoins plus ou moins spéciaux.

Leur étude sort, d’ailleurs, du cadre que nous nous sommes tracé. Nous nous confinerons donc dans la considération des cas où l’air est le double point d’appui de propulsion et de sustentation.

Examinons, toutefois, un critérium commun à tous les cas : la vitesse de translation.

Évidemment, il y a avantage à rendre cette vitesse la plus grande possible, dans les limites où les conditions techniques et économiques le permettent, puisque l’homme moderne est un être pressé pour lequel le temps est de l’argent. Dans l’état de choses actuel, trois véhicules : la locomotive (à vapeur ou électrique), l’automobile, l’avion, circulant respectivement sur la voie ferrée, la route, la voie aérienne, se disputent le record de la vitesse. La lutte est chaude, acharnée et la victoire définitive n’est pas encore nettement acquise. Cependant le résultat apparaît déjà incontestable : le vainqueur doit être l’avion.

L’avion doit être vainqueur, parce qu’il a toutes les supériorités, en lui-même, et dans la voie qu’il emprunte. Une locomotive, une automobile, doivent subir les


Point d’appui de Sustentation Point d’appui de Propulsion MODE DE LOCOMOTION RÉSULTANT
Terre Terre Tous véhicules à roulement, glissement, reptation, mus par réaction d’adhérence à la surface du sol, ou par réaction sur point fixe.
(Air parasite)[1]
Air Terre Ballons captifs — Cerfs-volants. —
Eau Terre Bateaux toueurs — Bateaux halés.
(Air parasite)
Eau Eau Bateaux toueurs — Bateaux halés.
(Air parasite)
Eau Eau Bateaux de surface à propulsion hydraulique.
(Air parasite)
Eau Eau Bateaux sous-marins
Terre Eau Pas d’application nettement définie. On peut cependant concevoir le remorquage d’un véhicule terrien quelconque par un bateau.
(Air parasite)
Air Eau Ballons dériveurs du Comte de la Vaulx[2]. Trains Saconney remorqués par des navires.
Terre Air Véhicules à roulement, glissement mus par voile ou par propulseur aérien.
Eau Air Bateaux de surface, à voile ou à propulseur aérien.
Air Air Tout aéronef proprement dit.
(a) Plus léger que l’air : Ballons libres et dirigeables.
(b) Plus lourd que l’air : Aéroplanes, hélicoptères, orthoptères, etc.
Projectiles[3].
exigences de l’apui-terre : la voie ferrée, la route comportent des sinuosités, des virages, qui sont des obstacles à la vitesse, tandis que l’appui-air ouvre à la vitesse des champs sans obstacles. D’autre part, l’organe de propulsion et de sustentation sur l’appui-terre, la roue, est soumis à une force centrifuge qui limite la vitesse à celle assurant la sécurité contre l’éclatement. Il est vrai que cette limite n’est pas atteinte et que l’organe de propulsion dans l’air, l’hélice, est soumis aux mêmes inconvénients à un degré même beaucoup plus élevé, parce que le glissement ou recul de l’hélice dans l’air est infiniment plus considérable que le glissement de la roue sur la route, lequel est presque nul, et parce que le chemin parcouru par tour d’hélice, est très inférieur au développement de la périphérie de cette hélice. Cela prouve seulement que l’hélice est loin d’être le propulseur idéal de l’avion rapide.

Enfin, la locomotive, l’automobile sont tributaires de l’air parasite. Aux grandes vitesses, la résistance du point d’appui effectif, qui se traduit par la puissance motrice nécessaire pour la vaincre, devient secondaire vis-à-vis de celle qui provient de l’air parasite et l’on peut prévoir une vitesse critique au delà de laquelle l’appui parasite devient si gênant, qu’il y a lieu d’en faire l’appui effectif, parce que l’abandon des autres appuis entraîne la suppression d’organes et de dispositifs très résistants[4], affine favorablement les formes du véhicule et diminue la résistance à la pénétration.

Déjà, l’aéroplane apparaît comme la limite, la suite logique des véhicules terriens, et l’air, double point d’appui de sustentation et de propulsion, comme la condition nécessaire de la vitesse.

  1. Nous indiquons la mention (Air parasite) dans tous les cas où le véhicule baigne dans l’atmosphère, sans que celle-ci intervienne effectivement soit pour la sustentation, soit pour la propulsion. Nous faisons allusion plus loin à l’influence de l’air parasite.
  2. Pour les navires à voile et pour les ballons dériveurs prenant appui sur l’eau, l’air n’est pas uniquement le point d’appui de propulsion puisque, agissant seul, il donnerait seulement une dérive dans le vent, comme pour le ballon libre. Le point d’appui de propulsion est une combinaison mixte, air et eau.
  3. Nous plaçons les projectiles dans cette catégorie, bien que, à proprement parler, l’air ne soit pour eux ni un appui de propulsion, ni un appui de sustentation. C’est la Terre qui a donné l’impulsion première, sustentratrice et motrice : l’air n’est encore qu’un parasite. Il est, toutefois, une catégorie de projectiles, pou ou pas utilisés à ce jour, mais qui ont un avenir intéressant : ce sont les projectiles à sustentation et propulsion continues, projectiles volants et fusants, lesquels rentrent éventuellement dans la classe indiquée.
  4. Ce n’est pas encore le cas, puisque presque tous les avions ont des roues, mais c’est déjà une raison qui milite en faveur de la suppression des châssis d’atterrissage.