L’Encyclopédie/1re édition/ADVOUÉ
ADVOUÉ, adj. (Jurisprud.) signifioit anciennement l’Advocat, c’est-à-dire, le Patron ou Protecteur d’une Eglise ou Communauté Religieuse.
Ce mot vient, ou du Latin Advocatus, appellé à l’aide, ou de advotare, donner son suffrage pour une chose.
Les Cathédrales, les Abbayes, les Monasteres, & autres Communautés ecclésiastiques, avoient leurs Advoüés. Ainsi Charlemagne prenoit le titre d’Advoüé de Saint Pierre ; le Roi Hugues, de Saint Riquier : & Bollandus fait mention de quelques Lettres du Pape Nicolas, par lesquelles il établissoit le saint Roi Edouard & ses successeurs Advoüés du Monastere de Westminster, & de toutes les Eglises d’Angleterre.
Ces Advoüés étoient les Gardiens, les Protecteurs, & en quelque sorte les Administrateurs du temporel des Eglises ; & c’étoit sous leur autorité que se faisoient tous les contrats concernant ces Eglises. Voyez Défenseurs, &c.
Il paroît même par d’anciennes chartres que les donations qu’on faisoit aux Eglises étoient conférées en la personne des Advoüés.
C’étoient eux qui se présentoient en jugement pour les Eglises dans toutes leurs causes, & qui rendoient la justice pour elles dans tous les lieux où elles avoient jurisdiction.
C’étoient eux qui commandoient les troupes des Eglises en guerre, & qui leur servoient de champions & de duellistes. Voyez Combat, Duel, Champion.
On prétend que cet office fut introduit dès le tems de Stilicon dans le IV. siecle : mais les Bénédictins n’en font remonter l’origine qu’au VIII. act. S. Bened. S. III. P. I. Præf. p. 9. &c.
Dans la suite, les plus grands Seigneurs même firent les fonctions d’Advoüés, & en prirent la qualité, lorsqu’il fallut défendre les Eglises par leurs armes, & les protéger par leur autorité. Ceux de quelques Monasteres prenoient le titre de Conservateurs : mais ce n’étoit autre chose que des Advoüés sous un autre nom. Voyez Conservateur.
Il y eut aussi quelquefois plusieurs Sous-advoüés ou Sous-advocats dans chaque Monastere, ce qui néanmoins fit grand tort aux Monasteres, ces Officiers inférieurs y introduisant de dangereux abus ; aussi furent-ils supprimés au Concile de Rheims en 1148.
A l’exemple de ces Advoüés de l’Eglise, on appella aussi du même nom les maris, les tuteurs, ou autres personnes en général qui prenoient en main la défense d’un autre. Plusieurs villes ont eu aussi leurs Advoüés. On trouve dans l’Histoire les Advoués d’Ausbourg, d’Arras, &c.
Les Vidames prenoient aussi la qualité d’Advoüés ; & c’est ce qui fait que plusieurs Historiens du VIII. siecle confondent ces deux qualités. Voyez Vidame.
Et c’est aussi pourquoi plusieurs grands Seigneurs d’Allemagne, quoique séculiers, portent des mitres en cimier sur leur écu, parce que leurs peres ont porté la qualité d’Advoüés de grandes Eglises. Voyez Mitre & Cimier.
Spelman distingue deux sortes d’Advoüés ecclésiastiques en Angleterre : les uns pour les causes ou procès, qu’il appelle Advocati causarum ; & les autres pour l’administration des domaines, qu’il appelle Advocati soli.
Les premiers étoient nommés par le Roi, & étoient ordinairement des Advocats de profession, intelligens dans les matieres ecclésiastiques.
Les autres qui subsistent encore, & qu’on appelle quelquefois de leur nom primitif Advoüés, mais plus souvent Patrons, étoient & sont encore héréditaires, étant ceux-mêmes qui avoient fondé des Eglises, ou leurs héritiers. Voyez Patrons.
Il y a eu aussi des femmes qui ont porté la qualité d’Advoüées, Advocatissæ ; & en effet le Droit canonique fait mention de quelques-unes qui avoient même droit de présentation dans leurs Eglises que les Advoüés ; & même encore à présent, si le droit de Patronage leur est transmis par succession, elles l’exercent comme les mâles.
Dans un Edit d’Edouard III. Roi d’Angleterre, on trouve le terme d’Advoüé en chef, c’est-à-dire, Patron souverain qui s’entend du Roi, qualité qu’il prend encore à présent, comme le Roi de France la prend dans ses Etats.
Il y a eu aussi des Advoüés de contrées & de provinces. Dans une chartre de 1187, Berthold Duc de Zeringhem est appellé Advoüé de Thuringe ; & dans la notice des Eglises Belgiques publiée par Miræus, le Comte de Louvain est qualifié Advoüé de Brabant. Dans l’onzieme & douzieme siecle, on trouve aussi des Advoüés d’Alsace, de Souabe, &c.
Raymond d’Agiles rapporte qu’après qu’on eut repris Jérusalem sur les Sarrasins, sur la proposition qu’on fit d’élire un Roi, les Evêques soûtinrent, « qu’on ne devoit pas créer un Roi pour une ville où un Dieu avoit souffert & avoit été couronné », non debere ibi eligi Regem ubi Deus & coronatus est, &c. « que c’étoit assez d’élire un Advoüé pour gouverner la Place, &c. ». Et en effet, Dodechin, Abbé Allemand, qui a écrit le voyage à la Terre-sainte du XII. siecle, appelle Godefroy de Bouillon, Advoüé du saint Sépulchre. (H)