Aller au contenu

L’Ancienne Alsace à table/Édition 1877/2

La bibliothèque libre.
Berger-Levrault et Cie (p. 31-60).
CHAPITRE II

Aux hommes graves. — Fondation du pâté de foie gras. — Sa divulgation. — Les truffes alsaciennes. — Les escargots. — Une apparition de coquillages de mer. — Excursion chez les montagnards et les paysans. — Opinion du médecin Maugue sur la table alsacienne. — Une naïveté de Mlle de Montpensier. — Les poissons d’Alsace. — La pêche d’autrefois. — Richesse de nos rivières. — Quelques individus fameux. — Les poissons voyageurs du Rhin. — Les salaisons marines. — L’écrevisse. — Le marché aux poissons de Strasbourg. — Invasion lorraine. — Le poisson et les princes. — Les poissons antiques des pêcheurs strasbourgeois. — Influence d’une carpe du Rhin sur un financier de l’école de Fouquet.


L’art de nourrir le genre humain est un art louable et son histoire ne mérite point les dédains que les hommes graves affectent d’avoir pour ce sujet. Ô penseurs éthérés ! que vous auriez raison d’être si superbes, si vous ne viviez que dans les pures régions de l’idéal ! Ô hommes austères ! que vos mépris seraient édifiants, si vous consentiez à ne pas dîner, ou si, tout au moins, je pouvais me persuader que votre nature contemplative préfère une collation frugale à un dîner savant et bien ordonné ! Quand je vous verrai cette force d’âme, je croirai que le spectacle des variations de la philosophie, des religions et des empires, vous séduit autant que le tableau des variations de l’art culinaire. Quand je vous verrai tirer de la cendre de votre foyer la racine qui a fait la gloire de Curius Dentatus, je conviendrai que la vertu vous soutient plus que la bonne chère. Mais tant que vous me paraîtrez plus friands des œuvres de Véry que de celles de Leibnitz, et que vous savourerez plus doctement les morceaux délicats inventés par Carême que les morceaux oratoires de Cicéron et de Bossuet, permettez-moi, ô hommes graves, de croire qu’il ne vous déplaît point de jeter, à la dérobée, un regard curieux sur ces feuilles qui sont la meilleure part de l’histoire de nos pères. Rien ne vous empêchera, après les avoir lues, de vous croire toujours aussi graves que devant.

Reprenons notre sujet au point où nous l’avons laissé. J’ai célébré le pâté de foie gras de Strasbourg. J’étais au cœur de la gastronomie alsacienne. J’y veux revenir pour quelques instants, afin de ranimer ma veine. Tout n’est pas dit encore sur ce mystère de l’art. À quel savant adepte de la chimie culinaire devons-nous le pâté de foie gras, tel qu’il triomphe actuellement d’un bout de l’Europe à l’autre ? Voilà ce qu’il convient d’éclaircir à cette heure.

Le maréchal de Contades, commandant militaire de la province d’Alsace depuis 1762 jusqu’en 1788, craignant, à ce qu’il paraît, de se commettre à la cuisine d’une province si nouvellement française, amena avec lui son cuisinier en titre. Il s’appelait Close et était Normand. Il conquit dans la haute société de cette époque la réputation d’un habile opérateur. Le cuisinier normand avait deviné, par l’intuition du génie, ce que le foie gras pouvait devenir dans une main d’artiste et avec le secours des combinaisons classiques empruntées à l’école française. Il l’avait, sous la forme du pâté, élevé à la dignité d’un mets souverain, en affermissant et en concentrant la matière première, en l’entourant d’une douillette de veau haché, que recouvrait une fine cuirasse de pâte dorée et historiée. Le corps ainsi créé, il fallait encore lui donner une âme. Close la trouva dans les parfums excitants de la truffe du Périgord. L’œuvre était complet. Cela paraît bien simple aujourd’hui, et où est le miracle, dira-t-on ? Eh ! mon Dieu oui, cela est simple, comme toutes les grandes choses, comme la découverte de la gravitation, de la vapeur et de l’Amérique.

L’invention de Close resta un mystère de la cuisine de M. le maréchal de Contades. Tant que dura son commandement en Alsace, le pâté de foie gras ne franchit point sa table aristocratique. Mais le jour de la publicité et de la vulgarisation approchait avec l’orage révolutionnaire qui devait déchirer tant d’autres voiles et ébruiter tant d’autres secrets. On était en 1788. M. le maréchal de Contades quitta Strasbourg et fut remplacé par le maréchal de Stainville. Close, fatigué de servir un grand seigneur, prévoyant peut-être que les grands seigneurs allaient finir, aspirant, d’ailleurs, à l’indépendance et amoureux par-dessus le marché, se décida à rester à Strasbourg. Il fit la cour à la veuve d’un pâtissier français nommé Mathieu, qui demeurait dans la rue de la Mésange, et l’épousa. Il confectionna pour le public et vendit officiellement depuis lors les pâtés qui avaient fait les délices secrètes de la table de M. de Contades. C’est de ce modeste laboratoire que le pâté de foie gras est parti pour faire le tour du monde !

Les bourgeois qui dénigrent la Révolution sont bien aveugles et bien prévenus ! Sans elle, le pâté qui trône au sommet de la série des jouissances gastronomiques serait peut-être encore l’apanage et le privilège des maréchaux de France, ou tout au moins des gentilshommes.

Close n’avait cependant que jeté les fondements de sa grande découverte. Un autre cuisinier congédié par la Révolution devait la compléter et la perfectionner.

Les parlements venaient de disparaître avec tout l’ancien régime. Leurs premiers présidents n’avaient plus guère de goût pour les plaisirs de la table. Celui du Parlement de Bordeaux, M. Leberthon, licencia sa cuisine. Le chef de ce laboratoire célèbre vint, au hasard, chercher fortune à Strasbourg. Il était jeune, intelligent, ambitieux, et formé dans les meilleures doctrines. Il se nommait Doyen. Après avoir débuté par les plus modestes confections, notamment par les chaussons de pommes, dans lesquels il excellait, il s’adonna aux chaussons de veau haché. Il y gagna une fortune assez ronde qui le mit en état de faire concurrence à Close. J’ignore où était le premier siège de son industrie. Mais elle devint hautement florissante lorsqu’il la transporta dans l’ancienne tribu des orfèvres, dite à l’Échasse, rue du Dôme. Doyen perfectionna savamment et consciencieusement l’œuvre de Close, et il doit être considéré comme le second fondateur du pâté de foie gras, comme celui qui en a le plus glorieusement répandu la célébrité et affermi l’empire. Il est le docteur et le pontife de cette phalange de pâtissiers habiles et heureux, les Jehl, les Fritsch, les Müller, les Blot, les Artzner, les Hummel, les Henry, qui soutiennent encore aujourd’hui avec éclat le vieux renom de l’invention succulente de Close le Normand.

Du foie gras à la truffe, la transition s’offre d’elle-même. L’Alsace produit ce cryptogame odorant et savoureux, en petite quantité, il est vrai, et d’une qualité inférieure à la truffe fameuse du Périgord. Notre truffe croît principalement dans la forêt de la Hart dont le sol est sec et sablonneux. Les règlements forestiers prohibant l’introduction des porcs dans les forêts, l’on ne peut se servir, en Alsace, de ces chercheurs infatigables et sûrs. Ce sont les habitants, hommes et femmes, des villages voisins de la Hart, qui en font la recherche et la cueillette en septembre et en octobre. Les femmes passent pour posséder, à un plus haut degré que les hommes, la sagacité naturelle ou le don divinatoire qui amène les riches récoltes. Elles ne doivent probablement ce privilège qu’à leur patience, à un esprit plus attentif et au désir de faire du profit. Ce sont elles aussi qui viennent les vendre dans les villes. L’on a réussi à dresser des chiens pour la quête des truffes de la Hart (Trüffelhunde). On les tient enfermés jusqu’à la saison de la récolte, pour ménager leur odorat et pour conserver à leur flair la finesse, la subtilité et la sûreté nécessaires pour cette chasse si délicate. L’ami de l’homme se montre très-intelligent et très-empressé dans cet office. On dirait qu’il a compris toute la valeur que la gourmandise de son maître attache à la truffe. Le porc n’est qu’un chercheur égoïste ; il déterre la truffe pour satisfaire sa propre sensualité ; le chien est un ouvrier désintéressé qui travaille pour l’honneur, et qui consacre ses facultés olfactives au plaisir de l’homme. Presque toutes les espèces de chiens sont aptes à cette industrie ; mais les Spitz, les roquets et les caniches sont préférés. J’ai plaidé pour un garde forestier qui avait tué le caniche d’un éclusier du canal, parce que ce caniche, au dire de l’éclusier, avait excité la jalousie et la haine du garde par la concurrence redoutable qu’il lui faisait dans la recherche des truffes. Le garde n’échappa au Code pénal que parce que la Cour refusa de reconnaître à la victime la qualité de chien de garde ; mais sur l’action civile, le forestier fut condamné à 100 francs de dommages-intérêts et aux frais.

