L’Aryen, son rôle social/06
CHAPITRE SIXIÈME
Psychologie de race. — Tout homme a dans le visage des traits qui sont à lui, et ne permettent point de le confondre avec un autre. De même il a sa psychologie, qui est sienne. Cependant quant au corps et quant à l’esprit cet homme, synthèse d’une infinité d’ancêtres, se laisse grouper dans une catégorie. S’il ne représente point un type précis, au moins peut-on dire à quelles races il se rattache, comme produit complexe et approché. Ce classement est plus facile à faire pour le corps, les instruments et les yeux concourent à nous aider. Pour la mentalité l’entreprise est plus délicate, et cependant chaque race, disons plus, chaque catégorie humaine possède un faciès psychique qui lui est propre.
La psychologie de race est peu avancée. Ce retard tient à bien des causes. D’abord à l’erreur fondamentale sur la nature humaine. L’Église et les philosophes ont toujours regardé l’homme comme un être à part, distinct de tout animal et identique au fond dans tous ses exemplaires. Pour retrouver une notion plus sensée, il faudrait remonter jusqu’à la sagesse antique. La philosophie du xviiie siècle, la plus riche en erreurs qui fut jamais, a exagéré plus que l’Église elle-même le dogme de l’identité fondamentale. Que vous preniez Condillac ou Kant, la psychologie est toujours celle de l’individu supposée toujours identique. En ce temps, les plus habile croyaient à l’homme en soi, et spéculaient sur cette fiction.
La connaissance des origines humaines a rejeté toutes ces imaginations dans le néant. Je ne veux pas dire qu’elles ne soient plus enseignées ! Oh ! non, les préjugés ont la vie d’autant plus dure qu’ils sont plus surannés. Estampillées du cachet officiel, devenues la base des institutions modernes, les rêveries des philosophes de l’autre siècle sont désormais sacrées pour tout le troupeau des esprits dociles. En comptant bien, nous trouverions en France deux, qui sait ! peut-être trois philosophes faisant de la psychologie scientifique, et je regrette, pour la dignité humaine, d’avoir à dire qu’en dehors du pays de Jean-Jacques et de Diderot, la situation n’est pas partout bien meilleure.
Évoluée de la psychologie animale, par un procès lent et infiniment varié, la psychologie de l’homme s’est formée, se forme et devient sans cesse. Les causes qui ont agi sur les ancêtres des divers groupes d’hommes ne sont point les mêmes, si l’on en excepte quelques-unes, très générales. Chacun de nous venant au monde apporte sa mentalité à lui, qui est sienne, mais qui est la synthèse d’un nombre infini de mentalités ancestrales. Ce qui pense et agit en lui, c’est l’innombrable légion des aïeux couchés sous terre, c’est tout ce qui a senti, pensé, voulu dans la lignée infinie, bifurquée à chaque génération, qui rattache l’individu, au travers de millions d’années et par des milliards innombrables d’ancêtres, aux premiers grumeaux de matière vivante qui se sont reproduits.
À cette puissance infinie des ancêtres, l’homme ne peut se soustraire. Il ne peut changer les traits de son visage, il ne peut davantage effacer de son âme les tendances qui le font penser, agir comme les ancêtres ont agi et pensé. L’instrument qui pense est fait chez lui d’une certaine façon, qui n’est point la même chez une race différente. Ce n’est point que les sensations ou la mémoire des actes accomplis par les ancêtres persistent. L’hérédité des caractères acquis, si limitée dans le domaine physique, est tout à fait sans vraisemblance dans le domaine psychique, mais les sélections ont éliminé dans le passé une infinité d’individus, morts sans descendance, et la psychologie des vivants est celle des ancêtres qui ont pu survivre.
Les caractères psychiques des races se sont donc formés comme les caractères physiques, par la survivance exclusive des individus doués de certaine façon, et la psychologie de race domine celle de l’individu, qui est une résultante. C’est là une notion fondamentale du monisme darwinien, et la contrepartie du rêve de l’âme vierge, forgé par les philosophes.
La psychologie de race pourra s’étudier par les méthodes physiologiques. Il faudra dans ce but, quand la connaissance de la psychophysiologie sera plus avancée, inventer des méthodes analogues à celles que les anthropologistes emploient pour dégager des observations individuelles les caractères ethniques de la masse. Cette étude de précision ne sera pas l’œuvre de la génération qui vit. Bornons-nous à des aperçus généraux, à des traits saillants de la manière d’agir et de penser, surtout de la manière d’agir, car l’importance sociale de l’acte l’emporte infiniment sur celle de la spéculation[1].
Distinguer dans les actes de l’individu ce qui lui est dicté par les tendances mentales des ancêtres n’est pas toujours facile. Je ne crois pas beaucoup à la liberté humaine. La conscience n’est assurément pas un état normal de la matière. Il est possible de même que la liberté puisse s’introduire dans nos actions par quelque fente. Son rôle cependant doit être bien modeste, car l’analyse montre toujours des déterminants réels qui sont les tendances propres, la réaction du milieu, et surtout celle des autres individus. Il faut savoir séparer ce qui vient du fonds et ce qui vient des influences extérieures, ou des habitudes acquises sous l’action de ces influences. Il faut aussi ne pas confondre ce qui relève de la psychologie de groupe avec ce qui appartient à la race. En dehors des types psychiques de race nous trouvons des types psychiques sociaux comme celui du prêtre, du soldat, très analogues chez les races les plus diverses. Il est certain que dans des circonstances identiques de milieu, d’éducation, de groupement, le ministre anglais ne pensera pas et n’agira pas comme un moine espagnol ou un sorcier africain. De même le soldat anglais se comportera autrement qu’un Napolitain ou un Javanais. C’est le résidu différentiel qui est du domaine de la psychologie de race, dont l’étude du caractère est, au point de vue de l’anthroposociologie, la partie la plus importante.
La psychologie caractéristique de la race ne se retrouve pas d’une manière nécessaire chez tous les individus, ni à toute heure de la vie de chacun. Il faut tenir compte du nombre infini des causes qui peuvent être des facteurs de perturbation. L’Anglais est flegmatique, c’est l’ordinaire, mais il y a des Anglais très en dehors. Le Napolitain est poltron, et le Juif cupide. Cela n’empêche point qu’il y ait des Juifs très pauvres et volontairement pauvres, et l’on trouverait assurément dans la masse des Napolitains des individus d’une incontestable bravoure. C’est que dans la pratique les individus de race très pure sont presque partout très rares, et nous savons quels sont les effets du croisement. C’est aussi que la psychologie de race est beaucoup plus altérée que la morphologie par la formation en peuples. Quand j’aurai l’occasion d’étudier la nation, je montrerai l’influence profonde, sur la mentalité à venir, d’une sélection subie en commun pendant des siècles. C’est ainsi que les conditions dans lesquelles agit le milieu sur l’individu sont infiniment variées, et les forces en jeu d’une puissance inégale.
Il faut enfin distinguer entre la psychologie individuelle et la psychologie collective. L’individu pense et agit tout autrement quand il fait partie d’un groupement, où les cerveaux subissent une induction réciproque, et quand il est isolé. Pas plus que les individus, les foules de race différente ne réagissent d’une manière semblable dans des circonstances semblables.
Le génie grec et l’esprit barbare. — L’idée même d’évolution exclut celle d’une identité parfaite de la psychologie aryenne dans tous les temps et dans tous les pays. De fait nous ne savons rien de l’état d’âme de l’Europæus primitif, perdu dans les brumes nordiques, et le tableau que nous nous en faisons est une reconstitution du procès évolutif probable dont sorti l’état d’âme de l’Aryen des temps historiques. Nous ne savons guère plus des peuples de l’âge néolithique, et même des premiers temps du bronze. Nous connaissons leur industrie, leurs vases, leurs bijoux, leurs armes, leurs instruments de travail et de culture, nous savons qu’ils avaient déjà des rites religieux, et que la crémation était du nombre chez une partie seulement des peuples aryens, celle d’ailleurs qui paraît avoir été le plus mêlée de brachycéphales. Nous savons qu’ils étaient déjà navigateurs hardis, qu’ils osaient pousser des expéditions plus audacieuses, en raison des moyens du temps, que celles des plus téméraires parmi les modernes, et que leur civilisation, uniforme d’abord, de plus en plus différenciée ensuite dans les pays les plus avancés, s’étendait de la Mer du Nord au Golfe d’Oman, et du Maroc au fond de la Russie. Nous ne pouvons avec ces données reconstituer une psychologie positive. Il faut rester dans l’hypothèse, et je ne crois pas que l’on puisse en sortir.
Les documents les plus anciens qui nous restent sont les poèmes d’Homère, œuvres des temps préhistoriques, revues et mises en ordre à une époque plus récente. Dans le cadre d’une civilisation du premier âge du fer, superposée à celle des Mycéniens, s’agitent des personnages fortement dessinés, qui ressemblent de bien près aux paladins du Moyen Âge. Ces Achéens âpres au butin, grands buveurs, grands mangeurs, querelleurs et chevaleresques, prompts à l’enthousiasme et démoralisés très vite, belliqueux avant tout, et aussi bavards que braves sont les vrais frères des Gaulois historiques et des Français des Romans de Geste. Aryens grisés de soleil, en gestation du génie grec, les héros et leur poète nous donnent une idée grandiose et magnifique de la psychologie de leur race. Jamais depuis les héros n’ont été plus grands, et les poètes n’ont jamais dépassé leur modèle.
Le génie grec non plus n’a jamais été dépassé dans son éclat et sa merveilleuse eurythmie. En deux siècles, un petit coin de terre a produit plus de grands hommes que l’univers entier depuis les temps antiques. Ce génie hellénique, dont la splendeur rayonne encore sur notre monde étriqué par le christianisme, je n’essaierai pas d’en peindre l’universelle et idéale beauté. Ce qui nous reste du culte du beau nous vient de lui tout entier. Nous avons eu en plus des sœurs de charité et des savants, la Grèce n’a eu que des artistes, des penseurs et des poètes, mais ces poètes, ces penseurs et ces artistes restent des modèles qui semblent ne pouvoir être surpassés.
L’évolution du génie hellénique fut prompte. Une race puissamment douée, jetée d’une manière brusque au milieu de la civilisation avancée des Mycéniens, sous un ciel merveilleux dont les rayons font courir la vie et voler la pensée, fut saisie, transformée, brûlée comme de la cire dans un ardent brasier, et si l’éclat fut incomparable, la durée fut courte.
