L’Antéchrist (Renan)/XII. Vespasien en Galilée

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Michel Lévy (p. 264-300).


CHAPITRE XII.


VESPASIEN EN GALILÉE. — LA TERREUR À JÉRUSALEM.
FUITE DES CHRÉTIENS.


Pendant que l’empire romain subissait en Orient le plus sanglant affront, Néron, ballotté de crime en crime, de folie en folie, était tout entier à ses chimères d’artiste prétentieux. Tout ce qui peut s’appeler goût, tact, politesse, avait disparu d’autour de lui avec Pétrone. Un amour-propre colossal lui donnait une soif ardente d’accaparer la gloire du monde entier[1] ; son envie contre ceux qui occupaient l’attention du public était féroce ; réussir en quoi que ce soit devenait un crime d’État ; on prétend qu’il voulut arrêter la vente des ouvrages de Lucain[2]. Il aspirait à des célébrités inouïes[3] ; il roulait dans sa tête des projets grandioses, le percement de l’isthme de Corinthe, un canal de Baïa jusqu’à Ostie, la découverte des sources du Nil[4]. Un voyage de Grèce était depuis longtemps son rêve, non par le désir sérieux qu’il eût de voir les chefs-d’œuvre d’un art incomparable, mais par la grotesque ambition qu’il avait de se présenter aux concours fondés dans les différentes villes et d’y remporter le prix. Ces concours étaient, à la lettre, innombrables : la fondation de pareils jeux avait été une des formes de la libéralité grecque : tout citoyen un peu riche trouvait là, comme cela se voit dans la fondation de nos prix académiques, une manière sûre de transmettre son nom à l’avenir[5]. Les nobles exercices qui contribuèrent si puissamment à la force et à la beauté de l’ancienne race, et furent l’école de l’art grec, étaient devenus, comme devinrent plus tard les tournois du moyen âge, la pâture de gens de métier, qui faisaient profession de courir les agones, et d’y gagner des couronnes. Au lieu de bons et beaux citoyens, on n’y voyait figurer que d’odieux bellâtres inutiles, ou des gens qui s’en créaient une spécialité lucrative. Ces prix, dont les vainqueurs faisaient montre comme d’espèces de décorations, empêchaient de dormir le césar vaniteux ; il se voyait déjà rentrant à Rome en triomphe avec le titre extrêmement rare de periodonice ou vainqueur dans le cycle complet des jeux solennels[6].

Sa manie de chanteur arrivait au comble de la folie[7]. Une des raisons de la mort de Thraséa fut qu’il ne sacrifiait pas à la « voix céleste » de l’empereur[8]. Devant le roi des Parthes, son hôte, il ne voulut se faire valoir que par son talent à la course des chars[9]. On montait des drames lyriques où il avait le principal rôle, et où les dieux, les déesses, les héros, les héroïnes étaient masqués et drapés à son image et à l’image de la femme qu’il aimait. Il jouait ainsi Œdipe, Thyeste, Hercule, Alcméon, Oreste, Canacé ; on le voyait sur la scène enchaîné (de chaînes d’or), guidé comme un aveugle, imitant un fou, faisant le personnage d’une femme qui accouche. Un de ses derniers projets fut de paraître au théâtre, nu, en Hercule, écrasant un lion entre ses bras ou le tuant d’un coup de massue ; le lion était, dit-on, déjà choisi et dressé, quand l’empereur mourut[10]. Quitter sa place pendant qu’il chantait était un si grand crime, que l’on prenait pour le faire en cachette les plus ridicules précautions. Dans les concours, il dénigrait ses rivaux, cherchait à les décontenancer ; si bien que les malheureux chantaient faux pour échapper au danger de lui être comparés. Les juges l’encourageaient, louaient sa timidité. Si ce grotesque spectacle faisait monter à quelqu’un la rougeur au front et la tristesse au visage, il disait qu’il y avait des personnes dont l’impartialité lui était suspecte. Du reste, il obéissait aux règlements des prix comme un écolier, tremblait devant les agonothètes et les mastigophores, et payait pour qu’on ne le fouettât pas quand il se trompait. Avait-il commis quelque bévue qui aurait dû le faire exclure, il pâlissait ; il fallait lui dire tout bas que cela n’avait pas été remarqué au milieu de l’enthousiasme et des applaudissements du peuple. On renversait les statues des lauréats antérieurs pour ne pas exciter chez lui des accès de jalousie effrénée. Aux courses, on avait soin de le laisser arriver le premier, même quand il tombait de son char ; quelquefois, cependant, il se faisait battre exprès, pour que l’on crût qu’il jouait de franc jeu[11]. En Italie, nous l’avons déjà dit, il était humilié de ne devoir ses succès qu’à une bande de claqueurs, savamment organisés et chèrement payés, qui le suivait partout. Les Romains lui devenaient insupportables ; il les traitait de rustres, disait qu’un artiste qui se respecte ne peut avoir en vue que les Grecs.

Le départ tant désiré eut lieu en novembre 66. Néron était depuis quelques jours en Achaïe, quand la nouvelle de la défaite de Cestius lui parvint. Il comprit que cette guerre demandait un capitaine d’expérience et de valeur ; mais il y voulait par-dessus tout quelqu’un qu’il ne craignît pas. Ces conditions semblèrent se trouver réunies dans Titus Flavius Vespasianus, militaire sérieux, âgé de soixante ans, qui avait toujours eu beaucoup de bonheur et à qui sa naissance obscure ne pouvait inspirer de grands desseins. Vespasien était en ce moment dans la disgrâce de Néron, parce qu’il ne témoignait pas assez admirer sa belle voix ; quand on vint lui annoncer qu’il avait le commandement de l’expédition de Palestine, il crut un moment qu’il s’agissait d’un arrêt de mort. Son fils Titus le rejoignit bientôt. Vers le même temps, Mucien succédait à Cestius dans la charge de légat impérial de Syrie. Les trois hommes qui, dans deux ans, seront les maîtres du sort de l’empire se trouvèrent ainsi portés ensemble en Orient[12].

La complète victoire que les révoltés avaient remportée sur une armée romaine, commandée par un légat impérial, exalta à un très-haut degré leur audace. Les gens les plus intelligents et les plus instruits de Jérusalem étaient sombres ; ils jugeaient avec évidence que l’avantage en définitive ne pouvait rester qu’aux Romains ; la ruine du temple et de la nation leur parut inévitable[13] ; l’émigration commença. Tous les hérodiens, tous les gens attachés au service d’Agrippa se retirèrent auprès des Romains[14]. Un grand nombre de pharisiens, d’un autre côté, uniquement préoccupés de l’observation de la Loi et de l’avenir pacifique qu’ils rêvaient pour Israël, étaient d’avis qu’on se soumît aux Romains, comme on s’était soumis aux rois de Perse, aux Ptolémées. Ils se souciaient peu d’indépendance nationale ; Rabbi Johanan ben Zakaï, le pharisien le plus célèbre du temps, vivait à l’écart de la politique[15]. Beaucoup de docteurs se retirèrent probablement dès lors à Jamnia, et y fondèrent ces écoles talmudiques, qui eurent bientôt une grande célébrité[16].