Nos truffes sont moins colorées que celles du Midi et leur arome est moins pénétrant et moins intense. Elles ne pourraient être dignement employées dans les compositions solennelles, dans les grandes œuvres de l’art culinaire. Ces nobles travaux réclament impérieusement le concours des aromes dominateurs et des essences vigoureuses de la truffe du Périgord. — La nôtre ne doit aspirer qu’à l’honneur de rendre service dans les cuisines de second ordre où on l’emploie, comme sa sœur de France, à garnir des volailles, à relever le goût des sauces, à parfumer les pâtés et les terrines, à fortifier les omelettes, etc. — Des patriotes passionnés prétendent, cependant, que les truffes d’Alsace émigrent parfois dans le Périgord[1] où elles obtiennent des lettres de naturalisation qui les font admettre sur nos tables comme des produits authentiques de la province privilégiée. J’avoue que je ne crois pas à ce miracle, et que je me contente d’être convaincu que nos restaurateurs, nos pâtissiers et nos maîtres d’hôtel associent, par des mariages de raison trop fréquents, l’une et l’autre espèce dans leurs compositions. Le fait est déjà suffisamment grave.

La Hart est la carrière principale d’où l’Alsace tire ce tubercule ; mais elle n’est pas la seule qui le fournisse. Certains bois de chênes de la plaine, tels que le Neuland et le Frohnholtz, près de Colmar, le produisent aussi. Une petite montagne, près d’Orschwihr, sur laquelle se trouvait autrefois une chapelle consacrée à sainte Polona, avait la réputation, au dix-septième siècle, de donner les meilleures truffes de la contrée. C’est le topographe-gentilhomme Ichtersheim qui nous apprend : « Auf diesem Berg werden die schönsten Griebling (Artofile), ein Genus einer so gesagten Hirsch-Brunst gegraben (on déterre sur cette montagne les plus belles truffes, une espèce particulière de champigons[2]). » Et il ajoute qu’on expédie ces « délicatesses » bien loin dans l’Allemagne et même en France. Il paraît aussi que la quête des truffes sur cette montagne constituait un privilège soit seigneurial, soit communal, je ne sais lequel, car le même auteur dit qu’il était très-sévèrement défendu de se livrer à cette recherche.

Une mention que je trouve dans les anciens comptes communaux de Sainte-Marie-aux-Mines, me fait penser que l’on récoltait aussi la truffe dans les montagnes du val de Lièpvre : « 20 septembre 1673. Payé à Hans Caspar Hæderich pour un voiage qu’il a fait à Nancy par ordre de Monseigneur l’Intendant Poncet porter une boîte de triffles à Monseigneur de Louvois : 5 florins 36 kreutz[3]. » Allons, ces truffes du vieux temps n’étaient pas si méprisables, puisqu’un intendant de Louis XIV osait les faire porter de Sainte-Marie-aux-Mines à Nancy par un messager spécial, et les offrir en présent au dur et sombre Louvois. Il est regrettable que l’histoire ne nous apprenne point si le ministre du grand roi les a trouvées à son goût.

Dans tous les cas, nous savons qu’un autre personnage fameux les aimait à la passion. Le préteur royal de Strasbourg, M. de Klinglin, qui scandalisa toute l’Alsace, au milieu du dix-huitième siècle, par sa somptuosité et ses profusions, avait créé dans sa domesticité un office spécial qui devait assurer l’abondance de la truffe d’Alsace dans ses cuisines. Celui qui en était revêtu portait le titre de chasseur de truffes (Trüffeljæger) ; il avait, outre son traitement, droit à trois cordes de bois ; il résidait à Illkirch, seigneurie qui appartenait au préteur, et où il avait une maison de plaisance. Cet officier était chargé de diriger les recherches ou la quête des truffes, soit au moyen d’hommes, soit au moyen de porcs. Peut-être même employait-il déjà les chiens, car il n’y a aucune invraisemblance à penser que parmi les 200 chiens[4] qui composaient le chenil de M. le préteur, il se trouvait une escouade de chiens truffiers. L’existence de cet officier nous révèle, en outre, que les truffes étaient recueillies dans les environs de Strasbourg. D’autres parties de la Basse-Alsace en produisaient assez copieusement, mais elles étaient inférieures à celles de la Haute-Alsace et du duché de Bade ; l’on signalait surtout les territoires de Lipsheim, de Limersheim, et de Sermersheim, et au premier rang celui de Hindisheim, le plus renommé de tous. L’on prétend même qu’on en a trouvé autrefois dans les bastions de Strasbourg[5].

Ce n’étaient pas seulement les dignitaires profanes de l’ancien régime qui s’occupaient d’introduire et de propager, chez nous, des raretés alimentaires ; l’Église elle-même ne dédaigna pas d’apporter sur la table de nos pères un plat de sa façon : les escargots.

J’ai de la peine à croire que l’humilité et le désir de la mortification ont fait entrer l’escargot dans les cuisines monastiques. L’humilité aurait eu la main plus heureuse qu’on ne le voit communément. C’est la lutte contre le besoin, c’est la difficulté de satisfaire en même temps les règles canoniques et les délicatesses gustuelles des abbés dégénérés de l’ancienne simplicité, qui ont dû porter quelque hardi cuisinier-moine à mettre sous le joug de l’art ce mollusque presque repoussant. Mais le carême est si long, si triste, si énervant ! le poisson, quand il est imposé, fatigue si vite, qu’il faut bien attendre des prodiges du génie qui nourrit l’homme[6].

On sait que parmi les mollusques terrestres, le genre hélice offre quelques espèces qui sont édules : l’hélice vigneronne, l’hélice chagrinée, l’hélice némorale, l’hélice des jardins et l’hélice sylvatique. Dans la Lorraine et l’Alsace, les deux premières sont seules usitées dans l’alimentation. L’hélice vigneronne est commune partout : dans les vignes, dans les bois, dans les prés et les champs cultivés, dans les trous des vieux murs. Celles des vignes et des houblonnières sont les plus recherchées. Les connaisseurs préfèrent les manger à la sortie de l’hiver, lorsqu’elles sont pourvues de leur épiphragme et qu’elles n’ont pas encore couru ; ils leur trouvent un goût plus délicat. C’était un mets que l’on mangeait avec délices dans les derniers siècles. Les vrais gourmets en sont encore friands dans le nôtre, quoiqu’il soit assez lourd à digérer. Il est en grande réputation à Nancy ; aussi cette ville envoie au loin ses escargots[7]. Anciennement, tous les monastères d’Alsace et quelques châteaux avaient leur escargotière, espèce de réservoir où l’on nourrissait avec soin l’hélice vigneronne. Ce mollusque s’y propageait et acquérait, par une nourriture choisie, une qualité qui le faisait rechercher. La tradition rapporte que les escargotières des capucins du Weinbach et de Colmar jouissaient d’une certaine renommée, et que les amateurs laïques avaient la faculté de s’y approvisionner en payant. Ce petit commerce de gourmandise se pratiquait, sans aucun doute, dans toutes les localités où existaient des maisons monastiques.

Je n’ai pas pu m’assurer si la meilleure des espèces d’hélices, la chagrinée, a été introduite en Alsace, mais je le crois. Elle est extrêmement abondante dans le Dauphiné. C’eût été bien loin pour des gens du monde de l’aller chercher là, mais pas trop pour des gens d’église. Les Chartreux de Metz[8] l’avaient tirée du pays de Grenoble et acclimatée dans leur couvent. De leur escargotière elle s’est répandue dans le jardin botanique de la ville, où elle se propage encore aujourd’hui. Nous n’avions qu’une Chartreuse en Alsace, celle de Strasbourg, transférée après la Réforme à Molsheim. Les religieux de Metz eussent été bien égoïstes s’ils n’avaient pas fait participer leurs frères d’Alsace au bienfait d’une immigration qui rappelait leur origine commune à tous les enfants de saint Bruno.

