L’Anaphylaxie/Chapitre XIV

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Félix Alcan (p. 209-211).

XIV

ANAPHYLAXIE CHRONIQUE.

Le caractère essentiel de la réaction anaphylactique est de se dissiper rapidement. De deux choses l’une : ou l’animal meurt en une ou deux heures tout au plus, ou il survit définitivement.

Au moins c’est ainsi que les choses semblent se passer chez les cobayes et les lapins quand on fait l’injection déchaînante avec une substance peu toxique, et à peu près inoffensive, comme un sérum hétérogène. Mais, chez les chiens traités par des toxines (en injection seconde), quoique l’injection seconde soit faite à dose bien inférieure à la dose mortelle, l’animal se remet du choc anaphylactique, mais il meurt 10 ou 24 heures, ou 48 heures après.

Cette anaphylaxie chronique n’est pas absolument spéciale au chien, car les lapins, au bout de plusieurs injections successives de toxines ou même de sérum, finissent pas mourir cachectiques.

Pour expliquer cette mort tardive des animaux anaphylactisés, il ne faut pas supposer que le poison de l’anaphylaxie (apotoxine) persiste dans l’organisme ; car le plus souvent, chez les chiens tout au moins, la période de réparation a commencé, ce qui indique bien que, chez les animaux qui doivent mourir tardivement comme chez les animaux qui doivent survivre, l’apotoxine a disparu.

Les phénomènes se succèdent dans l’ordre suivant. D’abord le choc anaphylactique, très violent, qui met pendant une demi-heure ou une heure l’animal en état de mort imminente. Mais, sauf dans des cas très rares, la mort ne survient pas tout de suite, et il se produit des phénomènes de réparation. Le chien se relève, marche, va et vient, semble à peu près guéri, quoique la diarrhée et le ténesme rectal continuent. Malgré cette apparente guérison, quelques heures après le chien redevient très faible, ne pouvant se lever, avec des hémorrhagies intestinales profuses, l’inertie absolue, l’insensibilité et l’hypothermie.

Selon toute vraisemblance, il meurt des lésions (visibles ou non) qu’a produites le poison apotoxique. Sublatā causā non tollitur effectus. L’atteinte portée au chimisme de la cellule nerveuse a été si grave que celle-ci ne peut plus revenir à son état normal, encore que le poison qui l’avait offensée ait disparu.