Les massacres, cependant, recommencèrent et s’étendirent à des parties de la Syrie qui jusque-là avaient été à l’abri de l’épidémie de sang. À Damas, tous les juifs furent égorgés. La plupart des femmes de Damas professaient la religion juive, et sûrement, dans le nombre, il y en avait de chrétiennes ; on prit des précautions pour que le massacre se fît par surprise et à leur insu[17].

Le parti de la résistance déployait une prodigieuse activité. Les tièdes même étaient entraînés. Un conseil fut tenu dans le temple pour former un gouvernement national, composé de l’élite de la nation. Le groupe modéré à cette époque était loin d’avoir abdiqué. Soit qu’il espérât encore diriger le mouvement, soit qu’il eût un de ces secrets espoirs contre toutes les suggestions de la raison dont on se berce si facilement aux heures de crise, il se laissa porter presque partout aux affaires. Des personnages très-considérables, plusieurs membres des familles sadducéennes ou sacerdotales, les premiers des pharisiens[18], c’est-à-dire la haute bourgeoisie, ayant à sa tête le sage et honnête Siméon ben Gamaliel[19] (le fils du Gamaliel des Actes et l’arrière-petit-fils de Hillel), adhérèrent à la révolution. On agit constitutionnellement ; on reconnut la souveraineté du sanhédrin. La ville et le temple restèrent entre les mains des autorités établies, Hanan (fils du Hanan qui condamna Jésus), le plus ancien des grands prêtres[20], Josué ben Gamala, Siméon ben Gamaliel, Joseph ben Gorion. Joseph ben Gorion et Hanan furent nommés commissaires à Jérusalem. Éléazar, fils de Simon, démagogue sans conviction, dont l’ambition personnelle était rendue dangereuse par les trésors dont il s’était emparé, fut écarté à dessein. On choisit en même temps des commissaires pour les provinces ; tous étaient modérés à l’exception d’un seul, Éléazar, fils d’Ananie, qu’on envoya en Idumée. Josèphe, qui depuis se créa une si brillante renommée comme historien, fut préfet de Galilée. Il y avait dans ces choix beaucoup d’hommes sérieux, qui acceptèrent en grande partie pour essayer de maintenir l’ordre et avec l’espoir de dominer les éléments anarchiques qui menaçaient de tout détruire[21].

L’ardeur à Jérusalem était extrême. La ville ressemblait à un camp, à une fabrique d’armes ; de tous les côtés, retentissaient les cris des jeunes gens qui s’exerçaient[22]. Les juifs des parties reculées de l’Orient, surtout du royaume des Parthes, y accouraient, persuadés que l’empire romain avait fait son temps[23]. On sentait que Néron touchait à sa fin, et on était persuadé que l’empire disparaîtrait avec lui[24]. Ce dernier représentant du titre de César, s’abîmant dans la honte et le mépris, paraissait un signe évident. En se plaçant à ce point de vue, on devait trouver l’insurrection beaucoup moins folle qu’elle ne nous semble, à nous qui savons que l’empire avait encore en lui la force nécessaire pour plusieurs renaissances futures. On pouvait très-réellement croire que l’œuvre d’Auguste se disloquait ; on s’imaginait à chaque instant voir les Parthes se ruer sur les terres romaines[25], et c’est ce qui fût arrivé en effet, si par diverses causes la politique arsacide n’eût été à ce moment très-affaiblie. Une des plus belles images du livre d’Hénoch est celle où le prophète voit l’épée donnée aux brebis, et les brebis ainsi armées poursuivre à leur tour les bêtes sauvages, et les bêtes s’enfuir[26]. Tel fut bien le sentiment des Juifs. Leur manque d’éducation militaire ne leur permettait pas de comprendre ce qu’avaient de trompeur les succès remportés sur Florus et sur Cestius. Ils frappèrent des monnaies imitées du type des Macchabées, portant l’effigie du temple ou quelque emblème juif, avec des légendes en caractère hébreu archaïque[27]. Datées par les années « de la délivrance » ou « de la liberté de Sion », ces pièces furent d’abord anonymes ou émises au nom de Jérusalem[28] ; plus tard, elles portèrent les noms des chefs de parti qui exercèrent au gré de quelque faction une autorité suprême[29]. Peut-être même, dès les premiers mois de la révolte, Éléazar, fils de Simon, qui était en possession d’une énorme masse d’argent, osa-t-il battre monnaie en se donnant le titre de « grand prêtre[30] ». Ces émissions monétaires durent, en tout cas, être assez considérables ; c’est ce qu’on appela ensuite « l’argent de Jérusalem » ou « l’argent du danger[31] ».

Hanan devenait de plus en plus le chef du parti modéré. Il espérait encore amener la masse du peuple à la paix ; il cherchait sous main à ralentir la fabrication des armes, à paralyser la résistance en se donnant l’air de l’organiser. C’est le jeu le plus redoutable en temps de révolution ; Hanan était bien ce que les révolutionnaires appellent un traître[32]. Il avait aux yeux des exaltés le tort de voir clair ; aux yeux de l’histoire, on ne peut l’absoudre d’avoir accepté la plus fausse des positions, celle qui consiste à faire la guerre sans y croire, uniquement parce que l’on est poussé par des fanatiques ignorants. Le trouble était affreux dans les provinces. Les régions tout arabes[33] à l’orient et au sud de la mer Morte jetaient sur la Judée des masses de bandits, vivant de pillage et de massacres. L’ordre dans de telles circonstances était impossible ; car, pour établir l’ordre, il eût fallu expulser les deux éléments qui faisaient la force de la révolution, le fanatisme et le brigandage. Situations terribles que celles où l’on n’a de choix qu’entre l’appel de l’étranger et l’anarchie ! Dans l’Acrabatène[34], un jeune et brave partisan, Simon, fils de Gioras, pillait et torturait les riches[35]. En Galilée, Josèphe essayait en vain de maintenir quelque raison ; un certain Jean de Gischala, fourbe et audacieux agitateur, joignant une personnalité implacable à un ardent enthousiasme, réussit à le contrecarrer en tout. Josèphe fut réduit, selon l’éternel usage de l’Orient, à enrôler les brigands et à leur payer une solde régulière comme rançon du pays[36].

Vespasien se préparait à la difficile campagne qui lui avait été confiée. Son plan fut d’attaquer l’insurrection par le nord, de l’écraser d’abord en Galilée, puis dans la Judée, de la rabattre en quelque sorte sur Jérusalem, et, quand il l’aurait refoulée tout entière vers ce point central, où l’entassement, la famine, les factions ne pouvaient manquer d’amener des scènes effroyables, d’attendre, ou, si cela ne suffisait pas, de frapper un grand coup. Il se rendit d’abord à Antioche, où Agrippa II vint se joindre à lui avec toutes ses forces. Antioche n’avait pas eu jusque-là son massacre de Juifs, sans doute parce qu’elle comptait dans son sein une foule de Grecs qui avaient embrassé la religion juive (le plus souvent sous forme chrétienne), ce qui amortissait les haines. À ce moment, cependant, l’orage éclata ; la folle accusation d’avoir voulu incendier la ville amena des tueries, suivies d’une assez rigoureuse persécution, où sans doute beaucoup de disciples de Jésus souffrirent, confondus avec les adeptes d’une foi qui n’était plus la leur qu’à demi[37].

