L’Edda de Sæmund-le-Sage/Le Poème de Hyndla

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anonyme
Traduction par Mlle  Rosalie du Puget.
Les EddasLibrairie de l’Association pour la propagation et la publication des bons livres (p. 245-252).


XV

LE POÈME DE HYNDLA




1. « Réveille-toi, vierge des vierges ! réveille-toi, mon amie, Hyndla, ma sœur, qui habites dans la grotte ! Il fait nuit maintenant, et nous devons nous rendre à cheval dans Walhall et les lieux saints.

2. « Saluons le père des armées à l’esprit clément ; il donne de l’or et récompense ceux qui le méritent. Hermod eut de lui une cotte de maille, et Sigmund un glaive.

3. « Il donne la victoire à ses fils, à quelques-uns la richesse, l’éloquence à ceux qui sont généreux, la raison aux hommes, le vent au navigateur, l’esprit poétique aux poètes, et le courage viril à beaucoup de guerriers.

4. « Sacrifie à Thor, et prie-le de se montrer favorable envers toi ; mais il ne sera clément envers les fiancées des géants que fort tard.

5. « Tire maintenant ton loup de l’écurie et laisse-le courir avec le licou runique. Le porc t’appartiendra ensuite. Je vais monter sur mon coursier, plein de fierté, pour suivre la route des dieux. »

6. Tu es rusée, Freya, et tu tournes les yeux vers nous pour me tenter. Tu conduis ton héros en la compagnie des morts. Ottar, le jeune fils d’Instein-----

7. « Tu es troublée, Hyndla, et tu rêves, je crois, en disant que mon époux est en la compagnie des morts, lorsque le porc, cet animal des héros, que deux nains habiles, Dain et Nabbe, ont fait pour moi, jette de l’éclat.

8. « De la selle sur laquelle nous sommes assises parlons des races royales et des héros issus des dieux. Ottar-le-Jeune et Angantyr firent un pari relativement au métal des morts[1].

9. « Le jeune héros a mérité qu’on lui vînt en aide pour entrer en possession de l’héritage de ses parents.

10. « Il a élevé des autels en mon honneur ; maintenant ce rocher est devenu du verre. Ottar l’a enduit du sang des jeunes taureaux ; il mettait toujours sa confiance dans les Asesses.

11. « Fais maintenant l’énumération des familles antiques et celle des races humaines : quels sont les descendants de Skœld, de Skilfing, d’Œdling, d’Ylfing, des héros et des Herses, ce peuple choisi parmi les peuples de Midgôrd ? »

12. Tu es Ottar, fils d’Instein, mais Instein était fils d’Alf-le-Vieux ; celui-ci descendait d’Ulf, Ulf descendait de Sjœ-fare, et Sjoe-fare de Svan-le-Rouge.

13. Ta mère, riche par son collier, fut possédée par ton père. Je me souviens que la déesse se nommait Hle-dis ; Frode était son père, Friant était sa mère, et cette race paraît être la plus illustre de toutes.

14. Ale était autrefois le plus puissant parmi les hommes ; avant lui Halfdan était le plus grand des descendants de Skœld. Ses combats furent célèbres au loin, et ses exploits paraissent s’étendre jusqu’aux pôles du ciel.

15. Il s’allia avec Eymund, le plus grand des hommes ; mais il tua Sigtrygg avec le fil rafraîchissant du glaive. Il posséda Almveig-la-Noble, et eut dix-huit fils avec elle.

16. C’est d’eux que descendent les races de Skœld, de Skilfing, d’Œdling et d’Yngling ; de ceux-ci descendent les héros et les Herses, ce peuple choisi parmi les peuples de Midgôrd. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

17. Hildigunn, la mère d’Almveg, était fille de Svafa et d’un roi de la mer. Tout cela est ta race, ignorant Ottar. Il est nécessaire de savoir ces choses ; dois-je continuer ce discours ?

18. Dag posséda Thora, la mère des Dræng ; de cette famille descendent les races des guerriers, Gyrd et Frad-mar, les deux Frekar, Am, Mur et Jofur, Alf-le-Vieux. Il est nécessaire de savoir ces choses ; veux-tu en entendre davantage ?

19. Ketill, héritier de Klyp, était un aïeul maternel ; celui de ta mère se nommait Frode ; il y avait avant lui Kare, mais Alf était encore plus ancien.

20. Nanna, fille de Nœkves, était leur plus proche parente, et son fils fut le parent de ton père. Cette famille est vieille ; j’en parlerai encore. Je connaissais Brodd et Hœrfer. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

21. On compte de nombreux héros depuis Isolf et Asolf, fils d’Œlmod et de Skurhildur, fille de Skekkil. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

22. Balk et Gunnar, Grim, Ard-Skave, Jærnskœld, Thorer, Ulf-à-la-bouche-ouverte ; Bue et Brume, Barre et Reifner, Tind et Tyrfing, les deux Hadding. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

23. Ane et Orne sont fils d’Arngrim et d’Ejvara ; la renommée de ces héros, formée par de nombreux exploits, parcourt la terre et la mer avec la rapidité des flammes. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

24. J’ai connu Brodd et Hœrfe, ils étaient courtisans de Hrolf-l’Ancien ; ils descendent de Jormunrek, le gendre de Sigurd. Écoutez ma saga sur le général du roi qui tua Fafner !

