L’Annexion de la Lune/01

La bibliothèque libre.
Librairie universelle (p. 4-8).
ii  ►

i


Tout s’enchaîne dans l’univers. Les destinées de l’humanité sont intimement liées à celles de la planète à la surface de laquelle elle pullule.

Quelles sont donc les destinées de la terre ?

Le savant qui aborde ces questions est astreint à une extrême prudence. Il se meut sur un terrain où l’hypothèse tient une grande place, et ses affirmations doivent être entourées d’une foule de réserves.

Avec ces réserves, voici ce que l’on peut admettre actuellement avec le plus de chances d’être dans le vrai.

Tous les astres, — comme la Terre, la Lune, le Soleil, les étoiles, — paraissent se constituer, se modifier, et, finalement, se désagréger, suivant des lois constantes, dont nous observons les effets, sans pouvoir, quant à présent du moins, en déterminer la cause première.

La matière dont ils se composent est d’abord répandue dans l’espace à un état d’extrême ténuité, et présente l’aspect nébuleux. Cette matière est animée d’un double mouvement de rotation et de condensation autour d’un point central qui finit par prendre l’aspect d’une étoile. C’est ce qui est arrivé récemment dans la nébuleuse d’Andromède.

Or, une étoile est un soleil lointain, de même que notre Soleil n’est qu’une étoile beaucoup plus rapprochée de nous que toutes les autres.

C’est un globe fluide et incandescent, animé d’une rotation rapide, — si rapide, qu’il peut s’en détacher des anneaux semblables à ceux de Saturne, lesquels anneaux finissent par prendre la forme globulaire et continuent à tourner autour de l’astre dont ils proviennent.

C’est ainsi que notre Soleil a abandonné l’une après l’autre dans l’espace, les planètes qui circulent autour de lui : Neptune, Uranus, Saturne, Jupiter, Mars, la Terre, Vénus, Mercure, et bien d’autres.

C’est ainsi que la Terre a elle-même donné naissance à la Lune.

Vous voyez, dès maintenant, que la Lune a fait autrefois partie de la Terre, dont elle a été violemment séparée. Nous avons donc des droits sur ce satellite. La Lune est une sorte d’Alsace-Lorraine de la Terre, et tôt ou tard, elle doit faire retour à la mère-planète.

Les astres ainsi formés sont fluides et incandescents, comme l’est encore actuellement le Soleil. Peu à peu, leur chaleur rayonnant dans l’espace, il se forme, au centre de chacun d’eux, un noyau solide, composé des substances les plus lourdes, c’est-à-dire des substances métalliques, et ce noyau s’agrandit de proche en proche, à mesure que les divers métaux se solidifient.

Or, la plupart des métaux ne s’oxydent pas aux températures élevées. Il en résulte que les premières oxydations ont lieu à la superficie, alors que s’est formé depuis longtemps un noyau de métaux inoxydés. Ainsi se constitue une croûte superficielle de roches oxydées (granit, calcaire, argile, etc.), préservant le noyau central d’une oxydation rapide.

Mais cette enveloppe oxydée est loin d’être absolument imperméable à l’air et surtout à l’eau. De sorte qu’elle est traversée incessamment par des infiltrations qui, en atteignant les métaux, les oxydent, avec dégagement de chaleur et de gaz élastiques. De là viennent, sur notre planète, la chaleur souterraine, les tremblements de terre, les volcans.

Ces phénomènes ont lieu aux dépens de l’air et de l’eau, et nous remarquons, en effet, que plus une planète est ancienne, plus aussi son atmosphère se trouve réduite.

C’est ainsi que notre propre atmosphère, après avoir eu la densité qu’on lui voit chez Mercure, puis l’épaisseur qu’elle a dans Vénus, — deux planètes plus récentes que la Terre, — a été réduite aux dimensions actuelles, et continuera à s’amincir comme elle a fait autour de Mars, pour disparaître enfin complètement, ainsi que cela a eu lieu sur la Lune et sur les astéroïdes disséminés entre Mars et Jupiter.

La Lune est plus récente que la Terre, mais elle est 49 fois plus petite, ce qui explique la marche rapide qu’ont suivie ses oxydations, phénomènes dont l’intensité nous est révélée par l’aspect que présente la surface de cet astre.

La Lune est littéralement criblée de cratères gigantesques, dont nos petits volcans terrestres ne peuvent donner une idée.

Jugez-en par les chiffres suivants. Le plus vaste cirque volcanique de notre planète, celui de Ténériffe, a 15 kilomètres de diamètre, avec une bouche ignivome de 150 à 200 mètres, tandis que l’on voit dans la Lune des cirques de 37 à 256 kilomètres, et des cratères de 1 à 5 kilomètres de diamètre. Un des plus élevés atteint 7.600 mètres au-dessus du sol environnant[1].

Tous ces volcans sont groupés par chaînes, greffés les uns sur les autres, et donnent à la surface lunaire un étrange aspect boursouflé.

On dirait que la blonde Phébé a eu la petite vérole confluente.

La Lune est donc absolument dépourvue d’air et d’eau.

Or, l’air et l’eau sont comme la chair qui recouvre le squelette solide des astres.

Une fois que ce manteau protecteur a disparu, la désorganisation du noyau solide commence.

De larges fentes, des crevasses, entrouvrent la masse de l’astre. On en aperçoit d’énormes dans la Lune.

Peu à peu, ces fissures s’élargissent, s’étendent et partagent le globe en fragments irréguliers. Ces fragments gravitent d’abord ensemble, mais, graduellement, des chocs, des ruptures d’équilibre, les désagrègent et les dispersent.

Plusieurs des astéroïdes découverts entre Mars et Jupiter, au lieu d’avoir la forme arrondie commune à tous les astres, présentent l’aspect anguleux de débris planétaires.

Ces débris se désagrègent à leur tour en fragments de plus en plus petits, et finissent même par être réduits en une poussière ténue.

Ces épaves, des cendres de planètes, gravitent dans l’espace, ballottées par les forces cosmiques, jusqu’à ce que, passant au voisinage d’un astre quelconque, elles tombent à sa surface.

C’est ainsi que, de temps en temps, arrivent sur la Terre des restes de mondes détruits, sous forme d’aérolithes, de bolides, de poussières cosmiques.

  1. Voir à ce sujet la belle et savante théorie de M. Faye dans l’Origine du Monde.