Une des tribus grecques semble avoir craint de se livrer. Elle vécut toujours repliée sur elle-même, soucieuse de conserver la pureté de sa race et de se soustraire à l’influence dissolvante de la civilisation. Les Spartiates restèrent l’expression la plus pure de la race grecque, telle qu’elle fut à son origine. Leur peuple se fit une loi d’exagérer les vertus héroïques et de montrer dans un sens tout différent des Athéniens la merveilleuse valeur de la race. Chez les Athéniens, l’intelligence dans ce qu’elle a de plus élégant, de plus artistique, chez les Spartiates la volonté ferme, constante et froide, l’intensité de caractère la plus haute qui ait jamais été réalisée. Le type psychique de l’Anglo-Saxon se trouve en partie chez le Spartiate, exagéré mais incomplet. Si la sélection militaire n’avait pas eu raison des Spartiates, et s’ils étaient parvenus à devenir maîtres de la Grèce, il est probable qu’après une période de détente, ils auraient fourni au monde antique un peuple réunissant à la fois la tenace volonté romaine et le génie artistique des Grecs.
Il serait imprudent de conclure de ces merveilleux échantillons de la race aryenne, qu’elle fut tout entière faite de pareils hommes pendant les temps antiques. La Grèce nous montre seulement une race d’élite dans un milieu d’exception. La plupart des peuples barbares se débattaient dans des milieux où l’évolution était difficile, et ne pouvaient mettre en usage qu’un petit nombre de leurs qualités. Peut-être a-t-il vécu des Homère dans les forêts de la Germanie, ou dans les marais de la Suède, mais il n’y avait de place chez les barbares ni pour les Aristophane ni pour les Phidias. Ces peuples n’étaient point encore mûrs, et c’est de leur évolution plus longue que leurs descendants semblent avoir tiré une force de résistance, une maturité ferme inconnue de l’antiquité.
Les physionomistes grecs, dans les textes transcrits plus haut (p. 281), semblent établir une corrélation entre le type physique commun avec les barbares et la sauvagerie de caractère, l’indocilité. Ces tendances psychiques étaient pour eux celles des Scythes et des Galates. Strabon, Timagène et Dion (clxiv) donnent un portrait moral plus flatteur des Gaulois. Strabon (iv, 4) les représente comme batailleurs, dépourvus de circonspection, fougueux et fanfarons, amoureux de parures voyantes, mais doués de vertus morales élevées, d’aptitudes intellectuelles remarquables[2]. La facilité avec laquelle les Gaulois épousent les querelles les uns des autres est déjà un premier trait de cette solidarité remarquable qui fait la force des peuples blonds de nos jours. Leur curiosité intense, qui leur fait interroger les voyageurs et entreprendre eux-mêmes de longs voyages, poussés jusqu’en Orient, seulement pour s’instruire, est doublée d’une réelle aptitude pour les arts et les sciences, et de fait la Gaule romanisée se couvrit bientôt d’écoles florissantes. Leur propreté méticuleuse se retrouve en Hollande, en Angleterre, en Scandinavie. Il n’est pas jusqu’à leur ivrognerie remarquable qui ne se figure dans le tableau psychique des peuples dolicho-blonds d’aujourd’hui.
Le portrait des Germains par les écrivains romains n’est pas bien différent. Un seul point, mais important, différencie les caractères. Le Germain est déjà plus réfléchi, plus tenace. Il ne se rebute pas au premier échec et continue l’attaque ou la résistance. Les Romains ne parvinrent jamais à conquérir la Germanie, alors que la Gaule avait succombé en peu d’années. Ce furent au contraire les persévérants efforts des Germains qui eurent raison de l’Empire romain.
Cette différence est-elle due à la plus grande pureté de la race, je le crois. Les Gaulois, comme les Grecs, étaient plus mêlés, et dans leur psychologie l’instabilité fréquente de la mentalité des métis se faisait sentir. Les Spartiates, les plus purs des Grecs, furent aussi les plus fermes dans leurs desseins. Il faut cependant tenir compte de l’influence des milieux. Le Gaulois, comme le Grec, se trouvait placé dans un milieu plus ensoleillé, il subissait la même excitation qu’un Anglais ou un Allemand transporté à Nice ou en Orient. J’ai pu par moi-même observer combien la pensée devient plus lumineuse et l’action plus facile, mais la lassitude plus prompte, en passant du climat du Nord à celui du Midi. Je crois cependant que les défauts du Gaulois, et ceux du Grec, étaient dus à l’évolution encore imparfaite de leur mentalité. Ce sont des défauts d’enfant, qui ont disparu avec la maturité de la race, sous l’influence d’une sélection plus prolongée, de plus en plus dure et plus heureusement dirigée par le cours des évènements.
Évolution mentale de l’Aryen moderne. — L’évolution mentale de l’Aryen moderne s’est faite sous l’influence de deux causes principales de sélection : 1° la nécessité de l’adaptation au travail régulier, intensif ; 2° l’incorporation des individus dans de grandes catégories permanentes, églises, groupes féodaux ou communaux, états centralisés. L’individu est saisi par un engrenage de plus en plus complexe de nécessités économiques et historiques, d’usages et d’institutions consolidées, qui tendent à annihiler l’individualité au bénéfice de la société. Ces causes déterminent des sélections intenses.
Les occupations des primitifs, guerre, chasse et pêche, répondent à des goûts innés, hérités des lointains ancêtres, à des instincts dont la satisfaction cause un plaisir. Ces instincts subsistent encore si bien que beaucoup de civilisés se divertissent à la chasse et à la pêche. Le travail était donc à l’origine récompensé directement par le plaisir, il était de plus intermittent, coupé de périodes de repos, et s’accomplissait, dans une certaine mesure, au temps et de la manière choisis par l’individu.
Les occupations des peuples pasteurs et agricoles sont déjà plus compliquées, moins récréatives, et si elles laissent de larges périodes de repos dans le jour et dans l’année, elles n’en exigent pas moins l’assujettissement à des tâches fixes, accomplies à temps fixé. Certains peuples n’ont jamais pu s’imposer cette contrainte, et ont vécu en contact avec des voisins pasteurs et agriculteurs, sans être séduits par les avantages évidents d’un genre de vie plus sûr et plus rémunéré. Il est à remarquer que chez les plus anciens peuples civilisés, le travail de la terre fut à peu près entièrement exécuté par la main d’œuvre servile. Ce travail n’est pas beaucoup plus dur que la chasse, mais il est monotone, il exige une régularité dans les temps et dans les actes intolérables pour des esprits vifs, indépendants et amoureux de changement. Sans l’institution de l’esclavage, on ne sait dans quelle mesure l’agriculture aurait pu se développer. La plus belle conquête de l’homme ne fut pas le cheval, mais l’esclave, et une longue sélection parmi les individus contraints au travail de la terre est probablement la cause de la formation de races vraiment agricoles. Nous devons nos paysans au colonat romain et au servage du haut Moyen Age, peut-être même à des sélections beaucoup plus anciennes.
Le travail industriel est encore plus dur. Il répond encore moins aux instincts primitifs, car il s’exerce dans un local clos. Il est encore plus monotone, plus régulier. L’attention exigée par certains métiers délicats est minutieuse, et si les muscles travaillent peu, le cerveau travaille davantage. On comprend que les hommes libres aient, tant qu’ils le pouvaient, reculé devant un pareil assujettissement. Aussi voyons-nous chez des paysans comme les Romains l’industrie tout entière entre les mains des esclaves et des femmes, ce qui est à peu près la même chose. Ces esclaves furent, chez les Grecs, des Grecs et des Orientaux ; chez les Romains, le recrutement devint peu à peu plus large, embrassant tout le pourtour de la Méditerranée, la Gaule et une partie de l’Europe centrale. Le recrutement des esclaves, à partir du iie siècle de notre ère, se fit d’une manière à peu près exclusive aux dépens des Bretons et des Germains, les autres peuples en dehors de l’Empire, Sarmates, Parthes et Arabes ne fournissant que peu de prisonniers. La traite amenait aussi quelques nègres et des Indous, mais en faible quantité. Dès cette époque, les esclaves d’origine se faisaient rares, l’affranchissement venait dès la seconde ou troisième génération, et plus d’un ancien barbare, prisonnier d’abord, esclave ensuite, finissait citoyen romain, chevalier, sénateur et consul. On peut donc estimer que les travaux d’art et de construction, les objets fabriqués des deux ou trois derniers siècles de l’Empire, habituelle matière des recherches de nos antiquaires, sont le souvenir matériel des Germains, des Daces et des Goths.
Les affranchis continuaient le plus souvent à exercer leurs métiers, entraient dans les corporations d’ouvriers libres des villes, les collèges innombrables des derniers temps de l’Empire. Ils constituaient, eux et leurs descendants, l’immense majorité des populations urbaines, et furent en partie la source de la classe des artisans du Moyen Âge, de cette petite bourgeoisie remuante qui peuplait les communes. L’institution du servage empêchant la migration des ruraux vers les villes, les deux classes de travailleurs manuels ne se mélangèrent que peu jusqu’à la fin du Moyen Âge, et tandis que la seconde noblesse féodale se recruta presque tout entière parmi les plus vaillants des serfs, les bourgeois firent souche de robins et de fonctionnaires, qui devinrent la noblesse du roi.
Le passage au régime industriel moderne s’est donc fait en Italie et en France par gradations. Dans les régions de la Mer du Nord et de la Baltique, l’évolution fut autre, plus tardive et plus brusque. C’est surtout par importation, et d’une manière assez prompte, que se constituèrent les manufactures d’Angleterre, de Hollande, d’Allemagne. L’Angleterre du Moyen Age avait peu d’industrie, et une agriculture très arriérée. Le vaste territoire britannique comptait au plus trois ou quatre millions d’hommes, peu d’artisans, beaucoup de laboureurs, mais encore plus de gens vivant moitié de la culture, moitié des produits naturels des landes, de la rivière et de la forêt. Le reste des régions habitées par les peuples dolicho-blonds n’était pas plus avancé en comparaison de la France et de l’Italie.
L’adaptation brusque des populations de l’Angleterre, des Flandres, de la Hollande, à une agriculture plus parfaite et à un régime industriel très développé détermina une sélection intense. L’épreuve fut victorieusement subie, et la race montra des aptitudes supérieures.
L’aptitude à la continuité d’effort, qui caractérise les races vraiment supérieures, existait-elle déjà chez la plupart de ces Aryens plus purs, il est difficile de le dire. Il est à remarquer que les captifs des Romains s’étaient promptement adaptés au travail exigé d’eux. C’est un indice en faveur de l’ancienneté relative de l’aptitude. Cette contrainte permanente, nécessaire pour le travail d’artisan, exige une maîtrise de soi remarquable, surtout dans les temps indécis où le régime industriel est encore en formation, et où l’exemple, l’habitude font encore défaut. Se mettre chaque jour au même ouvrage, fixer sans cesse son attention et faire concorder ses mouvements nous parait très naturel, mais il n’en est pas ainsi à l’origine, chez des hommes qu’appelle encore la voix de la nature.