Il y avait encore une autre espèce de mollusques qui servait comme aliment, mais non aux moines : c’était la mulette allongée (unio elongata). Elle est coriace, d’un goût désagréable et d’une digestion laborieuse ; elle n’habite que la Vologne, rivière célèbre par les perles que la mulette allongée dépose dans ses eaux (canton de Gérardmer). Les habitants pauvres des bords de cette rivière la mangent encore quelquefois aujourd’hui.

À un repas donné par le Magistrat de Strasbourg, en 1628, aux margraves de Bade, on servit des coquillages de toute espèce ; mais le chroniqueur ne les désigne point[9]. Comme il ajoute que tout le monde s’étonna beaucoup qu’on eût pu les conserver si frais, il faut conclure que c’étaient des mollusques marins. Ce fait n’appartient donc à notre sujet que sous un autre point de vue, celui du luxe et de la recherche qu’on apportait aux festins d’apparat.

Enfin, pour que mes indications ne soient pas entièrement marquées du caractère de l’inutilité archéologique, j’informe mes lecteurs que l’hôtel de l’Aigle, à Schlestadt, a conservé la tradition la plus pure au sujet des escargots, et qu’on les y sert, à la sortie de l’hiver, aussi succulents et aussi fins qu’oncques ne les apprêtèrent les moines, voire même les Chartreux.

Après cette longue nomenclature d’aliments recherchés dans lesquels l’imagination gastronomique a dévoilé un coin de sa riche et inépuisable fantaisie, il me semble que l’esprit aime à se détendre et à se reposer au spectacle des repas humbles et naïfs de quelques-unes de nos populations agrestes. Dans les campagnes, la nourriture a de tout temps et forcément été d’une simplicité et d’une uniformité presque patriarcales. Les montagnards des Vosges, agriculteurs, bûcherons, marquards, tisserands ou fileurs, ne voyaient sur leur table qu’un pain noir et lourd, du laitage, quelques légumes grossiers, du fromage ; la viande était une apparition des grands jours. Plus tard, la pomme de terre les a délivrés de la faim et a élevé relativement le niveau de leur bien-être matériel. Sur la fin du dix-huitième siècle, la viande ou le lard prit un caractère constitutionnel au dîner du dimanche[10]. Dans la région de Belfort, l’alimentation était un peu plus substantielle ; les légumes en formaient la base et la viande de porc y était associée plus souvent que dans les montagnes ; les quartiers (Schnitz) y étaient connus[11]. Au Ban-de-la-Roche, les mœurs étaient encore si primitives sur la fin du siècle dernier, que la feuille de l’ail-oursin y était employée comme l’assaisonnement le plus agréable de la pomme de terre[12]. On la trouve déjà au val d’Orbey en 1709, dans celui de Munster dès 1699. Nous devons ces dates aux procès que les curés élevèrent au sujet de la dîme[13]. Le pays de Délémont et de Porentruy, qui a fait partie du département du Haut-Rhin, ne connaît cette solanée que depuis le milieu du dix-huitième siècle. Avant son introduction, la nourriture des paysans ne consistait qu’en laitage, en pain noir de seigle ou d’orge, et en quelques légumes élémentaires[14]. Dans les cantons industrieux, elle était meilleure ; on y déjeunait et on y soupait généralement avec du café au lait, parfois avec du beurre ou du fromage. Les viandes salées ou rôties y étaient d’un usage assez fréquent. Le plus grand luxe dans les cantons purement agricoles de ce petit pays était d’avoir, au dîner du dimanche, un énorme plat de choux surmonté d’un morceau de lard et de viande salée ; ce mets s’appelait brésy[15]. Le potage au riz, qui le croirait ? était un régal réservé pour les occasions solennelles, les enterrements, les naissances, les mariages. La simplicité, la rudesse de notre cuisine nationale inspiraient, en général, si peu de respect et de sympathie aux Français, que le médecin Maugue, archiâtre d’Alsace, osait la caractériser, sur la fin du dix-septième siècle, de la manière suivante : « Outre que les aliments participent du climat où ils croissent, ils sont par eux-mêmes grossiers et visqueux ; ces aliments consistent en épinards, en raves, en navets tant cruds que cuits, en fèves, en pois, en chneits (Schnitzen), en riz, en orge mondée et en choux de toute espèce… Les Alsaciens ne sont pas friands de bonne chère ; leurs viandes sont mal apprêtées, leurs ragoûts sans délicatesse, leur rôti sec ; ils mangent peu de viande ; ils font une soupe d’une ou de deux livres de bœuf qui se promène quelque temps dans un baquet d’eau bouillante ; les herbes n’y cuisent pas ; on se contente de les mettre sur le pain coupé lorsqu’on y verse le bouillon ; s’ils mangent peu de bonne viande, ils en mangent beaucoup de mauvaise… Ils aiment le rôti fort sec, et il est ordinairement à demi froid quand on le sert, parce que l’usage est de le porter dans le vestibule pendant qu’on mange les salades qui sont les premières servies et seules… Que peut produire un genre de vie tel que celui des Alsaciens, qu’un sang grossier, épais, froid et mal travaillé[16] ?… » Voilà un jugement un peu vert. Si l’on songe que Maugue parlait plus particulièrement des villes et surtout de Strasbourg, l’on sera forcé de convenir qu’il ne nous a pas gâtés par l’éloge. Je me rassure en pensant qu’il a un peu exagéré et vu les choses avec prévention. Au fait, Mlle de Montpensier a aussi redouté notre cuisine. Quand elle passa avec Louis XIV à Sainte-Marie-aux-Mines, en 1674, elle s’amusa à y dormir toute la journée : « Comme la poussière, dit-elle, s’y attache à la viande, je n’y mangeai quasi rien ; je prenois des œufs, des bouillons et buvois du vin du Rhin. » La spirituelle princesse oubliait que le bouillon était fait avec de la viande[17].

Nous trouvons encore aujourd’hui dans le Kochersberg l’image fidèle des repas tels qu’ils se pratiquaient il y a plusieurs siècles. Ce tableau a son intérêt de curiosité : « À onze heures, la cloche du village annonce le dîner. À moins que les travaux de la moisson ou de quelqu’autre récolte importante ne retiennent les gens dehors, tout le monde, grands et petits, se rassemble autour de la table, qui est de chêne ou d’érable, et y prend place selon son rang et son âge. Le haut de la table est occupé par le fermier, le père de famille. À sa droite est placé le grand-père, à sa gauche le fils aîné ; après l’aïeul viennent la grand’mère, la femme, les filles, la première servante, la seconde et la gardeuse d’enfants ; après le fils aîné, se placent le premier valet, le second, les journaliers et les petits garçons. Les mets, presque toujours des légumes couronnés de lard savoureux, sont apportés dans des plats formidables. Ils passent à la ronde et chacun se sert lui-même. Il n’y a qu’un verre pour toute l’assistance. Le père de famille le remplit de vin de son cru, le passe à l’aïeul, boit après lui, et le passe à gauche, du côté des {{Corr|homme| hommes}}. Il revient au père après qu’il a desservi toutes les bouches masculines[18]. »

Dans l’ancien comté de Hanau, dans les villages répandus autour de Bouxwiller, la viande fraîche ne paraissait sur la table des paysans que rarement, et seulement le dimanche. Le porc fumé et salé y était servi trois fois par semaine. Le paysan l’aimait très-gras, parce que, selon son expression, il sert à la fois à nourrir et à graisser (schutzt und schmutzt). Les légumes habituels étaient les pommes de terre, les choux, la choucroute, les navets, les haricots, les pois, les lentilles, les fèves, les quartiers de fruits séchés, l’orge mondée. Le sel, le poivre et le safran en étaient les assaisonnements. En hiver, l’on faisait trois repas, et en été quatre. Le premier entre sept et huit heures, le second à midi, le troisième entre quatre et cinq heures, le dernier à la tombée de la nuit. Le repas principal était celui du matin. Il se composait d’une soupe, de légumes, de viande, et à défaut de viande, d’une bouillie ou d’une omelette fortifiée de farine (Eierkuchen). À midi l’on mangeait froid, hormis dans le temps de la moisson. À quatre heures on servait du pain, du fromage blanc ou du beurre et des raves, le tout arrosé de vin. Le soir, l’on avait une soupe et de la salade, ou des pommes de terre et du lait caillé[19].