L’expédition partit en mars 67, suivit la route ordinaire le long de la mer, établit son quartier principal à Ptolémaïde (Acre). Le premier choc tomba sur la Galilée. La population fut héroïque. La petite ville de Joudifat ou Jotapata[38], récemment fortifiée, fit une résistance prodigieuse. Pas un de ses défenseurs ne voulut survivre ; acculés dans une position sans issue, ils se tuèrent les uns les autres. « Galiléen » devint dès lors synonyme de fanatique sectaire, cherchant la mort de parti pris avec une sorte d’opiniâtreté[39]. Tibériade, Tarichées, Gamala ne furent enlevés qu’après de véritables boucheries. Il y a dans l’histoire peu d’exemples d’une race entière ainsi broyée. Les flots du paisible lac où Jésus avait rêvé le royaume de Dieu furent eux-mêmes tachés de sang. La rive se couvrit de cadavres en putréfaction, l’air fut empesté. Des foules de Juifs s’étaient réfugiés sur des barques ; Vespasien les fit tous tuer ou noyer. Le reste de la population valide fut vendu ; six mille captifs furent envoyés à Néron en Achaïe pour exécuter les travaux les plus difficiles du percement de l’isthme de Corinthe[40] ; les vieillards furent égorgés. Il n’y eut guère qu’un transfuge : Josèphe, dont la nature avait peu de profondeur et qui du reste s’était toujours douté de l’issue de la guerre, se rendit aux Romains, et fut bientôt dans les bonnes grâces de Vespasien et de Titus. Toutes ses habiletés d’écrivain n’ont pas réussi à laver une telle conduite d’un certain vernis de lâcheté[41].

Le cœur de l’année 67 fut employé à cette guerre d’extermination. La Galilée ne s’en releva jamais ; les chrétiens qui s’y trouvaient se réfugièrent sans doute au delà du lac ; désormais il ne sera plus question du pays de Jésus dans l’histoire du christianisme. Gischala, qui tint la dernière, tomba en novembre ou décembre. Jean de Gischala, qui l’avait défendue avec fureur, se sauva et put gagner la Judée. Vespasien et Titus prirent leurs quartiers d’hiver à Césarée, se préparant à faire l’année suivante le siège de Jérusalem[42].

La grande faiblesse des gouvernements provisoires organisés pour une défense nationale, c’est de ne pouvoir supporter de défaite. Sans cesse minés par les partis avancés, ils tombent le jour où ils ne donnent pas à la foule superficielle ce pour quoi ils ont été proclamés : la victoire. Jean de Gischala et les fugitifs de Galilée, arrivant chaque jour à Jérusalem, la rage dans l’âme, élevaient encore le diapason de fureur où vivait le parti révolutionnaire. Leur respiration était chaude et haletante : « Nous ne sommes pas vaincus, disaient-ils ; mais nous cherchons des postes meilleurs ; pourquoi s’user dans Gischala et des bicoques, quand nous avons la ville mère à défendre ? » — « J’ai vu, disait Jean de Gischala, les machines des Romains voler en éclats contre les murs des villages de Galilée ; à moins qu’ils n’aient des ailes, ils ne franchiront pas les remparts de Jérusalem. » Toute la jeunesse était pour la guerre à outrance. Des troupes de volontaires tournent facilement au pillage ; des bandes de fanatiques, soit religieux, soit politiques, ressemblent toujours à des brigands[43]. Il faut vivre, et des corps francs ne peuvent guère vivre sans vexer la population. Voilà pourquoi brigand et héros, en temps de crise nationale, sont presque synonymes. Un parti de la guerre est toujours tyrannique ; la modération n’a jamais sauvé une patrie ; car le premier principe de la modération est de céder aux circonstances, et l’héroïsme consiste d’ordinaire à ne pas écouter la raison. Josèphe, l’homme d’ordre par excellence, est probablement dans le vrai quand il nous présente la résolution de ne pas reculer comme ayant été le fait d’un petit nombre d’énergumènes, entraînant de force après eux des bourgeois tranquilles, qui n’eussent pas mieux demandé que de se soumettre. Il en est le plus souvent ainsi ; on n’obtient de grands sacrifices d’une nation sans dynastie[44] qu’en la terrorisant. La masse est par essence timide ; mais le timide ne compte pas en temps de révolution. Les exaltés sont toujours en petit nombre, mais ils s’imposent en coupant les voies à la conciliation[45]. La loi de pareilles situations est que le pouvoir tombe nécessairement aux mains des plus ardents et que les politiques y sont fatalement impuissants.

Devant cette fièvre intense, grandissant chaque jour, la position du parti modéré[46] n’était plus tenable. Les bandes de pillards, après avoir ravagé la campagne, se repliaient sur Jérusalem ; ceux qui fuyaient les armes romaines venaient à leur tour s’entasser dans la ville, et l’affamaient. Il n’y avait aucune autorité effective ; les zélotes[47] régnaient ; tous ceux qui paraissaient suspects de « modérantisme » se voyaient massacrer sans pitié. Jusqu’à présent, la guerre et les excès s’étaient arrêtés aux barrières du temple. Maintenant, zélotes et brigands habitent pêle-mêle la maison sainte ; toutes les règles de la pureté légale semblent oubliées ; les parvis sont tachés de sang ; on y marche les pieds souillés[48]. Aux yeux des prêtres, il n’y eut pas de forfait plus horrible. Pour plusieurs dévots, ce fut là cette « abomination » prédite par Daniel, comme devant s’installer dans le lieu saint, à la veille des jours suprêmes. Les zélotes, comme tous les fanatiques militants, faisaient peu de cas des rites et les subordonnaient à l’œuvre sainte par excellence, le combat. — Ils commirent un attentat non moins grave en changeant l’ordre du pontificat. Sans avoir égard au privilège des familles dans le sein desquelles on avait coutume de prendre les grands prêtres, ils choisirent une branche peu considérée de la race sacerdotale, et ils eurent recours à la voie toute démocratique du sort[49]. Le sort, naturellement, donna des résultats absurdes ; il tomba sur un rustre, qu’il fallut traîner à Jérusalem et revêtir malgré lui des vêtements sacrés ; le pontificat se vit profané par des scènes de carnaval. Tous les gens sérieux, les pharisiens, les sadducéens, les Siméon ben Gamaliel, les Joseph ben Gorion, furent blessés dans ce qu’ils avaient de plus cher.

Tant d’excès décidèrent enfin le parti sadducéen aristocratique à tenter un essai de réaction. Avec beaucoup d’habileté et de courage, Hanan essaya de réunir la bourgeoisie honnête et tout ce qu’il y avait de sensé, pour renverser la monstrueuse alliance du fanatisme et de l’impiété. Les zélotes furent serrés de près et obligés de se renfermer dans le temple, devenu une ambulance de blessés. Pour sauver la révolution, ils eurent recours à un moyen suprême, ce fut d’appeler dans la ville les Iduméens, c’est-à-dire des troupes de bandits, habitués à toutes les violences, qui rôdaient autour de Jérusalem. L’entrée des Iduméens fut signalée par un massacre. Tous les membres de la caste sacerdotale qu’on put trouver furent tués. Hanan et Jésus, fils de Gamala, subirent d’affreuses insultes ; leurs corps furent privés de sépulture, outrage inouï chez les Juifs.

