Au ravin rocailleux que le printemps arrose,
Fleurit sous le soleil ardent un laurier rose ;
L’eau printanière a fui ;
L’implacable été règne et là-bas Salamine,
Sur l’immobile mer se dresse, fleur divine
Qu’évoque mon ennui.
Je revois le Parnasse et Delphes, Castalie
Et cette source au flanc de l’Hymette jaillie,
Vous en souvenez-vous ?
C’est-là que nous errions, là qu’ensemble nous bûmes,
Pour vous y retrouver, j’écarte maintes brumes,
Et maints voiles jaloux.
Il nous semblait alors que nous vivions un rêve ;
Sunium et son temple, Éleusis et sa grève,
À nos yeux éblouis,
Paraissaient tout à coup, fantastique mirage ;
Ces songes radieux quand est venu l’orage,
Se sont évanouis.
Nous voilà désormais exilés de la joie
Et des loisirs insouciants… Notre front ploie,
Notre faix s’est accru,
Et comme la splendeur virginale du monde,
Comme nos jours heureux, dans l’abîme qui gronde,
Vous avez disparu,
Vous qui nous enchantiez, jeunesse, espoir, sourire ;
Tel qu’un beau soir sur les monts roses de l’Épire,
Vous vous êtes éteints !
Visages tant aimés, échappés à la tombe,
Vous n’êtes dans la nuit menaçante qui tombe,
Que des phares lointains.
Pourtant, pâles lueurs, vous nous charmez encore ;
Ne nous montrez-vous pas une nouvelle aurore
Au bout du noir chemin ?
La lumière meurt-elle, amis ? Que Dieu nous aide
À ne pas défaillir dans l’ombre qui précède
Un plus clair lendemain.
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