Le développement de l’agriculture, des métiers, de la marine, exerça donc une sélection intense au bénéfice des plus assidus, des plus sobres, des plus attentifs, des plus maîtres de leur caractère et de leur volonté. Je ne crois pas qu’il faille invoquer l’hérédité, du moins dans le sens d’hérédité de l’aptitude acquise. L’individu acquiert, par la pratique, une habitude du travail et une perfection plus grandes, mais il n’y a pas de raison de croire que ses descendants en héritent. L’hérédité des qualités acquises, dans l’ordre physique, est si exceptionnelle, si peu évidente, qu’on est d’accord pour la rejeter, à part certains cas de modifications chimiques générales, intéressant jusqu’au plasma germinatif. En revanche, rien ne s’hérite de ce qui s’apprend, pas même le langage, base la plus rudimentaire de l’éducation.
Je crois que le procès a consisté dans l’élimination des moins aptes, et dans l’extinction de leur race. Cette élimination se poursuit de nos jours, entravée cependant par l’intervention inintelligente de la charité chrétienne. Le résidu de la sélection est l’ouvrier impropre au travail, soit agricole, soit industriel. Les armées de vagabonds qui fuient le travail et vivent en rentiers dans les prisons ou sur les routes, aux dépens des laborieux, ne sont point composées de paresseux en majorité. Il y a des individus très nombreux, aussi honnêtes que d’autres, quelquefois très intelligents, qui sont entièrement dépourvus de la faculté psychique de vouloir travailler. Le moindre effort utile les excède, et deux jours de travail même facile sont une tâche au-dessus de leurs moyens. Les tentatives faites en Amérique pour tirer un parti quelconque de cette classe d’individus sont restées infructueuses. Il n’y a qu’à s’arranger pour les laisser vivre au moindre dommage de la société et à prendre des mesures pour qu’ils n’aient point de postérité. Ce sont des sauvages qu’avec un peu de soin la civilisation pourra finir d’éliminer.
Entre cette catégorie des individus psychologiquement impropres au travail et les travailleurs réguliers existent de nombreuses nuances. Elles répondent aux catégories d’ouvriers intermittents qui peuvent travailler, mais d’une manière discontinue. Ceux-là sont plus difficiles à distinguer des simples fainéants, si la fainéantise elle-même n’est pas une simple inaptitude psychologique au travail compris à la façon moderne. Cet état mental répond assez à celui des nègres et d’autres races inférieures, dont on peut tirer un bon travail par la contrainte, ou par intermittences, mais qui ne font jamais des travailleurs sur le rendement fixe desquels on puisse compter.
Aujourd’hui, qu’il s’agisse de surveiller plusieurs métiers à la fois, marchant avec une vitesse folle au milieu du fracas d’une filature, ou une rangée de ces prodigieuses machines-outils qui avalent des barres de fer et rendent des pièces prêtes à monter, l’ouvrier anglais ou américain est hors de pair pour la continuité absolue de l’attention, l’adresse manuelle et le rendement. De même l’employé de commerce anglais, le fonctionnaire, car si j’ai pris l’ouvrier pour type, c’est précisément pour montrer combien l’évolution est complète, puisqu’elle s’étend jusqu’au bas de l’échelle, d’où partent ceux qui montent vers les échelons les plus élevés.
Il est évident, en effet, que le commerce, l’administration, compris à la manière moderne, étaient encore plus éloignés des aptitudes requises pour l’existence demi-sauvage des Aryens du nord, jusqu’en plein Moyen Age. La formation, ou la détermination des aptitudes a été aussi complète, avec une marche aussi rapide. Le sang-froid, le coup d’œil, l’audace réfléchie, nécessaires dans les affaires publiques et privées, sont au plus haut degré chez les Anglais, les Hollandais, les Américains, les Allemands du Nord et les Scandinaves. Que l’aptitude ait été seulement révélée, ou qu’elle ait été créée de toutes pièces par les nécessités de la lutte pour la vie, la race qui montre aujourd’hui de pareilles qualités était déjà supérieure en puissance. Elle a dépassé en peu de temps les autres dans les voies qu’elles avaient ouvertes. L’autre cause de sélection est celle qui a donné aux différents groupes ethniques de race dolicho-blonde leur physionomie psychique particulière.
L’adoption du christianisme par les peuples de la Grande-Bretagne et de la Germanie a été le point de départ d’une série de sélections que j’ai examinées dans un chapitre du volume précédent de ce cours (Les Sélections sociales, ch. x). L’orientation de cette sélection a été changée au bout de plusieurs siècles par le passage de presque toutes les populations dolicho-blondes au protestantisme, et ce passage a été un grand bien. L’influence du christianisme, non pas en raison des dogmes mais surtout de la morale dangereuse de cette religion, a puissamment agi pour réduire les peuples à l’infériorité. Les dolicho-blonds du nord ont eu le double avantage de passer avec plusieurs siècles de retard sous l’influence de l’Église, et de s’en débarrasser il y a déjà plusieurs siècles. Cet avantage se fait nettement sentir dans la proportion des eugéniques chez les dolicho-blonds et chez les peuples catholiques de l’Europe. La sélection religieuse, en tout cas, est depuis longtemps orientée en sens tout différent dans les pays catholiques et protestants, et l’exemple des Irlandais et des Flamands, dolicho-blonds et catholiques, permet d’apprécier, en les comparant aux Écossais et aux Hollandais, la portée pratique de cette divergence.
Les groupements politiques ont été une autre cause de sélection, portant davantage à la différenciation des peuples dolicho-blonds. Je ne parle pas des groupements en partis, mais de la répartition historique en seigneuries, communes et États.
Si la race zoologique est sous la dépendance nécessaire d’une commune filiation, la race politique, si je puis employer ce terme si absurde, est due au croisement et à la convergence, sous l’action de sélections communes, d’éléments ethniques différents. Le régime féodal et ses formes atténuées ont rendu le grand service d’avoir fixé au sol, d’une manière rigoureuse des populations jusqu’ici à demi nomades. L’œuvre de fixation des populations, accomplie par les Romains sur leur territoire, ne remonte pour les peuples du nord qu’à la fin du Moyen Age. À partir de ce moment les hommes furent étroitement parqués en petits groupes territoriaux, forcés d’évoluer sur place, et les conditions historiques de l’évolution variable à l’infini, malgré la généralité de l’orientation. C’est le cas ordinaire de la formation des nations, modifié par cette condition particulière que les éléments non aryens, très communs dans les autres pays, étaient fort rares dans les régions qui nous occupent.
Réalité biologique de la nation. — Je crois devoir entrer dans quelques détails sur cette question si importante de la convergence des éléments ethniques sous l’influence d’un milieu historique commun, et sur le caractère vraiment réel de la nation, qui semble aujourd’hui à tant d’esprits bourrés de fiction une simple convention, pour ne pas dire une simple formule traditionnelle.
Les nations ne sont pas des sociétés dont on devient membre par élection, ni des associations d’intérêts où l’on entre en prenant une action, et d’où l’on sort comme d’une valeur. Cette manière de voir est celle de la généralité des publicistes, je ne parle pas des politiciens, qui n’en ont guère. Elle est fausse et découle d’idées non moins fausses sur la personnalité humaine, et sur la prédominance des intérêts économiques. Les individus, je le répète, ne sont pas, comme le suppose le christianisme, d’église ou laïque, des unités égales et indépendantes, mais les produits inégaux d’hérédités impérieuses. Les intérêts économiques de la génération présente, même de celle qui viendra aussitôt, sont de peu auprès des intérêts généraux et lointains de la nation, et le sacrifice des uns aux autres, quand il devient nécessaire, doit porter sur les premiers.
Une nation est un ensemble d’individus issus de différentes races, mais unis par des liens complexes de famille, et dont les ancêtres ont historiquement réagi les uns sur les autres, soumis à des sélections communes. Elle comprend les vivants, et des morts plus nombreux, et la postérité jusqu’à la fin des siècles, car la nation, d’une manière nécessaire, prétend à l’éternité et à l’université, c’est-à-dire à rester seule et à couvrir le globe entier de sa descendance.
La nation qui commence à se former comprend des races diverses, en proportion différente, et réparties d’une certaine manière dans la hiérarchie sociale. De ces individus sort peu à peu un groupe plus compact. De génération en génération les lignées se conjuguent, se ramifient et se conjuguent encore à l’infini. La communauté de plasma s’établit dans toute la masse, et il n’est point d’individu qui ne soit un peu parent de tous.
Depuis quinze siècles, par exemple, que la France existe, c’est-à-dire depuis 45 générations, le nombre théorique des ancêtres de chaque contemporain est prodigieux, et celui des parents collatéraux inconcevable. Dès la 20e génération, c’est-à-dire depuis 1200, le nombre des auteurs directs de chaque individu s’élèverait à plus de deux millions, dont la moitié pour cette vingtième génération. Pour la 45e on arrive à 70 milliards environ, dont la moitié représentent les ancêtres au quarante cinquièmes degrés. Ces chiffres impossibles prouvent la prodigieuse répétition des mêmes personnes dans les diverses lignées du même individu, et la plus prodigieuse quantité de familles dans lesquelles il a pris des aïeules. Et si l’on tient compte des parentés en ligne collatérale, par chacun de ces ancêtres, les chiffres deviennent si nombreux que non seulement ils ne disent plus rien, mais qu’on ne peut les aligner !
Or ce feutrage infini des parentés, que l’œuvre de génération a fait, ne s’est guère étendu dans l’espace en dehors de certaines limites. L’apparentage est très intense entre individus du même pays, moindre hors de la province, et très faible avec les étrangers. Les barrières politiques, de plus en plus élevées jusqu’à la frontière de la nation, ont empêché les liens de s’établir.
La nation apparaît ainsi comme une immense famille complexe, limitée par des frontières. Les vivants sont solidaires des morts et ceux-ci de l’avenir. Assurément la plupart de ces liens sont infiniment ténus, sans cesse menacés ou brisés par le travail de la réversion, mais si entrecroisés que la trame reste forte dans l’espace et dans le temps.
Entre tous ces êtres unis, de près ou de loin, par le sang, la communauté des conditions historiques d’évolution a établi des sélections convergentes. Dans chaque circonstance les individus doués de certaine façon, quelle que fût la forme de leur crâne et la composition de leur plasma, ont eu les chances de la reproduction pour eux, ou contre eux, et par suite la convergence psychologique des descendances a tendu à se réaliser. On comprend ainsi comment les tendances de race peuvent être, chez les individus contemporains, modifiées suivant les pays par ces tendances nouvelles, et comment des individus de race zoologique, différente peuvent être dans certains points de leur mentalité, plus rapprochés, s’ils sont compatriotes, que des individus de race identique, dont les ancêtres ont vécu des siècles et des siècles dans un autre milieu de culture.