Ainsi périt le fils du principal auteur de la mort de Jésus. Les Beni-Hanan restèrent fidèles jusqu’au bout à leur rôle, et, si j’ose le dire, à leur devoir. Comme la plupart de ceux qui cherchent à faire digue aux extravagances des sectes et du fanatisme, ils furent emportés ; mais ils périrent noblement. Le dernier Hanan semble avoir été un homme de grande capacité[50] ; il lutta près de deux ans contre l’anarchie. C’était un véritable aristocrate, dur parfois[51], mais grave, pénétré d’un réel sentiment de la chose publique, hautement respecté, libéral en ce sens qu’il voulait le gouvernement de la nation par sa noblesse et non par les factions violentes. Josèphe ne doute pas que, s’il eût vécu, il n’eût réussi à amener entre les Romains et les Juifs une composition honorable, et il regarde le jour de sa mort comme le moment où la ville de Jérusalem et la république des Juifs furent définitivement condamnées. Ce fut au moins la fin du parti sadducéen, parti souvent hautain, égoïste et cruel, mais qui représentait après tout la seule opinion raisonnable et capable de sauver le pays[52]. Par la mort de Hanan, on pourrait être tenté de dire, selon l’expression vulgaire, que Jésus fut vengé. C’étaient les Beni-Hanan qui, en présence de Jésus, avaient fait cette réflexion : « La conséquence de tout cela, c’est que les Romains viendront, détruiront le temple et la nation, » et qui avaient ajouté : « Mieux vaut la mort d’un homme que la ruine d’un peuple[53]. » Gardons-nous cependant d’une expression si naïvement impie. Il n’y a pas plus de vengeance dans l’histoire que dans la nature ; les révolutions ne sont pas plus justes que le volcan qui éclate ou l’avalanche qui roule. L’année 1793 n’a pas puni Richelieu, Louis XIV ni les fondateurs de l’unité française ; mais elle a prouvé qu’ils furent des hommes à vues bornées, s’ils ne sentirent pas la vanité de ce qu’ils faisaient, la frivolité de leur machiavélisme, l’inutilité de leur profonde politique, la sotte cruauté de leurs raisons d’État. Seul l’Ecclésiaste fut un sage, le jour où il s’écria désabusé : « Tout est vain sous le soleil. »

Avec Hanan (premiers jours de 68) périt le vieux sacerdoce juif, inféodé aux grandes familles sadducéennes, qui avaient fait une si vive opposition au christianisme naissant. Grande fut l’impression, quand on contempla, jetés nus hors de la ville, livrés aux chiens et aux chacals, ces aristocrates si hautement respectés, qu’on avait vus naguère revêtus de leurs superbes habits pontificaux, présidant à des cérémonies pompeuses, entourés de la vénération des nombreux pèlerins qui du monde entier venaient à Jérusalem. C’était un monde qui disparaissait. Le pontificat démocratique inauguré par les révoltés fut éphémère. Les chrétiens crurent d’abord relever deux ou trois personnages en leur ornant le front du pétalon sacerdotal. Tout cela n’eut pas de conséquence. Le sacerdoce, pas plus que le temple, dont il dépendait, n’était destiné à être la chose capitale du judaïsme. La chose capitale, c’était l’enthousiaste, le prophète, le zélote, l’envoyé de Dieu. Le prophète avait tué la royauté ; l’enthousiaste, l’ardent sectaire tua le sacerdoce. Le sacerdoce et la royauté une fois tués, il reste le fanatique, qui, durant deux ans et demi encore, va lutter contre la fatalité. Quand le fanatique aura été écrasé à son tour, il restera le docteur, le rabbin, l’interprète de la Thora. Le prêtre et le roi ne ressusciteront jamais.

Ni le temple non plus. Ces zélotes, qui, au grand scandale des prêtres amis des Romains, faisaient du lieu saint une forteresse et un hôpital, n’étaient pas aussi loin qu’il semble d’abord du sentiment de Jésus. Qu’importent ces pierres ? L’esprit est la seule chose qui compte, et celui qui défend l’esprit d’Israël, la révolution, a le droit de souiller les pierres. Depuis le jour où Isaïe avait dit : « Que m’importent vos sacrifices ? ils me dégoûtent ; c’est la justice du cœur que je veux, » le culte matériel était une routine arriérée, qui devait disparaître.

L’opposition entre le sacerdoce et la partie de la nation, au fond toute démocrate, qui n’admettait pas d’autre noblesse que la piété et l’observation de la Loi, est sensible dès le temps de Néhémie, qui est déjà un pharisien[54]. Le véritable Aaron, dans la pensée des sages, c’est l’homme de bien[55]. Les Asmonéens, à la fois prêtres et rois, n’inspirent que de l’aversion aux hommes pieux. Le sadducéisme, chaque jour plus impopulaire et plus rancunier, n’est sauvé que par la distinction que le peuple fait entre la religion et ses ministres[56]. Pas de rois, pas de prêtres, tel était au fond l’idéal du pharisien. Incapable de former un État à lui seul, le judaïsme devait en arriver au point où nous le voyons depuis dix-huit siècles, c’est-à-dire à vivre en guise de parasite, dans la république d’autrui. Il était également destiné à devenir une religion sans temple et sans prêtre. Le temple rendait le prêtre nécessaire ; sa destruction sera une sorte de débarras. Les zélotes qui, l’an 68, tuèrent les pontifes et souillèrent le temple pour défendre la cause de Dieu n’étaient donc pas en dehors de la véritable tradition d’Israël.

Mais il était clair que, privé de tout lest conservateur, livré à un équipage frénétique, le vaisseau irait à une effroyable perdition. Après le massacre des sadducéens, la terreur régna dans Jérusalem sans frein ni contre-poids[57]. L’oppression était si grande, que personne n’osait ouvertement ni pleurer ni enterrer les morts. La compassion devenait un crime. On porte à douze mille le nombre des suspects de condition distinguée qui périrent par la cruauté des forcenés. Sans doute il faut se défier ici des appréciations de Josèphe. Le récit de cet historien sur la domination des zélotes a quelque chose d’absurde ; des impies et des misérables ne se seraient pas fait tuer comme ceux-ci firent. Autant vaudrait chercher à expliquer la révolution française par la sortie du bagne de quelques milliers de galériens. La pure scélératesse n’a jamais rien fait dans le monde. Le vrai, c’est que les soulèvements populaires, étant l’œuvre d’une conscience obscure et non de la raison, se compromettent par leur propre victoire. Selon la règle de tous les mouvements du même genre, la révolution de Jérusalem n’était occupée qu’à se décapiter elle-même. Les meilleurs patriotes, ceux qui avaient le plus contribué aux succès de l’an 66, Gorion, Niger le Péraïte, furent mis à mort. Toute la classe aisée périt[58]. On fut surtout frappé de la mort d’un certain Zacharie, fils de Baruch, le plus honnête homme de Jérusalem, et fort aimé de tous les gens de bien. On le traduisit devant un jury révolutionnaire, qui l’acquitta à l’unanimité. Les zélotes le massacrèrent au milieu du temple. Ce Zacharie, fils de Baruch, put être un ami des chrétiens ; car on croit remarquer une allusion à lui dans les paroles prophétiques que les évangélistes prêtent à Jésus sur les terreurs des derniers jours[59].

