L’Année républicaine/Thermidor

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Alphonse Lemerre, éditeur (p. 25-26).
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THERMIDOR.


Pas un nuage au ciel, pas une ombre sur terre :
Le lac brillait incandescent ;
Le vallon embrasé fumait comme un cratère
Qui dort farouche & menaçant ;

Le soleil, enivré de sa splendeur torride,
Terrassait aux pieds de l’été
La plaine verdoyante & la montagne aride,
Et le village & la cité.

Dans les chênes feuillus des reflets d’incendie
Passaient mêlés de sang et d’or ;
Et les jaunes rayons de la flamme agrandie
Montaient pour retomber encor.

Comme sur un tapis de pourpre ou d’écarlate,
Fauve oreiller de mousse orné,
La vipère en sifflant roulait sa tête plate
Sur le dur rocher calciné.

L’aigle ennuyé cherchait du regard quelque proie,
Quelque tendre chair d’appétit ;
L’oiseau chassait l’insecte, & partout, plein de joie,
Le fort opprimait le petit.

Ô superbe fracas de royautés sans nombre,
Vertige de l’impunité !
— L’homme triste & lassé criait sous le bois sombre :
Égalité, fraternité !