On comprend aisément combien est absurde, dans ces conditions, l’idée même de naturalisation. C’est un non-sens biologique, et un contre bon sens politique. Fabriquer des Français par décret, des Anglais artificiels ou des Allemands postiches est une des plus belles aberrations du droit. Jadis quand on croyait au grand magasin des limbes, dont l’œuvre de chair déclanchait l’ouverture, comme on déclanche une boîte au tir aux pigeons, on pouvait prendre au sérieux la fiction de la naturalisation. On commence à se rendre compte que cette fiction est contraire à la nature des choses. La puissance publique ne peut pas plus faire d’un étranger un national que changer une femme en homme.
On peut donner à un étranger les droits d’un Français ; s’il a l’esprit fait d’une certaine façon il pourra en user comme un national, mais on n’en fera jamais un Français. Il faudra au moins le sang de deux femmes de notre nation pour que son petit-fils soit dans la famille autre chose qu’un membre adoptif, et, de longues générations durant, ses descendants même issus de françaises, seront des français douteux ou incomplets. C’est la réponse qu’il faut faire aux partisans du renforcement des nations déjà formées, économistes distingués parfois, comme Novicow ou Leroy-Beaulieu, mais étrangers à la notion moderne et positive de la nation. L’admission des étrangers peut détruire en peu de temps une nation mais ne saurait assurer sa perpétuité par le renforcement de son effectif.
La psychologie de race est le facteur fondamental de l’évolution historique, et l’évolution historique facteur de sélections qui modifient lentement la psychologie de race. Et de fait, même dans les pays dolicho-blonds, où l’alliage avec des races différentes a été peu considérable, la psychologie est variable. Entre les Hollandais et les Suédois, les Poméraniens et les Anglais, les Américains et les Australiens, il y a des affinités fondamentales, des caractères généraux communs inhérents à la race mais il existe cependant un esprit américain, hollandais ou allemand, qui a son cachet personnel, et une infinité d’esprits locaux.
Il ne faut pas pousser les choses à l’extrême, et supposer que la déformation de l’esprit de race puisse aller au-delà de certaines limites. Il est rare que cette déformation aille jusqu’à le rendre méconnaissable ; elle se borne à certains éléments de la psychologie, d’une manière variable, mais il reste quelque chose du fonds. C’est ce que démontre l’anthropo-sociologie, dont les résultats prouvent que, malgré les déformations locales, les tendances générales de race subsistent dans les divers pays. Les lois fondamentales établies par cette science se vérifient chez les divers peuples dont la composition ethnique est la même, sans que les frontières y changent les exceptions dues à la convergence portent seulement sur des détails, et c’est une grave erreur de croire, comme jusqu’ici les historiens et les hommes d’état, que l’unification des races puisse devenir complète dans une nation. Cette fusion est aussi impossible au moral qu’au physique. Elle est contraire à des lois biologiques élémentaires, en ce qui concerne les résultats des croisements, et en ce qui concerne la sélection, l’uniformité psychique ne saurait être atteinte sans l’emploi, prolongé pendant des siècles, de procédés artificiels.
Caractères généraux de l’Aryen moderne. — H. Europæus, prenons pour type l’Anglais ou l’Américain, se distingue plutôt par la puissance de la raison et de la volonté que par la promptitude des idées, la facilité d’apprendre ou l’étendue de la mémoire. L’Espagnol ou l’Arabe, l’Indou lui-même ont une prodigieuse volubilité d’idées. Elles se succèdent avec tant de rapidité qu’ils ne peuvent les ordonner, et l’excès, quant aux résultats pratiques, équivaut à l’indigence. Le brachycéphale apprend à merveille, le Chinois a de remarquables facultés d’imitation. Le nègre, tant qu’il est jeune, est un bon écolier, la moyenne des nègres peut arriver à peu près à la même somme d’instruction que nos classes inférieures. Pour tout ce qui est intelligence pure, Europæus ne sort pas beaucoup de la moyenne de l’humanité, il n’a pas de caractères spéciaux. On trouve des sujets très intelligents, d’autres moins, d’autre fort peu, comme dans toutes les races.
Deux choses seulement caractérisent l’intelligence de la race. La capacité de travail intellectuel est remarquable. Europæus résiste à une somme d’heures de travail épuisante, je ne dirai pas pour les races inférieures comme le nègre, si vite lassé, mais même pour les autres races d’Europe. Un Français ou un Italien ne saurait en moyenne égaler la durée quotidienne de travail d’un Allemand, d’un Anglais ou d’un Américain, ni l’intensité de ce travail, ni le rendement. La supériorité de l’ouvrier anglais ou américain se retrouve dans la besogne intellectuelle. L’appareil nerveux est plus puissant, plus résistant. D’autre part l’intelligence est plus souple. Europæus n’éprouve pas de difficulté à rompre ses associations d’idées habituelles, cela est la cause ou l’effet de ses tendances vers quelque chose d’autre, de meilleur ou tout au moins de nouveau.
La raison est froide et juste. Elle calcule tout, calcule bien, et aussi vite qu’il le faut, sans excès de hâte, et sans indécision. C’est une grande force chez l’homme de prendre une décision, la meilleure autant que possible, de n’en point changer sans raison nouvelle, et de le faire sans entêtement et sans amour-propre, quand les conditions ont changé. Ces qualités, l’Aryen les possède au plus haut degré.
Mais la qualité suprême de la race, celle qui la caractérise et la place au-dessus des autres, c’est sa volonté froide, précise, tenace, au-dessus de tous les obstacles. Quand le Français a bien parlé, il croit avoir agi, se trouve fatigué, il se couche. L’Anglais use peu de forces dans la parole, mais il agit, et tant qu’il n’a pas atteint son but, il ne cesse pas d’agir avec calme, avec constance, et toutes les ressources d’un esprit hardi et ingénieux. Cette supériorité dans le caractère n’existe pas au même degré chez l’Irlandais, héritier de la légèreté gauloise et de la mobilité ibérique. Chez l’Américain, Anglais pour trois quarts et Irlandais pour l’autre, la volonté s’associe à une richesse d’imagination plus grande, et se propose des buts qui dépassent en apparence les forces humaines. Cependant cette volonté, surchauffée, devenue ardente, parvient à emporter tous les obstacles, et si une race peut prétendre à réaliser l’impossible, c’est assurément celle des Gallo-Saxons Amérique.
Ce qui fait les races dominatrices, c’est l’aptitude au commandement. Par sa prestance, l’éclair d’acier de ses yeux, sa voix rude, impérieuse, le Gaulois ou le Germain savait impressionner les Grecs et les Romains eux-mêmes. Plus encore l’Aryen moderne, avec les mêmes qualités et une volonté inflexible, sait montrer qu’il est fait pour être maître. Sa race est dominatrice par excellence, et d’une manière si naturelle que les autres s’habituent aisément à être dominées. Il suffit de quelques milliers d’Anglais pour gouverner les Indes, où nous mettrions, nous, un million de fonctionnaires sans parvenir à leur assurer le respect.
Les tendances innées de l’Aryen constituent son véritable faciès psychique. Dans tout ce qu’il fait il met de la hardiesse. L’américanisme n’en est que l’exagération, poussée parfois, en vue de l’épatement du public, jusqu’à l’absurdité. Par ce caractère l’Aryen se distingue nettement de toutes les autres races, et surtout du bon brachycéphale, dont le principal souci est de faire comme les autres. Cette tendance à fouler aux pieds l’esprit grégaire éclate de toutes parts aux États-Unis. Le Canada français, en avance sur nous et d’un indice céphalique très inférieur à celui de la moyenne de la population française actuelle, est en comparaison ce que nous appellerions très province. Ce besoin d’agir, et de faire grand, jusqu’à toucher à la mégalomanie, se confine dans des limites plus sages chez l’Anglais, l’Allemand, le Scandinave, mais il faut bien dire que la hardiesse à tout casser de l’Américain réussit parfaitement. Son esprit plein de ressources lui permet de réaliser les conceptions les plus extravagantes, et d’en tirer le plus grand profit.
Le même besoin d’action a toujours déterminé chez l’Aryen une combattivité intense. Les Grecs, les Gaulois, les Germains furent les plus grands batailleurs de l’antiquité. La chevalerie du Moyen Age et les noblesses modernes furent également batailleuses à l’extrême. Souvent on oppose cette humeur à celle du paisible brachycéphale, laborieux souffre-douleur du dolicho-blond. Il ne faut pas pousser l’effet à l’extrême. Le brachycéphale est peu hardi, pour être brave il a besoin d’être beaucoup. C’est en grande partie pour cela qu’il est souffre-douleur. Seulement il n’a pas le monopole du travail. Les ancêtres de l’Aryen cultivaient le blé, dont on trouve des grains dans les poteries néolithiques, alors que ceux du brachycéphale vivaient encore probablement comme des singes, et si le paysan français ou piémontais travaille, le paysan hollandais, scandinave ou américain ne me parait pas travailler moins. Il le fait seulement avec moins d’effort, par des moyens plus intelligents. Quant à l’ouvrier d’industrie anglais ou américain, il a seul assez de tête pour se débrouiller dans certaines machineries. Les ouvriers parisiens envoyés à Chicago pour le montage des expositions françaises furent obligés de revenir au bout de peu de jours, hors d’état de soutenir la concurrence, ou même de se servir des outils perfectionnés. Il suffit de visiter une ferme anglaise et une française, un logement d’ouvrier en Écosse ou dans une ville de France, pour avoir l’impression d’une différence d’étage social entre travailleurs de race différente, occupés au même travail.
Cette combattivité intense n’a pas fait de l’Aryen seulement un conquérant, militaire et industriel, mais aussi un homme libre. Entre rudes compagnons il s’établit d’une manière nécessaire une transaction sur les bases d’une grande indépendance individuelle.
Les rapports avec autrui. Psychologie politique. — Les rapports de l’individu de race Europæus avec autrui sont dominés par deux qualités contradictoires en apparence, qu’il possède au plus haut degré. La première c’est son individualisme. Il pense, veut, agit pour soi, n’admet pas l’étranger dans sa vie. Vienne l’occasion où il a besoin des autres, et réciproquement où les autres ont besoin de lui, l’égoïste froid et implacable s’humanise, emploie toutes ses facultés pour le succès commun, et s’il le faut se sacrifie de propos très délibéré. Réfractaire à la moindre tentative d’autorité, se hérissant à la moindre atteinte à sa liberté personnelle, l’Aryen devient volontairement le soldat modèle et se soumet à toutes les disciplines civiles, quand cela devient nécessaire. Il n’y a pas d’homme qui aime autant avoir sa maison à lui seul, et isolée, il n’y en a pas non plus qui s’affilie comme il le fait à une multitude de sociétés de toute nature.
