L’Année républicaine/Messidor

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Alphonse Lemerre, éditeur (p. 21-22).
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MESSIDOR.


Le ciel est gris plombé, la terre est altérée,
Parfois le vent, ainsi qu’une haleine enfiévrée,
Fait onduler le sein des moissons & des bois,
Une angoisse indicible accable la nature,
Et tout frissonne, quand, par la déchiqueture
Des éclairs, un accord de la terrible voix
De l’orage s’échappe & vient jusqu’à la terre.
Le tonnerre, ô bonheur ! & comme il fait bien taire
Tout ici-bas ! lui seul, on l’entend à présent :
— Gronde, gronde toujours, encore une décharge,
C’est bien ! fais à la nue une fente plus large,
Crève-la, puis rugis de joie en l’écrasant.
Va, ton fracas est doux & ton horreur soulage,
Redouble, enivre-toi de ton aveugle rage,

Sois le farouche accent de nos rébellions ;
Emporte nos fureurs dans ta fureur sacrée :
L’âme de sa tempête est par toi délivrée,
Et voici bien des jours qu’en vain nous t’appelions !

Ce soir, quand par milliers les tranquilles étoiles
De l’azur nuageux déchireront les voiles,
Un vent doux & subtil sur les blés passera ;
Et, tandis que courant devant l’aube irisée
Il changera la pluie en brillante rosée,
L’âme rassérénée à Dieu s’élèvera.