Les événements extraordinaires dont Jérusalem était le théâtre frappaient, en effet, au plus haut degré les chrétiens. Les paisibles disciples de Jésus, privés de leur chef, Jacques, frère du Seigneur, continuèrent d’abord de mener dans la ville sainte leur vie ascétique, et, serrés autour du temple, d’attendre la grande apparition. Ils avaient avec eux les restes survivants de la famille de Jésus, les fils de Clopas, entourés de la plus grande vénération, même par les Juifs. Tout ce qui arrivait devait leur sembler une évidente confirmation des paroles de Jésus. Que pouvaient être ces convulsions, si ce n’est le commencement de ce qu’on appelait « les douleurs du Messie[60] », les préludes de l’enfantement messianique ? On était persuadé que l’arrivée triomphante du Christ serait précédée de l’entrée en scène d’un grand nombre de faux prophètes[61]. Aux yeux des présidents de la communauté chrétienne, ces faux prophètes furent les chefs des zélotes[62]. On appliqua au temps présent les phrases terribles que Jésus avait souvent à la bouche pour exprimer les fléaux qui doivent annoncer le jugement. Peut-être vit-on s’élever au sein de l’Église quelques illuminés, prétendant parler au nom de Jésus[63] ; les anciens leur firent une vive opposition ; ils assurèrent que Jésus avait annoncé la venue de tels séducteurs, et prescrit de se garder d’eux. Cela suffit ; la hiérarchie, déjà forte dans l’Église, l’esprit de docilité, héritage de Jésus, arrêtèrent toutes ces impostures ; le christianisme bénéficiait de la haute habileté avec laquelle il avait su créer une autorité au cœur même d’un mouvement populaire. L’épiscopat naissant (ou, pour mieux dire, le presbytérat) empêchait les grandes aberrations auxquelles n’échappe jamais la conscience des foules, quand elle n’est pas dirigée. On sent dès lors que l’esprit de l’Église dans les choses humaines sera une sorte de bon sens moyen, un instinct conservateur et pratique, une défiance des chimères démocratiques, contrastant étrangement avec l’exaltation de ses principes surnaturels.

Cette sagesse politique des représentants de l’Église de Jérusalem ne fut pas sans mérite. Les zélotes et les chrétiens avaient les mêmes ennemis, savoir les sadducéens, les Beni-Hanan. L’ardente foi des zélotes ne pouvait manquer d’exercer une grande séduction sur l’âme non moins exaltée des judéo-chrétiens. Ces enthousiastes qui entraînaient les foules au désert pour leur révéler le royaume de Dieu ressemblaient beaucoup à Jean-Baptiste et un peu à Jésus. Quelques fidèles, à ce qu’il paraît, s’affilièrent au parti et se laissèrent entraîner[64] ; toutefois l’esprit pacifique inhérent au christianisme l’emporta. Les chefs de l’Église combattirent ces dangereuses tendances par des discours qu’ils soutenaient avoir été tenus par Jésus : « Prenez garde de vous laisser séduire ; car plusieurs viendront en mon nom, disant : « Je suis le Messie, » et ils égareront un grand nombre de gens… Alors, si quelqu’un vient vous dire : « Le Messie est ici, il est là, » ne croyez pas. Car il s’élèvera des faux messies et des faux prophètes, et ils feront de grands miracles, jusqu’à séduire, si c’était possible, même les élus. Rappelez-vous que je vous l’ai annoncé d’avance. Si donc on vient vous dire : « Venez voir, il est dans le désert, » ne sortez pas ; « Venez voir, il est dans une cachette, » ne croyez pas… »

Il y eut sans doute quelques apostasies et même des trahisons de frères par leurs frères ; les divisions politiques amenèrent un refroidissement de charité[65] ; mais la majorité, tout en ressentant d’une façon profonde la crise d’Israël, ne donna aucun gage à l’anarchie, même colorée d’un prétexte patriotique. Le manifeste chrétien de cette heure solennelle fut un discours attribué à Jésus[66], espèce d’Apocalypse, rattachée peut-être à quelques paroles en effet prononcées par le maître, et qui expliquait les liens de la catastrophe finale, désormais tenue pour très-prochaine, avec la situation politique que l’on traversait. Ce n’est que plus tard, après le siège, que le morceau entier fut écrit ; mais certains mots qu’on y place dans la bouche de Jésus se rapportent au moment où nous sommes arrivés. « Quand vous verrez l’abomination de la désolation dont a parlé le prophète Daniel[67], établie dans le lieu saint (que le lecteur ici comprenne[68] !), alors, que ceux qui sont en Judée fuient dans les montagnes ; que celui qui est sur le toit ne descende pas dans sa maison pour prendre quelque chose ; que celui qui est aux champs ne revienne pas chez lui chercher sa tunique. Malheur aux femmes qui porteront dans leur sein ou qui nourriront en ces jours-là ! Et priez pour que votre fuite n’ait pas lieu en hiver ou le jour du sabbat ; car il y aura alors une tribulation comme il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à présent et comme il n’y en aura plus. »

D’autres apocalypses du même genre circulèrent, ce semble, sous le nom d’Hénoch, et offraient avec le discours prêté à Jésus des croisements singuliers. Dans l’une d’elles, la Sagesse divine, introduite comme un personnage prophétique, reprochait au peuple ses crimes, ses meurtres de prophètes, la dureté de son cœur[69]. Des fragments qu’on en peut supposer conservés paraissent faire allusion au meurtre de Zacharie, fils de Baruch[70]. Il y était aussi question d’un « comble du scandale[71] », qui serait le plus haut degré d’horreur où la malice humaine pût s’élever, et qui paraît bien être la profanation du temple par les zélotes. Tant de monstruosités prouvaient que la venue du bien-aimé était proche et que la vengeance des justes ne se ferait pas attendre. Les fidèles judéo-chrétiens, en particulier, tenaient encore trop au temple pour qu’un tel sacrilège ne les remplît pas d’épouvante. On n’avait rien vu de pareil depuis Nabuchodonosor.

Toute la famille de Jésus pensa qu’il était temps de fuir. Le meurtre de Jacques avait déjà fort affaibli les liens des chrétiens de Jérusalem avec l’orthodoxie juive ; le divorce entre l’Église et la Synagogue se préparait chaque jour. La haine des Juifs contre les pieux sectaires, n’étant plus retenue par la légalité romaine, amena sans doute plus d’un acte violent[72]. La vie des saintes gens qui avaient pour habitude de demeurer dans les parvis et d’y faire leurs dévotions était d’ailleurs fort troublée, depuis que les zélotes avaient transformé le temple en une place d’armes et l’avaient souillé par des assassinats. Quelques-uns se laissaient aller à dire que le nom qui convenait à la ville ainsi profanée n’était plus celui de Sion, mais celui de Sodome, et que la situation des vrais israélites y ressemblait à celle de leurs ancêtres captifs en Égypte[73].

