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L’Amour absolu/XII

La bibliothèque libre.
Mercure de France (p. 78-82).

XII

Le Droit au mensonge

Le sexe de Varia est l’œillère d’un masque.

Les yeux de Monsieur Dieu sont un affiquet de son costume, même quand il est tout nu : ses portes de chair sur la Vérité.

Il n’y a qu’une Vérité.

Et des myriades, exactement toute la série indéfinie des nombres — tous les nombres qui ne sont pas l’Un — de choses qui ne sont pas cette Vérité.

La quantité de mensonges actuels ou possibles s’écrit

Personne ne peut avoir cette Vérité, puisque c’est Dieu qui la détient.

Emmanuel Dieu ou l’Autre.

Ils empêchent l’harmonie d’un beau Mensonge universel, sans déchirure.

Ils sont le sexe du Mensonge, qui est femelle.

Ce sexe est une case veuve, tant qu’ils gardent leur Vérité pour eux.

Et comme il n’y a point de vide, il déborde toujours une chose quelconque, qui, par définition n’est point la Vérité, dans la case à Vérité.

« Le cas de Vérité », si l’on écrit la vie de cette Dame galante.

Pour toutes les Unités du mensonge, l’amant actuel porte son nom.

Mais elles ignorent qu’il n’est pas celle qui est.

Il n’y a que Dieu (Emmanuel, et l’Autre) qui puisse, sachant où est la Vérité, perpétuellement et d’une façon très parfaite et variée, mentir.

Ils mentent à coup sûr, sachant qu’ils la gardent.

Monsieur Dieu serait une prostituée, s’il la livrait — s’il se livrait.

Et quand il livre autre chose, les gens ont quelque chance de croire qu’il dit la Vérité, puisqu’il est d’autant plus probable qu’il dira une chose voisine de ce qu’ils croient la Vérité, qu’il dira une chose sensiblement contradictoire à sa propre Vérité, qu’il garde.

Étant donc sûr de ne pouvoir parler, pour être compris, qu’en mentant, tout mensonge lui indiffère.

C’est un chemin vers autrui.

Si — il préfère le plus court.

Il fait volontiers, en même temps, des mensonges différents à des êtres différents, puisque, quoique en pratique infiniment loin de lui, ils ne sont pas loin dans la même direction.

Il ne leur ment point, parlant selon leur vie.

Mais à soi.

Quand il leur ment à tous ensemble, comme l’épeire-diadème s’écarte à la fois de toute la circonférence de sa toile, il réintègre son centre.

Qui différencie donc Emmanuel de Varia, celle qui ment ?

Les femmes mentent par le chemin des écoliers.

Avec détails.

Analytiquement.

Miriam (le sommeil nerveux ment toujours, par instinct défensif de faible) ment dans le sens de la volonté d’Emmanuel.

Elle enregistre le Vrai qu’il improvise.

Elle est, à son gré, la Vérité absolue.

La Vérité humaine, c’est ce que l’homme veut : un désir.

La Vérité de Dieu, ce qu’il crée.

Quand on n’est ni l’un ni l’autre — Emmanuel —, sa Vérité, c’est la création de son désir.