L’Arc d’Ulysse/Pour la tombe d’un poète tué par ses frères

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POUR LA TOMBE D’UN POÈTE
TUÉ PAR SES FRÈRES

Tu foules un poète, ô passant, et, tu vois,
Nul laurier n’a pitié de cette tombe obscure.
En mémoire du Chant, nul relief ne figure
Ou l’orgueilleuse lyre ou l’agreste hautbois.

Cy-gît un cœur vaillant ! Dans cette mâle voix
La fierté des aïeux enflait un grand murmure ;
Mais sur la Terre-aux-beaux-Vergers la race est dure ;
Il mourut sans couronne, et c’est mourir deux fois.

En Christ harmonieux il allait vers ses frères,
Mais leur dague a puni l’extase téméraire.
Il se tut, son doux lied écrasé sur ses dents.

Ne mesure donc pas son œuvre, mais son âme ;
Et si tu veux marquer le crime et l’instrument,
Grave sur cette pierre une traîtresse lame.


13 septembre 1913.