Cette vie si simple, c’est cependant l’aisance, la recherche, le luxe, si on la compare à celle d’une classe spéciale de nos montagnards. Au sommet des hautes Vosges, dans la région des chaumes, les pâtres et les fromagers ne vivent que de petit-lait, de fromages, de pommes de terre cuites à l’eau ou sous la cendre, et d’un pain violet qui acquiert la dureté du biscuit de bord. Ils ne voient jamais de fruits, jamais de vin. La viande est une rareté, presqu’une fête. Toute leur vaisselle consiste en une soupière de fer battu, avec quelques cuillers. Ne cherchez rien au delà ; tout le reste serait du superflu, et le pâtre du Hohneck, dit l’abbé Jacquel, croit qu’il est de sa dignité de n’en point avoir[20].

À côté de ces tableaux modestes de la vie rustique, nous oserons placer, pour la simplicité, des dépenses de bouche d’un héros. Lorsque Turenne logea, en 1645, à l’auberge du Bouc à Saverne, avec une suite de quinze hommes, sa dépense, que la ville paya, ne se monta, pour quatre jours (du 7 au 10 mars), qu’à 67 liv. 17 sols et 4 deniers[21].

Je n’ai dit qu’un mot, en passant, des ressources abondantes que les rivières de l’Alsace fournissaient autrefois à la table de nos aïeux. Ce riche sujet mérite que j’y revienne. Anciennement, nos cours d’eau étaient animés par des populations aquatiques nombreuses et pressées qui se reproduisaient librement avec cette fécondité phénoménale que la nature leur a départie. Les rivières et les ruisseaux avaient un volume d’eau plus considérable et plus constant ; grâce aux forêts épaisses qui, dans nos montagnes, protégeaient leurs sources et leurs réservoirs d’alimentation naturelle, elles étaient plus couvertes dans leur parcours ; leurs communications n’étaient point interrompues par les ouvrages d’art que l’industrie a multipliés de nos jours. Elles avaient un aspect sauvage, un caractère solitaire qui favorisait la conservation et le développement de leurs habitants, dont les mœurs ombrageuses, la timidité, l’amour du mystère et du silence sont connus de tout pêcheur. Elles n’avaient pas souffert la dévastation et la ruine que notre siècle a laissées se consommer avec une négligence et une imprévoyance que les économistes ont signalées et qui commencent, heureusement, à inquiéter l’État[22]. Les anciens règlements sur la pêche étaient plus sévères que les nôtres et surtout mieux observés, parce qu’ils avaient un caractère plus local. Je ne veux point traiter ici la matière de la pêche, qui exige, comme celle de la chasse, un travail spécial et distinct. Mais je puis faire remarquer avec quel soin, avec quelle vigilance, les anciens administraient cette branche importante de la production alimentaire, et avec quelle jalousie les bénéficiaires de certains droits maintenaient et défendaient leurs prérogatives. La célèbre charte de 982, par laquelle l’empereur Othon conféra à l’évêque de Strasbourg, Erckenbald, la comitive de cette ville, mentionne, à ses articles 116 et 117, les droits suivants : « Les pêcheurs doivent pêcher tous les ans avec tous leurs engins, dans un temps où l’eau sera propice à la pêche, pour l’usage de l’évêque, et ce pendant trois jours et trois nuits entre la Nativité de la Vierge et la fête de saint Michel. Les endroits où ils pêcheront sont : sur le Rhin, entre Felderen en aval et Ruest en amont, sur l’Ill jusqu’à Ebersheim, sur la Brusche jusqu’à Molsheim, sur la Schutter jusqu’à Merbourg, et sur la Kintzig jusqu’à Kindersdorff, le tout aux frais de l’évêque. Personne n’entreprendra de les troubler dans ladite pêche ou de les exclure des eaux renfermées dans les espaces désignés, si ce n’est de celles qui sont arrêtées par des écluses. — Personne ne pourra, sans la permission de l’évêque, ou de son grand panetier, pêcher dans la Brusche, depuis le fossé supérieur de la ville jusqu’au fossé inférieur près de l’abbaye de Saint-Étienne[23]. » L’évêque de Strasbourg a joui de ce dernier droit, en vertu du statut de 982, jusqu’à la Révolution. C’était une espèce de fief qu’il conférait à des particuliers. De 1746 à 1789 il se trouva entre les mains de la famille Dürr, l’une des plus anciennes dynasties de pêcheurs de Strasbourg. En 1686, il s’éleva des contestations entre la ville et l’évêque au sujet de ce droit de pêche ; mais un arrêt du conseil souverain d’Alsace, de 1713, le maintint à l’évêque[24]. L’on voit aussi, par les chartes des donations faites, aux maisons religieuses, aux neuvième et dixième siècles, que les donateurs ont toujours soin de comprendre la pêche (piscationes, captationem piscium) au nombre des droits concédés.

Le règlement des pêcheurs de Strasbourg prohibait la pêche depuis le 1er mars jusqu’à l’Assomption ; deux autres ordonnances de 1530 et de 1558 établissaient les mesures de police à observer dans la pêche sur l’Ill. Les pêcheurs de Strasbourg avaient le droit d’exercer leur industrie sur les deux rives du Rhin et de parcourir tout le cours de ce fleuve[25]. Ils constituaient une tribu ou corporation spéciale ; leur nombre s’élevait, en 1789, à 96, sans compter les veuves et les compagnons. Colmar avait aussi, anciennement, sa tribu de pêcheurs ; mais lors de la réduction qui fut faite, en 1521, du nombre des tribus, elle fut supprimée et ses éléments réunis à une autre corporation[26]. À Ensisheim, siège de la régence autrichienne, le règlement de 1590 n’accordait le droit de pêche que pendant trois jours de la semaine et à un seul individu par ménage. En 1607, ces jours furent fixés aux mercredis, vendredis et samedis, et il fut interdit d’aller à la pêche par troupes, de se servir de planches ou de fagots, et d’employer des lignes trop longues[27]. Les habitants de Saint-Dié avaient, dès le treizième siècle, la faculté de pêcher dans toutes les rivières du val, les mêmes jours, et tous les jours maigres sans exception, et la coutume avait ajouté à ce droit cette disposition touchante « que chacun dont la femme était en couche pouvait librement pêcher durant tout le temps de sa maladie[28] ». — Personne ne pouvait pêcher, sans la permission de l’abbé de Munster, dans les rivières de la vallée, à l’exception des personnes censables, qui étaient tenues de donner au pêcheur attitré de l’abbé tous les bons poissons qu’elles prenaient. Les autres habitants pouvaient prendre quelques poissons blancs, à la main, et non autrement[29]. Les habitants d’Ohnenheim s’étaient soumis, au treizième siècle, à payer à l’abbesse d’Eschau 5 sols d’amende pour chacun des gens de leur commune qui serait trouvé pêchant dans les eaux de l’abbaye[30]. — Ces exemples suffisent pour attester que de tout temps la pêche a été l’objet de statuts administratifs, rédigés ou traditionnels. Si l’on en pouvait douter, l’on n’aurait qu’à se reporter à la charte insurrectionnelle des paysans, qui proclamait, en 1525, la liberté absolue de toutes les eaux[31].

Nos anciens historiens constatent la richesse des rivières d’Alsace. Au commencement du treizième siècle, l’on comptait 1.500 pêcheurs sur le parcours de l’Ill[32]. Jérôme Gebwiler ne dédaignait pas de remarquer, au commencement du seizième siècle, que Strasbourg était particulièrement renommé pour l’abondance et la diversité des poissons qui s’y vendaient[33]. Élisée Rœsslin, médecin du comte de Hanau, dit que « nos rivières fournissent avec profusion des poissons de toute sorte[34] ». Dans une épître laudative, en vers latins, qui se trouve en tête de la chronique de Bernard Herzog, on lit ce vers :


… varios amnes numeroso pisce natatos[35].