Le départ semble avoir été décidé dans les premiers mois de 68[74]. Pour donner plus d’autorité à cette résolution, on répandit le bruit que les principaux de la communauté avaient reçu à cet égard une révélation ; selon quelques-uns, cette révélation s’était faite par le ministère d’un ange[75]. Il est probable que tous se rendirent à l’appel des chefs et qu’aucun des frères ne resta dans la ville, qu’un instinct très-juste leur montrait comme vouée à l’extermination.

Des indices portent à croire que la fuite de la troupe pacifique ne s’opéra pas sans danger. Les Juifs, à ce qu’il paraît, la poursuivirent[76] ; les terroristes, en effet, exerçaient une surveillance active sur les chemins, et tuaient comme traîtres tous ceux qui cherchaient à s’échapper, à moins qu’ils ne pussent verser une forte rançon[77]. Une circonstance qui ne nous est indiquée qu’à mots couverts sauva les fuyards : « Le dragon vomit après la femme (l’Église de Jérusalem) un fleuve pour l’emporter et la noyer ; mais la terre aida la femme, ouvrit sa bouche et but le fleuve que le dragon avait lancé derrière elle, et le dragon fut rempli de colère contre la femme[78] » Peut-être les zélotes[79] essayèrent-ils de jeter la troupe sainte dans le Jourdain, et celle-ci réussit-elle à passer le fleuve par un endroit où l’eau était basse ; peut-être l’escouade envoyée pour l’atteindre s’égara-t-elle et perdit-elle ainsi la piste de ceux qu’elle poursuivait.

Le lieu choisi par les chefs de la communauté pour servir d’asile principal à l’Église fugitive fut Pella[80], une des villes de la Décapole, située près de la rive gauche du Jourdain, dans un site admirable, dominant d’un côté toute la plaine du Ghor, de l’autre des précipices, au fond desquels roule un torrent[81]. On ne pouvait faire un choix plus raisonnable. La Judée, l’Idumée, la Pérée, la Galilée appartenaient à l’insurrection ; la Samarie et la côte étaient profondément troublées par la guerre ; Scythopolis et Pella se trouvaient ainsi les deux villes neutres les plus rapprochées de Jérusalem. Pella, par sa position au delà du Jourdain, devait offrir bien plus de tranquillité que Scythopolis[82], devenue l’une des places d’armes des Romains. Pella fut une cité libre, comme toutes les places de la Décapole ; mais il semble qu’elle s’était donnée à Agrippa II. S’y réfugier, c’était avouer hautement l’horreur de la révolte. L’importance de la ville datait de la conquête macédonienne. Une colonie de vétérans d’Alexandre y fut établie, et changea le nom sémitique du lieu en un autre nom, qui rappelait aux vieux soldats leur patrie[83]. Pella fut prise par Alexandre Jannée ; les Grecs qui l’habitaient refusèrent de se laisser circoncire, et souffrirent beaucoup du fanatisme juif[84]. Sans doute, la population païenne y avait repris ses racines ; car, dans les massacres de 66, Pella figure comme une ville des Syriens, et se voit de nouveau saccagée par les Juifs[85]. Ce fut dans cette ville anti-juive que l’Église de Jérusalem eut sa retraite durant les horreurs du siège. Elle s’y trouva bien, et regarda ce séjour tranquille comme un lieu sûr, comme un désert que Dieu lui avait préparé pour attendre en repos, loin des agitations des hommes, l’heure de l’apparition de Jésus. La communauté vécut de ses épargnes ; on crut que Dieu lui-même prenait soin de la nourrir[86], et plusieurs virent dans un pareil sort, si différent de celui des juifs, un miracle que les prophètes avaient prédit[87]. Sans doute les chrétiens de Galilée, de leur côté, avaient passé à l’orient du Jourdain et du lac, dans la Batanée et la Gaulonitide. De la sorte, les terres d’Agrippa II furent un pays d’adoption pour les judéo-chrétiens de Palestine. Ce qui donna une rare importance à cette chrétienté réfugiée, c’est qu’elle emmenait avec elle les restes de la famille de Jésus, entourés du plus profond respect et désignés en grec par le nom de desposyni, « les proches du Maître[88] ». Nous verrons bientôt, en effet, la chrétienté transjordanique continuer l’ébionisme, c’est-à-dire la tradition même de la parole de Jésus[89]. Les Évangiles synoptiques naîtront d’elle.