Cette solidarité intense donne aux peuples Anglo-Américains une puissance menaçante. Dès à présent, on peut dire qu’un Anglais, simplement parce qu’il est Anglais, peut se permettre en tout pays ce qui est interdit aux nationaux eux-mêmes. Il spécule ainsi sur la volonté arrêtée des peuples faibles de ne point se faire d’affaires. Dès l’antiquité les Romains avaient mis ce principe en pratique : Civis sum Romanus.
Cette solidarité n’est pas seulement défensive, une assurance pour la suppression des risques. Chez les peuples de race aryenne, elle a plutôt la conquête pour but, une conquête pécuniaire, morale, militaire, ce qu’on voudra, mais quelque chose à enlever à autrui ou au néant.
Chez l’homme, la lutte pour l’existence change de caractère par l’intervention de la solidarité. La lutte de chacun contre tous et de tous contre chacun continue, mais elle cède le pas aux luttes de groupes, dans lesquels les individus se trouvent solidarisés contre l’ennemi commun. L’homme, en d’autres termes, s’associe pour lutter, mais cette solidarité intervenante n’est qu’un moyen de succès, car elle n’est pas avec tous, mais seulement avec ses compagnons d’intérêts. À l’ouvrier succède l’usine, le bazar à la boutique, au combattant succède l’armée, la bataille au meurtre individuel. La boucherie fait en grand, et aussi la guerre sèche, politique, religieuse, industrielle, commerciale, qui tue comme l’autre, mais sans empourprer le sol, excepté quand les vaincus préfèrent la mort prompte du suicidé à la mort lente par les privations, les fatigues ou la faim brutale.
Par sa manière agressive de concevoir la solidarité, l’Aryen possède une supériorité écrasante sur les autres races, et sur le bracycéphale en particulier. L’Aryen aime à se mettre en avant, le brachy à rester en arrière. La solidarité du premier est celle de la meute chassant le sanglier, chacun poussant l’autre pour charger le premier, et comptant sur les compagnons pour l’aider, s’il trouve trop de résistance. La solidarité du second est celle du troupeau de mouton, où chacun cherche à se cacher derrière le voisin, et compte sur lui pour passer inaperçu au moment du danger. Avec la première solidarité, on va loin car ceux qui tombent n’arrêtent pas les autres, avec la seconde la résistance dure tant que les moins lâches, ceux qui osent rester au premier rang n’ont pas disparu. Eux tombés ou en fuite, c’est la débandade, le sauve-qui-peut, le chacun pour soi, le massacre ou la servitude bassement et sournoisement acceptée. La solidarité du brachycéphale, quand il lui arrive d’être agressive, c’est celle de la masse liguée contre les chefs, des imbéciles contre les intelligents, des lâches contre ceux qui veulent marcher, c’est le coup parti de la foule, dont personne n’est responsable, c’est la persécution hypocrite et légale, contre laquelle il n’est pas permis de protester. C’est la solidarité pour l’irresponsabilité.
Ces qualités de l’Aryen se manifestent dans la pratique par un développement intense des libertés publiques. L’homme libre, dans l’antiquité, appartenait d’une manière souvent exclusive à la race Europæus. Aujourd’hui on peut dire que seuls les peuples de cette race sont libres. La liberté se manifeste de toutes les façons : liberté individuelle, l’homme garanti contre toutes incarcération arbitraire, et son domicile inviolable, liberté de la parole et de la presse, même et surtout en matière politique, liberté de réunion, d’association. La liberté d’association en matière politique est une chose dont nous ne pouvons nous faire une idée en France, habitués au régime arbitraire. En Angleterre, en Hollande, en Norvège, encore plus aux États-Unis les citoyens sont embrigadés dans de vastes partis organisés d’une manière régulière et permanente. Chaque opinion politique a ses comités locaux, dont l’existence est officielle, légale, et non tolérée. Les associations pour un but politique déterminé sont innombrables. Les réunions politiques sont libres, et les meetings se tiennent souvent au grand air, les promenades étant seules assez grandes pour contenir des participants qui se comptent par dizaines de mille. Les sociétés politiques ont des drapeaux, des insignes, des fanfares, et parcourent les rues quand il leur plaît, entraînant parfois cent mille manifestants, qui marquent par leurs cris et les inscriptions de leurs pancartes l’orientation de leurs volontés. Le gouvernement ne fait pas charger les manifestants, et recueille comme des indications précieuses les adresses et les cris. Que l’exécutif soit représenté par un président, par une reine ou par un roi, il a le tact de comprendre qu’il doit gouverner d’après les tendances et dans les intérêts de la nation. Il lui reconnaît un droit de contrôle, et la faculté de l’exercer comme il lui plaît.
Ces rapports du citoyen avec le gouvernement sont toujours une cause d’étonnement pour le Français qui débarque en pays aryen. Il nous manque dans le cerveau quelque chose pour les comprendre. En théorie nous sommes censés avoir droit aux mêmes avantages. C’est ce qui résulte d’un vieux papier centenaire qui s’appelle la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, mais les rapports du peuple avec l’exécutif montrent combien sa souveraineté est illusoire. Après cent ans de révolution et trente de république, le peuple se sent moins roi que sous la Convention, et ceux qui le gouvernent le traitent plus que jamais en enfant rebelle. Le souverain n’a la permission d’exprimer ce qu’il pense que par un bulletin de vote, en silence, et de loin en loin. Encore ne vote-t-il pas sur une question, mais pour des hommes. Encore n’a-t-il pas le choix de ces hommes. On les lui présente, et c’est à prendre ou à laisser. Or, ce sont des individus sans mandat qui les présentent et sont les vrais électeurs. Encore ne doit-il pas trop laisser soupçonner le nom qu’il a mis dans l’urne : s’il est ouvrier, fonctionnaire, employé, il pourrait lui en cuire. Les élections faites, le pauvre souverain ne compte plus, les élus sont tout, et les élus de ses élus. Il ne conserve aucun contrôle ni aucun droit d’exprimer ce qu’il pense si ses élus le trahissent ou le grugent.
J’adore les manifestations. C’est pour l’homme qui pense un régal vraiment de voir rosser Sa Majesté par ceux qu’elle paie. La police, quoi qu’on dise, est assez impartiale. Elle ne regarde guère à l’opinion. On proteste ? Cela suffit ! Elle cogne. Sa Majesté doit souffrir sans se plaindre. Dans une existence déjà longue j’ai vu assommer les républicains sous l’Empire, et les bonapartistes sous la République. J’ai vu assommer les communards, les royalistes, les radicaux, les libres penseurs, les cléricaux, les socialistes, les anarchistes, les patriotes et les internationalistes. Si l’on dépouillait pour une longue période, trente ans par exemple, les dossiers des condamnations politiques prononcées par une magistrature toujours attentive aux ordres des puissants du jour, on verrait que le bilan des partis s’équilibre. C’est ce qui fait supporter les formes modernes de la tyrannie. Chacun sait que son tour viendra. Demain le battu d’aujourd’hui tiendra le bâton à son tour, mais celui qui le tient ne songe jamais à le briser par prudence.
Ce régime n’est pas précisément de la liberté, mais le Français est ainsi fait qu’il préfère à sa liberté personnelle le pouvoir intermittent d’opprimer les autres. Quant à l’opprimé, il reste à peu près passif, attendant que son ennemi perde l’équilibre, car jamais un gouvernement ou un parti n’est renversé que par lui-même. C’est pourquoi le respect des forces des autres n’impose pas chez nous ces transactions qui font la constitution des peuples libres. L’Aryen d’Angleterre ou d’Amérique renonce à dominer dans les affaires du prochain, à la condition qu’on ne se mêle point des siennes, mais il n’y a point de race capable du même sacrifice.
C’est par opposition avec notre psychologie servile de brachycéphales que l’on arrive à faire comprendre celle de l’Aryen, l’homme libre de race. En pratique les institutions nationales des deux groupes ethniques sont l’exact contraire Chez nous, en matière de droit commun, l’arrestation des citoyens, les perquisitions, les confiscations d’objets sont soumises à des règles strictes, mais les avantages dont jouissent les malfaiteurs ou présumés tels, les adversaires politiques ne peuvent les revendiquer. En matière politique, d’une manière courante, on arrête sans mandat, on détient sans instruction, parfois dans une maison d’aliénés, ces Bastilles modernes, on perquisitionne à toute heure, chez n’importe qui, en l’absence des intéressés, on prend ce qu’on veut, et on le garde si l’on veut. On connaît l’histoire célèbre d’un bibliophile mort récemment, collectionneur de pamphlets, dont la bibliothèque, saisie sous l’Empire sous prétexte de détention d’ouvrages prohibés, passa aux mains d’un très haut personnage, puis fut, par un reste de pudeur, versée à la Nationale. Elle y est encore, le bibliophile ayant en vain, après la chute de l’Empire, essayé d’obtenir par voie judiciaire la réparation de cet « acte de gouvernement ».
C’est qu’en effet, il n’y a pas de recours légal contre l’acte de gouvernement. Qu’un citoyen soit séquestré, dévalisé ou assommé, l’agent subalterne est légalement irresponsable[3]. C’est le ministre qui est responsable, politiquement devant la Chambre, judiciairement devant la Haute Cour, mais la Haute Cour ne se dérange point pour les particuliers, encore moins pour les ennemis politiques.
Il faut bien le dire, à mesure que l’opinion est représentée par des masses plus populaires et plus brachycéphales, on trouve un moindre souci des libertés diverses pour lesquelles se sont fait tuer, sans grand succès, beaucoup d’hommes des générations précédentes. Il est probable que la suppression du jury dans les catégories de procès politiques où il fonctionne aujourd’hui, et même celle de la liberté, relative, de la presse, seront un fait accompli d’ici peu d’années. La perte de ces parcelles de liberté politique ne soulèvera pas d’orages, car, visiblement, les Français d’aujourd’hui n’en ont guère souci. Ceux qui tenaient à ces libertés sont morts et n’ont pas laissé d’enfants. C’est pourquoi notre république est une monarchie où le gouvernement est faible et change au caprice du vent, le d’insister. mais reste auréolé d’un prestige de droit divin. C’est exactement l’inverse de l’Angleterre, qui est une monarchie à gouvernement républicain, et aussi de la Hollande et de la Norvège[4].
La situation des élus eux-mêmes devient précaire. L’expulsion de Manuel produisit sous la Restauration un effet prodigieux. Aujourd’hui le citoyen de notre République lit d’un œil distrait le récit en quatre lignes de l’expulsion d’un député cueilli à son banc par la garde républicaine, comme un voleur dans un tapis franc. C’est qu’en effet le régime parlementaire lui-même ne répond en rien à notre psychologie politique et n’a pas de racines chez nous. Il est en Angleterre un produit naturel de ces transactions propres aux peuples aryens. Il est sorti de la nécessité de représenter un système compliqué de seigneuries, de communes, de corporations, organes très vivants d’un État dont le pouvoir central était faible. Chez nous, après le travail de la monarchie absolue et de la Révolution, qui ont détruit toutes les puissances politiques secondaires, il n’y a rien en face du gouvernement, qu’une poussière humaine, comme dans l’Empire romain. Le parlement représente cette poussière et son caractère différent en France et en Angleterre est affirmé par son mode de recrutement.