{{g|Léonard Baldner, le célèbre pêcheur-écrivain de Strasbourg, qui vivait au milieu du dix-septième siècle, ne compte pas moins de 45 espèces de poissons en Alsace[36]. Un Français, Fresquet, qui a visité le Bas-Rhin en 1799, paraît avoir été tellement frappé de l’opulence du marché de Strasbourg, qu’il calcule que, sans cette ressource alimentaire, le Bas-Rhin consommerait un sixième de viande en plus[37]. Mais cet état de choses était bien changé déjà en 1807, car Friese se plaint amèrement de la dépopulation de nos rivières, du défaut de mesures de police pour la conservation et la reproduction du poisson, et des abus de toute espèce qui se commettaient dans nos eaux[38].}}

Les espèces principales indigènes et familières à nos rivières de la plaine étaient la carpe, le brochet, la perche, la rosse, le nase, le meunier, le gardon, le barbeau, la tanche, la lotte, le goujon, la brême, l’ablette, le véron, le chabot, l’anguille. Dans la montagne régnaient la truite et l’ombre. Cependant la truite habitait aussi quelques-unes de nos rivières de la plaine, notamment l’Ill, dans laquelle elle se pêche encore aujourd’hui jusqu’au-dessous d’Illhæusern. Le Rhin fournissait, outre les espèces propres au pays, quelques espèces voyageuses, telles que l’esturgeon, le saumon, l’alose, la lamproie, le saumoneau. Les lacs des montagnes abondaient en truites ; on trouvait aussi dans quelques-uns la perche (lac Blanc), l’anguille (lac Noir[39]) et le brochet (lac Noir). Le guide qui accompagnait Engelhardt aux lacs lui signalait dans le lac Blanc un poisson qu’il appelait herlin[40]. Engelhardt, trompé par l’analogie de ce mot avec le mot allemand hierling (jeune brochet), en conclut que ce lac nourrit des brochets. C’est une erreur. Le mot patois hurlin désigne la perche.

Quelques détails pourront donner une idée de l’abondance générale du poisson dans les anciens temps, et de la beauté particulière de quelques exemplaires de choix demeurés fameux. Une vieille chronique rapporte qu’en l’année 1588 l’on prit dans les eaux de Strasbourg 88.000 nases. En 1647, on exposa en vente à Strasbourg, en un seul jour, 143 saumons[41] ; en 1535, le marché de Guebwiller en vit, en un seul jour, à la Saint-André, 90 pièces[42]. L’on signale çà et là des carpes du Rhin de 40 livres[43] et même de 49 livres[44] ; dans l’Ill on en prenait de très-grosses, et Billing dit qu’elles étaient excellentes et d’une saveur parfaite[45]. Celles du Doubs, chez nos voisins de Montbéliard, étaient moins belles, puisqu’on rapporte comme un fait digne de souvenir que lorsque l’intendant d’Alsace, Colbert de Croissy, fit visite, en 1666, au duc Georges de Wurtemberg, on servit au dîner du prince une carpe de 18 livres. Il est vrai qu’on ajoute cette mention honorable que ce morceau était escorté de douze têtes de carpes dont la moindre avait pesé 2 livres[46]. — Graffenauer a encore vu des brochets d’un mètre de long[47]. Aux fêtes offertes par Strasbourg à Louis XV, en 1744, les pêcheurs qui donnaient au roi le spectacle d’une pêche arrangée sur l’Ill, en retirèrent devant lui du poids de 36 livres[48]. Dans le pays de Porentruy, ceux de 20 livres n’étaient pas rares[49]. Les brochets de l’Ergers jouissaient d’un renom tout exceptionnel, à cause de leur saveur et de leur délicatesse. Ceux du lac de Longemer étaient excellents et atteignaient quelquefois 15 ou 18 livres[50]. L’étang de la Forge, à Belfort, en a fourni, sur la fin du siècle dernier, de 40 et de 45 livres. Mais que sont ces adolescents auprès du monstre, sans doute le doyen d’âge de sa région, qui fut pêché dans le Doubs, près de Bavans, au mois d’octobre 1759, et qui fut servi, à Montbéliard, au dîner d’installation du gouverneur, M. le baron d’Oppel ? Il pesait 80 livres, et l’on fut obligé, pour pouvoir présenter ce géant aux convives, de faire fabriquer à la forge d’Audincourt un plat de fer battu proportionné à sa taille[51]. Il a manqué aux funérailles de cette noble victime la poissonnière en vermeil sur laquelle le Régent servit, à un de ses petits soupers, la plus belle danseuse de l’Opéra, simplement assaisonnée de persil. Les anguilles atteignaient souvent, chez nous, jusqu’au poids de 8 livres[52], ou en longueur 3 pieds et demi. Celles de l’Andlau, dans le parcours de cette petite rivière sur le territoire de Hindisheim, passaient pour remarquables à raison de leur grosseur. En général, les truites de nos ruisseaux de montagnes étaient petites ; celles du poids de 2 livres étaient rares, mais elles ont toujours été citées comme délicieuses[53]. Le franciscain de Thann vante beaucoup les truites de la vallée de Saint-Amarin[54]. Celles du Niederwald de Colmar étaient recherchées, et c’était un des privilèges de la confrérie poculative du Wagkeller d’y pêcher deux ou trois fois par an, à son profit[55]. Celles de la Fecht étaient surtout renommées[56] et vendues aux Colmariens qui avaient raison de les estimer[57]. Cette rivière avait aussi, autrefois, des ombres ou umbles[58], espèce qui a disparu de ses eaux. Le lac Blanc et le lac du Ballon fournissaient des truites exquises et d’une « grandeur prodigieuse[59] ». Je n’ai pas de renseignements plus précis, et je le regrette. On pourrait peut-être s’en faire une idée par la tradition populaire répandue dans le pays, et qui place dans le lac du Ballon une truite immense, couverte d’une mousse antique et portant enraciné dans les chairs de son dos un sapineau vif et verdoyant[60]. Le lac de Gérardmer en fournissait du poids de 10 ou 12 livres. Enfin, l’Ill en a données, dans la banlieue de Colmar, du poids de 12 et de 14 livres. Il n’y a pas vingt ans que nos pêcheurs en ont pris une de 13 livres[61]. C’était probablement le dernier vestige du bon vieux temps !

Mais c’est surtout l’histoire de la pêche dans les eaux du Rhin qui nous fournit les types héroïques, des sujets dignes d’admiration. Le colossal esturgeon ne s’aventurait que difficilement jusqu’au Rhin supérieur ; cependant la fantaisie des voyages en amenait parfois jusqu’aux rives alsaciennes. Les anciennes chroniques ne manquent pas de signaler ses apparitions exceptionnelles. La prise d’un esturgeon était chaque fois une espèce de fête. Il était publiquement exposé. On accourait pour jouir de ce spectacle, et puis on le dépeçait et on le vendait. La taille de l’esturgeon varie entre un et six mètres ; son poids ordinaire est entre un et trois quintaux, et son poids extrême de 800 livres. La chair, prise dans le même individu, est très-diverse : quelques parties sont semblables à celle du bœuf ; d’autres ressemblent à celle du veau ; les meilleures ont une analogie très-étroite avec celle du saumon. La curiosité et le caprice avaient donc plus de part que la gastronomie dans l’empressement avec lequel il était enlevé. Baldner rapporte que de 1604 à 1624, en vingt ans, l’on n’en prit que trois aux environs de Strasbourg. Ils furent chaque fois exposés à la tribu des pêcheurs ; pour les contempler, il en coûtait 1 pfenning ; on les vendit à raison de 1 schilling par livre[62]. En 1654 on en prit aussi un, mais il ne pesait que 130 livres, et il fut vendu au même prix[63]. Dans la période assez longue de 1654 à 1686 on en pêcha 22 seulement, pas même un par année. À la fin du dix-huitième siècle, on en prit chaque été deux ou trois, et qui pesaient communément 400 livres[64]. Les journaux alsaciens ont profité des eaux si singulièrement basses de l’année 1858 pour nous faire croire qu’on avait vu, à leur faveur, dans un bras du Rhin situé dans la banlieue de Herrlisheim (Bas-Rhin) et séparé, depuis un siècle, du fleuve par une digue de terre, un esturgeon de dimension gigantesque qui serait prisonnier dans ces eaux depuis le règne de Mme de Pompadour. La chose est possible, mais avant de l’élever à la dignité d’un fait historique, j’attendrai qu’elle soit authentiquement établie et prouvée. Jusque-là l’esturgeon-Latude de Herrlisheim (Bas-Rhin) ne sera qu’une fable.