  1. « Omnium æmulus qui quoquo modo animum vulgi moverent. » Suétone, Néron, 53.
  2. Tacite, Ann., XV, 49.
  3. Cupitor incredibilium. Tacite, Ann., XV, 42.
  4. Les centurions qu’il envoya paraissent avoir remonté jusqu’aux grands lacs. Sénèque, Quæst. nat., VI, 8.
  5. Voir l’inscription de Larisse, Acad. des inscr., séance du ler juillet 1870. Voir aussi Rev. arch., juillet-août 1872, p. 109 et suiv.
  6. Voir Comptes rendus de l’Acad. des inscr., 1872, p. 114 et suiv. Cf. Dion Cassius, LXIII, 8, 20, 21.
  7. Suétone, Néron, 6, 7, 20, 22, 40, 41, 42, 44, 47 ; Dion Cassius, LXIII, 26, 27 ; Eusèbe, Chron., à l’année 64 ; Carmina sibyll., V, 140-141.
  8. Tacite, Ann., XVI, 22 ; Dion Cassius, LXII, 26.
  9. Dion Cassius, LXIII, 6.
  10. Suétone, Néron, 53.
  11. Dion Cassius, LXIII, 1, 8 et suiv. ; Suétone, Néron, 21-24, 53.
  12. Jos., B. J., proœm., 8 ; II, xli, 1 ; III, i ; Suétone, Vesp., 4 ; Tacite, Hist., V, 10.
  13. Jos., Vita, 4.
  14. Jos., B. J., II, xx, 1 ; Vita, 6.
  15. Mechilta sur Exode, xx, 22 ; Talm. de Bab., Gittin, 56 a et b ; Aboth derabbi Nathan, c. iv ; Midrasch rabba sur Koh., vii, 11 et sur Eka, i, 5.
  16. Derenbourg, Hist. de la Pal., p. 288.
  17. Jos., B. J., II, xx, 2 ; Vita, 6.
  18. Josèphe, Vita, 5.
  19. Josèphe, Vita, 38.
  20. Jos., B. J., IV, iii, 7.
  21. Jos., B. J., II, xx, 3 et suiv. ; xxii, 1 ; Vita, 7, en observant que Josèphe cherche à dissimuler la part qu’il prit à la révolution et se fait après coup plus modéré qu’il ne fut.
  22. Jos., B. J., II, xxi, 1.
  23. Josèphe, B. J., proœm., 2 ; VI, vi, 2 ; Dion Cassius, LXVI, 4.
  24. La même idée domine dans l’Apocalypse. Voir ci-après, p. 434 et suiv.
  25. Apoc., ix, 14-21 ; xvi, 12-16. Cf. Jos., B. J., VI, vi, 2.
  26. Ch. xc, 19 (Dillmann) ; lxxxix, 27-28 (anc. div.).
  27. Il est extrêmement difficile de distinguer, dans la numismatique juive, les pièces qui appartiennent à la première révolte de celles qui appartiennent à la seconde, et même de celles qui appartiennent à la révolte des Macchabées. Voir Madden, History of jewish coinage, p. 154 et suiv., qui résument tous les travaux antérieurs. Madden adopte en général les hypothèses de Levy, sujettes elles-mêmes aux plus grands doutes. Il est à craindre que ces doutes ne soient toujours insolubles ; car il se peut que, dans la première révolte, on ait contrefait des monnaies asmonéennes, et que, dans la seconde, on ait contrefait des monnaies de la première. Toute pièce portant l’effigie du temple, ou datée « de la liberté de Jérusalem » ou « de la liberté de Sion », est de la première révolte ou faite à l’imitation d’une pièce de la première révolte ; la seconde révolte, en effet, ne fut jamais maîtresse de Jérusalem. Il ne semble pas que, lors de la première révolte, on ait surfrappé la monnaie romaine, comme on fit à la seconde (Madden, p. 171, 176, 203-205).
  28. Madden, p. 164, 173-174, 180.
  29. Éléazar, fils de Simon, et Simon, fils de Gioras. On n’a pas la certitude que Jean de Gischala ait battu monnaie (Madden, p. 182). C’est à tort qu’on attribue des monnaies à Hanan et à Siméon ben Gamaliel. Ce dernier ne fut qu’un bourgeois, un docteur très-considéré, et n’eut rien des attributs de la souveraineté. Derenbourg, Hist. de la Pal., p. 270, 271, 286, 423-424.
  30. Madden, p. 156, 161 et suiv. Cf. Josèphe, B. J., II, xx, 3.
  31. Tosiphtha Maaser scheni, i ; Talmud de Jérusalem, même traité, i, 2 ; Talm. de Bab., Baba kama, 97 b ; Bechoroth, 50 a ; Aboda zara, 52 b. Cf. Levy, Gesch. der jüd. Münzen, p. 126 et suiv.
  32. Jos., B. J., II, xxii, 1.
  33. La langue des inscriptions nabatéennes est le syriaque ; mais les noms propres qu’on y trouve sont arabes, Obéis, Jamer, etc.
  34. Pays situé sur les confins de la Judée et de la Samarie.
  35. Jos., B. J., II, xxii, 2 ; IV, ix, 3 et suiv.
  36. Jos., B. J., II, xx, 5-xxi ; Vita, 8 et suiv.
  37. Jos., B. J., VII, iii, 3-4.
  38. Aujourd’hui Jéfat, ou Tell Jéfat, ou Tell Djeftah. Cf. Schultz, dans la Zeitschrift der d. m. G., 1849, p. 49 et suiv., 59 et suiv., 61 ; Ritter, XVI, p. 764 et suiv. ; Robinson, III, p. 105 et suiv. ; Aug. Parent, Siège de Jotapata (1866), p. 3 et suiv. ; Neubauer, Géogr. du Talmud, p. 193, 203-204. Le Gopatata de Reland est une faute de copiste ; Iftah-el de Josué n’a rien à faire ici.
  39. V. les Apôtres, p. 235, note 4.
  40. Jos., B. J., III, x, 10 ; Lucien ou plutôt Philostrate, Nero seu de isthmo perfodiendo, 3. Notez la préoccupation de ce percement chez les Sibyllins, V, 32, 138, 217 ; VIII, 155 ; XII, 84. Cf. Philostrate, Apoll., V, 19.
  41. Vita, 38, 39 (explication bien peu admissible des défiances qu’il inspire aux hommes les plus autorisés de Jérusalem). Juste de Tibériade était trés-défavorable à Josèphe (Vita, 65).
  42. Jos., B. J., III-IV, ii ; Vita, 65, 74-75 (en faisant très-large la part de la vanité de Josèphe) ; Tacite, Hist., V. 10.
  43. Il est remarquable que Barabbas, présenté par l’Évangile de Marc, xv, 7, comme un sicaire politique ou religieux, est qualifié λῃστής dans Jean, xviii, 4. Se rappeler les Vendéens, les « brigands de la Loire », et jusqu’à un certain point les volontaires de la révolution française, en observant que Josèphe, par lequel nous savons toute cette histoire, est une espèce de Dumouriez. Sa partialité contre ses adversaires politiques éclate sans cesse. Si on voulait le croire, les boute-feu n’eussent été qu’une poignée de misérables, ne répondant à aucun sentiment national. Tacite et Dion Cassius présentent tout autrement les choses. Selon eux, c’est bien la nation qui fut fanatisée. Il est clair que Josèphe veut atténuer aux yeux des Romains la faute que ses compatriotes ont commise, et croit les excuser en diminuant le courage et le patriotisme qu’ils montrèrent. Il faut se rappeler, en outre, que l’histoire de la guerre des Juifs subit la censure de Titus, et reçut le visa d’Agrippa II. Josèphe, du moins, le prétend (Vita, 65).
  44. Une dynastie n’est elle-même au fond qu’un terrorisme permanent et réglé.
  45. Voir en particulier ce qui se passa dans Tibériade. Jos., B. J., III, ix, 7-8 ; Vita, 65. Le fanatisme musulman est de même, dans la plupart des cas, le fait d’une minorité, qui domine toute une population.
  46. Οἱ μέτριοι, comme les appelle quelquefois Josèphe.