Le régime parlementaire, copié par à peu près dans la Charte octroyée, a donné d’assez bons résultats tant qu’il n’a pas été compliqué par l’addition du suffrage universel. Tel qu’il est pratiqué, ou plutôt parodié aujourd’hui, les résultats en sont nuls ou mauvais. Le parlement et l’exécutif se paralysent à l’excès, le premier n’arrive pas à produire une loi applicable et il en vient à ne plus trouver le temps de voter les budgets, le second ne peut entreprendre aucune réforme, ni même poursuivre une politique extérieure.
Chez les autres peuples non aryens, les résultats sont encore infiniment pires, et cependant le parlement et l’exécutif devraient être à peu près d’accord, car les élections sont presque partout de pures comédies, les candidats du gouvernement passent toujours et passent seuls. Il faut faire exception pour l’Allemagne, où le système fonctionne un peu moins mal qu’en France, mais cet État est en majorité de population aryenne. En Italie, en Espagne, dans l’Amérique du Sud, les résultats sont franchement désastreux, et je crois inutile d’insister.
La combinaison du suffrage universel avec le régime parlementaire n’a donné, aux États-Unis même, que de médiocres résultats. Ce qui s’y passe n’est pas de nature à faire désirer que l’exécutif soit, chez nous aussi, élu par le peuple et pourvu de pouvoirs forts, comme le voudrait un parti nombreux. En Amérique ce système a directement abouti à l’instabilité des fonctions de tout ordre, au développement prodigieux de la classe des politiciens, tarés là-bas comme chez nous, et tout droit au tammanisme. Je sais bien que les menées et les votes des Irlandais et des immigrés sont pour beaucoup dans ce désordre, mais si l’intervention d’éléments ethniques étrangers a contribué à fausser le mécanisme, il ne faut pas oublier qu’en Angleterre, au siècle dernier, dans la plus belle période du régime parlementaire, le Parlement vendait des lois à bureau ouvert.
En Amérique, les inconvénients sont très atténués par la liberté d’action des individus, et aussi par le peu d’influence, jusqu’ici, du gouvernement sur les affaires privées. Chez nous, où presque rien n’est permis sans autorisation administrative, le danger pourra devenir plus grave. Le système du tammanisme a été développé en France par le célèbre Cornélius Herz, citoyen de New-York et ancien affilié de Tammany-Hall. La corruption organisée par lui n’a point dépassé ce qui se pratiquait à la cour de Louis XV, mais ce n’était vraiment pas la peine de faire la Révolution pour revenir à ces pratiques. Il est probable que le tammanisme est appelé à prendre chez nous des proportions plus grandioses. Son existence est liée d’une manière logique à celle du régime ploutocratique, dont la puissance croissante se développe sous nos yeux.
Il est d’ailleurs assez illogique de réclamer des élus une probité politique dont les électeurs ne donnent en rien l’exemple. Au prix que coûtent les élections, en France, en Italie ou en Amérique, il faut de bonnes affaires pour que le mandataire n’y soit pas du sien. Ne nous étonnons donc pas qu’il vote dans son intérêt personnel, comme a fait son mandant.
Psychologie religieuse. — La psychologie religieuse de l’Aryen, comme sa psychologie politique, reflète les tendances héréditaires de la race. De même qu’il est l’homme libre par excellence, il est aussi l’homme religieux. Ce sont des choses contradictoires pour notre psychologie française, mais qui s’accordent parfaitement dans celle des Anglais ou des Américains. Avec nos habitudes d’indifférence, à peine atténuées chez les pratiquants, nous sommes tout déconcertés du spectacle que nous offrent les peuples dolicho-blonds les jours de dimanche. Cette observation des pratiques religieuses par toute la population nous étonne. La vie religieuse se mêle d’une manière intime à la vie sociale, comme chez nous au Moyen Age, quand la même race dominait chez nous. Ces hommes graves et affairés, qui font de la théologie et discutent des questions inintelligibles pour nous entre deux affaires de blés ou de pétroles, nous apparaissent comme d’une autre espèce. Ils sont seulement d’une autre race. Habitués à ne voir, en fait de publications religieuses, que des Croix ou d’ineptes platitudes sur les miracles de Lourdes ou le culte du Sacré-Cœur, nous restons béants devant la prodigieuse richesse de la littérature religieuse anglo-saxone, et la puissance intellectuelle de ceux qui la produisent. Les livres de cet ordre font à peu près un huitième de l’American Catalogue et de l’English Catalogue. On en publie autant que de romans chez nous, et ils se vendent comme chez nous les romans. Les associations religieuses sont innombrables, et certaines sectes, comme les Shakers, vont jusqu’à se séparer du monde, non pas pour ne rien faire comme nos moines, mais en véritables colonies agricoles.
Cette haute religiosité se trouve déjà chez les Aryens antiques, des Grecs et des Hindous aux Gaulois et aux Germains. Elle a puissamment aidé à la conservation des éléments dolicho-blonds amenés par les migrations dans des milieux peuplés de races étrangères. La nécessité d’une descendance légitime, issue d’une femme de sa race, a sauvé du mélange les tribus migratrices. Le culte des ancêtres ne parait pas avoir existé chez les peuples de race dolicho-blonde restés dans les contrées natales, mais il a joué un rôle capital chez les Hindous, les Grecs et les Romains. Nul ne pouvant jouir de l’autre vie sans l’accomplissement régulier des sacrifices faits par un descendant, l’immortalité des défunts était subordonnée à la perpétuité de la descendance, et chacun se devait, à lui et à ses ancêtres, de ne point mourir sans postérité. L’affaiblissement de cette idée aboutit à la décadence romaine, facilitée par la notion grossière et obscène du mariage chrétien, fornication tolérée par crainte de pire : melius est nubere quam uri. Cette formule de profonde dégradation morale est un recul sur la notion du mariage aryen, conforme à la notion d’immortalité réelle. Je renvoie, pour son appréciation plus étendue, à ce que j’ai dit dans les Sélections, p. 305 et suivantes.
Voyez aussi la préface en tête de ma traduction du Monisme de Haeckel (Paris, Schleicher, 1897).
Les barbares du nord, ne vivant pas campés au milieu de races inférieures à leurs yeux, ne paraissent pas s’être confinés dans les mêmes pratiques familiales, et l’intensité de leurs croyances religieuses s’est manifestée autrement. Les Scythes passaient pour les plus religieux des hommes, et la religion des Gaulois paraît avoir revêtu des formes élevées. Nous savons peu de choses sur les religions des Germains, les documents que nous possédons étant presque tous de date chrétienne. Au moment où ils sortaient de leurs forêts, le monde romain venait de commettre l’incalculable faute d’embrasser une hérésie juive. Depuis des siècles, Mars et Jupiter, si prodigues de leur présence aux temps héroïques, avaient cessé de paraître sur les champs de bataille et de caresser les mortelles. Les libres penseurs en venaient à douter qu’ils eussent jamais existé. Le christianisme n’avait trouvé devant lui qu’une religion officielle, défendue par le pouvoir mais à laquelle croyaient seuls les pagani, ce que nous appellerions les ruraux.
Le christianisme n’est pas précisément une religion très élevée. L’anthropomorphisme de la divinité, les pratiques de la théophagie religieuse, qui sont un reste d’anthropophagie religieuse le placent au-dessous de l’islamisme. Son monothéisme n’est pas bien pur : la trinité du Dieu, la juxtaposition d’une demi-divinité féminine, en font un moyen terme entre les divinités babyloniennes et le dieu seul des musulmans. Les peuples classiques, habitués à beaucoup plus de dieux et bien plus humains, ne s’arrêtèrent pas à ces détails. La réduction à l’unité, même triple, de la cause du monde était un progrès pour les philosophes que n’avait pas encore touchés l’idée moniste. Ceux qui souffraient voyaient dans la religion nouvelle une perspective de compensation, ceux qui étaient heureux pouvaient espérer un bonheur plus grand. L’immortalité redevenait vraisemblable. Tout le monde romain se fit chrétien. Des trois religions en lutte, juive orthodoxe, chrétienne et mithriaque, la troisième disparut, la première resta sur les positions conquises.
Les barbares n’eurent pas de chance à ce tournant de leur évolution religieuse. Ils tombèrent dans une période de pleine ferveur. Le christianisme n’était pas la religion d’un peuple regardant l’avenir. Ses adeptes ne croyaient pas que le retour du Christ dût tarder, ils vivaient dans l’attente prochaine de la fin du monde et du jugement dernier. La vie n’était qu’une constante retraite, préparatoire à la fin prochaine. L’empire romain mourut en grande partie de cette insouciance de l’avenir temporel que professaient les chrétiens, et de la sélection religieuse formidable qui engloutissait dans l’ascétisme les âmes les plus hautes et les plus vertueuses. Les barbares établis dans l’Empire, avant et après la chute de la puissance romaine, furent, en raison de leur intense religiosité, pris en masse par le courant. Les premiers siècles du Moyen Âge sont marqués par la fondation d’une immense quantité de couvents, et de l’ancien territoire romain, le mouvement gagne bientôt l’Irlande, l’île des saints, une partie de l’Angleterre, et le sud de la Germanie. En Irlande le résultat de cette sainteté fut lamentable. Tout ce qu’il y avait d’honnête s’étant fait moine, les descendants des autres ne valurent guère. Les vies de saints irlandaises nous expliquent la genèse de l’Irlandais historique. La sélection religieuse fut moins intense dans les autres régions aryennes, où le christianisme fit assez lentement sa voie. Il mit plusieurs siècles à s’installer autour de la Baltique. Il n’était plus la religion du dieu qui allait revenir demain, il s’efforçait d’être celle d’un avenir terrestre dont la durée pouvait être indéfinie. On ne se jetait plus avec la même frénésie dans les cloîtres. Les régions les plus aryennes échappèrent donc aux premiers ravages de la sélection religieuse.
Quand éclata la Réforme, les peuples dolicho-blonds l’embrassèrent aussitôt. Entre l’esprit de l’Église, tout d’autorité, et l’esprit aryen, tout d’indépendance, il existait une irréductible antinomie. Avec la Réforme, chaque fidèle devenait son évêque et son pape. Cela était plus conforme aux instincts de la race. L’ambition des princes, les persécutions de l’Église contribuèrent à modifier les résultats des aspirations naturelles, mais cependant la frontière du protestantisme est à peu près exactement celle de la dolichocéphalie. Tout le N. O. de l’Europe est protestant, tout ce qui appartenait à l’Empire romain est catholique. L’influence de la race et celle de la durée de la sélection religieuse se font sentir à la fois. De la région dolicho-blonde, l’Irlande, l’Artois et les Flandres sont seuls restés catholiques. Le protestantisme a un peu débordé en Allemagne sur la Saxe brachycéphale, et il a une enclave autour de Genève, mais dans ces deux régions la classe supérieure était plus nettement dolicho-blonde au temps de la Réforme qu’elle ne l’est aujourd’hui. Chose remarquable, en Allemagne la corrélation de la religion et de la race se poursuit jusque chez les individus, dans les régions mixtes. Les groupes protestants ont des indices de deux ou trois unités inférieurs à ceux des catholiques.
