L’Encyclopédie/1re édition/ACCOMMODER

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 74).

ACCOMMODER, v. a. c’est apprêter des mets ou les préparer par le moyen du feu ou autrement, pour servir de nourriture ou d’aliment. Voyez Nourriture ou Aliment.

Le dessein de l’accommodage des mets devroit être de détacher la tissure trop compacte de la chair ou des viandes, pour les préparer à la dissolution & à la digestion dans l’estomac, la viande n’étant pas un aliment propre à l’homme lorsqu’elle n’est pas préparée. Il y en a qui pensent que la nature n’a pas eu en vûe d’en faire un animal carnacier. Voyez Carnacier.

Les opérations les plus ordinaires sont le rôti, le bouilli, l’étuvée. Il faut observer que dans le rôti, les mets supporteront une chaleur plus grande & plus longue que dans le bouilli ou l’étuvée, & dans le bouilli, plus grande & plus longue que dans l’étuvée. La raison en est que le rôti se faisant en plein air, comme les parties commencent à s’échauffer extérieurement, elles s’étendent, elles se dilatent, & ainsi elles donnent par degrés un passage aux parties raréfiées de l’air qu’elles renferment ; moyennant quoi les secousses intérieures qui operent la dissolution, en deviennent plus foibles & plus ralenties. Le bouilli se faisant dans l’eau, sa compression en est plus considérable, & par une suite nécessaire, les secousses qui doivent soulever le poids sont à proportion plus fortes ; ainsi la coction des mets s’en fait beaucoup plus vîte : & même dans cette maniere de les préparer, il y a de grandes différences ; car l’opération est plûtôt faite, à mesure que le poids d’eau est plus grand.

Dans l’étuvée, quoique la chaleur dure infiniment moins que dans les autres manieres d’accommoder, l’opération est beaucoup plus vive, à cause qu’elle se fait dans un vaisseau plein & bien clos ; ce qui cause des secousses beaucoup plus souvent réitérées & reverberées avec beaucoup plus de vigueur : c’est de là que procede la force extrème du digesteur ; ou de la machine de Papin, & que l’on peut concevoir plus clairement l’opération de la digestion. Voyez Digesteur & Digestion.

M. Cheyne observe que le bouilli sépare ou détache une plus grande partie des jus succulens que contiennent les mets, qu’ils en deviennent moins nourrissans, plus détrempés, plus légers, & d’une digestion plus aisée : que le rôti, d’un autre côté, laisse les mets trop pleins de sucs nourrissans, trop durs de digestion, & qui ont besoin d’être plus détrempés ou délayés. C’est pourquoi on doit faire bouillir les animaux robustes, grands & adultes, dont on veut faire sa nourriture : mais on doit faire rôtir les plus jeunes & les plus tendres.