L’Annexion de la Lune/02

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Les choses se passant de la sorte, examinons maintenant quelles sont les conditions indispensables à la vie sur notre planète.

Elles se réduisent à quatre, qui sont : la présence de l’air et de l’eau, une chaleur suffisante, et la nourriture proprement dite.

L’air et l’eau, nous venons de le voir, tendent à disparaître de la surface de la Terre. Seulement, à mesure que la croûte oxydée s’épaissit, elle devient plus imperméable et plus résistante, et par cela même, les phénomènes de l’oxydation sont de plus en plus lents.

Cela permettra à l’humanité future de maintenir constamment à la surface de la planète la quantité d’eau et d’air respirable nécessaire à son existence.

À cet effet, il faudra verser dans l’atmosphère une quantité d’oxygène égale à celle qu’absorberont les oxydations.

Pour atteindre ce résultat, on entrevoit, dès à présent, deux moyens.

En premier lieu, multiplier dans des proportions aussi vastes que possible toutes les espèces végétales, qui, en décomposant l’acide carbonique, produisent des torrents d’oxygène.

En second lieu, réaliser sur une vaste échelle ce que l’industrie fait aujourd’hui proportionnellement à ses besoins en désoxydant les métaux.

Un accident peut rendre inutiles ces prodiges de la science humaine.

Je veux parler du contact d’une comète.

Je dis contact et non pas choc. Les comètes sont des masses gazeuses d’hydrogène et de carbone incandescents, dont l’effet mécanique serait à peu près nul, mais dont l’effet chimique réduirait instantanément notre atmosphère en acide carbonique et en eau.

Cet accident est possible !

Souhaitons seulement qu’il soit ajourné jusqu’au moment où l’homme aura imaginé un paracomète qui rende ces astres errants inoffensifs, sinon utiles.

Le Soleil étant un astre soumis aux mêmes conditions que les autres, sa chaleur diminue constamment. Si l’on ne trouve pas un moyen d’arrêter cette diminution ou d’y suppléer, il arrivera certainement un moment où les glaces polaires, s’étendant de proche en proche, refouleront vers l’équateur et anéantiront les derniers débris des races humaines. Ce serait le cas de pouvoir diriger les comètes de façon à les faire servir, soit à entretenir la chaleur solaire, soit à la remplacer. Mais la solution pratique de cette difficulté consistera probablement à accroître dans des proportions suffisantes les moyens dont nous disposons aujourd’hui pour résister au froid de l’hiver et nous éclairer pendant la nuit. Ces moyens, il est vrai, sont empruntés aux masses combustibles que le Soleil a accumulées pendant des siècles sur la Terre. Le mieux est, pour le moment, d’imiter ce mode d’emmagasinement de la chaleur solaire. La végétation, qui sera nécessaire à la production de l’oxygène, fixera en même temps des masses de carbone, réserves de chaleur pour l’avenir. La science possédera en outre des ressources que nous ne soupçonnons même pas aujourd’hui. L’électricité, définitivement conquise par l’homme, réalisera des merveilles.

Reste la nourriture.

La Terre présente actuellement 14 milliards d’hectares de continents et d’îles émergés. Dans les pays bien cultivés, comme en Belgique, chaque hectare de sol peut nourrir deux habitants. En réduisant ce chiffre de moitié, pour tenir compte des surfaces absolument improductives et des terrains peu fertiles, on trouve que la Terre pourrait nourrir, au minimum, 14 milliards d’êtres humains, — environ dix fois la population actuelle du globe.

On peut présumer que les méthodes de plus en plus perfectionnées de la culture intensive permettront d’accroître notablement ce chiffre.

Mais ensuite ?

Ensuite, — ou bien l’homme, emprisonné dans son domaine terrestre, devra restreindre le nombre des naissances pour le rendre équivalent à celui des décès, — ou bien, il s’annexera de nouveaux domaines extraterrestres.

Or, l’astre le plus rapproché de la Terre, c’est la Lune, qui n’en est distante que de cent mille lieues, en nombre rond. C’est dix fois le tour de notre globe. Il y a certainement des marins qui, en mettant bout à bout leurs voyages, se trouveraient avoir parcouru des trajets plus considérables.

On comprend que l’idée d’un voyage à la Lune soit née dans l’imagination humaine et que, de Cyrano de Bergerac à Jules Verne, cette fantaisie ait pris corps maintes fois dans des romans.

Malheureusement, même la conception de Jules Verne, d’apparence plus scientifique que les autres, n’est pas réalisable et — le fût-elle — elle n’aurait aucun résultat pratique.

Envoyer dans la Lune, à l’intérieur d’un boulet, des hommes qui consentiraient à tenter l’expérience, serait une folie inutile. S’ils n’étaient pas tués par le choc, au départ ou à l’arrivée, ils finiraient par expirer fatalement faute d’air, puisque la Lune en est absolument dépourvue.

À quoi servirait même de se transporter dans la Lune, avec un moyen assuré d’y respirer artificiellement et d’en revenir — si l’on ne peut en outre doter notre satellite d’une atmosphère respirable qui la rende habitable.

Car voilà la seule vraie difficulté du problème de l’annexion : la Lune est actuellement inhabitable. L’humanité ne peut profiter des 4 milliards d’hectares de superficie qu’elle présente, qu’en y introduisant l’air respirable et l’eau, conditions primordiales de la vie.

Mais, puisque se rendre de la Terre à la Lune dans ce but présente des difficultés à peu près insurmontables, à cause de l’inconnu de certains éléments, — on pourrait peut-être essayer de rapprocher peu à peu la Lune de la Terre, de façon à l’immerger finalement dans notre propre atmosphère.