L’Amitié (Nemo)/X

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Nemo
Petrot-Garnier (p. 26-27).


CHAPITRE X

Influence de l’Amitié.


Ce qui fait une impression secrète à l’égard de la pratique du bien et de l’accomplissement du devoir ; ce qui inspire de faire mieux, agissant d’une aussi excellente manière sur l’esprit et sur le cœur, est, au plus haut titre, une influence heureuse et digne des applaudissements de la terre.

Telle est l’action douce et puissante de l’amitié. Le fer, dit-on, aiguise le fer, et la vue de l’ami excite l’ami.

Avec elle, en effet, on s’affermit en une conscience droite.

Avec elle, on est retenu dans ce qui seul est désirable autant qu’acceptable des âmes bien nées.

Avec elle, naît l’émulation noble qui épure en nos penchants ce qu’il y a de plus secret, qui rend meilleur et persévérant.

Qui, de propos délibéré, voudrait cesser d’être digne de son ami ? Qui, par une action basse, consentir à l’aliénation d’un incomparable héritage, fuir la joie de son cœur, l’ornement de sa vie ?

À qui jamais, s’il en fut tenté, le déplaisir, la peine qu’en éprouverait son ami ne seraient d’infranchissables barrières ?

Desaix, Desaix, à la pensée d’une lâcheté qui eût fait saigner le cœur du premier consul, ne se fût donc pas révoltée ton âme de héros ?

Combien, au souvenir d’un ami, eussent échappé au naufrage, quand ils ont malheureusement heurté, sombré ! Combien, les lèvres à la coupe enchanteresse du plaisir, pourraient, dans les sages entretiens d’un ami, épurer leur pauvre raison et se guérir de lamentables folies !

Ô trop précieuse, ô sainte amitié, qui serait assez osé pour te refuser son estime ? Qui, pour refuser de t’avoir en honneur ? Quel particulier, quel prince, quel gouvernement des hommes ?

Puissance trop peu connue !

À l’amitié, la garde des mœurs !

À l’amitié, un élan de plus vers ce qui est grand, vers ce qui est vraiment honorable, vraiment beau !

À l’amitié, comme l’essor à la vertu, à l’héroïsme, des ailes au génie !