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L’Enclos du Rêve/03/Autrefois

La bibliothèque libre.
Alphonse Lemerre (p. 33-34).

AUTREFOIS

Nous allions, le soir, à pas lents,
Vers la pierre du puits branlant
Qu’ombrageaient des figuiers bibliques.

C’était l’heure où s’en va le jour,
Propice aux doux parlers d’amour.

Le soir se vêtait de tuniques,
Et les plis de ses voiles bleus
Se déroulaient, lents, onduleux,
Tandis qu’aux voûtes pacifiques,
Sur le velours des cieux lointains,
Brillaient les reflets argentins
Des étoiles mélancoliques.

C’était l’heure où s’en va le jour,
Propice aux doux parlers d’amour.


Des traînes opales de lune
Qui se glissaient l’une après l’une
Sur le vieux puits, semblaient neiger
Et tissaient un réseau léger
De fils d’argent sur les ramures.

C’était l’heure où s’en va le jour,
Propice aux doux parlers d’amour.

Nous écoutions tous les murmures,
Et le silence caressant
Nous baignait de sa paix sereine
Et modulait sa cantilène
Pour bercer notre émoi naissant.

Notre âme inquiète était pleine,
Lourde d’aveux imprécisés,
Mais nous nous taisions notre peine,
Où chantait le chœur des baisers.

Et notre vaine rêverie
S’en allait par la nuit fleurie :

Quand sonnait l’heure du retour
Nous n’avions pas parlé d’amour.