  47. Ce nom de « zélote » (hébr. kanna) avait été jusque-là pris en bonne part. Ce furent les terroristes du temps de la révolte qui se l’appliquèrent, et le rendirent de la sorte synonyme de sicaire. (Jos., B. J., IV, iii, 9 ; VIII, viii, 1.) Sur le nom de « sicaires » dans le Talmud, voir Derenbourg, p. 279, 281, 285, 475-478. Cf. Josèphe, B. J., II, xiii, 3 ; Ant., XX, viii, 5.
  48. Jos., B. J., IV, iii, 6.
  49. Tosiphtha Ioma, i ; Sifra, sur Lévit., xxi, 10 ; Tanhouma, 48 a.
  50. Jos., B. J., IV, v, 2.
  51. Comp, Ant., XX, ix, 1, et B. J., IV, v, 2. Il y a dans ces passages quelque contradiction. Nul doute cependant qu’il ne s’agisse du même personnage (cf. B. J., IV, iii, 9).
  52. Jos., B. J., IV, iii-v, 2.
  53. Jean, xi, 48-50 ; xviii, 14.
  54. Néhémie, xiii, 4 et suiv.
  55. Anecdote sur Schemaïa et Abtalion : Talmud de Babylone, Ioma, 71 b.
  56. Strabon, XVI, ii, 37, 40. Strabon tenait ses renseignements d’un juif libéral, opposé au sacerdoce et au pouvoir temporel. Sa phrase rend très-bien les deux sentiments contraires qu’éprouvait un juif démocrate envers le temple : … ὡς τυραννεῖον βδελυττομένων …, ὡς ἱερὸν σεμνυνόντων καὶ σεϐομένων.
  57. Pour l’impression que cette fureur de guerre civile causa sur les Romains, voir Pline, Hist. nat., XII, xxv (54).
  58. Jos., B. J., IV, v, 3-vii, 3.
  59. Matth., xxiii, 34-36. Voyez cependant Vie de Jésus, 13e édit., p. 366.
  60. חבלי המשיח, ὠδῖνες. — Πάντα δὲ ταῦτα ἀρχὴ ὠδίνων. Matth., xxiv, 8 ; Marc, xiii, 8.
  61. Matth., xxiv, 4 et suiv. Cf. Matth., vii, 15.
  62. Act., v, 36-37 ; viii, 9-10 ; xxi, 38 ; Jos., Ant., XX, v, 1 ; viii, 6 ; B. J., II, xiii, 5 ; VII, xi.
  63. Matth., xxiv, 4-5, 11, 23-26. La circonstance ἐν ἐρήμῳ (v. 26) semble faire allusion à des séducteurs zélotes.
  64. Matth., xxiv, 4-5 ; Marc, xiii, ; 5-6. Un des apôtres est qualifié de ζηλωτής (Luc, vi, 15 ; Act., i, 13) ou καναναῖος = kanna (Matth., x, 4 ; Marc, iii, 18).
  65. Matth., xxiv, 10, 12.
  66. Ce beau morceau, formant une pièce à part, nous a été conservé dans Matth., xxiv, et dans Marc, xiii. Luc a modifié ses originaux, ici comme d’ordinaire (xix, 43-44 ; xxi, 20-36). Comp. Assomption de Moïse, c. 8, 10.
  67. Dan., ix, 27 ; xi, 31 ; xii, 11, dans la traduction grecque. Quel que soit le sens du passage hébreu de Daniel, l’expression grecque βδέλυγμα τῆς ἐρημώσεως indiquait certainement pour les lecteurs du premier siècle de notre ère une profanation du temple. Comp Matth., xxiv, 15 ; Marc, xiii, 14 ; I Macch., i, 54. Ἑστός ou ἑστήκοτα de Matthieu et Marc conduiraient à l’idée d’une statue ; mais c’est gratuitement qu’on a supposé que Titus dressa une statue sur l’emplacement du temple ; en outre, il s’agit ici d’une profanation antérieure à la prise de la ville par Titus, comme cela résulte évidemment, et des passages synoptiques précités, et de la fin du paragraphe Jos., B. J., IV, vi, 3. Les prophéties dont Josèphe parle vaguement en cet endroit paraissent être celles du βδέλυγμα τῆς ἐρημώσεως. En tout cas, ce passage montre que la profanation commise par les zélotes et la destruction de la ville étaient regardées comme deux choses inséparables.
  68. Phrase familière aux Apocalypses.
  69. Épître de Barnabé, c. iv, xvi (d’après le Codex sinaïticus) ; Luc, xi, 49. Voir Vie de Jésus, 13e édit., p. xiv, xlii, lv note, 40 note, 366.
  70. Il est vrai que les Évangiles portent « Zacharie, fils de Barachie », et il peut y avoir là une confusion avec Zacharie, fils de Joïada. Voir Vie de Jésus, 13e édit., p. 366.
  71. Τὸ τέλειον σκάνδαλον ἤγγικεν, περὶ οὗ γέγραπται, ὡς Ἐνὼχ λέγει· εἰς τοῦτο γὰρ ὁ δεσπότης συντέτμηκεν τοὺς καιροὺς καὶ τὰς ἡμέρας, ἵνα ταχύνῃ ὁ ἠγαπημένος αὐτοῦ καὶ ἐπὶ τὴν κληρονομίαν ἥξῃ. Barnabé, c. iv (d’après le Sin.). Ce passage ne se trouve pas dans le livre d’Hénoch que nous connaissons. Comparez, au contraire, Matth., xxiv, 22.
  72. Eusèbe, Hist. eccl., III, v, 2 (faible autorité).
  73. Apoc., xi, 8.
  74. Matth., xxiv, 15 et suiv. ; Marc, xiii, 14 et suiv. Marc, xiii, 7, prouve que la fuite n’eut pas lieu dès le commencement de la guerre. Luc, xxi, 20-21, est peu concordant avec les passages précités de Matthieu et de Marc, et sûrement de bien moindre autorité. Luc rattache l’ordre de la fuite au moment où la ville sera entourée de lignes de circonvallation ; mais il aurait été trop tard pour fuir quand la ville eût été κυκλουμένη ὑπὸ στρατοπέδων. Cf. Luc, xix, 43-44. Enfin, ce qui est décisif, l’Apocalypse, à la fin de 68 ou au commencement de 69, suppose que la fuite a déjà eu lieu (xii, 6, 13-17). Comparez Eusèbe, Hist. eccl., III, 5 (πρὸ τοῦ πολέμου, vague) ; Épiph., hær. xxix, 7 (ἐπειδὴ ἤμελλε τὰ Ἱεροσόλυμα πάσχειν πολιορκίαν, vient de Luc, xxi, 20) ; xxx, 2 ; De mensuris et ponderibus, 15 (ἡνίκα ἔμελλεν ἡ πόλις ἁλίσκεσθαι ὑπὸ τῶν Ῥωμαίων…, τῆς πόλεως μελλούσης ἄρδην ἀπόλλυσθαι).
  75. Κατά τινα χρησμὸν τοῖς αὐτόθι δοκίμοις δι’ἀποκαλύψεως ἐκδοθέντα (Eusèbe, H. E., III, 5) ; προεχρηματίσθησαν ὑπὸ ἀγγέλου (saint Épiph., De mensuris, 15). La phrase d’Épiphane (hær. xxix, 7), Χριστοῦ φήσαντος καταλεῖψαι τὰ Ἱεροσόλυμα καὶ ἀναχωρῆσαι, ἐπειδὴ ἤμελλε πάσχειν πολιορκίαν, peut s’entendre d’un ordre du Christ qu’on supposerait donné avant le départ, ou se rapporter à Luc, xxi, 20. Cependant, dans ce second cas, il faudrait μελλήσει ou μελλήσειε. Le passage du De mensuris, d’ailleurs, n’admet que le premier sens.
  76. Apoc., xii, 13, 15.
  77. Jos., B. J., IV, vii, 3.
  78. Apoc., xii, 15-16.
  79. Le dragon, à cet endroit de l’Apocalypse, figure le génie du mal, tantôt représenté par la puissance romaine, tantôt par les sicaires de Jérusalem. Il est peu probable que la mésaventure des fugitifs soit venue des Romains.
  80. Aujourd’hui Fahl ou Tabakât Fahil. V. Ritter, Erdkunde, XV, p. 786, 1003, 1025 et suiv. ; Robinson, III, p. 320 et suiv., carte de Van de Velde. Comp. les passages d’Eusèbe et de saint Épiphane, précités. Une des victoires qui assurèrent aux musulmans la possession de la Syrie se livra en cet endroit.
  81. Irby et Mangles, Travels, p. 304-305 (Londres, 1823) ; Robinson, l. c.
  82. V. Menke, Bibelatlas, no 5.
  83. Georges le Syncelle, p. 274, Paris. Apamée fut appelée Pella pour la même raison. Strabon, XVI, ii, 10. On donna à notre Pella le surnom de « riche en eau » (Pline, V, 18), pour la distinguer de ses homonymes.
  84. Jos., Ant., XIII, xv, 4.
  85. Jos., B. J., II, xviii, 1 ; III, iii, 5.
  86. Apoc., xii, 6, 14.
  87. Eusèbe, Demonstr. evang., VI, 18.
  88. Δεσπόσυνοι. Eus., H. E., I, vii, 14.
  89. Épiph., hær. xxix, 7 ; xxx, 2.