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L’Arc d’Ulysse/L’Ancêtre de Vard

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L’Arc d’UlysseÉditions Georges Crès et Co (p. 20-23).

L’ANCÊTRE DE VARD

(Hommage au poète d’Aubevoye).
I

L’aïeul Gallois fut un de ces rudes archers
Que le Plantagenêt contre nos vieilles bandes,
Par le val angevin et la plaine normande,
Alliés peu sûrs, ruait de leurs âpres rochers.

Chasseur d’aigles, promu chasseur de gentilshommes,
Il envoyait sa flèche au défaut de l’armet
Téter le cou du Comte, et le Comte pâmait.
Et les têtes de ducs roulaient comme des pommes.

Il était haut perché sous son casque de cuir.
Sa jambe héronnière et gantée au plus juste
Faisait valoir l’ampleur de l’épaule et du buste.
Il regardait les rois tourner bride et s’enfuir.

Qu’aille au Saxon le gain de la victoire fourbe ;
Mais pour l’Archer l’image émouvante des bras
Qui battent l’air, les grands chevaux cabrés là-bas,
Et les roses de sang éclatant aux cols courbes.

Il déchaîne comme un poète, comme un dieu,
Par le vouloir du fer et des jets de pensée
Les drames irrités d’une vive Odyssée.
Il ouvre les Enfers au héros furieux.

L’Arc est fée, où du bois qui plie, et de la corde
Qui tremble, cela fait la Conquête, la Mort,
La ville à sac, le blason neuf, le fief du Lord,
L’histoire, ce donjon où s’engouffre la horde.

Mais cela fait aussi le pied de l’étranger
Sur les Aïeux. Il songe aux anciennes tueries,
À Clamorgan, aux caps brumeux, où la Cambrie
Se lamente au frisson de ses bouleaux légers.

La Gaule est à son tour une proie héroïque ;
Est-ce à lui de brûler le chaume et le castel ?
De tuer dans des yeux si fiers et fraternels
La liberté gauloise avec ses mains celtiques ?

II

Il guerroyait alors vers le Château-Gaillard,
Qui gonflant puissamment ses crêtes érectiles,
Gardait à Normandie et le fleuve et les îles.
La trompe d’un hérault sonna sur le rempart.

Elle annonçait la trêve et criait les consignes.
D’un rire rauque, aigu comme un hennissement,
L’archer dans l’air joyeux dispersant son tourment,
Dévalla des coteaux alors plantés de vignes.

L’innocence de l’air riait dans les roseaux.
Et la Cambrie en lui se tut, diminuée
Par l’ombre ardente, où claire et chastement nouée,
Une fille chantait en tournant ses fuseaux.

La Normande asservit sous sa grâce limpide
La voix d’airain et les yeux noirs de l’étranger,
Qui garda de la guerre au milieu des bergers
Un nom anglais sonore et sa face intrépide.

III

Le long corps du Gallois nourrit l’herbe et les joncs.
Puis les tours, dont Richard bâtit l’orgueil revêche,
Croulèrent, pans de murs troués de larges brèches.
La race du vaillant survécut au Donjon.

Elle dure en des fils anxieux, que tourmente
Le dérisoire honneur du grand Arc lumineux
Dans leur main secourable et indigente. En eux
La brumeuse patrie appelle et se lamente.

Après le mufle obscène on voit le mufle couard
Fuir leurs verbes ailés et leurs flèches vermeilles.
Mais leur pauvre jardin est aimé des abeilles,
Dont le peuple guerrier bruit comme des dards.

Ils graissent les wagons avec des mains royales.
Ah ! Vard, le fer te fut moins dur que le goujat.
Mais le sombre artisan que le jour outragea,
La nuit blanche l’apaise à ses clartés loyales.

Un doux fantôme advole et berce en son giron
Cette tête dolente et farouche, sculptée
Dans le buis, lion noir aux mèches révoltées.
— Hier tu te refusas, est-ce toi, Risetton ?

Et les Bardes Gaëls ont leur tour : « Soit bénie
« Ta main chère à la harpe, ô fils du vieil archer,
« Qui de l’arc sanguinaire as la corde arraché
« Pour qu’au luth elle sonne une mâle harmonie. »