Le silure, qui dévore pour son plaisir les fiancées et ne rend leurs bagues que lorsqu’il y est forcé[65], est à peu près inconnu dans les parages du Rhin alsacien. Il était assez abondant dans le lac de Constance, où nos anciens pêcheurs le cherchaient pour le conserver et l’élever dans leurs viviers[66]. Sa chair est presque aussi estimée que celle du saumon. Notre histoire ne mentionne qu’un seul silure pris en Alsace. Cet aventurier, qui fut pêché dans l’Ill en 1569, fut placé dans un vivier où on le nourrit jusqu’en 1621, et qu’il mourut par un été très-chaud. Il avait 5 pieds de long[67].

Les saumoneaux sont-ils les descendants réguliers et légitimes des saumons ou bien constituent-ils une espèce spéciale ? C’est un mystère qu’il faut laisser éclaircir par les naturalistes. Il me suffit, au point de vue de l’art alimentaire, de savoir que ces salmonides ont joui très-anciennement d’une excellente renommée. Le physicien-médecin Rœsslin dit que c’était « une friandise convoitée par toutes les bouches délicates[68] ». Une vieille chronique éditée par Schiller prend soin de nous apprendre que les saumoneaux furent très-chers en 1505, et qu’on les vendit à 1 pfund et 8 schillings strasbourgeois le cent[69].

Les aloses, un autre produit périodique du Rhin, étaient également, et sont encore aujourd’hui, très-recherchées des gourmets. Cet excellent poisson voyageur nous visite au printemps, d’où les Allemands lui ont donné le nom de Maifisch (poisson de mai). — La chronique que je citais tout à l’heure rappelle aussi que les aloses furent hors de prix en 1505 : l’on n’en donnait pendant la semaine sainte que cinq pour une couronne, cherté vraiment calamiteuse pour les amateurs de l’époque, mais qui n’arrêta pas les Wallons qui étaient alors à Strasbourg avec la duchesse de Savoie, fille de l’empereur Maximilien, de les acheter à ce prix excessif pour le service de la table de cette princesse[70].

Une judicieuse déférence, je pourrais dire l’hommage public, avait, de toute ancienneté, assuré la suprématie sur toutes les espèces de poissons nomades au saumon. Il méritait le premier rang et il l’a conservé. Rœsslin l’appelle « le plus noble de tous les poissons de l’Allemagne[71] ». Il abondait au printemps sous le nom de saumon (Salmen), et dans l’automne sous celui de bécard (Lachs).

Autrefois les pêcheurs de Strasbourg avaient fait de cette ville comme une espèce de marché privilégié pour la vente de ce poisson. Ils achetaient tout le saumon qui se prenait depuis Lauffenbourg jusqu’à Philippsbourg[72]. Sa taille et son poids sont variables ; mais nos écrivains rapportent que l’on en voyait souvent qui pesaient 50 livres[73]. En 1277, on en prit un à Bâle qui avait 7 pieds de long[74]. En 1647, année singulièrement propice à la pêche du saumon, le prix de la livre variait de 4 à 6 pfennings[75]. À la fin du dix-huitième siècle, il était de 2 fr. à 2 fr. 50 c. Je pourrais donner l’état des prix du saumon depuis le commencement du seizième siècle, mais j’empiéterais sur le domaine des statisticiens. Je préfère de remarquer qu’à un chapitre général de l’ordre des Dominicains qui fut tenu à Bâle, en 1473, ces sévères gardiens de l’orthodoxie éprouvèrent un si vif besoin de voir figurer à l’un de leurs dîners un saumon, qu’ils n’hésitèrent pas à le payer à un prix qui représentait la valeur de quinze sacs de seigle[76]. L’économe des Cordeliers de Strasbourg faisait un marché autrement avantageux lorsqu’il achetait, en 1508, une carpe du Rhin du poids de 12 livres pour 3 schillings et 10 pfennings[77].

La gourmandise naturelle à l’homme n’a pas attendu, comme on le pense, le développement admirable des communications pour emprunter à certains pays leurs produits. Paris était déjà, au seizième siècle, tributaire de l’Alsace pour le saumon. Selon Charles Estienne (De re cibariâ), c’était le saumon de Strasbourg qui était le plus estimé. Mais la longueur du trajet ne permettait pas aux Parisiens de l’avoir frais ; ils n’en mangeaient que de salé[78]. Je parlerai plus tard des honneurs que l’on rendait, dans les anciens temps, au saumon, en lui assignant un rôle public dans une fête célèbre et singulière.

Le moyen âge et les temps qui l’ont suivi faisaient une prodigieuse consommation de poissons de mer, secs, salés ou fumés. La multiplicité des jours maigres, l’observance alors plus étroite du carême, la modicité des fortunes, tout concourait à propager cette alimentation malsaine dont le hareng et la morue, fournis par les Pays-Bas, faisaient la base principale. Nos chroniques nous révèlent qu’il y eut des époques où le peuple se dégoûta totalement et irrésistiblement de ce régime, et ne voulut plus se nourrir de salaisons maritimes. Mais quand les Armagnacs du dauphin de France vinrent désoler l’Alsace, en 1444, ils remirent le hareng en crédit. Ces scrupuleux observateurs du maigre furent très-désappointés de reconnaître que le hareng était rare en Alsace. Aussi l’achetaient-ils à des prix fous, 4 ou 5 pfennings la pièce. Ils échangeaient des prisonniers contre des quantités déterminées de harengs, et troquaient, but à but, un mouton contre un de ces poissons[79]. Il est vrai que les moutons étant volés aux paysans de nos campagnes, en somme, ils respectaient le sixième commandement de l’Église à bon marché.

Les crustacés font une suite logique du poisson. L’Alsace avait des écrevisses exquises. Tous les ruisseaux en fournissaient, ceux de la plaine aussi bien que ceux des montagnes. Celles de la Brusche ont toujours été fort belles, et j’en ai vu, il y a quelques années, qui ne pouvaient que donner une haute idée de leurs devancières dans un temps où la persécution commerciale n’entravait ni leur reproduction ni leur développement. La Scheer de Hindisheim en fournissait d’excellentes. Mais les meilleures, les plus délicates, les plus grandes venaient de l’Ill. Le savant Jérôme Gebwiler n’a pas craint qu’il s’abaisserait en le remarquant : « Cujus cancer laudatissimus in pretio habetur[80] », dit-il ; laudatissimus, vous l’entendez, l’épithète ne lui paraît pas trop forte. Elles étaient bonnes partout ; cependant elles prospéraient particulièrement dans certains parages que la tradition et l’histoire nous font connaître, par exemple, à Rathsamhausen, à la Wantzenau et à Nordhausen. Ichtersheim dit de ce dernier village qu’il fournit les « écrevisses les plus renommées du pays[81] ». En 1646, le cent de grosses écrevisses se vendait à Strasbourg au prix de 5 schillings[82]. Les Parisiens, qui nous enlèvent aujourd’hui les belles pièces que l’on trouve encore çà et là, les payent 50 francs le cent et quelquefois plus cher.

Il n’est point surprenant que l’affluence de tant de richesses sur le marché de poissons de Strasbourg ait illustré cet ancien entrepôt ichthyologique de l’Alsace. Wimpheling compte au nombre des choses qui décorent cette cité et contribuent à la gloire, de posséder en tout temps des poissons vivants[83] et d’avoir un magnifique et opulent marché où sont exposés les produits de la pêche[84], et J. Gebwiler le décrit en ces termes : « Son marché abonde en poissons de prix et en poissons communs. Là, le riche peut satisfaire sa sensualité gourmande et le pauvre pourvoir à sa faim. L’on trouve aussi à acheter en ce lieu toutes les denrées qui ne contribuent que trop souvent aux excès de la bonne chère dont les séductions entraînent à des dépenses ruineuses beaucoup de gens de petite condition[85]. » Ces remarques sont justes. Le gibier des forêts, haut et bas, les oiseaux indigènes ou voyageurs, et autres raretés alimentaires, étaient mis en vente sur ce marché, véritable musée culinaire. Les anciens Strasbourgeois y faisaient régulièrement leur ronde, et cette habitude a survécu chez les vrais fidèles, même depuis que l’ancien marché a été supprimé et transféré dans une halle moderne.