La Réforme est donc à considérer comme une tentative l’adaptation du christianisme aux tendances héréditaires de la race aryenne. Comme la liberté, elle n’a jamais pu s’implanter fermement chez d’autres races.
Le développement intense de la religiosité chez les peuples protestants est dû à trois causes : le naturel de la race, la culture religieuse intense développée par les discussions auxquelles cette race se plaît, et l’absence de sélection ecclésiastique. Le célibat religieux, qui depuis quinze siècles a retiré du monde les êtres les plus scrupuleux, les plus fervents, a laissé le soin de la reproduction à ceux qui avaient le moins de vertu, le moins de religiosité, le moins d’empire sur eux-mêmes. Il est arrivé ce qui devait arriver. Le monde catholique est peuplé d’indifférents, la moralité moyenne et l’amour du prochain sont très au-dessous de ce qu’ils sont en pays aryen. Depuis trois siècles que les peuples dolicho-blonds sont affranchis de la sélection ecclésiastique, ils ont réparé leurs pertes, bien moindres au temps de la Réforme que n’étaient celles des peuples plus anciennement convertis. L’écart augmente d’une manière croissante, et il ira en s’augmentant, jusqu’à la destruction des peuples catholiques.
L’intensité de la foi religieuse chez les peuples dolicho-blonds n’exclut pas la tolérance. Il ne faudrait pas exagérer l’étendue de celle-ci dans certains milieux protestants, mais on ne trouve cependant rien de comparable au fanatisme espagnol ou arabe. La liberté religieuse la plus absolue existe aux États-Unis, où les mormons seuls peuvent se plaindre d’être persécutés. Je ne plaiderai pas en faveur des dogmes bizarres du mormonisme et de ses livres saints parfaitement apocryphes. Ce n’est d’ailleurs pas sur le terrain des dogmes, mais sur celui de la morale que le mormonisme a été combattu. Le point de départ des chrétiens a été que leur morale était la bonne, donc que celle des mormons était mauvaise. Ce point de vue est parfaitement faux.
Pour chacun les bonnes mœurs sont seulement celles de sa religion, et on peut dire qu’il n’y a point de morale indépendante, pas même celle du monisme, car celui-ci est ainsi une religion. Il n’y aura de pleine liberté religieuse que le jour où l’état restera neutre entre les morales. La liberté morale est la partie la plus précieuse de la liberté de conscience. L’État ne peut intervenir que dans le cas où une religion ou une morale porteraient atteinte à la liberté d’autrui, ou à l’existence de la nation, et son intervention doit être limitée strictement au nécessaire. Jamais il ne doit tendre à imposer la morale d’une religion sous prétexte qu’elle est conforme aux bonnes mœurs, et le nom même de morale doit disparaître des lois. Laissez les catholiques pèleriner à Lourdes, mais n’empêchez pas, au nom de la morale chrétienne qu’ils méprisent, les boudhistes, les brahmanistes, les juifs, les musulmans et les mormons de pratiquer la polygamie, et les sélectionnistes de rejoindre à leur guise l’humanité future.
L’Aryen dans les affaires. — Les premiers hommes d’affaires du monde sont sans contredit les Anglais et les Américains. Tandis que les Français, les Italiens, les Espagnols visent à obtenir des emplois, ou à faire un petit commerce facile, qui leur permette de vivre aux dépens des producteurs, les peuples dolicho-blonds poussent à l’extrême le mépris des fonctions, de la culture, fabriquent et commercent en grand. En toutes choses ils sont de prodigieux money makers. Les milliards semblent jaillir du sol sous leurs pieds, mais ce sont leurs mains et surtout leurs cerveaux qui les produisent. Assurément la richesse des terres sans maître a développé la culture aux États-Unis, mais le Brésil et la Russie ont aussi d’immenses espaces de terres neuves, qui n’ont point provoqué le même essor de culture. Assurément la houille est un facteur de la richesse anglaise, mais la Chine aussi est un bloc de houille, et n’a jamais essayé d’en tirer parti. Les richesses naturelles ont besoin d’être mises en œuvre, et les peuples dolicho-blonds le font avec une rapidité, une puissance d’action sans pareilles.
L’Aryen est naturellement agriculteur, il devient aisément ouvrier. C’est un producteur par excellence. En cela il se distingue profondément du Juif, qui lui aussi est money maker mais ne touche volontiers ni à la terre ni à l’outil. Les Juifs ruraux de Russie sont si peu agriculteurs que la plupart des colonies fondées par le baron Hirsch ont péri en peu de temps. Les Juifs russes importés ainsi en Argentine se sont rapidement dispersés, ils se sont faits cabaretiers, colporteurs, usuriers, métiers qui vont mieux à leurs aptitudes. L’Aryen n’est donc pas purement bourgeois comme le Juif, il est ce qu’il convient d’être, et ses facultés le servent aux champs, à l’usine, dans la marine, dans le commerce, dans les professions diverses qu’il embrasse souvent tour à tour, et qui toutes lui réussissent. En cela il a une écrasante supériorité sur son concurrent.
Tous deux sont joueurs. Le dolicho-blond a toujours été spéculateur. La conquête était une spéculation des Gaulois et des Germains, l’aléa de la richesse ou de la mort. Aujourd’hui l’Anglais, l’Américain spéculent sur les cotons, les cuivres et les blés. Les Juifs aussi le font, mais chez les premiers la spéculation porte le plus souvent sur des choses réelles, tandis que les seconds spéculent indifféremment sur la rente française et sur les mines de caoutchouc du nord de l’Irlande. La spéculation juive est rarement utile au commerce et presque toujours nuisible aux particuliers.
On n’arrive guère à la fortune autrement que par spéculation. Les Américains font donc souvent de colossales fortunes. Les Carnegie, les Blair, les Rockefeller, les Armour sont aussi riches ou plus riches que les Rothschild, mais il y a dans le millionnaire américain un fonds de grandeur qui manque au millionnaire juif. Tandis que ce dernier ramasse les millions par instinct atavique, comme son ancêtre rognait les ducats, l’autre opère en gentilhomme qui joue des fortunes sur le tapis vert. Rien de plus fréquent que de voir un Américain perdre avec philosophie des dizaines de millions, et refaire avec sérénité une fortune égale. Rien de plus fréquent que de voir les sommes colossales amenées par la chance et le génie des affaires entre les mains d’un Américain passer en tout ou en partie dans de grandes œuvres d’utilité publique. La fortune du Californien Stanford, venue des chemins de fer, a servi à créer Stanford University. Plus de cent millions sont passés dans cette institution, fondée pour fabriquer, non des gradués, mais, soyez étonnés, ô Français ! des hommes instruits, capables de gagner leur vie. Je ne sais où en est Rockefeller avec l’Université de Chicago, mais je pense qu’il doit avoir dépassé son trentième million. L’emploi que font les spéculateurs américains de leurs fortunes permet souvent ainsi de les absoudre. Ce qui a pu être pris au prochain, retourne plus largement au prochain.
L’éducation Anglo-Saxonne. — Les aptitudes naturelles de la race sont relevées par une éducation toute d’action, et bien faite pour elle. Ce n’est pas que l’instruction des Anglais et des Américains soit négligée, même l’instruction classique. S’ils savent en général un peu moins de grec ou de latin, ils ont lu plus d’auteurs en traduction, et ils connaissent mieux les langues modernes. L’instruction scientifique est plus développée, le jeune homme est mis en mesure de comprendre le monde de machines dans lequel il est appelé à vivre, et les forces physiques et biologiques de la nature. Il est plus instruit des causes, et plus apte à savoir appliquer les effets. La différence la plus grande porte sur l’éducation morale. Celle-ci est tournée tout entière vers le développement de l’action et de la responsabilité. Dans la famille et à l’école, l’enfant, au lieu d’être comprimé, est laissé libre de se débrouiller à son aise, et à ses risques. Il sait que de bonne heure il lui faudra compter sur soi seul, et il s’exerce.
Ce mode d’éducation, conforme au besoin d’indépendance de la race, et aux habitudes de liberté, n’est pas encore une des choses qui étonnent le moins les Français. C’est que l’éducation a été inspirée chez nous par des considérations différentes. La culture des humanités avait pour but d’adoucir, de policer une aristocratie forte et brutale, de dériver au profit de l’intelligence l’excès de virilité qui rendait sa direction difficile dans un état catholique et centralisé. Ce but a été atteint, même dépassé. La race vigoureuse et de grand caractère est éteinte. Le brachycéphale de nos jours n’a rien de commun avec l’Aryen du Moyen Age et de la Renaissance. C’est par la servilité, le manque de caractère et de virilité qu’il pèche. Et la même culture, inconsidérément continuée, fournit aujourd’hui des détritus d’intellectuels, des critiques, des décadents, des symboliques, des peureux, des émasculés, des névropathes, des anarchistes, pas un homme.
On a proposé, M. Demolins en dernier lieu[5], de donner aux Français une âme anglo-saxonne, en les élevant comme des Anglo-Saxons. Ce système, je le crains, ne donnerait pas de meilleurs résultats chez nous que le régime parlementaire.
Assurément, par l’éducation, c’est-à-dire par l’habitude, on peut amener l’individu à faire des actes qui ne sont pas dans sa nature, mais cette adaptation individuelle et factice a ses limites. Elle développe, mais ne crée pas les facultés, elle ne change pas le fonds de l’homme, et vienne une circonstance où les habitudes sont bouleversées, le naturel reparaît au galop. Vous pouvez développer l’aptitude au travail, les bonnes manières, l’amour du prochain, si votre sujet n’est pas un fainéant, un rustre, un égoïste absolu, mais vous ne ferez jamais d’un indécis un homme à résolutions promptes et fermes, d’un esprit grégaire un penseur audacieux. Avec un travail infini, répété à chaque génération, car l’habitude ne s’hérite pas, vous pouvez arriver, d’une manière imparfaite, à imiter chez un peuple les qualités d’un autre, mais celui-ci aura toujours l’avantage écrasant de n’avoir pas à les apprendre, et de les posséder pour de bon.
