L’Air et la Vitesse/13

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Librairie aéronautique (p. 64-66).

XIII
L’ATTERRISSAGE, INCIDENT
Conditions que doit remplir un atterrissage sûr. — L’atterrissage tangentiel ne les remplit pas. — Principe de l’atterrissage incident. — Les objections.

Un procédé d’atterrissage sûr doit satisfaire aux exigences suivantes :

1o Maintien de la stabilité, c’est-à-dire de la vitesse, jusqu’au contact avec le sol ;

2o Suppression de la période de transition que comporte l’atterrissage tangentiel ;

3o Suppression du danger de capotage que comporte l’atterrissage tangentiel.

En somme, il ne reste qu’une alternative : c’est la chute, la chute voulue, méthodique. Il faut bien se pénétrer que toujours, sous une forme ou sous une autre, la chute guettera l’aviateur. Il faut prévoir ce que l’on ne peut empêcher ; il faut donc prévoir la chute, en faire un événement ordinaire, banal, courant, inoffensif. C’est impossible, dira-t-on ? Ce serait à désespérer de la sécurité de l’aviation.

Mais la chose n’est pas impossible, bien loin de là ; la question est parfaitement soluble, il faudrait seulement s’y intéresser, l’étudier, la résoudre, et ne pas la rejeter a priori, alors que, froidement, chaque jour, à chaque instant, on accepte le risque constant, immense, effroyable, de chutes fantastiques faites sans qu’aucune précaution sérieuse ait été prise pour en atténuer les effets. C’est l’atterrissage piqué, bien redouté des aviateurs, que nous appellerons atterrissage incident, par opposition à l’atterrissage tangentiel. En principe, l’atterrissage incident doit s’effectuer dans un sol meuble, préparé à l’avance : une terre profondément labourée par exemple. Cette terre meuble doit être pour l’avion spécialement étudiée, une matelassure amortissant le premier choc par l’enfoncement d’un soc effilé. Nous donnerons au Chapitre XIV quelques précisions sur la conception de cette manœuvre dont l’assise d’une pièce de 75 sur ses bêches, au premier coup, après l’abattage, peut donner une idée première. C’est un phénomène bien connu des artilleurs, qu’à ce premier coup, le frein hydro-pneumatique n’agit que partiellement, parce que l’enfoncement des bêches dans le sol concourt dans une proportion importante à l’amortissement du recul de la pièce.

Voilà pour l’atterrissage normal sur le terrain prévu. Reste l’atterrissage fortuit. Ici intervient une des principales restrictions qu’entraînera l’application pratique de l’aviation : la nécessité de suivre des routes déterminées et connues. L’atterrissage fortuit sera rendu extrêmement rare par l’amélioration du fonctionnement des propulseurs et la multiplicité de ceux-ci, et pour l’éventualité très faible de l’atterrissage fortuit en terrain reconnu, mais non aménagé, il suffira de prévoir un dispositif de plus facile rupture, un « fusible », un frein d’urgence qui limitera et même évitera les accidents matériels et permettra de maintenir aux dispositifs spéciaux prévus pour l’amortissement du personnel, leur fonctionnement normal.

La grosse objection qu’opposent à l’atterrissage incident ceux qui veulent bien en admettre la possibilité est : On ne pourra pas repartir !

C’est le reproche adressé au train de glissement des frères Wright. Leur méthode, dite méthode américaine, a été abandonnée et c’est la méthode française du train de roulement qui triomphe actuellement.

Cependant, dans les procédés d’atterrissage, aussi bien que dans les procédés d’essor des Wright, il y avait une idée directrice qui impliquait une conception déterminée de l’aviation, de ses possibilités, de son utilisation. Les Wright admettaient a priori qu’il fallait partir de lieux déterminés, de postes de lancement[1] ; ils admettaient aussi qu’en principe l’on doit revenir atterrir aux environs du point de départ. Remarquons que c’est vers cette formule que l’on tend de plus en plus, en s’efforçant d’augmenter la sûreté de fonctionnement des propulseurs et de rendre extrêmement faible la chance de la fâcheuse panne.

On commence à comprendre que la faculté d’atterrir n’importe où et de repartir, que le châssis de roulement est censé fournir, est illusoire. Ce qu’il faut, avant tout, c’est obtenir l’atterrissage sûr et toutes les restrictions que peut comporter son obtention s’effacent devant l’importance de la question impérieuse de la sécurité.

  1. Les méthodes de lancement pourraient être étudiées spécialement, on trouverait déjà des indications intéressantes dans certains dispositifs déjà réalisés, particulièrement pour le lancement des hydravions à bord des navires. Quant à l’ammerrissage il peut très bien être conçu par apiquage, par plongeon ; c’est une question d’évolution de forme et de construction.