25. C’était un roi descendant de Vœlsung, et Hjœrdis descendait de Hrœdung ; mais Eylime descendait d’Œdling. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

26. Gunnard et Hœgne étaient héritiers de Gjuke, ainsi que leur sœur Gudrun. Guttorn n’était pas de la famille de Gjuke ; cependant il était leur frère. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

27. Harald-Hildetann, né de Hrœrik l’archer, était fils d’Auda ; Auda-Djupôgda était fille d’Ifvar, mais Rudbard était père de Randvers ; c’étaient des héros consacrés aux dieux. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

28. On a parlé de onze Ases : lorsque Balder descendit dans la colline de la mort, Vale était digne de le venger ; il tua le meurtrier de son frère. Tout cela est ta race, ignorant Ottar.

29. Le père de Balder était l’héritier de Bur ; Frey possédait Gerd, fille de Gymer et d’Œrboda, de la race des géants. Cependant Thjasse, ce fier géant, était leur parent, et Skade la fille de celui-ci.

30. Je te dis beaucoup de choses et j’en sais encore davantage ; peu de gens ici les connaissent. Dois-je continuer ce discours ?

31. Hake était le moins mauvais des fils de Hvedna, mais Hvedna était fille de Hjœrvard ; Hejd et Hrofstiof étaient de la famille de Hrimner.

32. Toutes les sorcières descendent de Vidolf, tous les magiciens de Vilmejde ; les devins descendent de Svarthœfde, et tous les géants d’Ymer.

33. Je te dis beaucoup de choses et j’en sais encore davantage ; peu de gens ici les connaissent. Dois-je continuer ce discours ?

34. Il est un homme qui naquit au commencement des temps, sa force grandit avec lui. Ce noble général du javelot fut mis au monde par neuf vierges de la race des géants.

35. Il fut mis au monde par Gjalp et par Grejp ; il fut porté par Elgja et Angeya, par Ulfrun et Œrgjafa, par Sidur, Atla et Jærnsaxa.

36. Les forces de la terre, les vagues de la mer et l’hydromel des poëtes furent la nourriture de cet enfant. Je dis beaucoup de choses et j’en sais encore davantage ; peu de gens ici les connaissent. Dois-je continuer mon discours ?

37. Le loup de Loke fut engendré avec Angerboda ; mais Loke procréa Sleipner avec Svadelfœre. Un animal féroce, le plus monstrueux de tous, tire son origine du frère de Biljest.

38. Loke trouva le cœur de la géante à demi consumé par le feu des passions ; cette méchante femme le rendit fort rusé. De là sont provenues toutes les sortes de fantômes qui errent dans les champs.

39. L’Océan s’élance contre le ciel lui-même et passe par-dessus le continent ; mais l’air s’entr’ouvre ; de là viennent la neige et les vents agiles ; puis on délibère pour faire cesser la pluie.

40. Il naquit un individu plus grand que tous les autres ; il fut nourri avec les forces de la terre ; on le nomma le plus riche des rois ; il était allié avec toutes les intelligences.

41. Il en viendra un autre encore plus puissant, mais je n’ose le nommer. Il y a peu d’hommes qui voient dans l’avenir au delà du moment où Odin ira à la rencontre du loup.

42. Portez à mon hôte le breuvage de mémoire, afin qu’il puisse nombrer toutes les paroles de cet entretien, quand, au troisième matin, il ouvrira avec Angantyr le compte des races.

43. Maintenant, éloigne-toi promptement, j’ai envie de dormir ; ma science ne t’en dira pas davantage. Tu cours la nuit, ami de feu, comme Hejdrun avec ses boucs.

44. Tu courus ainsi qu’un furieux avec une impatience toujours nouvelle ; tu en pris plusieurs sous ta basque. Tu cours la nuit, ami de feu, comme Hejdrun avec ses boucs.

45. « Géante, je lancerai du feu sur toi de manière à ce que tu ne puisses jamais t’éloigner d’ici. Tu cours la nuit, ami de feu, comme Hejdrun avec ses boucs. »

46. Je vois le feu qui brûle et la terre est en flammes ; plusieurs perdront la vie. Donnez à boire à Ottar de l’hydromel mélangé de poison pour sa perte.

47. « Tes sortilèges seront nuls ici, quoique tu promettes du mal, fiancée des géants. Il boira le précieux hydromel ; je prie tous les dieux d’assister Ottar. »


  1. L’or. (Tr.)