On n’arriverait donc point ainsi à égaliser les chances, même si l’on obtenait un plein succès, mais ce succès me paraît bien douteux. Élever des Espagnols et des Français à la manière américaine, en espérant que cette éducation les fera ressembler à des Américains, c’est probablement compter sur l’impossible. Il est même probable que la différence des instincts pousserait les jeunes gens à faire un mauvais usage des facilités destinées à les habituer à vivre comme des hommes. La même raison fait douter que l’on puisse importer chez nous le système de la coéducation des sexes, couramment pratiqué dans les pays aryens. L’expérience de Cempuis n’a pas donné de brillants résultats. On s’en est pris à Robin, c’est à tort, le pédagogue n’a fait que méconnaître la puissance des instincts de race. Disciple de Rousseau, il n’a pas prévu ce qu’un darwinien aurait su prévoir. Chose curieuse, les critiques les plus amères contre l’échec relatif de l’expérience sont venues du côté des catholiques. C’est pourtant l’Église qui est la principale coupable. C’est la sélection religieuse qui a fabriqué l’extraordinaire poupée française, espagnole ou italienne incapable de penser à autre chose qu’à sa toilette, et de rester seule avec un homme sans danger pour tous deux. Après que quarante générations ont livré au cloître les femmes les mieux douées, et laissé le soin de la reproduction aux autres, on ne doit point s’étonner que, de déchets en déchets, on soit arrivé à produire un être si différent de la femme aryenne.
Et à quoi bon servirait de donner une âme anglo-saxone à un petit nombre d’individus, solidaires sans rémission d’une masse inerte de quarante millions d’hommes qui demandent seulement le repos ? Cela n’est peut-être souhaitable ni pour la France, nation honoraire, ni pour ces individus même. Il en naît encore quelques-uns de faits comme le voudrait M. Demolins. Les pavés courent après tout seuls ! Non seulement leur action est nulle, mais ils sont regardés comme des fous, comme un danger social. Les Français ont-ils tort de les traiter ainsi ? Je n’oserais le dire. La présence de gens forts, actifs et bruyants est plutôt inutile dans un dortoir d’octogénaires.
Psychologie aryenne et dolichocéphalie. — La hardiesse, la ténacité, la dolichocéphalie, la dépigmentation, l’élévation de la taille sont des caractères de H. Europæus. Il n’en faudrait pas conclure que Europœus est d’une mentalité supérieure à cause de sa dolichocéphalie. Ce raisonnement a été fait souvent par les adversaires du sélectionnisme, et quelques-uns me l’ont prêté, pour demander ensuite pourquoi les nègres n’étaient pas aussi des hommes supérieurs. Je n’ai jamais dit ni pensé rien de semblable, mais il est possible que l’avenir montre en effet une corrélation générale entre la conformation longiligne du cerveau et une plus grande dose d’activité impulsive. C’est un fait récemment observé dans divers pays que les races dolichocéphales tendent à occuper les situations sociales dominantes. Ainsi au Mexique le brachycéphale indigène ne tend pas à s’élever, la classe supérieure, qui n’est pourtant Europæus que pour une faible partie, a des indices plus faibles. De même à Java le Chinois domine le Malais. Il parait en être ainsi jusque parmi les tribus nègres, les dolichocéphales, comme les Dahoméens, occupant un niveau plus élevé. Toutes les races envahissantes sont dolichocéphales. Il est donc possible que la disposition et la grandeur relative des parties du cerveau soit telle chez les races à crâne long que le siège de certaines facultés soit plus développé chez elles. La supériorité de l’Aryen sur ces autres races à crâne long résulterait alors de la possession d’autres facultés, qui viennent se joindre à celles-ci, et qui précisément seraient indépendantes de sa dolichocéphalie. En d’autres termes, il unirait aux qualités propres à la dolichocéphalie d’autres facultés, qui lui constitueraient un choix hors ligne d’aptitudes supérieures.
Je n’insiste pas sur ces considérations. Les matériaux font défaut pour une étude comparative des diverses races autres que celles de l’Europe centrale et occidentale. Je crois devoir signaler cependant les résultats très curieux obtenus par Ammon en ce qui concerne les Juifs. Des épreuves de son grand ouvrage en cours de publication (Zur Anthropologie der Badener, Iena, Fischer, 1899), j’extrais les renseignements suivants. Les conscrits juifs sont un peu moins brachycéphales que les Badois, 83.5 contre 84.1. Ils ont aussi les dimensions de la tête plus fortes, 185 et 154 contre 182 et 153. Les conscrits représentent la classe inférieure, celle qui ne fait pas d’études aboutissant au volontariat. Si on les compare aux élèves des divisions supérieures des collèges, on trouve que les collégiens juifs ont un indice bien plus faible, 81.3 et des dimensions absolues différentes, 181 et 151. On observe une différence analogue chez les Badois, mais celle-ci rentre dans la règle banale de la différence d’indice des éléments sélectionnés et non sélectionnés dans une population mixte Europæus et brachycéphale. Le cas des Juifs est infiniment curieux, il prouve que, tout au moins dans le Grand-Duché, la sélection des classes se fait dans les mêmes conditions que chez les Européens. On peut même ajouter que les élèves juifs des collèges des trois grandes villes l’emportent sur ceux des autres établissements : 186, 151, 81.3 contre 185, 150, 81.4.
- ↑ Les travaux de M. Fouillée meritent une mention spéciale. L’auteur s’est placé sur le bon terrain, sa notion de race est celle de la race zoologique. Il s’est assimilé, avec une facilité remarquable, les résultats les plus récents de l’anthropologie pure et appliquée. On peut lui reprocher quelques erreurs et des confusions, mais la faute en est le plus souvent au changement de sens des mots. Ainsi il regarde les Irlandais et autres peuples de langue celtique comme brachycéphales, parce que Broca, jadis, avait appelé celto-slave la race brachycéphale. Il demande pourquoi le nègre, dolichocéphale, n’est pas supérieur comme le dolicho-blond, oubliant que la supériorité du dernier tient à sa race, dont elle est un caractère comme la dolichocéphalie même, et n’est pas l’effet de cette dolichocéphalie, qui sert seulement de critérium dans l’analyse clinique où il faut se servir d’éléments appréciables par l’œil et les instrument Voyez Psychologie du peuple français, Paris, Alcan, 1898 ; Le peuple grec, esquisse psychologique, R. des Deux-Mondes, 1898, cxlvii ; 46-76.
Voyez aussi Le Bon : Les lois psychologiques de l’évolution des peuples, Paris, Alcan, 1894 ; Psychologie des foules, 3e éd., Paris, Alcan, 1898. - ↑ Les Romains ont fait un jeu de mots sur gallus (coq), et Gallus (gaulois). C’était une allusion injurieuse à la fanfaronnade des Gaulois. Par une méprise singulière, le Gouvernement de juillet a été amené à faire du coq un emblème national. L’oiseau sacré des Gaulois était le corbeau. Piètre emblème de décadence que le roi du fumier, fanfaron devant ses poules, et qui fuit bec ouvert et tête basse, volaille apeurée, devant le balai d’une fille de ferme.
- ↑ Même en matière ordinaire, il est bien rare que les tribunaux ne répriment pas la résistance à une tentative illégale d’arrestation. La police et la gendarmerie sont sacrées, même quand l’acte auquel elles se livrent est qualifié crime ou délit. Je dois dire que j’ai vu un exemple du contraire et après vingt ans j’en reste frappé. Instruisant à Chambon pour une affaire de vol de bois, j’envoyai quérir par un gendarme l’auteur du délit, une robuste Marchoise qui refusa de suivre. Le gendarme insista, employa la force, fut rossé, son uniforme mis en lambeaux. Je poursuivis, suivant l’usage. Le Tribunal, par un jugement bien motivé, acquitta la prévenue, déclarant qu’elle avait agi dans la plénitude de ses droits repoussant une main mise qui constituait elle-même une infraction. L’honnête homme qui rédigea ce jugement se nommait Desvergnes-Lafont-Faye, et de toute évidence ne visait pas un grand avancement. Il fut d’ailleurs mis à la retraite peu après, quand Martin-Feuillée, de fâcheuse mémoire, reconstruisit la magistrature avec des éléments qui, hélas !, n’ont pas montré de docilité qu’en matière politique.
- ↑ Si l’on ne se paie point de fictions, il faut bien admettre que la reconnaissance des droits de la nation, — chez nous, ailleurs et en tout temps, — avait pour cause la crainte de l’émeute. Les lumières de la philosophie n’auraient pas suffi à convaincre les hommes d’État. La reconnaissance des droits du peuple fut motivée aux yeux des gouvernants moins par une très parfaite certitude de leur existence que par la nécessité d’un compromis avec une force considérable, et même irrésistible. En politique, pas plus qu’ailleurs, il n’y a de droits en soi, mais des forces avec lesquelles on transige, et l’émeute était une force.
Aujourd’hui la situation a changé dans tous les grands États. Le peuple ne peut guère contre le pouvoir. Avec les balles qui traversent les murs comme des feuilles de carton et les centaines de mille hommes que tout gouvernement respectable peut aligner dans les trois jours, il n’y a plus d’égalité entre l’émeute et l’armée. Il n’y a plus de barricades possibles aujourd’hui. Les trente mille cadavres de la Commune l’avaient déjà montré, que serait-ce aujourd’hui ?
Les rapports politiques entre les peuples et les pouvoirs ne sont donc pas appelés à rester longtemps ce qu’ils sont. Ironie ! Ce sont les progrès de la science qui les vont changer ! Il est trop humain que les pouvoirs abusent de la situation nouvelle. L’armée est aujourd’hui la protectrice, le rempart de la ploutocratie. C’est à peu près sa fonction unique, et depuis trente ans la nôtre n’a gagné en Europe qu’une bataille, celle de Fourmies : maigres lauriers d’ailleurs auprès de ceux que l’armée italienne a conquis à Milan. Et peu à peu, au lieu des régiments qui connaissent le peuple, puisqu’ils en sortent, les gouvernements seront amenés à employer en première ligne les régiments noirs et jaunes, dont on voit poindre les avant-gardes.
Nous marchons vers des temps très durs, vers une époque d’autorité abusive et souvent incohérente, exercée ici par l’exécutif et là par les Parlements, ailleurs encore par chacun des pouvoirs à son tour. Cela n’implique d’ailleurs en rien l’avènement de la monarchie dans les pays qui sous la forme républicaine, et surtout en France. Quand le chêne vermoulu a été arraché par la tempête, quand il a séché pendant un siècle sur le sol, vouloir le remettre debout, espérer faire sortir de puissantes frondaisons de ce cadavre, c’est de la folie pure. Nous allons vers des choses inconnues, différentes du présent, différentes du passé, mais non vers la liberté. Venise et la Bolivie, exemples très différents, peuvent servir à montrer que république n’est pas nécessairement synonyme de liberté ou de progrès. L’irresponsabilité de fait des gouvernements anonymes est propice au développement de la tyrannie. - ↑ A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons. Paris, Didot, 1897.