Les meilleures institutions se dénaturent à la longue, et l’esprit mercantile n’est pas le dernier à les corrompre. Au dix-huitième siècle, le poisson des eaux dormantes entre en concurrence avec celui des eaux salubres et vives. Les propriétaires des nombreux étangs du pays de Belfort et de la Lorraine amenèrent à Strasbourg leurs produits. Il en arrivait surtout beaucoup du fameux étang de Lindre, « le plus grand de la Gaule belgicque où se trouvent les plus gros brochets et les meilleures carpes du monde[86] ». L’écrivain que nous citons exagère le mérite de son pays, ou bien il n’avait pas un goût très-épuré, car les marchands de poissons d’Alsace ne manquaient pas d’assujettir à un stage prudent les hôtes que la Lorraine leur envoyait. « Ils sont portés dans les réservoirs du Rhin et de l’Ill où on les fait dégorger, et au bout d’un mois les poissons ont si bien perdu leur goût bourbeux qu’on les vend comme provenant des eaux vives de ces fleuves[87]. » En 1789, la corporation des pêcheurs demanda, dans son cahier de doléances, que le Magistrat proscrivit l’introduction en Alsace des poissons de la Lorraine. Mais le Magistrat s’y refusa par le motif que la facilité de l’alimentation publique en serait diminuée[88]. Nous subissons encore, cela va sans dire, la rectification inventée par l’amour du gain ; elle est excusée par l’indigence actuelle de nos rivières. Je ne souhaite qu’une chose, c’est que l’on respecte mieux la durée de la pénitence imposée par l’ancienne sagesse.

Il n’est pas sans intérêt de remarquer, pour l’histoire des mœurs, et pour faire ressortir l’importance positive et symbolique que les vieux âges attachaient aux poissons, surtout dans nos contrées, que cet objet alimentaire était toujours représenté dans les dons de joyeuse arrivée que les villes offraient aux souverains et aux grands personnages dont elles recevaient la visite. Quand Rodolphe de Habsbourg vint à Strasbourg en 1273, il fut richement gratifié. On lui donna 10 bœufs, 200 sacs d’avoine, 16 fuders de vin, un vase d’or avec 2,000 florins d’or, et des poissons pour une valeur de 25 florins[89]. — Parmi les présents que reçut l’empereur Robert, en 1400, l’on voit figurer 12 livres de poissons et un saumon. L’impératrice, sa femme, en reçut aussi pour elle 10 livres et un saumon, et le duc de Lorraine, qui les accompagnait, dut se contenter, à raison de la distance qui existait entre sa dignité et celle du chef de l’empire, de 3 livres et d’un saumon[90]. Ce prince fut mieux traité en 1415, quand il accompagna Wenceslas : il reçut comme l’empereur pour 8 florins de poissons ; mais l’évêque de Spire, qui était aussi de la compagnie fut limité à la moitié plus un saumon[91]. En 1418, Sigismond, le facétieux ami des dames de Strasbourg, trouva parmi ses présents de bienvenue des poissons pour une valeur de 12 florins[92], et à l’entrée solennelle de Maximilien, en 1496, la ville gratifia ce prince de 100 pièces de brochets et de carpes qui avaient coûté 28 florins[93]. Le même usage existait à Bâle ; cette ville fit cadeau, en 1562, à Ferdinand Ier, de 300 brochets, carpes et anguilles[94]. Colmar donna au même empereur, dans le même voyage, « 100 grands poissons[95] ». Cette tradition se perpétua, pendant le dix-septième siècle, à Colmar, car Horn, le glorieux général de Gustave-Adolphe, y reçut, en 1632, du vin, de l’avoine et du poisson « à l’accoutumée[96] », et l’électeur de Brandebourg, campé en 1674 à Blæsheim, reçut les mêmes présents[97].

Je n’ai trouvé dans aucune des relations que je connais que la ville se fût conformée à cet usage quand Louis XIV la visita en 1681 et en 1683. On jugea, sans doute, que s’il était assorti à la bonhomie des anciens maîtres, il pouvait paraître trop familier au dominateur de l’Europe. Sous Louis XV, la désuétude était consommée ; on ne lui offrit point de poisson à l’arrivée. Seulement quand il assista à la pêche factice que j’ai rappelée, il daigna accepter quelques belles pièces[98].

L’offrande respectueuse et amicale qui était ainsi faite aux princes, suivant les anciennes traditions, devait naturellement rehausser dans l’opinion la dignité et le prix des belles pièces. L’ostentation officielle engendra, chez les particuliers, le désir de se surpasser par la possession et la conservation de quelques notabilités fluviales. Un légitime orgueil de profession et de famille inspira aux pêcheurs les plus accrédités de Strasbourg l’idée de séquestrer dans de vastes coffres flottants quelques individus de choix, et de les y conserver, par eux-mêmes et leurs descendants, aussi longtemps que la santé et la longévité naturelle aux reclus le pourraient permettre. Ils choisissaient ordinairement le jour de la naissance de leurs enfants pour opérer ces séquestrations et leur léguaient, en mourant, comme un joyau du métier les pièces distraites du troupeau commun lors de leur entrée dans la vie. Nos pêcheurs strasbourgeois, les Artzner, les Dürr, possèdent encore de nos jours une collection de ces spécimens respectables[99], des lottes gigantesques, des carpes moussues et séculaires, presque contemporaines de la capitulation de 1681. Quand Napoléon, Charles X et Louis-Philippe parurent à Strasbourg on sacrifia sur leur table quelques-uns de ces antiques, mais impassibles témoins du passé.

Il ne fut pas nécessaire d’offrir le spectacle d’un de ces morceaux d’élite à deux gentilshommes français, dont l’un était comte, pour les retenir deux jours et deux nuits dans une auberge de Baccharach sur le Rhin. Ils y demeurèrent tout le temps que je dis, pour l’amour d’une simple carpe du Rhin qui se trouva être fort de leur goût. — Mais Baccharach est bien loin, dira-t-on, pourquoi nous entraîner hors de la province ? Je prie que l’on veuille bien remarquer que la carpe du Rhin est d’abord, en elle-même, un sujet alsatique au premier chef, et ensuite que je suis tout à fait sûr que nos gentilshommes eussent cédé à la tentation aussi facilement à Strasbourg qu’à Baccharach. Le lieu importe donc peu ; c’est le fond qu’il faut considérer, et le fond y est. Je tiens à rappeler cette anecdote, parce qu’elle révèle l’infuence d’une carpe allemande bien apprêtée sur l’esprit positif et sec d’un financier. Le comte de Gourville, agent de Fouquet, et qui fut mêlé à l’histoire des malversations du surintendant, devait être arrêté. Il eut le temps de fuir et prit la route d’Allemagne, avec M. de La Mothe, depuis lieutenant-général, qui se dévoua à le protéger et à le guider dans sa fuite. C’était en 1683. Ils arrivèrent un soir à Baccharach. « Nous avions fait notre compte, dit M. de Gourville, d’y coucher seulement une nuit, mais notre hôte nous ayant dit, au soir, que si nous y voulions dîner le lendemain, il nous donnerait une belle carpe, M. de La Mothe, pour cette fois, opina le premier à demeurer, et le lendemain, en la mangeant, nous la trouvâmes si belle et si bonne que nous louâmes fort notre hôte ; ce qu’entendant il nous dit que si nous voulions dîner encore le lendemain, il nous en donnerait une encore plus belle. M. de La Mothe me regarda pour savoir ce que je voudrais ; je lui déclarais qu’il y avait assez longtemps que je parlais le premier, et que j’étais résolu qu’il eût son tour pendant le reste du voyage. Il me dit que puisque je le voulais ainsi, il était d’avis de manger la seconde carpe ; ce que nous fîmes[100]. » Et je pense qu’ils firent bien.

  1. Arrêts et décis. de la Cour de Colmar, t. L, p. 271.
  2. Ichtersheim, Topograph. Alsatiæ, II, p. 30.
  3. Comptes communaux de Sainte-Marie-aux-Mines. Année 1673. (Archives du Haut-Rhin.)
  4. Beck, Factum des injustices et des cruautés commises par Joseph de Klinglin, — Amsterdam, 1752, in-fol., p. 74. Cet auteur accuse même le préteur de nourrir ses chiens avec le pain des pauvres, et de le prendre à l’hôpital ou à l’aumônerie de Saint-Marc.
  5. Annuaire du Bas-Rhin pour l’an VII, p. 279.
  6. On rapporte, il est vrai, que les Romains faisaient usage des escargots, et qu’ils avaient poussé très-loin la science de les nourrir et de les améliorer. Mais peut-on croire qu’un pareil secret n’aura pas péri dans le naufrage général de la civilisation !
  7. Puton, Mollusques des Vosges, p. 9.
  8. Puton, Mollusques des Vosges, p. 9.
  9. Wencker, Chron. mss., t. III, ad ann. 1628. Bibl. de Strasbourg.
  10. Annuaire du Haut-Rhin, an XIII, in-18, p. 221.
  11. Corret, Histoire de Belfort, p. 119.
  12. Oberlin, Propos. géolog., p. 134.
  13. Arrêts notables du Conseil souverain d’Alsace, t. II, p. 300.
  14. Morel, Statistiques de l’évêché de Bâle, p. 267.
  15. Morel, loc. cit., p. 263.
  16. B. Maugue, Hist. natur. d’Alsace, mss. de la Bibl. nation., in-fol., II, p. 128, 129, 130, 152.
  17. Mémoires de Mlle de Montpensier. Coll. Michaud et Poujoulat, XXVIII, 479.
  18. Stœber, Der Kochersberg, p. 29.
  19. Schwerz, Landwirtschaft im Nieder-Elsass, p. 22.
  20. Jacquel, Topogr. de Gérardmer, p. 98.
  21. Archives communales de Saverne. Comptes de 1645.
  22. M. le préfet du Haut-Rhin a pris, le 15 septembre 1858, un nouvel arrêté relatif à la pêche, dont on ne peut que louer les utiles et sages dispositions.
  23. Kœnigshoven-Schilter, p. 728.
  24. Grandidier, Hist. des évêques de Strasbourg, II, p. 93.
  25. Heitz, Zunftwesen in Strassburg, p. 71.
  26. Hunkler, Gesch. der Stadt Colmar, p. 83.
  27. Merklen, Hist. d’Ensisheim, II, p. 153.
  28. Gravier, Hist. de Saint-Dié, p. 148.
  29. Transaction de 1339 entre l’abbé de Munster et l’abbesse de Remiremont. Revue d’Alsace, 1851, p. 51.
  30. Trouillat, Monum. de l’évêché de Bâle, II, p. 722.
  31. Art. 5. Fischen, jagen, vögeln,… solten frey sein und nicht den Fürsten und Herrschaften allein zustehen. Raspieler, 2e Mémoire pour Strasbourg contre Barr, p. 79.
  32. Chron. des Domin. de Colmar, édition de 1854, p. 229.
  33. Gebwiler, Panegyris Carolina, p. 28.
  34. Rœsslin, Wasgauische Gebirg, p. 2.
  35. Herzog, Edelsäss. Chronick, Strasb., 1592, p. 2, pièces liminaires.
  36. La Bibliothèque de Strasbourg possédait le Grosse Fischbuch manuscrit de Baldner, avec figures coloriées. Le médecin Maugue, dont j’ai parlé, dit que ce livre lui a beaucoup servi pour son Histoire naturelle d’Alsace.
  37. Fresquet, Voyage dans le Bas-Rhin, p. 71.
  38. Friese, Oekonom. Naturgesch. des Nieder-Rheins, p. 95.
  39. Graffenauer, Minéral. alsac., p. 17.
  40. Engelhardt, Wanderungen in den Vogesen, p. 97.
  41. Friese, Oekonom. Naturgesch., p. 97.
  42. Chronique des Dominicains de Guebwiller, p. 213.
  43. Graffenauer, Topogr. de Strasbourg, p. 88.
  44. Friese, loc. cit., p. 101.
  45. Billing, Beschreibung des Elsasses, p. xxxiii.
  46. Duvernoy, Éphémérides du comté de Montbéliard, p. 402.
  47. Graffenauer, Topogr. de Strasbourg, p. 88.
  48. Weiss, Description des fêtes de 1744, in-fol., p. 18.
  49. Morel, Stat. de l’évêché de Bâle, p. 192.
  50. Jacquel, Topogr. de Gérardmer, p. 63.
  51. Duvernoy, loc. cit., p. 403.
  52. Strobel, Topogr. de l’Alsace, p. 14.
  53. Dietrich, Gîtes de minerai de l’Alsace, p. 9.
  54. Thanner Chronik, édition de 1855, p. 72.
  55. Statuts de la Soc. du Wagkeller, Revue d’Alsace, 1853, p. 543.
  56. Billing, loc. cit., p. xxxiii.
  57. Ichtersheim, Topogr. des Elsasses, 2e partie, p. 20.
  58. Ibidem, p. 21.
  59. Graffenauer, Minéralog. alsac., p. 17.
  60. Stœber, Sagen des Elsasses, p. 46.
  61. Je dois ce renseignement à M. Wertz, maître pêcheur.
  62. Baldner, Grosse Fischbuch, mss. cité…
  63. Trausch, Chron. mss. de la Bibl. de Strasbourg, t. III, f. 630.
  64. Friese, Oekon. Naturgesch. des Niederrheins, p. 92.
  65. Magasin pittoresque, année 1857.
  66. Friese, Oekonom. Naturgesch., p. 99.
  67. Baldner, mss. cité.
  68. Rœsslin, Das Wasgauische Gebirg, p. 3.
  69. Kœnigshoven-Schilter, Chronick, p. 367.
  70. Idem.
  71. Rœsslin, loc. cit., p. 3.
  72. Friese, Naturgesch. des Elsasses, p. 97.
  73. Graffenauer, Topogr. de Strasbourg, p. 87.
  74. Chron. des Domin. de Colmar, édition de 1854, p. 63.
  75. Baldner, Grosse Fischbuch, mss. cité.
  76. Wurstisen, Basler Chronick, Basel, 1580, in-fol., p. 434.
  77. Chronique mss. de Saladin (Bibl. de Strasbourg) citée dans Merkwürdigkeiten des ehemaligen Elsasses. Strasbourg, 1804, in-8°, p. 166.
  78. Legrand d’Aussy, Vie privée des Français, t. II, p. 136.
  79. Kœnigshoven-Schilter, Anmerkung, p. 948.
  80. Gebwiler, Panegyris Carolina, p. 20.
  81. Ichtersheim, Topogr. des Elsasses, Ire partie, p. 49.
  82. Strassburger Tax-Ordnung von 1646.
  83. À Bâle on appelait Schelmenbænke les étaux où devait être exposé le poisson mort. Spreng, Ursprung von Basel, p. 36.
  84. Wimpheling, Tutschland, édition de 1648, in-fol., ff. 21.
  85. J. Gebwiler, Panegyris Carolina, p. 28.
  86. Volkir de Séronville, Histoire de la triomphante victoire du duc Antoine. Paris, 1526, in-fol., ff. 16, v°.
  87. Dietrich, Descript. des gîtes de minerai de l’Alsace, p. 9.
  88. Heitz, Zunftwesen in Strassburg, p. 168.
  89. Strobel, Vater, Gesch. des Elsasses, t. II, p. 69.
  90. Piton, Strasbourg illustré. Ville. Strasb., in-4°, p. 56.
  91. Kentzinger, Strasbourg et l’Alsace. Strasb., in-8°, p. 139.
  92. Friese, Vaterl. Geschichte der Stadt Strassburg, t. II, p. 32.
  93. Archiv-Chronick, p. 216.
  94. Wurstisen, Basler Chronik, p. 643.
  95. Lerse, Reform. in Colmar, édition Kühlmann, p. 24.
  96. Kentzinger, Docum. histor. tirés des archives de Strasbourg, t. I, p. 207.
  97. Bernegger, Descript. particular. territor. argentin. Strasb., 1675, p. 36.
  98. Weiss, Descript. des fêtes de 1744, p. 18.
  99. Piton, Strasbourg illustré. Faubourgs, p. 39.
  100. Comte de Gourville, Mémoires. Collection Michaud et Poujoulat, t. XXIX, p. 539.